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  • JN01069 T-shirt blanc, t-shirt noir

    JN01069 T-shirt blanc, t-shirt noir

    J’ai l’impression que Jérém fait durer sa cigarette, comme pour se donner le courage d’aller au bout de ce coup de tête.

    Je ne peux m’empêcher de me demander toujours et encore pourquoi il fait ça, qu’est-ce qu’il vient chercher dans cette boîte à mecs.

    En attendant, au gré des rafales de vent, quelques mots sortant de la conversation de la petite bande, arrivent à mes oreilles.

    « Pour une fois qu’on arrive à traîner Romain au On Off, il faut fêter ça ! » j’entends l’un des gars se moquer gentiment du beau brun au t-shirt noir.

    Un petit sourire tout juste amorcé sous la barbe bien fournie de ce dernier me confirme que son prénom est bien Romain. Trésor inestimable, que le prénom d’un bogoss.

    « Il n’a pas besoin de ça pour pécho, lance un deuxième gars, il s’est tapé la moitié de la ville !

     — Et ça, c’est parce qu’il a dit non à l’autre moitié ! plaisante le premier gars.

     — Ça ne vous dirait pas de vous occuper de votre cul, les mecs ? » fait le beau barbu, en sortant de son silence, sur un ton dans lequel j’ai l’impression de voir se mélanger amusement, agacement, et fierté masculine.

    Une rafale de vent un peu plus forte agite bruyamment le feuillage des platanes de l’autre côté du boulevard.

    A force de mater le beau barbu, je finis par croiser son regard. C’est un regard excessivement sensuel mais froid, distant, sans expression, qui met mal à l’aise et que je n’ose soutenir que pendant une fraction de seconde.

    Tout dans son attitude et dans son regard semble indiquer que rien ni personne ne semble vraiment l’intéresser. Rien, mis à part lui-même. Car la seule chose qu’il semble affectionner c’est d’être regardé, désiré, jalousé. Et au final, les autres, y compris sa petite bande, ne semblent être à ses yeux qu’un moyen à sa disposition pour célébrer sa primauté virile.

    Je me demande qui parmi ces gars a eu l’honneur de goûter à la virilité du beau barbu. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y en a pas un seul qui n’en rêverait pas.

    Lorsque j’ose enfin lever mon regard, je réalise que le beau barbu regarde toujours dans ma direction. Ou presque. Soudain, je suis saisi d’un doute, qui devient rapidement certitude. En fait, son regard ne m’est pas destiné. En réalité, je crois que c’est mon Jérém qu’il est en train de mater.

    Tout comme mon beau brun semble viser à son tour le beau Romain.

    Là, je commence vraiment à me sentir inquiet. Un échange de regards entre beaux bruns, ça ne présage rien de bon. Quand je dis que je dois veiller au grain…

    Jérém vient enfin de terminer sa clope. Il balance nonchalamment le mégot avec l’index et je le vois décoller ses épaules musclées du mur et se diriger droit vers l’entrée.

    Je sais que je ne pourrais pas l’empêcher de franchir le seuil du On Off. J’ai très envie de me tirer de là, mais rentrer chez moi en sachant mon Jérém « tout seul » dans une boîte gay, c’est un truc au-dessus de mes forces.

    La petite bande vient de bouger en même temps que nous, le beau brun Romain en tête. Résultat des courses : mon beau Jérém et le beau Romain arrivent en même temps près de l’encadrement de la porte. Les deux avant-bras à la peau mate se touchent, les deux t-shirts de couleurs opposées se frôlent. On dirait presque que c’est fait exprès.

    Jérém se tourne vers Romain, le regard dur. Je sais que, notamment dans l’état d’esprit où il est après les émotions au KL et pendant notre retour en voiture, il ne va pas falloir le chauffer ce soir, sous peine de le voir démarrer au quart de tour.

    Mais Romain n’a pas l’air impressionné, pas du tout même. Il le regarde fixement, sans se démonter. Les deux mâles bruns se toisent. Dans le regard de Jérém il y a un début de surchauffe, dans celui de Romain, une sorte de défi, un je-ne-sais-quoi de volontairement impertinent.

    Bien évidemment, alors que cet échange de regards me semble s’étirer sur une petite éternité, il ne dure en réalité qu’une fraction de seconde. Et ça se termine lorsque le beau Romain finit par lâcher un mot d’apaisement :

    « Ça va aller, mec ? »

    Un mot qu’il balance tout en faisant un pas en arrière et en baladant son regard de Jérém à moi et de moi à Jérém, en essayant probablement de jauger si nous sommes ensemble ou si nous sommes juste potes.

    « Ça va aller » répond mon beau brun, tout en détournant son regard et en poursuivant son chemin.

    Romain lui emboîte le pas, suivi à son tour par la petite clique qui s’empresse de marcher dans le sillage de son chef de meute. Je rentre en dernier, toujours hésitant à l’idée de mettre les pieds au On Off, toujours perturbé à l’idée de voir mon Jérém y mettre les siens.

  • JN01068 Petit accident à la sortie du KL et ses conséquences

    JN01068 Petit accident à la sortie du KL et ses conséquences

    Nous venons de quitter la salle techno et nous ne sommes plus qu’à quelques pas de la sortie, lorsque je ressens une forte pression sur l’épaule. Je m’arrête net. Je sais que c’est sa main. J’ai redouté que cela puisse arriver, tout autant que je l’ai souhaité. Je me retourne. Jérém est là, et me regarde fixement. Il a l’air très contrarié, dans ses yeux, le regard noir des mauvais jours.

    « Tu fais quoi ? il me questionne sur un ton autoritaire.

     — Je vais rentrer » je lui balance en lui indiquant Martin qui, ne s’étant pas rendu compte tout de suite de mon arrêt brutal, s’est arrêté quelques pas plus loin et regarde la scène à distance.

    « Avec lui ?

     — Oui… 

     — Tu vas pas faire ça ? il me lance.

     — Et pourquoi pas ? Tu as une autre option à me proposer ?

     — Ça se peut bien !

     — Tu n’étais pas parti avec cette pouffe, toi ?

     — Mais tais-toi, tu n’as rien pigé !

     — De toute façon, maintenant c’est trop tard, je lui ai dit oui.

     — Alors casse-toi et ne vient plus de me faire chier ! » il me balance à la figure. Puis, il fait demi-tour et se barre.

    Une partie de moi a envie de le laisser filer et de partir avec Martin sans tenir compte de son caca nerveux, de lui montrer que je ne suis pas son toutou, que je peux avoir des aventures de mon côté, comme lui a les siennes. Et que je n’ai pas de comptes à lui rendre, tout comme lui estime ne pas en avoir à en rendre vis-à-vis de moi.

    Je le regarde filer tout droit, revenir à grand pas vers la salle, s’éloigner de moi sans se retourner. Jérém n’est pas le genre de gars à supplier. Il demande, ou plutôt il commande. Il n’est pas habitué à ce qu’on lui dise non, et sa réaction est sans appel.

    Une partie de moi crie à tue-tête qu’il mériterait mille, dix mille gifles pour être aussi arrogant, aussi inconséquent, aussi hypocrite, aussi culotté pour me faire ce genre de sketch.

    Et pourtant, l’image de Jérém qui s’éloigne de moi, avec une démarche sèche et rapide dans laquelle je ressens toute sa jalousie me prend aux tripes. La peur de le perdre pour de bon, et par ma faute, me tétanise.

    Alors, dans le doute, dans la crainte, dans ma faiblesse, dans mon amour, ignorant désormais le beau Martin, je cours rattraper mon beau brun. Et tant pis si mon amour propre va encore en prendre un coup.

    Je le rejoins juste avant qu’il ne s’engouffre à nouveau dans la salle. Je pose à mon tour ma main sur son épaule. Jérém se retourne comme une furie, il me repousse.

    « Fiche-moi la paix ! » il me balance. Ses mots claquent comme un coup de feu.

    J’ai quand même réussi à l’arrêter, et à le faire se retourner vers moi. Mais ses yeux noirs fulminent. J’ai toujours pensé que Jérém est encore plus sexy, si possible, quand il est énervé. Ceci dit, je crois que je n’ai pas intérêt à le provoquer davantage, car je crois qu’il est à deux doigts de me planter son poing dans la figure.

    « C’est quoi l’option que tu as à me proposer ?

     — Tu fais chier !

     — Pourquoi, tu es jaloux ? je le cherche.

     — Ferme ta gueule !

     — Je ne te permet pas de… 

     — Ferme-là je te dis ! »

    Très vite, je comprends la raison de l’insistance et l’urgence de Jérém à vouloir me faire taire.

    « Ça va, les gars ? » j’entends la voix de Thibault nous questionner.

    Le beau mécano vient de nous rejoindre. Je ne l’ai pas vu venir. Est-ce qu’il a assisté à une partie de la scène ? Est-ce qu’il en a compris les tenants et les aboutissants ?

    « Ouais, répond le beau brun.

     — Thierry te cherche.

     — Il veut quoi ? fait Jérém sèchement.

     — Il voudrait que tu le ramènes chez lui… lui et une nana.

     — Maintenant ?

     — Je peux les ramener, si tu veux, mais il te faudra ramener les autres plus tard.

     — Non, c’est bon, j’y vais maintenant.

     — T’es sûr ?

     — Oui !

     — T’as pas trop bu ?

     — Je te dis que ça va aller ! Je vais rentrer et je vais me coucher. J’ai besoin de dormir avant le match de demain.

     — Tu me ramènes ? je le questionne ouvertement.

     — Si tu veux… »

    Je suis content d’avoir osé, et je suis heureux de sa réponse. Je suis heureux de rentrer avec lui. Certes, nous avons deux incrustes. Mais j’espère bien qu’après avoir déposé Thierry et sa meuf, Jérém m’amènera faire un tour dans l’appart de la rue de la Colombette. Et j’espère aussi avoir l’occasion de l’entendre s’exprimer un peu plus sur le sketch qu’il vient de me faire.

    « Ok, rentrez bien alors, j’entends le beau mécano nous lancer.

     — On se voit demain aprèm » fait Jérém, tout en passant un bras derrière l’épaule du beau mécano et en y allant franco de la bise, alors que les pectoraux, tout juste séparés par deux fines couches de coton, se frôlent.

    Nous retrouvons Thierry en train de fumer juste à côté de la sortie de la boîte. Une petite brune à quelques mètres de là est en train de discuter au téléphone.

    « On y va ? fait Jérém sèchement en l’apercevant. 

     — Désolé de t’embêter, mec, mais Justine veut rentrer.

     — Dis plutôt que tu veux te la taper, oui !

     — Je te revaudrai ça, mon pote, fait le charmant Thierry, le regard fripon et très sexy.

     — T’inquiète, je te dois bien ça ! »

    Une minute plus tard, nous sommes dans la 205 rouge feu et nous roulons en direction du centre-ville. Installé dans le siège conducteur à côté de Jérém, je regarde la rocade défiler, tout en essayant de ne pas me laisser happer par les malaises que je ressens vis-à-vis de Thierry et de la nana– qui roucoulent à tout va à l’arrière de la voiture – et celui vis-à-vis de Jérém qui, le regard fermé, froid, ne lâche pas un traître mot.

    Je donnerais cher pour savoir ce qui se passe dans sa tête. Pour savoir s’il est énervé, vexé, jaloux, pour savoir ce qui le tracasse, vraiment, dans son for intérieur. Plus les minutes passent, plus il me tarde, en même temps que je le redoute, de déposer Thierry et Justine pour me retrouver seul avec mon bobrun et avoir une explication avec lui.

    Je me demande si Jérém avait vraiment prévu de rentrer avec moi cette nuit. Ou bien si cette « option » n’est justement pas la conséquence de m’avoir vu lui échapper, de m’avoir vu partir avec Martin…

    Et si Thierry n’avait pas été pressé de rentrer pour conclure avec cette nana, est ce que Jérém aurait eu le cran de repartir une fois de plus de boîte, seul avec moi ?

    Quoi qu’il en soit, ce quiproquo a quand même eu du bon. Il a obligé mon beau brun à sortir à découvert, à montrer sa jalousie, à se montrer possessif. A se « battre » pour me retenir. Et ça, j’ai vraiment beaucoup kiffé.

    Même si, en le regardant conduire, renfermé dans son silence obstiné, je sens que tout ça va avoir des conséquences. Je sens que l’orage gronde dans sa jolie tête, et je sais que ça va tomber dès que nous serons que tous les deux.

    Nous quittons la rocade à Purpan, et Jérém se gare devant le portail d’une résidence à proximité de l’hôpital. Je descends de la 205 pour laisser passer les deux tourtereaux.

    « Merci Jéjé, merci beaucoup, fait Thierry en quittant la voiture.

     — Amusez-vous bien » lui lance Jérém, tout en saluant son pote avec une bonne poignée de mec et avec un regard complice.

    Je reprends place dans la 205 et Jérém repart aussitôt, sans un mot. Lorsque nous rejoignons l’avenue d’Angleterre, je le vois prendre une profonde inspiration, se frotter le nez, l’attitude d’une valve de cocotte prête à relâcher la pression accumulée depuis un long moment.

    Je sens que c’est maintenant que ça va tomber. Trois, deux, un… BAM !

    « C’était qui ce bouffon ? il me hurle dessus, en laissant exploser sa colère.

     — Et sinon, c’était qui cette pouffe avec qui je t’ai vu partir ? je lui balance du tac-au-tac, excédé par son culot.

     — T’as rien compris ! C’est juste une pote !

     — Une pote qui t’a sucé dans ta voiture ?

     — Une pote qui est partie au Pas de la Casa et qui m’a dépanné pour les cigarettes ! »

    Ah… c’était donc ça, cette nana ? Mince, alors…

    Ok, je me suis trompé, je me suis laissé berner par les apparences, j’ai vraiment cru que Jérém allait partir avec cette nana pour s’envoyer en l’air. Mais ce n’est pas comme s’il n’était pas capable de me faire un tel sketch ! Je n’ai toujours pas digéré ce qui s’est passé le week-end dernier !

    « Un mec qui m’a proposé de finir la soirée avec lui, je réponds enfin à sa question, en jouant cartes sur table.

     — Et tu as dit oui…il me gronde.

     — Parce que je croyais que tu étais parti t’envoyer en l’air ! »

    Bien évidemment, si j’avais su qu’il y avait une chance pour que nous rentrions ensemble, jamais je ne me serais laissé aborder par Martin. Mais en le voyant partir accompagné, mon sang n’a fait qu’un tour. Je ne pouvais pas supporter de me faire humilier de cette façon, une fois de plus. Aussi, si Martin n’avait pas été là, j’aurais pris sur moi. Mais Martin était là, et je me suis laissé emporter.

    « Et ce n’était pas le cas ! il me crie dessus.

     — C’est pas comme si ça n’avait jamais été le cas, comme si tu n’avais jamais préféré coucher avec une nana au lieu de coucher avec moi ! »

    Sa main frémit sur le volant. Ses yeux ne quittent pas la route, mais un léger mouvement de son regard et une bruyante inspiration par le nez me font comprendre que le beau brun accuse le coup.

    Je trouve ce sketch intolérablement culotté de sa part, mais également très plaisant à entendre. Ainsi, à sa façon, il tient à moi. A moins que ce ne soit tout simplement qu’une question d’ego.

    Quoi qu’il en soit, il est évident que le beau mâle est vraiment contrarié.

    « Tu coucherais avec n’importe qui ! il me lance avec mépris.

     — Pourquoi n’importe qui ? Il n’était pas mal ce mec. Même pas mal du tout, je repars à l’attaque.

     — C’est pas un mec pour toi ! » il gronde. Du mépris à la mauvaise foi, sa contre-attaque monte en puissance. Mais son arsenal est pauvre de munitions.

    « Ah bon, fais-je sur un ton provocateur, et maintenant tu sais quels mecs sont bons pour moi ou ceux qui ne le sont pas ?

     — T’as pas à faire ta chaudasse avec tous les mecs !

     — Bah tiens, tu peux bien parler ! je fais, mauvais.

     — Quoi donc ? il s’énerve.

     — Ça te va bien de me faire la morale, toi qui baises tout ce qui bouge. Tu crois que la pouffe que tu t’es tapée samedi dernier est une nana pour toi ? »

    Jérém accuse un nouveau coup. Je sens que la colère monte en lui à un niveau dangereux.

    « C’est pas pareil ! il me balance sur un ton très agressif.

     — En quoi ce n’est pas pareil ? Tu m’as dit que tu n’as pas de comptes à me rendre. Pourquoi j’aurai des comptes à te rendre, moi ? Tu me sonnes quand l’envie te prend, tu me jettes quand ça te chante ! »

    Jérém se mure dans un silence hostile. Touché une nouvelle fois, le cuirassé « Jérém » tangue, chancelle sérieusement. De la fumée sort du pont, il y a le feu à bord. Le système de communication doit être touché aussi, car aucun signal radio ne vient.

    Je regarde le haut de son torse onduler au rythme de ses respirations nerveuses. Et qu’est-ce qu’il est sexyyyyyyyyy !

    Une fois n’est pas coutume, je sens que je suis en position de force, alors j’en profite pour mener à bien ma manœuvre. J’ai envie de le mettre face à lui-même, devant ses contradictions, de le repousser dans ses derniers retranchements.

    « Tu me prends, tu me jettes, puis tu m’ignores. Il n’y a toujours que tes envies qui comptent, et tu te fiches de ce que je ressens et de ce dont j’ai envie. Je ne suis pas ton jouet, ni ton toutou ! 

    Je ne te demande rien, tu sais, je continue après un instant de silence lourd. Tu le sais que j’adore être avec toi, coucher avec toi, et qu’il te suffit d’un mot pour m’avoir près de toi. Mais quand tu me jettes pour aller voir ailleurs, et sous mes yeux en plus, comme tu l’as fait le week-end dernier, alors là, ne me demande surtout pas de t’attendre sagement !

     — T’as baisé avec le pédé de l’autre jour ? » il me lance à brûle-pourpoint.

    S’il remet ça sur la table, après m’avoir déjà posé la question en quittant le vestiaire du terrain de rugby le soir de notre « entraînement » à deux, c’est que ça doit vraiment le tracasser.

    « Le pédé a un nom. Il s’appelle Stéphane, j’assène froidement.

     — T’as baisé avec lui ou pas ? il insiste.

     — Oui, j’ai couché avec lui, je finis par admettre.

     — T’as menti l’autre jour ! il gronde.

     — Non, je ne t’ai pas menti, je m’arrange une nouvelle fois avec la réalité. Ça s’est passé après. Ça s’est passé dimanche dernier. Tu te souviens que samedi dernier tu m’as jeté comme une merde ? »

    Je vois mon beau brun froncer les sourcils, je vois son regard tourner de l’orage à la tornade. Le silence qui suit mes mots a quelque chose de lugubre.

    Ce n’est pas beau de frapper l’adversaire à terre. Mais je ne peux pas m’empêcher de lui balancer, en écho aux mots qu’il m’a lui-même balancés un peu plus tôt dans la soirée :

    « Tu fais la tête ? »

    Oui, c’est officiel. Moi aussi je peux être un petit con.

    « Ta gueule ! » il finit par lâcher, mauvais.

    Un silence assourdissant s’étire pendant les dernières interminables minutes du voyage. Je sens comme la vibration des questions qui se bousculent dans sa tête et qu’il ne sait pas, ou qu’il n’ose pas, verbaliser.

    « Alors il t’a fait des trucs de pédé que je ne te fais pas ? j’entends Jérém me balancer, alors que nous sommes arrêtés à un feu rouge.

     — Alors, la pouffe de samedi dernier t’a fait des trucs d’hétéro que je ne te fais pas ? je réponds du tac au tac.

     — Connard !

     — Connard toi-même. Samedi dernier tu m’as chauffé à blanc et après tu as été baiser cette nana. Alors le lendemain j’ai été coucher ailleurs. C’est aussi simple que ça. Il n’y a pas que toi qui as des occasions ! »

    Je sais que le beau brun est en train de bouillir. Je le vois à son attitude crispée, figée, je l’entends à son silence. Je viens de le mettre face à ses contradictions, une situation pour lui inédite. Je sens qu’il a du mal à ruminer ce que je viens de lui balancer. Et je sais que ça ne va pas se passer comme ça.

    Nous traversons le Pont Neuf dans un silence pesant. Je me demande quelles sont ses intentions pour cette nuit. Est-ce qu’il prévoit une bonne baise bien chaude dans son appart, est-ce qu’il prévoit de se défouler sexuellement sur moi pour « laver » l’affront que j’ai failli lui faire en envisageant de finir la soirée avec Martin, ainsi que ma mutinerie, le fait de l’avoir cherché et provoqué pendant tout le trajet en voiture ? Ou bien, est-ce que sa réaction, sa vengeance vont être tout simplement de me lâcher dans ma rue, sans un mot ?

    De boulevard en allée, de feu en feu, je le vois prendre la direction de la rue de la Colombette. Au final, je ne sais pas si je dois me sentir soulagé ou inquiet de cela.

    J’ai terriblement envie de terminer la soirée avec lui. Le fait est que je ne sais pas quelles vont être ses intentions. Je ne crois pas vraiment que je vais avoir droit à des explications de sa part, à une discussion apaisée pour mettre les choses à plat entre nous. Je pense plutôt que ce qui m’attend est une baise chaude et sauvage, suivie d’une froideur glaçante. J’ai peur de « l’après ». J’ai peur aussi des mots blessants qu’il pourrait me balancer, notamment si l’envie me prenait de chercher un peu de tendresse auprès de lui ou de ressayer de lui parler.

    La tendresse et le dialogue, voilà deux « choses » qui, à bien y regarder, me manquent plus encore que le sexe avec Jérém. Et ce n’est pas peu dire.

    Nous parcourons la rue d’un bout à l’autre sans trouver la moindre place pour nous garer. Nous débouchons sur le Canal et, par chance, nous trouvons une place libre juste avant le pont des allées Jean Jaurès.

    Jérém se gare avec un créneau impeccable dans la petite place disponible, toujours sans un mot. Le frein à main tiré, je le vois s’immobiliser. Je regarde cette sculpture grecque qu’est son torse moulé dans son t-shirt blanc, avec sa chaînette de mec abandonnée sur le coton fin, la clope au bec, le briquet à la main, en train de fixer je ne sais pas quoi à travers la vitre. Le beau brun a vraiment l’air très contrarié, et ça le rend sexy à un point que je ne saurais même pas exprimer. Pendant un instant, j’ai l’impression qu’il est en train de réfléchir à quelque chose et qu’il va me parler.

    Mais les secondes s’enchaînent et rien ne vient. J’ai envie de lui dire tant de choses, j’ai envie de lui dire que nous pourrions être tellement plus heureux tous les deux si seulement il acceptait que ce que nous vivons est beau et qu’il n’y a pas de honte à avoir. Mais j’ai avant tout envie de lui dire que je suis amoureux fou de lui depuis le premier jour du lycée et que la baise ne me suffit plus, car elle ne m’a jamais suffi.

    Mais je n’ose pas, car j’ai peur de le contrarier encore davantage. Chaque seconde de silence distille une tension qui commence vraiment à devenir insupportable.

    Jérém, parle-moi, s’il te plaît !

    Puis, à un moment, j’ai l’impression que le miracle va enfin se produire. Je vois mon bobrun prendre une profonde inspiration, de celles qu’on s’offre avant de sortir des mots difficiles à prononcer. Ça y est, il va me parler !

    « Tu descends ? » il finit par me lancer sur un ton froid, cassant, en douchant mes espoirs d’une conversation constructive.

    Le ton de sa voix n’exprime pas de colère, enfin, plus de colère, mais de la froideur, et de la distance, beaucoup de distance. Je m’exécute, je quitte sa voiture, la mort dans le cœur, alors qu’une profonde déception s’empare de moi. Plus que jamais, je me demande ce qui va se passer maintenant. Je suis de moins en moins sûr que je vais avoir le droit de monter à son appart.

    Jérém ferme la porte de son côté et allume enfin sa cigarette. Sans me calculer, il marche en direction de la rue de la Colombette en lâchant derrière lui un épais nuage de fumée.

    La nuit est tiède, le vent d’Autan souffle toujours, secouant les branches et le feuillage des platanes qui bordent le Canal. Je regarde l’eau qui coule paisiblement quelques mètres plus bas et je trouve saisissant le contraste entre l’immuabilité des éléments et le caractère éphémère et changeant des émotions et des passions humaines.

    Je commence à angoisser sur le fait que cette soirée se finisse de la pire des façons, sans autre explication, chacun partant de son côté. Mais pourquoi m’aurait-il amené de ce côté de la ville si c’était pour me laisser repartir ?

    Le vent d’Autan qui souffle sur ma peau me rappelle un moment de mon enfance. Il s’agit d’un autre souvenir de la ferme de mes grands-parents maternels, située dans le Lauragais, où nous nous rendions parfois dîner le dimanche. Je me souviens de ce vent d’Autan qui au printemps soufflait de façon insistante, qui balayait la cour, s’engouffrait sous les hangars, secouait les sapinettes, faisait grincer les branches des arbres et les tôles de l’appentis, faisait onduler l’herbe, le blé en train de mûrir, ou les jeunes plantes de tournesol qui venaient de sortir de terre. Je me souviens de cette ferme isolée et harcelée par le vent d’Autan, je me souviens de ces balades solitaires dans les champs, des moments qui étaient mon échappatoire vis-à-vis de ces repas qui s’éternisaient de façon insupportable pour l’enfant que j’étais à l’époque.

    Je me souviens de la sensation de calme qui se dégageait de ces dimanches après-midi après le repas de famille, de ce silence où seul le vent d’Autan osait se manifester. Et je me souviens de la profonde sensation de solitude que je ressentais en présence de ce vent d’Autan monotone, imperturbable, inlassable.

    Le vent d’Autan associé à une profonde sensation de solitude, voilà ce que je ressentais pendant ces balades du dimanche. Et c’est exactement ce que je ressens à nouveau à cet instant précis, en marchant derrière mon beau brun le long du Canal. Tout en me disant qu’il n’y a pas solitude plus cruelle que celle que nous ressentons à proximité de la personne aimée, lorsqu’on sait que nous sommes en passe de la perdre.

    Nous venons de passer l’intersection avec la rue Gabriel Péri et je ressens soudain un frisson monter dans le ventre. C’est lorsque j’aperçois l’enseigne rouge vif du On Off se dressant juste devant nous. Et alors que je m’attends à que Jérém trace direct vers la rue de la Colombette, il s’arrête pile à hauteur de l’entrée de la célèbre boîte gay sur le Canal.

    Le dos appuyé à un platane, il allume une nouvelle cigarette. L’air de rien, je sais qu’il regarde ce qui se passe de l’autre côté du boulevard Riquet.

    A côté de l’entrée de la boîte, cinq mecs discutent entre eux. Parmi eux, je capte immédiatement la présence d’un mec plus grand et à la plastique plus intéressante que les autres. Brun, très brun, avec des cheveux courts et épais et une barbe drue et plutôt bien entretenue. Aussi, son t-shirt noir semble mouler un torse tout simplement fabuleux, une plastique à la fois puissante et féline.

    Mon regard tangue entre la bogossitude vexée de mon Jérém au t-shirt blanc et la beauté ravageuse de cet inconnu au t-shirt noir.

    Au fond de moi, je culpabilise un peu de ressentir ce besoin irrépressible de regarder autant ce mec, alors que je suis avec le gars le plus canon à mes yeux, le gars que j’aime.

    Le fait est que lorsqu’on est autant passionné de beauté masculine que je le suis, et lorsqu’on croise un chef-d’œuvre dans le genre de ce beau barbu inconnu, on ne peut pas détourner le regard.

    Ce serait comme être passionné de peinture impressionniste, et s’interdire une visite au Musée d’Orsay sous prétexte que nous avons à la maison, admettons, la peinture originale du Déjeuner sur l’herbe. Lorsqu’on est passionné, la possession est accessoire, mais la contemplation nécessaire.

    Mais en amont de toutes ces considérations, je me demande ce que nous foutons ici. Qu’est-ce qui se passe dans la tête de Jérém à cet instant précis ? Est-ce qu’il est lui aussi en train de mater ce beau barbu, de très loin le plus sexy de cette bande de gars ? Mais il cherche quoi, au fait ? Est-ce qu’il a déjà mis les pieds dans cette boîte ? Est-ce que ça lui trotte dans la tête ? Est-ce qu’il est en « repérage » pour y revenir plus tard ? Quand je pense que cette boîte gay n’est qu’à quelques centaines de mètres de son appart, je ressens une immense inquiétude m’envahir. Jérém n’aura aucun problème à me remplacer, s’il veut baiser un mec.

    « On fait quoi, là ? je finis par lui demander.

     — Tu fais ce que tu veux, moi je fume ma cigarette ! »

     Me voilà bien avancé.

    Les gars à côté de l’entrée du On Off discutent assez fort pour que j’arrive à capter quelques passages de leur conversation. Je les entends parler de « Ciguë », de « B-Machine », autant d’endroits du milieu gay toulousain que je connais de nom, mais où je n’ai jamais osé poser le pied.

    Le beau barbu ne parle presque pas, se contentant de fumer sa cigarette.

    Parmi les gars de la petite bande, il y en a au moins deux qui ont l’air assez maniérés, et qui semblent prendre plaisir à en jouer. Je me demande également ce que Jérém pense en les regardant. Est-ce qu’il les regarde avec mépris ou, pire, avec dégoût ? Est-ce que c’est ça qu’il voit lorsqu’il me regarde ? Rien d’autre qu’un petit mec efféminé et maniéré ? C’est ça qui le dégoûte de moi ?

    C’est là que je vois mon beau brun écraser son mégot.

    « On rentre ? je ne peux me retenir de lui demander.

     — Vas-y, rentre si tu veux, il me répond, glacial.

     — Mais tu vas faire quoi ? je reviens à la charge, alors que j’ai l’impression qu’il se prépare à traverser le boulevard.

     — Mais tu ne vas pas rentrer là-dedans ? j’insiste, alors que j’ai désormais la certitude qu’il se dirige exactement vers l’enseigne lumineuse rouge vif.

     — Ah bon, et pourquoi ça ?

     — Mais c’est une boîte… à mecs… !

     — Sans blagues, je croyais que c’était une boulangerie » il se moque, mauvais.

    Ce n’est pas possible. Mon cœur s’emballe. Je sens la terre se dérober sous mes pieds.

    « Tu veux pas plutôt qu’on rentre et que je te fasse plaisir ? » je tente le tout pour tout. Je lui balance ça sur un ton qui doit laisser transparaître mon inquiétude et ma jalousie grandissantes.

    Jérém s’arrête net et me balance :

    « Ecoute-moi bien. J’ai envie de rentrer dans cette boîte et j’y rentrerai. Alors arrête de me casser les couilles ! »

    Avant d’ajouter, à ma grande surprise : « Soit tu viens, soit tu dégages ! »

    Mais qu’est-ce qu’il cherche ce petit con ? A savoir s’il plaît aux pédés ? Tester l’effet qu’il fait au milieu d’une boîte remplie de gays ? Mais il n’est nul besoin de tester ça, c’est une évidence. S’il met un pied dans cette boîte, il va provoquer une émeute !

    Je sais que dès qu’il va mettre un orteil dans cet endroit, tous les regards vont converger sur lui. Et les désirs également. Et je sais aussi qu’il lui suffirait d’un claquement de doigts – ou de braguette – pour me remplacer au pied levé. Et je sais qu’il a parfaitement conscience de cela.

    S’il te plaît, Jérém, s’il te plaît, renonce. Je suis là, je suis Nico, ton Nico. Allez Jérém, rentrons. Car ici tu ne trouveras personne qui te fera tout ce que je te fais, avec tant d’application, avec tant d’amour. Allez, s’il te plaît, rentrons. Ce soir je vais te faire jouir comme jamais. C’est promis, tu ne vas pas le regretter. Et puis, tu ne peux pas me faire ça, non, tu ne peux pas !

    Tout cela fuse dans ma tête sans que j’ose le verbaliser.

    « Mais Jérém… je tente une dernière fois de le retenir.

     — Fiche moi la paix » il me balance méchamment, tout en s’allumant une nouvelle clope, avant de traverser le boulevard derrière une voiture qui vient de passer.

    Je suis tellement abasourdi que je me laisse devancer de quelques pas avant de réagir et de lui emboîter le pas.

    De l’autre côté du boulevard, les basses étouffées de la musique techno du On Off résonnent dans la nuit tiède.

    En attendant que Jérém finisse sa clope, je laisse mon regard se balader discrètement pour essayer de me familiariser avec les lieux.

    Mais il est très vite happé par le beau brun barbu au t-shirt noir.

    Le gars doit avoir environ 25 ans, et il doit faire 1 mètre 80, je dirais. Vu de près, ma première impression se confirme pleinement. Le mec est superbement bien foutu, son torse est magnifique, ses épaules ont un angle de chute juste divin. Son physique est à la fois élancé et musclé, avec des bras puissants et des grandes mains de mec. Et ce t-shirt noir avec col en V qui souligne diaboliquement son anatomie est juste à se damner.

    Je ne m’étais pas trompé, le gars est brun, très brun. Aussi brun que mon Jérém. Et il a lui aussi la peau bien mate.

    Il a un visage de type effilé, coiffé par de beaux cheveux bruns très fournis et garni par une barbe brune soigneusement entretenue. Elle part de ses oreilles, habille la mâchoire, se déploie autour du menton et descend assez profondément autour de son cou. Elle remonte, empruntant deux chemins de part et d’autre de ses lèvres charnues et sensuelles, des chemins qui se rejoignent en dessous de son nez, droit et harmonieusement puissant.

    Ses yeux vifs, pénétrants, balayent sans cesse l’espace, son attitude semble sans cesse dégager une intense vigueur de mâle dominant. Le mec a un côté « jeune premier » qu’il exhibe avec fierté et qu’il assume sans complexes.

    Les épaules appuyées contre le mur, le bassin et la bosse bien en avant, la main droite dans la poche du jeans, la gauche faisant des voyages incessants vers ses lèvres pour y poser une clope qu’il fume avec une nonchalance totale et assumée, une attitude très sexy : j’ai la nette impression que son attitude dégage une certaine arrogance, une assurance certaine, une sorte d’air de supériorité et de dédain pour ce et ceux qui l’entourent. Clairement, le gars sait qu’il est canon, et il n’a pas l’air de se prendre pour une merde.

    Avant l’arrivée de Jérém, ce mec était certainement assuré d’être le mec le plus séduisant dans les parages. Tout comme Jérém l’était, avant de s’arrêter devant le On Off.

    Et maintenant ? Est-ce que par le biais des regards rapides et furtifs que je capte de temps à autre, d’une part et d’autre, est-ce que les deux bombasses brunes ne seraient pas en train de se toiser, de se jauger ?

    T-shirt blanc, t-shirt noir, deux façons opposées et tout aussi redoutables de mettre en valeur la bogossitude. Et alors que le t-shirt blanc crée un contraste terriblement sexy avec les cheveux bruns et la peau mate de mon Jérém, la couleur noire du t-shirt du bel inconnu accentue à l’extrême le côté brun et mystérieux de son apparence et de son attitude.

    Un très beau brun au t-shirt blanc d’un côté, un brun très beau au t-shirt noir de l’autre, les mêmes attitudes de mâles sexy et dominant : cette nuit, l’entrée du On Off brille de mille feux. Pour ma première fois au On Off, ça promet. Je dois veiller au grain.

  • JN01067 En route vers le KL

    JN01067 En route vers le KL

    On se retrouve au KL ? » j’entends une voix virile et familière me demander.

    Je me retourne, et le beau mécano est derrière moi.

    « Je ne sais pas trop, je n’ai pas trop envie, je crois que je vais rentrer, je finis par lâcher, après un premier instant de surprise.

     — Allez, viens faire la fête ! »

    Devant l’invitation chaleureuse de Thibault, je n’ai pas le cœur de me dérober.

    « D’accord !

     — Je n’ai plus de place dans ma voiture, mais je crois que Rémy n’est pas complet. »

    Du coup, je me retrouve en voiture avec Rémy, Camille et Alexandra. Je ne sais vraiment pas pourquoi je me suis laissé embarquer là-dedans. Je ne sais même pas si Jérém a pris sa voiture. Donc aucune perspective, même mince, d’un retour chaud vers la rue de la Colombette.

    La voiture de Rémy quitte le centre-ville, nous traversons une première fois la Garonne par le Pont Neuf, nous passons Saint-Cyprien, les Abattoirs, nous retraversons la Garonne au Pont des Catalans, nous filons sur l’Allée de Brienne, nous arrivons aux Ponts Jumeaux, et nous empruntons la Rocade.

    A l’approche de la sortie de la Sesquière, la silhouette immense et lumineuse du KL attire le regard.

    La salle techno est bondée et il fait une chaleur de dingue. Le son est assourdissant, presque oppressant. Je me demande ce que je fais là. D’autant plus que, plus que jamais entouré de ses potes, Jérém m’est à nouveau inaccessible.

    Et pourtant, je ne peux m’empêcher de le chercher fébrilement du regard. Ce soir, comme d’habitude, il y a pas mal de bogoss dans la salle. Ma recherche est quelques peu perturbée par d’autres stimuli. A l’approche de l’été, les t-shirts attirent le regard vers les plastiques des beaux garçons. Et ce soir, c’est un festival de la bogossitude. Aussi, le t-shirt blanc est une pièce très populaire chez le jeune mâle.

    Et pourtant, je ne peux m’empêcher de chercher mon Jérém encore et encore.

    Hélas, la salle est si densément peuplée que ma recherche s’avère impossible. Non, ça n’a pas été une bonne idée de venir en boîte. A l’heure qu’il est je serais tranquille dans mon lit. En rentrant, je me serais tapé une bonne branlette et je me serais aussitôt endormi loin de cette tension qui n’aboutira sur rien, à part sur une immense frustration.

    Le voilà enfin mon beau brun, négligemment appuyé avec une épaule à une colonne au bord de la piste de danse, sexy comme pas possible, en train de discuter avec une blonde. Et à en juger par les grands sourires amusés qui illuminent son visage, elle doit être en train de lui raconter des trucs vraiment drôles.

    La nana approche à nouveau ses lèvres de l’oreille du bogoss. Et là, je vois soudain l’expression de mon Jérém se métamorphoser. Son sourire amusé laisse la place à un regard coquin, émoustillé. A tous les coups, la nana est en train de le draguer.

    Je sens un mélange de rage et de jalousie monter en moi, fourmiller dans mon bas ventre et me piquer jusqu’au cuir chevelu. Je me sens une nouvelle fois impuissant à éviter le pire, une nouvelle aventure de mon Jérém avec une nana, et ça me rend dingue. Je n’ai vraiment pas envie d’assister à ça, de voir mon Jérém draguer ou se faire draguer et le voir disparaître pour s’envoyer en l’air. Pas après ce qui s’est passé à la Bodega. Je le savais, je n’aurais pas dû venir. Ni au KL, ni même à cette saleté de soirée !

    La nana continue de glisser des trucs à l’oreille de Jérém. Et le sourire de ce dernier est de plus en plus incendiaire.

    Puis à un moment, je vois le bogoss se lever, et partir avec la nana. Non, ce n’est pas possible. Mon Jérém, le gars que je viens de sucer une demi-heure plus tôt, est en train de marcher vers la sortie avec cette pétasse. Non, non, non, il ne peut pas me faire ça !

    Et pourtant si, il est bel et bien en train de le faire. Non, ce n’est pas possible d’être aussi beau et aussi con à fois !

    Tous mes derniers espoirs sont douchés. Ce soir je ne recoucherai pas avec mon beau brun. Dégoûté, je repars faire un tour de la salle. Je suis tellement dépité par ce que je viens de voir que je n’ai même plus le cœur à mater le « bogoss toulousain » pourtant massivement présent au KL cette nuit.

    Je suis fatigué, je suis sur les nerfs, je n’ai pas envie de discuter avec qui que ce soit, et encore moins d’aller danser. Si au moins Elodie était là, elle serait ma bouée de sauvetage.

    Alors, comme ce fut déjà le cas à la Bodega, je vais aller me chercher une bière pour essayer de tromper le temps et me donner une contenance, en attendant que quelqu’un se décide à partir. Aussi, j’ai remarqué qu’une légère ivresse aide à supporter la déception, la solitude, la tristesse, l’attente.

    C’est en m’approchant du comptoir que j’aperçois un peu plus loin une silhouette masculine plutôt agréable à mater. Le mec est en train de discuter avec une petite bande de potes. C’est dingue comme les silhouettes des filles, tout comme leurs prénoms, se mélangent parfois dans ma tête dans un souvenir vague, alors que la morphologie et le prénom d’un garçon qui m’a tapé dans l’œil, ne serait-ce que l’espace d’un battement d’ailes de papillon, se grave instantanément au fer rouge dans ma mémoire.

    Le processus est infaillible et ultra-rapide.

    1. Mon gaydar détecte le spécimen
    2. Transmission des données visuelles à la base de données « Bogoss » dans ma mémoire interne.
    3. Lancement de la recherche par le paramètre « Morphologie ».

    Et une fraction de seconde après, si le bogoss en question est présent dans la base de données : correspondance trouvée.

    Oui, j’ai déjà vu ce gars. Mais où ?

    Nouvelle recherche, dans la base de données « Rencontres récentes ». Fichier trouvé. Mais oui, c’est bien lui ! »

    Le flanc appuyé au comptoir, l’avant-bras posé sur le zinc, tourné de trois quarts par rapport à moi. Je suis sûr que c’est lui. Cette chemise blanche bien taillée, très classe, les manches retroussées, une belle montre de mec au poignet. Oui, le style est bien le sien. C’est bien lui.

    Je le fixe avec insistance jusqu’à ce que nos regards finissent par se rencontrer. Et là, à ma grande surprise, le mec me lâche un grand sourire qui semble vouloir dire : « Tiens, tu es là, toi aussi ? Je me souviens de toi ! »

    Nous ne nous sommes croisés qu’une fois, nous nous sommes tout juste serré la main. Et ça fait d’autant plus plaisir qu’il se souvienne de moi.

    Son beau sourire me donne envie de donner l’échange avec la même pièce. Je lui souris à mon tour. Et là, je vois le bogoss quitter son groupe de potes pour avancer dans ma direction.

    Soudain, j’ai l’impression de me liquéfier sur place, comme Amélie Poulain. Car je réalise qu’il ne me reste qu’une poignée de secondes pour retrouver une contenance, reprendre mon souffle et préparer quelque chose de pas trop con à dire, mission impossible.

    Le bogoss approche.

    Trois… il est vraiment beau et sexy…

    Deux… et cette simple chemise blanche avec deux boutons ouverts…

    Un… laissant entrevoir un joli relief de pectoraux imberbes, c’est canon…

    Impact. Bam ! Martin, le beau moniteur de l’auto-école est là. Il réitère son beau sourire, il approche son visage de mon oreille pour y glisser un charmant :

    « Bonsoir !

     — Bonsoir !

     — Quel agréable hasard, il me lance.

     — C’est vrai, je bafouille, je ne pensais pas que vous vous souviendriez de moi !

     — Bien sûr que si, voyons !

     — Je ne t’ai jamais vu ici. Tu viens souvent ? il enchaîne.

     — Non, pas très souvent. Ce soir je fête mon bac avec mes camarades.

     — Félicitations pour le bac alors !

     — Merci !

     — Alors, tu es prêt pour le stage intensif ?

     — Oui, il me tarde de commencer les cours. »

    Martin me regarde droit dans les yeux, il m’hypnotise avec son regard charmeur. Son parfum me frappe comme un uppercut en pleine figure. Quand je pense que je vais faire mes cours de conduite avec lui, pendant des semaines, que je vais me retrouver enfermé dans l’espace clos d’une petite voiture avec cette bombasse assise à côté de moi, les narines mises à dure épreuve par ce parfum entêtant, je me dis une fois de plus qu’obtenir mon examen de conduite ne va pas être une mince affaire.

    « Ton stage de conduite est prévu pour quand ?

     — Dans deux semaines.

     — Tu as déjà conduit ?

     — Non, pas vraiment, mais je suis sûr que vous êtes un bon moniteur », je me surprends à lui balancer.

    L’alcool me rend bavard.

    « D’abord, j’aimerais que tu me tutoies !

     — Mais vous allez être mon moniteur !

     — Je suis Martin, un point c’est tout ! »

    Oui, tu es Martin, et tu me fais un effet de dingue. Ça doit être le fait d’avoir avalé trop vite ma dernière bière, mais j’ai la tête qui tourne.

    « Tu es venu avec tes potes ?

     — Oui, je réponds sobrement.

     — Et avec ta copine ?

     — Non, j’ai pas de copine.

     — T’es venu pour draguer, alors ?

     — M’en tape des nana » je balance.

    L’alcool me rend très sincère.

     « T’es venu pour dragues les mecs, alors » il me sort alors, le plus naturellement du monde.

    Je le regarde. Il me sourit. C’est coquin, c’est charmant, c’est beau, c’est culotté, c’est à gifler. Je décide de relancer la balle de la même façon :

    « Et toi, t’es venu pour draguer ?

     — Non, je suis venu pour fêter mon anniversaire avec mes potes.

     — Bon anniversaire, Martin !

     — Merci !

     — Et ça te fait quel âge ? j’enchaîne, curieux.

     — Tu dirais quoi, toi ? il me questionne, taquin.

     — Je ne sais pas… 27… 28, j’avance.

     — Pas loin… 29 !

     — Je n’étais vraiment pas loin !

    Il sourit. Avant de me glisser à l’oreille, il rajoute :

    « En fait, ça ne fera que la troisième fois que je fête mes 29 ans, il se marre.

     — Tu as donc 31 ans…

     — Non, 29… pour la troisième fois, il insiste.

     — Tu ne les fais pas » je lui balance.

    L’alcool me délie la langue. Je ne sais pas ce qu’il cherche, je ne sais même pas ce que je cherche, moi. Ce qui est-certain, c’est que ce petit jeu du chat et de la souris me plaît bien.

    « Merci, fait le beau Martin.

     — Toi, en revanche, il continue, tu fais plus que tes 18 ans. Car tu as 18 ans, n’est pas ?

     — Dix-neuf dans pas très longtemps.

     — Ta chemise à carreaux te va à merveille, il me lance.

     — Merci !

     — Tu es beau garçon, Nico » il me glisse ensuite, ses lèvres effleurant mes oreilles et provoquant en moi d’intenses frissons. Puis, en ajoutant une note très sexy dans sa voix, il enchaîne : « voilà pourquoi je me souviens de toi. »

    Son souffle dans l’oreille m’excite. Ses mots me flattent. Sa franchise ouvre tout un monde de possibles. Je suis vraiment touché qu’un mec aussi canon se rappelle de moi et me trouve à son goût. Là c’est clair, il me drague ouvertement.

    Je ne sais pas où ce petit jeu va nous mener. Je trouve ça tellement plaisant de me faire draguer. C’est un jeu auquel je m’abandonne avec un plaisir entier.

    Alors, je décide de jouer moi aussi cartes sur table.

    « J’ai été content d’apprendre que tu serais mon instructeur. »

    Martin sourit, et au fond de son sourire j’ai l’impression de déceler une étincelle bien coquine.

    « Je suis sûr que tu as plein de choses à m’apprendre, j’enchaîne.

     — T’imagines même pas » il me balance.

    Son assurance est terriblement sexy.

    « Vivement le 16 juillet, alors », je considère. C’est ma façon à moi de lui tendre une perche.

    « Je peux commencer à t’apprendre des choses dès ce soir si tu le souhaites !

     — Mais l’auto-école est fermée !

     — J’ai les clefs…

     — Ah, ouais ?

     — Oui, les clefs de chez moi… »

    Je suis un peu surpris de sa proposition très directe. Ça doit se voir sur mon visage.

    « Ce n’est jamais assez tôt pour s’instruire » il plaisante alors sur un ton plutôt coquin.

    Son petit jeu commence à me dépasser. Je ne suis pas habitué à me faire draguer si explicitement et si vite. Mais son beau sourire a le pouvoir de me mettre en confiance.

    Martin me regarde droit dans les yeux. C’est une attitude récurrente chez lui. Fixer l’autre droit dans les yeux, comme pour l’ensorceler. Je sais qu’il attend une réponse à sa proposition de finir la soirée avec lui. J’hésite. Je lance mon regard dans un tour panoramique de la salle en quête de mon beau brun. Je balaie l’horizon bruyant de la salle, mais pas de t-shirt blanc aveuglant en vue. L’horizon m’apparaît alors bien vide et désolant, comme un désert sans fin. Et dans ce désert, Martin m’apparaît comme la seule oasis en vue. Une oasis bien tentante.

    Ceci étant, je suis un brin troublé par cette drague si directe et si rapide. Alors, j’essaie de gagner du temps, et de me rassurer.

    « Tu fais souvent ce genre de proposition à tes futurs élèves ?

     — Seulement quand un gars me plaît. Et après avoir vérifié qu’il soit majeur. Comme avec toi… »

    Visiblement, Martin a envie d’une aventure.

    Certes, je trouve Martin séduisant, et très désirable. Ce gars me fait clairement envie. Et pourtant, je me sens pris au dépourvu.

    Au fond de moi, j’ai l’impression que si j’accepte de le suivre chez lui et de coucher avec, je ne vais être pour lui qu’un trophée de plus dans son tableau de chasse déjà bien fourni. Franchement, tout canon qu’il est le mec, ce genre de plan ce n’est pas franchement que je cherche.

    « Alors, Nico, t’en dis quoi ? »

    Je ne sais pas quoi lui répondre. Mon être profond voudrait terminer cette soirée avec mon Jérém, mais je prends mes désirs pour des réalités. Alors il va falloir me rendre à l’évidence.

    Inutile d’attendre après Jérém, inutile de me « priver » à cause de lui. Inutile d’avoir des scrupules. Jérém ne s’encombre pas avec des scrupules. A l’heure qu’il est, il doit déjà être en train de baiser avec cette nana. Oui, Jérém fait ce dont il a envie, et sans tenir compte à aucun moment de moi, sauf quand ça l’arrange. Pourquoi, alors, en ferais-je autrement ?

    Aussi, un autre questionnement devient insistant dans ma tête : est-ce que Martin ne serait pas le genre de gars dont Stéphane m’a dit de me méfier ?

    Mais tant pis, je prends le risque. Je n’ai pas envie de rentrer seul et de me prendre la tête en pensant à la connerie de mon beau brun.

    Alors, même si je sais que Martin veut juste tirer son coup, rien ne me retient de dire oui à sa proposition.

    Au fond, je n’en ai rien à foutre. Ni de ce que pourrait en penser Jérém (si seulement il pouvait me voir partir avec Martin, et que ça pouvait le rendre jaloux, mais même cette petite revanche m’est inaccessible désormais), ni de ce que pourraient penser mes camarades en me voyant partir avec ce gars inconnu. De toute façon, visiblement tout le monde sait ou imagine que je suis pédé. Mais désormais je m’en tape doublement, car le lycée c’est fini, et je ne vais plus les revoir.

    « C’est tentant, je finis par répondre au charmant Martin.

     — Alors, on y va, il me lance.

     — Et tes potes ? je le questionne.

     — T’inquiète pas pour eux, ils sont grands. Et ils me connaissent », il me répond, le regard malicieux. Je trouve son assurance très excitante.

    « Attends-moi juste une seconde, je le préviens, je vais juste dire au gars avec qui je suis venu que je ne vais pas rentrer avec lui. »

    La scène qui suit ressemble à ce qu’on appelle un « effet papillon ». Voilà l’enchaînement exact.

    Je vais voir Camille et Rémy pour les avertir que je rentre avec un pote croisé par hasard.

    Pendant que je m’éloigne d’eux pour aller retrouver Martin, j’aperçois du coin de l’œil la blancheur aveuglante du t-shirt blanc qui avait disparu des écrans radar.

    Après un instant de flottement, je choisis d’ignorer le violent pincement au cœur qui vient de me saisir, et d’aller rejoindre Martin comme prévu, comme si de rien n’était, malgré mes jambes soudainement flageolantes.

    Toujours du coin de l’œil, je ressens sur moi le regard noir, très noir, de mon beau brun. Un regard tout aussi noir que celui que je lui avais connu le jour où il m’avait vu discuter avec Stéphane.

    La réaction de Jérém m’apporte un complexe mélange de sentiments. D’abord la joie, la satisfaction, la saveur délicieuse d’une petite revanche inespérée, le fait de ressentir son étonnement, sa contrariété, sa jalousie. C’est une joie, hélas, un peu gâchée par un petit regret, le regret qu’il ait fallu en arriver là pour obtenir qu’il s’intéresse à moi. Mais elle passée où cette blondasse ?

    Une fois encore, je fais mine de ne pas avoir capté ce regard noir de beau brun énervé, et je rejoins Martin. Ce dernier, ignorant tout du tiraillement que je vis à cet instant, pose son verre vide sur le comptoir, il me lance un grand sourire charmeur et se dirige vers la sortie de la boîte. Je lui emboîte le pas.

  • JN01066 Il se passe bien des choses à la Bodega

    JN01066 Il se passe bien des choses à la Bodega

    En sortant du resto, nous n’avons que quelques centaines de mètres à parcourir pour rejoindre la Bodega, prochaine étape de notre soirée. Nous traversons le boulevard Carnot et Jean Jaurès, nous plongeons dans la belle nuit toulousaine.

    Le vent d’Autan souffle toujours. La nuit et jeune, et le spectacle vient tout juste de commencer.

    A cette heure-ci, peu après 23 heures, il y a déjà un monde fou devant la jolie bâtisse en briques, anciennement bureau du Télégraphe, qui abrite l’un des pubs plus fréquentés de la ville rose. Notre cortège rentre lentement, et moi presque en dernier.

    Je n’ai pas fait cinq pas à l’intérieur lorsque je capte sa présence. Cheveux châtain clair portés bien courts, t-shirt rouge bien coupé, jeans noir délavé, baskets bleues, bière à la main, accoudé au comptoir, en train de discuter avec un pote. Simplement beau. Thibault est là.

    Jérém avance vers lui, les deux potes se font la bise en premier. Puis, Jérém fait la bise au pote de Thibaut, tandis que ce dernier fait la bise à Thierry. Qu’est-ce que ça peut me donner comme frissons que de voir deux beaux mecs échanger ce geste convivial et si sensuel à mes yeux !

    Quelques instants plus tard, les quatre mecs, accompagnés d’autres camarades se dirigent vers la salle des billards. Je suis le mouvement.

    « Salut, je lance à Thibault qui s’est retardé pour dire bonjour à une nana.

     — Salut ! il me répond, tout en se penchant vers moi pour me faire la bise.

     — Tout va bien ? il me questionne.

     — Oui, ça va… 

     — Et Jérém ? il enchaîne.

     — Je ne sais pas trop…

     — Laisse faire, sois toi-même. Il va venir à toi tout seul. Allez, je vais y aller, sinon quelqu’un va prendre ma place au billard ! A tout’ ! » me lance le beau mécano, avec un clin d’œil charmant.

    Quelques instants plus tard, je me rends à mon tour dans la salle des jeux en compagnie de deux camarades, histoire d’avoir quelqu’un avec qui discuter, histoire d’avoir un prétexte pour pouvoir observer mon beau brun en action.

    Autour de la table de billard, ça vise, ça tape, ça claque, ça rentre, ça rate, ça rebondit, ça fume, ça blague. Bruno vient de rentrer une boule. Et là, ça devient intéressant, car c’est le tour de Jérém.

    Le beau brun se penche pour viser avec sa queue. Voilà des mots qui me rendent dingue, même s’il ne s’agit que d’une queue de billard. Il pose son avant-bras sur le bord de la table. Sa chaînette pendouille autour de son cou et se pose sur le rebord de la table, son t-shirt blanc s’ajuste sur sa peau au gré de ses mouvements. Pendant un court instant il est tout concentré, et il est beau à se damner.

    Et puis son coup part, rapide, puissant. Mais précipité. La bouledétale comme une fusée, rebondit sur une bande, elle repart et rate de peu le trou qui était visé. Jérém fait la grimace, l’équipe de Thibault prend l’avantage.

    Chapitre suivant : Thibault. Le beau mécano se penche à son tour sur la table de billard avec sa queue à la main. Il y va beaucoup plus en douceur que Jérém. Ses pieds bien plantés sur le sol, les jambes légèrement écartées, les coudes pliés, les biceps gonflés. Le gars prend son temps, regarde, calcule, évalue.

    Et puis le coup part, puissant, dosé, ajusté. Thibault a une parfaite maîtrise du geste. La boule rebondit sur une première bande, ralentit, rebondit sur une deuxième, ralentit encore. Au final, elle se trouve sur l’alignement parfait pour rentrer dans une poche d’angle. Elle roule, roule, roule, en épuisant peu à peu sa force. Elle arrive au seuil du trou presque à l’arrêt, et elle s’y glisse tout en douceur.

    Je trouve que la différence dans leur façon de jouer reflète bien leurs personnalités respectives. Jérém est un mec impulsif, sanguin, à fleur de peau, qui vise sur sa puissance physique pour réussir. Alors que Thibault est un gars posé, réfléchi, qui sait garder le sang-froid et peser le pour et le contre avant d’agir. Jérém est fonceur, Thibault est maîtrisé.

    Quoi qu’il en soit, je trouve passionnant de regarder les gars jouer au billard. J’aime observer leurs attitudes, leur concentration dans le jeu. J’aime bien ce défi entre mecs, ce jeu dans lequel les personnalités de chacun semblent se révéler. Et j’adore aussi assister à ce moment entre potes, regarder mon beau brun évoluer dans son milieu naturel.

    Thierry a réussi sa boule mais ça ne suffit pas à faire basculer l’avantage. Thibault et Bruno gagnent la partie.

    La revanche est une obligation, une autre partie commence aussitôt. Hélas, je ne pourrai pas y assister, car mes deux comparses me proposent de revenir dans la première salle pour rejoindre les autres. Je vais devoir partir avec elles car sans leur présence à mes côtés je vais me sentir nu, comme un poisson hors de l’eau, comme un voyeur.

    Une fois revenu dans la salle principale, je m’assois à une table avec des camarades, et je prends une bière blanche. Dès le premier instant, je sais que je vais m’ennuyer ferme. Et c’est parfaitement le cas.

    Heureusement, quelques minutes plus tard, les quatre fantastiques du billard reviennent à leur tour, ils commandent des bières et se posent à une table assez proche de la nôtre.

    C’est toujours un spectacle d’une beauté saisissante que de regarder des potes en soirée, en train de discuter de façon animée, de déconner. Jérém, Thibault, Thierry et Bruno, quatre jeunes mâles, chacun avec le charme qui lui est propre. L’effet de meute est là, et ça donne des frissons.

    C’est encore Thierry qui fait le pitre. Thierry est un brun pas vraiment canon, mais sa vivacité et son esprit jovial le rendent quand même plutôt séduisant.

    Je ne capte pas les mots mais je le vois faire de grands gestes avec ses bras, rapides, exagérés, comme s’il était en train de dessiner quelque chose. A un moment, j’ai l’impression qu’il mime une action de rugby. Il se lève, attrape Jérém par les épaules, se colle dans son dos et mime ce qui doit être un plaquage. Ça a l’air d’être drôle car les trois autres rigolent de plus belle.

    Thierry revient sur sa chaise et à sa bière et je regarde Thibault discuter avec Bruno. Bruno joue lui aussi dans l’équipe de Jérém et Thibault. Bruno a de beaux cheveux châtains, les yeux gris, un regard très clair et un physique puissant. Je l’ai intérieurement surnommé « le lionceau » car son brushing et son tour de barbe fournie me font penser à un jeune félin puissant.

    Jérém semble écouter attentivement les échanges entre ses potes. Et puis, entre deux gorgées de bière, il se laisse aller à un geste peut-être pas complètement conscient. Sa main se glisse sous le t-shirt, le soulève légèrement. Ce qui a pour effet de découvrir un bout d’élastique du boxer et un bout de peau mate. Et lorsque sa main entreprend de caresser ses abdos, c’est beau à en perdre la raison. Car ce petit geste, à la fois pas conscient– dans le sens où il fait ça machinalement, sans même s’en rendre compte – et totalement inconscient – car il ne se rend pas compte qu’il pourrait déclencher une émeute – est tellement chargé d’érotisme à mes yeux…

    Une blonde s’approche de leur table et vient demander du feu. Elle s’adresse à Thierry, qui fait son petit coq, à grands coups de beaux sourires hébétés.

    Et Jérém, quant à lui, fait du Jérém. Je le vois changer d’attitude, passer du mode déconneur au mode charmeur. Son regard de feu se pose sur la nana qui ne semble pas y être indifférente. Tu m’étonnes…

    Elle fait le tour de la table, se met derrière mon beau brun, lui pose les deux mains sur les épaules, se penche sur son oreille, approche ses lèvres rouges à ses oreilles fines qui me font tant d’effet et lui chuchote quelque chose.

    Je commence vraiment à craindre le pire lorsque je vois le visage de mon beau brun s’ouvrir sur ce petit sourire coquin que je lui connais que trop bien. Un sourire qui me fait fondre lorsqu’il m’est adressé mais qui, dans cette situation, me rend jaloux à me faire sortir de mes gonds. Et lorsque je vois Jérém chuchoter à son tour quelque chose à l’oreille de la blonde, je bous à l’intérieur. Naaaaan, il ne va pas me faire le même sketch que samedi dernier, repartir avec une pouffe !

    Je me réjouis de constater que la nana semble avoir l’air de ne pas apprécier ce qu’elle vient d’entendre. Preuve en est qu’elle revient à la charge, elle glisse d’autres mots à l’oreille du beau brun. Et je jubile carrément lorsque je vois mon Jérém faire non avec la tête de façon insistante. Bas les pattes !!!

    La nana repart enfin, en fumant sa cigarette comme une conasse.

    Une fois cette perturbation sur talons dégagée, les quatre potes retrouvent leur complicité. Ça déconne à nouveau, et j’ai comme l’impression que le sujet de leurs plaisanteries est désormais cette nana à qui, je pense, Jérém vient de mettre un râteau. Oui, je suis presque sûr que mon beau brun est en train de se faire charrier par ses potes. Mais moi je suis on ne peut plus fier de lui !!!

    J’aimerais tant pouvoir aller le voir, le féliciter, lui dire à quel point je suis heureux qu’il n’ait pas cédé à cette nana. Mais Jérém est entouré de ses potes, et moi toujours coincé à cette putain de table avec mes camarades avec qui je m’emmerde sec. Un double mur invisible nous sépare.

    Je descends vite ma deuxième bière et je commence à sentir en moi l’effet apaisant de l’alcool. Mais j’ai besoin de davantage d’« apaisement » pour supporter la frustration d’être à quelques mètres de mon beau brun et de ne pas pouvoir aller le voir, pour supporter cette soirée qui s’écoule trop lentement, sans que rien de vraiment intéressant ne se passe.

    Je ne sais pas vraiment ce que j’espérais en venant à cette soirée. J’aurais dû me douter que ce serait impossible d’approcher Jérém, trop entouré par ses potes, et moi trop « à découvert » pour envisager de tenter quoi que ce soit avec lui. Vivement que ça se termine. Je suis à deux doigts de tout planter et de rentrer chez moi.

    C’est justement pour me donner une raison de ne pas partir sur le champ que je m’approche du comptoir pour demander une nouvelle bière. La serveuse vient tout juste de me tendre mon verre, lorsque j’entends une voix bien connue se glisser dans mon oreille :

    « Tu bois tout seul, toi ? »

    Je prends une longue inspiration, je me retourne et là je suis percuté de plein fouet par un sourire à faire fondre la banquise. Non, pire que ça, à faire directement s’évaporer la banquise sans passer par la case « fonte ». Une sublimation. Son assurance m’insupporte. Sa beauté me lamine. Sa tenue m’assomme. J’ai envie de lui. Troooooop envie de lui !

    « Ouais, ça me fait des vacances » je réponds sèchement.

    Je mourais d’envie d’approcher mon beau brun. Et maintenant qu’il est là devant moi, avec son assurance, son insolence, son arrogance même, tout remonte en moi. Le sketch de la semaine dernière, me chauffer à bloc avant de me mettre un râteau, son départ avec la nana sous mes yeux, son silence de toute une semaine. Son inconstance, son dédain vis-à-vis de moi, sa façon de considérer qu’il peut venir me chercher et me laisser tomber quand ça lui chante. Et puis revenir à nouveau, en toute impunité. Soudain, j’ai envie de le gifler.

    « Ça va ? il me questionne.

     — Ouais, ça va. 

     — Tu fais la tête ?

    Oui, je fais la tête.

     — Non.

     — Si, tu fais la tête », il se moque.

    Il m’énerve. Alors je décide d’y aller franco.

    « Oui, je fais la gueule !

     — Pourquoi ? » il me balance avec un regard qui aurait presque l’air innocent. Définitivement, ce gars a le chic de me fait sortir de mes gonds.

    « Samedi dernier tu m’as bien chauffé et puis tu m’as jeté comme une merde !

     — Moi je t’ai chauffé ? C’est toi qui m’as balancé des trucs de vraie salope !

     — Mais c’est toi qui m’as poussé à te dire ces trucs !

     — Je n’ai pas eu à insister beaucoup…

     — Tu fais chier, Jérém !

     — Et alors, tu fais la tête pour ça ? » il fait, l’air étonné.

    Le pire est que son étonnement a l’air sincère. Le pire est qu’il a vraiment l’air de ne pas se rendre compte à quel point ça m’a déchiré les tripes de me faire jeter comme une merde. Je n’ai même pas le courage de lui parler de ce que j’ai ressenti en le voyant partir avec cette nana. Je sais que ma jalousie le ferait rigoler, et je ne pourrais pas supporter ça.

    « Oui, rien que pour ça ! »

    Son sourire insolent, taquin et malicieux me chauffe à blanc. Et pendant qu’il sort son paquet de clopes, qu’il sort une clope, qu’il la glisse entre ses lèvres, qu’il l’allume, qu’il tire dessus une première fois, et qu’il expulse un premier nuage de fumée blanchâtre, il ne me quitte pas une seconde du regard, comme pour bien apprécier ma colère.

    « Pourquoi tu m’as jeté comme ça ? je reviens à la charge, vraiment énervé par son attitude.

     — Parce que j’avais d’autres projets…

     — Comme baiser une pouffe pour essayer de te convaincre que tu es toujours hétéro ? » ça sort enfin.

    Et là, Jérém change illico de tête et d’attitude : exit le sourire insolent, arrogant, moqueur, place à un regard qui annonce un orage qui arrive très vite. Le beau brun me regarde droit dans les yeux, il s’approche un peu plus de moi, il vient si près qu’il pénètre carrément mon espace vital. Son regard est sévère, très impressionnant.

    « J’ai pas de compte à te rendre, mec ! » il lâche sèchement, sur un ton dans lequel je décelé un certain niveau d’agacement. « Si j’ai envie de te baiser, je te baise, si j’ai pas envie, j’ai pas envie, c’est compris ? »

    Ses mots sont durs, et son regard l’est tout autant. Mais alors, qu’est-ce qu’il est sexy quand il est énervé !

    Le jeune lion a rugi. Ça me fait tellement d’effet que je me sens désarçonné, je baisse les armes. Sa voix, son attitude, sa proximité me font perdre tous mes moyens. Dans cette proximité, je suis assommé par l’intense présence olfactive qui se dégage de lui. Comme une odeur de mâle, de sexe, une sorte de bouquet viril qui transpirerait carrément de son jeans, de son boxer. C’est une odeur qui m’est familière, car je l’ai humée tant de fois de si près, autour de sa queue. Alors, souvenir, imagination, désir, envie ou réalité je n’en sais rien. Ce que je sais c’est que cette petite odeur de mec prend le contrôle de mon cerveau et me transforme en torche embrasée de plaisir.

    « Tu bois quoi ? je suis surpris de l’entendre me balancer de but en blanc, alors que je n’ai toujours pas réagi à ses mots.

     — J’ai pas envie de boire ! je lui réponds sur un ton plutôt agacé.

     — T’as envie de quoi, alors ? »

    Est-ce que ce sont les deux bières qui me montent à la tête et qui laissent la parole exprimer mes envies les plus profondes ? Toujours est-il que, en le regardant à nouveau droit dans les yeux, je m’entends lui répondre :

    « J’ai envie de toi ! »

    Ça m’est venu comme ça, car c’est exactement ce que je ressens à cet instant. Son regard noir a soudainement disparu. Son sourire coquin et malicieux est revenu et me chauffe à blanc. Est-ce qu’il est flatté ? Est-ce qu’il se moque de moi ? Est-ce que j’ai tout simplement l’air pitoyable ?

    « De toute façon tu t’en tapes. Tout ce que tu aimes, c’est me rabaisser » je continue sur ma lancée, de plus en plus exaspéré par son silence, son sourire et son attitude.

    « Je suis sûr que samedi dernier ça te fait marrer de m’humilier » j’enchaîne.

    Pour toute réponse, Jérém continue d’afficher son sourire moqueur et lubrique. Et il ajoute même un hochement de la tête, si sexy et énervant à la fois. Il m’insupporte avec son air « je te baise quand je veux et si je veux ».

    « De toute façon, je suis sûr que tu n’oserais pas… je décide de le chercher pour effacer son sourire condescendant de ses lèvres.

     — Quoi donc ? 

     — Faire ici ce que nous avons fait dans les chiottes du lycée ou dans le vestiaire de la piscine. »

    Son hochement de tête s’arrête brusquement et le sourire se retire peu à peu de son visage. Son regard change du tout au tout. Le mec abandonne le regard charmeur et passe en mode défi. Une étincelle dans ses yeux signale sa nouvelle attitude.

    « Tu crois ça… » il me lance, après avoir expulsé un nouveau nuage de fumée.

    Ah, c’est jouissif. J’ai une prise, j’ai trouvé la brèche pour le faire réagir. Alors là, je vais m’y engouffrer !

    « Bah… samedi dernier tu t’es dégonflé…

     — Je ne me suis pas dégonflé ! 

     — Si tu t’es dégonflé. Tu m’as chauffé et tu n’as pas eu le cran d’assumer. Et je suis sûr que ce soir tu vas encore te dégonfler, surtout avec tous les potes juste à côté. »

    C’est certainement l’effet de l’alcool mais là je me sens libre dans ma tête, très libre. Peut-être trop ?

    Le beau brun me toise avec un regard noir pendant qu’il tire sur sa cigarette.

    « T’as tellement la trouille de te faire gauler » je m’entends lui balancer, moi-même surpris de ce bluff évident dans lequel je suis en train de m’enfoncer « que je te parie que t’aurais même pas la gaule ! »

    Jérém me fixe toujours, et toujours sans un mot. Après une dernière taffe, il écrase sa cigarette dans le cendrier sur le comptoir. Il se lève du tabouret et expire la dernière fumée très près de mon visage. Et alors que je m’attends à le voir repartir vers ses potes, en me plantant une fois de plus comme une merde, il me balance un petit geste de la tête. C’est une invitation, c’est un ordre, c’est tout simplement quelque chose à laquelle je ne peux pas me soustraire. C’est sa volonté de mâle dominant.

    Le voilà donc parti d’un pas rapide et assuré en direction des chiottes. Je le suis en jetant un regard autour de moi pour m’assurer que personne ne remarque notre petite escapade, tout en exultant et en me félicitant pour mon effronterie. Car elle a été payante. C’est donc ainsi que marche mon beau brun. La gentillesse ne sert à rien, l’intention de lui faire plaisir encore moins. Non, ce petit con marche au défi. Et il est bien chatouilleux sur le terrain de sa fierté masculine. J’aurais dû y penser plus tôt. Et j’aurai l’occasion de vérifier cela plus d’une fois au cours de cette nuit.

    Jérém me devance dans le local des toilettes. Il avance à grands pas jusqu’à la cabine du fond, il s’y engouffre, sans prêter attention au gars qui est en train de s’essuyer les mains devant un lavabo. J’entends le bruit du loquet. Quant à moi, en attendant que le gars dégage, je fais semblant de me caler devant une pissottière, sans défaire ma braguette.

    Mais le gars continue à essuyer, tout en approchant son visage du miroir pour vérifier son brushing, pour écraser un bouton, avant de repasser un coup d’eau sur ses yeux et de s’essuyer les mains à nouveau. Mais putain, il va dégager à un moment, oui ou merde ?

    Tant qu’il ne part pas, je ne peux pas rejoindre Jérém. Et si ça traîne, pas sûr qu’il attende très longtemps.

    Le mec finit par partir. Et sans plus attendre, je m’approche de la cabine du fond. Je toque à la porte. Celle-ci s’ouvre illico. Je rentre en vitesse et je me retrouve enfermé dans le petit espace avec mon beau mâle brun.

    Je comprends vite fait que nous sommes dans la précipitation, que je n’aurai pas l’occasion de prendre le temps de le faire jouir comme j’en aurais envie, d’exprimer mon potentiel de virtuose de la pipe. Je comprends que ce sera un coup au pas de course, que le beau brun va me tirer et se tirer tout de suite après…

    Est-ce que j’ai eu raison de le provoquer et de provoquer ce genre de plan ? Est-ce que cela ne va pas à l’encontre de ce que je voudrais construire avec le gars que j’aime ? Si je continue à lui offrir l’image d’un gars qui a juste envie de tirer son coup, comment pourrait-il se construire une autre image de moi ? Comment notre relation pourrait avancer ?

    Je me suis laissé guider par ma colère, par mon désir, et par la peur de n’avoir aucune autre prise sur lui que le sexe. Je n’aurais pas dû. Mais en attendant, me voilà en piste, je ne peux plus me retirer, il va falloir danser… enfin, sucer…

    Nous voilà donc une fois de plus tous les deux enfermés dans un espace clos sentant à la fois l’urine et le nettoyant pour chiottes. C’est un contexte un brin dégradant mais cela a son côté terriblement excitant quand même.

    Je regarde mon beau mâle brun, le dos appuyé à la cloison, je regarde ses bras et ses mains s’agiter dans une sorte de précipitation qui me donne le tempo, andante con brio, de la « séance » à venir, un empressement qui traduit l’urgence de son envie de mec, ainsi que le délicieux malaise, l’excitante inquiétude liée à cette situation.

    Ses doigts fébriles s’affairent sur la ceinture épaisse qu’il défait d’un seul coup, net, rapide, franc, déterminé, sec. Le crissement du cuir sur le tissu fuse à la vitesse de l’éclair, comme la représentation sonore de son envie de jouir. Quant au cliquetis de la boucle métallique qui vient d’être défaite, c’est juste un ultime appel au sexe. Glin, glin… tu vas sucer, mec… glin, glin… tu vas me sucer car tu as envie de ça, ma salope…glin, glin… et tu vas tout avaler !

    Les boutons de la braguette sont défaits en cascade, juste en tirant dessus, avec un geste d’une rapidité, d’une détermination et d’une sexytude indescriptibles. Le jeans et le boxer glissent ensemble le long de ses cuisses.

    Les mains croisées derrière la tête, le t-shirt remonté et coincé au-dessus de ses abdos, vision de Paradis, les épaules appuyées à la cloison, les jambes légèrement écartées, le bassin vers l’avant, la queue bien raide : le Dieu mâle brun attend que je vienne rendre hommage à sa virilité, après l’avoir chatouillée avec mon effronterie. Si c’est pas beau un beau mec pressé de se faire sucer et de jouir !

    Je suis enivré par le mélange de propre et de mec qui se dégage de son entrejambe : l’odeur de sa douche, mélangée à l’odeur naturelle de sa queue, un bouquet viril qui me frappe de plein fouet.

    Je croise ses yeux et je reconnais son regard, c’est celui de l’impatience de l’excitation masculine.

    Alors, devant cette attitude de mec pressé de jouir, le sucer devient une évidence. A cet instant, je ne suis qu’une bouche au service de son plaisir de jeune mâle.

    Mais avant de satisfaire ses envies, je veux lui montrer qu’à ce jeu-là, le jeu de nos baises, il n’est désormais plus le seul à établir les règles.

    Et même si le temps presse, j’ai envie de jouer un peu. Et je veux le chauffer un peu. Je sais à quel point le sexe avec lui est bon quand le beau brun est un peu chauffé.

    Le temps presse, et c’est un jeu dangereux auquel je joue. Il n’y a pas cinquante cabines et à un moment ou à un autre quelqu’un pourrait toquer à la porte. Je sais aussi que tous nos camarades sont en train de faire la fête à quelques mètres de nous, et parmi eux, le charmant Thibault. Je sais que plus nos deux absences se prolongent, plus ça risque de paraître suspect, notamment dans la tête du beau mécano qui est désormais au courant de tout pour Jérém et moi.

    Le beau brun pose lourdement une main sur mon épaule, c’est un ordre silencieux de me mettre à genou. Je résiste. Je saisis sa queue. Rien que le fait de tenir ce manche magnifique et bandé à l’extrême dans la paume de ma main est une expérience jouissive. Je commence à le branler, il frémit de plaisir.

    Je me dis que désormais ses barrières mentales ne doivent plus être aussi bien surveillées. Alors je décide de franchir la ligne rouge. Et je décide d’y aller franco. Je l’embrasse sur les lèvres. Elles ne réagissent pas, mais elles frémissent. J’insiste. Sa main force un peu plus sur mon épaule. Je résiste toujours.

    Je suis fou, je l’embrasse à nouveau. Ma main quitte sa queue, elle rejoint l’autre dans son dos. Je le serre fort contre moi. Le contact avec ses pecs solides est un bonheur inouï. Le bogoss doit être surpris par mon culot, car il se laisse faire. Et moi je suis plus surpris encore, surpris qu’il se laisse faire. Et ma surprise est encore plus forte lorsque ses lèvres s’ouvrent et que je le sens mordiller ma lèvre supérieure. C’est un contact fugace, furtif, mais très intense. Jérém pose désormais ses deux mains sur mes épaules, lourdement. Mais au lieu de céder, je m’avance vers lui et l’embrasse dans le cou. Il me repousse.

    Le beau brun me signifie ainsi qu’il est largement temps de reprendre les choses en main, et surtout de prendre sa queue en main. C’est ce que je fais dans les plus brefs délais, alors que mon autre main se glisse entre sa peau et le t-shirt blanc – qui, soit dit en passant, sont, tout autant l’une que l’autre, d’une douceur incroyable.

    Mes doigts parcourent, lisent, sondent le relief merveilleux de ses abdos, redécouvrent cet univers viril, chaud, doux, vallonné qui se cache sous son t-shirt. Le bogoss frissonne. Je frissonne, j’adore.

    Ivre de lui, je reviens à la charge, je pose plein de bisous dans son cou. Et là, surprise, le beau brun ne me repousse plus. Au contraire, il frissonne de plus en plus fort, il souffle bruyamment, il a carrément l’air d’aimer.

    Puis, il se passe quelque chose d’inattendu. Jérém appuie lourdement son front et ses lèvres dans mon cou, il mordille la peau dans le creux de mon épaule. C’est la première fois qu’il se laisse aller de cette façon. C’est à la fois sensuel et émouvant. C’est tellement bon de le sentir s’abandonner à un plaisir qui semble vraiment le dépasser.

    Ma main remonte sous son t-shirt jusqu’à effleurer sa chaînette, jusqu’à rencontrer ses pecs bien fermes que j’entreprends aussitôt de caresser. Ses tétons pointent, et je ne peux pas résister à l’envie de les agacer avec le bout des doigts. Dans la foulée, je ne peux carrément pas résister à la tentation de soulever son t-shirt pour lécher ces délicieux boutons de mec. Tout en continuant de le branler.

    Je me perds dans le bonheur de sentir son excitation monter seconde après seconde. Je savoure à fond ces instants d’excitation pure en attendant que le mâle réclame son plaisir, tout en ignorant de quelle façon il va s’y prendre. Car je sais que ça ne va pas durer, car le mâle Jérémie ne va pas attendre indéfiniment que je le suce.

    Je ne sais que trop bien que lorsqu’il a une envie dans la queue, il ne l’a pas derrière la tête.

    Et ça finit par tomber, ponctuel, net, précis, puissant. Le beau brun allonge son bras, m’attire vers lui, il pose lourdement la main sur mes épaules et emploie toute sa force, et un brin de brutalité, pour m’obliger enfin à me mettre à genoux.

    Face à sa détermination, je renonce à résister. Je me laisse faire et mes genoux touchent enfin le sol. Et tant pis pour mon jeans tout neuf. Il y a des priorités dans la vie. Et ma priorité à cet instant précis est là, dressée à quelques centimètres de mon nez. Elle est belle, imposante, et elle est prête à me remplir la bouche.

    Je le regarde, lui debout, moi à genoux, je le regarde me dominer de toute sa taille, avec son regard lubrique, arrogant.

    Et tant pis si je me retrouve à nouveau à genoux, au sens propre comme au sens figuré, devant sa virilité conquérante, à nouveau complètement soumis au plaisir de mon mâle brun. Tant pis si – c’est désormais officiel – j’ai tout oublié de l’état d’esprit de ce fameux dimanche avec Stéphane.

    Il y a dans son attitude un côté terriblement, insupportablement, macho mais aussi terriblement sexuel. Ce gars, je l’ai vraiment dans la peau. Mon attirance pour lui est viscérale. Je le regarde droit dans les yeux, et le bogoss me lance un regard qui ne veut dire autre chose que :

    « Allez, dépêche, suce ! »

    Il l’aurait dit avec des mots, ça n’aurait pu être plus clair.

    A la faveur d’un petit mouvement de son bassin, le t-shirt retombe, le bord inférieur flotte désormais pile au-dessus de sa queue, l’effleure. J’ai excessivement envie de le sucer sur le champ, d’autant plus que ça fait dix jours que je n’ai pas goûté à sa belle bite. D’autant plus que maintenant je sais ce que ça fait dans sa tête et dans son corps de se faire sucer, ce qui me donne dix fois plus envie de lui offrir ce plaisir.

    Mais le voir s’impatienter m’excite terriblement, d’où ma petite ruse pour faire durer cette attente.

    Le beau brun, pressé, à bout de nerfs, enfourne sa queue dans ma bouche sans autre forme de procès. Il entreprend de la limer, en envoyant des coups de reins très puissants, tout en maintenant ma tête avec ses deux mains.

    Au gré de ses va-et-vient de jeune mâle fougueux, le bord inférieur du t-shirt ondule avec une cadence régulière, caresse ses abdos, ainsi que mon nez et mon front. Agissant comme un soufflet, le coton léger aspire de l’air vers sa peau, la chargeant ainsi d’effluves masculins, avant de l’expulser vers mon nez. Au bout de quelques instants à peine, je suis ivre, assommé, sur le point de disjoncter. Et je suis au paradis des odeurs mâles.

    Dans cette cabine des toilettes de la Bodega, Jérém veut jouir vite. Ce qui explique certainement la cadence infernale de ses coups de reins qui deviennent vite trop violents pour que j’en retire du plaisir.

    Alors, dans un réflexe de survie, ma main se lève pour aller se poser sur son t-shirt à hauteur de ses abdos (ahhhhh, putain, qu’est-ce que c’est ferme, et qu’est-ce que c’est sculpté !) tout en appliquant une pression avec mon bras et mon épaule. Un geste dont, dans le feu de l’action, et certainement à cause de ma position, je n’apprécie pas correctement l’intensité. En effet, le bassin de mon beau brun se retrouve soudainement projeté contre la cloison de la cabine dans un bruit sourd, et je perds le contact avec sa queue.

    Profitant de l’effet de surprise, et me dépêchant avant que mon beau brun ne revienne à la charge, j’avance mon buste et j’entreprends de le sucer vigoureusement. Mais très vite, Jérém repasse une main derrière ma tête pour donner plus d’impact aux coups de reins qu’il recommence à balancer avec la même intensité qu’auparavant.

    Visiblement, le beau brun n’a pas compris. Pourtant, ce soir il va falloir qu’il comprenne, il doit comprendre. Je le repousse une nouvelle fois en saisissant ses cuisses musclées. Et alors que je le sens déterminé à revenir illico à la charge, je maintiens fermement son bassin collé contre la cloison, tout en levant mon regard vers le sien. Jérém a l’air pressé, excité, agacé, déboussolé, tout à la fois. Il a l’air de ne pas comprendre à quel jeu je suis en train de jouer.

    Sans le quitter des yeux, et tout en amorçant un petit sourire coquin – car c’est par son intermédiaire que j’ai décidé d’essayer de lui faire comprendre que s’il me laisse faire, s’il me fait confiance, je vais lui faire un truc qui va lui plaire – j’avance lentement mon visage vers sa queue, je l’avale lentement. Une fois de plus, je sens le bogoss frissonner. Là, je sais que la magie de la pipe opère, que je peux quitter son regard, que je peux relâcher la prise sur ses cuisses, que le bogoss va me laisser faire.

    Il aime, je sais qu’il aime. Plus que ça même, il adore. Comment je le sais ? Très simple, en écoutant son corps, en percevant la vibration de son bonheur.

    Mais aussi en levant les yeux, en voyant son regard absent, en voyant ses paupières frémir et retomber lourdement, en voyant passer sur son visage d’intenses frémissements qui ne sont autres que le reflet des frissons provoqués par mes lèvres et ma langue ; en le voyant déglutir bruyamment, alors que sa pomme d’Adam se balade nerveusement de haut en bas et de bas en haut de sa gorge ; en voyant ses lèvres s’entrouvrir pour laisser dépasser un petit bout de langue – un geste dont il ne doit même pas avoir conscience, mais que je trouve à la fois très mignon et terriblement sexy ; et en le voyant lever son visage au ciel tout en poussant un grand soupir, ce qui traduit clairement son plaisir. Mais aussi en l’entendant inspirer bruyamment, en écoutant ses halètements incontrôlés.

    Oui, c’est à tout cela que je sais que Jérém a l’air d’être comme dans un état second, abandonné à un plaisir qui le dépasse.

    Dans le petit espace, l’air est désormais chaud et moite à cause de nos ébats. Le bogoss commence à transpirer, il a chaud. Et là, sans se poser de questions, il a le geste qui va bien. Il attrape le bas de son t-shirt, le soulève, pendant que le haut de son torse se penche vers l’avant.

    Tout se passe avec la vitesse de l’éclair. Un instant plus tard, le t-shirt est coincé derrière son cou, et son torse magnifique est intégralement dévoilé, exception faite pour les épaules. Tandis qu’une nouvelle charge de parfums intenses et d’odeurs délicieuses se dégage de ce paysage merveilleux.

    Le t-shirt blanc coincé derrière le cou, avec une attitude « plus petit con tu meurs », le torse, pecs, abdos, complètement dénudes et offerts à ma seule vue, la chaînette qui pendouille entre ses pecs, mon Jérém est un concentré de beauté masculine, de jeunesse, de sexytude exacerbée.

    Comment ne pas avoir envie de précipiter sa jouissance ?

    Je le pompe de plus en plus vigoureusement. J’avale si loin sa queue que mon front arrive par moments à effleurer la peau de ses abdos, mon visage à en capter la chaleur, mon menton à frôler ses couilles, mon nez à approcher de très près les poils pubiens pour en détecter les petites odeurs magiques à leur source.

    La brusque variation de tempo semble ravir mon beau couillu, et son corps semble me remercier avec des frissonnements plus marqués.

    Je relève les yeux, juste à temps pour le voir rabattre une nouvelle fois la tête en arrière, tout en soufflant un « putain ! » venant du plus profond du cœur, le regard vers le ciel comme cherchant là-haut une explication de ce plaisir inouï apporté par la bouche d’un garçon. Je sais qu’il approche à grands pas de l’orgasme.

    C’est là qu’un petit grain de sable vient perturber cet instant magique. Soudain, le silence de la pièce est rompu par la vibration de deux voix masculines que je reconnais de suite. Ce sont celles de Thierry et de Bruno.

    Jérém me repousse fermement, il retire illico sa queue de ma bouche, plaque sa main sur ma bouche. Je regarde cette queue en feu, prête à jouir, je regarde ses abdos onduler sous l’effet d’une respiration accélérée et profonde. Je suis tellement frustré !

    Visiblement, les deux potes sont venus se soulager la vessie dans les pissottières à côté. Leur pause pipi ne doit durer que quelques secondes, mais cela me paraît prendre une éternité. Je crève d’envie de faire jouir mon beau couillu. Et cela doit paraître encore plus long pour lui, interrompu dans son affaire alors qu’il était sur le point de venir.

    « On se fait un dernier billard ? j’entends l’un demander à l’autre.

     — Pourquoi pas… Jé et Thib contre nous deux ?

     — Mais au fait, il est passé où Jéjé ?

     — Je n’en sais rien, ça fait un certain temps que je ne l’ai pas vu !

     — Si ça se trouve, il nous a planté pour aller baiser une nana chez lui !

     — Ça c’est bien possible. Ce ne serait pas la première fois !

     — Sacré Jéjé ! 

     — Allez, on va voir si Thib en sait davantage. »

    Un bruit de chasse d’eau, celui de l’eau qui tombe dans l’évier, celui du séchoir à mains, la variation d’intensité des voix qui s’éloignent, jusqu’à disparaître, les basses provenant de la salle qui pendant un instant, le temps que la porte se referme derrière eux : ce sont autant d’indices sonores qui nous informent que nous sommes enfin à nouveau seuls.

    Et là, d’un coup, voilà que le beau Jérém, jusque-là inanimé, redémarre au quart de tour. Sa main se pose sur ma nuque, m’obligeant à reprendre dare-dare mon ouvrage inachevé, ma fellation de dingue.

    Là, il faut y aller Nico ! Le mec n’en peut plus, il a envie de jouir, il a besoin de jouir, il est tellement excité qu’il n’y tient plus.

    Alors je me laisse aller, je ferme les yeux, je me concentre sur la délirante sensation d’avoir la bouche envahie par son pieu chaud, remplie de son excitation.

    J’y vais tellement franco que bientôt le beau brun ne juge plus nécessaire la présence de sa main sur ma nuque pour lui garantir son plaisir. Et lorsque je sens ses deux mains se poser sur mes épaules pour prendre appui et balancer les derniers bons coups de reins, j’accélère encore mon tempo.

    « Elle t’a manqué, ma queue, hein ? » j’entends mon bobrun me glisser tout bas, mais excité tout haut.

    Trop occupé à des affaires d’une importance autre que la parole, je ne prends pas la peine de lui répondre. Mais je n’en pense pas moins !

    Et toi, petit con sexy, dis-moi donc, elle ne t’a pas manqué ma bouche, hein ?

    J’ai envie de le gifler. Mais il a raison. Elle m’a maNqué. Car, depuis notre première « révision », elle m’a maRqué. Oui, j’ai envie de le gifler. Mais surtout de le faire jouir.

    Je sais que le bouquet final approche, je sens qu’il ne va pas tarder à venir. Vas-y, Jérém, fais-toi plaisir, jouis, lâche-toi, remplis-moi la bouche !

    « Je viens ! » il lâche tout bas, dans un soupir étouffé par la déflagration de l’orgasme.

    Et il jouit sans presque bouger, le gland coincé à l’entrée de ma gorge. Il jouit en silence, le corps secoué par des spasmes puissants. Il jouit dans ma bouche, alors que dans les urinoirs à coté, deux autres mecs échangent des grossièretés tout en se vidant la vessie. Il jouit et il me fait cadeau de plusieurs jets bien lourds, chauds, denses, puissants, répandant dans ma bouche ce goût de mec qui m’a tant manqué.

    Jérém n’en finit plus de jouir et je n’en finis plus d’avaler ce nectar délicieux.

    Lorsque Jérém me fait cadeau de cette délicieuse liqueur d’homme, je ressens l’enivrante sensation de céder à une forme de possession, de domination ultime. Je ressens chaque vibration de son plaisir, et j’ai l’impression de sentir son énergie, cette énergie virile véhiculée par son sperme, venir en moi, couler en moi, circuler en moi, résonner en moi.

    Je viens de quitter sa queue et mon regard est happé par ses abdos ondulant sous l’effet d’une respiration rapide et profonde, conséquence d’une excitation et d’un effort intenses. Je trouve mon Jérém encore dix fois plus beau lorsqu’il vient de jouir, lorsque son énergie et sa fierté de jeune mâle s’évaporent provisoirement laissant entrevoir un Jérém presque vulnérable, perdu.

    Moi aussi je suis essoufflé. Je n’ai pas joui mais il faut bien admettre que le sexe, lorsqu’il est si intense, demande une bonne dose d’énergie de part et d’autre. Et puis, Jérém ne m’a pas ménagé. Moi non plus je ne me suis pas ménagé. Ma respiration n’était pas le principal de mes soucis…

    Mon excitation est intacte, et même décuplée par le goût de son sperme qui persiste dans ma bouche. Je bande tellement que j’en ai mal. Je me relève, je glisse la main dans mon boxer. Je ne peux m’empêcher de me branler, j’ai envie de jouir moi aussi.

    Et là, nouvelle surprise, le beau brun agace mes tétons par-dessus le tissu de ma chemisette, il les pince délicatement du bout de ses doigts. Je me sens perdre pied, je sais que je suis à un rien de jouir dans mon boxer.

    Puis, d’un geste très rapide, le beau brun porte les mains sur mes épaules, me fait me pivoter face à la cloison, il descend un peu plus mon froc et mon boxer. Je l’entends cracher dans sa main et sur sa queue. J’ai tout juste le temps de me rendre compte de ce qui est en train de se passer lorsque je sens son gland se faufiler dans ma raie, viser au bon endroit et s’enfoncer en moi.

    Ses abdos bien plaqués contre mes reins, ses pecs appuyés sur mes omoplates, sa queue bien calée au plus profond de moi, je sens ses lèvres effleurer mon oreille pour y glisser quelque chose du style :

    « Alors, elle te semble comment, ma gaule ? »

    Echec et mat. Il ne faut pas le chercher, mon Jérém…

    « T’es vraiment un sacré étalon » je lui balance, la voix cassée par une excitation qui me tend comme une corde de violon.

    Je continue de me branler et je sens son regard sur moi. Je sens ses deux mains agripper mes épaules, je sens le contact de son menton, de sa barbe qui pique dans le creux de mon épaule. Il me mate pendant que je me branle.

    « Allez, dépêche ! Crache ton jus ! »

    Je suis surpris. Abasourdi. Incrédule. Mon beau brun veut que je jouisse pendant qu’il est en moi.

    Et pour parachever mon bonheur, sa main se glisse dans ma chemisette, ses doigts atterrissent sur mes tétons. Son goût de mec dans ma bouche, son torse enveloppant le mien, son souffle sur mon cou, je décolle, je m’évapore. Et je lâche des bons jets puissants qui vont atterrir sur la cloison. Et le fait d’avoir sa queue en moi, de sentir mon trou se contracter autour de son manche toujours raide, tout cela contribue à décupler mon bonheur.

    Très vite, Jérém se retire de moi. D’abord sa main, puis sa queue, et tout son corps. Il remonte son boxer, son froc, il reboucle sa belle ceinture. Le cliquetis de sa boucle sonne toujours aussi excitant à mes oreilles, même après avoir joui. Glin glin, je t’ai baisé le mec, glin glin, t’as aimé ça, glin glin… Et putain, qu’est-ce que j’ai aimé ça !

    Le bogoss repasse le t-shirt en position normale, il le laisse retomber sur son torse, couvrant ainsi ses pecs et ses abdos. Il attrape le bord inférieur, il tend le coton pour essayer de faire disparaître les quelques plis apparus dans le tissu lors de son utilisation non conventionnelle.

    Dans la foulée, il colle l’oreille à la cloison pour déceler la présence de quelqu’un au-delà de la porte. Je tends l’oreille à mon tour, mais je ne capte aucun bruit. Jérém déverrouille la porte, et d’un geste plus rapide que l’éclair, il l’ouvre et bondit hors de la cabine comme un fauve, disparaissant de ma vue, claquant la porte sur son passage. Et pendant que je la verrouille à nouveau, j’entends le bruit de la porte battante qui donne sur la salle principale. Jérém est parti sans encombre, tout va bien.

    Je remonte mon froc à mon tour, je reboucle ma ceinture, j’essaie de me ressaisir. Pas facile après ce petit interlude bien chaud. Je regarde ma montre. Tout cela ça n’a duré que quelques minutes, mais j’ai l’impression que ça fait très longtemps que j’ai quitté le « coté scène » de la soirée. Je suis un peu déboussolé, je ne sais plus où j’habite. Sacré mec, que ce Jérém !

    Pendant que je sors à mon tour de la cabine et que je me dirige vers un lavabo pour me laver les mains encore moites de mon jus, je me dis que ça ne me dit plus rien du tout de retrouver les anciens camarades. Tout dont j’ai envie c’est de partir de là et de jouer une deuxième mi-temps rue de la Colombette, avec mon Jérém.

    Mais une longue soirée est prévue, et il faudra encore passer par la case KL avant d’espérer en découdre à nouveau avec le beau brun. La soirée s’annonce longue. Mais ce que je ne sais pas encore, c’est que le KL ne sera qu’une étape, et pas vraiment la dernière, de ce samedi soir de dingue.

    Dès que je retourne dans la salle, dès que je m’approche de mes camarades, et que j’entends quelqu’un me demander :

    « Tu bois quelque chose ? »

    la réponse s’affiche clairement dans ma tête : « Non, merci, de viens de boire, et je veux garder cet arrière-goût délicieux le plus longtemps possible dans ma bouche ! »

    Mais, dans les faits, je me limite à hocher la tête, tout en souriant et en lâchant un : « Non, merci ! »

    Sans boisson, je m’ennuie très vite, car je n’arrive pas à rentrer dans des conversations qui ne m’intéressent pas.

    Le fait est que toute mon attention est accaparée ailleurs. Accoudé au comptoir, les jambes légèrement écartées, le bassin vers l’avant, la bosse bien en vue, Jérém a toute l’attitude d’un mec en train de récupérer de l’effort récent. Oui, Jérém a l’air complètement ailleurs, comme s’il venait de se faire secouer par une décharge électrique.

    Entouré de Bruno et de Thierry, chacun une bière à la main, le beau brun est en train de fumer une cigarette. Ses deux acolytes déconnent entre eux et le bogoss se contente de les regarder faire. Si seulement ils savaient ce que vient de vivre leur pote, leur coéquipier de rugby, l’ailier vedette de leur équipe, le sérial baiseur de nanas, dans une cabine des chiottes de ce pub même !

    Sacrée sensation que de revoir Jérém avec ses potes, comme si de rien n’était.

    Jérém vient d’écraser son mégot et de reprendre la bière posée sur le comptoir juste à côté de lui. Sa main libre se faufile à nouveau sous le t-shirt, en contact avec ses abdos.

    Est-ce qu’il ressent dans son bas ventre la même douce chaleur que je ressens dans le mien et qui me donnerait envie de passer la main de la même façon, si seulement j’osais le faire ? Est-ce qu’il ressent la même douce fatigue que je ressens en moi et qui rend désirable plus que tout autre chose le fait de nous retrouver sur son matelas plutôt que de rester planté là en attendant que la nuit s’écoule ? A quoi pense le beau brun à cet instant précis ? Au plaisir de dingue qu’il vient de prendre dans ma bouche ?

    Lorsque je contemple son regard vide, complètement ailleurs, je ne peux m’empêcher de me dire qu’il est certainement encore en train de penser à l’orgasme que je viens de lui offrir. Et cela, à l’insu de ses potes.

    Moi je sais ce qui vient de secouer mon Jérém à ce point. Mais je ne peux m’empêcher de me demander ce que ressentirait un autre gars comme moi, s’il posait à cet instant précis son regard sur mon beau brun. Qu’est-ce qu’il déduirait de son attitude ? Quelles questions se poserait-il à son sujet ? Des questions dont il n’en aurait jamais la réponse. Mon beau brun représenterait pour lui l’un de ces mystères virils insolubles qui frustrent autant qu’ils excitent.

    Cela me renvoie par ricochet à tous ces « mystères » qui font partie de la vie des petits cons qu’on peut croiser dans la rue, le bus, les bars. A l’instant où on les croise, que viennent-ils de faire ? 5 minutes avant, 1 heure avant, la veille, la nuit d’avant ? Peut-être viennent-ils de baiser, de se branler ?

    C’est grisant de savoir que pour une fois j’ai la réponse, car en l’occurrence je suis une partie de la réponse.

    Jérém incline la tête vers l’arrière pour avaler une dernière gorgée de bière. Je vois le liquide pétillant glisser dans sa gorge, je suis le moindre mouvement de sa pomme d’Adam et de son petit grain de beauté. Et une fois sa soif étanchée, je le vois respirer profondément, secouer sa tête comme pour se ressaisir.

    Et lorsque ce mouvement s’arrête, voilà, à cet instant précis mon Jérém a cet air, cet air que je lui connais très bien et qui me rend dingue de lui et au même temps tout particulièrement fier de moi. Oui, Jérém porte sur lui cet air de mâle comblé, de mâle repu qui lui va si bien.

    Vraiment il n’y a pas à dire, il n’y a pas de secret, un homme bien sucé, est un homme heureux.

    La fatigue me happe de façon de plus en plus insistante. Je regarde l’heure. Il est 1h03 du mat. J’ai envie de rentrer chez moi. Je ne pense pas avoir l’énergie pour supporter une virée en boîte jusqu’à pas d’heure, en espérant une suite avec mon bobrun qui ne viendra probablement pas.

    J’ai envie de partir mais je ne n’arrive pas à détacher les yeux du t-shirt blanc reparti rejoindre ses potes, se mélanger à eux comme si de rien n’était. S’ils savaient, ces potes avec qui il est si proche, si complice, ces potes qui aiment sa compagnie, qui l’admirent, qui jalousent ses exploits au rugby, et encore plus son succès avec les nanas, s’ils savaient combien de fois il m’a baisé, dans son appart de la rue de la Colombette et dans bien d’autres endroits ! Et comment il a pris son pied, dans ma bouche, pas plus tard que ce soir dans le chiottes de ce pub si « hétéro »…

    « Il est beau comme un dieu, hein ? j’entends une voix m’interroger.

     — Plus que ça même ! » je ne peux m’empêcher de laisser ma pensée glisser sur mes lèvres, avant de me rendre compte que ce n’est pas à mon inconscient que je viens de répondre, mais à ma camarade Camille, que je n’ai pas vue approcher.

     — J’étais sûre que tu le kiffais, lâche Camille, la voix déformée et le propos libéré par un degré d’alcoolémie certain.

     — De quoi tu parles ? je tente de me défendre.

     — Tu viens de le dire, tu kiffes Jérémie !

     — Arrête de dire des conneries, t’es au moins à dix grammes !

     — Oui, j’ai bu, mais je sais ce que je dis. Je sais que tu kiffes Jérémie. Je le sais depuis un moment. Tu n’arrêtais pas de le mater en cours. Je ne suis pas la seule à l’avoir remarqué. Mais tu dois t’en faire une raison. Jérémie est un mec à nanas !

     — Camille, tu sais quoi ? je fais, en prenant la mouche.

     — Oui ?

     — Va donc prendre un autre verre et fiche-moi la paix !

     — Je sais ce que je dis.

     — Et moi je te dis d’aller te faire voir !

     — Connard de pédé ! » elle me balance en s’éloignant.

    Et voilà, l’insulte de facilité, l’insulte stigmatisant. Pourquoi ne pas me traiter simplement de connard ? Parce que pédé fait plus mal, parce que pédé c’est plus humiliant, plus méprisant.

    Si je pouvais, je lui parlerais avec une foule de détails de ce qui s’est passé quelques minutes plus tôt à quelques mètres de là. Mais ça n’en vaut pas la peine, et je n’ai pas envie de partager mon bonheur avec cette nana insupportable.

    « Connasse toi-même ! », je me contente alors de boucler notre échange de politesses.

    Cette stupide conversation m’a obligé à détourner momentanément l’attention de mon beau brun. Et lorsque mon regard se remet en quête du t-shirt blanc, je constate qu’il a disparu des écrans radar. Mais il est passé où ?

    En fait, je remarque qu’il n’y a pas que lui qui a bougé. Tous nos camarades sont en train de bouger. Apparemment, c’est l’heure de partir en boîte. Je crois que je vais les laisser partir et que je vais rentrer chez moi discretos. J’ai besoin d’être seul, et tranquille.

  • JN01065 Une soirée pour fêter le bac – Le resto

    JN01065 Une soirée pour fêter le bac – Le resto

    Samedi 7 juillet 2001, au soir

    Le rendez-vous est fixé à huit heures devant un resto boulevard Carnot. Le vent d’Autan n’a pas faibli, il caresse ma peau avec son souffle tiède. Mes sens en plein éveil, j’ai l’impression de capter des regards, de plaire. Mais peut-être que je me fais des films.

    Lorsque j’arrive devant le resto, une partie des camarades est déjà là. Je cherche mon beau brun, en vain. C’est bien connu, ce sont ceux qui sont les plus proches qui sont le plus en retard.

    Au fur et à mesure que j’approche du petit attroupement, j’entends des exclamations gentiment moqueuses, des commentaires étonnés. Ma nouvelle allure ne passe pas inaperçue, on me charrie.

    Pendant que j’accomplis ma tournée « Bonjour, bonsoir », pendant que je serre des mains et que je claque des bises, ça fuse dans tous les sens autour de moi. Je suis mal à l’aise, je tente de me donner une contenance en souriant à tour de bras. Tout en me disant au fond de moi que j’aime bien qu’on remarque que j’ai fait des efforts. Si seulement LUI aussi pouvait le remarquer.

    Une fois le petit effet de mon entrée en scène estompé, j’essaie de me fondre dans une conversation. Je ne veux surtout pas avoir l’air d’un con seul dans son coin lorsqu’IL se pointera.

    L’heure avance, Jérém n’est toujours pas là. J’ai hâte de le revoir, mais en même temps je redoute le moment où il va arriver. Je commence à stresser terriblement, j’ai l’impression d’avoir une boule au ventre. Je n’arrive pas à me concentrer sur les conversations, je rigole nerveusement, bêtement, de tout, de rien, de n’importe quoi. Je suis comme ivre. Je dois avoir l’air d’un idiot. Un idiot bien coiffé, bien sapé, mais un idiot quand même.

    Je finis quand même par arriver à me glisser dans une conversation à base de souvenirs de lycéens, une conversation à la fois drôle et empreinte de nostalgie. Nous rigolons de tout, et spécialement des moments qui nous ont paru sur le coup les plus difficiles à vivre, les contrôles en cours d’année, la préparation du bac, les épreuves du bac, le choix de l’orientation après le bac, les caps les plus rudes à passer. Un souvenir en entraîne un autre et j’ai l’impression que nous pourrions rester des heures à remémorer, déformer les événements, enjoliver le passé, à nous avouer, sans le dire, que la nostalgie nous happe tous autant que nous sommes.

    C’est vraiment dommage que tout cela se termine maintenant, maintenant que je commence enfin à trouver un semblant de place au lycée, et que je commence à trouver certains de mes camarades plutôt sympas.

    Pendant des années je me suis senti isolé, ignoré, différent, rejeté. Ça a duré jusqu’à ce troisième trimestre de cette année de bac. C’est là que j’ai commencé à me sentir mieux dans ma classe. Je réalise à cet instant que j’ai commencé à me sentir bien au lycée à partir du jour où, sur un coup de tête dont je n’attendais franchement rien, j’ai proposé à Jérém de réviser les maths. Je craignais un refus méprisant et, contre toute attente, le beau brun a dit oui.

    Quand j’y repense, j’ai la nette sensation que le fait de côtoyer le bogoss du lycée, a contribué à faire sensiblement remonter ma côte de popularité.

    J’ai beau être en plein milieu d’une déconnade bruyante et enjouée, lorsque son parfum frappe mon cerveau, tout se bloque, je bugge net, je perds le fil des mots. J’entends Alexandra appeler « Nico ! Nico ! Nico ! » mais sa voix me semble de plus en plus lointaine, estompée, comme si j’avais été soudainement plongé dans l’eau.

    La vérité est que je ne suis plus là, qu’il n’y a plus de connexion. Je me retrouve propulsé dans une autre dimension, dans un autre lieu, dans un autre espace-temps où seuls existent ce parfum et le gars qui le porte.

    Non, je ne l’ai pas vu arriver, mais je l’ai senti arriver.

    Puis, quelques instants plus tard, je l’entends arriver.

    Après son parfum, je capte dans mon dos le son de sa voix chaude et sexy de jeune mec, ainsi que la mélodie virile de son sourire.

    Je ne me suis pas encore retourné, son image n’a pas encore impressionné ma rétine. Et pourtant, je suis déjà impressionné tout court.

    Comme il est loin cedimanche soir, une semaine plus tôt, où j’ai cru m’être libéré à jamais du sortilège que mon bobrun m’a jeté lors de notre première « révision » !

    Mon cœur s’emballe, ma respiration s’accélère. Il m’a manqué, putain qu’est-ce qu’il m’a manqué, et je me rends compte seulement à cet instant à quel point.

    Je respire à fond pour me préparer à ce moment où mon cœur va battre non pas à mille mais à dix mille à la seconde. Le moment où ma raison va s’évaporer sous la lumière insoutenable de sa présence, sous la chaleur de son regard.

    Paf ! sa silhouette rentre dans mon champ de vision.

    Cheveux très courts autour des oreilles et derrière la nuque, pattes fines et allongées jusqu’à la base de ses oreilles, juste ce qu’il faut. Son allure sent la douche fraîchement prise, le déo copieusement vaporisé, le gel posé sur les cheveux encore humides. Bref, la parfaite conscience de ses atouts de mec, ainsi qu’une certaine intention, ou plutôt une intention certaine, d’en mettre plein la vue. Ça sent le petit con soigné, la jeunesse insolente, une fraîcheur du corps et de l’Etre, cette fraîcheur sensuelle qui crie au sexe. C’est tout simplement à tomber.

    Oui, Jérém est là, à tout juste quelques mètres de moi, le torse redessiné par un magnifique t-shirt blanc de marque. Une image de perfection qui frôle le divin. Une beauté aveuglante et absolue.

    Le temps d’un battement d’aile de papillon, tout a disparu autour de moi. Plus rien n’existe, je ne vois plus que lui et ce coton immaculé qui contraste fabuleusement avec sa peau de plus en plus mate au fur et à mesure que l’été avance, ce coton doux parfaitement tendu sur sa plastique insolemment mise en valeur.

    Un t-shirt blanc, c’est toujours beau chez un beau garçon. Jeans et t-shirt blanc, c’est une valeur sûre, c’est indémodable. Et ce t-shirt est si magnifiquement coupé qu’on devine non seulement le relief de ses pectoraux mais, par moments, on jurerait de voir apparaître les lignes de ses abdos sous le coton.

    Ce t-shirt est un magicien capable de dévoiler ce qu’il est censé habiller. Sa longueur est juste parfaite, le bord inférieur se pose négligemment là où sa braguette commence. Et on a à la fois envie de l’arracher pour découvrir le monde de beauté plastique qu’il annonce de façon si insolente et insistante, et de le laisser en place pour assister à cette féerie visuelle.

    Au gré de ses mouvements, les deux tissus, t-shirt et jeans, se frottent, se superposent, se relayent, se cherchent, se séparent, dévoilent tour à tour, de façon inattendue et rapide, sa belle ceinture de mec, l’élastique de son boxer, et même, par moments, des petits bouts d’abdos sculptés.

    Avec ses cheveux courts, son port de tête haut, ce regard brun ténébreux et quelque part intimidant, avec cette assurance de jeune mâle sûr de lui et qui ne doute de rien, avec ce simple t-shirt blanc et ce jeans, tout ce qu’il y a de plus simple, beau et masculin, mon Jérém ressemblerait lui aussi, tout comme Thibault la veille, à un jeune militaire en permission.

    Oui, Jérém est là. Et pour moi, plus rien n’est comme avant.

    Je suis saisi par une émotion qui me déborde, qui me dépasse. Jérém est là, à quelques pas de moi. Je sens sa présence et j’ai envie de pleurer de bonheur. Plus jamais ça, plus jamais dix jours sans le voir.

    Je le regarde serrer des mains, faire des bises, aux nanas, à ses potes les plus proches, je le regarde être accueilli comme un petit chef, comme le gars le plus populaire de notre classe. Et soudain j’appréhende le moment où il va approcher, où il va venir faire la bise aux filles, et serrer la main des garçons avec qui je suis en train de discuter. Et peut-être à moi aussi.

    Le beau brun avance, le pas assuré, sûr de l’effet qu’il provoque autour de lui. Le petit cercle s’ouvre pour l’accueillir. Je respire à fond, j’essaie de me calmer pour me préparer au choc de le voir devant moi. Et là…

    Il commence par faire la bise à Alexandra, ensuite c’est tour de Camille. Et lorsqu’il arrive à hauteur de Rémy, c’est toujours avec une bise qu’il dit bonjour.

    Un instant plus tard, il s’approche de moi, il pénètre dans mon espace vital. Son parfum cogne dans ma tête prête à exploser. Le beau brun me fixe pendant un court instant, me toise rapidement de haut en bas et de haut en bas, l’air d’avoir du mal à en croire à ses yeux. Ça ne doit durer qu’une fraction de seconde, mais j’ai l’impression que son regard sur moi s’étire sur une petite éternité.

    Je redoute ce qu’il pourrait me balancer, j’ai peur qu’il se moque de moi, de quoi je ne sais pas, mais je sais qu’il en serait bien capable. Mais là, devant tout le monde, je sens que je le prendrais très mal.

    Et je suis toujours en apnée lorsque Jérém incline légèrement la tête sur le côté, accompagnée d’un mouvement du sourcil, marquant son grand étonnement.

    Ce n’est rien, vraiment pas grand-chose. Mais c’est un « rien » si furieusement sexy. Sexy à ne pas pouvoir l’exprimer. A chaque fois qu’il fait ce truc avec le sourcil, je ressens une émotion tellement puissante que j’ai l’impression que mon cœur va s’arrêter de battre.

    Je n’ai toujours pas de photo de lui (à part une toute petite que j’ai réussi à avoir sur le site de son club de rugby, car Facebook n’arrivera que bien plus tard, et même plus tard Jérém n’aura pas de page Facebook, car il ne sera jamais le genre de mec à vivre sa vie pas écran interposé), et je doute fort que même le meilleur photographe du monde serait capable de fixer tant de perfection.

    Certes, un jour il existera de très très belles images de mon beau brun, des images que je ne serai pas vraiment le seul à admirer. Mais ça c’est une autre histoire, qui sera racontée en son temps. Mais même la plus belle photo ne saura rendre justice à sa bogossitude hors normes.

    Car ni le meilleur objectif, ni la meilleure pellicule, ni le meilleur photographe ne seront jamais en mesure de capter la profonde beauté de ce garçon, une beauté qui va bien au-delà de sa beauté visible. Car ce sont ses attitudes, le devenir insaisissable et éphémère qui se dégage de son être à chaque instant, c’est sa Présence tout entière, son souffle, son âme, c’est la totalité de l’émotion masculine qui se dégage de lui, qu’il faudrait capturer pour rendre compte de sa beauté profonde.

    Jérém est toujours en train de me toiser et je ne sais toujours pas s’il se moque de moi ou s’il apprécie ma tenue. Mon cœur est sur le point d’exploser. Et là, il m’achève avec un petit sourire canaille.

    Puis, presque d’un bond, il franchit les derniers centimètres qui nous séparent encore. Ses pecs effleurent les miens, sa joue, à la barbe de trois jours, se pose contre la mienne rasée de près, et ça pique un peu. Mais j’adore.

    Et il me claque la bise. Une sur chaque joue, comme l’avait fait Thibault la veille. Pendant ce temps, les assauts olfactifs de son parfum ravagent mes derniers neurones. Et ses lèvres en profitent pour me glisser quelques mots à l’oreille :

    « Dis donc, tu t’es fait beau ce soir ! »

    Je fonds, je meurs. Je suis surpris, tétanisé, et je ne trouve rien à lui répondre. Même pas l’évidence : « Et toi, donc… plus beau, on meurt ! »

    Même pas un simple « Merci », même pas un sourire. Non, je suis tellement surpris et intimidé que mon visage et mon corps tout entiers restent figés dans une expression de stupeur.

    Lui, en revanche, a toujours son sourire canaille lorsqu’il me dévisage en éloignant son torse du mien, l’air fier de l’effet de son entrée en scène sur le spectateur conquis que je suis.

    J’étais parti avec l’intention de me faire beau pour attirer son attention. Mais comme toujours, c’est lui qui m’en met plein la vue.

    Ceci dit, et tout bien considéré, ma manœuvre n’a pas complètement échoué. Le fait d’arriver à faire dire a Jérém cette phrase inattendue, « Dis donc, tu t’es fait beau ce soir », lui qui ne m’a jamais fait un seul compliment, ça ressemble quand même à une petite victoire.

    Je le regarde s’éloigner, repartir vers d’autres camarades, le plus naturellement du monde, alors que moi je suis tout sens dessus dessous. Je le regarde discuter et déconner avec Thierry et Bruno, j’envie leur complicité, leurs petits échanges tactiles – un bras qui se porte sur une épaule, une main qui saisit un biceps pendant une franche déconnade – et, par-dessus tout, leurs sourires, un feu d’artifice de sourires. Si c’est pas beau de voir une bande de potes en train de déconner…

    Aussi bouleversant que le sourire ravageur lorsqu’il est en mode charmeur, aussi beau que son sourire lubrique lorsqu’il est en mode « je vais te baiser », le sourire qu’il réserve à ses potes est pourtant d’une espèce différente. C’est un sourire amusé, lumineux, sans réserve, un sourire franc, joyeux, contagieux. C’est le genre de sourire qu’il ne m’a jamais adressé.

    Non, jamais je n’ai eu droit à un beau sourire comme celui qui est en train d’illuminer toute sa personne à cet instant. Je réalise que jamais nous n’avons rigolé ensemble. Nous avons juste baisé.

    Jérém s’allume une clope, et il en propose une à son pote Thierry.

    Je le regarde tirer sur la cigarette en plissant les yeux, jusqu’à presque les fermer. Puis, l’enlever de la bouche, garder la nicotine dans ses poumons pendant un petit moment. Et enfin expulser la fumée, l’air d’y prendre du plaisir.

    Fumer est un immense gâchis pour la santé. Mais il faut bien admettre que toute la « chorégraphie » autour de la cigarette rend mon bobrun encore plus sexy. J’aimerais tant pouvoir lui offrir là, tout de suite, un plaisir bien plus intense qu’une simple cigarette.

    Pendant qu’il porte la cigarette à ses lèvres, j’essaie de détailler cette belle montre que je ne lui ai encore jamais vue et qui habille si bien son poignet. C’est une grosse montre au bracelet métallique qui en rajoute encore, si besoin était, à son côté viril. Mais comment l’a-t-il eue ? Un cadeau pour le bac ? Ça ne peut pas venir de sa famille, ils ne se parlent plus. Alors, de qui ? Je n’en sais rien. Achetée par lui-même ? Ce qui est-certain, c’est qu’elle lui va drôlement bien.

    Jérém est maintenant en train de taper la discute avec Laura, la nana qui m’a harcelé au téléphone pour me faire venir à la soirée. Je décèle chez lui cette attitude qui lui est typique lorsqu’il est face à une jolie gonzesse : un regard intense, brun, charmeur. Jérém aime plaire, séduire, en toute occasion.

    Un t-shirt et un simple jeans sur lui, les mains nonchalamment glissées dans les poches, les épaules en avant, le dos légèrement courbé, la tête imperceptiblement inclinée, voilà un ensemble de petits détails qui, mis bout à bout, accentuent encore, si nécessaire, son côté petit con à gifler et à sucer sur le champ.

    Son attitude dégage une sexytude conquérante. Ce gars pue le sexe à des kilomètres. Le pire c’est que son petit jeu marche à tous les coups, et devant ce charme déployé sans ménagement, avec une effronterie presque insoutenable, on lui donnerait la bonne pipe sans hésitation.

    Il est huit heures et quart, tout le monde est là. Quelqu’un balance : « on y va ». Alors, on y va. Je suis le mouvement. Je suis à côté de la porte d’entrée, et je réalise que je vais rentrer dans le resto parmi les premiers. Je jette un œil par-dessus mon épaule et je me rends compte que le t-shirt blanc est tout à fait dans les derniers. Les chances d’être à côté ou en face de lui à table sont presque nulles.

    Nous avançons vers la table qui nous est réservée, au fond de la salle. Et mes craintes se confirment une fois que tout le monde est assis. Le beau brun n’est ni à proximité, ni même dans mon champ de vision. Nous sommes en effet installés presque aux deux extrémités de la table et sur le même alignement de chaises. Merde, alors !

    La serveuse se pointe pour la commande. L’apéro arrive vite et nous trinquons au bac, à notre réussite. J’ai l’impression de trinquer à la fin de notre vie de lycéens, mais aussi à la fin de la « parenthèse » Jérém.

    Au moment de rentrer dans le resto, j’avais trouvé dommage d’être si éloigné de lui et de ne pas pouvoir le mater pendant le repas. Mais je finis par me dire que c’est bien ainsi. S’il avait été près de moi ou en face, j’aurais passé tout le temps du repas à me laisser étourdir par son parfum, à le regarder rigoler avec tout le monde sauf avec moi, et à repenser à tous nos moments ensemble.

    Oui, passer tout le repas près de lui, cela aurait été dur. Comme une torture. Loin de la vue, loin du cœur, loin du parfum, loin de la trique. Hélas, loin de la vue ce n’est pas forcement loin de la voix. Jérém a beau être assis à l’autre bout de la table et du même côté que moi, il m’arrive de capter sa voix par-dessus le brouhaha, d’entendre des éclats de rire que je reconnais être les siens. Je capte même quelques-uns de ses mots au milieu d’une conversation.

    Car, à la faveur de l’enchaînement de quelques verres, le beau brun et son pote Thierry parlent de plus en plus fort. Ils sont survoltés et ils font les cons pour faire rire la galerie. J’ai l’impression que c’est leur façon à eux de lire à tout le monde « les gars, vous allez nous manquer. »

    A cet instant, je trouve mon Jérém émouvant, drôle, touchant. A cet instant, je voudrais être proche de lui, je voudrais le prendre dans mes bras, le câliner.

    Faute de pouvoir le toucher, j’ai au moins besoin de le caresser du regard. Je me penche, je me contorsionne, j’ai parfois la chance de l’entrevoir. Aaaah, qu’est-ce qu’il est beau ! Et qu’est-ce qu’il est craquant dans son rôle de pitre, de clown ! Et pourtant, le clown semble être un peu triste. Peut-être que, contrairement à ce qu’il en dit, lui aussi déteste l’idée de devoir quitter ses potes, le lycée, les années les plu insouciants de sa vie.

    Ça déconne tellement de son côté que toute la table finit par suivre le délire. Même les autres tables semblent sensibles à la bonne humeur bien chargée en testostérone qui se dégage de la confrontation entre les esprits désormais un brin alcoolisés de Jérém et de Thierry.

    Et puis, de but en blanc, Jérém se lève, son verre à la main. Il se penche légèrement en avant, se tourne vers l’autre bout de la table, c’est-à-dire dans ma direction, pour apercevoir tous les visages. Et comme mes yeux le fixent sans discontinuer, nos regards finissent par se croiser, s’aimantent pendant un instant. Ce n’est qu’un très court instant mais, une fois de plus, j’ai l’impression que ça dure une éternité.

    Le lien se brise vite, et je l’entends balancer :

    « Merci d’être tous venus, ça fait plaisir. Je trinque au bac. Mais, surtout, à la fin du lycée. Putain, qu’est-ce qu’on en a bavé ! »

    Tout le monde rigole, alors que le beau brun continue : « Je trinque à l’avenir de nous tous ! »

    Je suis complètement emporté par sa voix. Je suis très sensible à la voix, car je trouve qu’elle exprime beaucoup de choses, au-delà des mots. La voix exprime le tempérament, l’attitude, et la sensualité du garçon dont elle est l’essence sonore.

    Dans la voix de mon Jérém se niche un clair accent du sud, que l’alcool fait ressortir davantage, un accent légèrement chantant, et qui sent bon le soleil de cette belle région. C’est une voix qui se fait entendre, qui occupe l’espace, c’est l’expression sonore de son aura masculine. C’est une voix qui « décrit » un jeune mâle qui en impose.

    La voix de Jérém me fait vibrer. C’est une belle voix virile qui enflamme le désir. Sa voix, c’est de la testostérone verbalisée.

    « Et je veux aussi trinquer à une personne grâce à laquelle je n’aurais certainement pas le bac » il continue sur sa lancée.

    Mon cœur s’emballe en une fraction de seconde. Je retiens ma respiration. Il ne va quand-même pas faire ça, me remercier devant tout le monde. Surtout qu’à part le faire jouir, je n’ai pas fait grand-chose pour sa progression en maths…

    « Je veux parler de… »

    Putain, il va le faire !

    « … d’Anaïs qui m’a souvent aidé dans les dissertes, parce que j’étais vraiment nul ! »

    Mais quel con ! Quel con je fais d’avoir pensé pendant un instant que Jérém me remercierait devant tout le monde. Et quelle haine de le voir remercier Anaïs pour son aide, tout en me demandant si Jérém s’est acquitté avec elle avec la même « monnaie sexuelle » avec laquelle il m’a « rémunéré » pour l’avoir aidé pour les « révisions » de maths. Le sourire un peu gêné d’Anaïs semble me confirmer que c’est bien le cas.

    De toute façon, ce n’est pas comme si je n’étais pas au courant qu’ils sont sortis ensemble. Je me souviens des pelles qu’ils se roulaient dans les couloirs du lycée et dont la vue me faisait bouillir. Je me doute bien qu’ils ont du coucher ensemble.

    Mais si je me souviens bien, leur crush avait pris fin peu après le début de nos « révisions », c’est-à-dire lorsque le beau brun avait trouvé en moi un endroit plus à son goût où tremper sa queue.

    Moi aussi j’ai envie de trinquer. De trinquer à nous tous, certes, mais surtout à quelqu’un en particulier. A toi, Jérémie, avec qui ça a été un plaisir inouï de « réviser ». Parce qu’au-delà du sexe même, tes fêlures inavouées m’ont touché.

    Mais au fait, non, je n’ai pas envie de trinquer. Je sais que tu vas te casser à la fin de l’été, que tu vas m’abandonner, car tu n’en as rien à foutre de moi, car ce n’est que mon cul qui t’intéresse et que des culs comme le mien tu en trouveras toujours.

    Le problème est que moi je tiens vraiment à toi. Et que des Jérém comme toi je n’en trouverai pas ailleurs. Car même si tu es mauvais avec moi, même si tu es très con avec moi, je t’aime, Jérémie Tommasi.

    « Santé » ce sera ma seule réaction à son petit speech, pendant que ces mots que j’ai envie de lui crier devant tout le monde restent coincés au fond de ma gorge.

    Le repas est long, et lorsque le café arrive enfin, je le bois cul sec. Assis à cette table, sans pouvoir approcher mon Jérém, j’étouffe. Je suis impatient de bouger.

  • JN01064 Un réveil difficile, une journée en dents de scie

    JN01064 Un réveil difficile, une journée en dents de scie

    Samedi 7 juillet 2001, 10h49

    Ce matin, je me réveille en pensant à Jérém. J’ai très envie de lui.

    Je pense à ses regards lubriques, à ses sourires coquins, à son arrogance sexy, à ses attitudes de mec assuré (et assurant) pendant la baise.

    Je pense à ce débardeur blanc qu’il portait le soir où il m’a baisé dans le vestiaire du terrain de rugby, ce débardeur immaculé qui faisait un merveilleux contraste avec sa peau mate, ce petit bout de tissu imbibé de sa transpiration, de ce délicieux mélange de petites odeurs de mâle et de parfum de mec qui me fait tourner la tête.

    Je pense à cette pipe sur le banc de muscu, et aussi à cette baise sur la table de massage. J’ai trop envie de lui. J’ai envie de sentir sa queue coulisser en moi, j’ai envie de sentir toute la puissance de ses coups de reins. Et je jouis en pensant à l’expression de son visage pendant qu’il jouit en coulissant entre mes fesses.

    Je viens de jouir et je me sens épuisé. Je récupère pendant un petit instant, savourant à fond ce moment de grâce absolue qui élève une branlette au rang de plaisir ultime.

    Je prends une profonde respiration et je retrouve peu à peu les éclats de mon esprit que la déflagration du plaisir a dispersé loin de moi. J’écoute ma respiration, je profite de cette douce chaleur qui pulse dans mon ventre et qui irradie vers le reste de mon corps et qui détend chacun de mes muscles, qui vide mon esprit de toute tension.

    Pourquoi donc ce mec me fait-il cet effet-là ? Pourquoi l’ai-je à ce point dans la peau ? Je l’ai dans la peau. Un point c’est tout. Et cela ne s’explique pas. Et surtout, ça ne se commande pas.

    Définitivement, j’ai replongé du côté de Jérém, et pas qu’un peu. Mais comment le retrouver lors de cette soirée qui approche ? Est-ce qu’il voudra encore de moi ? Son sketch de samedi soir dans lequel il m’a laissé en plan pour repartir avec une nana, n’aurait-il pas été la chute finale du dernier acte de notre relation ? N’aurait-il pas fait exprès de me jeter ainsi pour que je lui foute la paix une fois pour toutes ?

    Ou alors, devrais-je essayer de lire entre les lignes, au-delà de son comportement blessant de petit con ? Devrais-je écouter les mots de Thibault, lorsqu’il dit que Jérém tient à moi, à sa façon, que la distance qu’il met entre nous n’est qu’une façon de se protéger, qu’il est méfiant à cause de la souffrance endurée dans son enfance, et qu’il faut que je profite du temps qui reste avant son départ pour tenter de l’apprivoiser ?

    Qu’est-ce que la vie est compliquée lorsqu’on aime ! Mais qu’est-ce qu’on se sent vivants lorsqu’on aime ! Parfois inquiets, parfois épuisés, mais tellement vivants !

    Après avoir passé l’après-midi à courir sur le Canal avec la voix de Madonna dans les oreilles, je rentre vers 17h30 pour me préparer. A la sortie de la douche, mon reflet dans le miroir m’apporte l’image d’un garçon que je trouve moins insupportable qu’auparavant.

    J’ai toujours pensé que je ne pouvais pas plaire. Je ne me suis jamais trouvé beau, peut-être parce que je me comparais aux apollons qui attiraient mon attention. Et puis, objectivement, je n’avais jusque-là fait aucun effort pour me mettre en valeur. J’avais une piètre image de moi-même, une image confortée et enfoncée par les railleries au collège et au lycée, par les agressions verbales et les humiliations dont je faisais bien trop souvent l’objet. Une image confortée par le fait de me sentir rejeté, par ma difficulté à m’intégrer, à avoir une vie sociale épanouie. Une image dans laquelle mon paternel a sa part de responsabilité.

    J’ai toujours en tête une réflexion prise dans la gueule un après-midi de la Toussaint deux ans plus tôt, l’année de mes 16 ans. Comme chaque année à cette occasion, mon oncle, le frère de mon père, sa femme et leurs fils Cédric, un beau garçon brun âgé d’à peine quelque mois de plus que moi, venaient depuis Brive pour se recueillir avec nous sur le caveau familial dans le cimetière en haut de la rue Gabriel Péri.

    Je ne voyais ce gens-là qu’une ou deux fois par an. Et ce jour-là, un an après leur dernière venue, j’avais trouvé que Cédric avait bien changé. Il avait poussé en taille, son corps avait pris du muscle. J’avais gardé en moi le souvenir d’un ado « comme moi », et ce jour-là, j’avais trouvé qu’il commençait sérieusement à faire « p’tit mec ». Pour la première fois, je le trouvais attirant.

    D’autant plus que ce jour-là il était super bien habillé, avec un beau pantalon de marque et un blouson style étudiant américain, bleu et blanc qui le mettaient vraiment en valeur.

    Moi, en revanche, j’étais comme toujours habillé en jeans, pull et blouson vraiment quelconques. Je me souviens m’être senti mal à l’aise par rapport à Cédric. Aussi, sa sexytude naissante m’impressionnait.

    Je le regardais et je me disais qu’alors que j’étais encore puceau, lui il ne l’était sûrement plus. Je me faisais cette réflexion, déjà assez humiliante pour moi, lorsque j’avais entendu mon oncle parler à mon père, et non sans une certaine fierté, de « la copine de Cédric ».

    Dans la foulée j’avais entendu mon père féliciter Cédric pour l’exploit : « Il faut s’amuser à ton âge, Cédric, il faut profiter ! »

    Avant d’ajouter : « Tu devrais expliquer à ton cousin comment faire avec les nanas ! »

    Cédric avait alors eu à son tour un petit sourire de fierté en se sentant ainsi valorisé dans une comparaison qui flattait son ego masculin. Et qu’importe si le mien en avait pris une claque.

    Oui, je ressentais un certain malaise vis-à-vis de mon cousin, un malaise qui était aussi le pendant du conflit intérieur qui faisait fureur en moi au fur et à mesure que je prenais conscience de ma diversité, du fait que j’aimais bien les garçons. Et notamment les jeunes garçons bruns et sexy de mon âge, comme Cédric justement.

    Le petit malaise avait pris de l’ampleur lorsque j’avais entendu mon père féliciter Cédric, avec cette remarque qui me plaçait automatiquement dans une comparaison d’où je sortais rabaissé.

    Mais le malaise avait carrément viré à l’humiliation lorsque j’avais entendu mon père faire une nouvelle réflexion à mon oncle, des mots prononcés sans se soucier que je puisse les entendre ou pas, et encore moins de l’effet qu’ils pourraient avoir sur l’édifice d’un « moi » à ce moment-là en pleine construction. Une construction déjà bien difficile.

    « Regarde Nico et Cédric, ils n’ont que quelques mois d’écart, mais ils sont si différents. Ton Cédric est désormais un homme, alors que Nico est toujours un gamin. »

    C’est-ce jour-là que j’ai senti pour la première fois aussi clairement le manque de considération – et la déception – à mon égard dans le regard de mon père.

    Je ne sais pas pourquoi ce samedi, avant la soirée pour fêter le bac, juste avant d’aller retrouver Jérém, je repense à ce moment. Il y a des trucs comme ça, qui nous blessent, et dont la cicatrice reste.

    Aujourd’hui, lorsque j’écris cette histoire, mon histoire, ça fait plus de vingt ans que j’ai entendu cette réflexion. Et je ne l’ai toujours pas oubliée.

    Ce samedi, en me préparant à aller à cette foutue soirée, je trouve rassurant de regarder ma silhouette dans le miroir et de me dire : ça va, Nico, tu n’es plus un gamin, tu commences à ressembler à quelque chose. Je suis homo, certes, et par conséquent je suis– et je le serai à jamais – très loin du fils idéal aux yeux de ton père.

    Mais en me regardant dans le miroir, je me dis que j’ai quand même l’air d’un mec, pas plus moche que tant d’autres. Pas vraiment viril, mais pas efféminé non plus.

    J’ai un torse imberbe, un torse qui, sans avoir des pectoraux saillants et des tablettes de chocolat, dessine un V bien proportionné, et qu’on pourrait presque qualifier de légèrement dessiné.

    J’ai de belles lèvres, de grands yeux noisette, de longs sourcils. Mes cheveux châtains sont très fournis, doux, brillants. Depuis quelque temps, je les ai laissés un peu pousser. Ce soir je vais essayer de les fixer en bataille avec un gel « effet mouillé ».

    C’est la première fois que je tente l’expérience. J’y travaille un peu, un coup à droite, un à gauche, je rajoute du gel, j’étire plus haut, trop haut, je plaque un peu, j’ajoute encore un peu de gel, je tire par ici, je colle par-là, je pétris n’importe comment. Au final, le résultat n’est pas trop mal. Merci Elodie, c’est grâce à toi que j’ai appris à prendre soin de moi et à me mettre un peu en valeur.

    Peut-être que je suis en train de prendre de l’assurance.

    Depuis quelques temps, pas mal de choses se sont passées dans ma vie. D’abord le fait d’avoir couché avec une bombasse mâle comme Jérém qui a embrasé en moi des envies qui sommeillaient patiemment en moi. Puis le fait d’avoir plu à un charmant garçon comme Stéphane, qui m’a fait me sentir attirant. Et encore, le fait d’avoir accroché quelques regards en boîte de nuit.

    Tous ces regards de mecs qui se sont posés sur moi avec désir et envie se superposent, se mélangent et me mettent du baume au cœur.

    Et soudain, je me surprends à rêver de frotter la blancheur de ma peau, contre celle bien mate et chaude d’un beau mâle toulousain nommé Jérémie.

    Je sens l’excitation monter, je ressens un frisson partir de mon bas ventre et se propager dans tout mon corps. J’ai 18 ans, les hormones à fleur de peau, et je pense très fort au mec qui me fait jouir à en perdre raison. Je me branle.

    Je sens une chaude énergie se diffuser dans mon bas ventre, j’ai l’impression que tous mes muscles se détendent. Une force invisible mais puissante me pousse à appuyer les coudes sur le bord du lavabo et à cambrer mes reins. Je ferme les yeux, un souvenir puissant vient percuter mon esprit. Le souvenir de cette fois où Jérém m’a baisé devant le miroir de sa salle de bain.

    Si seulement en rouvrant les yeux Jérém était là, derrière moi, dans le réflexe du miroir avec moi, le manche bien tendu, prêt à prendre possession de moi, prêt à me baiser comme un dieu, prêt à jouir en moi comme ce fameux après-midi dans sa salle de bain.

    Je me concentre et j’ai l’impression de sentir ses coups de reins puissants, ses couilles qui frappent violemment mes fesses, son manche qui gagne de plus en plus de profondeur en moi.

    Je revois ses mains qui malmènent mes hanches sous l’effet de la puissance incontrôlée de ses gestes, son conscient tout entier balayé par la venue du plaisir. Je le revois en train de jouir, je revoir dans le reflet du miroir son visage déformé par le passage violent de son orgasme. Et je jouis très vite, très fort.

    Ça y est, je suis à la bourre.

    Je m’habille en vitesse.

    Cette semaine, j’ai aussi cassé la tirelire pour faire quelques courses. Je me suis offert un jeans de marque, une chemise manches courtes à carreaux rouges assez ajustée à mes épaules et au profil de mon torse (je laisse les deux boutons du haut ouverts comme le fait Jérém), des baskets bleues. J’ai même acheté du déo pour l’occasion, et j’en vaporise copieusement sur ma peau. Avec un petit con comme Jérém, il faut jouer à armes égales.

    Je quitte la maison comme sur un nuage. La branlette a eu un effet apaisant sur mon corps. C’est la première fois que je me sens si bien dans ma peau, à l’aise dans mes baskets, dans mon jeans, dans ma chemisette, sous mon brushing et avec mon parfum.

    Je sais qu’au fond, je ne fais tout cela que pour lui, dans l’espoir d’attirer son regard.

    Je me balade dans les rues de Toulouse et j’ai l’impression de planer.

  • JN01063 Une bière avec Thibault, et autres petits bonheurs

    JN01063 Une bière avec Thibault, et autres petits bonheurs

    « Alors, t’as fini ta journée ? j’arrive à enchaîner, malgré l’onde de choc provoquée par son sourire à bout portant, et par sa poignée de main ferme et rassurante.

     — Ma journée et ma semaine .

     — Ça va ? j’enchaîne.

     — Un peu fatigué, mais ça va !

     — C’est dur comme taf, je lance.

     — J’aime ce métier, alors c’est de la bonne fatigue !

     — Ça se voit que tu aimes ça, et je suis content que tu aies trouvé un métier qui te correspond, je lui glisse.

     — Un jour j’aimerais ouvrir ma propre boîte. »

    Thibault est vraiment un bon gars, bosseur, passionné.

    « Je souhaite de tout cœur que tu puisses y arriver !

     — C’est gentil. Tu veux boire un truc ?

     — Avec plaisir ! »

    Nous marchons quelques minutes jusqu’à ce que le beau mécano s’arrête devant la terrasse ombragée d’un bistrot.

    « C’est ici, il m’annonce, ça ira ?

     — Parfait ! »

    Nous nous installons à une table et nous commandons deux bières qui arrivent rapidement.

    « Alors, ce bac. Mention ou pas mention ? il me branche dès que le serveur s’éloigne.

     — Mention très bien, je lui réponds, un peu gêné de passer une fois de plus pour le bon élève coincé de service.

     — Félicitations ! Jéjé m’avait dit que tu étais une tronche ! »

    Définitivement, ma réputation n’est plus à faire. Eux les mecs. Moi la tronche. Nos planètes nous séparent.

    « Au fait, tu lui as parlé cette semaine ? je le questionne.

     — Oui, lundi en début d’après-midi. Il était super content d’avoir le bac. Je crois qu’il n’y croyait pas vraiment. »

    Evidemment, il a été lui aussi à l’affichage au lycée. Tout simplement à un autre moment que moi.

    « Je pense aussi qu’il n’y croyait pas vraiment, je commente, en tout cas, je suis content qu’il l’ait eu.

     — C’est un peu grâce à toi qu’il l’a eu, il me lance.

     — Oui, un tout petit peu grâce à moi », je finis par lui répondre.

    Je bois une gorgée de bière en attendant de trouver le moyen de lui parler de Jérém, mais je ne le trouve pas. En fait, je n’ose pas. Au fond, je ne sais pas bien pourquoi j’ai voulu le voir. Je ne sais pas exactement ce que j’attends de lui. Peut-être qu’il me dise que Jérém est secrètement amoureux de moi et qu’il me donne la recette pour accéder à son cœur. Et quoi encore ? Le tiercé gagnant pour la prochaine course à l’hippodrome de la Cépière ?

    Le beau mécano se charge lui-même de créer l’occasion pour moi.

    « Ça a été ta soirée au KL samedi dernier ? il me questionne.

    Bah, oui, ça a été, c’était une très bonne soirée, une magnifique, somptueuse soirée de merde, surtout au moment où je me suis fait humilier par ton pote.

     — Ouais, ça a été, je lui réponds, en prenant sur moi.

     — Quand je t’ai vu discuter avec Jéjé, j’ai cru que vous rentreriez ensemble.

     — Moi aussi… mais il avait mieux à faire, je lui réponds, le regard ailleurs.

     — Tu parles de cette nana ? 

     — Oui.

     — Cette nana ce n’est rien pour lui, juste un coup. Une façon pour maintenir sa réputation. »

    Soudain, je me sens gêné par cette conversation. Thibault le remarque.

    « Nico, tu n’as pas à être gêné avec moi. Tu, sais, je peux tout entendre, je ne juge personne », je l’entends me glisser doucement, alors que je suis saisi par l’agréable et troublante surprise de sentir la chaleur de sa main sur la mienne. Ce contact m’oblige à lever mon regard et à croiser le sien.

    Vu de si près, ses yeux vert-marron me paraissent encore plus charmants et doux que dans mon souvenir.

    Une partie de moi avait désiré cette conversation. Une autre partie l’avait crainte. Mais maintenant que c’est parti, je me sens soulagé. L’espace d’une seconde, j’ai basculé dans une nouvelle dimension où Thibault est devenu un confident, un ami à qui j’ai envie de me livrer.

    « Je comprends ce que tu as pu ressentir, il me glisse, ouvrant ainsi devant moi un boulevard pour accueillir mes confidences.

     — C’est pas facile, tu sais », je finis par lâcher en me forçant à me jeter à l’eau. Et là, soudain, dès ces mots expulsés, j’ai l’impression de sortir d’une apnée émotionnelle qui aurait trop duré.

    « Je sais que c’est pas facile. »

    Je me tais, débordé par l’émotion. J’ai envie de m’ouvrir à lui, mais je ne sais pas jusqu’où aller pour ne pas mettre Jérém en porte-à-faux. J’imagine bien que ce dernier n’a rien dit à son pote de ce qu’il y a entre nous, et je me doute bien qu’il n’aimerait pas que ce soit moi qui lui en parle.

    « Je vais jouer franc jeu avec toi, Nico. Ce qu’il y a entre Jéjé et toi, ça ne regarde que vous. L’important, c’est que vous soyez heureux. »

    Le beau mécano me regarde droit dans les yeux et je me perds dans son regard à la fois doux, viril et plein de bienveillance. Son petit sourire finit de me mettre à l’aise.

    Un petit détail me saute aux yeux, un détail que j’ai déjà remarqué en d’autres circonstances. Lorsque le beau mécano sourit, on dirait que ses paupières inférieures dessinent des charmants petits bourrelets. C’est un trait gracieux que l’on retrouve le plus souvent chez les enfants ou les ados. Ce petit détail contraste avec ses traits virils, avec sa mâchoire carrée, avec son duvet de barbe sombre, malgré un rasage de près. Et ça lui donne un côté enfantin qui le rend vraiment craquant.

    « Alors, tu sais… je finis par lâcher.

     — Je l’ai su la première fois que je t’ai croisé sur son palier, un soir où tu allais réviser chez lui.

     — Je me souviens, oui.

     — J’étais passé chez lui pour prendre un verre comme je le faisais souvent, mais ce soir-là j’avais eu l’impression que ça lui tardait que je parte. Et quand je t’ai vu, j’ai compris qu’en réalité il était impatient que tu arrives. Il ne voulait pas que nous nous croisions, je pense.

     — Mais c’est arrivé… 

     — Oui. Et tu avais l’air si heureux d’aller le voir. Je me suis dit que toute cette impatience, cette fébrilité d’une part et d’autre ne pouvait pas être provoquée par l’envie de réviser.

     — J’imagine que Jérém ne t’a rien dit.

     — Non, bien sûr. A part le fait que vous révisiez ensemble. Mais j’ai quand même eu l’impression que ta présence apportait quelque chose de positif dans sa vie. »

    Pendant que je bois ses mots, des mots que je reçois comme une caresse à mon esprit, je réalise pour la première fois aussi clairement que le beau mécano a un tout léger « défaut » de diction qu’on entend lorsqu’il prononce certains sons. Ça se rapproche de l’expression « avoir un cheveu sur la langue » mais c’est très, très léger et, une fois de plus, très mignon.

    Là encore, le mélange entre le son bien masculin de sa voix, le ton, celui d’un petit mec affirmé mais tout en retenue, et cette petite particularité, confère un côté mignon, touchant, une touche de « fragilité » à sa virilité de jeune mâle.

    Définitivement, les petits « défauts » de ce genre ont le pouvoir de rendre un gars comme Thibault encore plus craquant.

    « Déjà, c’était bien la première fois que je voyais Jéjé réviser autant, enchaîne le beau mécano, ensuite j’ai commencé à te voir apparaître en boîte lors de nos sorties. Je t’ai vu parfois partir seul avec lui. Je me souviens tout particulièrement de cette soirée au Shangay où Jéjé s’était battu avec un type dans les chiottes. Mais il n’a jamais voulu me dire ce qui s’était vraiment passé. On a toujours été comme des frères, et il m’a toujours parlé de ses galères. Et là, le fait qu’il ne veuille pas m’en parler m’a fait me poser plein de questions. 

     — Ce soir-là, en vrai, je décide enfin d’être franc avec lui, Jérém m’a vraiment sauvé la mise. Dans les chiottes du Shangay, j’ai croisé un mec bourré. Je ne sais pas, j’ai dû trop le regarder, il s’est mis en pétard et il voulait me cogner. Si Jérém n’était pas arrivé, je ne sais pas ce qui se serait passé. Le sang qu’il avait sur le t-shirt venait du nez du mec qui avait vu une cloison d’un peu trop près.

     — Ah, d’accord, je comprends mieux, fait Thibault. Je crois vraiment qu’il t’aime bien, tu sais…il ajoute, comme la plus douce des caresses.

     — Moi aussi je l’aime… bien… » je lui confirme, touché.

    « Il t’aime bien ». Ces quelques petits mots de la bouche de Thibault me prennent aux tripes et font monter en moi une émotion que j’ai du mal à maîtriser. Oui, peut-être que Jérém m’aime bien. Si seulement il pouvait le montrer plus clairement, et de façon plus régulière.

    « Après cette soirée, il continue, j’ai eu l’occasion de te côtoyer un peu. Et j’ai senti à quel point Jéjé compte pour toi. J’ai trouvé super mignon que tu viennes à la brasserie juste après que je t’avais appris pour son nouveau taf.

     — Je devais avoir l’air con !

     — Non, pas du tout. J’imagine que tu craignais sa réaction… 

     — Oui, exactement !

     — Mais ça s’est bien passé, t’as vu ? Jéjé avait l’air heureux de te voir débarquer. »

    Vraiment, ce Thibault me touche au plus haut point. Car je jeune mec possède une qualité très rare à son âge, la capacité d’être en permanence à l’écoute des autres. Son regard est sensible, j’ai l’impression que rien de ce qui se passe autour de lui ne lui échappe. Son esprit est fin, perspicace. Ce mec « voit tout », et c’est pour en faire le meilleur usage. Que ce soit vis-à-vis de Jérém, d’une connaissance comme moi ou, ce mec est toujours aimable, avenant, serviable. Et je suis prêt à parier qu’il est de même vis-à-vis de ses autres potes ou même d’un inconnu. Le beau mécano aime aller vers les autres, il sait s’intéresser et s’adapter à chacun. Un gars comme ça, ça vaut plus que son pesant d’or.

    Son tact et sa bienveillance me mettent vraiment à l’aise. J’ai envie de me confier à lui. Et finalement, comme il sait déjà, je n’ai plus trop à me soucier du fait de lui apprendre des choses que Jérém aurait voulu lui cacher.

    « Depuis que vous… il cherche ses mots.

     — Depuis que nous révisons » je l’aide.

    Thibault sourit, l’air amusé. Dans son rire, il a un je-ne-sais-quoi de léger et d’enfantin qui roule au fond de sa gorge, une vibration qui est une pure caresse pour les oreilles et pour l’esprit.

    « Oui, il percute et enchaîne instantanément sur ma formule politiquement correcte, depuis vos révisions Jérém a changé. Disons que sa vie est un peu plus rangée. J’aime autant le voir rentrer avec toi que le voir picoler toute la nuit. Mais à côté de ça, je vois bien qu’il a du mal à assumer votre relation. Je crois que ce qui se passe entre vous, il ne l’a pas vu venir. Ça lui est tombé sur la tête et il en est encore un peu assommé.

     — Mais c’est lui qui a voulu que ça se passe ! 

     — Je te crois, Nico. Mais c’est pas parce qu’il l’a voulu que c’est facile à assumer. J’imagine bien qu’il l’a voulu, car je le connais assez pour savoir qu’on ne peut lui imposer quoi que ce soit. Mais je pense que ça lui a échappé des mains. Je ne pense pas qu’il imaginait que votre relation allait à ce point changer sa vie.

     — Quand je le voir repartir du KL avec une nana, je me dis que ça n’a rien changé… 

     — Si, au contraire. Ça a changé beaucoup de choses. Je te le répète, cette nana n’a aucune importance. Je pense que votre relation l’a révélé à lui-même. Et le fait qu’il n’ait jamais eu envie de m’en parler, alors qu’il m’a toujours tout dit, me laisse penser qu’il doit vraiment avoir du mal avec tout ça. »

    Je ne me lasse pas d’entendre le son de sa voix et de recevoir la tendresse de ses mots. Comment ça me fait plaisir d’entendre, à travers la bonne parole de Thibault, que j’ai apporté quelque chose dans la vie de Jérém, même si ce dernier n’arrive ni à le formuler ni à l’assumer.

    « Je voudrais vraiment pouvoir penser que je représente quelque chose pour lui, je finis par lâcher.

     — J’en suis certain, Nico. Je pense juste qu’il a du mal à l’admettre.

     — J’en sais rien. Moi, tout ce que je vois, c’est qu’il me sonne quand ça l’arrange et qu’il me jette quand il a eu ce qu’il veut.

     — Tu ressens quoi pour lui ? » il me demande à brûle pourpoint.

    Aaaahhh, voilà la question qui tue. Simple, claire, sans détours, directe à l’essentiel, du pur Thibault.

    Que répondre à cette question, alors qu’y répondre équivaut à aller chercher et à raviver un ressenti que je tente d’enfouir depuis une semaine ? Répondre à cette question va m’obliger à replonger dans « Le monde de Jérémie », et à clore définitivement « La parenthèse inattendue avec Stéphane ».

    Je sens, je sais que si je mets le doigt dans l’engrenage, je vais être immédiatement et irrémédiablement aspiré. Je vais devoir affronter mes démons, mon magnifique démon Jérémie.

    « Je… je… » j’hésite, alors que la sonnerie du portable de Thibault vient couper mon « élan ».

    Le contact de sa main avec la mienne est rompu, et j’ai l’impression que la magie est partie.

    « Excuse-moi, je dois répondre, c’est important, il me lance, tout en décrochant.

     — Allo ? »

    C’est un « Allo » affirmé mais très cordial. Craquant.

    A l’évidence, Thibault discute avec un pote, peut-être un coéquipier. Car, d’après la moitié de la conversation que j’entends par sa seule voix, ils parlent de la demi-finale du tournoi de rugby contre l’équipe de Blagnac, prévue pour le dimanche d’après.

    Pendant que Thibault est au téléphone, « libéré » de son regard profond, j’en profite pour mieux le regarder. Décidemment, dans ce marcel gris qui a dû connaître pas mal de passages à la machine, son torse massif ressort vraiment d’une façon spectaculaire. Et les quelques poils qui dépassent au-dessus de l’arrondi sont terriblement sexy. Mon regard glisse une fois de plus sur ses épaules découvertes, sur ses biceps saillants, sur ses avant-bras à la peau finement poilue. Et il s’attarde sur sa main, cette impressionnante paluche nonchalamment posée sur la table, à côté de sa bière.

    Un physique tout en puissance mais en retenue, animé par un naturel gentil, sensible, touchant. Voilà qui résume Thibault en quelques mots.

    La conversation au téléphone continue, le mot « Jéjé » est lâché à plusieurs reprises par le beau mécano. Jéjé. Ainsi c’est sous ce petit diminutif que mon Jérém est connu de ses coéquipiers, ce n’est pas qu’un truc propre à Thibault comme je l’avais imaginé au départ. « Jéjé » semble être l’« identifiant » et le « mot de passe » de mon beau brun dans la meute de leur équipe.

    « Attend, mec, j’attrape de quoi écrire » j’entends Thibault lâcher à un moment. Et, ce disant, il incline la tête pour coincer le portable entre l’oreille et l’épaule, ce qui fait ressortir encore davantage la puissance de sa musculature du côté où le cou s’étire. Le beau mécano plonge sa main gauche dans la poche de son short et il en sort un petit calepin qu’il pose sur la table pour y noter ce qui ressemble à un numéro de téléphone.

    C’est là que je remarque que le beau Thibault est gaucher. Un détail qui, pour une raison inexplicable, le rend encore plus sexy à mes yeux.

    La conversation au téléphone prend fin, et le beau mécano replonge son regard vert marron dans le mien. Je fonds.

    « Excuse-moi » il me lance, tout en remettant ses mains autour des miennes. Visiblement, il attend toujours que j’aille au bout de ce que le coup de fil m’avait empêché d’exprimer.

    « Je suis fou de lui » je décide d’y aller franco.

    Une question simple appelle une réponse simple. C’est lâché. Je suis fou de lui. Je le suis toujours. C’est un aveu. Devant Thibault. Et devant moi-même, avant tout.

    Je suis désormais obligé de regarder la vérité en face. Et cette vérité, c’est que, malgré ma colère face à son comportement à la con de samedi dernier, malgré ce dimanche avec Stéphane où j’avais cru découvrir un nouveau moi, envisager un nouveau demain sans Jérém ; oui, malgré tout ce qui s’est passé depuis une semaine, mes sentiments pour Jérém sont toujours là, aussi vifs et puissants que jamais.

    C’est à cet instant précis que je sens ma résolution, celle de tenir bon, capituler définitivement. Alors que, dans mon esprit, ce connard de Jérém redevient soudainement MON Jérém…

    Je suis secoué, déçu même. Car j’ai l’impression de trahir toutes les promesses et tout le bonheur de dimanche dernier. Je trahis Stéphane. Je me trahis moi-même.

    Le charmant Thibault doit une fois de plus déceler mon malaise. Ses mains se resserrent un peu plus autour des miennes, la chaleur de ses paumes irradie sur ma peau et ça me fait du bien.

    « C’est ton premier mec ? il finit par me demander.

     — Oui, mon premier, j’admets, touché et ému.

     — Et tu es heureux, Nico ?

     — Je n’en sais rien… quand je suis avec lui, je suis bien. Mais lui il veut juste coucher.

     — Et toi tu voudrais plus.

     — Je ne veux pas me marier avec lui, mais je ne serais pas contre un peu de tendresse, une peu de considération. Quand je suis avec lui, je suis bien, mais quand je rentre chez moi, je me sens mal. Tu comprends ?

     — Oui, très bien, malgré tout, tu sais, Nico, je crois vraiment que tu es plus qu’un amant pour Jérém.

     — Bah, il devrait le montrer un peu plus alors, car moi je ne vois qu’un mec qui a envie de tirer son coup et qui me jette juste après.

     — Je comprends, ça ne doit pas être facile à vivre pour toi.

     — Non, pas facile du tout, je confirme avant de couper court, de toute façon il va partir, alors c’est pas la peine de continuer à me faire du mal.

     — Moi aussi j’appréhende son départ. S’il se tire loin, il va beaucoup me manquer, il lâche, l’air pensif. Jérém est comme un frère pour moi, un jeune frère, même si on a le même âge. Nous avons tout vécu ensemble, depuis l’enfance jusqu’à aujourd’hui. Jéjé a beaucoup de qualités, et beaucoup de défaut aussi, à partir de son sale caractère. Mais c’est mon pote depuis toujours, et je l’adore. Jéjé est vraiment mon meilleur pote et il compte énormément pour moi.

    Le beau mécano boit une gorgé de bière et continue :

    « Je sais que Jérém est un homme désormais. Un homme qui n’a besoin de personne pour vivre sa vie. Mais je sais aussi que ce petit bout d’homme a parfois besoin d’être canalisé. Quand il sera loin, je ne pourrai plus l’empêcher de boire le verre de trop, ou l’empêcher de conduire ou de se bagarrer quand il l’a quand même bu, ce verre. »

    Ses confidences me touchent, car elles me donnent la mesure de la bienveillance de Thibault à l’égard de son pote, et l’importance que ce dernier revêt dans sa vie.

    Jusque-là, j’avais pensé que Thibault était un garçon solide, et qu’il l’était de par sa nature forte, de par sa maturité. Mais là, je découvre que cette solidité ne tient pas toute seule. Elle repose sur des « piliers », comme le rugby, son taf, ses potes. Et l’amitié avec Jérém. J’ai même l’impression que ce dernier en est le pilier central. Alors, sans ce pilier, la solidité de Thibault risque sérieusement de vaciller.

    Le beau mécano prend une profonde respiration et il continue :

    « Tu sais, je sais bien que Jéjé peut se comporter comme un parfait petit con. Mais au fond c’est un bon gars.

     — Je le pense aussi. Mais c’est dur, trop dur de l’aimer. Je n’ai même pas le droit de lui montrer que je l’aime. Si je le fais, je me fais jeter ! Et ça me fait un mal de chien !

     — Je sais qu’il peut être très dur, même méchant, qu’il fait souvent n’importe quoi quand il se sent dos au mur. Jérém a beaucoup souffert quand sa mère est partie, et aujourd’hui encore je crois qu’il a peur de s’attacher aux gens, car il a peur qu’on le laisse tomber à nouveau. Et puis, j’imagine que pour un mec aussi populaire que lui, s’attacher à un mec, ce n’est vraiment pas simple à assumer. Il doit avoir peur du regard des autres, et peur de perdre sa popularité, si ça venait à se savoir.

     — Je vois, oui, j’admets.

     — Mais si ça peut t’aider, je ne l’ai jamais vu amoureux d’une nana. Et jamais une de ses relations n’a duré autant que la vôtre, si houleuse soit-elle. Je pense qu’il serait réellement malheureux s’il devait te perdre. »

    J’ai la gorge nouée, je n’arrive plus à parler.

    « Jérém n’est pas un mec qui s’ouvre facilement, il enchaîne, et quand il a mal, au lieu d’en parler, il devient mauvais. Ça peut paraître con, mais c’est sa façon de se protéger. Je pense qu’il est perdu en ce moment, qu’il se cherche. Mais il a vraiment besoin de toi.

     — Je l’ai vraiment dans la peau, mais il me fait trop mal !

     — Je te promet que ce gars en vaut la peine.

     — Je sais plus quoi penser, c’est tout ce que je trouve comme réponse.

     — Si tu l’aimes vraiment, tu ne dois pas baisser les bras. C’est vrai qu’il va peut-être partir à la rentrée, et toi aussi, d’ailleurs. Mais il vous reste deux mois pour être ensemble. Ce serait dommage de gâcher ce temps. »

    Nos yeux s’accrochent, s’aimantent l’espace d’un instant. Définitivement, il émane de son regard une « virilité tranquille » apaisante et rassurante.

    « Je dois y aller », il finit par couper court, avec un sourire lumineux.

    Le beau mécano relâche l’étreinte autour de mes mains, il finit la dernière gorgée de sa bière et me lance :

    « Ça me fait plaisir que tu sois venu me parler. Je te trouve sympa comme mec !

     — Le plaisir est pour moi. Moi aussi je te trouve très sympa ! »

    Thibault se lève. Je me lève à mon tour. Sa main droite serre la mienne, alors que sa main gauche enserre mon épaule, fermement, chaleureusement, amicalement.

    Et là, je sens son avant-bras m’attirer vers lui. Thibault se penche vers moi, il approche son visage du mien, et il me claque une bise. La chaleur de son visage, combinée à la sensation très virile du contact de sa barbe naissante me fait vibrer.

    « On est potes maintenant » il me chuchote à l’oreille.

    Une phrase qui me va droit au cœur.

    « Ça me fait plaisir, vraiment… 

     — Ne le lâche pas, Nico » il me lance en partant.

    Je regarde Thibault s’éloigner en direction de la gare et je me dis qu’avoir un pote comme lui, loyal, solide, gentil et attentionné, va me faire un bien fou. Un pote qui, de plus, connaît par cœur le gars que j’aime, et qui semble vouloir m’aider à nous rapprocher. Thibault, à la fois un pote et un allié en amour.

    C’est bon de penser que je peux compter sur quelqu’un pour me guider dans le voyage, dans l’odyssée qui m’attend avant d’atteindre mon Ithaque à moi, ce lieu lointain et dont la route est semée d’embûches, qu’est le cœur du beau brun.

    Le soir, dans mon lit, je réalise que mon coming-out avec Thibault est mon deuxième, après Elodie. Ça a été un coming-out « en douceur », comme une évidence, puisque c’est Thibault lui-même qui m’a amené à me livrer. Il a juste su me mettre en confiance.

    J’ai souvent essayé d’imaginer quand et comment cela allait se passer. Et maintenant que les premiers pas sont faits, j’imagine que d’autres suivront bientôt. Je n’ai pas envie de me cacher plus longtemps.

    J’ai l’impression que mes coming-out sont en passe de marquer un tournant dans ma vie, comme si une page était en train de se tourner. Comme si une « étape » était en passe d’être franchie et que bientôt plus rien ne sera comme avant.

    Cette sensation provoque en moi un sentiment étrange. Un soulagement d’abord, bien entendu. Mais aussi un sentiment de nostalgie pour ma vie « secrète » d’avant. Cette vie secrète qui me rendait malheureux du fait de ne pouvoir me confier à personne, mais qui était aussi mon jardin secret, une partie de moi à laquelle je m’étais habitué tant bien que mal et à laquelle je tenais au fond.

    Avec mon coming-out, je me dis que j’ai franchi un cap, et que je ne pourrais plus faire marche arrière.

    Mais une chose me réjouit clairement dans cette sortie du placard. C’est le fait que Thibault soit désormais dans la confidence. Car le beau mécano semble sincèrement vouloir m’aider à me rapprocher de Jérém. Et me soutenir dans l’odyssée périlleuse entre le lit et le cœur de mon beau brun.

  • JN01062 Errances toulousaines

    JN01062 Errances toulousaines

    Vendredi 6 juillet 2001

    Le lendemain matin, le portable n’arrête pas de couiner. Les SMS au sujet de la soirée pleuvent et ça me saoule. Je n’ai vraiment pas envie d’y répondre. Je persiste à faire le mort.

    Mais vers onze heures mon portable sonne. C’est Laura, une camarade de lycée. Je ne réponds pas. Il sonne une deuxième fois. Je ne réponds toujours pas et je le mets en vibreur. Un instant plus tard, il se met à vibrer.

    Et là, je commets l’impardonnable bêtise. Je réponds. Laura veut me donner les détails pour la soirée. Je la laisse parler pendant un long moment, incapable d’en placer une. Avec Laura, ce n’est pas simple d’en placer une. Ce qui m’énerve le plus, c’est qu’elle parle comme si ma participation était acquise, alors que je n’ai aucune envie de me rendre à cette soirée. Et ça m’agace.

    Elle me saoule, c’est à la limite du harcèlement, mais elle finit par m’avoir à l’usure. Elle arrive à m’extorquer la promesse de ma présence. Je me dis que je trouverai une excuse à la dernière minute pour faire faux bond.

    En me levant, je sais déjà que la journée qui commence va être une journée de merde. Je suis contrarié d’avoir laissé Laura m’embarquer dans cette putain de soirée. Je me traîne jusqu’à midi, en attendant une sieste nécessaire.

    Mais rien ne va aujourd’hui, je rate même le petit somme de l’après-midi. Je me lève, je reprends un café. Me revoilà en mode zombie, errant de pièce en pièce, incapable de me consacrer à la moindre occupation, incapable de prendre une quelconque initiative dans cette belle journée de soleil, incapable de me secouer de ma morosité.

    Je n’ai toujours pas de nouvelles de Stéphane. Je suis désormais certain que je ne vais pas le revoir avant son départ.

    Je ne lui en veux pas. Je me doute bien que la semaine avant un déménagement, surtout lorsqu’on travaille jusqu’au dernier jour, ça ne peut pas être une période de tout repos.

    Je ne lui en veux pas, mais je ne peux pas m’empêcher d’être déçu de ne pas pouvoir le retrouver, ne serait-ce que pour un petit coucou. Le revoir, échanger quelques mots, une accolade, quelques bisous, ça m’aurait vraiment fait du bien. Ça aurait été comme une piqûre de rappel du bonheur et des prises de conscience de ce dimanche magique. Une piqure de rappel du vaccin « anti-Jérém ». Et ça m’aurait peut-être aidé à tenir bon.

    Je suis déçu et triste car je sens que dans mon cœur tout commence à remuer. Je sens que les bonnes résolutions de dimanche soir sont en train de faner. En fait, elles semblent prendre la consistance d’un mirage.

    Un souvenir lointain remonte à ma conscience. C’est le souvenir d’un jour de mon enfance, un jour d’été. Je devais avoir 7 ou 8 ans, et j’étais à la campagne chez mes grands-parents maternels. Après un orage, un énorme, lumineux, magnifique arc-en-ciel était apparu. En le regardant, j’avais été saisi parla curiosité de savoir où ses pieds se posaient. Ce jour-là, j’étais bien décidé à pédaler sur mon vélo, autant qu’il le faudrait pour satisfaire ma curiosité. Oui, je voulais à tout prix me rendre là où l’arc-en-ciel prend naissance.

    Je me souviens d’avoir pédalé longtemps, très longtemps, jusqu’à l’épuisement. Je me souviens d’avoir avancé sur les sentiers en terre battue qui sillonnaient la campagne jusqu’à une heure où mes grands-parents avaient commencé à s’inquiéter pour moi. Je me revois avancer tout droit vers mon but, inlassablement. Et je me souviens aussi de cette sensation qui a fini par avoir raison de ma motivation d’enfant, la sensation que plus je pédalais, plus ma cible s’éloignait.

    C’est un peu le sentiment que j’ai aujourd’hui vis-à-vis de mon état d’esprit de dimanche dernier. J’essaie d’aller à sa rencontre, mais plus je m’efforce de le saisir, plus j’ai l’impression d’essayer d’attraper un fantôme.

    Plus les jours passent, plus j’ai l’impression que « l’effet Stéphane » perd de son intensité. La force que ce gars a su me transmettre, la nécessité de me respecter moi-même et d’exiger le respect dans toute circonstance – et la nécessité qui en découle de ne plus retomber dans une relation de soumission comme celle avec Jérém – cette graine qu’il a su planter et faire germer dans mon esprit est encore fragile. Est-ce que je vais être capable de m’en occuper tout seul, de la faire grandir, et de l’installer au centre de ma vie ?

    Le fait est que plus « l’effet Stéphane » diminue d’intensité, plus « l’effet Jérém » me rattrape. Ça a été particulièrement flagrant depuis hier, après cette image furtive de cheveux-bruns-peau-mate-t-shirt-blanc capté sur sa terrasse rue de la Colombette. Car, force est de constater que la petite voix qui avait résonné dans ma tête lorsque je m’étais posé à la gare Matabiau, et qui me disait : « Va le voir », me parlait bien de Jérém.

    Revoir Jérém, une envie qui m’a carrément obsédé depuis ce matin, lorsque mon subconscient a parlé à la place de ma conscience pour accepter l’invitation à la soirée de demain.

    Je n’ai pas envie d’aller à cette soirée, mais je sais au fond que je serai incapable d’y renoncer. Au fond, si j’y vais, c’est justement pour revoir Jérém. Je me mens en me disant que je veux juste le revoir une dernière fois pour lui montrer que je peux l’ignorer, faire comme si sa présence ne me bouleversait pas, comme si elle ne me bouleversait plus.

    Je sais que je serais incapable de jouer ce rôle, de jouer l’indifférence. Alors, quelle attitude adopter vis-à-vis de lui après son comportement humiliant de samedi dernier ? Que faire si je suis la cible d’une attaque délibérée ? Si je reçois l’un de ses regards charmeurs ou l’un de ses sourires incendiaires en pleine figure ? Et s’il vient me parler, comme si de rien n’était, chose dont il serait parfaitement capable ? Comment me comporter avec ce connard de Jérém ?

    Mes derniers messages à Stéphane sont restés sans réponse. Je me sens seul, abandonné à moi-même. Car j’ai besoin « qu’on me tienne la main », pour ne pas faire de bêtises…

    Plus le temps passe, plus la soirée du bac approche, et moins je me sens assuré « sur mes jambes ». Où sont-elles passée, ma force, ma résolution, ma détermination de dimanche soir ? Ont-elles tout simplement disparues pour laisser place à cette angoisse, à cette faiblesse retrouvée ?

    Soudain, une idée lumineuse se présente à moi. Je crois que ça me ferait du bien de retrouver Thibault avant de revoir Jérém. Peut-être que discuter avec lui, ça m’apaiserait. Peut-être qu’il saura trouver les bons mots pour soulager mes angoisses.

    Je sors, je marche, je traverse la ville. Je passe le Pont Neuf, je longe la façade du lycée que je ne fréquenterai plus, je traverse le quartier des Jacobins, la Place du Capitole, je me laisse glisser dans la rue du Taur, cette rue piétonne que j’adore pour son allure plongée dans un autre temps. Je contourne Saint-Sernin, mon église toulousaine préférée avec Saint-Etienne. Je traverse le boulevard de Strasbourg, la place Jeanne d’Arc et je file droit vers le garage où bosse Thibault.

    Lorsque j’arrive à proximité, il est presque 17 heures 30. Je n’ai pas à traîner longtemps avant de voir le beau mécano débouler dans la rue avec son allure « très mec », tout en saluant quelqu’un à l’intérieur du garage et en laissant traîner un beau sourire.

    Le jeune mécano avance sur le trottoir d’en face. Je suis assez loin de lui, une petite cinquantaine de mètres, loin mais assez près pour remarquer qu’avec un simple marcel gris sur un short noir, Thibault est tout simplement sexy.

    Je le regarde, mais lui il regarde droit devant lui. Avec son pas assuré, rapide et cadencé, un dirait un petit militaire. Je commence à me dire qu’il ne va peut-être pas me repérer. Je décide de forcer le destin.

    « Thibault ! »

    Le beau mécano tourne la tête et me capte. Et là, il s’arrête net, me lance son beau sourire, un sourire gentil et charmant.

    J’avance jusqu’à me retrouver à sa hauteur. Et lorsque le bogoss traverse la rue pour venir me rejoindre, je m’efforce de lui sourire à mon tour. Je le regarde avancer droit vers moi et je suis saisi par cette beauté profondément masculine qui se dégage de sa personne.

    Ses épaules dénudées dégagent une sensualité inouïe, son cou puissant est tout simplement spectaculaire. Son torse en V et massif est un bonheur sans fin.

    « Salut, toi ! il me lance sur un ton enjoué, lorsqu’il met le pied sur le trottoir.

     — Salut ! » je lui lance à mon tour.

  • JN01061 L’effet « Stéphane », les résultats du bac, l’été et les garçons

    JN01061 L’effet « Stéphane », les résultats du bac, l’été et les garçons

    Lundi 2 juillet 2001

    Le lundi au lendemain de ce dimanche après-midi magique chez Stéphane et Gabin, je me réveille comme je me suis endormi, c’est-à-dire avec un étrange sentiment partagé entre bonheur et tristesse.

    Les souvenirs de la veille reviennent à moi en douceur, comme des caresses légères. Les câlins, les baisers, la tendresse, les larmes de bonheur, marquant comme une sorte de libération de mon esprit. La balade au Jardin des Plantes. La première fois où j’ai fait l’amour avec Stéphane, peut-être la première fois où j’aifais l’amour tout court. La première fois que quelqu’un m’a montré que l’amour entre garçons est quelque chose de beau et de naturel dont on n’a pas à avoir honte.

    Et puis ses mots avant de nous quitter :

    « Tu as le droit d’être heureux », « ne dis plus jamais que tu n’es pas un cadeau », « tu es un gentil garçon ». Mais aussi « beau petit mec, il faut que tu croies que tu as le droit d’être heureux, avant que les autres puissent te reconnaître ce droit. Sois toi-même, fais tes propres choix, et ne laisse pas les autres choisir pour toi. »

    Des mots qui mettent le doigt précisément sur ce qui cloche chez moi. Comment me faire respecter en ayant une si basse opinion de moi-même ? Comment me faire accepter, alors que je ne m’accepte pas moi-même ? Et encore : comment savoir aimer – et comment se faire aimer – alors qu’on ne s’aime pas soi-même ?

    J’ai envie que les mots et l’exemple de la façon d’être de Stéphane soient le point de départ d’un « nouveau Nico » qui s’écoute davantage, qui se respecte davantage, et qui sait faire entendre sa voix.

    Si seulement Stéphane n’avait pas à déménager, si seulement je l’avais rencontré plus tôt. Si, si, si…

    Le couinement de mon portable vient me tirer de ma morosité. Un SMS vient d’arriver.

                J’ai vraiment aimé. Tout aimé

    Voilà un petit message qui a le pouvoir de me secouer illico de ma torpeur. Car, à travers ces quelques mots je ressens toute son affection, sa bienveillance, sa douceur. Ce message est comme une caresse, un encouragement qui me fait me poser la question sur ma perception de moi-même. Et je m’empresse de lui répondre :

    Moi aussi j’ai tout aimé, beaucoup.

    Peut-être qu’au fond c’est moi qui me trompe. Peut-être que je ne suis pas un cas si désespéré. Le fait qu’un mec comme Stéphane s’intéresse à moi me laisse imaginer qu’il pourrait avoir vu en moi quelque chose que je ne sais pas déceler.

    Le fait est que quand je sens la douceur de son regard sur moi, même à travers ce petit message, j’ai l’impression que Stéphane arrive à sortir le meilleur de moi.

    Peut-être simplement que ma vie sentimentale et sexuelle n’a pas commencé avec la bonne personne. Peut-être que si dès le départ j’avais rencontré Stéphane, tout aurait été différent.

    Dès l’instant où ce connard de Jérém s’est enfoncé en moi, je me suis à mon tour enfoncé dans une sexualité débridée. A partir du jour où j’ai compris que je n’aurais pas autre chose que son corps et sa queue, j’ai essayé de me contenter de cette place dans sa vie. La place du plaisir, toujours plus de plaisir. Car le plaisir est bien la seule « emprise » que j’ai sur lui, la seule arme à ma disposition pour marquer son esprit.

    Si j’étais tombé sur « un » Stéphane dès le départ, peut-être que l’amour et la tendresse auraient façonné autrement ma vie, et celle sexuelle par conséquent. Et je ne me mépriserais pas à cause de cette soumission que je kiffe au contact avec ce connard de Jérém.

    Son départ est vraiment un horrible gâchis. J’ai envie de le revoir, j’ai envie de le câliner, de me faire câliner, j’ai envie de refaire l’amour avec lui.

    Lorsque je relis le SMS de Stéphane, je retrouve toute notre complicité de la veille. Et avec cela, l’impression d’être plus fort grâce à l’amour et à la tendresse que ce garçon m’a donnés, grâce au fait d’être enfin en accord avec moi-même.

    Et je retrouve en moi cette puissante certitude que, quoi qu’il arrive à l’avenir, je me sens déterminé à ne plus tout accepter par amour, fort de pouvoir désormais penser qu’il peut y avoir sur terre (et sur Toulouse) d’autres mecs que Jérém, des mecs dont certains sauraient m’aimer d’une façon qui me correspond vraiment.

    Lorsque je regarde enfin le radio-réveil, je réalise qu’il est déjà 10 heures. Dans tout juste une heure, les résultats du bac vont être affichés au lycée. Je n’ai surtout pas envie de croiser ce connard de Jérém. Aussi, je redoute de voir son résultat. Si jamais ce n’est pas bon pour lui, je me sentirais vraiment mal.

    « Il va bien Dimitri ? » me questionne maman lorsque je me décide enfin à descendre.

    La question de maman me secoue, car j’ai tellement envie de me laisser aller avec elle.

    Dimitri va bien, oui. Enfin, je n’en sais rien. Je l’ai croisé l’autre soir en boîte de nuit, mais j’étais tellement mal de m’être fait jeter par ce connard de Jérém que je n’ai pas écouté un traître mot de ce qu’il racontait.

    Au fait, il faut que je te dise un truc, maman. Tu te souviens la fois où j’ai découché il y a quelques semaines, la fois où je t’ai envoyé un SMS au petit matin en te disant que je restais dormir chez Dimitri ?

    Non, maman, je n’étais pas chez lui. En fait, j’étais chez un autre gars que tu ne connais pas, un camarade de classe.

    Un gars qui est bien plus qu’un pote pour moi. Jérémie est le mec qui me rend dingue. Cette nuit-là, j’avais couché avec ce mec, et ce n’était pas la première fois.

    Oui, maman, tu as bien compris, j’aime les garçons. Ce sont eux, et non pas les filles, qui me font vibrer, qui me font tourner la tête dans la rue, au sens propre comme au figuré. Pour moi, les garçons c’est une évidence, depuis toujours. Et, surtout, CE garçon-là. Ça l’était, du moins.

    Oui, maman, j’aime les mecs. Je ne l’ai pas choisi, mais c’est venu à moi comme mon goût pour les pâtes au pesto, la glace fraise/chocolat, le jus d’ananas. Alors que pour moi, les filles, c’est plutôt les choux de Bruxelles. Tu te souviens comment, lorsque j’étais petit, tu n’as jamais réussi à me les faire avaler ?

    Je n’y suis pour rien, tu n’y es pour rien. Tout m’attire vers les beaux garçons, c’est une force à laquelle je ne peux pas m’opposer.

    Mais ce gars dont je t’ai parlé ne sait pas m’aimer et il ne le saura jamais. Notre relation se limitait au sexe, et ne serait jamais allée au-delà. Et ça ne me suffit pas. Car pour moi, être homo ça ne se résume pas au sexe. Je cherche un gars avec qui partager autre chose, un gars avec qui parler, un gars pour faire des câlins, un gars avec qui faire un petit bout de chemin ensemble.

    Comme ce gars que j’ai rencontré à Saint Etienne, accompagné par son labrador noir. Ce mec m’a proposé une bière chez lui, et il l’a donné tous les câlins que je cherchais et que je commençais à désespérer de pouvoir trouver un jour auprès d’un garçon.

    Avec Stéphane, j’ai découvert qu’on peut être bien dans les bras d’un gars. Alors, après ma déception de samedi soir en voyant Jérém quitter le KL avec une pouffe après m’avoir chauffé à blanc, j’ai revu ce charmant Stéphane hier après-midi. Et si je t’ai dit que j’allais aller chez Dimitri, c’est pour ne pas que tu saches que je suis pédé, c’est pour ne pas te faire de la peine.

    Revoir Stéphane est la meilleure chose que j’ai faite, je crois, la meilleure chose qui me soit arrivée depuis très longtemps.

    Le seul problème c’est qu’il va partir loin, et que je ne saurai jamais si ce gars était celui que j’attends depuis longtemps.

    Voilà ce que j’ai envie de te dire, maman. Mais ce n’est pas aujourd’hui que je vais le faire, car le temps presse et le courage me manque.

    « Ah oui. Dimitri va bien. Il est lui aussi impatient de savoir pour son bac » je finis par répondre à maman, tout en débarrassant la table et en me préparant pour partir.

    Il fait bon de marcher dans la rue en cette magnifique journée de début juillet. Il fait beau sans encore faire excessivement chaud et je ressens en moi la douce sensation d’être en vacances. Le bac est fini, l’été est là. Et qu’est-ce que c’est beau Toulouse lorsque le soleil est au beau fixe, lorsque l’été arrive. Ses façades en briques, ses rues, ses jardins, tout l’espace urbain semblent se faire encore plus accueillants et agréables à vivre. Lorsque l’été s’installe, les gens semblent de meilleure humeur, et on entend beaucoup rigoler dans les rues. C’est une ambiance qui me donne le sourire et me fait dire que oui, la vie est belle.

    Oui, quand on a 18 ans et que l’on a deux mois de vacances devant soi, la vie est forcément belle.

    Primo, le « tic-tac » du compte à rebours pour le concert de Madonna à Londres se fait de plus en plus bruyant dans ma tête. J’ai vraiment hâte d’y être.

    Secondo, je vais bientôt intégrer un stage de conduite accélérée. Je veux avoir l’examen du premier coup, car il me faut un moyen de locomotion pour profiter de cet été.

    Début août, Elodie va être à nouveau en vacances, pendant deux semaines et nous avons déjà envisagé de partir quelques jours à Gruissan, ou ailleurs.

    Deuxième quinzaine d’août je vais devoir préparer la rentrée, m’occuper du logement à Bordeaux, emménager.

    Voilà le programme agréablement chargé de l’été de mes 18 ans.

    Je mesure la chance d’avoir des parents qui me paient non seulement des études, mais également le permis et qui me permettent de vivre pleinement l’été de mes 18 ans. Merci papa, merci maman. Promis, je ne vous décevrai pas à la fac, vous pouvez compter sur moi. Je vous décevrai peut-être un jour, mais ce ne sera pas à cause de mes études.

    Oui, l’été est devant moi et c’est un été plein de promesses qui se profile. J’ai envie de profiter de la vie. Pour ce faire, je dois avant tout arriver à oublier ce connard de Jérém. Je dois arrêter de me faire du mal. J’aimerais tellement revoir Stéphane, mais je sais que ça va être très difficile.

    Mais pour l’heure, je me laisse happer par un regard, un brushing de mec, un biceps qui dépasse d’une manchette de t-shirt, par une traînée de déo, par une barbe de trois jours, par un geste, une attitude virile, par une démarche assurée, bref, par tous ces mecs dont la beauté et la sensualité aimantent mon regard pendant un instant, par toutes ces vies de mâles qui me seront à jamais inconnues.

    Oui, qu’est-ce que c’est beau l’été. Et par-dessus tout, qu’est que c’est beau la jeunesse masculine, beau et éphémère, beau car éphémère, c’est une émotion intense capable de m’émouvoir aux larmes.

    Dans le hall d’entrée du lycée, un dense attroupement de potentiels futurs bacheliers impatients s’agglutine autour des tableaux d’affichage.

    Pendant quelques instants, je m’arrête pour regarder toutes ces jeunes gens pour qui, tout comme pour moi, s’ouvre aujourd’hui une nouvelle vie devant eux, avec d’infinies possibilités, et tant de choses à découvrir, à expérimenter.

    L’année du bac est une période où tout change. En l’espace de quelques mois, on passe le bac, on tente le permis, on possède une voiture et on goûte à la liberté qu’elle sait offrir, on connaît l’amour, le sexe, on quitte le toit familial pour partir faire des études ou trouver un travail.

    L’année du bac est une époque de la vie où l’arbre des possibles est tellement imposant que ça en donne le tournis. Une époque où il y a tellement de choix à faire, des choix qui vont en partie conditionner toute notre vie. C’est l’une des plus belles périodes de la vie mais c’est aussi peut-être l’une des plus difficiles. Bref, l’année du bac à quelque chose d’un rituel initiatique et elle ressemble à une passerelle entre l’enfance et l’âge adulte.

    Mon regard balaye sans cesse l’espace de la cour du lycée à la recherche de Jérém. Mais pas de trace du beau brun. Soulagement immédiat, et déception aigüe. Car, si le fait qu’il ne soit pas là me permet d’avancer le cœur léger vers le tableau d’affichage, au fond de moi je crève d’envie de le revoir.

    Je me déplace, je regarde mieux. Une plastique remarquable se détache de la foule. Merde, il est là. Il est de dos. Il porte un t-shirt gris magnifiquement ajusté, un short bleu, des baskets blanches, une casquette noire vissée à l’envers. Je commence à transpirer à grosses gouttes. Mais dès que le gars tourne un peu le visage, je réalise que ce n’est pas lui. C’est un autre mec, un autre beau brun qui m’a tapé dans l’œil pendant le lycée, mais il était dans une autre classe.

    Nouvelle déception aigüe et nouveau soulagement immédiat.

    J’approche désormais sereinement des tableaux d’affichage. Je n’ai pas trop de doutes quant à mon bac, c’est plutôt au sujet du sien que je m’inquiète. Je sais que ce n’est pas mon problème, mais je ne peux m’empêcher de me demander ce que je vais ressentir si jamais il ne l’a pas.

    Je suis tellement inquiet que je cherche son nom avant même de chercher le mien dans le tableau d’affichage. T… T… T… voilà… Jérémie Tommasi.

    « Admis ». Voilà le mot magique. Ouf, je suis soulagé. Tout va bien.

    Nicolas S. « Admis » lui aussi. Je parcours tout le tableau de notre classe. Et je suis heureux de découvrir une unanimité d’« Admis ».

    Je discute un peu avec les camarades, c’est l’euphorie générale, il n’y personne de laissé pour compte, alors les mots d’ordre « soirée pour fêter ça samedi prochain », « Bodega » et « KL » commencent à circuler avec insistance de lèvre en lèvre.

    C’est une bonne idée. Car ce sera certainement la dernière fois où nous serons tous réunis. Oui, c’est une bonne idée. Oui, mais non. Pas pour moi en tout cas. Franchement, je n’ai pas envie d’une nouvelle soirée lycée. Car je n’ai pas envie de revoir ce connard de Jérém. Si je veux l’oublier, j’ai avant tout besoin de ne plus le voir. Pour l’oublier, je dois continuer de le détester. Pour continuer de le détester, je ne dois pas le revoir.

    En marchant vers la maison, j’appelle maman et j’envoie un SMS à Elodie pour leur annoncer la bonne nouvelle.

    Je flâne en ville, tout en me demandant comment je vais passer ma semaine, mon week-end suivant, et les quelques jours qui me séparent de Londres. Je remonte en direction du Capitole, lorsque mon portable beepe. Un SMS vient d’arriver.

                Alors le bac ?

    C’est Stéphane. Il est vraiment trop mignon.

                Tout s’est bien passé, merci !

                Trop cool, félicitations mon grand !

                J’ai envie de te revoir

     je lui balance direct.

                Moi aussi, mais compliqué, ma mère est là

                Même un verre, pas possible ?

                Mon loulou, si je pouvais

                T’es pas marrant. lol

                Lol

    Je décide de lâcher l’affaire pour ne pas paraître relou. Pourtant j’ai excessivement envie de le voir. Il me manque. Je sens que j’ai besoin de sentir une fois encore son amour pour que ma mutation intérieure soit durable. Il m’a montré un chemin, et il m’a montré que je peux le parcourir. Mais j’ai besoin d’être accompagné encore un peu.

    Cet après-midi, je décide de faire ce qu’on fait d’habitude lorsqu’on ne sait pas quoi faire. A savoir, aller faire un tour au magasin culturel de la place Wilson. Je fais la visite détaillée de tous les niveaux et je trouve enfin le DVD que je cherchais, Un couple presque parfait.

    Il s’agit d’un sublime navet qui n’a de remarquable que les superbes titres de sa BO, « American Pie » et « Time stood still ». Comme l’a justement souligné ma cousine il y a un an, lorsque nous étions allés voir le film en salle « on voit trop qu’elle joue mal et en plus le scénario ne tient vraiment pas la route ». Non, ce n’est pas au cinéma que Madonna s’illustre le mieux, exception faite pour ce petit chef d’œuvre qu’est Evita.

    Je rentre chez moi, je passe le DVD. J’adore la voir à l’écran, même si elle joue mal. Sa présence, son être tout entier, et sa voix avant tout, possèdent pourtant le pouvoir immense de m’apaiser et de m’apporter du bonheur.

    Madonna est ma meilleure copine virtuelle. Chaque fois que quelque chose d’important se produit dans ma vie, on dirait qu’elle s’arrange pour le marquer avec un titre, un clip, un concert, un film. On l’a souvent dite « finie » et elle est toujours revenue. Elle ne m’a jamais laissé tomber.

    Des SMS commencent à circuler pour organiser la fameuse soirée post bac. Ils me saoulent. De toute façon, ma décision est prise, je ne vais pas y aller. Je trouverai une excuse.

    Une nouvelle dose de Madonna à pleine puissance dans mon casque m’aide à faire passer cette soirée, tandis qu’une bonne branlette m’aide à trouver le sommeil.

    Mardi 3 juillet 2001

    Le mardi matin je me rends à l’auto-école pour m’inscrire au cours de conduite. Ça a été une bonne idée de passer le code pendant les vacances de février. Je ne me vois pas réviser le code dans cette chaleur et dans cette ambiance de vacances qui plane sur la ville.

    Je suis reçu par une nana qui m’explique en détail comment tout cela va se passer.

    « Votre moniteur pour les cours de conduite ce sera Martin.

     — Martin ! Martin ! » j’entends la nana appeler en tournant le visage vers la porte de la salle à côté.

    Et un instant plus tard, un mec apparaît dans l’embrasure de la porte.

    Dès l’instant où je vois Martin, je sais déjà que réussir mon examen de conduite ce ne sera pas une mince affaire. Comment réussir un stage intensif, faute de pouvoir me concentrer ? Car Martin est le genre de garçon qui attire le regard, comme un rideau blanc la lumière du soleil.

    « Bonjour ! il me lance, tout en me serrant la main.

     — Bonjour » j’arrive tout juste à lui répondre.

    Martin est un mec genre la trentaine, très classe. Il est habillé d’un beau jeans avec une ceinture noire épaisse, d’une chemise blanche toute simple mais très bien coupée. Il porte une belle montre de mec. Ses beaux cheveux châtains sont fixés au gel. Ses yeux sont de couleur marron foncé, son regard est intense, charmeur. Martin est un beau spécimen à la poignée de main ferme. Son parfum est à la fois discret et entêtant.

    Je sors des locaux de l’auto-école tout guilleret. C’est l’effet qu’un « bogoss inconnu » produit sur mon esprit. A chaque fois que je croise un bogoss, j’ai l’impression que mes poumons s’ouvrent en grand et qu’un air nouveau s’y insuffle, et je sens comme une ivresse s’emparer de moi.

    Ce Martin m’a mis de bonne humeur, et l’idée de le retrouver me chatouille bien l’esprit. Je sais qu’il ne se passera rien avec lui, mais je ne peux m’empêcher de ressentir une petite impatience à l’idée de le retrouver.

    Stéphane me manque toujours, me manque beaucoup.

    Mercredi 4 juillet 2001

    Mercredi je m’ennuie. Je tente de me distraire en écoutant de la musique. Le CD de Music me fait de l’œil. Je le place dans le lecteur et j’envoie le son. Je n’arrive toujours pas à croire que dans quelques jours je vais voir Madonna en chair et en os. L’attente est insoutenable.

    J’ai tellement de temps à moi que je trouve même le moment pour ranger ma chambre (ça c’est un exploit), ainsi que mes cours et mes bouquins qui ne me serviront plus.

    Je partirais bien à Gruissan, mais Elodie travaille et sans elle je n’ai pas le courage de bouger. Et même si elle m’a proposé de me filer les clefs de l’appartement, je n’ai pas le cœur à y aller sans elle. Je sais que sans ma cousine pour me faire rire, ça ne va pas être marrant.

    Mais il y a aussi une autre raison qui me pousse à rester sur Toulouse. C’est un infime espoir de revoir Stéphane avant son départ. Je sais que les chances sont très faibles, presque inexistantes, mais si jamais l’occasion devait se présenter, je m’en voudrais vraiment de la rater.

    Si seulement je pouvais le revoir…

    Jeudi 5 juillet 2001

    Jeudi, je me réveille d’humeur maussade.

    Je pense au départ de Stéphane et j’ai le pressentiment, presque une certitude, que je ne vais pas le revoir avant qu’il quitte Toulouse.

    Je pense aussi à la soirée de ce samedi, cette maudite soirée post bac où je vais certainement revoir Jérém. Cette soirée me fait peur. Je n’ai pas envie d’y aller. Mais je sens qu’elle commence à me happer comme le vide devant la falaise. Vais-je savoir tenir bon ? Si seulement je pouvais revoir Stéphane…

    Je finis par sortir pour me changer les idées. Le vent d’Autan souffle de façon insistante et il semble augmenter d’intensité d’heure en heure. Je marche sans but, perdu dans mes pensées noyées dans un épais brouillard de fatigue persistante.

    Je remonte ma ville de rue en rue, je remonte ma vie à rebours. En passant dans le quartier de la Halle aux Grains, j’aperçois l’entrée de l’immeuble où Stéphane habite. Je suis à deux doigts de sonner à son interphone. J’ai besoin de le voir. Car il n’y a que lui qui saurait m’offrir le câlin dont j’ai besoin à cet instant pour me retrouver. Je jette un œil rapide dans le hall inanimé et sombre. Je cherche son nom sur l’interphone. Le déménagement approche, il a déjà disparu. J’ai envie de sonner sur la touche redevenue anonyme, mais j’y renonce, me disant que de toute façon, à cette heure-ci, il doit être au taf.

    Alors je trace, direction Saint-Aubin. La rue de la Colombette n’est qu’à quelques pas, l’entrée d’un autre immeuble bien connu est si proche. Je suis tiraillé entre le désir de m’éloigner au large et celui de m’engouffrer dans cette rue si chargée de souvenirs. Je sais que je vais avoir mal, mais cette rue me happe et je ressens l’envie irrépressible de passer devant cette porte que j’ai tant de fois franchie la respiration coupée, le cœur hors de ma poitrine. Et si je le croisais ?

    Le temps que je me décide, mes jambes m’ont amené toutes seules devant sa tanière. Je panique, je leur ordonne de m’amener vite loin de là. Mais ma tête n’en fait qu’à sa tête. Mon cou se tourne, mon regard se lève, mes yeux cherchent cette terrasse bien connue. Et mon cœur bondit de ma poitrine lorsque je crois déceler un mouvement là-haut.

    J’ai l’impression d’avoir vu un bout de cheveux-bruns-peau-mate-t-shirt-blanc disparaître à l’instant précis où mon regard s’y est posé. Ce n’est pas impossible qu’il soit chez lui à cette heure-ci, en plein milieu d’après-midi, car c’est peut-être l’heure de sa coupure.

    Est-ce qu’il était en train de fumer une clope en terrasse ? Est-ce qu’il m’a capté avant que je lève la tête ? Est-ce qu’il m’a vu et qu’il s’est retiré pour ne pas croiser mon regard ? Est-ce qu’il a ressenti ma présence dans la rue comme un harcèlement ? Ou alors, est-ce que j’ai tout simplement rêvé ?

    Je ne peux m’empêcher de me retourner et de lever une nouvelle fois le regard vers cette terrasse dans l’espoir secret de le voir réapparaître. Mais elle demeure vide, tristement vide.

    Mon cœur toujours emballé, je remonte la rue vers le Canal, m’éloignant à grands pas de cet immeuble dont la proximité m’est si pénible. Ce n’est qu’en arrivant à la Gare Matabiau que j’arrive à me calmer. Je rentre dans le hall et je me mélange à la foule des voyageurs. J’ai envie de prendre un train et de partir loin, très loin de là. Je me contente de m’approcher d’un comptoir et de prendre un café. Je me pose sur un banc face au grand tableau des Arrivées et des Départs, je regarde les voyageurs pressés défiler dans un mouvement perpétuel et presque hypnotique. Je bois mon café lentement, tout en essayant de faire un peu d’ordre dans le bazar sans nom qui encombre ma tête.

    Cette gare, avec ses départs incessants, fait écho à mon état d’esprit présent. Dans quelques semaines le monde qui était le mien depuis toujours va connaître davantage de bouleversements que pendant les 18 années qui ont précédé. Mon monde actuel va être englouti sous une vague de départs, de changements, de bouleversements tous azimuts. Mon enfance est en train de partir loin, très loin, ma vie de jeune adulte se profile, approche à toute allure. J’ai comme l’impression de me retrouver devant une page vide et où tout est à écrire, une page à remplir, avec d’autres vibrations, d’autres gens, d’autres amours. Tout ça est à la fois excitant et terrifiant.

    Je réalise que l’âge « adulte » qui se profile, est également l’âge où il faut apprendre à faire des choix. Est-ce que j’en suis bien capable ?

    Stéphane, Jérém, Jérém, Stéphane.

    Jérém, le mec qui m’a dépucelé.

    Stéphane, l’adorable garçon qui m’a fait découvrir ce qu’est faire l’amour.

    Jérém, le mâle serial baiseur qui m’a fait découvrir le plaisir d’être soumis à un étalon dominant.

    Stéphane qui m’a appris que j’aime jouir « comme un mec ».

    Jérém pour qui il n’y a que son plaisir qui compte.

    Stéphane avec qui l’amour est partage.

    Jérém qui refuse toute tendresse.

    Stéphane qui m’a montré que les câlins c’est possible, et c’est trop bon.

    Jérém impulsif et sanguin, imprévisible, parfois agressif.

    Stéphane calme et posé, gentil, rassurant.

    Jérém sexy, macho et égoïste.

    Stéphane attentionné, doux, touchant, bienveillant.

    Jérém qui fait de moi ce qu’il veut.

    Stéphane qui me respecte.

    Jérém, la baise dans les vestiaires à la piscine Nakache.

    Stéphane, la balade au Jardin des plantes.

    Jérém, la baise dans les vestiaires du terrain de rugby.

    Stéphane, le risotto et Aladdin.

    Jérém, la baise dans les chiottes du lycée.

    Stéphane, me sentir bien dans des bras chauds.

    Jérém que j’ai dans la peau…

    Et là, ça bugge méchamment. Tout se bloque dans ma tête, les images s’arrêtent, plus de signal, l’écran devient bleu. Ça dure un petit instant, le temps que je rouvre les yeux et que je termine mon café. Je m’abandonne sur le dossier du banc, je respire profondément.

    Une petite voix se fraye alors un chemin dans ma tête. Elle est porteuse d’un message, un petit message dur à entendre. Je secoue la tête, je me frotte les yeux, je tente de me ressaisir, j’essaye de la faire taire. Je n’y arrive pas. Je tente autre chose. Je me lève, je marche, j’arrive à la distancer un peu, mais elle me suit de près. Je fais semblant de ne pas l’entendre, mais elle ne me lâche pas.

    « Va le voir. »

  • JN01060 Halle aux Grains – Stéphane, Gabin, Aladdin et le risotto

    JN01060 Halle aux Grains – Stéphane, Gabin, Aladdin et le risotto

    Stéphane se cale contre moi, il me câline pendant un bon petit moment. J’ai toujours rêvé de ça, de ces instants d’abandon après la jouissance, si propices à la tendresse, une tendresse que ce connard de Jérém m’a toujours refusée.

    J’ai pris tellement mon pied en faisant l’amour avec Stéphane que j’en ai carrément oublié de jouir. Aussi, je suis tellement habitué à ce que mon orgasme ne soit qu’un détail dont on ne s’occupe pas, que je trouve désormais cela normal. J’oublie qu’avec ce garçon les choses en vont tout autrement.

    Stéphane ne l’a pas oubliée. Sa main enroulée autour de ma queue, il n’a besoin que de quelques va-et-vient pour déclencher mon orgasme.

    Un instant plus tard, nous sommes à nouveau enlacés, torse contre torse. Ses poils doux caressent ma peau imberbe, ses tétons frottent contre les miens, sa peau chaude se superpose à la mienne. Nos bras, nos jambes, nos queues se rencontrent, se mélangent. Nos envies de tendresse se perdent les unes dans les autres. Et dire que je l’ai toujours su. Qu’est-ce que c’est au fond que le sexe, soit-il avec le plus bel apollon de la terre, sans ce délicieux atterrissage qu’est un câlin juste derrière ?

    Non, le fait de se sentir bien avec un garçon ne tiendra jamais uniquement qu’à son physique, qu’à sa beauté. Pas plus que le charme d’un mec ne peut se résumer à sa sexualité, si intense et débordante soit-elle. Il est des choses qui vont bien au-delà d’une belle gueule, d’un corps de rêve et d’une bonne queue. Des choses qui s’appellent tendresse, partage, gentillesse, attention pour l’autre, douceur. Des choses auxquelles j’ai droit.

    Nous restons enlacés pendant un long moment, en silence. J’écoute sa respiration paisible, je l’écoute s’assoupir. Je suis tellement bien que je finis par m’endormir à mon tour.

    « Je crois que je devrais aller prendre une douche » je suggère, lorsque je reviens à moi, me sentant moite de transpiration.

    Ses bras s’ouvrent, j’amorce le mouvement pour me relever. Et là, sa main saisit mon avant-bras pour m’attirer à nouveau contre lui et pour m’embrasser encore.

    « Ça c’est pour la route, beau petit mec. »

    Je lui souris et je pars à la douche. Je suis tellement heureux que je me surprends en train de siffloter « I’m coming up/I want the world to know/I got to let it show » en faisant couler l’eau.

    Je me douche vite, car j’ai trop envie de retrouver Stéphane. Il me manque déjà.

    Il ne va pas me manquer longtemps. Car c’est lui qui vient me retrouver, et ce carrément sous la douche.

    « Je peux ? » il me demande, en entrouvrant la porte vitrée.

    « Fais comme chez toi » je trouve sympa de lui répondre.

    Il rentre, il referme la porte derrière lui. Nos peaux humides se frôlent. C’est sacrement excitant.

    « J’ai toujours pensé que cette cabine était trop grande pour prendre une douche tout seul » il me balance, coquin.

    C’est bon de se caresser et de s’embrasser sous l’eau. C’est très bon de bander sous l’eau. C’est beau et c’est bon de se branler sous l’eau. C’est bon et c’est beau d’unir nos queues dans la même étreinte et de les exciter l’une en contact de l’autre. Et c’est incroyablement beau et terriblement bon de jouir presque au même temps sous l’eau sans jamais arrêter de s’embrasser.

    Stéphane me serre très fort contre lui, mon visage se perd dans le creux de son cou. Ses baisers se posent sur mon oreille, dans mon cou, sur ma joue, sur ma bouche.

    Lorsque l’eau cesse de couler, lorsque notre étreinte se délie, je me sens un homme nouveau. J’ai enfin trouvé ce que je cherchais. Je me dis que je ne laisserai plus jamais personne me faire croire que ce qui me fait tant de bien puisse être mal. Même pas Jérém, si toutefois un jour nos vies et nos queues devaient se recroiser, éventualité que je considère à cet instant pas plus souhaitable que probable.

    Mais pourquoi Stéphane doit-il partir maintenant, pile au moment où je commence à me dire que je pourrais être si bien avec lui ?

    Nous finissons de nous sécher, et nous revenons dans sa chambre pour nous rhabiller. Gabin nous suit de près, l’air un peu fâché qu’on l’ait mis dehors tout à l’heure.

    Nous revenons dans le séjour et Stéphane me propose quelque chose à boire.

    Pendant qu’il part à la cuisine préparer le café que je lui ai demandé, mon regard est attiré par les nombreux dvd rangés sur une étagère à côté de la télé. En m’y approchant sous le regard attentif du labranoir, je remarque une riche collection de films Disney. De Fantasia au Roi Lion, de Blanche Neige à Aladdin, de Pinocchio à Mulan, tout y est. Décidemment, un mec qui possède un labra comme Gabin et une collection aussi complète de films Disney ne peut être qu’un bon gars.

    « Tu aimes les Disney ?

     — J’adore !

     — C’est lequel ton préfèré ? il me questionne.

     — Aladdin, je réponds sans hésiter.

     — C’est marrant… 

     — Pourquoi marrant ? 

     — Parce que c’est mon préféré aussi !

     — C’est vrai ? 

     — Eh oui ! Depuis sa sortie en 1992. J’étais déjà un peu grand pour ça, mais j’ai trouvé ce film vraiment magique ! »

    J’adore ce côté enfantin niché au fond de ce charmant garçon.

    Deux petits trucs ont retenu mon attention et aiguisé ma curiosité dans sa dernière phrase. « … en 1992… j’étais déjà un peu grand »

    « Tu as quel âge au fait ? je ne peux m’empêcher de lui demander.

     — Tout juste 26, je viens de les fêter le mois dernier. »

    Huit ans de plus que moi. Aux yeux du Nico de 18 ans un mec de 26 est carrément un homme.

    « Et toi, le bachelier, tu as combien, 18, 19 ? » il me questionne à son tour.

     — Bientôt 19. »

    Oui, bientôt, dans quatre mois, mais peu importe.

    Une minute plus tard, le DVD est en train de ronronner dans le lecteur. Les images et la musique de ce magnifique Disney ravissent mes yeux et mes oreilles. Je mate Aladdin dans les bras d’un garçon très câlin. Je regarde Aladdin et je me rends compte que Stéphane me regarde regarder Aladdin. Je me sens tellement bien, je suis heureux. Plongé dans ce chaud bonheur, mon corps épuisé par les multiples jouissances finit par s’assoupir à nouveau.

    Lorsque je me réveille, la pendule du séjour indique sept heures. Il me faut quelques instants pour réaliser que le contact que je ressens sur ma cuisse n’est pas la main de Stéphane mais le museau de Gabin.

    « J’ai dormi longtemps ?

     — Presque tout le film. Heureusement que c’est ton préféré, il me taquine, tout en rangeant le DVD sur l’étagère.

     ­­— Je suis désolé. T’aurais dû me réveiller !

     — Si tu as dormi, c’est que tu en avais besoin. Et puis tu étais tellement beau dans ton sommeil !

     — Merci » je lui réponds timidement. Je suis touché, il est vraiment trop adorable ce mec.

    Soudain, je réalise qu’il est l’heure du dîner, chez moi. Mon portable a dû sonner mais comme il est en mode discret sans sonnerie et sans vibreur, ça ne m’a pas perturbé.

    « Je crois que je devrais y aller.

     — Tu veux rester manger ? »

    Son invitation me fait drôlement plaisir mais…

    « Je ne peux pas m’incruster comme ça, je lui réponds.

     — Si, tu peux, ça me fait plaisir. »

    Des mots sacrement plaisants à entendre.

    « C’est d’accord, alors !

     — Tu aimes le risotto ? il me questionne.

     — J’adore !

     — Alors va pour le risotto !

     — Parfait. Je peux t’aider à faire quelque chose ?

     — T’as qu’à t’occuper de Gabin, ça m’évitera de l’avoir dans les pattes. Dès qu’il sent l’odeur de l’oignon qui commence à frémir, il devient fou ! »

    J’envoie un SMS à maman pour l’avertir que je ne rentre pas dîner et je me lève pour aller rejoindre Stéphane. Je m’approche tout doucement, suivi du Noir à quatre pattes. Je le regarde remuer le riz dans la poêle. Je me fais la réflexion que c’est beau à regarder un beau garçon en train de cuisiner. Cela représente tellement de choses pour moi. A part ma maman et Elodie, personne n’a jamais fait ça pour moi.

    Je réalise que ça peut-être ça aussi la vie avec un garçon. Discuter ensemble, se faire des câlins, partager une balade en ville un dimanche après-midi, faire l’amour, regarder un film en se câlinant, faire une sieste, partager un repas. Partager autre chose que le sexe avec un garçon, c’est génial.

    Stéphane finit par remarquer ma présence.

    « Je ne t’ai pas entendu, il m’explique, tout attentif à son ouvrage.

     — Je te regardais.

     — Ça va bientôt être prêt » il ajoute, tout en continuant à remuer son risotto avec la cuillère en bois.

    Une minute plus tard, le risotto est sur la table. Et il est délicieux.

    Pendant le dîner, Stéphane me parle de sa passion pour la randonnée en montagne (ce qui explique ses mollets musclés), ainsi que pour le canyoning. Rythmé par nos conversations, le dimanche soir s’écoule trop vite.

    Je ne me lasse pas de sa compagnie, je voudrais que cette soirée s’étire à l’infini. Mais l’heure tourne et il est temps pour moi de rentrer. C’est dur de le quitter, en sachant que je ne vais probablement pas le revoir avant son départ. En effet, Stéphane m’a appris que sa mère va venir s’installer chez lui quelques jours pour l’aider à préparer les cartons.

    Non, ce n’est pas facile de se quitter après un dimanche comme celui que nous venons de vivre. Nous renonçons aux mots, et nous laissons la place aux baisers, aux caresses, aux câlins.

    « J’ai bien aimé cette journée, tout aimé, il finit par me glisser, tout mignon, sur le seuil de sa porte.

     — Moi aussi j’ai tout aimé de cette journée…

     — Dommage que tu… je ne peux m’empêcher d’ajouter.

     — Nous nous reverrons Nico, je suis sûr que nous nous reverrons. J’ai de la famille ici, je reviendrai, il me coupe en devinant la suite de ma phrase, je t’enverrai mon tel dès que je serai installé et tu viendras me voir. Bale n’est qu’à une heure de Toulouse en avion. »

     — Tu vas me manquer, je me peux me retenir de lui glisser.

     — Toi aussi tu vas me manquer, il me chuchote à l’oreille tout en me serrant très fort contre lui.

     — Tu es super mignon Nico, il continue adorable, tu es un chouette garçon. Et tu as le droit d’être heureux, et de demander ce qui te rend heureux. Surtout, ne laisse jamais personne te dire et te faire croire le contraire. »

    Là je pleure à nouveau.

    « Pardon, je tente de me rattraper, je ne suis pas un beau cadeau. »

     — Ne t’excuse pas Nico, surtout ne t’excuse pas d’être comme tu es. Tu as le droit de pleurer, tu as le droit d’aimer et de te sentir aimé. Mais ne dis plus jamais  » je ne suis pas un beau cadeau « . Parce que tu es un très beau cadeau, Nico.

    Tu es un jeune mec qui a par-dessus tout besoin d’amour et de tendresse. Tu dois croire que tu as le droit d’être heureux, avant que les autres puissent te reconnaître ce droit. Sois toi-même, fais tes propres choix, et ne laisse pas les autres choisir pour toi.

    Tu es un bon gars, il continue, mais fais gaffe à toi, Nico. Fais attention aux gens que tu vas rencontrer, surtout dans le milieu, car il n’y a pas que des gentils.

    A ton âge j’étais un peu comme toi. Je ne me méfiais pas assez et j’en ai fait les frais. Fais donc gaffe à ne pas te perdre, même pas par amour. Veille toujours à rester toi-même. On peut tout donner mais on ne peut pas tout accepter par amour. Et si un jour tu as besoin de quelqu’un pour parler, je serais toujours là pour toi. »

    C’est après avoir serré une dernière fois Stéphane dans mes bras que j’arrive à m’arracher de lui avec un simple « Merci ». Je dois m’arracher de lui de façon presque violente, je dois m’arracher pour ne pas recommencer à pleurer, pour ne pas gâcher ce moment. Car je vois que lui aussi a l’air bien ému et je n’ai pas envie de le voir pleurer. Je suis déjà bien assez triste comme ça.

    En quittant Stéphane, je suis heureux et triste, tout à la fois. Heureux de tout ce que j’ai vécu en l’espace d’un après-midi, et triste que cela se termine ainsi, triste que cette rencontre qui aurait pu être la première d’une belle série, d’une relation stable, d’un avenir radieux, ne soit au final qu’une magnifique découverte suivie d’un inexorable adieu.

    Ah, ce charmant Stéphane, arrivé si soudainement dans ma vie, et reparti aussitôt. Il est parfois dans une vie des rencontres comme celle-ci, des rencontres fortuites, isolées, improbables, et pourtant marquantes.

    Commentaires

    ZurilHoros

    28/06/2020 21:11

    La parenthèse Stéphane nous permet de lire quelque chose de complètement différent tant au niveau de l’atmosphère que des relations humaines. Par sa personnalité et son âge, Stéphane n’entre pas dans le moule des garçons déjà croisés par Nico. Son rapport au monde, différent de celui d’un lycéen, fait entrevoir au  « petit Nico » des perspectives nouvelles.  3 épisodes qui sont essentiels à l’histoire de Jérém et Nico, et qui sont certainement parmi les tous meilleurs. j’aime particulièrement l’addition de moments et de détails quotidiens qui par le talent d’écriture font entrer de plein pied dans un monde ou on a envie d’être, alors qu’il n’a rien particulièrement remarquable. C’est le regard de Nico qui nous le rend joyeux, accueillant, serein. Que ce soit le déroulement de la journée, la sortie dans le jardin, la mise en place du préservatif, le dvd ou le risotto, tout nous surprend et nous charme. Si en plus on ajoute la présence envahissante de Gabin, on comprend que pour Nico, cette journée particulière aura des répercussions sur le futur de sa relation avec Jérém. Donc 3 épisodes qui nous en disent beaucoup sur Nico. On ne rencontre pas beaucoup de Stéphane dans le milieu Gay. Ce sont des épisodes qui font peut être moins bander, mais ils rendent meilleur. J’espère qu’on le reverra, il le mérite.

  • JN01059 Halle aux Grains – Le garçon au labrador

    JN01059 Halle aux Grains – Le garçon au labrador

    « Salut, c’est Nico ! » j’annonce à l’interphone.

    Je ne peux pas me retenir de sourire en entendant en arrière-plan sonore les « waf waf » puissants de Gabin.

    « Avance, toutes les portes sont ouvertes ! »

    Ça me fait drôlement plaisir d’entendre sa voix.

    Je traverse le hall d’entrée. J’ai tout juste le temps de passer la porte vitrée et de la refermer derrière moi, lorsque je vois débouler une masse noire remuant vigoureusement une queue bien touffue. Gabin m’accueille les pattes grandes ouvertes.

    « Gabin, au pied ! » j’entends Stéphane essayer de le maîtriser, en vain.

    Je caresse le beau brun à quatre pattes. Pour le coup, il est debout sur deux pattes, les antérieurs posées sur mon t-shirt, sa langue essayant d’atteindre mes oreilles. Nous avons ça aussi en commun, Gabin et moi, nous adorons les oreilles. En plus d’un adorable garçon nommé Stéphane.

    Je le caresse généreusement, mes doigts insatiables du contact avec son poil très doux. La spontanéité de ses effusions débordantes est touchante. Son regard est l’image de la tendresse.

    Malgré la fougue que Gabin met à accaparer mon attention, je finis par avancer vers le maître des lieux.

    Simplement habillé avec une chemisette bleu foncé, d’un short d’où dépassent des jambes finement poilues et plutôt musclées, d’une paire de baskets blanches ainsi que de son sourire charmant et bienveillant, il est beau, simplement beau. Je me fais la réflexion qu’il y a dans ce garçon quelque chose qui me renvoie à un autre gars que je trouve charmant et attachant au-delà du raisonnable, un certain Thibault.

    « Salut, je lui lance simplement.

     — Salut ! »

    Je lui souris.

    Stéphane se penche vers moi pour me claquer la bise.

    « Gabin a l’air content de me voir, je lance.

     — Il n’y a pas que Gabin qui est content de te voir », il me glisse.

    Dans ces quelques mots, je retrouve sa gentillesse, cette complicité et cette façon de me mettre à l’aise qui m’avaient ravi lors de notre premier rendez-vous.

    J’ai l’impression qu’il est content de me revoir. Comme si, malgré le peu de temps que nous avons passé ensemble, j’occupais déjà une place dans sa vie. Ses mots, son attitude, sa façon d’être et de me regarder, me font me sentir d’une certaine façon « unique » à ses yeux.

    Aussi, je retrouve avec bonheur son accent marqué, l’accent chantant des Toulousains, cet accent qui sent bon le sud, les briques chaudes des immeubles de Toulouse en plein été, le vent d’Autan, le rugby. Je me dis que ce gars est vraiment à l’image de sa ville, chaleureux, accueillant, solaire.

    « Moi aussi je suis content d’être là, je lui réponds.

     — Ça a été laborieux, il plaisante pendant que nous franchissons le seuil de l’appart.

     — Encore désolé d’avoir annulé l’autre soir, je n’étais pas bien, je m’arrange avec la vérité.

     — Ce n’est pas grave. L’important c’est que tu sois là maintenant. »

    Définitivement, ce gars est vraiment adorable.

    « Tu veux boire un truc ?

     — Une bière blanche, si tu as, je me lance.

     — Je dois avoir ça. Installe-toi, j’arrive. »

    Pendant que Stéphane s’en va vers le frigo, je prends place sur le canapé devant la table basse. Gabin ne tarde pas à approcher, et à s’asseoir en « chien porte journaux », le dos lourdement appuyé contre ma jambe. Puis, il retourne la tête, il cherche mon regard, cherche mes câlins. Je lui en fais un max. Mes mains ne se lassent pas du contact super agréable avec son pelage doux, mes yeux ne se cessent de s’attendrir devant sa demande inépuisable de tendresse. On dirait moi, en demande permanente de câlins.

    Stéphane revient avec deux bières blanches. Il s’installe sur le canapé à côté de moi.

    « Alors, t’es allé voir la mer ?

     — Oui, j’ai passé une semaine à Gruissan avec ma cousine.

     — C’est sympa Gruissan.

     — J’adore cet endroit, je lui confirme.

     — Ça a dû te faire du bien pour décompresser du stress du bac. »

    Son regard est illuminé d’un petit sourire bienveillant.

    « Oui, j’en avais besoin. »

    Evidemment, je m’abstiens de lui dire que le plus grand stress dans ma vie de jeune homme n’est absolument pas le bac, mais un garçon brun qui me paraît si loin à l’heure qu’il est.

    Pendant que je lui raconte quelques anecdotes politiquement correctes de mon séjour à Gruissan, comme de ma complicité avec ma cousine, de nos déconnades, de nos balades interminables sur la plage, Stéphane s’approche petit à petit de moi et sa main droite se faufile doucement dans mon dos, sous mon t-shirt.

    Je sens la chaleur de sa paume, la douceur de ses doigts, je ressens des petits frissons picoter tout au long de ma colonne vertébrale. Ce contact est super agréable. Et troublant.

    J’ai de plus en plus de mal à réfléchir, à organiser mes mots, à les prononcer. Je regarde vers la table basse, comme hypnotisé par cette caresse réconfortante, perdu dans ce bonheur sensuel. Ma respiration s’apaise. Je me sens vraiment bien.

    « Et toi, t’as fait quoi ces deux dernières semaines ? j’ai l’idée de le questionner.

     — Je n’ai rien fait de spécial, il me répond tout en posant pose son verre sur la table basse, mais je sais ce que j’ai souvent eu envie de faire. »

    Et sans plus attendre, il récupère le verre de ma main, il le pose sur la table basse à côté du sien, il s’approche de moi et il pose ses lèvres sur les miennes. Une fois, deux fois, trois fois, tout doucement. Mes lèvres vont à leur tour à la rencontre des siennes. Puis, il me serre contre lui et me couvre de baisers. Sur mon front, sur mes joues, sur mes yeux, dans le creux de mon cou.

    Quelques instants plus tard, je suis allongé sur le canapé. Stéphane se penche sur moi, m’embrasse à nouveau, ses mains enserrent mon visage, caressent mes cheveux, mes oreilles. Je suis comblé de bonheur par ce mec qui m’offre tant de tendresse, alors que je m’en sens indigne. Et ce, pour la bonne raison que quelques jours plus tôt je lui ai posé un lapin pour aller me faire baiser par un mec qui n’en vaut vraiment pas la peine.

    Je suis au bord des larmes, j’essaie de me retenir. Je n’y arrive pas, elles coulent déjà sur mes joues. Je suis ému. Car cette tendresse est tout ce que j’ai cherché depuis toujours, sans jamais le trouver. Et en ce dimanche après-midi, tout cela me semble si naturel, et si bon.

    Je savais que j’avais besoin de cela, je savais que ça me ferait du bien. Devant tant de bonheur, le souvenir douloureux de tant de fois où ce connard de Jérém m’a violemment jeté pour avoir demandé de la tendresse remonte en moi avec une virulence inouïe.

    Je pleure pour le bonheur que ce câlin m’apporte, je pleure pour le bonheur de me sentir bien, à ma place, de ne plus devoir culpabiliser d’avoir besoin d’affection, de tendresse, d’amour.

    Quelque chose vient de lâcher en moi, comme un barrage qui retenait des larmes trop longtemps stockées. Les tensions se relâchent, ça sort enfin, ça fait mal et ça fait du bien à la fois. Je pleure, je me vide du malaise que j’ai cumulé jusque-là en prenant sur moi.

    Sous les caresses de Stéphane, je ressens tous mes muscles se décrisper, je m’autorise à prendre des respirations de plus en plus profondes. Si seulement j’avais su que ça se passerait ainsi, lundi dernier je n’aurais pas annulé notre rendez-vous pour aller me faire baiser par Jérém. Que vaut le sexe quand il n’est que baise, si jouissif soit-il, comparé au bonheur simple mais intense de se trouver dans les bras d’un garçon qui nous apporte tant de bonheur, et avec qui on peut être entièrement nous-mêmes ?

    « Excuse-moi, je finis par lui chuchoter.

     — Laisse-toi aller. »

    Stéphane me laisse pleurer en silence, sans me demander d’explications. Il comprend que j’ai besoin de ça, de recevoir ses caresses, de me laisser aller, de me sentir en confiance. Il se blottit contre moi, il me serre dans ses bras, tout en posant un chapelet de bisous légers dans mon cou. La chaleur de son corps m’apaise et me fait me sentir bien.

    Pendant ce temps, Gabin est monté sur le canapé et s’est installé dans un coin. Ce qui a le pouvoir de m’attendrir et de me faire rire. Sous le double effet de l’étreinte du maître et du contact doux avec le labranoir, je finis par me calmer et par laisser sécher mes larmes.

    Tout le monde devrait une fois dans sa vie faire l’expérience de côtoyer un labrador pour comprendre ce qu’est la tendresse, la douceur, et un regard aimant. Ces chiens ce sont des clowns, de véritables antidépresseurs.

    Stéphane se lève et je fais de même, ce qui entraîne le labra à descendre à son tour du canapé. Je me sens gêné pour ce qui vient de se passer. Pleurer dans les bras d’un mec au deuxième rancard, ça fait pauvre mec, non ? J’ai peur de l’avoir déçu, saoulé. J’ai peur d’avoir foiré ce rendez-vous bien prometteur.

    Je cherche dans ma tête quelque chose de drôle à dire pour me tirer de l’embarras de cet instant mais je ne trouve rien d’approprié. Heureusement pour moi, le charmant Stéphane se charge de cela.

    « Dis, ça te dirait une balade ? Il fait si beau cet après-midi, il me semble qu’il faudrait en profiter.

     — Avec plaisir ! » je réponds, trop heureux qu’il envisage toujours de passer du temps avec moi. D’autant plus que, je le sais, il n’y a rien de mieux que de marcher pour se changer les idées.

    « J’ai envie d’aller faire un tour au jardin des Plantes. »

    Ça fait un bail que je n’ai pas mis les pieds à cet endroit, mais j’en garde néanmoins un très bon souvenir. Dans mes souvenirs d’enfant, ce lieu est un petit Paradis en plein milieu de la ville. Je me souviens y être allé avec mes grands-parents, plus rarement avec mes parents. Je me souviens des canards flottant sur les plans d’eau, des paons en liberté appelant sans cesse Léon. Je me souviens des grands arbres, des pelouses, des fleurs, de la musique joué par des musiciens de rue.

    Stéphane est définitivement un garçon plein de bonnes idées.

    « Ça roule pour moi. Ça me fera plaisir d’y retourner, depuis le temps que je n’y suis pas allé ! »

    Gabin en laisse, sagement au pied de son maître, nous marchons en direction du Grand Rond, ce grand rond-point rempli de verdure, clôturé par une enceinte en fer forgé comme le domaine d’une grande demeure.

    C’est une drôle de sensation que de marcher librement dans la rue avec un garçon « comme moi », sans avoir peur de se faire repérer. Jamais ce connard de Jérém ne pourrait m’offrir ça, marcher dans la rue à ses côtés, faire autre chose que baiser.

    Le Grand Rond est une oasis de verdure, de calme et de beauté protégée qui se retrouve aujourd’hui placée à l’intersection de quelques-uns des axes principaux de la ville.

    Nous y arrivons par l’entrée nord, et nous nous engageons dans l’allée en passant entre les deux statues de Rouillard, posées en vis-à-vis, d’une part la chienne enchaînée avec ses chiots, en face, le loup avec un des chiots affolés qu’il vient de lui voler.

    C’est par cette même porte que je suis passé un après-midi de soleil d’il y a deux mois pour me rendre pour la première fois chez Jérém. Je me souviens que sur le seuil de cette porte, ma peur a failli avoir raison de ma détermination à aller vers le gars que j’aime, qu’elle a failli me faire faire demi-tour.

    Et je me souviens du beau mec brun qui était passé à côté de moi, laissant derrière lui un ravissant effluve de parfum de mec. Je me souviens de « What it feels like for a girl » sortant des enceintes musclées d’une voiture arrêtée au feu. Et je me souviens du vent d’Autan qui soufflait dans mon dos. Je me souviens de chacun des éléments qui m’ont empêché de faire demi-tour.

    Je ne regrette pas de ne pas avoir fait demi-tour, d’avoir continué mon chemin vers ma première « révision ». Ce que je regrette, c’est que les choses ne se soient pas passées comme je l’aurais voulu. Je regrette le fait que Jérém n’attend pas de notre relation les mêmes choses que moi.

    A chaque fois qu’on franchit les grilles du Grand Rond, cela fait une drôle de sensation. Nous venons de traverser des passages piétons, les voitures recommencent à circuler derrière nous, le bruit de la circulation reprend de plus belle.

    Mais dès que nous rentrons dans le Grand Rond, c’est comme changer de dimension. A l’extérieur de l’enceinte, c’est la ville, le rush, la course contre la montre. Alors qu’à l’intérieur, c’est le calme, la détente. Et même si le bruit des voitures arrive à se faufiler à travers la végétation qui entoure cet espace à part, on a l’impression que dans le Grand Rond le temps tourne au ralenti, et on a l’impression d’être comme en vacances.

    Il fait vraiment bon en ce dimanche de début d’été. Je trouve très agréable de me balader avec Stéphane. Car non seulement ce garçon est très charmant, mais c’est également quelqu’un de très intéressant. Il est intarissable sur l’histoire de la ville, qu’il semble connaître par cœur. C’est ainsi que j’apprends que le Grand Rond est en effet un jardin public crée au XVIIIe siècle, que son surnom de Boulingrin vient de l’anglais Bowling-green en référence aux pelouses sur lesquelles les Toulousains venaient jouer au jeu de boules à l’époque. Et qu’après la Révolution, le lieu fut baptisé Grand Rond à la suite d’une course hippique.

    Notre balade se poursuit sous un beau soleil, alors le vent d’Autan s’est enfin un peu calmé.

    Gabin, quant à lui, est d’une sagesse irréprochable. Il reste calmement au pied et ne bouge même pas une oreille lorsque nous croisons d’autres chiens.

    Nous arrivons devant l’accès de la passerelle métallique qui conduit au Jardin des Plantes, passerelle posée à plusieurs mètres de hauteur et qui enjambe les trois voies qui tournent autour du Grand Rond. En dessous de la passerelle, la circulation est plutôt calme en ce dimanche de début d’été. Les habitants de la Ville Rose sont de sortie, mais avec ce beau temps, ils le sont davantage à pied qu’en voiture.

    Avec ses allées bordées de grands arbres centenaires offrant de l’ombre et de la fraîcheur, avec ses petits sentiers en terre battue, ses petits ponts traversant des points d’eau squattés par des canards colvert, des oies et des cygnes ; avec ses pelouses où les visiteurs discutent, rigolent, pique-niquent, lisent, font la sieste, jouent de la musique, profitent de cet avant-goût de grandes vacances, le Jardin des Plantes est une véritable oasis de verdure dans ville.

    De quoi bien occuper un bel après-midi de début d’été, surtout quand on est, comme je le suis, en compagnie d’un adorable garçon.

    A chaque fois que je repense à ce dimanche de calme et de détente, je revois dans mes souvenirs tous ces gens qui profitaient du bonheur et de l’insouciance de cet après-midi ensoleillé. Et je ne peux m’empêcher de ressentir un frisson en me disant que tous ces gens étaient à des années-lumière d’imaginer que deux mois plus tard seulement, à la fin de cet été, deux événements majeurs et inattendus, l’un très lointain mais avec un retentissement mondial, un autre à l’échelle bien plus locale, mais d’une gravité dévastatrice, allaient bousculer les vies de tout un chacun. Et qu’en l’espace de quelques heures, le monde que nous connaissions allait nous apparaître sous un tout nouveau jour. Il y a eu un avant et un après le 11 septembre dans le monde. Tout comme à Toulouse il y a eu un avant et un après le 21 septembre 2001.

    « Mes parents m’amenaient souvent ici quand j’étais enfant, me raconte Stéphane.

     — Moi c’était mes grands-parents, mes parents ont toujours été très occupés par le taf.

     — Peut-être que nous nous sommes déjà croisés ici, alors. »

    L’idée que nous aurions pu nous croiser ici lorsque nous étions enfant me plaît bien.

    « Peut-être bien.

     — On rentre ? il me propose, avec un sourire adorable.

     — On rentre. »

    Un quart d’heure plus tard nous sommes de retour à l’appart. Je passe la porte et j’avance doucement vers le séjour. Je me sens attiré vers cette pièce accueillante. Je me sens bien dans cet appart, je trouve que tout est plaisant : l’agencement des lieux, le style de la déco, les couleurs, la lumière, la présence d’un garçon doux et rassurant, les pas cadencés d’un labrador noir qui se précipite pour boire bruyamment dans sa gamelle d’eau. Oui, à l’image de ses deux habitants, ce lieu m’apparaît comme une oasis de bonheur.

    J’entends Stéphane fermer la porte d’entrée juste derrière nous. Je ne me retourne pas. Je veux être surpris. Un instant plus tard, ses deux mains se posent délicatement sur mes épaules. Ses lèvres atterrissent dans le creux de mon cou, puis remontent vers la base de la nuque m’offrant une tempête de doux frissons. Ses mains se glissent sous mon t-shirt et le soulèvent délicatement. Je me retrouve torse nu. Elles se posent à nouveau sur mes épaules, avant d’amorcer un double geste coordonné destiné à me faire pivoter.

    Gabin nous regarde assis sur ses pattes arrière, l’air intrigué.

    Je cède à l’invitation silencieuse de Stéphane. Nous sommes face à face. Je me perds dans son regard clair et doux, dans ses yeux noisette. Je me sens vraiment bien avec ce garçon, et j’ai l’impression que je peux lui faire confiance, et je sais qu’avec lui je peux enfin être moi-même sans que cela me retombe dessus, sans que ça se terminer dans un rejet et une humiliation.

    Je réalise que plus je le côtoie, plus je le regarde attentivement, plus je le connais, plus je trouve ce gars terriblement séduisant. Quand je pense que la première fois que je l’avais vu je l’avais trouvé « joufflu » ! Définitivement, il est des beautés qui ne se révèlent pas entièrement au premier regard, qui ont besoin d’un petit laps de temps pour nous apprivoiser, pour permettre à notre regard d’être captivé, pour nous permettre de nous attacher à certains petits défauts et qui se révèlent au final être des détails charmants par lesquels on est définitivement conquis.

    Et là, devant ce garçon attentionné, je suis conquis, vraiment conquis.

    Cette fois-ci c’est moi qui l’embrasse. Nos langues se mélangent. Mes mains rejoignent les siennes pour l’aider à déboutonner sa chemise. Lorsque nos doigts se rencontrent, je ressens un intense frisson. Sa chemisette est vite ouverte, et vite tombée.

    Comme je l’avais déjà constaté la première fois, son torse n’est pas particulièrement dessiné, il est même un brin enrobé. A peine, mais pas trop. C’est un physique moins « intimidant » que celui de Jérém, un physique délicieusement « normal ». Et je trouve cette « normalité » très « rassurante » et infiniment séduisante.

    En revanche, c’est un torse assez velu. Et je trouve cette pilosité brune particulièrement sexy. J’ai trop envie de le serrer contre moi, de sentir la douceur de sa peau et de ses poils contre mon torse.

    Et dès que nos peaux se touchent, dès que la chaleur de son corps irradie dans le mien, dès que la douceur du duvet de poils recouvrant son torse caresse le mien, dès que ses mains remontent dans mon dos jusqu’à caresser mes cheveux à la base de la nuque, je bascule soudainement dans un bien-être physique et mental inouï.

    Stéphane me serre très fort, tandis que sa main continue de caresser la base de ma nuque. Une fois encore, j’ai l’impression que tous mes muscles et mes tensions se relâchent d’un coup. Plus encore que tout à l’heure, sur le canapé. Plus profondément. J’ai à nouveau envie de pleurer, et je me retiens de justesse.

    Ce qui me met dans cet état, ce qui m’enchante et me trouble à la fois, c’est de recevoir autant de tendresse d’un seul coup, et de me rendre compte que cela est normal et possible avec un garçon, alors que j’en ai terriblement désespéré jusque-là.

    « Allonge-toi » il me propose, dès que nous sommes dans sa chambre.

    Je le regarde défaire sa braguette, se débarrasser de son short, mais garder son boxer orange et blanc. C’est beau aussi un beau mec avec juste un beau boxer sur lui.

    Stéphane s’allonge doucement sur moi, il m’embrasse à nouveau, longuement. Lorsque ses lèvres quittent les miennes, c’est pour descendre lentement le long de mon torse, pour agacer mes tétons. Ses doigts défont ma braguette, puis font glisser mon short le long de mes cuisses, mais laissent le boxer en place. Ses lèvres se posent sur le tissu fin, titillent mon gland de plus en plus à l’étroit dans le coton élastique.

    Cette scène me procure une étrange sensation de déjà vu, mais un déjà vu que je vis sous un autre angle que celui auquel je suis habitué. Je revis cela de l’autre côté, non pas de la force (car que l’on soit actif ou passif, lorsqu’on couche avec un garçon, on est forcément « du Bon Côté de la Force »), mais plutôt « de l’autre côté du bonheur masculin ».

    Je devine que Stéphane veut me faire un truc que personne ne m’a encore jamais fait. Et il me tarde de découvrir quelle sensation ça fait.

    Stéphane me débarrasse enfin de mon short et de mon boxer. Ses lèvres se posent doucement sur mon gland. Ce simple contact me fait vibrer. Et lorsque sa langue commence à le titiller, je ressens des frissons inconnus et délirants. Puis, lorsque ma queue disparaît à l’intérieur de sa bouche, lorsque sa langue s’affaire à lui faire des choses bien plaisantes, j’ai l’impression de m’envoler vers des sommets de plaisir inimaginables. La découverte du plaisir sexuel est une belle aventure. Chaque première fois est une belle aventure.

    Jusque-là je savais que je prenais du plaisir à sucer un mec et à le voir prendre son pied. Cet après-midi, je découvre que j’aime également me faire sucer et prendre mon pied comme un mec.

    D’autant plus que dès notre première rencontre, Stéphane a décelé la sensibilité extrême de mes tétons, et il ne l’a pas oubliée depuis ! Ses doigts les caressent avec la bonne pression, avec la bonne cadence, ce qui a le don de démultiplier mon plaisir. C’est tout simplement géant comme sensation, c’est proche de l’extase.

    « C’est trop bon ! » je ne peux me retenir.

    J’ai l’impression que j’approche à grands pas de l’orgasme, l’impression que je vais jouir très vite. J’ai très envie d’aller au bout de ce plaisir inconnu qui s’annonce puissant. Mais j’ai également envie de faire durer l’attente, de laisser Stéphane me conduire dans la découverte de ce plaisir masculin nouveau.

    Recevoir une fellation, surtout la première de sa vie, est un plaisir tout autant physique que mental. A l’exultation du corps, s’ajoute le bonheur de voir ainsi reconnue et célébrée sa propre virilité. Une reconnaissance qui me touche d’autant plus que ma virilité a été jusqu’à ce moment humiliée, méprisée, éclipsée par celle, débordante, de Jérém. C’est un bonheur galvanisant, qui fait éclore en moi un sentiment que je n’avais jamais soupçonné pouvoir éprouver un jour, quelque chose qui ressemblerait à de la fierté masculine.

    Je comprends enfin que chez un gars comme Jérém, dont la sexualité est autrement reconnue et sollicitée que la mienne, ce sentiment de toute puissance sexuelle puisse monter à la tête.

    Après un long moment de bonheur, ses lèvres chaudes quittent ma queue. Et là, je ne sais plus où j’habite. J’en veux encore, j’en veux plus. Ma queue est vibrante de plaisir et d’excitation, et très proche d’exploser dans un feu d’artifice de jouissance. Elle réclame désormais ce contact qui lui est devenu indispensable. Sa bouche et sa langue me manquent.

    Dans mon cerveau, c’est une tempête de décharges électriques. Je n’arrive plus à réfléchir, je ne suis plus que pur désir. J’ai tellement envie de jouir que je suis à deux doigts de lui dire de revenir illico terminer son affaire. Je comprends mieux ce qui se passe dans sa tête lorsque ce connard de Jérém m’ordonne de le sucer. Je comprends mieux cette urgence complètement masculine que l’on s’occupe de son propre plaisir et qu’on l’amène au sommet.

    J’ai envie de jouir, de jouir dans sa bouche, de jouir et de le voir avaler. Mais je sais que je ne vais jamais oser lui imposer ça. Et pourtant, j’en ai terriblement envie.

    Il y a en effet quelque chose de terriblement excitant dans cet acte, et dans les deux sens. Laisser un mec jouir dans sa bouche et l’avaler, c’est un peu comme « avaler » sa virilité. De la même façon, jouir dans la bouche d’un gars et le voir avaler, c’est un peu comme « insuffler » en lui sa propre virilité. Voilà deux facettes, et deux sommets, du plaisir masculin.

    Quelques instants plus tard, après quelques baisers fougueux, sa bouche qui m’a semblé d’abord injustement délaisser et interrompre ce plaisir, retourne s’occuper de ma queue avec un entrain redoublé.

    Mon corps est secoué par d’intenses frissons de plaisir, et je ne tarde pas à perdre pied.

    « Je vais jouir ! » je le préviens, la voix déjà étranglée par l’orgasme imminent.

    Ses lèvres quittent ma queue et sa main continue à la branler vigoureusement. Mon orgasme est puissant, incroyablement long et intense. Ah, qu’est-ce que c’est bon que de venir « comme un mec » !

    Je viens de jouir et chacune de mes fibres résonne longuement du plaisir qui les a fait vibrer, comme les cordes d’un piano après la dernière note puissante qui conclut une Sonata.

    Je me sens tout sens dessus dessous, je suis bien secoué après ma première fellation « active ». Enfin, après la première fellation que j’ai reçue dans un rôle différent à celui qui m’a été imposé jusque-là. Car dans la fellation, comme dans la sodomie et dans tout autre jeu sexuel, le statut d’« actif » et de « passif » dépend de la façon de voir les choses. Dans la fellation, l’actif est-il au final celui qui se fait sucer sans rien faire, si ce n’est prendre son pied ? Ou alors, au contraire, l’actif est-il celui qui s’active pour offrir le plus grand plaisir à son partenaire ?

    Ma jambe glisse sur le côté du lit et Gabin ne manque pas de venir se frotter contre elle. Ce qui entraîne un beau sourire amusé et un peu enfantin sur le visage de ce beau Stéphane.

    Oui, le labrador se frotte contre moi. Et son maître ne tarde pas à en faire de même. Il vient s’allonger à côté de moi sur le lit, sur un flanc. Sa main libre caresse mes cheveux, mon front, mon cou. Et pendant que Stéphane me câline, voilà que Gabin se met à remuer dans tous les sens, l’air d’un chien qui a envie de jouer ou d’attirer l’attention.

    « Il est jaloux !

     — Pauvre chien, je te vole ton maître, je plaisante.

     — Il n’est pas jaloux de toi, mais de moi.

     — Comment ça ? je m’étonne.

     — Il est jaloux que je puisse câliner un garçon aussi mignon que toi !

     — C’est toi qui es mignon, Steph. »

    Ses caresses sont si douces, son sourire si charmant. Ses mots, eux aussi, me font un bien fou. La douceur et la bienveillance qui se dégagent de son être tout entier lui donnent un côté craquant qui le rend définitivement séduisant. Oui, chez ce mec, tout est gentillesse, sensibilité, sensualité et douceur. Une douceur rassurante, apaisante, et néanmoins très virile.

    Je laisse mes lèvres glisser sur sa joue, descendre sur sa mâchoire, se perdre dans son cou. Notre étreinte se délie tout naturellement, et Stéphane se retrouve allongé sur le dos. Et moi, allongé sur lui. Ma bouche parcourt son torse, se perd dans cet univers velu, tiède, doux. Ce gars a un petit côté nounours tout doux que je trouve vraiment craquant. Je me découvre un goût pour d’autres morphologies, autres que celle aux muscles saillants. Chaque millimètre de sa peau dégage une sensualité débordante.

    Je laisse mon nez glisser le long des petits poils qui relient son nombril à son pubis, j’arrive à la lisière de l’élastique de son boxer orange et blanc déformé par la bosse crée par sa queue encore inconnue.

    Je la caresse avec mon nez à travers le tissu, en guettant les délicieuses petites odeurs de mec propres à cet endroit. Mes narines sont aux aguets, et elles finissent par capter quelques bonnes petites notes de phéromones mâles. C’est tout léger, mais terriblement excitant.

    Tout comme il y a quelque chose d’extrêmement grisant dans l’attente de découvrir l’intimité, les attitudes, les envies encore inconnues d’un mec avec qui nous nous apprêtons à coucher pour la première fois. C’est pourquoi je retarde cet instant, savourant l’attente de ce bonheur.

    L’envie de la découverte finit quand même par me pousser à descendre son boxer. Je caresse avidement du regard cette queue bien tendue. Mais très vite, l’envie d’offrir du plaisir à ce charmant garçon a raison de ma contemplation.

    Mes premières caresses buccales sont toutes légères. Mais je passe rapidement « aux choses sérieuses ». C’est beau de voir un garçon frissonner sous les coups de sa propre langue. J’ai envie de lui faire autant plaisir qu’il m’en a fait. Je suis enchanté par cette complicité de peau, de ressentis et d’envies qui est en train de se créer entre nous. C’est un bonheur inouï que de sentir ses mains parcourir mon corps, exciter mes points sensibles. Je suis bouleversé par cette sensation nouvelle, la sensation de ne plus être uniquement l’objet du plaisir d’un beau mâle, mais de me sentir désormais un garçon à qui on a envie de faire plaisir sans réticences.

    Avec Stéphane, ni de soumission ni de domination, juste l’envie partagée de donner autant de plaisir que d’en recevoir.

    Avec Jérém, le sexe est une évidence, ses envies, des ordres, le faire jouir, une urgence, la tendresse, un mirage.

    Avec Stéphane j’ai juste envie d’être bien, de prendre le temps, de partager du plaisir et de la tendresse.

    Stéphane saisit mes épaules. Je suis son invitation tactile, je relève mon buste, et mon visage se retrouve à la même hauteur que le sien, nos regards se rencontrent. Et le sien est clair, doux, toujours et encore.

    Je suis habitué à un garçon au corps et à l’esprit inaccessibles, au caractère abrupt, imprévisible. Stéphane est au contraire quelqu’un de simple, d’apaisé. Stéphane me donne envie de m’abandonner dans des bras chauds et robustes, de me laisser aller, d’être moi-même. Il me fait me sentir en confiance, il me fait me sentir compris, accepté, aimé pour celui que je suis. Avec Stéphane, je me sens en accord avec moi-même, je me sens en sécurité.

    Nos regards restent suspendus l’un à l’autre, et je ressens cela comme une caresse, une caresse de son esprit au mien.

    Stéphane approche son visage du mien. Et pendant qu’il m’embrasse fougueusement, ses mains animées par le désir, par la tendresse, par l’amour glissent fébrilement dans mes cheveux.

    « J’ai envie de toi, Nico » je l’entends chuchoter tout près de mon oreille.

    Puis, voyant mon hésitation – il ne sait pas que mon hésitation n’est en réalité autre chose que surprise et bonheur – il ajoute :

    « Mais je comprendrai que tu ne sois pas prêt. »

    Pour la première fois on me demande si j’ai envie, on s’intéresse à mon envie. Stéphane est prêt à accueillir un « oui » avec bonheur mais également à accepter un « non » sans me jeter.

    Là encore, c’est tellement différent de ce que j’ai connu jusque-là. Avec ce connard de Jérém, j’aime ça, sentir son envie de mec, sentir que je n’ai pas mon mot à dire, que c’est « ça » ou rien du tout. J’ai kiffé ça depuis notre toute première « révision ». De toute façon, je n’ai jamais eu mon mot à dire avec lui. Est-ce que lorsque ces rôles s’établissent au lit, ils finissent par régir une relation tout entière ?

    Avec Stéphane, la configuration n’est pas du tout la même. Avec lui, mon envie compte. Et j’apprécie cette attention à sa juste valeur.

    Je ne sais pas en effet si je suis prêt pour cela, à me laisser prendre par un autre garçon que mon Jérém, le premier garçon avec qui j’ai couché. Le garçon dont, malgré tout, je suis toujours amoureux. Le garçon que j’ai dans la peau. Je ne sais pas si je suis prêt à vivre cette « comparaison » entre garçons.

    Mais son attitude, son tact, sa douceur finissent par faire tomber toutes mes réticences.

    « Moi aussi j’ai envie de toi » je finis par lui répondre, le cœur qui tape à mille dans ma poitrine.

    Stéphane me sourit.

    « T’es vraiment sexy comme garçon » il me lance de but en blanc en me serrant dans ses bras très fort.

     — C’est toi qui es sexy, Stéphane. »

    Sa main droite redescend vers mon bassin, sa paume tiède et douce me branle avec une douceur extrême. Et c’est excessivement plaisant. Je surprends Stéphane en train de me regarde prendre mon pied, et ça en rajoute encore à mon excitation. Mon deuxième orgasme approche dangereusement.

    « Arrête Steph, sinon je vais encore jouir ! »

    Sa main quitte ma queue pour aller ouvrir le tiroir de sa table de chevet. Elle en sort une capote, ainsi qu’un tube de gel. Je ressens un petit pincement de jalousie, une jalousie mal placée, certes, mais bien présente, en m’imaginant que ce charmant Stéphane a couché avec d’autres gars dans ce même lit.

    Je le regarde déchirer l’emballage, examiner le préservatif pour en déceler le sens, le dérouler sur sa queue. Je trouve tous ces gestes terriblement excitants.

    Stéphane s’allonge sur moi, nos torses se rencontrent, nos queues se mélangent. Nous nous embrassons et nous nous caressons longuement.

    Soudain, mon regard est capté par un mouvement sur le côté du lit.

    Une fois encore, Gabin est en train de nous mater avec ses grands yeux tendres et étonnés. Je sens que je vais rire, et c’est le genre de truc qui peut tout à fait gâcher l’instant magique. J’essaie de me retenir, mais je sais déjà que je ne vais pas y arriver.

    Dès que je croise son regard de chien, je sais instantanément qu’à ce jeu du « qui rira le premier » l’animal a un avantage sur l’homme. Car, si l’animal ne sait pas rire, il possède néanmoins un fort potentiel comique.

    J’essaie de me retenir mais je ne peux rien y faire, à un moment j’éclate dans un rire puissant.

    « Désolé, je lance à Stéphane, en indiquant le Noir, c’est de sa faute ! » 

    Stéphane se laisse lui-aussi aller à un petit sourire amusé et on ne peut plus charmant.

    « Allez, ouste, va voir ta gamelle » il lance à l’adresse de l’animal, sans succès. Gabin tourne légèrement la tête mais fait la sourde oreille. Il est trop ce chien. Stéphane essaie de le faire partir avec des ordres plus fermes mais le labra ne bouge pas d’un poil.

    Au final, il doit quitter le lit et mon corps pour le sortir de la chambre. La cessation soudaine du contact avec son torse doux et chaud me laisse frustré. Ça ne dure qu’un instant, mais ça me manque déjà. Vite, Steph, reviens !

    Dès son retour, Stéphane attrape le tube de gel, et en enduit généreusement sa capote. Il en fait également couler sur ses doigts avant de l’étaler tout doucement sur ma rondelle.

    Un instant plus tard, Stéphane vient tout doucement en moi. Il m’embrasse. Il est en moi et moi en lui. Je suis à lui et lui à moi. C’est beau cette complicité, cet instant magique où la tendresse est aussi importante que le plaisir, et où le mélange des deux démultiplie le bonheur sensuel. Eh, non, il n’y a pas que la baise dans la vie. On peut aussi faire l’amour.

    Stéphane est à la fois doux et entreprenant, attentionné et fougueux. Nous prenons notre plaisir ensemble, nous nous soucions chacun du plaisir de l’autre.

    C’est beau de voir un beau garçon en train de jouir, le voir s’envoler seul vers les hauteurs de ce plaisir ultime.

    C’est bon le voir pousser un râle puissant et tenter de l’étouffer sans entièrement y parvenir.

    Et, tout juste l’orgasme passé, c’est magique de le voir s’essuyer le front de la transpiration, l’entendre pousser un bon soupir de bonheur.

    Et c’est incroyablement beau et rassurant que de le voir me sourire, de le voir se pencher sur moi pour m’embrasser.

    Ça change tellement de la froideur, de la distance, de cette inévitable cigarette « d’après » que j’ai connues jusque-là.

    Un gars qui s’assume, ça fait une grande différence.

    Commentaires

    ZurilHoros

    23/06/2020 07:46

    Ca fait plaisir de lire ce nouvel épisode qui nous transporte dans une toute autre ambiance. Autre ambiance, autre lieux, autre lumière, autre garçon. Je suis un peu comme Elodie qui trouve son cousin « désespérant » , en fait pas qu’un peu mais carrément. Ce garçon, si il souffre vraiment de se retrouver dans cette nasse affective sans issue, devrait consulter. Mais à ce moment de sa vie, vu son âge, je pense qu’il n’est pas très conscient et qu’il se complait à jouer à être tour à tour victime et sauveur de son bourreau. Mais c’est qu’il le veut bien, donc il y trouve un bénéfice, car on trouve toujours un bénéfice à faire ce qu’on fait. Mais il semble que dans cet épisode, il quitte le sombre pour aller vers le soleil. Est ce que cette rencontre, qu’il attrape comme une bouée de sauvetage,  va lui apporter quelque chose ou est-ce qu’il va y trouver une raison de plus de replonger vers son bourreau. Peut être que seules les sensations fortes sont susceptibles de le faire vibrer. Pour ressentir des sensations, des émotions, il faut être en mesure de les identifier. 

    ZurilHoros

    05/06/2020 08:21

    Il y a une mauvaise direction du lien 

  • JN01058 Gueule de bois et son remède

    JN01058 Gueule de bois et son remède

    Dimanche 1er juillet 2001

    Lorsque j’émerge, il est 10h15. Au fur et à mesure que mes sens et mon esprit sortent de l’engourdissement du sommeil, je retrouve les souvenirs de la nuit d’avant. Je repense à la conversation avec Thibault, au départ prochain de ce connard de Jérém. Je me revois en train de chuchoter des mots bien chauds à l’oreille de mon bel étalon. Et je me revois me faire humilier par ce même gars à qui j’avais voulu faire plaisir. Je le revois se moquer de mon envie de lui, je le revoir repartir avec cette pouffe.

    Je suis tellement mal que je n’ai vraiment pas envie de quitter les draps.

    Quelle va être la suite des événements ? Vais-je revoir Jérém ? Comment le retrouver après ce qui vient de se passer ? Ai-je seulement envie de le retrouver ?

    J’en ai marre de toutes ces humiliations, frustrations, peurs et inquiétudes qui finissent même par éclipser les moments de bonheur sexuel. Est-ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle ?

    De toute façon, que ce soit maintenant ou dans deux mois, notre histoire est condamnée.

    Heureusement, ma cousine m’a indiqué une issue de secours :       « T’aurais pas par hasard un rendez-vous en attente avec un gentil garçon ? »

    Là, pour le coup, j’ai vraiment envie de le revoir.

    J’attrape mon portable sur la table de nuit, et je lui envoie un SMS :

    Salut, ça va ? Tu es libre ce dimanche ? 

    Quelques instants plus tard, le couinement de mon portable m’annonce l’arrivée d’un nouveau message.

    Salut, oui, je suis libre. Tu peux passer si ça te dit

    Et quelques secondes plus tard,

     Et comment !

     est ma réponse enjouée.

     😉 14h chez moi ?

     Parfait. Merci. A tout !

    Ce matin, j’ai enfin quelque chose de positif auquel m’accrocher, un rayon de soleil capable de chasser de façon durable la chape de nuages jusqu’à là amoncelés dans mon ciel intérieur.

    La perspective de revoir Stéphane m’apaise, me rend tout guilleret. Mon esprit est tellement occupé à imaginer ce bonheur proche que j’arrive presque à arrêter de penser à la déception de cette nuit, à cette cuisante humiliation.

    Je me lève, je prends ma douche, je descends prendre un café et je remonte brancher mon casque pour écouter à fond les treize titres de pur bonheur que composent l’album Ray of light. Je monte le son à fond, tout en surfant sur Internet à la recherche de photos et de commentaires sur les dernières dates du Drowned World Tour. Le 12 juillet, date du concert à Londres, approche et je m’impatiente.

    Assis devant mon ordi, je suis partagé entre deux envies, comme chaque fois que je suis dans l’attente de découvrir quelque chose que je pressens être spécial, un livre, un film, un événement, ou la rencontre de cet après-midi avec Stéphane.

    L’attente est tellement délicieuse, que j’ai envie de la voir s’étirer à l’infini. Ce qui cohabite par ailleurs avec mon impatience de la découverte. Hélas dans le cas d’un concert je n’ai pas le pouvoir de faire durer l’attente.

    Les titres « To have and not to hold », « Little star » et « Mer Girl » s’enchaînent pour mon plus grand bonheur.

    Après m’avoir visiblement appelé plusieurs fois en vain, et ce à cause du volume complètement délirant de mon casque, ma mère fait irruption dans ma chambre pour m’annoncer que le déjeuner est servi.

    Un grand saladier rempli de spaghettis à la sauce tomate trône au milieu de la table. Je mange en vitesse. Et, tout en jonglant parmi les questions typiques du dimanche midi : « T’es rentré à quelle heure ? Vous étiez où ? T’as bu ? » j’arrive à placer l’info qui me tient à cœur, à savoir que cet après-midi même je vais sortir à nouveau, pour « aller voir Dimitri ». Ce qui entraîne des réflexions et des reproches de la part de mon père au sujet de mes sorties excessives.

    Il me saoule, mais je me fous un peu de ses remontrances. Oui, depuis quelque temps, je sors beaucoup. Moi qui jusque-là ne sortait pratiquement pas. Mais en même temps j’ai le droit de profiter un peu, le bac est passé.

    Une demi-heure plus tard, je suis de retour dans ma chambre. Je m’allonge sur le lit et j’essaie de respirer à fond pour me calmer. L’heure du rendez-vous avec Stéphane approche et j’ai du mal à imaginer comment vont se passer ces retrouvailles. J’ai envie de passer un bon moment, j’ai envie d’oublier ce qui s’est passé la veille avec ce connard de Jérém. Je veux en savoir un peu plus sur ce charmant garçon au labrador.

    A 13h30, je marche dans la rue en direction du quartier de la Halle aux Grains.

  • JN01057 Soirée au KL – Jérém et moi

    JN01057 Soirée au KL – Jérém et moi

    Ca va ? me balance mon beau brun. Je sens son souffle dans mon oreille, un souffle déjà passablement alcoolisé. Mais la première chose qui me frappe chez lui, après sa beauté, c’est le fait qu’il ait changé de parfum. Rien de tel pour exciter mes sens.

    — Ça va et toi ? je lui réponds en approchant mes lèvres de son oreille, une oreille chargée pour moi d’un désir insoutenable. Mes lèvres si proches se font violence pour ne pas embrasser, suçoter, exciter.

    Nos regards se croisent. Deux regards si différents. Le mien, celui d’un gars amoureux, attendri, triste et ému. Le sien, un regard charmeur. Oui, Jérém est un magnifique, insupportable charmeur de serpents.

    — T’es beau en tenue de serveur ! je lui balance, comme un cri du cœur, et pour me soustraire au magnétisme envoûtant de son regard.

    — Je suis toujours beau, il me taquine.

    — Je ne dis pas le contraire. Mais tu te débrouilles plutôt bien pour un débutant !

    — Il faut le dire vite !

    — Il parait que tu vas avoir un autre taf à la rentrée ?

    Je lui pose la question parce qu’au fond de moi j’espère toujours que ce ne sois pas vrai.

    — D’où tu tiens ça ? il me questionne sèchement.

    J’ai l’impression que ça le dérange que je sois au courant de ça. Comme s’il n’acceptait aucune incursion de ma part dans sa vie privée. Fait chier ce mec à être toujours si mystérieux. Je décide de lui dire la vérité, après tout, il n’y a aucun mal à cela.

    — C’est Thibault qui me l’a dit.

    — Il est bavard celui-là, il plaisante en se décrispant enfin.

    Son petit sourire est un plaisir pour les yeux, pour mon cœur, pour tout mon être. J’ai envie de l’embrasser. Surtout avec le surplus de tendresse à son égard que je traîne avec moi depuis que Thibault m’a parlé de ses blessures d’enfance.

    C’est fou comment ce mec peut passer d’une gamme d’émotions à une autre complètement opposée en un clin d’œil. Un instant plus tôt je le croyais vexé, et là il lâche ce petit sourire qui me fait fondre.

    — Il parait que tu te tires à Bordeaux, il me surprend à son tour.

    Il balance ça de façon apparemment détachée, alors que j’ai l’impression que le sujet l’intrigue.

    — Comment tu sais ça ? je demande sans réfléchir.

    Avant de répondre, il me balance un petit sourire malicieux :

    — Bah… Thibault !

    — T’as raison, il est vraiment bavard ton pote ! je rigole.

    Non, il n’est pas bavard, il est juste adorable, une fois de plus. Grâce à lui, on se parle. J’ai bien fait de lui parler de Bordeaux.

    — Tu vas faire quoi comme études ? il me questionne.

    Ça me fait plaisir qu’il s’intéresse à moi. Même si c’est au sujet de mes études, un sujet qui nous éloigne en quelque sorte. Un de plus. Car moi je vais faire des études. Comme une nénette ou comme un intello. Alors que lui il va bosser, comme un « mec ». Ok, le message est compris, nous n’appartenons pas au même monde.

    — Je vais faire des études en Sciences de la Terre et de l’Environnement.

    Pendant que j’énonce le titre de ma filière, je le trouve pompeux et creux.

    — Si j’avais une tronche comme la tienne, je ferais moi aussi des études, il commente, mais moi j’ai pas envie de bouffer des tas de bouquins.

    Jérém vient de me faire un compliment. Il se compare à moi et il me trouve meilleur que lui dans un domaine précis. Il est touchant. Mais son compliment est à double tranchant. Je n’aime pas qu’il se dévalorise ainsi. Ça m’attriste, car sa phrase semble encore creuser le fossé entre nous. J’essaie alors de me dédouaner :

    — Toi, les études ça ne t’intéresse pas. Mais si tu voulais, tu pourrais réussir dans n’importe quelle filière, je lui lance.

    Pour une fois, je suis assez content de ma réplique. Je vais l’être moins de sa réponse.

    — Oui, comme pour l’anglais, en couchant avec la prof, il rigole, il n’y a que comme ça que j’ai réussi à avoir la moyenne !

    Ainsi la légende qui circulait en classe était bien fondée sur la réalité. Sacré petit con.

    — Non, il faudrait juste que ça t’intéresse.

    — Tu sais, à part le rugby, les potes et la baise, il n’y a pas grand-chose qui m’intéresse.

    Bon, évidemment je ne suis pas dans le panier. Sympa. En fait, si, j’y suis. Et ma place est dans le lot « baise ».

    — Je suis sûr que tu pourrais faire des études !

    — Naaaan, je ne crois pas. J’ai déjà redoublé, et je ne sais même pas si je vais avoir le bac.

    Il est touchant. Je reste persuadé qu’il est bien assez doué pour faire des études, et que ce n’est que la motivation qui lui manque. De plus, je sais qu’il est pressé de gagner sa vie et ce, au point de sacrifier des études qui lui permettraient de prétendre à un avenir meilleur. Je me dis qu’il va peut-être le regretter un jour. Je me dis aussi qu’il a le temps de revenir plus tard aux études.

    J’ai envie de relancer la conversation dans ce sens mais son haleine déjà bien chargée en alcool me rappelle que ce n’est pas le moment pour ça. Alors je n’insiste pas.

    Soudain, je réalise qu’en balançant la question sur mes études de la rentrée, il a dévié le sujet de son taf à venir. Je décide d’y revenir. Je dois savoir.

    — Alors, tu vas partir loin à la rentrée ?

    — Je ne sais pas, c’est pas fait encore, il esquive, le regard fuyant.

    — Et sinon tu vas faire quoi de ton été ? il me balance, après s’être allumé une clope.

    — Glander, je pense.

    — Tu le mérites, t’as bossé au lycée, toi.

    Oui, faute d’avoir des potes, faute de faire partie d’une « meute », je suis une tronche. Je ne sais pas si je dois me réjouir de ce petit compliment, un compliment qui semblerait témoigner d’une forme d’admiration qu’il me porterait. Ou si je dois me sentir triste à cause de la distance infranchissable que son constat installe définitivement entre son monde, un monde de mecs « manuels », et mon monde à moi, un monde d’« intellos ».

    — Et toi, tu vas pas prendre des vacances ? j’essaie de changer de sujet.

    — Avec le taf ça va être hard cette année. Je vais avoir quelques jours par-ci et par-là, on verra.

    C’est la première fois que j’ai une conversation aussi longue avec Jérém, c’est la première fois que nous parlons (presque) comme deux potes. Et ça me fait drôlement plaisir.

    Pendant nos échanges, au fil des allées et venues de mon visage vers son oreille et de son visage vers la mienne, j’ai été shooté aux notes de son nouveau parfum qui se dégage de sa peau mate, une fragrance poivrée apportant des notes de fraîcheur extrême. Tout ce que je sais, c’est que cette nouvelle fragrance me trouble. Tout changement chez la personne aimée nous trouble. J’ai terriblement envie de lui, je suis dans un état second.

    Oui, il va bien falloir que je sois dans un état second pour lui balancer à brûle-pourpoint :

    — Tu sens trop bon !

    Le beau mec sourit, amusé. Je n’ai que l’image, pas le son. Le boucan dans la salle est insoutenable. Il a l’air de se moquer de moi. Ça doit sonner con ce que je viens de dire. Alors j’essaie de me rattraper.

    — T’as changé de parfum ?

    C’est encore plus con. C’est même navrant.

    — Ouais, il finit par répondre, l’air de bien se foutre de ma gueule.

    Les bières, associées aux effluves envoûtants, commencent à altérer ma conscience. Je ressens une sorte de fatigue planante, un plaisant début d’ivresse. Son regard me trouble, sa virilité m’enveloppe comme un épais brouillard, et je ne suis plus complètement maître de moi-même. J’ai l’impression de perdre pied.

    — J’ai envie de toi, je finis par lui lancer.

    — Ah, oui ? il fait mine de s’étonner, un petit sourire lubrique dans le regard, visiblement flatté.

    — Oh, que oui ! Très envie, je surenchéris.

    — T’as envie de quoi, au juste ?

    — De te faire des trucs…

    — Quels trucs ?

    — Tu sais bien…

    — Non, je sais pas, il me cherche.

    — Si, tu sais !

    — Je veux te l’entendre dire !

    J’hésite. Au milieu du boucan de la boîte de nuit, je ne me sens pas vraiment à l’aise pour lui chuchoter des cochonneries à l’oreille. De plus, je sais que ça va me faire monter la trique, et ce n’est pas le bon endroit, pas le bon moment pour ça.

    Et puis je commets l’irréparable. Je laisse traîner mon regard et je finis par croiser ses yeux bruns. Lorsque je les rencontre, ils happent mon esprit. Dès lors, je ne suis plus maître de mes actions. Je suis comme un ordinateur dont on a pris le contrôle à distance, je réagis de la façon dont on me demande de réagir.

    Son regard est chaud comme la braise, non, comme le cœur du volcan, puissant comme la lumière du soleil du mois d’août. Charmant au-delà de l’imaginable, charmeur au-delà du supportable.

    Je connais ce regard lubrique qui me notifie que l’alcool et le joint ont désormais anesthésié ses inhibitions. C’est un regard transperçant, presque agressif, devant lequel je suis transparent, sans défense. Un regard qui semble s’enfoncer dans mon âme, un regard qui me baise, qui me possède. Un regard lubrique dans lequel j’arrive à entrevoir ses pulsions les plus libidineuses.

    Quand il est dans cet état-là, Jérém m’excite terriblement. Car je sais que lorsque sa personnalité plane sous l’effet de différentes ivresses, ce beau jeune garçon n’est plus qu’une somme d’envies de plaisirs sexuels à satisfaire d’urgence. Dans ces moments-là, plus que jamais, j’ai envie de lui, terriblement envie de lui.

    Mes mains et mes lèvres réclament le contact avec sa peau, tous mes trous réclament la présence de sa bite et de son jus.

    Je sais que lorsque Jérém est dans cet état de conscience altérée, plus encore que dans son état normal, le sexe va être puissant, sauvage, incandescent. Mais je sais également que son humeur peut être très changeante et qu’un rien peut le faire partir en vrille et le rendre très mauvais.

    Mais devant son regard de jeune mâle en rut, je ne peux rien lui refuser. Il attend que je lui dise en détail ce que j’ai envie de lui faire, et je pressens qu’il ne dévoilera pas ses intentions avant que je n’aie satisfait sa demande.

    C’est dingue comme l’effet de l’alcool, d’un parfum, de sa sexytude, a le pouvoir de faire basculer mon état d’esprit. Un instant plus tôt j’avais envie de le câliner pour tenter d’apaiser la souffrance venant de son passé. Et maintenant, je n’ai qu’une envie, c’est de tout faire pour lui donner envie de me baiser.

    J’ai envie de lui balancer des trucs très chauds, mais j’ai peur d’être ridicule. Ça m’est déjà arrivé de lui dire des trucs coquins, mais c’était dans le feu de l’action, pendant les « révisions », et en général c’était lui qui commençait à me chauffer. L’excitation, la vision de sa nudité, le fait d’être à l’abri de tout regard m’aidaient à mettre en musique ce genre de partition. Mais là, au beau milieu de ce brouhaha et de cette salle bondée, je ne me sens pas à l’aise.

    Et même si je sais que personne ne peut m’entendre, ça me bloque. J’ai l’impression que si je démarre, tout le monde va pouvoir lire sur mon visage ce que je suis en train de balancer à l’oreille de Jérém. Oui, tout le monde va comprendre que je suis carrément en train de tailler une pipe verbale à mon beau brun. Et je me sentirais aussi mal à l’aise que si j’étais nu et à genoux devant lui, sa queue dans ma bouche, au beau milieu de cette salle bondée.

    — Alors ? il me presse.

    — J’ai envie de te sucer, je finis par lâcher, un peu honteux.

    — J’ai pas bien entendu, il insiste, le coquin. Je suis sûr qu’il a très bien compris. Il veut juste que je lui répète, pour jouir encore plus de ma soumission.

    J’ai vraiment du mal à me laisser aller. Je trouve que mes mots sonnent creux, que ma voix sonne faux. Une caricature. J’ai l’impression que ce n’est même pas moi qui parle.

    Ce qui me donne le courage de continuer, c’est la proximité de sa mâchoire virile, portant une barbe de trois jours, des pattes taillées très nettes, sa chaînette du meilleur goût, son épaule dessinée sous le coton orange de son t-shirt moulant son biceps.

    Mais aussi, et surtout, la proximité de son oreille, cette oreille que mes lèvres ne se privent pas d’effleurer au gré de leurs mouvements, expérience très excitante au milieu de cette salle bondée.

    Le désir me fait faire n’importe quoi.

    — J’ai envie de te sucer, je répète, en élevant un peu la voix, en balançant ces mots avec un effort encore plus grand que la première fois.

    — Tu peux faire mieux, il me glisse à l’oreille, alors que ses lèvres frôlent mon oreille, et que son souffle me donne mille frissons. Un contact qui plus encore que ses mots me donnent envie de— mieux faire.

    — J’ai envie de te prendre en bouche, d’avaler ta queue jusqu’au fond de ma gorge !

    Je vois ses sourcils se soulever ponctuellement, comme sous l’effet d’une excitation soudaine. J’ai l’impression que mes mots lui font de l’effet, et ça me rend dingue.

    Je commence à fantasmer de plus belle. Je me surprends à imaginer que, d’une seconde à l’autre, il va m’entraîner dans les chiottes de la boîte de nuit, qu’il va ouvrir la braguette de son beau jean, qu’il va descendre son boxer et qu’il va me baiser la bouche et le cul sans autre forme de ménagement.

    Mais rien ne vient de sa part. Rien, à part un silence assourdissant. Il continue de fumer lentement sa cigarette et d’observer Thibault en train de discuter avec son pote. Les enceintes de la salle dégueulent une musique monotone à toute puissance. Ça casse les oreilles. Et son silence obstiné casse mon moral.

    Je regrette déjà de lui avoir cédé une fois de plus. Quelques minutes plus tôt, j’avais envie de le prendre dans mes bras. Quelques instants plus tôt j’avais envie de le prendre dans ma bouche. Et là j’ai juste envie de le gifler. C’est dingue le pouvoir qu’a ce mec de susciter des sentiments de signe opposé, avec une rapidité sidérante, mais toujours d’une intensité aussi forte.

    Je bois la dernière gorgée de ma bière, comme un dernier rempart pour cacher ma dignité perdue, un rempart prêt à me lâcher. Le pire c’est qu’en plus, ce petit jeu m’a mis dans un tel état !

    Je bande, j’ai même l’impression d’avoir mouillé. Tout ça, sans même qu’il ne me fasse quoi que ce soit. Il ne m’a même pas effleuré, je ne l’ai même pas vu à poil. Pourtant, je suis tellement excité que j’ai l’impression d’avoir carrément baisé avec lui. J’ai souvent eu l’impression que ce mec était capable de me baiser rien qu’avec le regard. Et là, on franchit une nouvelle étape. Depuis cette nuit, je sais désormais que ce mec est capable de me baiser rien qu’en me forçant à lui avouer mes désirs. Si ce n’est pas puissant, ça !

    Oui, je bande comme un âne. Mais lui aussi il bande, je le vois à la bosse rebondie qui tend sa braguette à boutonnière. Qu’est-ce qui va se passer, maintenant ?

    Je sais que je ne vais pas tenir longtemps, je sais qu’après avoir terminé ma bière, je ne pourrai plus cacher ma honte. Depuis un petit moment déjà, je regarde le sol. Soudain, je sens son regard sur moi, un regard triomphant, fier, macho. Quelques instants plus tard, je le sens ses lèvres approcher de mon oreille et lâcher :

    — T’es vraiment une salope !

    Il me balance ça en appuyant bien sur chaque lettre, comme si je venais de battre le record du monde dans la catégorie « salope ».

    — Admettons, je lâche à mon tour, entre ironie et amertume, avant de continuer.

    — Et maintenant, on fait quoi ? T’as envie que je te suc… 

    — Ferme ta gueule ! je l’entends me hurler à l’oreille.

    — Quoi ? 

    — Alors, on y va ? j’entends une voix féminine s’adresser à mon beau brun.

    Une poufiasse brune vient de s’approcher de mon Jérém.

    — Salut, elle lance à mon intention.

    Quoi ? C’est qui celle-là ? On y va, où ? ? ? ?

    Et là, je regarde mon bobrun se lever et lâcher, sans me quitter des yeux :

    — Ouais, on y va !

    Naaan, pas ça, pas ça, pitié !

    Et pourtant si, c’est bien ça. Jérém avait prévu de finir sa soirée avec cette pétasse, et pas avec moi.

    Je suis abasourdi, assommé. A cet instant, je ressens une impérieuse envie de lui mettre mon poing dans la figure. Je pense ça pourrait me soulager. Malheureusement pour moi, je suis incapable de violence, je ne supporte pas l’affrontement. Et, surtout, je suis incapable d’imaginer un seul instant cogner un mec aussi beau, aussi con soit-il. Et pourtant, il le mériterait tellement !

    Alors, déçu, humilié, je me contente de me lever et de me tirer.

    Je suis vraiment en pétard contre lui. Pourquoi me faire mettre « à nu » devant lui, si c’est pour me laisser en plan comme une merde ?

    Mais le pire est à venir. Contre toute attente, je le vois approcher, je sens ses lèvres frôler mon oreille et je l’entends me glisser :

    — Va donc te branler dans les chiottes, ce soir je n’ai pas envie de te baiser…

    Quand je dis qu’il y a des gros paquets de baffes qui se perdent ! A ce moment précis, je suis partagé entre deux envies impérieuses, celle de lui attraper le bras, de l’arracher de son tabouret, de tenter de le traîner aux chiottes pour le faire jouir (ce qui est peut-être ce qu’il attendait de moi à ce moment précis) et celle de lui mettre un grand pain dans la figure et de le faire tomber à la renverse. Je pense que l’une autant que l’autre auraient pu me soulager. Au lieu de quoi, déçu, humilié, j’encaisse en silence.

    Jérém n’est vraiment qu’un gros con macho, insupportablement arrogant, un connard qui ne mérite pas le plaisir que je lui ai offert depuis des mois.

    Je me tire sans rien ajouter. J’ai juste envie d’aller retrouver Elodie dans la salle disco et de me tirer de là. Mais une rencontre me stoppe dans mon élan. Au détour d’un couloir, je tombe sur mon ancien pote Dimitri. Ce Dimitri que je ne vois plus depuis des années, ce Dimitri qui a été l’— excuse, que j’ai pondu à maman pour justifier le fait d’avoir découché la nuit après le Shangay.

    C’est la dernière personne que je m’attends à rencontrer ici. Nous avons été potes pendant l’enfance, mais depuis le lycée, puisqu’on ne fréquente pas le même établissement, nos chemins se sont séparés.

    Dans d’autres circonstances ça m’aurait fait plaisir de passer un moment à discuter avec lui, mais là je n’ai pas la tête à ça. A ce moment précis j’ai juste envie de me tirer loin de cette boîte où je me suis encore fait traiter comme une merde par ce connard de mec que j’aime.

    Pendant le trajet de retour, je parle à Elodie de la veste que ce connard de Jérém vient de me mettre. Bien entendu, j’évite de lui parler de ce petit jeu dans lequel je me suis laissé entraîner, je n’ai pas envie de revivre cette humiliation.

    — Quand je pense que Thibault dit que Jérém m’aime bien… ce ne sont que des foutaises ! Ce mec n’aime personne, il ne pense qu’à sa gueule, et à sa bite !

    — Je suis toujours de l’opinion que tu devrais lâcher l’affaire Jérémie, car je vois bien que ça te pourrit la vie.

    — Comment je vais pouvoir le lâcher ? C’est un con, mais ce con je l’ai dans la peau !

    — Mon cousin, elle enchaîne, tu n’aurais pas par hasard un rendez-vous en attente avec un gentil garçon ?

    Lorsque je quitte Elodie, ma montre indique 4h03.

    Le vent d’Autan souffle toujours aussi fort. J’avance sur le trottoir, comme hébété, incapable de réfléchir. C’est tard et je tombe de fatigue. Les émotions de la soirée sont passées sur moi comme un rouleau compresseur. Je suis HS. Et rentrant chez moi, j’ai tout juste la force de me déshabiller et de me brosser les dents. Une fois au lit, je tombe comme une masse.

    Commentaires

  • JN01056 Elodie, Amélie, Thibault. Et quelques révélations

    JN01056 Elodie, Amélie, Thibault. Et quelques révélations

    Samedi 30 juin 2001, 21h50, Cinéma à Blagnac

    Depuis le temps que nous en parlons, et plusieurs mois après sa sortie, Elodie et moi nous trouvons enfin l’occasion d’aller voir le film français de l’année. Après les pubs locales et les bandes annonce des sorties cinéma à venir, le minois irrésistible d’Audrey Toutou crève l’écran.

    Le fabuleux destin d’Amélie Poulain nous offre un très bon moment. Le film présente un mode narratif plutôt nouveau et original. C’est surprenant, drôle, touchant. Nous sortons enchantés de la projection.

    Même à cette heure tardive, le vent d’Autan souffle sans le moindre répit, monotone, insistant. Comme à l’accoutumée, il s’est levé en début d’après-midi et il n’a pas arrêté depuis. Par moments, des rafales plus puissantes se glissent dans ce flux intarissable.

    Le vent d’Autan. Depuis que— mon histoire, avec Jérém a commencé, ce vent typique du sud-ouest est toujours venu souligner ou annoncer des moments marquants dans notre relation.

    — Allez, direction le KL pour se faire casser les oreilles, m’annonce Elodie alors que nous arrivons à sa voiture.

    — Je t’adore, ma cousine !

    Nous franchissons le sas du KL à une heure pétante. Nous nous lançons dans un tour de la boîte, mais pas de trace du beau serveur ou du charmant mécanicien, ni de leur meute. C’est peut-être encore un peu tôt.

    Elodie m’entraîne dans la salle disco et nous allons danser sur un son beaucoup plus à notre goût que la techno. Hélas, c’est la salle techno, et non pas la— disco, qui se trouve être le repère de mon beau brun.

    Aussi, malgré les basses puissantes d’une musique qui fait bouger mes pieds tout seuls, j’ai vite envie de retourner dans l’autre salle au goût musical nettement plus douteux.

    J’arrive à convaincre ma cousine d’aller y faire un tour. Mais il est une heure quarante-cinq et toujours pas de trace de mon Jérém ou de Thibault. A 2h15, je commence à me dire qu’ils ont peut-être changé de programme. Je pourrais envoyer un SMS à Thibault pour savoir où ils sont, mais évidemment je n’ose pas.

    Ce n’est que quelques minutes plus tard, en regagnant la piste de danse avec Elodie, que je pense à un truc : Jérém doit bosser ce soir, alors ils ne vont pas être là de bonne heure.

    Je viens tout juste de me faire cette réflexion, je suis à deux doigts de proposer à Elodie de quitter la piste de danse techno pour revenir à l’ambiance disco, lorsqu’elle me balance un grand sourire. Puis, elle se penche sur mon oreille pour me balancer, tout en regardant au-dessus de mon épaule :

    — Eh cousin… mate un peu cette bande de couillus qui approche !

    Je tourne la tête et paf ! Comme une claque reçue en pleine figure et que je n’aurais pas vue venir, voilà The Meute. Le beau Jérém, t-shirt orange bien ajusté, le buste droit comme un I, tous pecs dehors, avançant en tête, avec sa démarche assurée, avec son regard fier, triomphant. Le fidèle Thibault, habillé avec un t-shirt gris du meilleur goût, tout juste un demi-pas derrière lui, un peu décalé, presque en garde du (beau) corps de son pote. Derrière eux, deux autres mecs de leur équipe de rugby.

    Voilà une bande de quatre potes sexy en diable. Et pourtant, force est de constater que lorsqu’on voit soudainement la meute débouler, le premier regard se pose inévitablement sur Jérém. Car ce premier regard est aimanté par sa beauté insolente, par son regard magnétique, par sa prestance hors normes. Car ce mec est d’une sexytude outrageuse. C’est comme si la tension sexuelle était omniprésente autour de lui.

    Que l’on soit une nana et que l’on se dise :— tiens, ce mec je me le taperais bien, ; que l’on soit gay et que l’on se dise :— tiens, ce mec est à faire jouir d’urgence, ; que l’on soit mec hétéro admiratif du genre à se dire :— ce mec à qui tout réussit, suscite mon admiration et me fait rêver, je voudrais être à sa place, ; que l’on soit mec hétéro bourrin du genre à se dire :— tiens, ce mec à qui tout réussit, si arrogant et insolent, me donne envie de lui mettre mon poing dans la gueule,; ou que l’on soit mec hétéro sur la voie de la rédemption, du genre à admettre l’évidence :— tiens, tiens, je ne sais pas ce qu’il m’arrive aujourd’hui, mais ce mec me fait un drôle d’effet, un effet qu’aucun autre garçon m’a fait jusque-là.

    Oui, où que l’on se situe, du côté du désir, de la contemplation, de l’admiration, de la haine ou de l’émoustillement, le charme de ce mec est une valeur universelle. Qu’on l’adore ou qu’on le déteste, force est d’admettre que ce mec ne laisse personne indifférent.

    Non, je ne suis certainement pas le seul à qui Jérém suscite ce désir violent et incontrôlable. Mais moi je suis le seul, à part peut-être Thibault, à savoir que Jérémie T. est avant tout un garçon avec sa sensibilité et ses fêlures, un garçon à aimer, à aimer malgré lui, s’il le faut. Je sais qu’il ne sera pas facile d’y arriver mais je vais y arriver, je le sais.

    Je regarde Jérém se diriger vers le bar avec ses potes. Je le regarde approcher ses lèvres de l’oreille de la pouffe au comptoir. Quelques instants plus tard celle-ci se ramène avec quatre verres de whisky. Ça démarre sec. Les gars repartent faire un tour. Tous, sauf Thibault, qui bifurque vers les toilettes. Lorsqu’il en ressort quelques instants plus tard, il nous repère aussitôt, Elodie et moi. Je quitte illico la piste de danse pour aller lui dire bonjour. Elodie a le bon goût de rester danser. Je l’adore.

    — Salut, il me balance en claquant la bise à Elodie avant de me gratifier d’une poignée de main bien ferme.

    — Salut.

    — C’est cool que vous ayez pu venir !

    Le volume de la musique est tel que pour se comprendre nous sommes obligés d’approcher les lèvres de l’oreille de l’autre. J’adore sentir son souffle dans mon oreille lorsqu’il me parle.

    — Je commençais à croire que vous aviez changé de programme, j’enchaîne.

    — On vient tout juste d’arriver. Jéjé a bossé jusqu’à une heure et demie.

    — Ah, ok, je comprends mieux !

    — Tu veux boire un truc ? il me propose.

    — Une bière.

    — Vous avez un match, demain ? je questionne le beau mécano pendant que nous attendons nos boissons.

    — Non, nous avons encore trois matches, un demain, la demi-finale dimanche prochain et, si tout se passe bien, la finale dans deux semaines.

    — Vous avez un match demain ? je m’étonne.

    — Oui, nous jouons demain, et si ça se passe bien, on joue la demi-finale dimanche prochain et la finale dans deux semaines. On va être frais demain après-midi !

    Je souris. Et j’enchaîne :

    — Ca a l’air de plutôt bien se passer, non ?

    — On a de bonnes chances de le gagner, mais il faut que le capitaine soit en forme !

    — Ça ne va pas être simple avec son boulot, j’avance.

    — Non, c’est vrai, mais il a de la ressource, je ne m’inquiète pas pour lui. Il va sécher quelques entraînements, mais ça va aller.

    — Il a l’air de bien se débrouiller à la brasserie, je lance.

    — Ouais, mais il est juste en extra pour juillet et août. En attendant de trouver un vrai boulot.

    C’est toujours instructif de discuter avec Thibault.

    — Il va chercher dans quoi ?

    — Dans la vente.

    — Dans un magasin, une grande surface ?

    — Non, plutôt en tant que commercial.

    — Ah bon…

    Ce soir je passe d’étonnement en étonnement. Mais le meilleur (ou le pire) reste à venir.

    — Oui, l’un de nos potes bosse pour une grosse boîte qui fait de l’outillage professionnel et il semblerait qu’il va y avoir une opportunité à saisir à la rentrée début septembre.

    — C’est dans la région ? j’enquête, soudainement inquiet.

    — Pas vraiment. La boîte est basée à Nice.

    Et là, je panique. Je manque de peu de recracher la gorgée de bière que je viens d’avaler nerveusement. J’étouffe. Dans deux mois, Jérém se barre à 600 bornes de Toulouse. Dans ma tête c’est l’alarme rouge. L’état d’urgence est déclenché. Je suis assis mais je sens mes jambes devenir flageolantes. J’ai l’impression qu’on m’enfonce un poignard dans la poitrine.

    — J’ai toujours été convaincu que les recruteurs du Stade Toulousain le remarqueraient, et qu’ils l’engageraient, car c’est un super joueur. Mais ça n’a pas été le cas, hélas, il m’explique.

    Putaaaaaaiiiiiiiiin deeeeeeeeeee meeeeeeeeeeeerdeeeeeeeeeeee !

    C’est quoi cette blague ? Nice ! Moi coincé à Bordeaux pour mes études et lui à l’opposé de l’hexagone. Merde, merde, merde ! J’ai l’impression que mon cœur se décroche de ma poitrine et qui se brise au sol en mille morceaux, et avec grand fracas.

    Je sais, je le sais depuis longtemps qu’après le bac nos vies vont se séparer. Ce que j’ignorais jusque-là, c’était à quel moment, et dans quelles proportions. Là je suis fixé. Des centaines de bornes entre nous. Et cela, à partir de début septembre. Un compte à rebours douloureux s’affiche instantanément dans ma tête.

    J’ai envie de pleurer. J’ai envie de poser mille questions à Thibault, mais les mots ne sortent pas. Thibault doit s’en rendre compte, car il me saisit doucement l’avant-bras, m’obligeant à le regarder dans les yeux. Son regard est doux et apaisant.

    Je me sens désemparé. Au moment même où j’apprends que Jérém est un garçon sensible et blessé, au moment où mon amour pour lui trouve un nouvel et immense territoire à explorer et où s’enraciner, au moment où le besoin d’être avec lui est plus fort que jamais, j’apprends que dans deux mois la vie va nous séparer impitoyablement.

    Je ressens une profonde tristesse m’envahir, je me sens perdu, j’ai l’impression que plus aucune joie ne sera jamais possible pour moi. J’ai soudainement très froid. Je ressens un frisson dans le dos, je sens la chair de poule s’installer sur mes bras. J’ai la tête qui tourne, je sens les larmes monter, j’ai peur de ne pas pouvoir me retenir.

    Je cherche autour de moi un appui pour ne pas m’effondrer. Heureusement Thibault est là. Son regard doux et ému caresse toujours le mien. Sa main est toujours posée sur mon avant-bras. Et là, je vois son autre main poser sa bière sur le comptoir et rejoindre mon autre avant-bras. Sa double prise se fait plus ferme, j’ai presque l’impression que ses pouces amorcent un mouvement qui semble à une petite caresse. Je ressens la chaleur de ses mains, l’affection de son geste, l’émotion qu’il partage avec moi. Je suis super triste, mais Thibault sait me faire du bien en partageant avec moi sa propre tristesse, mais aussi sa force de caractère.

    Le t-shirt orange approche, je devine qu’il va venir retrouver son pote. Dans mon ventre, toujours cette inquiétude vis-à-vis de la réaction qu’il va avoir en découvrant ma présence. Je me demande si le fait de me voir à nouveau discuter avec son pote ne va pas le mettre en pétard.

    Un instant plus tard, Jérém est là. Après m’avoir lancé un bonjour rapide, il se penche à l’oreille de Thibault. Le beau mécano sourit, lui répond un truc à son tour. Jérém indique un endroit que je situe au milieu de la piste de danse. Les deux potes ont l’air plutôt amusé. Est-ce qu’il est en train de lui montrer ? une nana ? Un pote à eux ? De quoi sont-ils en train de rigoler ?

    Je voudrais tellement avoir le pouvoir de capter cette conversation, de savoir ce qui fait rire les deux bogoss. Pendant leurs échanges, mon regard intrigué est tellement collé sur eux que par deux fois je croise celui de Jérém. Ça ne dure qu’un instant mais je n’arrive pas à détecter son état d’esprit à mon égard. Car dans son regard il n’y avait ni sourire ni hostilité. Va savoir à quoi il pense…

    Un instant plus tard, Thibault se lève, me fait un petit au revoir avec la main, signe qu’il accompagne d’un petit clin d’œil craquant à souhait. Elle a raison Elodie, ce mec aussi est vraiment canon. Deux potes, deux bombes.

    Thibault vient de partir en direction de l’endroit de la piste que Jérém semblait lui indiquer. Il y retrouve un type avec qui, à en juger par leurs échanges, animés et tactiles, doit être très bon pote également.

    Jérém s’assoit à côté de moi sur le tabouret devant le comptoir du bar du KL à la place de son pote.

  • JN01055 Dans ma chambre

    JN01055 Dans ma chambre

    Après les émotions de la fin de l’après-midi, ce soir-là j’ai du mal à trouver le sommeil. Les mots de Thibault ne cessent de tourner dans ma tête :

    « Je pense que c’est une bonne chose qu’il bosse, ça va lui faire du bien d’occuper ses journées, ça va l’empêcher de faire des bêtises. »

    Mais qu’est-ce qui inquiète tant le beau Thibault ? Est-ce qu’un jour il pourrait péter un plomb et se mettre en danger ? Qu’il ait de mauvaises fréquentations ? Est-ce que cela est déjà arrivé de par le passé ?

    Thibault m’a aussi parlé des blessures de Jérém, de l’éloignement de sa mère. Quand j’essaie de m’imaginer son état d’esprit à ce moment de son enfance, je sens les larmes me monter aux yeux. Mon petit Jérém, tout jeune et malheureux. Une image si lointaine de l’étalon assuré, insolent, souvent arrogant et dominateur, que j’ai en face de moi lors de nos baises. Comment imaginer que ce mec aujourd’hui si admiré, si jalousé, si populaire, ait pu être à ce point meurtri ? J’aurais tellement voulu le connaître à l’époque, pouvoir le serrer dans mes bras, être avec lui, être son pote pour l’aider à traverser ce moment très difficile. J’aurais tellement aimé être là pour lui comme l’a été le bon Thibault.

    Le fait qu’il veuille aujourd’hui couper les ponts avec sa famille me donne la mesure de la colère qui doit toujours se cacher au fond de lui. Et au milieu de toute cette colère, une place particulière est réservée à son petit frère Maxime. Peut-être la seule personne, avec Thibault, qui a vraiment une place dans son cœur.

    Toutes ces nouvelles images dessinées par les mots du beau mécano me donnent une toute autre vision de mon Jérém. Pour la première fois, je crois, je réalise que derrière son comportement de petit coq et de petit con, se cache autre chose. Jérém n’est pas que le rugbyman doué, ou l’apollon qui se la pète. Jérém est aussi un garçon sensible, avec des fêlures, avec des souffrances depuis longtemps tapies au fond de lui.

    Je suis profondément reconnaissait à Thibault de m’avoir autant éclairé. Son amitié est pure et émouvante.

  • JN01054 Un beau serveur brun

    JN01054 Un beau serveur brun

    Elle est dans ma tête. Je la déteste. Je l’adore.

    « C’est ça !

     — Eh ben, vas-y, alors !

     — Ça ne t’embête pas que je te laisse rentrer seule ?

     — Pas du tout, j’ai encore une ou deux boutiques à faire avant la fermeture. »

    Vraiment, je l’adore. Elle a toujours la bonne parole pour me déculpabiliser.

    Je lui fais la bise, elle me serre dans ses bras. Je repars sur les chapeaux de roues. Mon pas est rapide, mon cœur bat la chamade. J’ai l’impression de voler. Je remonte toute la rue d’Alsace-Lorraine jusqu’à Esquirol en moins de deux. Soudain, la proximité de la cathédrale Saint-Etienne, théâtre quelques jours plus tôt d’une double rencontre plutôt marquante, me ramène à Stéphane. Il faut absolument que je l’appelle. J’ai honte d’avoir annulé à la dernière minute par SMS, hier soir. Je repense à sa réponse, un SMS laconique : « ok », et plus rien depuis, ni de sa part, ni de la mienne. J’espère qu’il n’est pas vexé. Je ne sais pas dans quelle disposition il est à mon égard. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas osé lui envoyer d’autres SMS depuis la veille.

    Stéphane me plaît bien, et j’ai vraiment envie de le revoir avant son départ. Il faut vraiment que j’arrête de courir après Jérém, car ça ne mènera nulle part.

    Mais le sens de mes pensées et celui de mes jambes ne sont pas vraiment raccord. La tête a beau donner son avis. Ce sont les jambes qui ont le pouvoir de me transporter « dove mi porta il cuore », là où le cœur me porte, pour paraphraser le titre d’un beau roman paru en Italie il y a bien longtemps déjà.

    Alors, je continue vers Esquirol. Thibault a dit que Jérém bosse dans une brasserie. Le fait est qu’il y en a plus d’une à Esquirol. Une fois arrivé sur place, je marche doucement, matant les serveurs dans les terrasses. Pourvu qu’il soit en terrasse.

    Le cœur cogne si fort dans ma poitrine que j’ai l’impression qu’il va en bondir et s’écraser sur le trottoir. Je suis presque en apnée. J’ai à la fois très envie de le voir et peur de me faire repérer. Je ne sais pas comment il va réagir s’il me voit rôder autour de son taf, et à plus forte raison si Thibault est présent.

    Je suis tout pris dans mes pensées, lorsque mes yeux me renvoient justement l’image du beau Thibault. Il est assis à une petite table en terrasse. Bingo ! C’est donc là que Jérém travaille.

    Le jeune mécanicien est en train de siroter une bière, tout en lisant un papier qui doit être la Dépêche du Midi ou l’Equipe. Je m’approche discrètement d’un abribus assez proche de la terrasse pour voir ce que j’ai besoin de voir sans me faire repérer.

    Et puis c’est le choc. Mon beau brun déboule en terrasse avec un grand plateau chargé de boissons, le torse sobrement mais outrageusement mis en valeur par un beau t-shirt noir avec col en V qui lui va comme un gant et qui ressemble étrangement à celui qu’il avait passé la veille après sa douche dans les vestiaires du terrain de rugby.

    Le t-shirt retombe parfaitement, c’est-à-dire à la hauteur des poches, sur un pantalon noir lui aussi, et très classe. Un pantalon qui fait un délicieux contraste avec ses baskets rouges à la semelle blanche qui font, elles, jeune et décontracté.

    Avec son regard brun et ténébreux, avec ses sourires ravageurs, Jérém est simplement sexy à se damner. Je ne peux pas le quitter des yeux. D’ailleurs j’ai l’impression qu’on ne le quitte pas des yeux, qu’il attire tous les regards. Ma jalousie revient au triple galop. J’ai envie de bondir de ma cachette et de crier : « Pas touche, même pas avec le regard, le serveur est à moi ! A moi ! ! ! »

    Un bus arrive, je dois m’écarter pour laisser les passagers descendre, je sors de ma cachette pendant un court instant. C’est l’instant de trop, Thibault me repère. Il me lance un grand sourire et me fait signe de le rejoindre.

    Dans ma tête l’envie d’approcher mon beau brun dans son nouvel environnement a du mal à s’imposer vis-à-vis de la crainte d’une réaction hostile de sa part.

    Mais je ne peux pas refuser l’invitation de Thibault. Alors, au point où j’en suis, pourquoi pas. D’autant plus que le fait de me retrouver à la même table que le beau mécano, ne me déplaît pas du tout. D’abord car elle peut donner un début de légitimité ou d’excuse à ma présence aux yeux de Jérém. Ce dernier ne va pas oser me jeter devant son pote. Aussi, le fait de copiner avec le meilleur pote du mec qu’on aime, est une chance qu’on ne peut pas bouder.

    Je finis par sortir de ma « cachette » et par avancer en direction de sa table en essayant de me donner une contenance.

    « Re ! il me lance.

     — Oui, re…

     — Allez, vas-y, assieds-toi, Jéjé va être content de te voir ! »  

    Bah, moi j’en suis pas si sûr

    « Tu veux boire quoi ? 

     — Un mojito.

     — Je t’invite. Il faut juste attendre que le serveur se libère. »

    En attendant que le serveur revienne, Thibault me fait parler. De mes vacances, de mon été, de mes études à venir. Ça fait du bien de côtoyer un gars qui s’intéresse autant aux autres. Oui, Thibault me fait la causette. Et qui plus est, sans laisser échapper le moindre mot sur le fait de me retrouver là quelques minutes après m’avoir croisé et m’avoir balancé l’info du taf de Jérém. Son attitude me met à l’aise. Ce garçon est vraiment adorable.

    Quelques instants plus tard, le serveur finit par débouler en terrasse avec un nouveau plateau chargé de verres, de boissons et de biscuits apéro.

    Je le regarde voltiger entre les tables serrées. Ses mouvements ont une vitesse, une élégance, une assurance que je trouve étonnantes, comme s’il avait fait ça toute sa vie. Sacré bogoss auquel tout réussit. Ce qui aurait presque le don de m’énerver. Car ce n’est pas normal d’être aussi beau et aussi doué pour tout. Et surtout, ce n’est pas juste, pas juste du tout !!!

    Jérém approche d’une table à l’opposé de la terrasse pour y déposer les boissons. Mon regard est happé par son biceps tatoué, gonflé dans l’effort de tenir en équilibre le plateau, déformant la manchette de son t-shirt noir moulant. Ah, putain, qu’est-ce qu’il est sexy !

    La table est bondée, tout comme celle d’à côté, et les chaises sont vraiment les unes sur les autres. Ainsi, pendant qu’il distribue les consos, Jérém se trouve coincé. Et là, tout en gardant son plateau en équilibre dans sa main gauche, il se contorsionne pour arriver à poser les verres sur la table. Son torse se bombe, ses pecs se gonflent, son torse pivote, tous ses muscles se mettent en tension. Cette position, cette attitude de son corps est carrément une œuvre d’art éphémère, un pur instant d’éternité, insoutenablement beau car justement passager, un instant unique que je voudrais fixer à tout jamais avec un appareil photo. Hélas, à cette époque les smartphones n’existent pas encore. Et quand bien même ils avaient existé, je doute fort que j’aurais eu le cran de m’en servir.

    Je ressens une envie furieuse de bondir de ma chaise et de lui sauter dessus. Je crois que nous devons être un certain nombre dans cette terrasse à ressentir ce genre d’envie.

    Le beau brun n’a toujours pas capté ma présence. Je sais que cela ne va pas tarder. Malgré la présence de Thibault, j’appréhende sa réaction. Je commence à paniquer. Et puis mon regard rencontre celui de Thibault. Il me sourit. Et son sourire me fait un bien fou. Car ce sourire me semble exprimer tellement de choses. Des choses du genre : « Tout va bien se passer. Je suis là, je suis de ton côté. Je vais t’arranger le coup, t’inquiète. »

    Jérém arrive enfin à se décoincer d’entre les chaises et, sans regarder dans notre direction, il trace vers l’intérieur de la brasserie. Il revient une minute plus tard avec un nouveau plateau, beaucoup moins chargé. Et pendant qu’il traverse une nouvelle fois la terrasse en diagonale, nos regards se croisent, s’accrochent.

    Un instant plus tôt j’appréhendais sa réaction. Et là je suis super heureux de la découvrir. Car, à l’instant même où le beau brun capte ma présence, il ralentit son élan rapide et assuré jusqu’à presque s’arrêter. Ça ne dure qu’une demi-seconde, un petit instant pendant lequel son sourcil gauche monte, monte, monte, marquant son étonnement… amusé.

    Ce simple geste est déjà d’une beauté à me faire craquer. Et, top du top, j’ai l’impression que cela traduit le fait que finalement il est content de me voir là, le premier jour de son travail. J’ai presque l’impression que, juste avant de reprendre son chemin à une allure vive, il me balance un petit sourire du coin de l’œil.

    Jérém dépose les boissons sur la table et encaisse la note. Après quoi, il se dirige dans notre direction. Vite, un truc à dire à Thibault.

    « Ça se passe bien ton travail ? »

    Le bomécano a tout juste le temps de commencer sa réponse, lorsque j’entends la voix du beau brun derrière mon dos.

    — Eh, ben, pendant que certains travaillent, il y en a qui se la coulent douce !

    Je suis soulagé. Mon impression se confirme. Visiblement, il est de bon poil. Il est même d’humeur à faire de l’humour. Je me dis que ça doit être grâce à la présence de Thibault.

    — Cause toujours, va ! déconne le beau mécano, pour une fois que tu mets la main à la pâte, il faut que tu te la pètes !

    — Tête de con, lui balance Jérém, taquin.

    — Branleur ! lui répond Thibault du tac au tac. J’adore les entendre déconner. J’adore leur complicité. Leur amitié me touche.

    Jérém me toise avec un regard malicieux, puis finit par me lancer :

    — Et toi tu fais quoi là, tu branles comme Thibault ?

    — Je passais par-là, je mens, mal à l’aise.

    Un malaise qui vient du fait que j’ai le sentiment qu’avec ce petit mensonge je viens de me ridiculiser à la fois par rapport à Jérém et par rapport à Thibault.

    Vis-à-vis de Jérém, mon explication sonne faux. Le fait que je puisse passer « par hasard » devant la brasserie où il ne bosse que depuis quelques heures, est très improbable.

    D’autre part, avec ce petit mensonge, j’ai le sentiment de trop me dévoiler par rapport à Thibault. Car lui, il le sait, je ne suis pas passé par là par hasard. A ce stade, j’ai la quasi-certitude qu’il a tout compris. Heureusement pour moi, la discrétion est une des nombreuses qualités de ce garçon.

    — Alors, tu bois quoi ? finit par lâcher Jérém.

    Je croise à nouveau son regard. Il a l’air épanoui, presque jovial. Quelle différence avec le Jérém taciturne et colérique que j’ai quitté la veille devant la porte des vestiaires du terrain de rugby ! Son sourire est beau, insoutenablement beau.

    Je suis super content de revoir mon beau brun. Et pourtant, quelque chose me perturbe dans ce tableau qu’est ce nouveau scénario de vie de mon Jérém. C’est le fait de constater que, du jour au lendemain, sans transition, Jérém est passé de lycéen à employé, d’étudiant à travailleur, presque de l’adolescence à l’âge adulte, de l’insouciance à la réalité. J’ai l’impression que sa vie vient de changer en profondeur et que je suis en train d’en rater des épisodes importants.

    — Une bière blanche, s’il te plaît ! je finis par répondre.

    — Ça vient ! lance le beau serveur à la cantonade, en détalant sur les chapeaux de roues.

    Pendant que j’attends ma bière, Thibault finit de répondre à la question que je lui avais posée avant l’arrivée de Jérém. Ça fait un an, depuis son bac, qu’il bosse dans ce garage. Il aime bien ce taf, il aime la mécanique.

    De nouveaux clients se sont installés en terrasse, Jérém se fait attendre. Et la conversation finit à nouveau par revenir à lui.

    — Je le taquine. Jéjé n’est pas du tout un branleur. Ça faisait longtemps qu’il voulait bosser, m’explique Thibault. Ça lui tardait vraiment.

    — A ce point ?

    — Jéjé est pressé de gagner sa vie pour ne plus rien avoir à demander à son père.,

    Thibault n’est pas avare en confidences. Je sens que, pour peu que je manœuvre intelligemment, il va me donner des billes importantes pour comprendre un peu plus le fonctionnement de mon beau brun. De la douce musique pour mes oreilles.

    — Il ne s’entend pas avec ses parents ?

    — Ses parents, c’est juste son père. Sa mère est partie il y a dix ans et elle n’a quasiment pas donné de nouvelles depuis.

    — Ah… ça a dû être dur pour lui !

    — Très dur, autant pour lui que pour Maxime, son petit frère.

    — Et alors, avec son père ça ne se passe pas bien ?

    — Jéjé est en colère contre son père, car il le tient pour responsable d’avoir rendu sa mère malheureuse et de l’avoir poussée à partir. Il lui en veut aussi d’avoir trop vite ramené sa nouvelle copine à la maison.

    — Il n’a pas essayé de reprendre contact avec sa mère ?

    — Non. Il lui en veut énormément de les avoir abandonnés, lui et son frère, après la séparation. Ça fait des années que Jéjé n’a presque pas mis le pied dans le domaine viticole de son père.

    — Son père est vigneron ? 

    — Oui, dans de Gers. Jéjé fuit cette maison où il a été très malheureux. Et la copine de son père a tout fait pour le pousser à partir.

    — Elle ne l’aime pas ?

    — Non, pas du tout même. Mais je suis certain que le problème doit en partie venir de Jéjé. Il peut être une véritable tête de con quand il l’a décidé. Je pense qu’il ne lui a laissé aucune chance pour que les choses se passent bien. Mais il avait ses raisons, il était très en colère.

    — Il veut vraiment couper les ponts avec son père ?

    — Je crois, oui. En tout cas ça en prend bien le chemin. Le seul avec qui il veut garder contact, c’est son petit frère, qui est tout pour lui. Quand il est parti de la ferme, il y a trois ans, quand il a redoublé la seconde, Jéjé se faisait du souci pour lui. Il avait peur que cette femme lui rende la vie impossible, comme elle l’avait fait avec lui. Mais apparemment, ça s’est mieux passé avec Maxime qu’avec lui.

    Jéjé est quelqu’un de têtu, qui ne compose pas quand il y a un conflit. Maxime est beaucoup plus diplomate. Maxime, c’est une tronche. Il a eu son bac l’an dernier, à 16 ans, et il va faire des études d’ingénieur aéronautique. Jéjé l’adore.

    Je me surprends à imaginer Jérém en grand frère se souciant de son frérot et je trouve cela particulièrement touchant.

    — Ça faisait des semaines que Jéjé postulait un peu partout, enchaîne Thibault. Il voulait commencer de suite après le bac, alors il a pris le premier job qu’il a trouvé.

    — Je pense que c’est une bonne chose qu’il bosse. Ça va lui faire du bien d’occuper ses journées.

    — J’espère vraiment qu’il va avoir son bac, car j’ai peur que s’il ne l’a pas du premier coup, il va laisser tomber. En tout cas, ça a été très sympa de ta part de l’aider à se remettre à niveau.

    Soudain, je culpabilise. On était censé réviser ensemble, j’étais censé l’aider à préparer son bac. Alors que, dans la réalité, on n’a fait que baiser. Certes, il l’a voulu, mais je n’ai pas refusé. Et avec tout le temps que l’on a passé ensemble, j’aurais dû trouver davantage de temps pour travailler. Oui, je culpabilise à l’idée d’avoir manqué à ce « devoir ».

    Le beau serveur revient à notre table avec non pas une, mais deux bières et un petit bol de noix de pécan.

    — Vous n’êtes pas en train de baver sur moi, hein ? fait Jérém, l’air intrigué par notre conversation.

    — On parle rugby, fait Thibault.

    — Mouais…

    Jérém est vite rappelé à l’intérieur pour prendre une autre commande. Dans ma poche, un SMS vient d’arriver. Je le consulte vite fait. C’est Élodie :

    « T’as trouvé ton beau serveur ? »

    Je lui répondrai plus tard.

    D’autres clients arrivent, un deuxième serveur fait son apparition. Il n’est pas beau, je trouve cela rassurant. Au moins Jérém ne couchera pas avec son collègue. Ni avec son patron que j’ai entrevu derrière le comptoir, bien trop âgé et bedonnant. Alors c’est lui le type qui a bon goût pour embaucher les serveurs…

    Thibault me reparle de la sortie au KL de ce samedi-là. Nous échangeons nos 06. Une bonne idée de sa part, cet échange de numéro de portable, une idée qui dans un avenir proche, comme dans un avenir plus éloigné, se révélera fort judicieuse.

    Nous n’avons plus l’occasion de discuter avec Jérém, désormais trop occupé avec la clientèle, de plus en plus nombreuse. Nous lui faisons juste un petit coucou en partant. Thibault et moi nous nous quittons quelques mètres plus loin, pile à l’abribus derrière lequel je m’étais caché tout à l’heure. Et à ce sujet-là non plus, pas de commentaires sur ma manœuvre, ni sur les petits mensonges pour expliquer ma présence à Jérém.

    Je me dis que si jusque-là Thibault avait de très forts doutes, maintenant il sait que Jérém est bien plus qu’un camarade de classe pour moi et que le contraire est vrai aussi. J’ai très envie de lui proposer d’aller prendre un verre ailleurs et de tout lui raconter. Je sens qu’il a besoin de savoir, tout comme moi j’ai envie de raconter cette histoire à quelqu’un qui connaît le beau brun mieux que personne, quelqu’un qui pourrait peut-être m’aiguiller sur la conduite à tenir pour l’« apprivoiser ».

    Evidemment, je n’ose pas. Le beau mécanicien prend le bus qui arrive et qui va l’amener dans le quartier des Minimes. En me quittant, il me redit : « A samedi ! » et il complète sa poignée de main avec une petite tape, presque une caresse faite de l’autre main sur mon épaule. Le mec est très tactile, ce petit contact avec sa main, très sensuel.

    Un geste accompagné par son regard intense, fixement planté dans le mien, par son sourire doux agrémenté d’un petit clin d’œil lancé pendant la fermeture de la porte à soufflet, juste avant que le bus ne démarre.

    En trottant vers la maison, je suis un garçon heureux. Car j’ai l’impression que Jérém a été content de me voir à la brasserie. Mais aussi car j’ai l’impression que je viens de me faire un ami. Je sens que Thibault va être quelqu’un d’important pour moi, et pour longtemps.

  • JN01053 Rue d’Alsace-Lorraine avec Elodie et d’autres rencontres

    JN01053 Rue d’Alsace-Lorraine avec Elodie et d’autres rencontres

    Lundi 25 juin 2001

    le lendemain de cette soirée de dingue dans les vestiaires du terrain de rugby, je me réveille mal en point. C’est d’abord à cause de la fatigue causée par une nuit agitée, par un sommeil entrecoupé de longs moments de veille pensive. Ensuite, à cause des courbatures, le prix à payer quand on abuse de son corps. Et pour terminer, à cause du malaise profond qui s’insinue partout dans mon être. Quel est le véritable Jérémie ? Celui qui commence timidement à accepter que je l’embrasse ou celui qui me quitte sans un mot, comme un voleur, après avoir tiré son (double) coup ?

    Il est 9 heures du mat et les bruits de la maison vont bon train. Maman s’affaire en bas à ses occupations quotidiennes et je sais que je n’arriverai pas à retrouver le sommeil. Je n’ai pas envie de me lever, je n’ai envie de rien. Si, d’une chose j’ai envie.

    J’allonge le bras vers ma table de nuit, je saisis mon portable. Mon cœur s’emballe à l’instant où je vois le symbole d’un message affiché à l’écran. Je commence illico à me faire des films. Ça pourrait être un message de Jérém. Je suis tellement excité que je fais plusieurs fausses manips’, je manque même de l’effacer, avant d’arriver à l’afficher. Mon excitation tombe lourdement s’écrasant sur la surface dure d’une réalité beaucoup plus prosaïque. C’est juste la notification de ma conso mobile du mois.

    Oui, d’une seule chose j’ai envie ce matin-là : de voir Elodie. Je lui envoie un SMS. Je sais qu’elle est en vacances jusqu’à la fin du mois de juin. Je lui propose de nous voir et de passer la journée ensemble.

    Elle est partante. J’ai envie d’être avec elle. J’ai envie de retrouver son humour, sa joie de vivre, ses blagues, notre complicité. Et détourner mon attention de ma frustration, de mon angoisse, de ma peur de ne pas le revoir, de mon désespoir à faire évoluer ma relation avec Jérém.

    Accompagner ma cousine faire du shopping, ce n’est pas la première passion de ma vie. C’est pourtant la corvée qu’il me faut assumer aujourd’hui si je veux passer la journée avec elle. Elodie a décidé de faire une à une les boutiques du centre-ville et il n’y a pas eu moyen de lui faire changer de programme. Alors, pendant qu’elle passe un temps fou à regarder, essayer et discuter, je m’adonne à une occupation qui est loin d’être désagréable.

    Toulouse est une ville qui a tant à offrir lorsqu’on est passionné de beauté masculine. De plus, l’été est là. Et les beaux t-shirts mettant en valeur de jolis corps sont de sortie. Je regarde les garçons défiler dans la rue et je ressens une douce sensation de bien-être s’emparer de moi. Je les regarde défiler devant mes yeux, avançant chacun dans sa propre vie, une vie qui m’est totalement inconnue, avançant droit devant eux sans se rendre compte que leur simple présence d’un instant, leur passage dans la rue, a amené une note de bonheur dans l’esprit d’un garçon qui aime les garçons.

    Certes, personne ne porte aussi bien un t-shirt moulant que mon beau brun. Ma mémoire me ramène l’image de mon Jérém se rhabillant après la douche dans les vestiaires, avec son beau jean délavé et ce t-shirt noir moulant à se damner. Mais il faut bien admettre que le bogoss pullule dans les rues de Toulouse.

    Et comme si l’image seule n’était pas suffisante pour troubler mon esprit, voilà qu’une traînée de parfum ou de déo vient me rappeler par surprise que le charme masculin a un effet ravageur sur le jeune homme de 18 ans que je suis.

    La corvée boutiques se poursuit. Elodie est incroyable. Si on l’écoute, on trouverait le moyen de faire toutes les boutiques de la rue d’Alsace-Lorraine. On n’a même pas pris le temps de manger un bout ! Il est déjà 14h30 et mon estomac crie famine. Je dois la traîner presque de force dans un bar pour enfin se poser un moment.

    Nous avalons notre « repas », un pauvre sandwich sur le pouce, et nous repartons aussitôt vers les boutiques. A cinq heures de l’après-midi, je suis carrément sur les rotules. J’ai l’impression que nous avons tellement sillonné les trottoirs de la rue d’Alsace-Lorraine qu’on a fini par les user.

    « Mate un peu ce type qui est en train d’approcher, j’entends Elodie me lancer, ça c’est carrément le genre de gars qui me fait craquer. »

    Je suis son regard, fixé au loin sur le trottoir devant nous et je capte le mec en question. Un mètre 70, des épaules larges, carrées, un torse solide, habillé d’un t-shirt marron dont les manchettes soulignent ses biceps musclés. Une démarche et une attitude tout naturellement viriles, sexy sans même l’intention de l’être. Un vrai bogoss, un bogoss nature.

    « Moi aussi je le trouve craquant. Et c’est un pote. 

     — Tu le connais ? 

     — Oui, c’est le meilleur pote de Jérém. »

    Thibault nous a vus à son tour, et son beau sourire est notre premier contact.

    « Salut » il nous lance. Sa voix est comme une caresse pour mes oreilles. Apaisante et rassurante. Tout comme son allure. Car tout en lui respire le calme, la force et l’équilibre.

    Je regarde ses cheveux châtains en bataille, son duvet de barbe, sombre bien que rasée de près, contrastant avec la couleur de peau plus claire du reste de son visage.

    « Salut » je finis par lui répondre pendant qu’il fait la bise à Elodie. Nos mains se rencontrent dans une poigné puissante.

    « Ça va ? » il me lance, sur un ton enjoué qui me met de bonne humeur.

    « Oui, ça va, et toi ?

     — Alors, ce bac, ça s’est bien passé ? » il enchaîne, les yeux plantés dans les miens, le regard solaire, bienveillant. Ah, qu’est-ce qu’il est sexy ce gars !

    « Pas trop mal, on verra bien lundi à la publication des résultats.

     — Et pour ce branleur de Jérém, ça va être bon aussi ?

     — Je pense. Enfin, j’espère.

     — Vous avez pas mal révisé, alors ça doit pouvoir le faire. »

    Un frisson parcourt mon dos à l’évocation de nos révisions par Thibault.

    « Je ne sais pas trop comment ça s’est passé pour lui. Depuis le début des épreuves je ne l’ai pas trop vu. »

    Enfin, si, je l’ai vu pendant le bac, et de très près même. Je l’ai vu pendant le bac et même après le bac. Mais à chaque fois ce n’était pas dans des circonstances très propices à parler… bac.

    « Vous faites quoi ce week-end ? il me questionne.

     — Je ne sais pas trop. Et vous ?

     — Je pense que l’on va aller au KL, comme d’hab.

    — Tiens, ce samedi on pourrait se faire une soirée en boîte, je lance à ma cousine.

    Elle n’a pas vraiment l’air ravie.

    — Ça fait un petit moment que je ne suis pas sorti en boîte, depuis la soirée au Shangaï, j’insiste pourtant.

    Je me souviens bien de cette soirée. C’est la fois où Jérém s’est battu pour me défendre de ce type saoul qui voulais me cogner parce mon regard l’avait chatouillé.

    Thibault marque un petit silence, comme s’il voulait te demander quelque chose mais qu’il n’osait pas. Je me dis qu’il voudrait assurément me demander ce qui s’est passé ce soir-là, parce que Jérém n’a pas dû lui en parler. Mais je devine que ce n’est pas le bon moment. Je me dis qu’on pourra en parler une autre fois, quand vous ne serez que tous les deux.

    — En tout cas, samedi soir Jéjé et moi nous serons au KL. Peut-être que nous verrons là-bas, il me glisses.

    — Peut-être, oui…

    Jéje. Ce petit surnom m’émeut car il me parle de leur complicité, de leur amitié, de leur vécu commun. Jéjé est le petit nom avec lequel Thibault appelle son meilleur pote depuis un temps que je devine remonter à leur enfance. Oui, Jérémie est « son » Jéjé à lui, tout comme il est « mon » Jérém à moi. Ces petits surnoms sont des raccourcis qui nous rapprochent, chacun à sa façon, de lui.

    — Tu sais ce qu’il fait en ce moment ?

    — Il s’est fait embaucher dans une brasserie à Esquirol en tant que serveur.

    — Jérém travaille ? je demande, mi étonné, mi agacé par le fait que Jérém n’ait pas pensé à m’en parler.

    — Il t’a pas dit ?

    — Non, non…

    — Il a commencé ce midi. J’allais justement le voir là-bas, conclut le beau mécano.

    Mon Jérém serveur. Ce n’est pas exactement le genre de boulot dans lequel je l’aurais imaginé. Mais bon, quand j’y pense, ça tient la route. Avec sa belle gueule, il va faire des ravages.

    J’essaie d’imaginer mon beau brun en tenue de serveur, beau et sexy comme pas permis, en train de se balader entre les tables, parmi les clients et les clientes qui ne peuvent détacher le regard de lui.

    J’imagine les mille occasions de coucheries supplémentaires que ce taf pourrait lui offrir, et je ressens un violent pincement au cœur. Je me dis que parmi les mecs et les nanas qui vont le trouver beau et attirant, il y en aura bien qui oseront franchir le pas et lui faire des propositions. Je sens la jalousie s’emparer de moi, envahir mon esprit, brouiller ma tête.

    C’est ma cousine qui me ramène sur terre lorsqu’elle me balance :

    « Mon Dieu, qu’est-ce qu’il est sexy ce gars… avec ses bras puissants et son regard à la fois doux viril ! 

     — Tu le reverras samedi en boîte.

     — Bien essayé, cousin ! Mais c’est hors de question que je passe la nuit de ce samedi à me faire casser les oreilles au KL pour mater le beau cul de quelques mecs.

     — Allez, Elodie !

     — Tu iras tout seul mater tes beaux mâles.

     — S’il te plaaaaaaaaîîîîîît !

     — Tu as des nouvelles de ton beau brun depuis votre petite incartade à la piscine ? » elle enchaîne.

    Je n’ai pas envie d’affronter cette longue discussion. D’autant plus que depuis la rencontre avec Thibault, mon esprit est tout entier happé vers ce resto inconnu, vers cette brasserie inconnue où j’imagine le charme de mon beau brun à pied d’œuvre pour faire rêver et fantasmer des client(e)s désormais fidélisé(e)s à la maison.

    « Non, pas vraiment, je mens pour avoir la paix.

     — C’est ça les mecs. Ça baise et puis ça ne donne plus de signes de vie ! »

    J’entends à peine ses mots. J’ai de plus en plus envie de faire demi-tour et de courir à Esquirol. Mais pourquoi je n’ai pas proposé à Thibault d’y aller avec lui ? Elodie aurait compris. Très vite, mon désir d’aller voir Jérém devient insupportable. Je ne tiens plus en place.

    « Elodie…, je fais, fébrile.

     — Oui, cousin ?

     — J’ai…

     — Oui, je sais, t’as envie d’aller mater ton Jérém en tenue de serveur ! »

    Commentaires

    ZurilHoros

    23/06/2020 18:44

    Alors donc Thibaut ressemble à la photo de Herb Ritts… Je vois. 1.70m. Il est plutôt gentil. 

  • JN01052 Avant de se quitter… et après

    JN01052 Avant de se quitter… et après

    Je regarde mon beau brun quitter les douches et commencer de s’essuyer. Les cheveux, le visage, le cou, le torse, le dos, l’entrejambe, le sexe, les cuisses, jusqu’aux pieds. Puis, il passe la serviette autour de son cou, ses deux extrémités retombant nonchalamment sur ses pecs. Là encore, c’est terriblement sexy.

    J’arrête l’eau à mon tour. Sans un mot, Jérém saisit une deuxième serviette qu’il me balance à travers la pièce. Je l’attrape de justesse avant qu’elle ne retombe sur le sol humide.

    Je commence de m’essuyer en silence. Jérém vient de s’asseoir devant un autre casier qu’il vient d’ouvrir. Voilà son casier, le cinquième sur la gauche en rentrant. Je paierais cher pour pouvoir jeter un œil à l’intérieur . Le beau brun en sort un sac de sport noir et blanc. Jérém ouvre la fermeture zip et sort un magnifique t-shirt noir col en V qu’il passe sur son torse avec un geste rapide et assuré. Bien évidemment, ça lui va comme un gant. Il en sort également un boxer de couleur bleu électrique, avec l’élastique blanc, beau à se damner. Ses jolies fesses et sa queue disparaissent dans le tissu élastique qui épouse si bien le relief de ses attributs de mec.

    Quelques instants plus tard, le beau brun est habillé, les cheveux encore humides, beau à en crever. Je n’ai pas perdu une miette de ce strip-tease à l’envers qui me fait constater une fois encore que c’est tout aussi excitant de voir un gars se rhabiller après l’amour que de le voir dessaper avant.

    Aussitôt les baskets glissées aux pieds et les lacets disparus à l’intérieur sans les nouer (là encore, plus petit con tu meurs), il attrape son sac sans le fermer et quitte la pièce. Je lui emboîte le pas, car mes vêtements se trouvent dans la salle de muscu

    Et pendant que je m’habille, je le regarde ramasser son petit débardeur blanc, son boxer et son short imbibés de transpiration et les fourrer à la va vite dans son sac. Un sac qui devient à cet instant précis une véritable boîte au trésor.

    Je noue les lacets de mes chaussures et je me sens de plus en plus mal à l’aise. Voilà comment ça se termine toujours avec lui, après le sexe. Avec ces silences insupportables. En évitant de se regarder. Comme si ce que l’on vient de faire était sale, comme si c’était mal.

    Jérém quitte la pièce, je le suis. Je passe devant lui, je suis dans le couloir. Il éteint la lumière de la salle de muscu. Nous nous retrouvons dans la pénombre. La lueur qui traverse les vitres opaques de la porte d’entrée du bâtiment est faible mais suffisante pour nous guider vers la sortie sans allumer d’autres lumières. J’ai envie de l’embrasser, mais je sais que c’est impossible. J’avance vers la sortie, le cœur lourd. Je suis complètement déboussolé.

    Ce soir, Jérém s’est montré à la fois viril et attentionné, tout ce que j’aime. J’ai même eu droit à un brin de tendresse inattendue. Tout a été parfait pour moi. Et j’ai eu l’impression que ça l’a été pour lui également. Pourquoi alors cette putain de distance, après l’amour ?

    Je regrette déjà d’avoir cédé à son SMS et d’avoir annulé le rendez-vous avec Stéphane.

    Je suis devant la porte d’entrée, dernier sas après lequel nous allons nous séparer. Jérém déverrouille la serrure, pousse le battant. Je m’apprête à sortir dans la fraîcheur de la nuit, lorsque je sens sa main se poser lourdement sur mon bras et me retenir.

    « C’était qui ce mec avec qui tu causais l’autre jour ? »

    Si au fond de moi j’espérais l’entendre me poser cette question, ce n’est pas pour autant que j’avais préparé une réponse claire et nette. Je me retrouve pris au dépourvu.

    « Un pote », j’arrive à bégayer et à mentir, après un instant de flottement.

    Hésitation que le beau brun a dû capter, puisqu’il revient à la charge, l’air pas du tout satisfait de ma réponse.

    « Un pote… comment ? »

    Il m’agace, ça ne le regarde pas.

    « Un pote », je répète froidement.

    Jérém me saisit alors par l’épaule, m’obligeant à me retourner vers lui. Il n’y a pas beaucoup de lumière, mais la noirceur de son regard me transperce littéralement.

    « Tu baises avec ? »

    Il n’a pas froid aux yeux ce petit con. Il m’énerve. J’ai envie de lui balancer que oui, j’ai couché avec lui, et alors ? Si lui n’a pas de comptes à me rendre, moi non plus je n’ai pas de comptes à lui rendre !

    Evidemment, je n’ai pas le courage d’aller au bout et d’exprimer clairement mon agacement. Une fois de plus je prends sur moi, trop soucieux de ne pas le vexer, trop craintif de mettre le mot FIN à notre relation. Ce soir-là, je ne veux pas le blesser inutilement.

    « Mais non, qu’est-ce que tu vas chercher…

     — C’était qui alors ?

     — Un pote à ma cousine Elodie. »

    Le beau brun ne semble toujours pas complètement satisfait de ma réponse. Même dans la pénombre j’arrive à capter sa moue dubitative. Je crains ses prochains mots. Je sais qu’ils peuvent être très blessants.

    « Tant mieux, il a vraiment une tête de con. »

     — Il n’a pas une tête de con !

     — C’est ça… »

    Nous quittons le bâtiment. Je regarde Jérém refermer la porte du « Temple du masculin ». Je l’entends faire claquer la serrure, puis retirer la clef. Je le regarde allumer une clope et partir sans un mot. Le crissement de ses baskets sur le goudron me transperce le cœur. Il n’est pas possible ce mec. Je ne peux me résoudre à le laisser partir comme ça.

    « Salut, je me force à lui balancer.

     — Ouais… » il lâche en retour, froidement.

    Ça ne me suffit pas, ça ne peut pas me suffire.

    « Jérém…

     — Quoi ??? » fait le petit con sur un ton agacé, mais en s’arrêtant net, et en me servant une fois de plus ce petit mot et ce ton agacé pour décourager la discussion.

    « On va se revoir ? » je trouve l’audace de lui demander.

    Dans la pénombre j’arrive à deviner son profil à la lueur au bout de sa cigarette. Son silence est tellement dur à encaisser. J’ai besoin d’une réponse de sa part, quelle qu’elle soit.

    « T’as envie qu’on se revoie ?

     — T’en poses des questions, toi…

     — T’as bonne mine de dire ça. Toi aussi t’en poses des questions. » Des questions qui en plus ne te regardent même pas. Et sinon, c’est qui cette pouffe avec qui tu t’es ramené à la piscine ? Tu couches avec ? Elle a vraiment une tête de conasse !

    Voilà ce que j’aurais dû lui balancer à la figure face à sa désinvolture. Mais devant son effronterie, je suis désarçonné, incapable de trouver les mots pour me défendre.

    « T’en poses des questions, toi… », ce seront ses derniers mots. De l’esquive, comme d’hab. Le bruit de ses pas sur goudron reprend illico et je regarde sa silhouette parfaite de mec s’éloigner dans la rue.

    Après toutes ces années, je regrette de ne pas lui avoir dit clairement ce soir-là, cet été-là, dès le printemps même, que je l’aimais comme un fou. Peut-être qu’il m’aurait tout simplement jeté comme une merde, et que notre relation aurait pris fin avant de prendre les proportions démesurées qu’elle prendra par la suite. Jérém serait passé à autre chose, et moi j’aurais fait mon deuil.

    Peut-être qu’au contraire, lui ouvrir mon cœur nous aurait peut-être empêché bien des mauvais moments, bien des bêtises, de gâcher tant de temps avant d’arriver à ce jour de septembre 2001 où notre histoire prendra un tout autre tournant. Peut-être que sur le coup il se serait moqué de moi, c’est même certain. Mais qu’importe, au moins il l’aurait su.

    Ce qui est sûr, c’est qu’il n’aurait surtout pas fallu que je lui mette la pression comme je le faisais, en lui montrant à chaque fois que baiser avec lui ne me suffisait pas. Hélas, lorsqu’on est amoureux, on est transparent, et nos sentiments se voient en filigrane dans chacun de nos gestes, de nos regards, de nos mots.

    A l’époque je n’étais qu’un jeune garçon, aveuglé par mes sentiments. Ce soir-là, en regardant Jérém s’éloigner dans la rue, la cigarette au bec, son sac de sport à la main, avec son allure assurée de mec bien dans ses baskets, je ne voyais qu’un garçon qui avait l’air de parfaitement savoir ce qu’il voulait – de la bonne baise – et également ce qu’il ne voulait pas – s’encombrer avec de la tendresse et des sentiments.

    Lorsqu’on regarde les choses de trop près, comme je regardais mon beau brun à cette époque, au sens propre comme au sens figuré, on ne voit pas ce qui se passe autour, car notre horizon est bouché.

    Oui, si j’avais su prendre un peu de distance, si j’avais su regarder un peu au-delà de la surface, je me serais peut-être rendu compte que son refus de toute tendresse n’était qu’une façon de cacher sa crainte maladive de l’attachement, de l’abandon et de la solitude.

    Commentaires

    ZurilHoros

    23/06/2020 18:37

    Voilà un texte sur lequel je voulais revenir depuis un certain temps pour le commenter comme si la suite de l’histoire m’était inconnue. C’est un épisode difficile, mais intéressant sur ce qui ressemble, à des rapports sadomasochistes.  Depuis le début, comme Sisyphe dans la mythologie, la même partition se rejoue selon les règles fixées par Jérémie et acceptées par Nico. Jérém veut se vider, Nico rapplique, il suce, se fait baiser, ou l’inverse, puis Jérém lui dira de dégager. Le seul suspens de l’épisode est de savoir si Nico aura gagné son image comme un enfant sage. Un câlin, un baiser, une nuit. Il sait que si il l’obtient, il le payera cher et qu’il sera humilier sans pitié, mais il recommencera le même cirque la fois d’après. Nico comprend assez bien la mécanique de ce cercle vicieux mais il ne peut pas s’en empêcher car il n’a pas la force d’y échapper.

    Commentaires

    ZurilHoros

    23/06/2020 18:37

    Voilà un texte sur lequel je voulais revenir depuis un certain temps pour le commenter comme si la suite de l’histoire m’était inconnue. C’est un épisode difficile, mais intéressant sur ce qui ressemble, à des rapports sadomasochistes.  Depuis le début, comme Sisyphe dans la mythologie, la même partition se rejoue selon les règles fixées par Jérémie et acceptées par Nico. Jérém veut se vider, Nico rapplique, il suce, se fait baiser, ou l’inverse, puis Jérém lui dira de dégager. Le seul suspens de l’épisode est de savoir si Nico aura gagné son image comme un enfant sage. Un câlin, un baiser, une nuit. Il sait que si il l’obtient, il le payera cher et qu’il sera humilier sans pitié, mais il recommencera le même cirque la fois d’après. Nico comprend assez bien la mécanique de ce cercle vicieux mais il ne peut pas s’en empêcher car il n’a pas la force d’y échapper

  • JN01051 Au cœur du sanctuaire à mecs

    JN01051 Au cœur du sanctuaire à mecs

    J’ai marché tellement vite que j’arrive devant la porte du vestiaire avec le souffle court. Voilà, j’y suis. Me voilà devant le sanctuaire du rugby, devant ce lieu tant de fois fantasmé, ce lieu où de nombreux beaux garçons musclés, à l’apogée de leur puissance physique et sexuelle se retrouvent pour partager les entraînements, le jeu, la fête, la joie, la déception, l’effort et tout un tas de choses plus ou moins avouables que mon imagination fertile n’a pas de mal à concevoir.

    Je regarde le bâtiment de plain-pied abritant les vestiaires et pendant un petit moment je n’ose pas y pénétrer. Je suis comme intimidé. J’ai l’impression de me trouver sur le parvis devant Notre Dame ou sur la place Saint-Pierre à Rome, l’un de ces lieux qui forcent le respect.

    Je vais pénétrer dans ce lieu source de tant de fantasmes pour le jeune gay que je suis, et je savoure les derniers instants avant de franchir le seuil de ce lieu, sorte de sanctuaire de la beauté, de la jeunesse, de la puissance virile, de l’amitié, de la complicité, de la promiscuité entre garçons.

    Je ne vais pas mentir, je suis par-dessus tout impatient de savoir pourquoi Jérém m’a fait venir. J’imagine qu’il doit être seul, sinon il ne m’aurait pas sonné.

    Cette dernière réflexion provoque en moi une brusque montée de désir, tellement puissante que j’en oublie toutes mes réticences et toutes mes branlettes mentales. Je franchis enfin le seuil du bâtiment presque d’un bond.

    C’est la première fois que je pénètre dans un vestiaire de rugby et j’avoue que ça me fait un certain effet.

    Une fois passée la porte, je me retrouve face à un petit espace d’accueil donnant sur un couloir plongé dans la pénombre et comportant un certain nombre de portes sur les deux côtés. Seule l’une d’entre elles est entrouverte, laissant ainsi filtrer de la lumière, une lumière bienvenue qui me permet de me rendre compte de la configuration des lieux et de me diriger à coup sûr vers l’endroit où mon beau Jérém doit se trouver.

    Mais la première sensation qui me frappe une fois l’entrée franchie est plutôt d’ordre olfactif que visuel. Dès le seuil passé, mes narines sont percutées par une intense odeur de « vestiaire ». C’est un mélange de gel douche, d’humidité, de déo, de transpiration. Une bonne odeur de « mecs ».

    J’imagine tous ces gars après le match, je les imagine en train de se dessaper, d’abandonner leurs maillots souillés au sol, de se retrouver à poil, en promiscuité totale et assumée, de passer sous la douche les uns après les autres. J’imagine les corps sculptés caressés par l’eau, les mains qui étalent le gel douche sur la peau, le contact des doigts avec les pectoraux, avec les tétons, avec les abdos, avec le sexe. J’imagine l’eau qui tombe, ruisselle, caresse.

    Et puis j’imagine ces beaux mâles sortant des vapeurs de la douche, j’imagine les peaux qui se frôlent, les regards qui se baladent, les blagues qui fusent. Et j’imagine des regards fuyants, discrets, curieux, refoulés. J’imagine des désirs inavoués.

    Très vite, je sens monter dans mon corps une envie de sexe irrépressible, je sens mon bas ventre papillonner, je ressens une tension presque électrique parcourir mon corps de la pointe de mes cheveux jusqu’aux orteils.

    Je regarde cette porte entrouverte, irrésistiblement attiré par cette lumière comme un moustique sur une ampoule allumée en terrasse lors d’un chaud soir d’été. En tendant l’oreille, j’entends des bruits métalliques à une cadence régulière, accompagnés par des râles d’effort.

    Jérém doit sans doute être là, en train de faire de la muscu. Dans quelle tenue va-t-il être ? Dans quelle attitude ? De quelle humeur ? Que me veut-il ?

    Je savoure cet instant pendant lequel tout est encore dans mon imagination, ce moment d’attente avant le bonheur de le retrouver, ce moment où le fantasme envahit mon cerveau et fait grimper mon excitation vers des sommets rarement atteints.

    Je pourrais rester longtemps immobilisé dans l’entrée des vestiaires, mais je ne peux plus tergiverser. Mon désir, ma trique, me poussent vers cette lumière.

    Avec un geste de prudence, je ferme la porte du bâtiment derrière moi, je mets un tour de verrou. J’avance lentement dans le couloir.

    Je prends une grande inspiration, je pousse discrètement la porte de la salle de muscu et je le vois enfin. Jérém est là, au milieu de ce grand espace rempli de machines, toute sorte d’engins aptes à sculpter de beaux corps. Des appareils à charge guidée, des vélos, des tapis roulants, un rameur. Et au milieu de tout ça, un banc de musculation sur lequel mon beau brun est allongé, les bras tendus sous l’effort.

    Sacré Jérém, allongé sur cette table, trempé de sueur, cette transpiration dont j’ai l’impression de percevoir l’odeur depuis le seuil de la porte et dont je m’enivre. Putain de Jérém, le torse gainé dans un débardeur blanc avec fines rayures à faire hurler, le bassin habillé d’un short bleu qui, vu la position, laisse moins de place à l’imagination qu’à l’observation de ses attributs masculins.

    Devant cette image de mon Jérém, je suis comme désemparé. Que dire de ce petit débardeur collé à sa peau mate et humide ? Ou de sa petite chaînette abandonnée sur son sternum, de son tatouage de mec criant la perfection de son épaule dégagée ? Ou de ses cheveux un peu en bataille, après les entraînements et la muscu ? Oui, que dire, à part que ce gars est à hurler ?

    Jérém resserre ses doigts autour de la barre chromée, prêt à redémarrer son exercice. Il inspire profondément, il met ses biceps en tension. Le beau brun commence à forcer et la barre se décolle du support. Puis, avec un geste lent couplé à un effort intense, il plie ses coudes et vient déposer l’engin sur ses pectoraux. Son visage porte la rougeur de l’effort, son souffle profond et rapide témoigne lui aussi de cet effort. Il est beau.

    Jérém marque une courte pause, il inspire un bon coup, il expire lentement. Une poignée de secondes plus tard, il entreprend le mouvement inverse, destiné à ramener la barre à sa position initiale, en haut du support. Ses bras se mettent à trembler, chacun de ses muscles semble tendu à l’extrême.

    Son visage ruisselant de sueur et grimaçant traduit l’effort extrême que sa musculature est en train de produire pour soulever ce poids, un effort à la limite de ses capacités physiques.

    Qu’est-ce que c’est beau ce corps en plein effort !

    Voilà comment on fabrique un pareil corps de rêve. Il n’y a pas de secret : de la bonne génétique, certes, mais beaucoup de travail par la suite. Et de la volonté, beaucoup de volonté.

    C’est au prix d’un effort qui paraît vraiment considérable que la barre atterrit à nouveau à hauteur des crochets. Je regarde mon beau brun récupérer petit à petit, comme dans tant d’autres occasions où j’ai eu l’occasion de l’observer, après un autre genre d’effort, bien plus plaisant. J’ai trop envie de lui…

    Je pousse un peu plus la porte. Et c’est à ce moment-là que Jérém, qui n’avait jusque-là pas remarqué ma présence, tourne la tête dans ma direction. Il me regarde avec ses yeux de braise, sexy comme pas permis. Il me jauge. Il sait que si je suis venu, si j’ai répondu à son « appel », c’est parce que je ne peux pas lui résister, parce que j’ai excessivement envie de lui. Dans son regard, tout est dit, sans besoin de rajouter un seul mot. Il me fait me sentir à lui rien qu’avec le regard.

    J’ai la respiration coupée, je me sens trembler, je commence à transpirer à mon tour. Je sens mon projet d’avoir une explication avec lui s’évaporer sous la chaleur extrême du désir.

    « Salut » je finis par lui lancer.

    « T’as fermé l’entrée ? » il me lance sans autre forme de politesse.

    Aaaahhhhh, putain… donc, c’est bien ça… ce qu’il a prévu pour moi ce soir, nécessite que l’on ne soit pas dérangés. Je suis fou !

    « Oui.

     — Approche !

    Je suis impatient de connaître ses intentions, de savoir de quoi il a envie.

    « Tu vas attraper les deux disques qui sont juste derrière et tu vas en rajouter un de chaque côté de la barre. »

    Ah… je ne m’attendais pas vraiment à ça. Mais je m’exécute, heureux de passer un moment avec mon bobrun et de le contempler « dans son milieu ».

    J’attrape les deux disques qui font quand même leur poids et je les ajoute aux autres de part et d’autre de la barre. L’odeur de son déo, mélangé à celui de sa transpiration de mec, me frappe alors de plein fouet. Son corps chauffé par l’effort dégage une intense chaleur. Je me sens attiré par lui comme une aiguille par un aimant.

    « Maintenant tu vas te placer derrière moi et tu te tiens prêt à m’aider à remonter la barre si jamais ça tourne mal. »

    Jérém est en train de me demander de l’assister pour des exercices de muscu comme si j’étais un pote à lui. Je suis fou.

    « Mets-toi derrière et fais gaffe », il enchaîne.

    Il soulève les bras, ses épaules laissent pivoter ses biceps avec un mouvement puissant, précis. Ses mains s’enroulent autour de la barre en métal poli.

    Je suis un peu inquiet pour cette responsabilité dont il me charge. Je ne connais rien la musculation, et je ne veux pas qu’il se blesse si je n’arrive pas à assurer. Si jamais ça se passe mal, je m’en voudrais à mort.

    « T’es prêt ? »

    Son parfum de mec me rend dingue, sa transpiration me fait chanceler, la vision de son corps étendu sur la table de muscu me donne carrément le tournis. Pas vraiment prêt, non. Et c’est dans ces conditions là qu’il faudrait que j’assure sa sécurité ?

    « Oui… »

    C’est un petit oui. De toute façon t’es en piste, Nico, maintenant il va falloir danser.

    « J’y vais », il m’annonce.

    Et là je vois ses biceps se gonfler à nouveau, en même temps que la grimace de l’effort se dessiner une nouvelle fois sur sa belle gueule. Le beau gosse inspire un grand coup, pousse un cri d’animal et la barre se lève au-dessus des supports. Encore plus que tout à l’heure, à cause des disques que je viens de rajouter, tous ses muscles sont tendus à bloc.

    Jérém respire un grand coup, avant de négocier un lent mouvement de descente. Le beau brun semble gérer, alors je m’abstiens de toute intervention. La barre atterrit une nouvelle fois à hauteur de ses pecs.

    Et là, je le vois inspirer un grand coup et recommencer à forcer pour faire remonter la barre.

    Cette fois-ci, l’effort paraît bien plus intense. Ses muscles se tendent à l’extrême. Le beau ténébreux serre les dents, pousse un râle venant du plus profond de ses poumons. Et la barre commence à remonter, tout lentement, millimètre après millimètre. Ses bras, son torse vibrent sous l’effet de la tension musculaire. Une veine gonfle dans son cou, la transpiration suinte de son front jusqu’à la naissance de ses pecs.

    Puis, à un moment, le mouvement vers le haut semble ralentir, jusqu’à s’arrêter. Son corps tout entier semble trembler, agité par la vibration des muscles en tension. Son visage est écarlate. Je croise son regard, ahuri. Et je me dis qu’il est temps d’intervenir. Je me penche un peu plus vers lui, je tends mes bras, mes doigts ne sont plus qu’à quelques centimètres de la barre chromée.

    C’est là qu’un « NON ! » sec s’échappe de sa gorge, comme un claquement d’arme à feu. Je m’arrête net, j’observe le beau brun fermer les yeux et poursuivre son effort. Il trime, il lutte, il souffle comme un petit taureau, il souffre. Mais, avec un dernier coup de collier, il parvient enfin à lever la barre au-dessus des crochets.

    Je le regarde, abandonné sur le banc, le torse agité par la respiration haletante, la peau mate et moite de transpiration. Il est beau à se damner. Et moi je n’ai qu’une envie, le lécher partout, le caresser, le masser, lui faire plaisir. J’ai envie d’être le réconfort après l’effort.

    Le beau gosse reste allongé pendant plusieurs minutes. Et lorsqu’il estime avoir suffisamment retrouvé ses esprits, il n’y va pas par quatre chemins :

    « Allez, viens sucer ! »

    Au moins l’invitation est clairement posée. Et comment y résister ?

    Euhhhh… je n’avais pas dit que je n’allais pas faire de galipettes avec lui à moins d’avoir d’abord une explication sérieuse ?

    C’est bien d’avoir des principes, il suffit de s’asseoir dessus pour qu’ils finissent par craquer. Non, c’est définitif. Je ne peux pas résister à ce mec. Car pour pouvoir, il faut vouloir au préalable. Et moi, je ne veux pas lui résister.

    Je fais le tour du banc de muscu et je me débarrasse de mon t-shirt qui, depuis que je suis rentré dans cette pièce saturée d’humidité, de chaleur, de transpiration, de virilité et de désir, commence à me coller à la peau.

    Je m’approche de lui, j’approche mes lèvres de son short. Je cherche, je jauge, je caresse sa queue encore mi-molle à travers le tissu fin. Je l’enserre délicatement avec mes lèvres, en remontant lentement depuis sa base, jusqu’au gland. La « bête » commence à frémir.

    Je mouille un max avec ma langue et je sens mon beau Jérém s’exciter comme si je l’avais déjà en bouche. Un instant plus tôt mes lèvres se sont posées sur une queue presque au repos. Et voilà que maintenant elles caressent un manche fort bien tendu.

    Mes lèvres parcourent lentement sa belle tige de haut en bas et de bas en haut à travers le tissu. J’accomplis cet agréable voyage plusieurs fois avant de descendre enfin son short, action que le mec me facilite en levant ses fesses au bon moment. Le petit coquin !

    La vision de ce mec au physique sculpté, allongé sur ce banc de muscu, ce petit débardeur blanc imbibé de sa transpiration, la queue bien raide, m’envoie en orbite. Je suis dans un état second. J’ai envie de tout lécher, de tout caresser, de tout exciter, de tout faire jouir, chaque millimètre de son corps. Je ne sais même pas par où commencer.

    Je pose mes lèvres et ma langue sur sa peau. J’embrasse, je lèche, je titille, je hume, je ne m’en lasse pas. Je retrouve son odeur de mâle, intense, forte, prégnante. Mes narines inspirent avidement cette fragrance masculine dont je suis en manque.

    Ses mains viennent appuyer fermement sur ma nuque en indiquant par un mouvement vers le bas le sens de la marche à suivre.

    Le beau brun sait ce qu’il veut. Je tremble d’excitation devant la perspective de lui donner ce plaisir que je suis certainement le seul à lui offrir. Et moi je nage en plein bonheur devant ce petit mec en sueur, allongé sur le dos, m’offrant l’endroit le plus intime de sa personne.

    J’écarte ses fesses bien fermes, Jérém se branle lentement. Ma bouche s’approche de son trou et ma langue l’effleure tout doucement. Je sens le beau brun frémir rien qu’à ce contact léger. Les caresses de ma langue se font de plus en plus appuyées, ses frissons se font de plus en plus marqués. Sa main libre se pose sur ma tête et appuie fermement pour m’obliger à y aller franco. Ma langue se déchaîne.

    Dans le silence de la salle, aucun autre bruit ne me parvient hormis celui de sa respiration excitée. Il n’y a pas de mots pour décrire l’effet que ça me fait de voir mon beau brun, ce p’tit macho, hétéro à la base, complètement conquis par ce plaisir interdit.

    Et quand je pense que c’est moi qui lui ai fait découvrir ce plaisir interdit, je me sens si heureux que j’en ai la tête qui tourne.

    Une idée complètement délirante fait surface dans mon esprit. Ça doit être la drogue puissante de l’excitation qui me joue des tours. Pendant un instant, je m’imagine que s’il prend autant son pied à se faire bouffer le cul, c’est que quelque part en lui il doit ressentir l’envie de se faire prendre. Une envie inavouée, certes, mais…

    Soudain, je ressens l’envie de le pénétrer. Je connais bien le plaisir que la pénétration passive peut provoquer. En revanche, je n’ai jamais eu l’occasion de découvrir le plaisir de pénétrer. Et ce soir, j’ai l’impression que j’ai envie de ça.

    Depuis mon adolescence, très tôt dans l’adolescence, depuis que les garçons ont commencé à chatouiller mon imaginaire érotique, mon désir m’a toujours amené vers l’envie de me faire pénétrer, d’offrir mon corps au plaisir d’un mec actif.

    Je bande comme jamais, et la curiosité me tenaille. J’ai trop envie de savoir ce que ça fait de prendre son pied « comme un mec », au moins une fois.

    Mais je sais bien que je suis en train de divaguer, je sais parfaitement que Jérém ne va jamais accepter ça. Je sais bien que cela fait partie des interdits. Que c’est même l’interdit suprême, même au-delà des câlins et des baisers.

    Alors, je continue de m’affairer entre ses fesses, avec un entrain redoublé. Et je constate avec bonheur que plus ma langue se lâche, plus le beau brun semble prendre son pied. J’ai envie d’aller encore plus loin, de savoir jusqu’où il a envie d’aller, jusqu’où il peut prendre son pied. Et comme ma langue a désormais atteint ses limites, je décide de changer de stratégie pour aller encore plus loin. Je mouille l’index de ma main droite. Je veux lui faire plaisir mais je crains sa réaction.

    Mais dans l’état d’excitation qui me caractérise à ce moment précis, je trouve le courage d’y aller. Mon index se pose au milieu de sa raie.

    Je viens tout juste de l’effleurer que sa réaction se manifeste, prompte. Ses genoux se déplient, les pieds se posent par terre, le buste se relève, ses yeux fulminent.

    « Tu fais quoi ? »

    Son regard est noir, vexé.

    « Rien, je voulais juste te faire plaisi…

     — Suce-moi, dépêche ! » il me coupe sèchement sur un ton qui n’admet pas d’appel.

    Je le savais. Jérém n’accepte même pas de se laisser pénétrer par mon doigt. Alors, pour ma queue, je peux toujours rêver.

    Mais qu’importe. Ma velléité passagère, éphémère et complètement déraisonnable de devenir actif, qui plus est avec le mâle Jérémie, disparaît devant la perspective alléchante de l’avoir en bouche. Et de le voir recouvrer tout entière son attitude de mec bien macho et bien bandant.

    J’ai très envie de le prendre en bouche, mais ma langue se laisse aimanter par les poils entretenus au-dessus de sa queue. Elle se laisse happer par le chemin du bonheur qui conduit à son nombril. Elle se heurte au coton humide de son débardeur.

    Je soulève le tissu par toutes petites touches, je lèche sa peau millimètre après millimètre, je découvre le goût un peu salé de sa transpiration, ainsi que le fabuleux paysage anatomique qu’est son torse.

    Ma langue s’attarde avec gourmandise dans le territoire si plaisamment vallonné de ses abdos, s’engouffre dans son nombril. Insatiable, elle reprend ensuite sa marche vers les hauteurs de son torse, mes doigts déblayant petit à petit son chemin de cette délicieuse entrave de coton humide.

    Elle arrive ainsi à cette merveilleuse vallée qui s’ouvre entre les deux reliefs de ses pectoraux, elle s’affaire à exciter ses tétons pulpeux.

    D’un geste rapide et assuré, le bogoss finit par rabattre son débardeur derrière ses épaules. La tentation est forte de continuer le voyage jusqu’à sa pomme d’Adam et à ce petit grain de beauté qui me fait toujours autant délirer.

    Chaque fibre de mon corps est tendue par une excitation extrême. Je suis arrivé au Terminus de mon voyage, et pourtant je sais qu’au-delà de la limite interdite, il reste des régions merveilleuses à visiter.

    J’ai trop envie de l’embrasser. Je m’allonge sur lui.

    Nos torses se superposent, nos peaux se caressent mutuellement, nos jambes se mélangent. Je sens sa queue raide contre la mienne. Sacrée sensation que de savoir que je le fais bander.

    J’appuie ma joue dans le creux de son cou, j’écoute sa respiration, je vis sa respiration, mon souffle semble entrer en résonance avec le sien. J’entends les battements de son cœur, je les sens s’insinuer dans mon corps. Je sens son sang comme pulser dans ses veines. Le moment est magique, doux et sensuel, émouvant.

    Jérém ne bouge pas d’un poil, il se laisse faire. A priori, je n’ai violé aucun interdit jusqu’ici. Mon visage s’approche alors du creux de son cou, je le serre contre moi. Et là, sa main se pose sur mon épaule et semble même la caresser.

    Dès l’instant où je suis rentré dans cette salle chargée d’odeurs masculines pour y retrouver mon beau Jérémie, je me suis senti au bord de l’embrasement. J’ai senti que la moindre étincelle pourrait tout déclencher. Et quand l’étincelle vient, sous la forme d’une simple, courte caresse, l’incendie est violent.

    Un simple geste, un aller-retour de sa main sur mon épaule. Ce contact inattendu, mais chargé pour moi de tant d’espoirs, me bouleverse. Je lève ma tête, je cherche en vain ses yeux fuyants. Et je commence à embrasser son visage, avidement, fébrilement, tout en caressant ses beaux cheveux bruns.

    Je ne sais pas si je suis éveillé ou si je rêve, mais je suis en train d’embrasser mon petit con de Jérém.

    J’ose promener doucement mes lèvres jusqu’à ses oreilles, les effleurer avec le bout de mon nez, furieuse envie que je refoule depuis si longtemps. Je sens mon beau brun frissonner. Il a l’air d’aimer. Est-ce qu’il acceptera que je l’embrasse ?

    Je descends le long de son visage, ma joue capte la chaleur de son souffle. Sa petite caresse m’a donné des ailes. Qu’est-ce que j’ai envie de l’embrasser ! Je ne peux m’empêcher de pincer brièvement sa lèvre inférieure entre les miennes. Là encore, aucune de réaction de sa part. J’y reviens, j’augmente la pression et la durée. Toujours pas de réaction. Fou de bonheur, je finis par tenter l’inimaginable, poser mes lèvres sur les siennes. Je teste, timidement, craintivement. La douceur de ses lèvres est un bonheur sans pareil. C’est un contact très léger, furtif, et je me retire rapidement. J’y reviens une, deux, trois fois. Jusqu’à ce que…

    Jusqu’à ce que sa main se pose sur ma tête. Elle retient fermement ma nuque. Nos lèvres s’écrasent les unes contre les autres. Et sa langue s’insinue entre mes lèvres, puissante et batailleuse. Le goût de ses lèvres est délicieux. Je sens comme de l’électricité agiter mon corps, j’en tremble. Jusqu’à ce que…

    Jusqu’à que ses mains viennent s’appuyer sur mes épaules pour m’éloigner de lui avec un geste ferme et rapide.

    Avec un simple geste de la tête, Jérém m’indique ce qu’il veut. A savoir, que je prenne sa place. Je m’exécute et je m’allonge sur la planche, dont le revêtement est bien chaud et moite de sa transpiration.

    Le geste est rapide, assuré, parfaitement maîtrisé. Et sexy à mort. Jérém se débarrasse de son débardeur et le balance à terre. Il enjambe le banc, il enjambe mon torse, il pose ses mains sur la barre chromée, et vient coller ses couilles sur mon nez.

    Elles sont lourdes et douces. Je les lèche, je les renifle. C’est un bonheur sans égal que de le sentir frissonner sous mes coups se langue. Jusqu’à ce que…

    Jusqu’à ce que je le repousse un peu. Ce coup-ci, c’est moi qui prends l’initiative. Je le repousse pour pouvoir relever mon torse. Jérém me fixe, je ne suis pas sûr qu’il ait compris où je veux en venir.

    « Viens ! » je lui balance.

    Là il a compris. Sans me quitter de ce regard qui affiche désormais une expression lubrique qui me fait chavirer, il approche sa queue de ma bouche. Et pendant que mes lèvres se resserrent autour de son manche, pendant que ma langue s’active pour lui offrir un max de bonheur, Jérém empoigne la barre de poids et commence à me limer la bouche.

    C’est viril mais sensuel, puissant et doux, tellement bon. J’ai l’impression qu’il a envie de prendre le temps. Que pour une fois sa quête du plaisir se situe dans la durée et non pas dans l’urgence. J’ai même l’impression qu’il fait attention à ne pas trop malmener ma bouche. Son attitude tranche avec sa brutalité dans d’autres occasions. Putain de Jérém, imprévisible à souhait, jamais là où on l’attendrait.

    A cet instant précis, je n’ai plus qu’un seul but dans ma vie, le faire jouir dans ma bouche, sentir ses jets exploser dans mon palais, percuter ma langue, couler en moi.

    « Vas-y, avale ! » j’entends le bogoss m’intimer, la voix soufflée par la vibration de l’orgasme.

    Et pendant que plusieurs jets lourds, chauds, épais, se répandent ma bouche, mes yeux fixent ses tablettes de chocolat juste au-dessus de ma tête, s’imprègnent de l’image saisissante de sa jeune et vigoureuse virilité. C’est carrément divin.

    Le bobrun vient de jouir, je viens d’avaler son jus jusqu’à la dernière goutte. Et déjà il se dégage de moi. Je le regarde se diriger vers une petite fenêtre qu’il ouvre avant d’allumer sa cigarette.

    Je le regarde, parfaitement à l’aise avec sa nudité, avec sa queue qui vient de jouir et qui n’a toujours pas débandé. C’est tellement beau à regarder, un beau jeune mec qui vient de jouir.

    Jérém expire une dernière longue traînée de fumée grise, il jette le mégot par la fenêtre avec un geste mécanique. Il referme le battant, il se lève, et se dirige vers moi, qui suis désormais assis sur le banc.

    « Viens ! »

    Euh… qu’est-ce qu’il a encore en tête ?

    J’adore son assurance, ce côté « mec qui sait ce qu’il veut et qui impose ses envies », ce côté « mec parfaitement conscient du fait que je ne saurais rien lui refuser ». Oui, j’adore sa façon de balancer ça sur un ton qui n’admet autre chose que l’obéissance. J’adore cette sensation de le laisser faire, de me laisser faire. De m’abandonner à lui, de le suivre dans un trip qu’il a échafaudé dans sa tête, qui m’est encore inconnu et qu’il me tarde de découvrir.

    Ce que j’aime avec ce mec c’est que jamais une baise ne ressemble à la précédente. Il y a toujours un truc nouveau, inattendu. Comment ne pas l’avoir dans la peau ?

    Je ne me fais pas prier pour le suivre. Nous traversons le couloir sombre. Jérém ouvre le battant de la porte d’en face, il allume la lumière au néon et je me trouve sur le seuil d’un vestiaire. Il est là le véritable cœur de ce « sanctuaire à mecs ».

    Sur les murs, des casiers alignés dont la plupart des portes sont laissées négligemment entrouvertes. Au milieu de la grande pièce, des bancs où se sont succédé des générations de joueurs, avec leurs émotions.

    J’ai l’impression de ressentir l’écho de ces émotions résonner autour de moi. J’ai l’impression de ressentir l’excitation, le trac, la tension, l’anxiété, la hâte d’en découdre, l’inquiétude avant le début du match. J’ai l’impression de percevoir la pression de ce moment juste avant le coup d’envoi où les esprits sont ressemblés dans l’attente que la tempête vienne et passe. Et de ressentir la souffrance physique quand il faut mouiller le maillot pour y arriver.

    Et je me retrouve à imaginer l’ambiance d’après-match, quand la tempête est passée, quand on chante une victoire ou qu’on tente de digérer une défaite. Lorsqu’on constate les bleus et les blessures, alors que la troisième mi-temps s’annonce enfin. J’imagine une belle équipe de gars en train de partager l’euphorie ou la déception, j’essaie d’imaginer ces instants où des gars enfin détendus laissent libre cours à l’expression de leur jeunesse débordante, à la complicité entre mecs, aux blagues de mecs, aux concours de quéquettes, à la promiscuité.

    J’essaie de m’imaginer l’« ambiance entre potes » qui doit régner dans ces vestiaires, cette ambiance et ces amitiés grâce auxquelles on se sent faire partie d’un groupe, d’un tout. Ces vestiaires où l’on se sent bien entre mecs.

    Les douches sont situées dans un recoin au fond de la pièce. Des images trottent dans ma tête, images d’eau qui coule, de vapeurs éphémères, de serviettes négligemment nouées autour de la taille, de nudités musclées, de torses imberbes ou poilus, des mollets costauds, de fesses bien fermes, des tétons saillants, de biceps bien développés, de queues qui se baladent en toute décontraction.

    Après l’alignement des casiers, je remarque une table pour massages. C’est vers là que mon bobrun se dirige d’un pas assuré. Soudain, je capte ses intentions. Sacré petit coquin, il avait donc bien préparé son coup ! Depuis combien de temps, combien d’entraînements, combien de match, cette petite canaille lorgnait cette table en se disant : « Tiens, je pourrais baiser Nico là-dessus », tout en discutant à poil avec ses potes ?

    Le simple fait de penser qu’il ait pu avoir cette idée en pensant à moi alors qu’il était entouré de ses potes en train de se doucher, de se sécher, de s’habiller, tout en discutant rugby ou nanas, ça me donne le tournis.

    Ainsi, il pense à moi, parfois. Ou, du moins, il pense à comment nos baises pourraient être encore plus chaudes. A moins qu’il ait déjà testé cela, et que je ne sois pas le premier mec qu’il baise sur cette table.

    Mais cette pensée désagréable est vite balayée par l’enchaînement des événements. Un instant plus tard, je me tiens en appui sur mes coudes sur la table pour massages. Jérém est débout derrière moi, en train de coulisser entre mes fesses.

    Oui, c’est la première fois que je pénètre dans des vestiaires. Et, a fortiori, la première fois que je me fais pénétrer dans des vestiaires. Et c’est si excitant, si bon de sentir les va-et-vient de sa queue, me faire défoncer en attendant qu’il me remplisse le cul de son jus.

    Jérém se déboîte de moi, me fait m’allonger sur le dos, les fesses au bord de la table. Le beau brun veut me prendre par devant. Et ça me rend fou.

    J’adore me faire prendre par derrière, me sentir complètement dominé, à la merci de mon mâle brun en quête de son plaisir. Mais le pied absolu est pour moi de voir mon Jérém en train de prendre son pied, de voir ses attitudes de mec pendant la baise, d’assister au spectacle viril suprême, celui de voir passer sur son visage le frémissement de sa jouissance de mec.

    D’autant plus que j’ai l’impression que Jérém kiffe que je le regarde prendre son pied.

    D’un geste ferme, vigoureux, assuré, il saisit mes jambes, les passe sur ses épaules. Il avance son bassin, il y va franco, il me pénètre à nouveau, il me baise à nouveau. Sa chaînette se déchaîne, ondule au rythme de ses coups de reins. Putain de bel étalon ! C’est tellement beau de le voir en train de me sauter ! Plus sexy que ça, tu meurs ! C’est tellement bon que j’en tremble.

    Le beau mâle ferme les yeux. Il balance la tête vers l’arrière et il bombe son torse, ce qui a pour effet de faire ressortir ses pectoraux d’une façon absolument spectaculaire. Débordé par son plaisir de mec, il souffle profondément, ses coups de reins semblent ralentir mais gagner en amplitude.

    « Putain… putain… ! » je l’entends balancer presque dans un état second, le souffle coupé. Une exclamation que j’interprète comme n’étant que l’amorce d’un constat qu’il ne saurait assumer : « Putain… putain… qu’est-ce que c’est bon ! »

    Ce qui est bon pour lui, l’est pour moi aussi, car son plaisir est mon plaisir. Au cœur de ce sanctuaire de la virilité sentant la testostérone à plein nez, je me fais divinement tringler par mon beau mâle brun.

    J’essaye de me retenir mais je sens que je perdre pied d’un instant à l’autre, sans même que ma main n’effleure ma queue. Je ne veux pas jouir avant lui. Je veux lui laisser prendre son pied jusqu’au bout et je veux prendre mon pied jusqu’au bout.

    Hélas, j’ai beau essayer de me concentrer pour retarder mon orgasme, je finis par gicler sur mon ventre avant que Jérém ne vienne.

    Mais son orgasme n’est pas loin non plus. Encore quelques coups de reins et le corps du beau brun est secoué par la déflagration du plaisir. Sa bouche laisse échapper quelques râles contenus. Le gars est en train de se vider en moi.

    Le beau brun dégage mes jambes de ses épaules. Il se déboîte de moi et il part illico vers les douches.

    Je suis épuisé, et je suis frustré par l’absence totale de tout geste de tendresse ou de complicité après le plaisir que nous venons de nous offrir. Une absence qui ternit mon bonheur, qui me plonge instantanément dans un abîme de solitude et de profonde tristesse. Qu’est-ce que c’est triste, l’instant après l’orgasme. Lorsque, après être partis au septième ciel, aucune tendresse ne vient amortir le retour brutal sur Terre.

    Je prends sur moi, je tente de faire bonne figure, et je me motive pour me relever et pour me diriger vers les douches à mon tour. Pour rien au monde je ne raterai le spectacle de mon brun en train de se savonner sous l’eau. Je me douche juste à côté de lui, et je le mate sans retenue.

    Je regarde l’eau ruisseler sur son corps, glisser sur ses abdos et s’échapper au bout de sa queue enfin au repos. Jérém me regarde fixement, alors que l’eau ruisselle sur ses beaux cheveux bruns.

  • JN01050 Dilemme toulousain

    JN01050 Dilemme toulousain

    Dimanche 24 juin 2001

    Inattendu. Jérém qui m’envoie un SMS. Il veut me voir, au terrain de rugby. Mon cœur s’emballe. Qu’est-ce qui se passe ?

    Dans la minute qui suit je dois prendre une décision importante : envoyer zéro, un ou deux SMS.

    Dans le premier cas, j’ignorerais celui de Jérém, mettant définitivement le mot FIN à notre histoire. Dans le deuxième cas, je refuserais son invitation, ce qui aurait à peu près le même résultat. Dans la dernière hypothèse, j’annulerais le rendez-vous avec Stéphane pour replonger une fois de plus sans conditions avec mon beau brun.

    C’est exactement ce que je m’étais promis de ne plus jamais faire. De ne plus accourir dès qu’il me sonne, de ne plus aller me faire baiser, et me faire jeter juste après.

    Mais en même temps, parfois son attitude macho m’énerve. L’assurance, l’aplomb qui transpirent de son SMS :

    Vien au vestiaire rugby tout de suite

    ont un côté carrément insupportable. Dans sa tête, c’est comme si j’étais tout le temps à sa disposition, comme si une réponse par la négative était tout simplement inenvisageable, comme si je passais ma vie là à l’attendre, comme si je n’avais pas d’autre occupation que de rester chez moi en attendant que ce soit enfin mon tour de passer dans son pieu.

    Depuis le début de nos « révisions », ça a été ça en fin de compte. Son arrogance de jeune mâle pour qui il n’y a que son plaisir qui compte est insupportable. Mais aussi insupportablement excitante. Alors, je ne pouvais rien faire d’autre qu’attendre qu’il veuille bien de moi.

    Mais là, là il se trouve que j’ai précisément autre chose de prévu. Et je trouve que c’est une bonne chose de le faire savoir à Jérém. Aussitôt, un SMS commence à s’écrire dans mon esprit :

    Ce soir j’ai un truc de prévu, je te sonne quand je suis dispo,

    à +

    J’imagine sa tête en lisant un message de ce genre. Il serait fou.

    Mais pourquoi me demande-t-il de le rejoindre au terrain de rugby ? Veut-il juste me baiser une fois de plus ? Ou bien, je peux rêver, est-ce qu’il veut me parler, est-ce qu’il veut que nous ayons une explication après m’avoir vu discuter avec Stéphane dans la rue ? Est-ce qu’il va laisser éclater au grand jour cette jalousie que j’ai captée dans son regard la veille ? Est-ce que Jérém va me montrer qu’il tient à moi ?

    Je reprends mon portable, le message de Jérém est toujours affiché, avec ses erreurs d’ortho que je trouve si touchantes.

    Vien au vestiaire rugby tout de suite

    Oui, j’ai très envie d’avoir une explication avec lui. Aussi, quand je repense à ce qui s’est passé hier à la piscine, j’ai trop trop trop envie de lui. Et puis, son SMS contient trois mots magiques : « vestiaire de rugby ». Le fantasme absolu.

    Dans ma tête, là où tout était en apparence parfaitement limpide jusqu’à quelques secondes plus tôt, tout se brouille.

    Mon relevé des appels du mois de juin 2001 indique que le mercredi 27 mon 06 a passé un SMS à 19h57’37’’ :

    J’y serai dans 10 minutes

    Et un deuxième à 19h58’58’’ :

    Salut Stéphane, désolé, j’ai un imprévu, faut remettre notre rendez-vous. Bises

    Définitivement, je suis un cas désespéré.

    « J’y serai dans 10 minutes », voilà ma réponse. A Jérém. Comme une évidence.

    Je regrette presque à l’instant la rapidité de ma réponse et la totale disponibilité, la soumission évidente que témoigne ma réaction à son SMS, tel un petit chien bien dressé par son maître. J’ai essayé de résister, d’aller contre l’évidence. Mais quand ce mec me propose d’aller le rejoindre, voilà, je ne raisonne plus. Je ne suis qu’instinct, sensualité. Ça fait tout juste 24 heures que j’ai couché avec lui mais le fait de recevoir ce SMS m’attire à lui avec une urgence et une nécessité auxquelles je n’ai pas le pouvoir de m’opposer.

    Vraiment, je l’ai dans la peau. J’adore son corps, j’adore son odeur, j’adore sa queue, je suis fou de lui.

    Non, je ne peux pas résister à son appel. En revanche, je me dis que je profiterai de cette occasion pour lui balancer à la figure tout ce que je ressens. Pour lui dire aussi que sa réaction le matin après le Shangay m’a blessé. Tout comme j’ai été blessé par son refus méprisant d’une galipette le mercredi du bac. Et que je ne peux plus continuer à coucher avec lui sans la moindre tendresse, que ça me fait trop mal d’être mis à la porte juste après, sans un regard, comme un simple plan cul.

    Oui, je sais, je m’emballe vite. Je sais pertinemment que quand je le verrai, quand je serai devant lui, confronté au désir violent que ce mec m’inspire, mes idées et mes propos si fermes à cet instant vont se brouiller. Et que son déo va finir par avoir raison de toutes mes résolutions. Mais pour l’heure, j’ai besoin d’arrêter cette décision ferme – décision que je sais pertinemment inapplicable – pour ne pas perdre la face, face à moi-même, pour ne pas trop m’en vouloir d’avoir si vite cédé à son appel.

    Dans la rue, je marche vite, et j’ai l’impression de planer. Mon corps est parcouru d’intenses frissons. Putain, je vais retrouver Jérém dans les vestiaires du terrain de rugby. Mais qu’est-ce qu’il a en tête, au juste ?

  • JN01049 Hors-série Gueule d’Ange, un beau serveur

    JN01049 Hors-série Gueule d’Ange, un beau serveur

    Toulouse, le samedi 04 novembre 2017.

    Hier soir, je suis retourné à Toulouse pour passer une partie du week-end avec mes parents. Et ce matin, après le petit-déjeuner, j’ai envie de faire un tour en ville.
    Je me promène du côté des Carmes sans but précis, si ce n’est celui de prendre l’air, lorsque soudain, dans cette matinée grise et froide, dans mon horizon bouché par une intense mélancolie, un rayon de soleil apparaît. Il est intense, il est lumineux, il est aveuglant.
    Une fraction de seconde, une image incomplète de toi captée du coin de l’œil, et je suis complètement subjugué. Car tu viens de m’arracher de ma morosité, tu viens de remettre des couleurs dans mon horizon terne.
    Tu es rentré dans mon champ de vision, ton existence vient de m’être révélée. Et dès la toute première seconde, mon regard s’est trouvé comme verrouillé sur ta personne. Et plus rien n’existe autour de toi, et en dehors de toi.
    Alors, je pile net. Tellement net que je manque de peu de me faire renverser par la nana qui me suit sur le trottoir, les yeux rivés sur son portable, ce qui lui la rend tout autant fautive que moi.
    Ce matin, je n’avais pas prévu de faire une pause-café. Et pourtant, me voilà avec une soudaine envie de cappuccino.
    Alors, sans te quitter des yeux, j’avance vers toi par le chemin le plus court. Je ne peux pas ne pas venir vers toi, j’ai besoin de voir ta belle petite gueule de plus près. J’ai besoin de capter tous les détails de ta beauté. J’ai besoin de comprendre si tu es réel ou bien si je n’ai fait que rêver de cette sublime beauté.
    Je m’approche de l’entrée du café et, pendant un instant, je te contemple à travers la baie vitrée. Et là, en te regardant d’un peu plus près, le constat se confirme. Tu es vraiment, vraiment splendide.
    Tu as des cheveux châtains très clairs, avec des reflets dorés comme le blé au mois de juin, et tu les as façonnés avec une petite crête impertinente à la Cristiano Ronaldo des premières années. Tu as des yeux gris sublimes qui semblent capturer, refléter et décupler toute la beauté du monde. Tu portes un t-shirt blanc bien ajusté à ton torse élancé, avec un col en V qui laisse dépasser quelques poils bien virils, ainsi que des portions d’une chaînette de mec aux mailles épaisses.
    En rentrant dans le café, je suis saisi par une folle envie de faire un truc dingue. J’ai envie de venir te voir direct, j’ai envie de te parler en toute simplicité et en toute honnêteté, j’ai envie de te parler de l’Evidence. J’ai envie de te dire, tout simplement : « Tu vas me prendre pour un taré, mais il faut vraiment que je te dise que tu es incroyablement beau ».
    Evidemment, je n’ose pas le faire. Tout ce que j’arrive à faire, c’est m’installer à une table vide, dans un coin du café, en attendant que tu viennes me voir pour prendre ma commande.
    Je te regarde sortir de derrière ton comptoir, un plateau à la main, je te regarde traverser la salle et partir servir une table éloignée de la mienne.
    Mon regard te suit à la trace, et finit par croiser le tien. J’ai l’impression de me liquéfier.
    Ça ne fait pas plus d’une minute que j’ai découvert ton existence, et je suis déjà complètement sous ton charme.
    Lorsque je te vois enfin approcher de moi, j’en ai instantanément le souffle coupé. Je ne te donne pas plus que 22, 24 ans au plus. J’en ai déjà 35. Et, pourtant, tu m’impressionnes. J’ai du mal à soutenir ton regard que je viens de croiser pour la deuxième fois et qui me donne toujours autant de frissons.
    Avec un sourire à faire tomber des remparts de citadelle fortifiée, avec un entrain charmant, tu me lances :
    —    Bonjour !
    —    Bonjour, je te salue à mon tour.
    —    Qu’est-ce que je vous sers ?
    J’aime ta voix un peu nasale, une voix jeune, avec un accent du sud assez marqué. Une voix qui m’apporte d’autres frissons encore.
    J’aimerais qu’on me « serve » le serveur ! je manque de peu de te répondre.
    —    Je voudrais un cappuccino, s’il vous plaît, je finis par te répondre.
    —    Chantilly ou mousse de lait ? tu m’interroges.
    —    Un cappuccino à la Chantilly, ce n’est pas un cappuccino, je pontifie.
    —    C’est bien vrai, ça, tu me réponds du tac-au-tac, en me faisant une nouvelle fois le sublime cadeau de ton sourire magnifique.
    Seule ombre au tableau, ce vouvoiement qui est une forme de politesse réciproque, mais qui instaure d’entrée une double distance entre nous. Celle qu’il y a entre le professionnel et le client. Mais aussi celle qui subsiste entre tes vingt ans et mes trente-cinq ans.

    Toulouse, le samedi 11 novembre 2017.

    Ce matin je me suis levé en pensant à toi. C’est dingue comme tu habites mes pensées depuis une semaine, depuis le premier instant où je t’ai aperçu à travers la baie vitrée d’un café en ville.
    Alors j’ai pris ma voiture et je suis allé à Toulouse pour prendre un cappuccino à la mousse de lait.
    Faire plus de soixante bornes pour boire un cappuccino, ça peut paraître dingue. Comme si chez moi, à Martres Tolosane, il n’y avait pas de café…
    Mais le fait est que j’ai envie de TON cappuccino. Et, surtout, j’ai vraiment envie de te revoir. Non pas que je me fasse la moindre illusion que je puisse te plaire, ou qu’il puisse se passer quoi que ce soit entre nous. Je suis bien trop lucide et pas assez téméraire pour imaginer ça.
    Car, déjà, tu dois être hétéro. Et puis, de toute façon, si tu décidais d’essayer autre chose que les nanas, ce n’est pas vers moi que tu te tournerais.
    Mais cela ne m’empêche pas de revenir te voir. Le fait est que samedi dernier tu m’as offert un instant de beauté, de lumière, un instant hors du Temps. Car tu as su m’apporter ce petit frisson que je n’avais pas ressenti depuis un long moment, le frisson que seul sait m’inspirer un jeune, beau et charmant garçon. Un garçon touchant. Le genre de frisson qui est bien plus que du désir charnel.
    Et, de ce petit frisson qui chatouille au fond du ventre et qui redonne des couleurs à la vie, j’en redemande !
    Alors qu’importe les bornes. Ce qui m’importe, c’est de t’approcher, de vivre un autre moment de grâce dès que ta présence emplira mon horizon, et me laisser irradier par ta beauté et ta jeunesse de la même façon qu’on se laisse bronzer au soleil sur la plage. J’ai besoin de retrouver ton sourire, de le laisser réchauffer mon cœur. Car ce sourire est un véritable cadeau du ciel.
    Lorsque j’arrive devant la baie vitrée du café, tu es en train de t’affairer derrière ton comptoir, dans ton « uniforme » de petit barman charmant, un autre t-shirt blanc avec col en V bien tendu sur ton torse élancé.
    Je passe la porte d’entrée, j’approche du comptoir et je lance un « Bonjour ! » bien appuyé.
    Tu lèves à peine les yeux, tu lances à ton tour un « Bonjour » rapide, sans même lever la tête du presse-agrumes avec lequel tu es en train de transformer des oranges en jus de fruit.
    —    Quand vous aurez terminé, je pourrais avoir un cappuccino, s’il vous plaît ? je tente d’attirer ton attention, tout en essayant de ne pas t’importuner.
    —    Avec mousse de lait, sinon ce n’est pas un cappuccino ! tu me lances, railleur, en levant enfin la tête, ton beau sourire au coin des lèvres, m’aveuglant de ce regard clair et profond dans lequel j’ai envie de me noyer.
    Comment seraient doux, les baisers que je poserais sur ton front, sur tes yeux, sur tes lèvres !
    —    C’est ça ! je me réjouis de cette petite complicité inattendue entre nous.
    Ainsi, tu te souviens de moi, et de ma petite « pédanterie » de samedi dernier. Je suis très flatté. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est un petit rien qui me met du baume au cœur.
    —    Vous désirez autre chose ? tu me demandes.
    —    Une chocolatine, s’il vous plaît !
    —    Je vous amène tout ça dans une seconde ! tu me réponds, toujours souriant et serviable.
    Ta gentillesse et ton amabilité en rajoutent encore à ton charme naturel. Et à ce frisson qui ne cesse de grandir dans mon ventre.
    Dans l’attente que tu viennes m’apporter mon petit déj, je me régale des fragrances qui saturent l’air de la salle. L’arôme de café et des viennoiseries, la douce senteur des réveils en douceur.
    Quelques instants plus tard, tu approches de ma table avec ton plateau à la main.
    —    Monsieur est servi ! tu me lances, gai comme un pinson.
    Si je fais abstraction du « Monsieur » qui ajoute encore de la distance entre toi et moi, tu me fais vraiment craquer. Et l’une des raisons à cela réside tout simplement dans le fait que tu as toujours l’air d’être de bonne humeur, que tu es toujours pétillant, plein d’énergie, animé par cette joie de vivre qu’est l’apanage d’une jeunesse insouciante.
    Tu es un véritable rayon de soleil. Et qu’est-ce que c’est délicieux juste pouvoir te regarder travailler, sourire, exister !
    Car tout semble couler de source pour toi. Tes tâches de barman que tu exécutes avec aisance, tout comme cette jeunesse que tu promènes sur toi sans avoir probablement conscience du « bien » inestimable et fragile qu’elle représente.
    A 20 ans, tout paraît simple, tout paraît possible. A 20 ans, tout est simple et possible.
    Adorable petit barman, qu’aimes-tu dans la vie ? Qui sont tes potes ? Que partages-tu avec eux, avec ces veinards à qui le destin à offert la chance de pouvoir te côtoyer ?
    Qu’est-ce que tu aimes dans la vie ? Qu’est-ce qui te rend heureux ? Qu’est-ce qui, au contraire, te met en colère ? Quel est le truc le plus dingue que tu n’aies jamais fait ? Quel est le truc le plus dingue que tu aurais envie de faire aujourd’hui, si tu en avais la possibilité ?
    Est-ce que tu as une copine ? Est-ce que tu es fidèle ? Est-ce que, au contraire, tu papillonnes ?
    Qui es-tu vraiment, petite Gueule d’Ange ?
    J’avoue que, parfois, j’ai un peu de mal à te cerner. Tantôt, tu affiches un regard enfantin qui me donne envie de te prendre dans mes bras, de te couvrir de bisous, de te faire les câlins les plus doux, de te dire à quel point tu me touches.
    Puis, d’autre fois, et parfois juste un instant plus tard, juste avec un(e) autre client(e), j’ai l’impression de déceler chez toi un délicieux mélange de malice et de coquinerie qui me donne envie de te faire et de me laisser faire les trucs les plus torrides.
    Oui, parfois, tu as l’air d’un garçon sage à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Et parfois tu as l’air d’un petit fripon à qui on donnerait la bonne pipe sans hésitation.
    Tu es mi-ange, mi-démon. Ange, parce que tu as l’air tout gentil. Démon, parce que, sous tes airs « angéliques », je crois bien que tu es parfaitement conscient de l’effet que tu fais sur le plus grand nombre.
    Peut-être bien que tu es les deux à la fois. Ou bien, tour à tour, l’un ou l’autre.
    Hélas, ce matin, le « danger » rôde autour de toi. Il se présente sous les traits d’une nana sapée et maquillée qui rentre dans le café et s’installe direct sur l’une des chaises hautes devant le comptoir, juste devant toi. Elle te parle, elle te sourit. Tu lui parles, tu lui souris à ton tour, vous avez l’air complices. Tu la connais d’où, cette poufiasse ?
    Je trouve ton attitude à son égard bien différente de celle que tu affiches avec d’autres clients. Ton sourire charmant semble soudainement s’être mué en sourire charmeur. Tu lui fais de l’effet, c’est certain. Mais elle te fait de l’effet, aussi, hein ?
    Je me doute bien que les nanas doivent te tourner autour. Tu es trop mignon pour qu’il en soit autrement. Toute la journée derrière ton comptoir, tu vois défiler un bon paquet du monde. Derrière ton comptoir, tu es comme sur un podium, tous les regards convergent vers toi. Dans ce café, on ne voit que ta Gueule d’Ange !
    Et les garçons, alors ? Il doit certainement y en avoir qui te matent aussi. Tu as forcément dû à un moment ou à un autre capter des regards de mecs qui s’accrochent à ton sourire, à ton regard, qui caressent ton corps, qui contemplent ta mâlitude.
    As-tu déjà senti sur toi un regard qui s’attarde, qui se dérobe en rencontrant le tien, mais qui revient sans cesse à toi ? As-tu déjà ressenti sur toi un regard comme le mien ? Es-tu déjà tombé sur un regard plus couillu, plus affirmé, un regard qui ne s’est pas démonté en croisant le tien, un regard troublant dans lequel tu as pu lire clairement un désir brûlant ?
    Qu’est-ce que ça te fait, ce genre de regard ? Est-ce que ça te met mal à l’aise ? Est-ce que ça te laisse indifférent ? Est-ce que tu le tolères uniquement de la part d’un client, justement pour la seule et unique raison que c’est un client et qu’il faut amadouer le client ?
    Est-ce qu’au contraire, cela t’agace ? Est-ce que ça te dégoûte, même ?
    Comment réagirais-tu si un mec s’approchait de toi et te disait, comme j’ai failli le faire la première fois que je t’ai vu :
    « Tu vas me prendre pour un taré, mais il faut vraiment que je te dise que tu es incroyablement beau » ?
    Est-ce qu’un jour quelqu’un a osé venir t’interpeller de cette façon, avec cette justesse ?
    Est-ce que si un mec te matait dans un autre contexte, tu serais moins conciliant ? Ou carrément hostile ? J’ai du mal à penser à toi comme à autre chose qu’un gentil garçon. Mais, au fond, je ne te connais pas. Dans ce café, je ne vois que le serveur, pas l’« homme » sous-jacent.
    Comment j’aimerais connaître cet « homme » !
    Est-ce que tu n’as jamais ressenti un frisson en croisant le regard d’un autre garçon ? Ne t’es-tu jamais dit : « putain, ce mec qui vient de rentrer dans le café me fait de l’effet ! » ?
    Et si cela n’est pas arrivé au café, est-ce que ça t’est déjà arrivé ailleurs ?

    Lundi 13 novembre 2017, 23h41.

    La porte d’entrée de ton appartement vient de claquer derrière nous. Je te colle contre le mur, je t’embrasse fougueusement. Oui, petit con, tu me fais un effet dingue.
    Ton t-shirt blanc bien coupé est un pur bonheur. J’ai envie de caresser et d’exciter tes tétons à travers le coton doux. Mais l’envie la plus forte est celle de découvrir ton physique de petit con.
    Alors, très vite, j’attrape le bas, je le soulève. Tu secondes mon mouvement en levant les bras. Ton torse dénudé se dresse devant mes yeux, je suis vraiment dingue de toi.
    Ah, oui, tu as carrément un beau physique de petit con, conforme à ce que j’imaginais. Elancé, bien proportionné, dessiné juste ce qu’il faut pour me donner une envie déraisonnable de t’offrir un plaisir inouï.
    Je plonge mon visage – bouche, langue, nez, front, joues – dans la peau velue et douce entre tes pecs, je mordille tes tétons. Et tu ahanes de bonheur.
    Pendant que je parcours fébrilement ton corps avec mes mains et avec ma langue, je repense à toutes ces fois où je t’ai maté en attendant mon cappuccino, à tous ces matins où je me suis levé en pensant à toi, à toutes les fois où je me suis branlé en pensant à toi.
    J’ai vraiment, furieusement envie de toi. J’ai envie de tout avec toi, j’ai envie de tout ce dont tu as envie.
    Je te pompe comme un fou. Et tu jouis copieusement dans ma bouche. Et j’avale jusqu’à la dernière goutte.

    Voilà un scénario bien sympathique que j’appelle à la rescousse à chacun de mes plaisirs solitaires depuis que j’ai découvert ton existence.

    Toulouse, le samedi 18 novembre 2017.

    Je viens te revoir dès le samedi suivant.
    Lorsque j’arrive au café, tu es en train de discuter avec un petit brun assis au comptoir, un petit mec plutôt mignon qui doit avoir à peu près ton âge. Tu portes ton sempiternel t-shirt blanc avec col en V délicieusement ajusté à ta plastique élancée, il porte un maillot aux couleurs du TFC. Un footeux, donc. Tu es beau et sexy, il est sexy et beau.
    Je suis instantanément fasciné et intrigué par votre amitié, touché par votre complicité, jaloux de votre proximité.
    Je m’installe donc à une table pas trop éloignée du comptoir, en espérant pouvoir capter votre conversation et en apprendre un peu plus sur toi, sur vous.
    Et ma petite manigance ne manque pas de porter ses fruits. En captant vos échanges, j’apprends que toi aussi tu joues au foot, et que ce petit brun est l’un de tes co-équipiers. Mais aussi un pote, et depuis assez longtemps. Peut-être même ton meilleur pote.
    Et à cet instant précis, le fantasme prend le pas sur la fascination et la curiosité. Et d’autres questions se superposent à celles qui me hantaient déjà à ton sujet.
    Est-ce que, vestiaire après vestiaire, douche après douche, la promiscuité des corps et des regards n’a pas fini par faire germer en toi des questions, des doutes, des envies ? Est-ce que tu ne t’es pas dit, au sujet de ce sublime petit brun, « j’ai bien envie de tenter un truc avec lui » ?
    Soudain, je vous imagine dans un vestiaire, dans la pénombre, dans le silence, rien que tous les deux, après que tout le monde est parti.
    Je vous imagine hésitants, j’imagine vos respirations rapides, les regards à la fois aimantés et fuyants. J’imagine vos doutes, vos peurs, vos désirs encore inavoués et pourtant si intenses, si palpables.
    Et puis, j’imagine l’instant où vos attirances réciproques ont eu raison des barrières qui les empêchaient depuis longtemps déjà de se manifester et de se rencontrer. J’imagine l’instant où vos envies ont déboulé en force, comme une rivière en crue, comme un ressort tendu jusqu’à la limite de la rupture et enfin relâché.
    J’imagine l’instant magique où vos deux désirs se sont rencontrés, et se sont réciproquement compris, rassurés, encouragés.
    J’imagine le plaisir partagé, comme un feu d’artifice. J’imagine vos orgasmes, vos giclées chaudes qui jaillissent, qui aspergent la peau, le palais, qui dépucèlent.
    J’imagine tout ça. Je le fantasme.
    Ce que je ne fantasme pas, c’est ton prénom. Ce prénom que ton pote brun m’apprend en partant.

    Toulouse, le samedi 25 novembre 2017.

    Après m’être branlé à plusieurs reprises dans la semaine en t’imaginant en train de jouir dans le cul de ton pote, ou bien ton pote en train de jouir dans le tien, je ne manque pas de revenir te voir le samedi suivant.
    Aujourd’hui, ton pote brun n’est pas là. Je suis plus serein, j’ai l’impression de t’avoir « un peu plus pour moi ». Et je n’ai surtout pas à supporter les piqûres d’un début de jalousie qui m’a cueilli en te voyant si complice avec ton pote samedi dernier.
    Je savoure mon cappuccino tout en te regardant voltiger entre les tables, beau comme un Dieu. Et je me dis que tu es tout à fait le genre de mec qui a pu faire tomber amoureux de toi ce camarade timide et maladroit et qui ne regardait pas les filles.
    Tu as tout à fait le profil pour avoir été le protagoniste de l’énième réécriture du scénario infiniment joué sur les bancs du collège ou du lycée, celui de l’amour impossible d’un jeune homo pour un mec à nanas. Une histoire qui se répète de façon immuable, à chaque génération, chaque année, chaque jour, dans presque chaque classe.
    Petit barman, as-tu remarqué un jour ce camarade de classe qui n’osait pas de parler et qui baissait les yeux quand il croisait ton regard ?
    Sais-tu à quel point le fait de ne pas oser aller vers toi, de peur de se faire jeter, le meurtrissait ?
    Sais-tu qu’aujourd’hui encore, il lui arrive de repenser à toi, comme à l’une des plus grosses frustrations de sa jeunesse ?
    Sais-tu à quel point il t’avait dans la peau, à quel point il avait envie de toi ?
    Peut-être que ça ne t’a jamais percuté. Ou alors, bien au contraire, tu l’as bien remarqué, ça t’a flatté. Et tu en as un peu joué, mais sans aller plus loin. Car, au fond de toi, ça te plaisait de sentir le désir que tu lui inspirais. Et de savoir que si tu avais voulu aller plus loin, il t’aurait suffi d’un mot, d’un geste. Ça te donnait un sentiment de toute puissance.
    Mais ce mot, ce geste, tu ne les as jamais employés. Car, même si tu y as pensé quelques fois, ça ne t’a jamais vraiment branché. Ou alors, tu n’as tout simplement pas eu le cran.
    Puis, le bac est arrivé, et vos chemins se sont séparés. Tu es parti dans ta vie et lui dans la sienne, tu ne l’as plus jamais revu, et tu n’as plus jamais pensé à lui.
    Ou bien, peut-être qu’au fond de toi tu te souviens de ses regards amoureux. Peut-être que tu es parfaitement conscient que plus jamais personne depuis ne t’a regardé de cette façon. Avec cette intensité, avec cette passion, avec cet amour éperdu. Peut-être que plus jamais personne n’a été aussi amoureux de toi que lui il l’était à ce moment-là.

    Peut-être que rien de cela ne s’est passé dans ta vie. Ou que si ce camarade a vraiment existé, tu n’as jamais rien su de ce qu’il ressentait pour toi.

    Il est temps pour moi de partir. Mais, avant cela, un dernier instant de bonheur, celui de m’approcher une dernière fois de toi pour régler ma consommation. J’attends que tu reviennes derrière ton comptoir. A cet instant, tout le monde semble servi, et tu t’autorises un instant de détente.
    Tu lèves les bras, tu plies les coudes, tu serres les poings. Puis, tu les rouvres, tu portes tes mains derrière la nuque, tu ramènes les épaules en arrière, tu bombes le torse. Tu bailles, tu t’étires.
    Toute cette manœuvre a pour effet immédiat et magique de bien faire ressortir le dessin de tes pecs sous le coton blanc, de faire pointer tes tétons, de soulever le bas de ton t-shirt, découvrant d’abord l’élastique noir de ton boxer. Mais aussi, image furtive mais incandescente, cette ligne de petits poils dorés et fins qui descend depuis ton nombril, comme pour indiquer le cheminement vers ton sexe.
    Et ce qui rend la chose super-excitante c’est que tu n’as pas conscience de ce qui vient de se passer.
    —    Mauvaise nuit ? je te questionne en m’approchant du comptoir, et de toi, en espérant intimement que tu ne te contentes pas d’acquiescer.
    —    Oui, pas terrible, tu me réponds sans rien ajouter de plus, en douchant tous mes espoirs d’en savoir davantage sur ce, celle ou celui qui a rendu ta nuit « pas terrible ».
    Avant de m’encaisser, tu te penches sur l’évier pour attraper des verres, ce qui m’offre une deuxième rare vision de bonheur. Le col en V de ton t-shirt baille un peu, permettant ainsi à mon regard ravi de glisser assez profondément dans l’espace entre le coton et ta peau délicatement velue.
    Je suis tout proche de toi, j’ai l’impression de capter un parfum de gel douche qui se dégage de ta peau.
    A cet instant précis, hanté par ces deux images volées de ton intimité, je suis secoué par une furieuse envie de plonger mon nez dans l’échancrure de ton t-shirt, de caresser les poils de ton torse, de capter, de m’enivrer de l’odeur de ta peau, de descendre le long de ton torse pour humer les poils fins en dessous de ton nombril.
    Petit serveur, si tu savais comment j’ai envie de toi, ce matin !

    Je règle en espèces. Lorsque tu me rends la monnaie, je provoque volontairement un contact furtif.
    Et à l’instant où les bouts de mes doigts effleurent la peau chaude de ta paume, mon corps est parcouru par un frisson secret et furieusement excitant. Je sais qu’il ne se passera jamais rien entre nous. Mais à cet instant, j’ai plus que jamais envie de te dire que tu es vraiment un garçon charmant, et que tu es beau à se damner.
    J’aimerais trouver le courage de lancer le pavé de mon désir dans la mare de ta pudeur. Mais ce courage, je ne l’ai pas.
    Et puis le café est bondé, je ne veux surtout pas te mettre mal à l’aise.
    Et puis tu es trop jeune pour moi, et puis dans tous les cas tu ne voudrais pas de moi, et patati et patata. Celui qui tente quelque chose, risque toujours un refus. Mais à celui qui ne tente pas, le refus s’inflige tout seul.

    Je me souviens parfaitement du choc que j’avais ressenti lorsque j’avais entendu ton pote brun au maillot du TFC te lancer, samedi dernier, en quittant le comptoir :
    « Salut, Jérém ! ».
    Là, j’avais été saisi par une douleur insoutenable, le genre de douleur provoquée par une nouvelle blessure sur une plaie toujours ouverte.
    Jusqu’à cet instant, ta beauté, ton élégance naturelle, ton aisance, m’avaient rendu dingue de toi, tout en me rappelant vaguement des souvenirs. Mais la découverte de ton prénom avait précisé ces souvenirs, les avait rendus beaucoup plus nets. Et, surtout, douloureusement vivants.
    La boucle était bouclée, le lien était établi entre le passé et le présent.
    Bien sûr, physiquement, tu ne lui ressembles pas vraiment. Tu es châtain clair, avec un regard clair et lumineux, alors que lui était très brun, avec un regard de braise. Tu as un petit physique élancé, le sien était sculpté par le rugby.
    Mais depuis que je connais ton prénom, lorsque je te regarde voltiger entre les tables de ton café, je le revois, lui, alors qu’il avait à peu près ton âge, en train de servir ses clients en terrasse, avec les mêmes gestes, la même aisance, la même élégance.   
    Plus de quinze ans séparent ces deux images, ces deux moments. Tu n’étais qu’un enfant à l’époque où ce gars travaillait déjà dans la brasserie à Esquirol, à l’époque où j’étais déjà en âge de tomber amoureux.

    Il ne me reste qu’à te souhaiter une bonne journée, en bon client lambda, et à quitter le café.
    Dans cette grise matinée du mois de novembre, un petit vent très froid s’est levé. Je remonte le col de ma veste, je plonge mes mains dans les poches, et je marche dans les allées en direction de la maison de mes parents.
    Au fil de mes pas, une chanson mélancolique remonte de mon esprit.

    Ce soir le vent qui frappe à ma porte
    Me parle des amours mortes
    Et je pense aux jours lointains
    Que reste-t-il de nos amours
    Que reste-t-il de ces beaux jours…

    Commentaires

    Virginie-aux-accents

    23/12/2023 23:03

    Dans l’épisode précédent, Nico affirmait que le temps avait guéri ses blessures et qu’il n’y avait plus qu’une simple cicatrice qui se rappelait à lui de temps en temps. C’était déjà difficile à croire, mais cet épisode souligne à quel point c’est faux. Certes, Nico peut tomber sous le charme d’un bel inconnu d’un simple regard, mais le prénom de Jérèm ravive aussitôt toute la puissance de ses souvenirs.
    Comme Yann, je rêve de retrouvailles dix ans après. J’ignore si elles seraient plus touchantes que celles sous la halle de Campan (extraordinaires), mais je crois que Nico et Jérèm en ont besoin tous les deux.
      Bonnes fêtes à toi, Fabien, et à tous tes lecteurs.

    Yann

    22/12/2023 15:15

    Dix ans que Jérém et Nico se sont quittés. Dix ans que leurs vies sentimentales sont des déserts. Dix ans de solitude. Dix ans que l’un comme l’autre, ils espèrent l’autre heureux sans savoir que tous les deux, ils sont aussi malheureux. Dix ans à regretter leurs choix. Nico pensait que, sans sa passion pour le rugby, Jérém ne serait pas heureux et il a préféré sacrifier son amour. Jérém lui pensait, par sa passion, atteindre le zénith et n’imaginait pas que tout exploserait un jour en plein vol sous la pression d’homophobes et d’une certaine presse à scandale. D’ailleurs où était le scandale ? Dans le fait qu’un garçon puisse en aimer un autre ou dans celui de briser des personnes, des vies, des carrières ?
    Dix ans à se poser chacun des questions. Mais où est le Nico d’avant, toujours si prompt à prendre un train ou un avion pour aller chercher des réponses à ses questions ?
    Quand on est ado on aspire qu’à une chose : devenir maître de sa vie. Et une fois cette étape atteinte, on imagine le futur à l’image du présent alors que chaque jour qui passe nous transforme et transforme la vie, notre vie.
    Après dix ans ils ne sont plus les mêmes. Ils en font le constat. Jérém, quand un garçon lui répond « Sorry, too old for me ! ». Le temps passe et avec lui la jeunesse, l’insouciance, l’attirance. Nico, lui revit par procuration son amour pour Jérém avec ce jeune serveur qu’il observe dans le café où il se rend régulièrement. Parce que ce garçon incarne la jeunesse, l’insouciance qui était la sienne il y a dix ans.
    Après dix, je me prends à imaginer, s’ils se retrouvent, à ces « secondes premières fois ». Quels seront leurs premiers mots, leurs premiers gestes l’un vers l’autre. Quand ils referont l’amour. Leurs retrouvailles seront -elles aussi touchantes qu’à la halle de Campan ? Probablement plus encore.
    Joyeuses fêtes à toutes et tous.

    Yann

  • JN01048 Hors-Série Gueule d’ange (un beau boulanger).

    JN01048 Hors-Série Gueule d’ange (un beau boulanger).

    Un jeune boulanger.

    (Automne 2014, 13 ans après l’été de mon bac).

    Ce matin je me suis levé en pensant à toi. C’est dingue comme tu habites mes pensées alors que je te connais à peine. C’est fou comme je me suis branlé en pensant à toi avant de m’endormir au soir du premier jour que je t’ai aperçu derrière ton comptoir à la place de l’ancien boulanger. Ce jour là, en apercevant ta silhouette de loin, j’ai presque pilé en passant en voiture devant la vitrine de la boulangerie du village. Une fraction de seconde, une image incomplète captée du coin de l’œil, en roulant, débordé par mes pensées. Pensée d’où tu as eu le pouvoir de me décrocher instantanément.

    Certains affirment posséder un radar détecteur de mecs gays infaillible. C’est pas mon cas. En revanche, je possède un radar détecteur de bogosses. Quand un bogoss approche, ça pétille au coin de mon œil, ça frétille au bout de mes narines. Ça frétille de désis dans mon ventre, ça pétille de bonheur dans mon esprit, dans mon cœur. Et parfois, j’ai même l’impression que même si le beau mec n’est pas encore dans mon champ de vision ou dans mon champ olfactif, un sixième sens me ferait détecter sa présence, comme une vibration, comme une radiation, comme une connexion innée avec la bogossitde. Et là, franchement, tu ne pouvais pas passer à travers. J’ai avancé jusqu’au rond point 500 mètres plus loin et même si je n’avais pas prévu d’acheter du pain ce jour là, je suis revenu et je me suis garé devant la boulangerie. J’ai pris mon temps pour descendre de ma voiture, faisant mine d’être au téléphone. Je t’ai longuement regardé à travers la vitrine et je t’ai trouvé extrêmement beau. Je suis rentré et tu étais là, débout derrière ton comptoir. Je t’ai trouvé charmant. Tu m’as serré la main et tu t’es présenté. Avec un sourire à tomber des remparts de citadelle fortifiée, tu m’as expliqué que tu t’appelais Morgan, que tu venais de reprendre le fond de commerce avec ton père, qu’il allait t’aider pendant deux ans et ensuite te laisser l’affaire. Morgan, voilà un prénom à la belle sonorité masculine et qui te va comme un gant. Là je t’ai trouvé à la fois sexy et touchant.

    C’était inattendu. Habitué à un vieux boulanger gros et aux t-shirts délavés et souvent crasseux, ça changeait un max de le voir  désormais remplacé par un jeune homme soigné, bien propre sur lui, les cheveux châtains très clairs avec des reflets dorés comme le blé au mois de juin, façonnés par un brushing avec une petite crête impertinente à la Cristiano Ronaldo des première années. Des yeux gris magnifiques, un regard charmant, un t-shirt blanc immaculé tendu sur une chute d’épaules à l’angle parfait, ainsi que sur des pecs tout à fait respectables, des pectoraux exactement comme je les aime, juste saillants, un t-shirt au col en V, laissant dépasser quelque poils de mec et une chaînette aux mailles si viriles. Bref, une silhouette bien dessinée et terriblement harmonieuse, un physique élancé, svelte, d’une fraîcheur à se damner.

    Alors qu’au temps de l’ancien boulanger je passais au magasin une fois par semaine et que je congelais mon pain, voilà que depuis que tu es installé je trouve facilement le temps de passer presque tous les jours chercher ma baguette. Car tu possèdes ce pouvoir magique de m’apporter un bon moment, parfois le seul bon moment de la journée.

    Oui, ce matin je me suis réveillé en pensant à toi, petit boulanger. La journée s’annonçait chargée et emmerdante et j’ai eu envie de mettre un peu de baume au cœur avant de l’affronter.

    Je m’arrête devant la boulangerie, je te regarde à travers la vitrine, derrière ton comptoir, en train de voltiger devant les étagères pour servir tes clients, dans ton « uniforme » de petit boulanger charmant, ce sempiternel t-shirt blanc col en V tendu sur ton torse délicieux, ce sourire magnifique sur ton visage.

    Je suis à la bourre pour mon rendez-vous, mais j’ai quand même envie de prendre mon temps.

    Il y a deux femmes qui attendent, et un monsieur au comptoir que tu es en train de servir. Avec un peu de chance, aucun autre client arrivera après moi et pendant un petit moment je pourrai traîner un peu, peut-être à discuter avec toi, mon joli. J’adore quand on n’est que tous les deux dans la boulangerie. Tu me parles, tu te « lâches » et tu t’enhardis davantage. Tu me taquines parfois, et je te rends la pareille. Ça reste vraiment bon enfant, mais j’adore ce petit jeu par lequel j’arrive parfois à te subtiliser des infos, comme ton âge, le village et le quartier où tu habites, l’existence d’une Stéphanie dans ta vie (hélas, personne n’est parfait…), d’un frère cadet (est-ce qu’il est aussi mignon que toi ?), tes entraînements au foot avec tes potes, les matchs gagnés, les matchs perdus. Oui, j’adore ce petit jeu où tu fais parfois mine de t’intéresser un peu à moi aussi, à ma journée, à mon labrador. Ce dernier point est a priori le seul que nous avons en commun, toi et moi. Tu as toi aussi adopté un Labrador. Et un garçon avec un Labrador, est forcément un garçon bien.

    Et puis, il y a ton sourire. Il m’est si précieux, d’autant plus que c’est parfois le seul que je verrai, et que bien d’autres verront, dans la journée, c’est un véritable cadeau du ciel. Et arriver à le déclencher par une vanne heureuse, est à la fois un plaisir et une victoire. Qu’importe si on peut penser que ce n’est là que le sourire complaisant d’un commerçant envers un client à fidéliser, un client comme un autre. Ce sourire est tellement charmant qu’on se prend à rêver qu’il doit être pur et authentique. On a envie de se dire que tu es bien trop jeune et frais pour être aussi cynique. Et, surtout, trop beau pour ça. On associe volontiers à la beauté des qualités morales qui ne lui sont pas forcément associés. On tendance à penser que ce qui est beau est bon aussi.

    Et je m’arrête alors à la boulangerie, souvent exprès et pour acheter une baguette dont je n’ai pas forcément besoin, je viens à ta rencontre rien que pour vivre cet instant délicieux, quand mon regard croise le tien, quand tu me serres la main, quand on peut échanger deux mots, quand j’arrive à te faire sourire, quand tu me fais un commentaire drôle sur ma coupe de cheveux à zéro, quand tu me demandes comment ça va, quand je te vois m’écouter, tes yeux droits dans mes yeux, quand j’arrive à peine à soutenir ton regard clair et rieur, quand je te fais des blagounettes innocentes. Ou presque.

    Dès l’instant où je pousse la porte, mes narines sont happées par le parfum de pain chaud, de croissants, de chocolatines qui sature l’air de la boulangerie. Oui, mes narines sont ravies, mais la vue aussi, se perdant devant cette vitrine bien dressée et ces étagères pleines de bons pains qui sortent du four. Car cette boulangerie est à l’image du boulanger, on adore la regarder, ça sent bon, et ça donne faim.

    Je lance un “Bonjour” appuyé, les deux dames répondent à voix basse. Tu lèves à peine les yeux, tu me vois, tu lances à ton tour un « Bonjour” rapide, concentré sur le ticket de caisse de ton client. Putain que tu es beau, avec ton sourire mi ange mi canaille, et ton regard clair à mi-chemin entre le Matt Pokora des années 2000 et le Rayane Bensetti à l’époque de sa participation à DALS. A chaque fois que je le croise, c’est un choc. Chaque fois je te trouve plus beau que la veille.

    Alors, comment ne pas se sentir ému, touché et émoustillé devant ce jeune homme toujours souriant, pétillant, plein de vie et d’énergie, fringuant, toujours de bonne humeur, toujours avenant, et qu’au passage possède le fabuleux pouvoir de délivrer autour de lui un bonheur sans égal. Un pouvoir qui découle de sa beauté incroyable, de sa jeunesse insouciante, de regard d’ange. Un regard à craquer, à croquer, à pleurer. Car tu es vraiment beau à en pleurer.

    Tu rends la monnaie au vieux monsieur, avec une gentillesse et une grâce étourdissantes. Le monsieur prend congé en te remerciant. On avance tous d’un pas vers toi. C’est le chemin vers le bonheur, on s’approche du soleil, tels Icare, attention aux ailes !

    La première dame te demande une boule tranchée.

    Une boule tranchée, c’est parti ! je t’entends lancer, gai comme un pinson.

    Qu’est-ce que c’est beau de te regarder faire, et d’assister au spectacle bouleversant qu’est le charme de tes 20 ans, la fraîcheur de cet âge où tout paraît simple, et où on se sent encore immortels. Cette fraîcheur, cette insouciance, cette légèreté que la vie ne se charge tôt ou tard d’emporter à tout jamais. J’en reviens toujours à ton sourire. Car il a aussi le pouvoir de faire paraître le monde un peu plus beau, d’égayer la vie de tes clients pendant un instant, ce qui est déjà beaucoup, ce qui est déjà un très beau cadeau, et qui fait revenir le soleil dans une journée qui s’annonçait grise et morose. Il y a dans ce sourire solaire toute la joie, toute la beauté du monde, il y a un bonheur qui renvoie à quelque chose d’insaisissable, de fugace mais tellement sensible, presque divin. Tu as cet âge, 23 ans, où, jour après jour, le garçon cède la place au jeune homme en devenir, où la virilité s’installe dans le regard, dans l’attitude, dans la voix d’un mec, tout en se mélangeant avec les échos d’une enfance qui n’est pas encore bien lointaine.

    Tu es es beau comme un enfant, fort comme un homme.

    Adorable petit boulanger, qu’est-ce que tu aimes dans la vie ? Qu’est ce que tu n’aimes guère ? Quels sont tes goûts ? Qu’est ce qui te met en colère? Qu’est ce qui te rend heureux? Quel est le truc le plus dingue que tu n’as jamais fait ? Quel est le truc le plus dingue que tu as envie de faire aujourd’hui ou un jour ?

    Charmant jeune homme, tu aimes quoi au lit ? Est ce que Stéphanie te donne tout le plaisir dont tu as envie, tout le plaisir que tu le mérites ? Dans quelle position lui fais-tu l’amour ? Est ce que tu te fais plaisir seul entre deux moments intimes avec ta belle ? Combien de fois par jour et à quel moment ? Et surtout, quelles images se bousculent dans ta jolie tête pendant que tu fais monter ton excitation ? Comment te caresses-tu ? Où ?

    Depuis toujours j’ai rêvé de pouvoir me glisser dans la tête des beaux garçons qui me font de l’effet pour savoir ce qu’ils imaginent pour s’exciter, pour connaître ce qu’ils ressentent dans leurs corps, dans leur esprit, dans leur égo lorsqu’ils prennent leur pied. Leurs fantasmes inavoués, leurs envies les plus secrètes, ce qui les fait vraiment, vraiment bander.

    Aussi, je t’imagine rentrant chez toi, te déshabillant, posant ses fringues, allant sous la douche, te savonnant le torse, les pecs, puis l’entre-jambes. Peut-être vas-tu te donner du plaisir sous la douche, ou juste après, débout devant le miroir de la salle de bain ? Ou alors plus tard, allongé sur le lit, en attendant qu’elle rentre ? L’as-tu fait aujourd’hui ? Vas-tu le faire ce soir ?

    Et pendant que tu te fais plaisir, penses-tu à un truc qui t’a fait ta copine ou bien à un truc qu’elle ne t’a jamais fait ? A un truc que tu lui a demandé et qu’elle a refusé de faire ? Ou alors un truc dont tu as envie mais que tu n’oses même pas lui demander ?

    Ou bien, penses-tu à une autre nana ? A cette cliente qui te fait les yeux doux et qui te dragouille ouvertement ? A son décolleté, à ses hanches ? A ses fesses, à ses jambes que tu reluques quand elle te tourne le dos en quittant la boulangerie ? A ses yeux, à son sourire, à son parfum qui te fait de l’effet ? Je donnerais cher pour voir ta belle p’tite gueule submergée par l’orgasme, pour assister au feu d’artifice chaud et puissant de ta jouissance.

    Quelle frustration terrible de penser qu’un mec comme toi soit obligé de se branler alors que tant de gars comme moi ne demandent pas mieux que de pouvoir se dévouer pour t’offrir un plaisir encore plus grand. Quand j’y pense, j’ai envie de crier « au vol! » !

    Derrière ton comptoir, toute la journée, six jours sur sept, tu vois défiler un paquet de monde. Alors, des regards charmés de nanas, jeunes ou moins jeunes, tu en vois chaque jour.. Y a-t-il, parmi ces regards, certains qui te troublent et qui te font respirer plus fort que d’autres, qui te font parfois te tromper à rendre la monnaie ? Des regards que tu as du mal à soutenir ? Y a-t-il parfois des mots qui te troublent ou te mettent mal à l’aise ? Tu sais bien que le soir, quand ton père est parti, il te suffirait d’un mot pour en lever certaines qui s’arrêtent exprès parce qu’il n’y a plus que ton Ibiza blanche sur le parking devant la vitrine. Mais Stéphanie t’attend à la maison, et tu n’as peut-être pas vraiment envie de la tromper.

    Oui, des regards accrocheurs tu dois en voir à longueur de journée. Mais tu dois avoir l’habitude de te faire remarquer, beau comme tu es. Les nanas ont dû commencer de bonne heure à s’intéresser à toi. Déjà au lycée elles te rodaient autour, en boîte de nuit, dans la rue, à la plage. A quel âge as-tu couche pour la première fois ? Ça a été comment ? Où, dans quelle situation, elle t’a fait quoi ? C’est qui la nana qui a eu le privilège de te dépuceler, de te faire jouir, de te voir jouir pour la toute première fois ?

    Oui, tu t’es souvent senti désiré, mais jamais tu n’as été autant exposé directement à la vue et au désir que derrière ton comptoir. Dans ta boulangerie, tu es comme sur un podium, tous les regards convergent vers toi, et on ne voit que toi. Ça te fait quoi d’être autant désiré ? Grisant ? Gênant ? Saoulant à la longue ?

    J’ai l’impression que tu es à la fois timide et un brin coquin. Je me demande si ton allure est vraiment si innocente. Je veux parler de ton brushing de bogoss, de tes t-shirts blancs de marque, bien coupés, mettant parfaitement en valeur ton beau physique, de cette chaînette de mec nonchalamment posé sur tes pectoraux. Sous tes airs d’ange, n’as pas tu quand même un brin envie qu’on te remarque ? Envie de plaire, envie qu’on te désire ? Tu aimes ça, n’est pas ? Avoue, p’tit voyou sexy ! Avoue que tu aimes que les nanas s’intéressent à toi.

    Tu rends la monnaie à la première dame. Mais elle continue de discuter avec toi, je l’entend parler de son week-end à venir, de son projet de partir à la mer une dernière fois en ce début d’automne si étonnamment chaud. Tu lui souris, et elle semble aimantée par ton sourire. Qu’est ce que c’est beau de se trouver en face de lui, n’est pas ma grande ? On n’a pas du tout envie d’en partir. Mais là, voyez-vous madame, il y a des gens qui attendent ! Pouvez-vous… dégager ?!

    Elle finit par prendre congé en s’excusant d’avoir pris son temps.

    La deuxième dame avance de deux pas, jusqu’au comptoir, jusqu’à toi. Et moi derrière elle.

    • Une baguette et deux tartelettes aux fruits, s’il vous plaît.

    Ça devient chaud, j’approche du bogoss. Ça en devient insoutenable pour la vue. Car tu n’es pas seulement beau, là on touche à la perfection, au divin. Ton sourire est à chaque fois un moment de bonheur dépassant l’entendement. Tu es scandaleusement, odieusement, épouvantablement, effroyablement, monstrueusement, diaboliquement beau. Et tu es d’un naturel tellement désarmant que ça en est presque insupportable. En plus t’as rien à faire pour en mettre plein la vue.

    Tu es juste là et ta beauté fait le job.

    Quand tu souris, ou quand tu ris, on a juste envie de hurler et de pleurer tellement c’est beau.

    Ton t-shirt blanc près du corps est carrément un scandale tellement c’est simple et beau à la fois.

    Ton regard d’ange coquin, mignon mais viril et assuré, choupinou mais mec à la fois, il est tout bonnement insoutenable.

    Oui, tu es pile ce genre de mec mi-ange mi-démon qui me fait délirer. Ange car, devant ton sourire, on te donnerait non seulement le bon Dieu sans confession, mais aussi et surtout la bonne pipe sans hésitation. Démon, car c’est diabolique d’être aussi beau. Et aussi sexy. Comme quand tu te baisses pour attraper certains pains spéciaux en bas de l’étagère et qu’on arrive à entrevoir l’élastique de ton boxer qui dépasse de ton pantalon. Des pains que je n’avais jamais goûtés auparavant, mais pour lesquels je me suis découvert depuis peu un goût certain.

    On devrait pouvoir retirer le « permis de séduire » à des gars comme toi.

    Je remarque que la dame devant moi est en réalité une fille d’environ 25 ans, plutôt séduisante et très bien apprêtée. Je te regarde, beau Morgan, et je trouve ton attitude à son égard bien différente de celle que tu affichais avec la cliente précédente, qui était un tantinet plus âgée. Ton sourire bon enfant a laissé la place à un petit regard charmeur. Dis-donc mon mignon, tu serais pas en train de lui faire du charme ?

    Ça doit t’arriver tellement souvent de te faire brancher par des nanas…

    Et les mecs ? Ça ne t’es jamais arrivé de te faire brancher par des mecs ? Si, avoue petit coquin, ça t’es déjà arrivé. Je me refuse de croire que ce ne soit pas le cas. Statistiquement, c’est impossible que ce ne soit jamais arrivé. Ça te fait quoi, à toi, petit mec à nanas, le regard de certains hommes qui traînent sur toi, qui s’accrochent à ton sourire, s’attardent sur ton visage, sur ton torse, sur ton t-shirt, des regards pleins de désir, mais aussi de frustration de ne pas pouvoir te montrer l’effet que tu leur fais ? Les remarques-tu au moins, ces regards ? Sais-tu lire entre les lignes de certaines allusions, de certaines piques, de certaines blagues à l’apparence anodines qu’on te lance juste pour voir ce sourire illuminer ton beau visage, ce sourire dont tu n’es pas avare mais dont on ne se lasse jamais et qu’on a envie de voir, encore et encore ? Te rends-tu compte du désir que tu inspires ?

    Ça fait quoi de voir sur soi le regard d’un homme intéressé, un regard qui dit tellement de choses, un regard qui déshabille, qui accroché le tien, un ton de voix qui te caresse. Es-tu totalement imperméable à cela ? Le tolères-tu uniquement car un client est un client et tu te sens protégé par ton comptoir, ce rempart imprenable ? En es-tu agacé dans ton for intérieur ?

    Ou bien, est-il déjà arrivé que l’un de ces regards fasse vibrer quelque chose en toi et te trouble ?

    Ne t’es jamais arrivé de te dire « putain, ce mec est bien foutu », en voyant un beau spécimen ? Il n’y a-t-il pas, parmi tes clients, un garçon qui te fait de l’effet ? Un garçon qui fait battre ton cœur un peu plus fort et qui te ferait un effet si bizarre dans le ventre quand il passe la porte de la boulangerie ?

    Si ce mec existe, ne le trouves tu pas beau et sexy ? Tu te dis peut être que tu aimerais être à sa place, parce qu’un mec comme lui doit avoir un succès fou avec les nanas, alors que toi tu t’es coincé trop jeune avec Stéphanie? Aujourd’hui, avec tous ces regards qui se posent sur toi à longueur de journée, tu te rends compte que ta situation bien rangée te prive d’aventures qui sont vraiment à ta portée.

    Ou alors, penses-tu à ses t-shirt échancrées, à sa chute d’épaules ? A ses fesses, que tu reluques quand il te tourne le dos pour quitter la boulangerie ? A son visage, un sourire, un parfum qui te fait de l’effet ?

    Penses-tu parfois à ce mec lorsque tu te fais plaisir seul ? Ou à cet autre client qui ne te plaît pas forcement au premier abord mais qui te fait les yeux doux et qui te dragouille assez ouvertement ?

    Et au foot ? A force de mater les copains a longueur d’entraînement et à poil sous les douche et dans les vestiaires, est-ce que ça ne finit pas quand même par donner des idées ? Est-ce qu’il t’arrive de penser à tes potes en te donnant du plaisir seul ?

    Je me souviens d’un très beau brun au t-shirt noir que j’ai vu un jour devant ton comptoir, il te causait d’entraînements, de week-end, de déménagement, c’était ton pote. Tu portais comme toujours un beau t-shirt blanc, il portait un tout aussi beau t-shirt noir. Je jalousais votre jeunesse, votre “ressemblance”, votre complicité, votre amitié virile.

    Et mes pensées se sont emballées illico. Je t’ai imaginé effleurant son torse avec le bout du nez, respirant son odeur de p’tit mec en sueur après l’entraînement, je t’ai imaginé aussi en train d’agacer délicatement ses tétons avec ta langue, t’attarder dans le creux entre ses pecs, en léchant sa sueur de p’tit mâle, descendre entre ses abdos, je l’ai imaginé rejeter sa tête en arrière lorsque tu commencerais à lui faire plaisir avec ta bouche.

    Je continue mes divagations en me demandant si plus jeune, quand tu avais senti cette envie inattendue monter violemment du caleçon, emportant avec elle l’adolescence et scellant par la même occasion la fin de l’enfance, si tu n’as pas tu profité d’une occasion fortuite pour te soulager avec un pote.

    Car tu es pile le genre de mec pour qui un camarade de classe a pu tomber raide amoureux. C’est l’histoire qui se répète à chaque génération, chaque année, dans chaque classe. Mon mignon, as-tu remarqué ce camarade de classe qui posait si souvent son regard sur toi et qui baissait les yeux quand il croisait ton regard ?

    Ce même gars t’a peut-être proposé de t’aider à réviser en fin d’année pour préparer le bac. Tu t’es demandé pourquoi l’a-t-il fait ? Sais-tu à quel point il t’avait dans la peau, à quel point il avait envie de se retrouver seul avec toi ? Même s’il le savait d’avance, pauvre idiot, qu’il n’aurait rien osé tenter avec toi, car il te croyait hors de sa portée, trop beau, trop désiré, trop hétéro.

    Oui, de toutes les époques, des mecs comme moi sont tombé amoureux de types juste pas possibles, des mecs comme toi, de mecs comme mon Jérémie à moi.

    C’est l’histoire éternellement recommencée de ces années d’école, des premiers émois, des amours impossibles d’un jeune pédé pour un mec à nanas. Tu n’as peut-être même pas remarqué comment ce petit mec à lunettes avait le souffle coupé pendant qu’il essayait de t’expliquer un passage de philo, comme il avait du mal à soutenir ton regard.

    Ou alors, au contraire, tu l’as bien remarqué, ça t’as flatté, tu en as un peu joué, tu as un brin profité du bonheur de te sentir désiré si intensément, si désespérément, mais tu n’as pas donné suite.

    Ou alors, t’as eu envie de satisfaire ta curiosité et tu l’as séduit, tu te l’es tapé quelques fois avant le bac, en cachette de Stéphanie, et ensuite tu es parti dans ta vie et lui dans la sienne, tu ne l’as plus jamais revu et tu n’as plus jamais repensé à lui, ou si peu.

    Mais lui, lui il lui a fallu des années pour se remettre de ce qui s’est passé entre vous, il a en a bavé un max pour décrocher de toi. Et encore aujourd’hui, après des années, il se demande ce qu’il a raté avec toi, pourquoi ce bonheur de quelques instants lui a été arraché si cruellement.

    Oui, toutes sortes de spéculations concernant ta vie, et ta vie sexuelle en particulier, traversent mon esprit lorsque tu m’as tendu la main et tu m’a souri. Absorbé dans mes délires, je ne me suis même pas aperçu que la fille devant moi avait enfin foutu le camp.

    Mais, putain que tu es beau !

    Ça a vraiment failli m’échapper. J’avance enfin d’un pas et je suis devant toi, désarmé par ton sourire, et par la poignée de main que tu m’offres, chaleureuse et virile.

    Nous sommes seuls dans la boulangerie, personne n’est rentré après moi et ton papa n’est pas là, ou alors au fin fond de l’arrière-boutique. J’étais parti tellement loin dans mes pensées que je me trouve désarçonné face à toi. J’en perd les moyens, comme si j’étais resté trop longtemps en apesanteur et que me jambes avaient du mal à me porter.

    Tu as remarqué que je suis à l’ouest et tu me lances :

    • Mauvaise nuit ?
    • Oui, mauvaise nuit…

    Tu me racontes alors que toi non plus tu n’as pas assez dormi et que tu n’arrives pas à émerger ce matin. (Trop e galipettes avec Stéphanie, mon mignon ? Ça aussi ça a failli m’échapper). Joignant le geste à la parole, tu t’étires en plissant tes paupières, tu lèves les bras, l’un puis l’autre, les allonges en serrant les poings, tu portes tes mains derrière la nuque. Et, sans y prêter gare, dans la continuité de ton étirement, tu ramènes les épaules en arrière, tu bombes le torse faisant émerger un peu plus tes pecs sous le coton blanc de ton t-shirt, on voit tes tétons pointer. Toute cette manœuvre, d’un naturel et d’une nonchalance désarmantes, a pour effet immédiat et magique de soulever le bas de ton t-shirt, ce qui me rend totalement dingue, dans la mesure où cela permet de découvrir cette ligne de petits poils bruns et fins qui descend depuis ton nombril comme à indiquer le cheminement vers l’élastique de ton boxer qui dépasse malicieusement. Le chemin vers ta virilité. J’ose à peine imaginer ce qu’il peut y avoir dans ce boxer, comment tu es monté.

    Et ce qui rend la chose super-excitante c’est que tu n’as pas conscience de l’émoi que tu es en train de provoquer en moi.

    Parfois, à la faveur de deux phrases bien enchaînées, j’ai comme l’impression qu’une petite complicité semble s’installer entre nous. Et puis, il y est d’autres fois où je te trouve froid et je me dis que je dois te saouler avec mes blagues à deux balles et mes regards trop appuyées et trop insistants, quémandant ton attention et laissant transparaître un désir qui te dégoûte peut-être.

    Au fond de moi, je me dis que tu ne manges pas de ce pain-là. Et que, de toute manière, si un jour l’envie t’en prenait, tu pourrais taper dans bien plus jeune et charmant que moi. Tu me plais énormément, mais je sais que je n’ai aucune chance avec toi. Et puis, Stéphanie t’attend à la maison, et tu n’as pas vraiment envie de la tromper, et certainement pas ce cette façon, et certainement pas avec un type comme moi.

    Qu’est-ce qu’il fallait ? tu me demandes-tu, m’arrachant de mes rêveries.

    Deux croissants…  je réponds sagement, alors que c’est toi que je vois, toi, toi, toi.

    Un autre client vient de rentrer, et je le sens piétiner derrière moi. Je te dis au revoir en te souhaitant la bonne journée. Je m’en vais en emportant ton sourire avec moi. Oui, ce matin, tu as bien ensoleillé, ma journée. Une journée tout au long de laquelle je ne cesse de penser à toi, et à ce petit bout de peau que tu m’as dévoilé avec ton étirement, à ces poils fins en dessous de ton nombril. Et au bonheur que ce serait d’y poser mon nez, mes lèvres, ma langue.

    Alors, ce soir, rentrant à la maison après une longue journée de travail, en passant devant la boulangerie et en voyant l’Ibiza blanche toujours garée devant, j’ai eu envie de m’arrêter pour revoir ton sourire. C’est environ 19h45, juste avant la fermeture. En me garant, je remarque à travers la vitrine que tu es seul dans ta boulangerie. Et ça me met de bonne humeur. Je rentre d’un pas assuré, bien intentionné à prendre un peu le temps de discuter avec toi, à trouver des mots pour te faire rire, à me laisser toucher par ta beauté et de ton charme.

    En m’approchant du comptoir, revoilà ton sourire, c’est enivrant.

    • Bonsoir, cette fois-ci… tu me lances.
    • Eh oui, bonsoir…

    Je sais que ça fait bizarre de repasser deux fois à la boulangerie dans la journée, mais je n’ai pas pu y renoncer après ce que tu m’as montré ce matin.

    Je te demande si ta journée s’était bien passée. Tu me réponds que ça peut aller. Tu me demandes ce qu’il en est de ma journée, je te parle d’un rendez vous pénible que j’ai eu à la banque.

    • Qu’est-ce que je vous sers ce soir ? tu finis par me demander.
    • Deux baguettes… je réponds, toujours aussi sagement.

    Avant de me raviser et de partir ailleurs :

    • Mais d’abord, j’aimerais que tu me serves un « tu », d’accord j’ai presque 10 ans de plus que toi, mais rien n’empêche de se tutoyer, non ?

    Tu trouves ça drôle. Et, putain, ton sourire est beau à en pleurer. Comment j’adore te faire rire !

    Tu attrapes les baguettes avec un geste gracieux et viril à la fois. Quand tu me rends la monnaie, j’essaie de trouver un contact furtif avec ta main. Et quand mes bouts de doigts effleurent la peau chaude de ta paume, je n’y tiens plus, j’ai envie de me lâcher.

    • Tu sais, Morgan, ton pain est plutôt bon…
    • Merci…
    • Mais il pourrait être dégueulasse que les clients viendraient quand même…
    • Ah, non, je ne pense pas…
    • Je crois que si…
    • Et pourquoi ça ? tu t’étonnes.
    • Je ne t’apprend rien, tu le sais que tu es bogoss…
    • Si vous le dites…
    • Tu me vouvoies encore…
    • Pardon…
    • Allez, fais pas le timide, tu dois te faire mater à longueur de journée…
    • Pas tant que ça…
    • Je n’y crois pas une seconde. En tout cas moi je te trouve super charmant…

    Silence de sa part et sourire gêné.

    • Ça te met mal à l’aise que je te dise ça?
    • Non…
    • Si, je le vois…
    • Je ne suis pas si mignon…
    • Je peux te dire que c’est vraiment dommage que tu sois hétéro, sinon je t’aurai bien montré à quel point je te trouve mignon, et je t’aurais montré par la même occasion deux ou trois trucs que les nanas ne font pas en général…
    • Comme quoi 

    Tu t’es enhardi d’un coup, se délestant de toute sa gêne. Il a l’air intrigué, ce petit coquin. Quand on sait parler aux mecs, ils comprennent vite.

    • Je ne vois qu’un solution pour tirer tout ça au clair…
    • Laquelle?

    Je souris de ta coquinerie effrontée et je réponds :

    • Faire des travaux pratiques…

    Un quart d’heure plus tard la boulangerie est fermée. Je t’attend en voiture comme convenu. Par chance, Stéphanie n’est pas là ce soir, on peut aller chez toi. Tu fermes la boulangerie, tu montes dans ton Ibiza et me fais signe de te suivre.

    Cinq minutes plus tard, nous sommes à ton appart, la porte d’entrée claquée derrière nous, je t’embrasse doucement, puis fougueusement.

    Oui, petit con, tu me fais un effet dingue. Ce t-shirt blanc est à la fois un délice et un supplice. Je te l’enlève enfin, je découvre le dessin parfait de ton torse, de tes pecs, ta peau douce et velue, je mordille tes tétons, tu gémis. On ne t’as jamais fait ça, n’est-ce pas ? Je me mets à genoux, je colle mon nez contre ta braguette. Je défais ta ceinture, je baisse le pantalon, je fais apparaître ton boxer qui commence à être tendu. Je suis fou d’envie, d’envie de toi. J’ai envie de tout avec toi, j’ai envie de tout ce dont tu as envie.

    Pendant que je parcours ton corps avec mes mains et avec ma langue, je repense à toutes ces fois que je t’ai mâté en attendant mon tour à la boulangerie qui ne désemplit pas. A tous ces matins où me suis levé en pensant à toi.

    • C’est bon ! je t’entends lâcher tout bas, alors que tu prends ton pied comme jamais.

    Oh, oui, que c’est bon !

    Oui, mais non.

    Oui, ce soir, après une rude journée de travail, j’ai vraiment envie de toi, j’ai envie de tout avec toi, j’ai envie de tout ce dont tu as envie. J’aurais surtout envie de savoir te proposer un plan comme celui là, envie de te faire du rentre dedans, envie de réussir à aller au-delà de la phrase : « Tu sais, Morgan, ton pain est plutôt bon… », savoir enchaîner avec les répliques que je n’ai imaginées qu’une fois que l’occasions sera passée, et me maudissant de ne pas savoir oser, jamais.

    Car je n’ose pas. Et ce soir non plus. Non, il ne se passera jamais rien entre nous, beau Morgan.

    Alors, après t’avoir félicité pour ton pain, j’ai fini par payer et partir. Par accepter une nouvelle défaite avec moi-même. Je prends congé de toi, la mort dans l’âme.

    En retournant à ma voiture, je ne peux te quitter du regard à travers la vitrine. Et là, j’ai comme un déclic. En te regardant faire avec ta dernière cliente de la journée, voilà qu’un souvenir surgi de nulle part remonte en moi avec une violence inouïe, me frappe comme un coup de fouet, faisant bondir mon cœur dans la poitrine.

    D’un coup, je réalise que Morgan a une façon de soulever les sourcils, une façon de plisser les paupières, un truc inexplicable mais qui jailli de ton attitude à certains moments, comme un éclair, intense et fugace, un truc qui me ramène bien d’années en arrière, l’année de mon bac. Tu n’étais qu’un enfant à l’époque mais moi, moi j’étais déjà en âge de ressentir les premiers émois sentimentaux. Et quels émois, avec ce beau brun, ce rugbyman tatoué, cet adorable, insupportable petit con de Jérémie.

    Bien sur, tu ne lui ressembles en rien, tu es presque blond, avec un regard clair et lumineux, lui il était brun profond, avec un regard de braise. Tu as un petit physique élancé, lui il était sculpté par des années de rugby. Mais chez toi, exactement comme chez lui, une même attitude nonchalante de jeune loup. Et ta jolie silhouette habillée avec ce coton blanc moulant qui me fait penser à sa tenue le premier jour que j’ai eu accès à son intimité, la première fois qu’il a voulu que je lui fasse plaisir.

    Oui, tu as la même attitude de jeune mec charmeur et insouciant qui était la sienne quand il avait à peu près ton âge, attitude que les coups de la vie ont par la suite assez précocement emportée pour faire de lui un homme désenchanté et désabusé.

    Je réalise à cet instant précis les années écoulées entre le moment où Jérémie a brutalement fait irruption dans ma vie, c’était la dernière année où l’on payait encore les baguettes en francs, et le moment présent. Je regarde toutes ces années qui se sont écoulés depuis, et j’en ai le vertige.

    Les platanes bordant la rue devant la boulangerie se laissaient arracher les dernières feuilles par le vent d’automne. Et une chanson pleine de nostalgie remonte à mon esprit.

    Ce soir le vent qui frappe à ma porte

    Me parle des amours mortes

    Devant le feu qui s’éteint

    Ce soir c’est une chanson d’automne

    Dans la maison qui frissonne

    Et je pense aux jours lointains

    Que reste-t-il de nos amours

    Que reste-t-il de ces beaux jours

    Une photo, vieille photo

    De ma jeunesse

    Où est tu, mon Jérémie ? Je n’ai jamais pu t’oublier. Bien que depuis trop longtemps déjà, nos vies ne marchent plus ensemble.

  • JN01047 Rencontres en ville et nouveau dilemme

    JN01047 Rencontres en ville et nouveau dilemme

    Mercredi 27 juin 2001.

    C’est une tristesse que j’amène avec moi en rentrant à la maison, en fin d’après-midi. C’est une tristesse que je traîne le soir, la nuit, et le jour suivant. Je n’ai pas envie de sortir de la maison, je n’ai même pas envie de sortir de ma chambre, ni de mon lit.

    Ce n’est que le surlendemain que je me décide enfin à aller me balader en ville pour essayer de me changer les idées.

    J’ai bien dit « essayer », car ce n’est pas une mince affaire. Le fait est que dans chaque allée, chaque rue, sur chaque façade de cette ville, j’ai l’impression de retrouver le souvenir – que ce soit de bonheur, d’excitation, ou de chagrin – d’un instant, et ils sont nombreux, où mon cœur a battu à la chamade pour mon Jérém.

    Je traverse la ville d’un bout à l’autre, en long, en large et en travers. En fin d’après-midi, lorsque je remonte la rue de Metz, une surprise m’attend. Il est encore loin, mais je suis certain de ne pas me tromper.

    Lunettes de soleil, débardeur blanc, short noir : Stéphane approche à grand pas.

    Je ne crois pas qu’il m’ait vu, pas encore. Mais nous marchons l’un vers l’autre, et dans une poignée de secondes il va me capter.

    A cet instant précis, je ne me sens pas très à l’aise. Stéphane, le mec qui m’a fait connaître la douceur du plaisir entre garçons, le gars qui m’a fait comprendre que je méritais mieux qu’un mec qui veut juste se vider les couilles, va croiser ma route. Je vais devoir lui parler. Je ne sais même pas comment je vais pouvoir soutenir son regard, alors que 48 heures plus tôt j’ai replongé avec Jérém…

    Je réalise à cet instant que, malgré mes bonnes résolutions prises à Gruissan, je ne lui ai même pas envoyé le sms qu’il m’avait demandé lorsqu’il m’avait laissé son 06, alors que j’avais trouvé son geste extrêmement touchant.

    Alors oui, j’ai pas mal de raisons de me sentir fautif et mal à l’aise vis-à-vis de Stéphane.

    Pendant un court instant, j’ai envie de faire demi-tour, de rentrer dans n’importe quelle entrée d’immeuble, de tout faire pour l’éviter.

    Mais il est déjà trop tard. Je le vois soulever ses lunettes, avec le même geste que le premier jour, après sa course pour rattraper Gabin. Je le regarde, il me regarde, il me sourit, j’essaie de lui sourire.

    « Salut » je lui lance, alors qu’il se penche vers moi pour me faire la bise.

    « Salut, il me semblait bien que c’était toi. Ça va ? ».

    « Ça va, ça va… ».

    « C’est drôle, ce matin je me demandais justement comment ça se passait pour toi ».

    « Je suis désolé de pas t’avoir envoyé de sms… ».

    « T’inquiètes… ».

    « Après la dernière épreuve du bac le vendredi, je suis parti à Gruissan avec ma cousine et on vient tout juste de rentrer… et j’avais laissé ton numéro à Toulouse… ».

    « C’est pas grave. Alors, ça s’est bien terminé le bac ? ».

    « Ça a été, je pense, j’attends les résultats… ».

    Ce gars est vraiment, vraiment adorable. Et moi, je suis vraiment mal à l’aise. Car je ne mérite pas la gentillesse de ce charmant garçon, ni la tendresse qu’il m’a offerte lors de notre unique rencontre, et encore moins la considération qu’il me témoigne. L’autre jour, à la piscine, j’ai replongé dans tout ce qui n’est pas bon pour moi, je suis un cas désespéré et je n’ai pas le droit de faire perdre du temps à un gars aussi génial.

    « Comment va Gabin ? » je lui demande, en essayant d’oublier mon malaise.

    « Bien, bien… je crois qu’il t’aime bien… ».

    « Moi aussi je l’aime bien… ».

    J’ai l’impression que dans le sens de ses mots, il n’y a pas que Gabin qui m’aime bien. Tout comme, dans celui de mes mots, il n’y a pas que Gabin que j’aime bien.

    C’est là qu’un mouvement de l’autre côté de la rue attire mon regard. Un mouvement provoqué par une silhouette masculine.

    Physique de fou, t-shirt noir avec échancrure scandaleuse, cheveux bruns, regard encore plus brun : Jérém marche sur le trottoir d’en face.

    J’ai la nette sensation qu’il est en train de me fixer, le regard mi interrogatif, mi intrigué. Oui, je crois bien que mon beau Jérém est en train de se demander qui est ce type avec qui je suis en train de discuter, et avec qui je dois avoir l’air de plutôt bien m’entendre.

    Une sensation qui devient rapidement certitude lorsque son regard s’assombrit à vue d’œil, comme le ciel avant l’orage. Je donnerais cher pour savoir ce qui se passe dans sa tête à cet instant précis…

    Un instant plus tard, le bogoss détourne brusquement son regard, il vise droit devant lui et il trace, en accélérant le pas.

    Oui, je donnerais cher pour savoir ce qui se passe dans sa tête à cet instant précis…

    « Ça te dit d’aller prendre un verre, un soir ? » me propose Stéphane.

    Ce gars est vraiment, vraiment adorable.

    Et là, d’un coup, tout semble s’éclaircir dans mon esprit. Avec Jérém c’est fini. Ce qui s’est passé l’autre jour à la piscine a été une dernière, super excitante, plaisante erreur. Et même si cette erreur a été extrêmement plaisante, je n’ai aucun avenir avec Jérém, car nos vies vont se séparer. Et puis, de toute façon, Jérém ne sera jamais un homo assumé, il sera tout au plus un bi non assumé qui cherche un cul de mec à baiser quand l’envie lui en prend.

    Non, Jérém n’est pas le gars qu’il me faut. Je dois l’oublier, et profiter de l’été de mes 18 ans. Et profiter de Stéphane pendant les quelques jours avant son départ. Et tant pis si le temps nous est compté, j’ai le sentiment que côtoyer un gars comme lui ne peut que me faire du bien. « Avec plaisir… demain soir si tu veux… ».

    « Parfait… on dit vers 19h30 ? On ira manger un bout en ville… ».

    « Très bien… ».

    Après avoir accepté l’invitation de Stéphane, je me sens serein, apaisé. Stéphane a ce pouvoir sur moi, celui de me faire sentir bien.

    Hélas, mon apaisement sera de courte durée. Le lendemain à 18h45, alors que je me prépare pour aller rejoindre Stéphane, je reçois un sms. Je me précipite sur mon téléphone, croyant trouver un mot d’Elodie dont je n’ai pas eu de nouvelles depuis quelques jours.

    Que nenni, Elodie m’a oublié. Et je ne peux pas croire à ce que je lis :

    « Vien au vestiaire rugby tout de suite ».

    Un message de Jérém. Et mon cœur s’emballe.

  • JN01046 Piscine Nakache

    JN01046 Piscine Nakache

    Lundi 25 juin 2001.

    Le lendemain de notre retour sur Toulouse, le soleil est revenu sur la ville rose. Mais dans mon cœur, le mauvais temps persiste. Depuis notre retour, je n’ai pas arrêté de penser à Jérém.

    Le fait de retrouver Toulouse, ses rues familières, ma maison, ma chambre, mon sac de lycée, mes affaires, les vêtements que je portais le dernier jour du bac, sa chemise, son odeur, tout me ramène à lui. Malgré mes résolutions de la veille, je ressens en moi une brûlante envie de le revoir.

    Plus d’une fois j’ai failli lui envoyer un sms pour lui proposer de se voir. Et ce, malgré l’écho de ses mots « le bac c’est passé, les révisions c’est fini » qui résonne toujours douloureusement dans ma tête. J’ai tellement envie de me rendre rue de la Colombette…

    J’ai tellement pas le moral que j’en ai même négligé mon intention d’envoyer un sms à Stéphane.

    Heureusement, ma cousine Elodie est là. Elle m’appelle vers midi pour savoir si je veux l’accompagner à la piscine Nakache. Elle a toujours de bonnes initiatives.

    A 14 h pétantes nous accédons aux bassins extérieurs du grand complexe communal. Le cadre est magnifique, l’espace immense, on se croirait à la mer, le sable en moins, une toute légère odeur de chlore en plus.

    C’est génial d’avoir un espace comme celui-ci, non loin du centre-ville, un lieu où se détendre, profiter du soleil, trouver de la fraîcheur et barboter. On peut même pique-niquer sur la pelouse autour des bassins, à l’ombre des nombreux arbres.

    De plus, aux abords de la piscine olympique et des installations sportives on peut en général mater du bogoss. Alors, quoi demander de mieux ?

    Elodie et moi nous posons nos serviettes sur la pelouse qui entoure le grand bassin. Nous trouvons facilement une place un peu isolée. A cette heure-ci, un jour de semaine hors grandes vacances, il n’y a pas trop de monde. J’ai envie de me baigner. Ma cousine me suit.

    Je rentre dans l’eau et je commence à nager. J’active aussitôt mon détecteur de bogoss, mais je ne reçois aucune notification. J’ai l’impression qu’aujourd’hui il n’y a pas trop de matière à mater. Ce qui est décevant, mais en même temps extrêmement reposant.

    Car, sans bogoss à l’horizon, je vais pouvoir nager tranquillement, me détendre, ranger un peu le bazar qu’il y a dans ma tête sans en rajouter par ailleurs.

    Elodie ne reste pas longtemps dans le bassin, mais moi je profite longuement de l’eau tiède, du soleil chaud et du vent léger. L’activité physique m’aide à faire le vide dans ma tête. A un moment, je me surprends à faire la liste de tout ce qui me rend heureux dans le présent ou dans l’avenir proche.

    J’ai deux mois de vacances devant moi.

    Ma cousine n’est pas loin, et elle est toujours là pour moi.

    Dans quelques jours nous allons partir à Londres pour le concert de Madonna.

    J’ai le numéro de Stéphane et il suffit d’un sms pour le revoir. Dès mon retour à la maison, je vais le contacter.

    Une fois ma liste dressée, je me sens bien, je me sens fort.

    Je sors de l’eau, je rejoins ma cousine et je m’allonge sur ma serviette. J’ai bien nagé, j’ai envie de me reposer. Je prie Elodie de la mettre en sourdine pendant une demi-heure et je tente de faire une petite sieste.

    Le soleil et le vent caressent ma peau, et une douce fatigue engourdit mes membres. Je suis sur le point de m’assoupir, lorsque la voix de ma cousine me secoue brusquement.

    « Eh merde ! ».

    J’ouvre les yeux et je m’aperçois qu’elle regarde fixement derrière moi. Ses yeux sont écarquillés, l’expression de son visage ahurie, comme si elle avait vu un fantôme.

    Je suis à moitié dans les vaps et je n’ai pas le courage de me retourner de suite.

    « Qu’est-ce qu’il y a ? » j’arrive à articuler, la voix pâteuse, pour éviter de me remuer.

    Mais comme elle ne répond pas à ma question et que je vois son regard se faire de plus en plus inquiet, je me contorsionne pour regarder par-dessus mon épaule.

    Mais Elodie m’attrape brusquement le bras pour m’en empêcher.

    « Mon cousin… ».

    « Oui Elodie… ».

    « Avant de te retourner, respire un bon coup… parce que… parce que c’est violent… ».

    Je crois que j’ai compris. Elle a dû repérer un super bogoss du genre qu’elle sait être parfaitement à mon goût. Et elle se moque de moi.

    Intrigué, je me retourne aussitôt. Et là c’est le choc frontal. Oui, elle a repéré un putain de bogoss. Mais ce n’est pas un simple bogoss. C’est Le Bogoss Absolu. Mon Jérém à moi est là. Beau, plus que beau.

    Le bobrun avance dans notre direction mais il n’a pas l’air de nous avoir repérés. Il finit par s’arrêter à une vingtaine de mètres de nos serviettes, devant la barrière, vers le bord de la piscine.

    Elodie avait raison, c’est violent. A l’instant même où l’image de Jérém a transpercé mes rétines, mes yeux et mon cœur en ont pris un sacré coup. Car mon beau Jérém est là, plus beau que beau, plus beau que jamais. Et son apparition ce n’est pas un choc, mais une multitude de chocs.

    Premier choc : son look.

    Déjà, il s’est fait couper les cheveux. Et ça, ce n’est pas seulement beau, c’est carrément bandant. Ensuite, il porte un short de bain rouge retombant juste en-dessous de ses genoux, dévoilant ses beaux mollets musclés et légèrement poilus. Le t-shirt est rouge aussi, mais un peu plus clair que le short, avec les finitions des manchettes et du col en blanc, avec la mention de la marque, de couleur blanche aussi, imprimée en travers de ses pecs.

    Inutile de préciser à quel point ce t-shirt est scandaleusement ajusté à son anatomie, à quel point la peau mate et bronzée de ses bras et de son cou joue un délicieux contraste avec le blanc des finitions, à quel point, comme d’habitude, les manchettes moulent les biceps. Et avec quelle perfection la manchette de gauche retombe pile au-dessus de son tatouage.

    Deuxième choc : son assurance.

    Son attitude pour commencer, avec son allure bien mec, sa démarche conquérante.

    Puis, sa façon de se déshabiller. Jérém pose son sac à terre et il attrape illico son beau t-shirt rouge par l’arrière du col, il le fait glisser le long de son torse et de ses bras et il s’en débarrasse avec un geste rapide et éclatant, le balançant nonchalamment dans l’herbe.

    Qu’est-ce qu’il est craquant ce torse nu bronzé à point, fraîchement rasé, qu’est-ce qu’ils sont appétissants, ces beaux tétons saillants. Ah, putain, comment elle doit sentir bon cette peau de petit con !

    Troisième choc : le petit con n’est pas seul.

    C’est le choc qui m’achève. Jérém est accompagné d’une affreuse pintade. Mais c’est qui cette pétasse ? Putain ! Je pars une semaine et il redevient hétéro…

    Je détaille un peu mieux la « chose » : brune, pulpeuse, collante. On dirait la blondasse qui collait « Jérémie 2 » à la plage. Comme l’autre, elle passe de la crème solaire sur le torse du bomâle.

    J’ai envie de me lever et de crier : « bas les pattes, pouffiasse, ce mec n’est pas pour toi… ce mec, il est à moi, à moooooooooiiiiiiiiii ! Il n’y a que moi qui ai le droit de le toucher, car il n’y a que moi qui sais le faire jouir comme il se doit ! ».

    Je ne suis pas misogyne. C’est juste que toute nana, aussi jolie et respectable soit-elle, lorsqu’elle se frotte à un garçon qui me plaît, et a fortiori à mon Jérém, devient automatiquement la cible de mon mépris le plus impitoyable et de ma mauvaise foi la plus totale.

    Un mépris dont la pintade va vite s’avérer particulièrement méritante.

    Jérém s’allonge sur sa serviette et elle n’arrête pas de le toucher, de l’embrasser. J’ai envie de la dégommer. Elle a l’air raide dingue de lui, comme la blondasse à la plage avait l’air de l’être de « Jérémie 2 ». Elle a l’air d’être en manque. Et si elle est en manque, c’est qu’elle a dû goûter à sa queue de ouf. Et si elle y a goûté, elle n’a qu’une envie, c’est d’y goûter encore et encore. J’ai envie de gerber…

    Cette scène dégoutante s’étire pendant un bon moment, bien trop long à mon goût. Heureusement, à un moment Jérém a la bonne idée de se lever et de s’étirer, ce qui met fin aux effusions de la brunasse.

    Là, on change complètement de paysage, et ce paysage-là, je kiffe à fond. Voilà un magnifique Apollon, les deux pieds bien plantés sur le sol, des jambes puissantes, un dos aux proportions parfaites, des biceps qui gonflent au gré de ses étirements. Regarder ce mec est un pur bonheur.

    Quelques instants plus tard, le bobrun s’approche du bassin. Et là où moi j’avais sagement descendu les marches du plongeoir, le bomâle prend une petite accélération, il lève les bras, il les rapproche, il rebondit sur ses pieds sur le rebord du bassin. Et alors que tous ses muscles se mettent en tension, son corps décrit une courbe au-dessus de l’eau. C’est beau, athlétique, puissant, c’est élégant, frimé et assuré, tout à la fois. C’est du bogoss pur jus, c’est du Jérém.

    Son corps pénètre dans l’eau avec la grâce d’un poisson, un très beau poisson. Je le regarde filer vers le bord opposé du bassin à une vitesse vertigineuse, avec la technique de bogoss par excellence, le crawl. Je suis happé par le mouvement rotatif incessant de ses épaules, je suis impressionné par ses bras remuant l’eau avec une puissance inouïe. Et je suis ensorcelé par l’action coordonnée de l’ensemble des muscles de son torse, saillants comme jamais, sous l’effet de l’effort.

    Vraiment, ce mec a tout pour lui. Non seulement il est beau comme un Dieu, non seulement il est très bon au rugby, mais en plus il nage super bien le petit con. Sa technique allie puissance et élégance, et ses bras sont comme de véritables nageoires qui le propulsent dans l’eau à grande vitesse. Et le pire, dans tout ça, c’est qu’il exécute cela avec une aisance et un naturel déconcertants. Je le regarde entamer sa troisième longueur, et il n’a même pas l’air de forcer.

    Pendant que Jérém enchaîne les allers retours dans le bassin, je ne peux pas le quitter des yeux. Mon regard se focalise sur le corps musclé à la peau mate qui fend l’eau du bassin, et j’ai l’impression que tout autour de nous a disparu. Au bout d’un moment, à force de suivre son mouvement pendulaire, je me sens comme ensorcelé, comme en état d’hypnose.

    Un état duquel je ne parviens à m’extirper que lorsque le bogoss cesse ses va-et-vient dans le bassin. Un instant plus tard, en se servant de la puissance coordonnée de tous ses muscles, Jérém bondit hors de l’eau, en atterrissant assis sur le rebord en pierre. Sa sortie de l’eau est tout aussi spectaculaire que son entrée, et c’est tellement beau que ça me donne envie de pleurer.

    Le bogoss est ressorti à l’autre bout de la piscine et il en longe le bord pour venir rejoindre sa brunasse. Il avance lentement, comme pour permettre au plus grand nombre d’apprécier son corps de petit Dieu. Et en effet, de nombreuses têtes se tournent sur son passage, ce qui me rend fou de jalousie.

    Même si, d’un autre côté, je comprends parfaitement ces regards qui se posent sur mon bobrun. Mais comment pourrait-il en être autrement ?

    Au fur et à mesure qu’il approche, je suis happé, charmé, hypnotisé, excité parce corps incroyable trempé de la tête aux pieds. L’eau dégouline de ses cheveux trempés et retombant en vrac sur son front, glisse sur sa peau mate, la faisant briller au soleil, ruisselle sur ses muscles saillants, les rendant encore plus impressionnants. Je craque.

    Non, on ne peut pas ne pas mater un mec pareil, c’est impossible. Car, dans l’espace ouvert autour de la piscine on ne voit que lui, lui et son torse de fou, lui et ses plis de l’aine ressortant diaboliquement de l’élastique de son short de bain, lui et sa démarche assurée de bogoss, lui et ses cheveux bruns, lui et sa bonne petite gueule sexy qui crie au sexe.

    Jérém avance en regardant droit devant lui. Le short de bain rouge, trempé et dégoulinant d’eau, souligne diaboliquement le mouvement de ses fesses au gré de ses pas, mouvement alterné, cadencé, inconscient et sexy de mec viril.

    J’ai l’impression qu’il ne m’a toujours pas repéré, et je commence à penser qu’il ne va jamais tourner la tête dans ma direction et que, par conséquent, il va continuer à ignorer ma présence. Et ça me fait chier.

    Car, même si une partie de moi redoute de croiser son beau regard brun, de peur d’y lire la froideur et le mépris qu’il sait si bien me jeter à la figure, l’autre partie de moi crève d’envie d’attirer son attention, de lui faire remarquer que je suis là. J’ai besoin de me montrer au gars que j’aime, et j’ai besoin de montrer à l’ennemi, cette brunasse de la pire espèce, que je suis là. Mais la plus grande vérité, c’est que j’ai mal à l’idée de ne pas croiser son regard, et encore plus à l’idée de ne pas aller le voir, ne serait-ce que pour lui dire bonjour. Pour lui rappeler que j’existe.

    Le bogoss arrive à sa serviette, il se baisse pour la ramasser, et il se redresse pour commencer à se sécher. Et c’est pile à ce moment-là que j’ai l’impression qu’il regarde enfin dans ma direction. Mon cœur s’emballe, secoué par un séisme intérieur d’une magnitude qui explose l’échelle de Richter. Je m’enflamme sur le champ, je me dis que ça y est, il m’a repéré. Je me mets à rêver, je l’imagine déjà m’envoyer un grand sourire, me faire un grand coucou avec un bras, ou même tous les deux. Et je le « vois » s’éloigner de sa pouffe pour venir me dire bonjour.

    Mais mon euphorie est de courte durée, car son regard ne s’arrête pas sur moi, et il continue de balayer l’espace ouvert. Ah, en fait, il ne m’a pas vu ! En fait, j’ai juste été aveuglé par son regard comme on peut l’être par la lumière d’un phare de mer, lorsque dans sa rotation incessante et sans but précis, il nous vise et nous éblouit, involontairement, pendant une infime fraction de seconde.

    Mais alors que ses yeux balaient déjà ailleurs dans le grand espace ouvert, avec un mouvement brusque et soudain, le bogoss ramène son regard brun pile dans ma direction. C’est un regard étonné, interrogatif, qui s’enfonce dans le mien et ne le lâche plus.

    En fait, ses yeux m’avaient vu, mais son esprit ne l’avait réalisé qu’une fraction de seconde plus tard. Jérém ne se lance pas dans de grandes effusions à mon égard comme j’avais pu le rêver, il se contente d’un tout petit geste qui me rend dingue. L’un de ses sourcils se met en chapeau, comme pour manifester sa surprise (ah qu’est-ce que c’est sexy, ce petit mouvement de son arcade), alors qu’un tout petit sourire s’esquisse sur ses lèvres. Puis, pour m’achever, le bogoss me balance un magnifique, redoutable, bouleversant, hyper sexy clin d’œil qui me met KO direct.

    Ah, putain ! Je suis retourné comme une crêpe. Pourquoi ces deux petits mouvements des traits de son visage me font cet effet ? Peut-être parce que j’ai vraiment l’impression que Jérém est content de me voir…

    Mais le bogoss retire rapidement son regard de feu, et il continue de se sécher. Je reste à le regarder pendant plusieurs secondes, comme figé sur place.

    « Calme-toi, mon cousin, calme-toi… » j’entends Elodie se marrer.

    « Mais t’as vu, comme il est beau ? ».

    « Oui, il est à se damner… ».

    « Je ne sais pas comment c’est possible d’être aussi sexy… ».

    « Va lui dire bonjour… ».

    « T’es folle ou quoi ? ».

    « Allez, vas-y, t’en as très envie ! ».

    « Arrête tes bêtises… ».

    « C’est pas vrai ? ».

    « Bien sûr que j’en ai envie… ».

    « Lui aussi il en a très envie… ».

    « Tu crois ? ».

    « Non, mais il te faut quoi ? T’étais pas là ou quoi ? T’as pas vu ce regard qu’il vient de te lancer, ce clin d’œil, et ce sourire ? ».

    « Bien sûr que je l’ai vu… je suis tout retourné… j’en tremble, regarde… ».

    En effet, mes mains sont secouées par de petits spasmes incontrôlables.

    « Il t’a carrément fait du charme ! ».

    « Je croyais que tu m’avais dit de l’oublier… ».

    « Oui, et je confirme… mais c’est au-dessus de tes forces, alors fonce ! ».

    « Mais il n’est pas seul… ».

    « Tu veux que je vienne avec toi ? ».

    « Arrête je te dis ! ».

    « Petit joueur, va… ».

    « La ferme ! » je coupe court à la conversation.

    J’ai juste envie qu’elle me laisse tranquille. Revoir Jérém après plus d’une semaine passée à essayer de l’oublier, le revoir de façon si inattendue, le retrouver aussi splendide, le voir en compagnie d’une nana qu’il a baisée, me prendre son clin d’œil et son sourire en pleine figure, ça fait trop, trop d’émotions trop contrastantes à la fois, trop pour un seul cerveau, trop pour un seul cœur, trop pour un seul Nico.

    Alors, j’ai besoin de silence, j’ai besoin de couper le contact visuel avec Jérém. J’en ai besoin pour reprendre mon souffle, pour essayer de remettre de l’ordre dans ma tête, pour me souvenir de mes résolutions – lycée terminé, bac passé, révisions finies, adieu Jérém, chacun sa vie – des résolutions balayées à l’instant même où sa plastique a pénétré ma rétine dix minutes plus tôt.

    Mais ma cousine a décidé de ne pas me simplifier la tâche.

    « Moi je pense vraiment qu’il avait l’air content de te voir… » insiste Elodie.

    « Tu parles… ».

    « Il est juste trop fier pour l’admettre… ».

    Les quelques mots d’Elodie ont pour effet de me faire perdre le contrôle de mon regard, qui en profite pour se ruer sur l’être qu’il aime contempler le plus au monde.

    Le bogoss est en train de fumer une clope. Il est désormais installé sur sa serviette, en position accoudée, le torse incliné à 45 degrés, les genoux pliés, les pieds bien posés au sol, les jambes légèrement écartées, une position qui me rappelle nombre de moments bien chauds pendant nos « révisions », et qui me donne une furieuse envie de courir me glisser entre ses cuisses et de le pomper jusqu’à le faire jouir.

    Sa cigarette terminée, le beau brun repart vers le grand bassin et alors que je m’attends à le revoir piquer une tête, il continue de marcher sur la pelouse, en direction du bassin « pro » situé au bout du premier.

    « Le beau mâle est sans surveillance… je répète… il est sans surveillance… » se marre Elodie.

    « Et alors ? ».

    « Moi je dis qu’il est temps d’attaquer… ».

    « Tu es dingue ! » je tente une nouvelle fois de faire taire ma cousine.

    Pourtant, lorsque je vois Jérém replonger dans le bassin, puis nager, beau comme un Dieu, je sens un déclic se produire en moi. Et si ma cousine avait raison ? Si c’était vraiment le bon moment ?

    Je prends une profonde inspiration et, d’un coup, tout me paraît simple. C’est sous le regard incrédule de ma cousine que je me lève, je fonce, en prenant congé avec un simple :

    « Je reviens… ».

    « Je ne bouge pas d’ici… ».

    J’avance à grand pas sur la pelouse, j’avance en direction de mon bobrun. Je dois le rejoindre au plus vite, pour profiter de cette montée d’adrénaline, de cette détermination qui me fait si souvent défaut.

    « Salut, Jérém… » je lui lance, en arrivant près de lui, alors qu’il vient tout juste de sortir du bassin. La vision combinée et rapprochée de sa peau mate ruisselante d’eau, de ses cheveux plaqués sur le crâne et de son regard de feu me donne le tournis.

    Jérém me dévisage, sans proférer un seul mot. J’ai fait le plus dur, j’ai fait le premier pas, je ne dois pas me laisser démonter par sa présence intimidante, par son insoutenable sexytude, par son regard, quel qu’il soit, par son attitude, quelle qu’elle soit.

    « Salut… » il finit par me lancer, assez froidement.

    Je ne dois pas non plus me laisser démonter par la vibration virile de sa voix ou par son indifférence. Alors, enchaîne, Nico, vite !

    « Tu vas bien ? ».

    « Oui, ça va ».

    Vas-y, balance un compliment, ça ne fait jamais de mal.

    « T’as bronzé on dirait… ».

    « Vite fait… ».

    Toujours aussi bavard le mec.

    « Tu veux quoi ? » il me lance sèchement.

    « Je viens juste te dire bonjour… ».

    « Ok, bonjour. Tire-toi maintenant, je ne suis pas seul… ».

    « T’es parti tellement vite l’autre jour » j’enchaîne« je n’ai même pas pu te demander comment ça s’était passé pour toi… ».

    « Ça s’est passé. Allez, du vent ! ».

    « Je me disais qu’on pourrait nager un peu tous les deux… ».

    « Je nage seul… et toi aussi tu peux nager seul ! ».

    Jérém me fixe, son regard s’enfonce dans le mien, j’ai l’impression qu’il remonte mon nerf optique jusqu’à mon cerveau, jusqu’à lire dans mes pensées, mes envies, mon désir. Un petit sourire on ne peut plus lubrique s’affiche sur ses lèvres.

    « C’est pas de nager que t’as envie… » il me balance.

    « C’est vrai, c’est de toi que j’ai envie… ».

    Le bogoss semble flatté par mon propos. Pendant de longues secondes, il me fixe avec son regard brun et ténébreux, un regard intense, affolant, incendiaire, car terriblement, insoutenablement sexy. C’est un regard de charmeur de serpents, un regard qui m’aimante, m’attire, m’hypnotise.

    J’ai l’impression que ce contact silencieux dure pendant une éternité, un infini pendant lequel nous ne sommes plus que lui et moi, comme si avions été téléportés sur une île déserte. Et pendant cet instant, je ne sais absolument pas quelle va être sa réaction.

    Plus l’instant se dilate, plus je me dis qu’il va me jeter, qu’il va me mettre un nouveau râteau, un râteau monumental. Je l’ai cherché, je ne vais pas y échapper. Je voudrais que ce contact silencieux dure à tout jamais, je voudrais ne pas à avoir à entendre les mots avec lesquels il va me cogner.

    Puis, Jérém tourne brusquement la tête en direction de sa dinde brune. J’en fais de même, elle est toujours en train de rôtir au soleil à l’autre bout du bassin principal.

    « T’es une vraie salope, je devrais le savoir depuis le temps que je te baise… » il lâche un instant plus tard, sur un ton à la fois amusé et excité.

    « J’ai juste envie de toi… ».

    Pour toute réponse, Jérém se contente de me balancer un petit sourire conquérant, triomphant, les yeux emplis d’une étincelle lubrique animale et brutale.

    Son regard me déshabille déjà. Il me pénètre déjà. Il me baise déjà. Je crois qu’il bande déjà. Je sens ma queue déformer mon boxer de bain.

    Jérém n’a toujours rien ajouté mais il avance déjà en direction des vestiaires. Il se retourne, il ralentit ses pas, il me fait un petit signe de la tête pour m’inviter à le suivre. Je sens mon excitation grimper en flèche.

    Dans les vestiaires hommes, il n’y a presque personne, nous trouvons facilement une cabine libre pour nous y enfermer.

    Nous voilà face à face, dans la pénombre de ce petit espace confiné. La peau mouillée, les cheveux bruns en vrac, les épaules appuyées au mur du fond, Jérém baisse son boxer de bain rouge et il sort sa queue direct. Je ne m’étais pas trompé, il bande, et il bande à fond.

    Dans l’espace confiné, chaud et humide de la cabine, l’odeur de sa peau mouillée envahit mes narines, enivre mon esprit.

    Tous mes sens sont aimantés par son corps, sa sexytude extrême est une force à laquelle je ne peux pas m’opposer. Je frémis, je tremble à l’idée de reprendre sa queue tendue et brûlante dans ma bouche.

    Un instant plus tard, je m’apprête à sucer mon bomâle brun. Jérém est toujours installé contre le mur du fond, le bassin bien vers l’avant. Et moi je suis à genoux devant sa virilité bouillante.

    Son attitude n’a qu’une signification pour moi : « vas-y, suce, suce-la bien… ».

    Alors, sans me faire prier davantage, je saisis son manche humide et j’entreprends de le branler doucement. Pendant ce temps, ma langue s’enroule autour de son gland gonflé à bloc, pour lui offrir les premiers frissons d’une fellation dont je voudrais vraiment qu’il se souvienne.

    A l’instant même où je le prends dans ma bouche, je ressens instantanément une sensation bien-être et d’apaisement envahir mon corps et mon esprit. Sa présence, son gabarit, la douce chaleur de sa peau, les petites odeurs de jeune mâle qui s’en dégagent, c’est un bouquet de sensations qui se rapprochent pour moi au plus près de l’idée que je me fais du bonheur.

    Et qu’est-ce que c’est bon de retrouver ces sensations, de le reprendre dans ma bouche, d’avoir une nouvelle occasion de lui faire kiffer sa race, alors que je désespérais que cela arrive à nouveau un jour.

    Sa queue tendue envahit ma bouche, la remplit, la lime, la jauge. Ses bons coups de reins sont en parfaite coordination avec les va-et-vient de mes lèvres.

    Ses mouvements, l’odeur moite de sa peau, son attitude, la situation, tout est terriblement excitant. A cet instant précis, je me sens bien, je me sens comblé. Je suis à la fois excité et apaisé, rassuré, heureux. A cet instant précis, je n’ai plus qu’un but dans la vie, celui de le pomper jusqu’à le faire jouir, et d’avaler sa semence de jeune mâle jusqu’à la dernière goutte.

    Au départ Jérém semble tendu, perturbé par les bruits qui nous entourent – les portes des cabines proches qui s’ouvrent et se referment régulièrement, le bruit des douches, quelques bribes de conversation.

    Dans cette cabine nous sommes isolés des regards, mais nous ne le sommes pas du tout des bruits de ce lieu public.

    Dans cette cabine, j’oublie tout et je suce avidement mon bobrun. Peu à peu, je le sens se détendre, lâcher prise, s’abandonner à mes caresses, jusqu’à oublier ce qui nous entoure, jusqu’à se concentrer uniquement sur le plaisir que je lui offre sans limites.

    A un moment, quelqu’un essaie d’ouvrir la porte de notre cabine. Le type insiste, la secoue, provocant un bruit assourdissant. Jérém sursaute, et moi avec lui. Instinctivement, il me repousse et il retire sa queue de ma bouche. La fermeture tient bon, le type finit par renoncer et nous foutre la paix. Le bogoss me fourre aussitôt à nouveau son manche dans la bouche, tout en posant une main sur ma nuque et en m’attirant fermement vers son bassin.

    Après dix jours de manque, j’ai envie plus que jamais de lui faire plaisir. C’est avec un bonheur inouï que je retrouve ses points érogènes, que j’essaie de me surpasser, que je sens son corps réagir à chacun de mes gestes, à chacune de mes caresses.

    Je suis certain que ta brunasse ne t’a pas fait la moitié de ce que moi je te fais, n’est-ce pas, mon beau Jérém ?Est-ce qu’elle se laisse complètement remplir, envahir, déborder la bouche par ton manche puissant ? Est-ce qu’elle saisit tes fesses de ses deux mains, lorsqu’elle te suce à genoux (si elle te suce à genoux), est-ce qu’elle se laisse saisir la nuque par tes mains, est-ce qu’elle encaisse bien tes coups de reins, pour que ta queue s’enfonce bien au fond de sa bouche ? Est-ce qu’elle avale ta bite jusqu’à s’en étouffer ? Est-ce qu’elle accepte de recevoir tes giclées chaudes dans la bouche ? Est-ce qu’elle les avale ? Est-ce que pour elle, ton jus brûlant de jeune mâle est la plus délicieuse des boissons ? Est-ce que son plus grand plaisir est celui de te sentir prendre ton pied ? Est-ce qu’elle te montre à quel point ta virilité est impressionnante et ta jouissance enivrante ?

    Moi je l’ai fait, et toi t’as kiffé, je le sais. Non, je ne suis pas certain que ta brunasse en fasse autant.

    Et même si elle fait tout ce que tu lui demandes, elle ne le fait pas comme moi je le fais, hein ? Tu kiffes ma bouche et mon cul, plus que les siens… Sinon, tu ne serais pas dans cette cabine avec moi… J’ai tellement envie de te sentir gicler dans ma bouche. Allez, encore un petit effort, bogoss, je sens que ça vient !

    Mais alors que je m’attends à goûter à son jus d’un instant à l’autre, le bogoss se retire de ma bouche, il passe ses mains sous mes aisselles, me fait me relever, il me retourne, il descend mon short et il cale direct son bassin humide contre mon cul, il glisse sa queue raide dans ma raie. La détermination de ses gestes, la chaleur de ses paumes sur ma peau est un pur régal, une source d’excitation extrême.

    Ses mains saisissent mes fesses, les écartent à fond. Une bonne goutte de salive glisse dans ma raie. Son gland vise juste la cible de son plaisir à venir, alors que son bassin exerce une pression de plus en plus intense. Il ne faut pas longtemps pour que la tension de mes muscles se relâche, pour que ma rondelle s’ouvre, pour qu’elle s’offre sans réticences à cette queue qui l’écarte, la pénètre, l’envahit, lentement mais inexorablement. Elle avance jusqu’à la garde, jusqu’à ce que ses couilles se calent contre mes fesses.

    Ses bras enserrent mon torse, ses pecs se collent à mon dos, ses abdos à mes reins. Je me sens complètement enveloppé par la chaleur de son corps, dominé par la puissance de sa musculature.

    Le bomâle commence à me limer en douceur. Sa queue coulisse très peu et très lentement, elle fait de tous petits mouvements au fond de moi ; elle semble caresser mon trou, tout comme ses couilles semblent caresser mes fesses.

    Cela me procure des frissons inouïs, comme des étincelles qui fusent et se propagent dans tout mon corps et me mettent dans un état d’excitation dément. Un état démultiplié par le contact de son corps enveloppant le mien, et porté à une intensité à la limite du supportable par l’action de ses doigts jouant avec mes tétons, leur prodiguant des caresses légères. C’est un truc de fou !

    Mon corps tout entier est submergé par une immense vague de plaisir, une vague qui me fait perdre pied et qui m’envoie dans un univers de jouissance inouïe. C’est tellement bon que j’en tremble.

    Définitivement, Jérém sait comment m’offrir ce genre de plaisir, le bonheur de me sentir complètement débordé par une virilité, la sienne, qui me fait complètement oublier la mienne. Jérém sait si bien comment me faire sentir à lui. Et il sait tout aussi bien comment me faire sentir qu’il est le Mâle.

    Dans l’espace confiné de la cabine, il fait chaud, et l’excitation de nos corps et de nos esprits n’y est pas pour rien. Sa peau encore humide, ainsi que nos transpirations respectives, nous collent l’un à l’autre.

    Le bogoss me pilonne en silence, en faisant attention à ne pas trop claquer ses cuisses contre mes fesses. Baiser dans une cabine des vestiaires à la piscine, oui, mais la discrétion avant tout !

    Le seul bruit venant de nos ébats que j’arrive à percevoir est celui de sa respiration rapide. Et lorsqu’il se penche sur moi, son souffle de mâle en rut chatouille mon cou, sa chaînette de mec frôle la peau entre mes omoplates.

    Plus ça va, plus ses coups de reins prennent de l’ampleur et de l’intensité. Sa queue s’enfonce bien, elle me lime sans répit. C’est bon comme rarement ça l’a été avec mon bomâle brun, et ce n’est pas peu dire. Ça dépasse tout ce que j’ai connu jusqu’ici, ça dépasse l’entendement, c’est le pied ultime C’est tellement bon que j’ai l’impression que je ne vais pas tarder à jouir sans même me toucher.

    Je ne suis plus qu’un volcan de plaisir, je n’attends plus qu’une chose, le sentir balancer sa semence au plus profond de moi, avant de jouir à mon tour.

    Mais le bomâle a encore d’autres projets. Il se déboîte de moi, laissant mon trou en proie à une violente sensation de vide, d’abandon, de frustration.

    Jérém revient dans sa position de départ, les épaules appuyées sur le mur du fond, le bassin en avant, la queue tendue, magnifique. Il la tient entre deux doigts et il joue avec, il la balance lourdement de bas en haut et de haut en bas. Je comprends illico ce que, dans son langage de petit mâle fier de sa teub, cette attitude signifie : « viens me sucer à nouveau, dépêche-toi, salope ! ».

    Me voilà à nouveau à genoux, en train d’astiquer cet engin qui vient de me donner de beaux frissons en coulissant entre mes fesses. Je le pompe avec ma main, avec mes lèvres, avec ma langue, je le pompe avec l’empressement et la voracité d’un affamé. Je le pompe pour le faire jouir au plus vite.

    Nouvelle position, nouvelle envie de Jérém, nouvelle envie pour moi.

    Pendant que je le pompais tout à l’heure, j’avais envie qu’il me gicle dans la bouche ; pendant qu’il me défonçait, j’avais envie qu’il me gicle dans le cul. Et maintenant que je l’ai de nouveau dans la bouche j’ai à nouveau envie de recevoir son jus de mec sur ma langue, sur mon palais, de retrouver son goût de mec, de tout avaler.

    Mais Jérém a encore d’autres projets. Il me repousse, il me fait relever une nouvelle fois, il me retourne, il me pénètre et il me défonce à nouveau.

    Où est-ce qu’il va vouloir jouir, à la fin, ce bomâle bien chaud ? Je suis dans un état second, j’ai envie qu’il jouisse partout en moi à la fois.

    Je ne tarde pas à être fixé. Jérém approche ses lèvres de mon oreille et me glisse tout bas :

    « Je vais te remplir ton cul de salope… ».

    Mon excitation est à son paroxysme. Je suis en train de me faire sauter par le mec le plus canon qui soit, le mec que j’aime, mon Jérém à moi, un jeune mâle qui sait se servir de sa queue comme un Dieu, on fait ça dans une cabine de vestiaires de la plus grande piscine publique de Toulouse, alors qu’il y a du monde autour de nous, et peut-être même dans la cabine d’à côté. Mon bobrun est sur le point de me remplir, alors que sa copine est en train de faire bronzette à quelque dizaine de mètres de là à peine.

    Comment imaginer situation plus bandante ? C’est juste délirant.

    Un instant plus tard, alors que son front trempé vient se caler lourdement entre mes omoplates, je l’entends lâcher une succession de râles étouffés, comme autant de notifications des giclées qu’il est en train de lâcher en moi.

    Au même moment, sans que je l’aie senti venir, mon bas ventre s’embrase de cette chaleur à la fois délicieuse et presque insoutenable qui précède l’orgasme.

    Jérém jouit en moi, et moi je jouis sur le carrelage, je jouis sans même m’être touché, juste en me faisant limer par sa queue.

    Après cette baise intense, j’aimerais tellement qu’il reste un peu plus en moi. Mais très vite, le bogoss se déboîte de mon trou, m’offrant un ultime frisson. Ma rondelle se contracte presque toute seule, comme si elle voulait retenir ce gland, cette queue qui lui a offert tant de plaisir.

    Un ultime frisson qui contraste sévèrement avec la sensation qui m’attend juste après, cette frustration de ne plus me sentir envahi par la puissance et la chaleur de cette queue brûlante.

    Je ne raterais pour rien au monde l’image fugace et précieuse du mâle repu après l’amour. Alors, je me retourne aussitôt. Le bogoss est appuyé à la porte de la cabine. Son torse musclé ondule sous l’effet de la respiration encore haletante, un filet de transpiration naissant à la base de son cou glisse peu à peu dans la ligne médiane de son torse. Sa queue est toujours raide, luisante de sperme.

    Je crois que je ne cesserai jamais de me demander comment un mec aussi canon peut avoir envie de baiser avec moi. Et depuis des mois, qui plus est.

    Mes narines sont excitées par l’odeur de sa peau, de sa transpiration, par l’ambiance moite de ce petit espace. Mon palais est ravi pas le goût délicieux de son jus. Toutes les fibres de mon être sont tendues et vibrent encore sous l’effet du plaisir qu’il m’a offert. Je suis complètement ivre de lui.

    Je ressens une brûlante envie de lui faire comprendre à quel point ça a été bon, à quel point sa queue et ses coups de reins mec m’ont fait jouir.

    J’ai envie de lui balancer : «Tu es un Dieu, un Dieu de la baise. Tu ne peux pas imaginer comment tu m’as fait jouir avec ce que tu m’as mis. Tu sais, mec, pour toi, c’est quand tu veux, comme tu veux, autant que tu veux… ».

    Mais lorsque je croise son regard, lorsque je capte le petit sourire coquin, limite arrogant, mais définitivement viril à craquer qu’il me lance, j’ai la certitude qu’il sait déjà tout ça. Il sait qu’il m’a fait jouir comme pas permis, il sait que je suis à sa disposition quand, comment, où et autant qu’il le veut. Son ego de petit macho est comblé.

    J’ai envie de m’abandonner, de me coller, de me mêler à lui par tous les moyens, j’ai besoin de sentir le contact avec son corps, avec sa peau. Je fais un demi-pas vers lui, j’amorce le mouvement pour le prendre dans mes bras, mais le bogoss m’en empêche.

    Je le regarde passer son short, accomplir ces gestes qui sont un peu une sorte de générique de fin de nos fabuleuses retrouvailles sexuelles. Je le regarde s’apprêter à partir, sans un mot, sans savoir si je vais le revoir, et ça me fend le cœur. Une nouvelle fois.

    Le bogoss se tourne vers la porte, il a déjà la main sur le verrou. Dans un geste presque désespéré, je pose une main sur son épaule, j’essaie de le retenir. Le bogoss accuse un petit sursaut, il tourne légèrement la tête sur le côté, il me lance un regard en biais qui semble surpris.

    Je profite de cet instant de flottement pour approcher ma bouche de son oreille et lui chuchoter, presque en transe :

    « Tu me rends dingue… ».

    Pour toute réponse, le bogoss dégage son épaule d’un geste brusque. Juste avant de me lancer sèchement :

    « Attends un peu avant de sortir… ».

    « Jérém… » je tente désespérément de le retenir.

    Mais déjà le bogoss déverrouille précipitamment la porte, et il part en claquant le battant derrière lui. Il part sans entendre la suite des mots qui n’ont pas eu le temps de se décrocher de ma gorge : « … est-ce qu’on va se revoir ? ».

    Le temps de remettre mon short de bain et de maîtriser la tristesse soudaine qui m’a envahi dès son départ, je quitte la cabine à mon tour. Avant de rejoindre ma cousine, je fais un petit détour aux douches. Quelques minutes plus tard, je me retrouve au bord du grand bassin, plongé dans la lumière éblouissante de cette fin d’après-midi du mois de juin.

    Je ne sais pas très bien ce que je ressens exactement à cet instant précis. Je ressens une douce fatigue m’envahir, je me sens physiquement comblé. Et pourtant, je me sens également assommé, détruit moralement.

    Je viens de partager une bonne baise avec Jérém, alors que je désespérais que cela se reproduise un jour. C’était génial. Mais après son départ précipité, sans aucune considération à mon égard, je ne peux m’empêcher de vivre cela comme une nouvelle « dernière fois ». Et chaque « dernière fois », c’est un peu comme une petite mort.

    En longeant le grand bassin pour aller retrouver ma cousine, je croise le beau poisson au short rouge et à la peau mate. Je marche sur la pelouse, il nage dans la direction opposée, remuant l’eau avec de grandes brasses.

    Ma cousine a toujours le nez plongé dans du papier glacé de gonzesse.

    « T’étais passé où ? » elle me questionne direct.

    J’hésite quant à ce que je dois lui répondre, j’hésite entre lui dire la vérité ou inventer un bobard. Je ne sais pas si elle s’est rendu compte de quelque chose. Dans le doute – et étant trop excité pour garder un truc aussi fou pour moi – je décide de ne rien lui cacher.

    « J’ai eu une rencontre très rapprochée avec Jérém dans une cabine des vestiaires… ».

    « Tu déconnes… ».

    « Pas le moins du monde… ».

    « Alors là, là tu m’épates… ».

    « C’était pas prémédité… Je suis allé le voir pour lui proposer de nager ensemble, mais il m’a dit que je pouvais nager tout seul… après, il m’a entraîné dans les vestiaires… ».

    « Alors, là, je suis sciée ! ».

    Une poigné de minutes plus tard, Jérém sort de l’eau et revient vers sa pouffe, comme s’il ne s’était rien passé. Je le regarde se sécher, avide de me remplir les yeux et l’esprit de la grâce virile de son corps et de ses mouvements.

    Puis, il s’allonge sur sa serviette. Et là, alors qu’il vient de se vider les couilles dans mon cul, ça ne le gêne pas le moins du monde de se laisser remettre une couche de crème solaire par cette dinde. Si seulement elle savait !

    Je remets de la crème solaire à mon tour, je m’allonge. Très vite, et sans vraiment m’en rendre compte, je m’assoupis.

    Ma sieste est de courte durée, et c’est Elodie qui se charge de l’interrompre :

    « Ton bobrun se tire… ».

    J’ouvre les yeux et je vois en effet Jérém et sa pouffe en train de ramasser leurs affaires. Un instant plus tard, le bobrun attrape son t-shirt rouge par le bas. Et, avec un geste svelte et rapide, il le glisse sur son torse.

    Je le regarde s’éloigner avec sa pouffe, sans lâcher un seul regard dans ma direction. Je le regarde longer le bassin, incapable de le quitter des yeux, je le regarde jusqu’à le voir disparaître dans le bâtiment des vestiaires.

    Et je sens monter rapidement en moi une immense tristesse.

  • JN01045 Gruissan, Jérémie, Stéphane

    JN01045 Gruissan, Jérémie, Stéphane

    Juin 2001, après le bac.

    Jour après jour, je profite de la plage de Gruissan. Je traîne pendant de longues heures sous le parasol. Un jour, une rafale plus puissante que les autres arrive à l’arracher. Elodie et moi nous nous levons d’un bond et nous lui courons après, nous arrivons à le récupérer juste au bord de l’eau. Ce jour-là, ma cousine et moi nous sommes tapé un sacré fou rire.

    Sous le parasol, je passe des heures à bouquiner. Je découvre et dévore la trilogie des Fourmis de Werber.

    Pendant que ma cousine rôtit au soleil et avale ses magazines de gonzesse, je nage, je me balade sur la plage.

    La vision du corps féminin dépassant des maillots de bain me conforte dans l’idée que les nanas ne m’attirent pas le moins du monde.

    Ce qui entraîne l’éternel questionnement : pourquoi est-ce que j’aime les mecs ? Et la conclusion qui va avec : ma vie serait tellement plus facile si ce n’était pas le cas…

    Et puis voilà, le beau torse et le sourire charmeur d’un bogoss me rappelle illico à moi-même.

    Parfois, Elodie vient se balader sur la plage avec moi. Nous marchons pendant des heures, en discutant, en alternant des moments de pure déconnade avec des conversations quasi-philosophiques sur la vie, les relations humaines, l’amour. En fait, nous refaisons le monde à chacune de nos balades.

    Avec ma cousine, je me sens bien. Je me sens à l’aise, compris, accepté pour ce que je suis. Avec Elodie, je me sens « normal ». Et qu’est-ce qu’on rigole, tous les deux !

    Tout est occasion pour se taper des fous rires. Un paquet de pâtes qui tombe et explose sur le carrelage de la cuisine et que l’on passera une soirée à ramasser ; une pizza oubliée au four ; quand on se rend compte d’avoir oublié d’acheter le produit pour lequel on était précisément parti à la superette.

    Nous passons le plus clair de nos journées à la plage, nous ne rentrons à l’appart qu’en toute fin d’après-midi.

    Parfois, après avoir dîné, nous retournons à la plage pour regarder le soleil plonger dans l’eau. Nous nous asseyons sur le sable, en silence. Devant l’immensité des éléments, je me sens souvent submergé par la tristesse, par un sentiment de solitude déchirant.

    Elodie s’en rend compte à chaque fois, elle me prend dans ses bras, elle a toujours le bon mot pour remonter le moral à son petit cousin. Sa bienveillance me fait me sentir bien.

    Un soir, je me décide à lui parler de Stéphane.

    « Petit cachottier… » elle me lance « sans déconner, je suis contente pour toi, mon cousin, ce mec a vraiment l’air cool… ».

    « Mais il va partir loin… ».

    « Mais, au moins, grâce à ce mec, tu as enfin compris et testé qu’il n’y a pas que ce Jérémie comme mec sur Terre… ».

    « Je ne sais même pas comment Stéphane a pu s’intéresser à moi… ».

    « Parce que tu es un beau garçon et que tu es quelqu’un de touchant, ça se voit au premier coup d’œil ! Arrête un peu de penser que tu n’as rien pour plaire ! Tu as tout pour plaire! ».

    J’ai toujours été complexé par rapport à mon physique. Cela est probablement dû au fait que je me suis toujours inconsciemment comparé aux garçons sur lesquels je flashais, c’est-à-dire à des gars plutôt bien foutus. Alors, bien sûr, dans ce genre de comparaison, je n’existe tout simplement pas.

    « Et puis il y a eu Jérémie… » fait Elodie.

    « Il ne m’a jamais dit comment il me trouvait… ».

    « Si un canon comme lui a eu envie de coucher et de recoucher encore et encore avec toi, c’est que quelque part tu ne dois pas être si moche que ça… ».

    « Ou alors c’est tout simplement parce qu’il pouvait faire avec moi ce qu’il voulait… ».

    « Pffffff… et Stéphane, alors ? A lui aussi tu lui as plu. Et, d’après ce que tu me racontes, ce n’est pas du tout le même genre de mec que Jérémie… ».

    A partir de ce moment-là, et pendant toute la durée de ces vacances, Elodie s’emploiera à me faire prendre conscience que je peux plaire.

    Un soir, alors que nous nous apprêtons à sortir, elle me regarde avec insistance. Je commence à croire qu’elle va se moquer de moi parce que j’ai un truc de travers, mais elle me balance de but en blanc :

    « Tu sais que t’es vraiment bomec ? ».

    « Tu parles… ».

    « Il est très joli ton t-shirt noir, il te va super bien, ça souligne bien ton cou dégagé et ta chute d’épaules. N’en doute plus, mon cousin, t’es bomec… ».

    « Si tu le dis… ».

    « Il faut juste arranger ça… » elle ajoute, tout en passant une main dans mes cheveux et en m’entraînant dans la salle de bain avec l’autre.

    Elle me cale devant le miroir, elle attrape mon tube de gel fixant, gel dont elle dit : « Tu ne t’en sers pas assez ». Ses doigts s’enfoncent dans ma tignasse et commencent à la trifouiller vigoureusement. En quelques secondes, sous mes yeux d’abord sceptiques, mon désastre capillaire prend peu à peu une toute nouvelle allure. Lorsqu’elle en a terminé, exit le brushing bien trop sage, je ressemble enfin à quelque chose. A un mec de mon âge.

    « Waaaa, le bogoss ! Dommage que tu sois mon cousin, sinon tu passerais à la casserole ! ».

    « Arrête de te moquer de moi… ».

    « Je ne me moque pas du tout… » fait-elle, tout en me mettant une bonne tape sur les fesses, et en ajoutant : « mate-moi un peu ce petit cul à croquer !Allez, mets un coup de déo, tu vas emballer ce soir ! ».

    Je regarde ma cousine à mon tour. Elle est bien roulée, bien sapée, maquillée simplement, elle est hyper féminine : pas étonnant que pratiquement chaque soir elle ait des touches. Des touches dont elle ne profite jamais, car elle ne veut pas me laisser tout seul.

    Ce soir-là, en boîte de nuit, elle flashe sur le regard de feu d’un certain Daniel, un charmant brun avec une barbe fournie et bien taillée, un regard intense, accrocheur, terriblement charmant, habillé d’une chemisette gris pétrole dont l’ouverture de deux boutons en haut donne l’aperçu d’un torse légèrement velu.

    « Putain, qu’est-ce qu’il est beau ce type… ».

    « Je ne te le fais pas dire, cousine… ».

    « Mais t’as vu ses yeux ? On dirait des aimants ! ».

    « Il te plaît, hein ? ».

    « Grave ! ».

    « Alors fonce, ma cousine ! ».

    « Arrête, je ne vais pas te planter là comme un con… ».

    « Peut-être pas toi, mais moi oui ! » je lui balance, en me levant de ma chaise.

    « Arrête de faire le con, Nico ! » elle rigole.

    « Amuse-toi bien ma cousine, ce soir tu as la permission… ».

    « C’est vrai ? ».

    « Oui, c’est vrai… ».

    « Ok, tire-toi vite, alors ! » elle se marre.

    « Envoie juste un sms pour me dire si tout se passe bien ».

    Je sors du pub et je marche en savourant le calme et la fraîcheur de la nuit de ce début d’été. Je marche jusqu’au port de Gruissan, je m’assois sur un banc et j’écoute le clapotis de l’eau contre les quais et les coques des bateaux. La solitude nocturne est propice à la mélancolie. C’est la nuit que le manque de l’être aimé est le plus intolérable.

    Jérém, où es-tu ? Avec qui dors-tu ce soir ? Est-ce que je te reverrai, un jour ? Pourquoi m’as-tu mis dans ton lit si c’est pour que ça se finisse de cette façon ?

    Soudain, je repense à Stéphane. Je repense au bonheur de me retrouver dans ses bras, après le plaisir des corps, à ses caresses, à ses baisers, à sa tendresse, à sa bienveillance. Et j’ai terriblement envie de retrouver ces sensations. Si seulement Jérém pouvait avoir un peu de la douceur du gars au labrador…

    Cette rencontre avec Stéphane aura été une révélation pour moi. Ça fait du bien de réaliser qu’avec un garçon on peut envisager autre chose que des baises bien chaudes suivies de séparations bien glaciales. Oui, ça fait du bien de savoir qu’il y a des garçons avec qui je peux partager plus qu’un lit.

    J’ai envie de lui envoyer un message, de l’appeler, de discuter avec lui. Je suis certain que ça me remonterait le moral. Pour l’instant, je profite de ma cousine. Je lui enverrai un sms dès que je serai de retour sur Toulouse.

    Le matin suivant je me réveille vers 9h00 et je réalise que je suis seul dans l’appart. Je me souhaite le bonjour de la même façon que je me suis souhaité la bonne nuit : avec une bonne branlette. Elle a le double pouvoir de détendre mon esprit et de me faire replonger dans un dernier petit sommeil matinal.

    Une heure plus tard, le bip du portable me réveille une nouvelle fois. Un sms vient d’arriver.

    « Tout va bien, je rentre vers midi, je te rejoins à la plage ».

    Sacrée Elodie ! Il est 15 heures lorsqu’elle se pointe à la Mateille. Immenses lunettes noires cachant la moitié de son visage, elle s’allonge lentement sur la serviette qu’elle vient d’étendre sur le sable. Elle me raconte un peu sa nuit de folies avec le bogoss. Elle a l’air d’avoir kiffé grave, je suis heureux pour elle.

    Après sa folle nuit, l’après-midi de ma cousine est encore moins « physique » que l’habituel bronzette-magazines :ce coup-ci, c’est carrément carpette sur la plage. Ainsi, après s’être copieusement badigeonnée de crème solaire, elle s’endort sur sa serviette.

    Je pars à l’eau, je nage un peu, puis je pars me balader sur la plage. J’avance loin en direction de l’est, jusqu’aux Ayguades. J’avance sans but véritable. J’avance jusqu’à ce que je tombe sur l’un de ces spectacles magnifiques dont les ingrédients principaux sont : la plage, la mer, l’été, le soleil, un filet, un ballon, et un bon paquet de mecs en train de s’amuser. Et là, je m’arrête enfin. Car j’ai atteint mon but inconscient.

    Autour d’un filet tendu sur la plage, des mecs sont en train de jouer au beach volley. Un petit public assiste à cette animation improvisée. Une scène qui me fait repenser aux quatre potes jouant au ballon dans l’eau, la petite bande que j’avais croisée le jour de mon arrivée à Gruissan.

    Je les ai « cherchés » sur la plage les jours suivants, mais je ne les ai jamais revus. J’avais même fini par les oublier. Ou presque. Que-sont-ils devenus ? Qu’est devenu le petit brun ? A-t-il déjà quitté Gruissan ? Est-il déjà reparti dans sa ville ? Et c’est quoi, cette ville ? A-t-il déjà repris le cours normal de sa vie ? Est-il étudiant, ouvrier, employé ? A-t-il une copine ? C’est quoi son passé, son présent, son quotidien, ses habitudes, ses passions, ses envies, ses rêves ? Autant de questions qui resteront à tout jamais sans réponse, car plus jamais je ne croiserai son existence.

    Une petite nostalgie m’envahit alors. Mais elle est très rapidement chassée par l’animation générée par le match de beach volley.

    J’approche de la scène, attiré par ces jeunes corps de mecs, par la couleur ambrée des peaux bronzées. Je suis happé par un premier regard, très brun, un regard que j’ai envie de sonder, comme à la découverte d’un monde inconnu et fascinant. Un instant après, je suis enchanté par un deuxième, très clair celui-ci, et dans lequel j’ai envie de plonger et de me laisser flotter, comme dans la mer.

    Regarder une bande de mecs jouer à un quelconque sport, c’est s’exposer au risque d’être percuté par une infinité de ces petits détails qui m’émeuvent au plus haut point : une belle gueule, un joli sourire, une chute d’épaules sexy, un torse musclé qui dépasse d’un short de bain, la puissance et l’élégance des corps en mouvement, des muscles qui se donnent à fond et qui chauffent, un filet de transpiration qui suinte dans le creux du cou et descend entre les pecs, jusqu’aux abdos.

    Mais, aussi, des mots balancés malicieusement à un pote, des mots relayés par la bande, une petite raillerie faisant visiblement allusion à un épisode récent, et dont le sujet semble être une nana levée la nuit précédente par l’un des gars. Ce sont des mots précieux, capables de m’offrir un petit aperçu de cette vie, de cette amitié, de cette complicité entre mecs qui m’intrigue tant.

    Le match se termine déjà. Les gagnants sont en liesse, et les perdants vont les féliciter. Très vite, je comprends qu’un nouveau match se prépare. Les équipes se mélangent, des gars vont s’assoir sur le sable, alors que d’autres viennent prendre le relais.

    Et parmi ces derniers, il y en a un qui est ni plus ni moins qu’une putain de bombasse a(na)tomique. Blond, les cheveux coupés courts, le brushing en brosse, avec une petite barbe bien taillée, de grandes lunettes noires sur le nez. Il porte un short de bain bleu dont l’élastique tombe juste au-dessous d’un pli de l’aine spectaculaire. Le mec a une mâchoire carrée et virile, des pecs bien saillants, des abdos superbement dessinés, des beaux mollets musclés (et légèrement poilus), témoins d’une activité sportive régulière.

    Sa façon de marcher, de balancer ses bras, de balayer l’espace du regard :tout chez ce mec dégage cette assurance, cette attitude à la fois, insolente, énervante et craquante, du mec qui sait très clairement qu’il est bogoss. Et cela va très vite se confirmer.

    Dès que le gars rentre dans mon champ de vision, plus rien ni personne n’existe autour. C’est exactement le genre de mec vers qui je me sens attiré d’une façon viscérale, inéluctable, violente.

    Si seulement il pouvait enlever ses lunettes de soleil pour que je puisse découvrir son regard ! Mon vœu est vite exaucé car le bogoss se débarrasse de ses lunettes noires qu’il confie à l’un de ses potes assis au bord du terrain de volley.

    Et là, c’est comme un choc : le gars dégaine un regard clair et transparent, profond, d’une intensité à couper le souffle. C’est un regard qui semble capturer tout le bleu du ciel et de la mer et le refléter, le restituer, chargé de l’éclat étincelant d’une jeunesse insolente et d’une virilité torride. Le mec est terriblement sexy.

    Mais cela n’est pas tout. Dès la reprise du jeu, je vais vite réaliser que le mec a vraiment tout pour lui. Car il appartient à cette rare espèce de gars qui, en plus d’être beau comme pas permis, est habile de ses jambes et de ses bras.

    Le ballon touche le sol et c’est à lui de la remettre en jeu. Ses gestes traduisent l’assurance du mec qui est sûr de son coup. Le gars exécute un service précis et puissant, le ballon pique juste au milieu de camp adverse. Il est intercepté, il rebondit plusieurs fois d’un côté et de l’autre du filet et finit par toucher le sable du camp adverse grâce à un smash asséné par le même beau gosse !

    Le bogoss se retourne vers le public qui l’applaudit, vers les nanas qui lui balancent des « bogoss », « t’es canon », «t’es le meilleur ». Le gars est en plein dans le rôle du « kéké » fier de son exploit, et qui veut en mettre plein la vue.

    Puis, l’un des mecs du camp adverse, lui balance : « Ahhhhhh, tiens, Jérémie, toujours à frimer celui-là !!! ». La simple évocation de ce prénom pour moi tant chargé d’émotion me fait frissonner.

    Ainsi, le bogoss blond avec les lunettes noires, s’appelle Jérémie lui aussi : il faut admettre qu’il a le physique et les attitudes de l’emploi. C’est le mec sûr de lui, de son corps, de ses exploits au sport, et certainement de sa queue aussi, ainsi que de ses exploits au pieu.

    Le jeu reprend, les services s’enchaînent. Le bogoss est vraiment bon à ce sport. Je le regarde courir derrière la balle, pieds nus sur le sable, et je ne suis jamais rassasié d’admirer la perfection de son anatomie en mouvement.

    Le match se termine avec la victoire de l’équipe de « Jérémie 2 ». Les gars des deux équipes se rejoignent, se félicitent réciproquement, s’échangent des tapes dans les mains, sur l’épaule, des accolades, des bises. Ils se disent au revoir « comme des mecs ».

    Lorsque je les regarde, je ressens une agréable sensation de bien-être. Définitivement, c’est ça que j’aime, je ne peux rien y faire. Ce sont les garçons qui m’offrent du bonheur, les garçons et rien que les garçons.

    Le spectacle est terminé, mais je suis toujours assis sur le sable, car je n’ai pas envie de partir. Qu’est-ce qu’il me plaît ce petit con de « Jérémie 2 » !

    Petit à petit le petit public se disperse, tout comme les joueurs de deux équipes. Heureusement, le boblond ne s’en va pas loin, il s’installe sur une serviette à proximité du filet. Juste à côté d’une blonde aussi maquillée qu’une voiture volée !

    Très vite, je la déteste. Et ce, pour plusieurs raisons : déjà, dès que le bomâle s’allonge sur la serviette, elle commence de lui caresser le torse, en insistant bien entre la région au-dessous de son cou jusqu’au nombril. Sans gêne, elle descend encore plus, jusqu’à la lisière de son short de bain, j’ai même l’impression que les bouts de ses doigts jouent avec l’élastique de son short, comme s’ils aspiraient à retrouver quelque chose de précis, de connu, quelque chose dont elle serait en manque.

    « Jérémie 2 » se laisse faire pendant un petit moment, sans réagir. Tu m’étonnes, il doit aimer ça, ça doit l’exciter, il doit bander dans son short de bain.

    Pourtant, à un moment, il relève le buste, il se met en position assise, obligeant la blondasse à arrêter son vilain petit jeu.

    Le mec porte alors la main sur son paquet, il trifouille sa queue par-dessus le tissu, comme s’il voulait la remettre en place, attitude incroyablement érotique à mes yeux. Toute cette scène ne doit pas prendre plus que deux secondes grand maximum, et pourtant j’ai l’impression qu’elle dure très longtemps. Mon regard est aimanté.

    Puis, d’un coup, le boblond part se baigner, rapidement rejoint par deux des mecs de son équipe. Les jeunes mâles aux corps de petits dieux se jettent à la mer et disparaissent sous l’eau pendant quelques instants, avant de refaire surface, les cheveux trempés, la peau ruisselante, éclaboussant de l’eau partout. C’est beau à en pleurer.

    Et lorsque c’est au tour de « Jérémie 2 » d’émerger de l’eau, je me retrouve à assister à une vision à couper le souffle : le torse en V, ses épaules bien bâties, sa gueule d’ange viril la peau bronzée ruisselante d’eau, il est beau comme un Dieu.

    Je le suis des yeux pendant qu’il avance vers sa serviette et à un moment nos regards se croisent. Immédiatement je baisse les yeux. Je les relève un instant plus tard, « Jérémie 2 » regarde toujours dans ma direction. Non, il me regarde carrément. Je baisse mes yeux à nouveau, mais je sens toujours son regard sur moi.

    Je fais diversion en partant à l’eau à mon tour, en me forçant à ne plus le mater directement. Je ne peux pour autant pas m’empêcher de le chercher discrètement du coin de l’œil.

    Le bogoss a remis ses lunettes noires et s’est allongé sur la serviette, sur le dos, à côté de sa blondasse qui est déjà en train de lui badigeonner les pecs et les abdos de crème solaire. Lorsqu’elle termine enfin ses attouchements abusifs sur la musculature saillante du bomâle, elle s’allonge à son tour.

    Soudain, j’entrevois une occasion pour m’approcher un peu plus du boblond, pour détailler la bête d’un peu plus près. Mon plan est de passer au plus proche du petit Dieu, pour le détailler au maximum Tout en profitant de sa position allongée, de son regard caché derrière les lunettes de soleil, et de son éventuel sommeil, pour faire cela discrètement.

    Après avoir fait un petit détour dans l’eau, je sors en marchant dans sa direction, sans le quitter du regard. Chacun de mes pas m’apporte un peu plus de précision et de détails dans la découverte de sa plastique de fou.

    Je me sens protégé par ses lunettes noires, ainsi que par la position de son visage, tourné à l’opposé, en direction de sa pouffe. Je suis persuadé que le gars ne me voit pas, alors je ne me prive pas de le mater.

    Pourtant, lorsque j’arrive à hauteur de sa serviette, le bogoss relève le buste d’un geste soudain il tourne la tête vers moi, il remonte ses lunettes sur ses cheveux blonds, il plisse ses yeux clairs comme pour me montrer qu’il a capté que je le mate.

    Je baisse mon regard à toute vitesse, l’attitude coupable, l’air con. Pendant un instant, je crains qu’il puisse venir me chercher des noises. Puis, je me dis que c’est improbable. Ses potes sont pas loin, sa copine est juste à côté, la plage est bondée : il aurait l’air de quoi s’il venait me castagner ? Mais est-ce qu’il en serait de même si on n’était que tous les deux ?

    Putain, Nico, apprend à être discret ! Ça ne t’a donc rien appris tes mésaventures avec le sexy reubeu au KL et avec le bourrin dans les chiottes du Shangay ?

    Je reviens m’asseoir sur la plage et j’évite soigneusement de le regarder. Je regarde la mer, la plage, le ciel, je regarde partout sauf dans sa direction.

    Et lorsque je me décide enfin à m’autoriser à laisser traîner à nouveau mon regard dans le secteur de « Jérémie 2 », je me prends une claque en pleine gueule : le boblond est à nouveau installé en position demi-assise, en appui sur ses coudes et ses avant-bras (décidemment, cette attitude me fait un effet de dingue) et il regarde dans ma direction. Comme s’il me surveillait. J’ai déjà connu ce genre de situation, je ne veux pas me retrouver dans le même pétrin, je ne veux pas mettre le bogoss en pétard.

    Mal à l’aise, je décide de fuir, je vais me baigner. Je rentre dans l’eau, je fais quelques brasses en direction du large. Lorsque je me retourne vers la plage, je vois « Jérémie 2 » approcher de l’eau à son tour et alors que je sens mon cœur s’emballer, le bogoss ne me calcule même pas. Il avance dans l’eau avec assurance, jusqu’à être immergé à hauteur de la taille et là, il fait un plongeon vers l’avant, plongeon accompli à la fois avec puissance et élégance.

    Je le regarde nager vers le large avec un crawl vigoureux, je le regarde pendant un petit moment jusqu’à perdre le signal de sa bogossitude.

    J’ai envie d’attendre qu’il revienne pour le mater encore, mais le petit con semble parti pour un long moment de natation. Je commence à ressentir des frissons, j’ai froid, je n’ai pas le choix, je dois sortir de l’eau.

    Je me pose à même le sable, en attendant que le soleil et le vent sèchent ma peau. Je ne suis posé que depuis quelques secondes, je grelotte encore, lorsque je vois le beau « Jérémie 2 » sortir de l’eau à son tour. J’ai l’impression qu’il me regarde fixement et qu’il fonce direct sur moi.

    Pourquoi je n’arrive pas à maîtriser mes regards ? Mais comment les empêcher d’aller là où ils sont irrépressiblement attirés ? Comment regarder ailleurs, alors que la beauté d’un garçon m’attire avec cette urgence, avec tant de violence ?

    Le gars n’est plus qu’à cinq mètres, je commence vraiment à croire qu’il va venir m’engueuler. Je cherche désespérément une façon de me justifier, de m’excuser. Il n’est plus qu’à trois mètres, dans ma tête c’est le chaos.

    Puis, tout se passe très vite. Le boblond me balance un sourire insolent et narquois, sexy à mourir. Il approche encore, et il vient s’asseoir sur le sable, juste à côté de moi.

    « Tu t’es bien rincé l’œil ? » il me balance à brûle pourpoint.

    Sa question est cash. Mais, contre toute attente, le ton de sa voix n’est pas agressif.

    « De quoi ? » je feins quand-même de m’étonner.

    « Ça fait une heure que tu me mates… »

    Je ne sais pas quoi lui répondre. Je n’ai pas envie de lui mentir, et j’ai peur de lui dire la vérité.

    Je n’ose pas me retourner vers lui mais je sens son regard lourd, insistant, perçant sur moi. Je sens aussi sa présence olfactive, un délicieux mélange de petites odeurs d’eau de mer, de crème solaire, de peau trempée, de présence de bogoss.

    Non, je n’ai pas l’impression que le gars a des intentions belliqueuses. Et pourtant, sa présence m’impressionne, m’intimide. Je m’en veux de ne pas avoir pu empêcher mon regard d’être aussi indiscret, aussi importun.

    Et pourtant, mon malaise est moins provoqué par la honte de m’être fait gauler que par la proximité de cette brûlante mâlitude, de cette sexytude palpable, presque radioactive, qui se dégagent de sa simple présence. La proximité d’un bogoss me fait perdre tous mes moyens.

    « Tu me kiffes, hein ? » il revient à la charge.

    J’ai envie de lui crier que, bien sûr, je le kiffe à mort. Mais les mots restent figés dans mon cerveau paralysé, et ils ne trouvent par le chemin pour descendre dans ma gorge.

    « T’inquiète, je vais pas te casser la gueule… si je devais casser la gueule à tous les gars qui me matent, je ne ferais rien d’autre de mes journées… » il lâche, sur un ton amusé.

    « Allez, dis-moi… » il enchaîne, face à mon silence persistant. En même temps, le bogoss envoie un coup de coude léger dans mon bras, pour attirer mon attention, comme pour me tirer de mon état second.

    Son geste m’oblige à le regarder. Et le sourire que je découvre sur son visage est juste magnifique. Tellement beau, presque insoutenable.

    « Tu es très beau… » je finis par admettre.

    « Ça, on me le dit souvent… ».

    « J’imagine… désolé si je t’ai vexé… ».

    « Tu ne m’as pas vexé… ».

    « Tant mieux. Si je te regardais, c’est parce que tu es tellement beau et sexy que je ne pouvais pas regarder ailleurs… » je me lâche.

    « Jérémie 2 » sourit, visiblement flatté. Il y a peu de sensations que je trouve aussi jouissives que de sentir un bogoss flatté par mes mots, ou par mon regard.

    « Alors, toi t’es pd… » fait-il, sur un ton détendu.

    Je me sens étrangement en confiance avec ce gars. De toute façon, il m’a bien cerné. Alors, je décide de jouer cash.

    « J’aime pas le mot pd… disons que je kiffe les mecs… ».

    « Tu trouves que je ressemble à un gay ? » il me questionne.

    « Je te mate parce que tu es viril et sexy à tomber ! ».

    « Tu kiffes les mecs bien foutus… ».

    « Oui, les gars comme toi… ».

    « Ça, j’avais bien compris ! ».

    « Et toi, t’aimes quoi ? ».

    « Les nanas… ».

    « Rien que les nanas ? ».

    « Rien que les nanas… Et toi, tu ne couches qu’avec des mecs ? ».

    « Oui… ».

    « Et t’en as eu beaucoup ? ».

    « Non, j’en ai eu qu’un… enfin… deux… ».

    « Tu les as rencontrés dans un bar ? ».

    « Celui qui a vraiment compté, c’était un camarade de lycée… en plus, il s’appelle comme toi… ».

    « Tu connais mon prénom ? ».

    « J’ai entendu tes potes t’appeler Jérémie… ».

    « Et toi, tu t’appelles comment ? ».

    « Nico… ».

    « Alors tu couchais avec un camarade du lycée, Nico… ».

    « Oui… ».

    « Et tu ne couches plus avec ? ».

    « Le lycée c’est fini, nos vies vont se séparer… ».

    « Tu le kiffes vraiment… ».

    « Plus que ça même… ».

    « C’est un gars comme toi ? ».

    « Non, c’est plutôt un gars comme toi… ».

    « C’est-à-dire ? ».

    « Aussi beau et bien foutu que toi… mais en brun… ».

    « Ça, c’est pas possible ! ».

    « Pourquoi ça ? ».

    « Personne n’est aussi beau que moi ! » il fanfaronne.

    « Si tu le dis… ».

    « Et t’as vraiment jamais rien fait avec une nana ? ».

    « Jamais… ».

    « Peut-être que tu devrais essayer… ».

    « Et toi, tu n’as jamais rien fait avec un mec ? » je me surprends à avoir le culot de lui demander.

    « Ah, non, jamais… » il se défend, en appuyant bien sur « non » et « jamais ».

    « Peut-être que tu devrais essayer… ».

    « Je ne crois pas… ».

    « Pourquoi pas, peut-être que tu aimerais… ».

    « Je kiffe pas les mecs… ».

    « Essayer, c’est aimer… ».

    « Tu prends tes rêves pour des réalités… ».

    « Ce ne serait pas la première fois que je fais changer de bord à un hétéro… ».

    « C’est vrai ? ».

    « Le mec qui s’appelle comme toi, il ne sortait qu’avec des filles avant de coucher avec moi… ».

    « Mais moi je ne suis ni pd ni bi… ».

    « Mais tu aimes savoir qu’on te kiffe… même si c’est un mec qui te kiffe… ».

    Et là, le bogoss lâche un sourire ravageur et plein de malice qui me fait fondre.

    « Trêve de bêtises, je vais y aller. Bye, mec… ».

    « Bye… ».

    Je regarde Jérém2 s’éloigner, je regarde son dos nu, beau comme pas permis. Je regarde sa main caresser ses abdos et ses pecs, attitude de kéké frimeur et on ne peut plus sexy.

    Ce petit échange un brin surréaliste avec cette bombasse de mec me fait repenser à l’épisode du beau reubeu qui m’avait lui aussi gaulé en train de le mater. Et cette fois-ci, ça s’est passé autrement, à peu près comme dans la réalité 2.0 que j’avais imaginée plus tard, dans mon lit.

    Pourquoi tous les gars ne pourraient pas réagir comme Jérém2 face à l’attirance d’un autre gars ?

    Bien sûr, le résultat est le même, Jérém2 est venu me voir juste pour s’entendre dire qu’il est bogoss. Et il repart en me mettant une veste en bonne et due forme. Et pourtant, il ne s’est à aucun moment montré agressif. Juste surpris, curieux. Et, hélas, pas intéressé.

    Oui, entre une réaction violente et une indifférente mais calme, le résultat est le même. Quand c’est non, c’est non. On n’a aucun pouvoir contre le NON ferme, simple et définitif d’un hétéro. Alors, à quoi bon se vexer ?

    Peut-être parce que le mâle lambda a tout aussi besoin d’être flatté que d’être rassuré. Et que, par manque d’assurance, ce dernier besoin ne prend que trop souvent le pas sur le premier.

    Je prends une profonde inspiration, je fais appel à toutes mes forces pour trouver le courage de me lever et aller retrouver ma cousine. La proximité avec « Jérémie 2 » m’a mis KO, ce petit échange m’a assommé. J’ai les jambes en coton, le cœur dans la gorge. La bogossitude peut-être une expérience violente

    Lorsque j’arrive à notre petit campement, Elodie est enfin réveillée. Je m’allonge à côté d’elle et nous discutons. Je lui parle du petit échange surréaliste avec « Jérémie 2 », ça la fait rire et ça lui en bouche un coin. Elle n’arrive pas à croire que j’ai pu être si effronté avec ce gars. Et moi non plus. Et pourtant, je crois que ça m’a vraiment fait du bien. Ça fait un bien fou de cesser d’avoir peur.

    Ce soir nous discutons longtemps sur la plage, de choses et d’autres. Avec Elodie, nous ne sommes jamais à court de sujets de conversation. La richesse de nos échanges me fascine parfois.

    A un moment, nous en venons à parler des souvenirs de notre enfance. Depuis quelque temps, nous parlons régulièrement de notre enfance. C’est peut-être le signe que nous sommes en train de grandir. On passe les quinze premières années de notre vie à vouloir sortir de l’enfance et le restant de notre existence à rêver d’y revenir.

    Notre discussion se poursuit comme un flot incessant, alors que la plage se vide peu à peu. Nous discutons jusqu’à sentir les rayons de soleil faiblir et la caresse du vent se rafraîchir. Nous discutons jusqu’à ce que l’appétit nous rattrape. Ce soir-là, nous allons chercher des pizzas que nous ramenons sur la plage et que nous mangeons à même nos serviettes, devant un coucher de soleil estival aux couleurs magnifiques.

    Le lendemain, le temps est maussade. La météo annonce un temps pluvieux et froid pour les jours à venir. De plus, Elodie semble pressée de rentrer. A 14 heures, nous quittons le parking de la résidence pour aller retrouver Toulouse.

    Nous traversons Gruissan en direction de l’A9. Nous nous arrêtons à un premier feu rouge, puis à un deuxième. Des piétons traversent sur les passages cloutés juste devant nous.

    Et là, mon cœur s’emballe d’un coup. C’est lorsque, parmi les piétons, je reconnais « Jérémie 2 », avec un t-shirt noir du meilleur effet. Je regarde mieux, mais oui, c’est bien lui, et il est accompagné par ses potes du match de beach volley de la veille, tous armés de sacs de plage. L’un des potes tient un ballon sous le bras.

    Comme quoi, si le temps maussade a de quoi en décourager certains d’aller à la plage, il ne peut rien contre la détermination d’une bande de bogoss bien vigoureux.

    Soudain, j’ai envie de descendre de la voiture, de les suivre, d’assister à ce nouveau match qui s’annonce, j’ai envie de revoir leurs corps de dieux grecs bondir sur le sable, plonger dans la mer, puis refaire surface, ruisselants d’eau.

    Le dernier pote vient de quitter le passage piéton et le feu passe au vert. Je les regarde s’éloigner en direction de la plage. C’est la dernière fois que je le vois. Adieu magnifique petit con blond, nos destins ne se sont croisés que l’espace d’un match de beach volley, de quelques échanges de regards, et d’une petite conversation qui m’a fait comprendre qu’il existe des gars, comme toi, qui ne sont pas vexés par les regards d’autres gars, même s’ils n’ont pas envie de coucher avec. Au revoir « Jérémie 2 », prends soin de toi. Et au revoir aussi le petit brun du premier jour qui jouait dans l’eau avec tes potes. Au revoir à tous les mecs à Gruissan, à ces inconnus qui m’ont offert des frissons intenses, qui ont provoqué des frustrations tout aussi brûlantes, à ceux qui ont mis en route le tambour de machine à laver dans mon ventre, à tous ces gars qui m’ont fait sentir vivant.

    Sur l’autoroute, le temps est carrément à la pluie. Mon moral descend un peu plus bas à chaque sortie d’autoroute, à chaque kilomètre. Il prend un sacré coup lorsque je lis « Toulouse » sur un panneau.

    Pendant le séjour à Gruissan, j’avais commencé à croire que le deuil de ma relation avec Jérém avait commencé, et qu’il était en bonne voie. Mais, au fur et à mesure que nous nous approchons de Toulouse – et que je commence de me projeter dans un futur imminent où ma cousine ne sera plus avec moi H24 – je réalise que ma « guérison » n’était qu’illusoire.

    Je réalise aussi que je n’ai pas eu de ses nouvelles depuis une semaine. Je savais que je n’en aurais pas, mais ce n’est pas pour autant que le constat est moins dur. Jérém me manque toujours, il me manque horriblement.

    Lorsque nous passons la sortie Villefranche de Lauragais, la dernière avant Toulouse, je me sens envahi par le désespoir, la nostalgie, la tristesse, la solitude.

    Jamais depuis que nous avons commencé à coucher ensemble, je ne suis resté aussi longtemps sans le voir. Est-ce que je vais le revoir, un jour ?

    Lorsque nous arrivons au péage à Toulouse, la pluie s’est arrêtée de tomber. Des lames de lumière transpercent obliquement les nuages et s’enfoncent dans le sol.

    Nous roulons sur le périph lorsque je repense à Stéphane. Et lorsque je repense à Stéphane, je ressens en moi une soudaine envie d’aller vers l’avant.

    Dès mon retour à la maison, je vais lui envoyer un sms.

    Commentaires

    ZurilHoros

    23/06/2020 08:16

    C’est un des plans les pires que Nico à vécu jusque là. Ca calme. C’est aussi la première fois que je lis « encule ». Un mot rare voir exceptionnellement rare dans « Jérém&Nico » 

  • JN01044 Gruissan, la mer, la cousine, et le petit brun sur la plage

    JN01044 Gruissan, la mer, la cousine, et le petit brun sur la plage

    Samedi 16 juin, après le bac.

    Ca y est, cette fois-ci, le lycée c’est fini pour de bon. J’ai le sentiment que mon bac ne s’est pas trop mal passé. Et pourtant, je crois que je ne me suis jamais senti aussi triste de toute ma vie.

    En attendant les résultats, dans dix jours, rien ne me retient sur Toulouse. Alors, j’accepte avec joie la proposition de ma cousine Elodie de partir quelques jours à la mer. L’idée de m’éloigner de Toulouse me paraît salutaire.

    Elle a lancé l’idée le vendredi soir. Le samedi à midi nous sommes à Gruissan. Ses parents possèdent un appart dans une résidence proche de la plage de la Mateille, et depuis quelques années, elle peut l’utiliser à sa guise.

    Nous posons les valises, nous passons les maillots et nous filons direct à la mer. J’ai envie de mer. J’ai trop envie de courir à l’eau. C’est viscéral. J’ai dû être poisson dans une vie antérieure.

    Et lorsque la paume de mes pieds touche enfin le sable, je suis immédiatement submergé par une intense sensation de bien-être, de liberté, de vacances, d’insouciance. Je me débarrasse de mon t-shirt, et je ressens encore plus de sensation de bien-être, de liberté, de vacances, d’insouciance.

    Le vent caresse mon torse, il arrive même à s’infiltrer à travers le tissu fin de mon short de bain, à caresser mon abdomen, mon sexe, mes fesses. Il fait beau, je suis à la mer, je retrouve l’odeur du sable, de l’eau salée, et de la crème solaire. Ça me donne des frissons. Ça y est, c’est les vacances.

    A une heure trente de Toulouse, je suis comme sur une autre planète. Elodie est avec moi. Je me sens bien, je me sens apaisé.

    Mon regard se perd dans la tentative d’embrasser l’horizon ouvert à perte de vue, une immensité faite de mer calme, d’eau claire, de ciel bleu, et de sable fin.

    Nous repérons un coin pas trop peuplé et un peu en retrait du bord de l’eau, nous plantons le parasol, nous posons nos serviettes. Je suis trop pressé de retrouver la mer, j’accomplis la corvée de la crème solaire à la va vite : et tant pis pour les coups de soleil. De toute façon, je n’aime pas me badigeonner de crème solaire, ça colle trop pour mon goût, et elle colle le sable à la peau.

    Et alors que ma cousine fait ça avec le plus grand sérieux – elle n’en est encore qu’à la moitié supérieure de son corps – je me précipite dans l’eau.

    Et là, petite déception, à vrai dire un brin attendue : l’eau est bien fraîche en ce milieu du mois de juin. Je tente de m’acclimater, les mollets stoïquement immergés dans l’eau, balayés par le flux et le reflux de l’eau.

    Ma cousine me rejoint enfin. Elle trempe un orteil et le retire illico.

    « T’es vraiment un grand malade, toi ! Comment tu fais pour rester là ? L’eau est glacée ! ».

    Elle n’a pas tort. Cependant, mon envie de mer est telle que je me baignerai, coûte que coûte. C’est sous le regard interloqué de ma cousine que je trouve le courage d’avancer dans l’eau.

    J’adore la pente douce des plages de sable fin de la Méditerranée, le bonheur de pouvoir avancer sur des dizaines de mètres dans l’eau et d’avoir toujours pied.

    Petit à petit, mes jambes se familiarisent avec le contact de l’eau fraîche. Et mon corps avec. Du moins, jusqu’à ce que l’eau ne rentre en contact avec la LDC, ligne des couilles. C’est là que le choc est le plus violent. Je stoppe net, le temps de m’y faire.

    Non, ce n’est pas ça qui va m’empêcher de me baigner, de retrouver l’élément liquide. Oui, définitivement j’ai dû être poisson de mer dans une autre vie. Ou Labrador.

    J’inspire un bon coup, je me projette vers l’avant. Mes pieds quittent le fond sableux, et mon torse, mes épaules, ma tête plongent dans l’eau.

    « Bonjour la mer, comment vas-tu depuis l’an dernier ? Me revoilà, c’est Nico… ».

    Hélas, le choc thermique est plutôt brutal. Je ne peux pas rester immergé, je rebondis aussitôt, je sors mon torse de l’eau, violent réflexe de survie.

    Je ne m’avoue pas pour autant vaincu, j’y reviens très vite, mais plus en douceur. Je m’immerge petit à petit, je dois laisser à mon corps le temps de s’habituer à la température de l’eau. Je fais quelques brasses, le mouvement chauffe mes muscles, et j’ai l’impression de trouver peu à peu un semblant d’équilibre thermique. Equilibre précaire, qui est rapidement mis à mal par un courant d’eau plus froid qui me surprend comme un électrochoc. Et qui me fait à nouveau bondir hors de l’eau.

    Je reviens vers la plage, frigorifié, tremblotant. Je me sèche vite fait et je m’allonge à plat ventre sur la serviette, en plein soleil.

    Ma cousine se moque de moi, elle a l’air de me prendre pour un dingue. Me voyant allongé en plein soleil, elle m’impose une application complémentaire de crème solaire sur le dos.

    « C’est gentil, Elodie… »

    « Tu me fais pitié ».

    « C’est gentil quand même… ».

    « C’est juste que je ne veux pas passer ma soirée aux urgences… ».

    Le soleil tape fort, et j’arrête petit à petit de grelotter.

    J’adore la mer, j’adore la plage. J’adore me baigner, puis, m’allonger et sentir le vent sur ma peau. J’adore tout ce qui se passe sur la plage. Je regarde ma cousine demi-allongée sur sa serviette, les genoux pliés, les pieds enfoncés dans le sable, en appui sur ses coudes. Le cou relevé, le regard dissimulé derrière ses lunettes de soleil, elle balaie discretos la plage à 360 degrés.

    « Tu mates quoi ma cousine ? »

    « Les mouettes, mon cousin, les mouettes… » fait-elle, en soulevant ses lunettes, et dévoilant ainsi la cible de regard. A savoir, un beau mâle brun tout en muscles, avec un short rouge et des lunettes noires de bogoss, se baladant sur la plage pile à notre hauteur.

    « C’est ça… ».

    « Non, mais t’as vu comment il est gaulé ce type ? ».

    « Ah, oui… oui, je vois, je vois… ».

    Quand je pense qu’à peine quelques jours plus tôt je couchais avec un mec qui ressemble à « ça », j’en ai mal aux tripes.

    « Mais t’as vu ce petit cul rebondi ? » enchaîne Elodie.

    « Moi, chez un mec, c’est pas le cul que je regarde en premier… ».

    « Et c’est quoi alors ? ».

    « Moi, c’est plutôt le torse, le cou, la chute d’épaules, ses biceps… et la gueule, évidemment… et le sourire, évidemment… et son attitude… ».

    « T’aimes les petits machos sexy, toi… ».

    « Un peu… un peu… ».

    Je n’arrive pas encore à croire que j’ai ce genre de conversations avec ma cousine. Et en même temps, je trouve ça très drôle, drôle et libératoire. Ça fait du bien de pouvoir enfin être moi-même.

    Lorsque je retourne à l’eau, j’y retourne seul. Cette fois-ci, je me baigne plus longtemps : après le premier choc, ma peau et mes muscles semblent s’habituer plus facilement à la rigueur de l’eau.

    Je nage sans direction précise. Et sans m’en rendre compte, je m’éloigne de nos serviettes. Hasard des courants ou aiguillage inconscient de mon système de détection des beaux garçons, je me retrouve à proximité d’une bande de quatre potes en train de jouer avec un ballon, dans l’eau. Ils ont tous la vingtaine, et des physiques de jeunes mecs plutôt agréables à regarder.

    Je sors de l’eau et je choisis un emplacement stratégique sur la plage pour observer les évolutions de la petite bande. Le soleil tape toujours aussi fort, le vent est tiède et doux comme une caresse, j’adore le sentir glisser sur mon corps, sécher ma peau et mes cheveux.

    Et le spectacle d’une bande de potes, torses nus, la peau bronzée, en train de s’amuser avec un ballon dans l’eau, n’est autre qu’un supplément de bonheur apporté à un moment déjà parfait.

    C’est un jeu sans règles véritables, si ce n’est celle de s’amuser entre potes. Le ballon est lancé par un premier mec, avant d’être réceptionné, puis renvoyé, par un deuxième gars. Le contact se fait tantôt avec les mains, tantôt avec un pied, ou avec un bon coup de tête, parfois avec des abdos tendus, ou bien des pecs bombés.

    Tous les coups sont permis, car ce petit jeu n’est qu’un simple amusement, en aucun cas une compétition. Ce ballon représente le plaisir d’être en vacances, et de profiter d’un bon moment entre potes.

    Et ce qui m’émeut le plus dans le fait de regarder ces quatre potes, au-delà des charmes de chacun, c’est de voir qu’ils disposent d’une richesse que je n’ai jamais su me procurer, et qui s’appelle « l’amitié d’une bande de potes ».

    Ça m’a manqué, et ça me manque toujours, cette complicité, la rassurante sensation de faire partie d’un groupe, de me sentir « comme les autres », et non pas comme une bête solitaire.

    Mais pour cela, il aurait fallu que je sois un peu plus sociable, que je joue au rugby ou au foot, que je sorte plus souvent, que je sache côtoyer les gars les plus populaires sans m’en sentir trop souvent impressionné ou, pire, attiré. Il aurait fallu que je n’aie pas peur que l’on repère ma différence, que l’on se moque de moi, que l’on me jette, que l’on me bouscule. Oui, si j’avais été « comme tous les autres gars », peut-être qu’aujourd’hui je serais plus serein, et plus fort.

    Très vite, en regardant la petite bande, je réalise que si chacun des quatre gars possède un charme qui lui est propre, l’effet de meute fait que l’ensemble des charmes est sans doute supérieur à la somme des charmes individuels.

    D’ailleurs, parmi les quatre, il y en a un qui sort nettement du lot et qui attire irrésistiblement mon attention.

    C’est un brun, pas très grand mais avec un petit physique musclé, des pecs saillants, des abdos bien dessinés, la peau bronzée, deux tétons plus foncés, insolents. Bref, un petit gabarit très bien proportionné. Un petit mec qui a l’air d’un gars très souriant, sympathique, déconneur, débordant de jeunesse.

    Et ce petit jeu dans l’eau semble le rendre heureux comme un gosse. A chaque fois que le ballon part dans sa direction, il bondit pour le réceptionner et le renvoyer. La plupart du temps, il y arrive, et ses gestes agiles et puissants ont pour effet de mettre en tension tous les muscles saillants de son torse.

    Parfois, le ballon tombe dans l’eau, pas loin de lui. Le petit brun plonge aussitôt, il rebondit aussitôt, le corps et les cheveux ruisselants d’eau salée, le ballon entre les mains. Pendant un instant, avant qu’il ne renvoie le ballon, j’ai l’impression que le temps s’étire jusqu’à se figer.

    Ce gars est vraiment craquant. Et ce qui le rend encore plus craquant à mes yeux, c’est de le voir s’amuser et déconner avec ses potes. C’est tellement beau une bande de potes qui s’amuse autour d’un ballon. Des potes qui, certes, ne sont pas tous aussi bien gaulés que le petit brun, ni aussi beaux, mais qui ont néanmoins en commun l’insouciance de leur jeunesse. Et ça, c’est à mes yeux le plus beau des spectacles.

    Puis, à un moment, le ballon tombe à côté de moi, me tirant brutalement de mes réflexions. Lorsque je lève les yeux, les quatre potes sont en train de regarder dans ma direction. On dirait quatre labradors qui attendent qu’on leur lance un jouet qui fait pouic-pouic. Et moi, je me sens carrément fondre sur place lorsque je croise le regard du petit brun. Ah, putain, qu’est-ce qu’il est mignon !

    Je suis comme tétanisé par ce regard, mais je finis par me secouer et leur relancer le ballon avec mes deux mains.

    Je n’ai pas visé au hasard, et le vent m’a un peu aidé : et c’est le petit brun qui le réceptionne. Il me regarde, il sourit, il me lance un « Merci », doublé d’un petit clin d’œil qui, pendant un court instant, m’apporte la délicieuse illusion d’exister dans sa vie. L’idée que pendant une fraction de seconde il ait pu me considérer comme le « gars sympa qui a renvoyé le ballon » (même s’il aura déjà oublié mon existence une passe de ballon plus tard), suffit à me remplir de bonheur.

    Le jeu reprend, les gars recommencent de lancer, de rigoler, de plonger, d’éclabousser, de s’amuser. Plus je les regarde, plus je ressens une furieuse envie d’aller jouer avec eux, de m’amuser avec eux.

    Pendant un instant, je me vois me lever, récupérer le ballon, le relancer, être accepté par le groupe, devenir le cinquième pote. Et puis sortir avec eux en boîte, traîner toute la nuit, draguer des nanas, avoir une vie normale de mec de mon âge.

    Tout comme doit assurément le faire Jérém. Est-ce qu’il est lui aussi quelque part en vacances, en train de s’amuser avec ses potes, de draguer et baiser tout ce qui lui passe à portée de queue ?

    Oui, je voudrais faire partie de la petite bande au ballon. Ce qui, dans l’absolu, n’est pas si absurde que ça, car ça arrive de sympathiser avec des inconnus sur la plage.

    Ça arrive, mais pas à moi. Ça arrive quand on sait lancer un ballon, quand on sait déconner comme eux, quand on sait faire la fête, quand on sait s’amuser, quand on a quelque chose en commun avec eux. Ça arrive quand on ose aller vers les autres. Ça arrive quand le cœur est léger, et non pas alourdi par le manque d’un garçon.

    Et ce petit brun, beau comme un Dieu, me rappelle tellement le garçon en question. Lorsque je le regarde tendre les abdos pour faire rebondir le ballon dessus, je suis frappé par sa ressemblance avec mon Jérém.

    Je me demande qui a décrété cette ânerie colossale: « loin des yeux, loin du cœur ». Je suis à une heure trente de Toulouse, et je n’arrive pas à cesser de penser à lui. Il me manque horriblement.

    C’est tellement dur d’accepter que c’est vraiment fini. Je savais que ça se finirait, mais je n’imaginais pas que ce serait de cette façon. Après tant de « révisions », je nous voyais au moins nous dire au revoir. Et pourtant, non, je n’ai même pas eu droit à ça. Jérém est sorti de ma vie sans un mot, sans un regard, en se barrant avant la fin de la dernière épreuve du bac.

    Jérém est le premier garçon avec qui j’ai couché. C’est le seul à qui j’ai fait confiance, à qui j’ai permis de me prendre, et de jouir en moi sans capote. Est-ce que j’ai eu raison de prendre des risques, ça je ne le sais pas.

    Peut-être pas. Et je ne veux pas parler de MST : certes, ça aurait été plus prudent de nous protéger, mais je ne crois pas que j’aurai une saloperie venant de lui. Enfin, je l’espère.

    Ce que je regrette vraiment, c’est de m’être offert à ce mec sans conditions, d’avoir été aussi loin, de lui avoir offert toutes mes premières fois sexuelles, alors que je n’étais pour lui qu’un jouet, un vide-couilles. Et maintenant que ça s’est fini, sans mots, sans un regard, sans le moindre regret de sa part, je me sens humilié, trahi, comme dépossédé d’une partie de moi. Sur le coup, j’ai été heureux d’offrir mes premières fois à ce gars, parce que je l’aimais comme un fou. Et pourtant, maintenant que c’est fini, de cette façon si prosaïque, je regrette de ne pas avoir su attendre pour les offrir à un gars qui m’aimerait.

    Et pourtant ça a été si bon d’être son jouet. Je ferme les yeux et je repense à notre première « révision ». Je le revois enveloppé dans son t-shirt blanc, debout contre le mur, m’intimant de le sucer. Je repense au bonheur de tenir sa queue raide et chaude dans ma bouche, de lui offrir du plaisir. Je repense à ses mots « je vais jouir et tu vas avaler », à ses giclées lourdes, denses, brûlantes. Je repense à la première fois qu’il est venu en moi, à ses premiers coups de reins, aux va-et-vient de sa queue. Je repense à la capote qui casse, à son jus qui vient en moi à mon insu. Je repense à sa nudité, à l’odeur de sa peau, à ses râles de plaisir, à l’expression de son visage lorsque l’orgasme déborde son corps et son esprit, lorsque son jus quitte ses couilles pour venir se loger en moi.

    Je suis obligé de m’allonger sur le ventre pour cacher l’érection qui déforme mon maillot de bain.

    J’essaie de me calmer, mais c’est peine perdue. Le vent caresse mon dos, s’engouffre dans mon maillot, caresse mes fesses, mon trou. Je donnerais cher pour être seul sur cette plage, pour que Jérém vienne et me prenne là, tout de suite. Je donnerais cher pour sentir ses mains écarter mes fesses, son gland prendre possession de mon cul comme si ça lui appartenait. Oui, je donnerais tout pour qu’il soit à nouveau mon mâle, pour qu’il me fasse sentir à lui, pour me sentir envahi par sa puissance sexuelle, dominé par ses va-et-vient implacables, pour qu’il me remplisse de sa semence une dernière fois.

    Quand je repense à cette nuit magique après le retour du Shangay, à sa proposition de rester dormir chez lui, au bonheur (qui n’était peut-être qu’illusion), de découvrir un Jérém « humain » caché derrière le Jérém petit macho, j’ai envie de pleurer. Car ce gars-là, celui plus « humain », est justement le Jérém dont je suis amoureux fou, bien plus encore que du Jérém-bête-de-sexe. J’ai été si heureux cette nuit-là.

    Hélas, ce bonheur est terminé.

    Depuis 24 heures, je n’ai cessé de penser à la façon de le contacter. J’ai pensé l’appeler, lui envoyer un sms, lui demander de nous voir, lui faire comprendre à quel point il me manque. Mais j’ai à chaque fois renoncé. A quoi bon ? Je n’ai plus envie de me faire jeter.

    La distance entre nous, qu’elle soit physique ou sentimentale, me paraît insurmontable.

    Alors, autant profiter de ces vacances, de cette distance, pour essayer de faire mon deuil. Jérém m’a rendu accroc à lui comme à une drogue. Alors, le sevrage ne se fera pas sans une longue période de manque, un manque douloureux, brutal, violent.

    Je sens les larmes monter, je me sens étouffer, j’ai besoin de bouger. Je marche seul sur la plage, je marche sur la limite instable entre sable et eau. Je marche en cherchant à échapper à ma tristesse.

    Une voiture de police jouet à moitié ensevelie dans le sable me rappelle un souvenir d’enfance : j’ai moi aussi possédé une petite voiture de police semblable à celle-là, dont les piles s’épuisaient trop vite. Un château de sable fait ressurgir d’autres souvenirs : j’ai fait moi aussi des châteaux de sable, avec grande diligence, avant de voir la mer les reprendre aussitôt. Je me suis aussi amusé, enfant, à faire des empreintes sur le sable que l’eau effaçait un instant après mon passage.

    Lorsqu’on regarde bien, c’est dès le plus jeune âge que l’on est confrontés à la précarité de toute entreprise humaine, à la nature éphémère de toute chose.

    Je me pose à nouveau sur le sable, je fixe la mer et je pense au temps qui passe. Je pense à « hier », lorsque nous venions à la mer en famille. Je pense à « aujourd’hui », alors que nous sommes venus à la mer que tous les deux, Elodie et moi.

    Je reste longtemps assis au bord de l’eau. Le vent câline ma peau avec sa caresse incessante. Je ne me lasse pas de contempler la mer immuable, de tenter de percer le sens de cette immensité qui était là tellement de temps avant moi et qui le sera bien longtemps après moi. Devant ces immensités, celle de la mer et celle du temps, je me sens tout petit.

    Soudain, ma souffrance me paraît sans importance, un petit grain de sable de rien du tout à l’échelle de la mer, de l’Univers. Je réalise que tout ce que je peux vivre, joie, souffrance, ont si peu d’importance à l’échelle du Tout. Car, de nos joies, de nos souffrances, l’Univers tout entier se moque éperdument, il n’a même pas conscience de notre existence. Ça fait du bien de relativiser.

    Je me dis que si ça n’a pas marché entre Jérém et moi, si nous n’avons pas pu et/ou su aller au-delà du sexe, c’est peut-être parce que je ne suis tout simplement pas la personne dont Jérém est tombé amoureux. J’ignore si à l’avenir Jérém aura envie d’être avec une nana ou s’il finira par assumer son attirance pour les mecs.

    Ce dont je suis certain en revanche, c’est qu’un jour il tombera certainement amoureux, et à ce moment-là, il sera prêt à s’assumer. Ou bien, il finira par tomber amoureux le jour où il arrivera à s’assumer.

    Peut-être que je suis arrivé trop tôt dans sa vie, et que je n’ai fait que préparer le terrain pour quelqu’un d’autre qui profitera du « travail de débroussaillage affectif » opéré par mon court passage dans son existence. J’ai en quelque sorte essuyé les plâtres du véritable nouveau Jérém. Ce qui est à la fois une bien maigre consolation, mais aussi une fierté. Quand on aime, on est heureux que l’autre soit heureux, même s’il l’est loin de nous.

    Un avion tractant une banderole de pub pour une boîte de nuit locale traverse le ciel et se charge de me tirer de mes rêveries.

    Pris dans mes pensées, j’ai marché si loin que j’en ai perdu la notion du temps. Je n’ai pas de montre, je ne sais pas depuis combien de temps je suis parti. Je regarde la plage et je réalise que je suis peut-être déjà plus proche de Narbonne Plage que de Gruissan. Elodie doit commencer à se demander où je suis passé. Je fais demi-tour et je reviens sur mes pas à toute vitesse.

    Lorsque j’arrive enfin au parasol, je n’ai même pas le temps de m’allonger sur ma serviette que déjà ma cousine me branche.

    « T’as fait quoi pendant tout ce temps ? ».

    « J’ai marché… ».

    « T’es parti au moins trois heures… ».

    « J’ai beaucoup pensé à Jérém… ».

    « Arrête de te laisser pourrir la vie par ce mec ! Tu mérites mieux que ce type qui ne te respecte pas. Il faut que tu apprennes à croire en toi, que tu prennes un peu d’assurance. Ne broie pas du noir en pensant à lui, pense à la plage, aux vacances, à tout ce qui t’attend aujourd’hui, demain ».

    Les mots d’Elodie me rappellent étrangement ceux de Stéphane. C’est presque troublant. Stéphane a raison, Elodie aussi a raison. Mais le cœur a ses raisons que la raison ignore. Et il a surtout besoin de temps, de beaucoup de temps, pour tourner une page aussi importante.

    Je m’allonge à plat ventre sur ma serviette, je ferme les yeux, je me coupe ainsi du monde visuel pour me concentrer sur les autres mondes sensoriels.

    Je me laisse bercer par le « Concerto de la Plage », ce chef d’œuvre estival rythmé par les accords du flux et du reflux de l’eau, ponctué par les cris des enfants, saccagé par les discours le plus souvent sans intérêt des voisins de serviette, le tout sous la direction artistique du vent de mer qui caresse la peau et l’esprit et fait ronronner mes oreilles.

    Le soleil tape, le vent caresse, le sable court partout, sur les serviettes, sur la peau, dans les maillots, inutile de lutter. Je lâche prise et je pars dans un petit sommeil.

    Lorsque j’émerge une demi-heure plus tard, un couple s’est installé à quelques mètres de nous. Un gars, une fille, un petit couple charmant. Ils doivent être ensemble depuis peu, car ils n’arrêtent pas de se faire des papouilles. Le mec est plutôt du genre bogoss, avec de beaux cheveux châtain foncé coupés assez courts, un torse dessiné, mais juste ce qu’il faut. Il a l’air d’être un garçon attentionné, et vraiment amoureux. Leur complicité, leur attirance évidente dégagent une intense sensualité.

    Quand est-ce qu’ils ont couché ensemble la dernière fois ? La nuit d’avant ? Comment fait-il l’amour à sa copine ? Est-ce qu’il est tout aussi attentionné que pendant les câlins sur la plage ? Ou alors, une fois au lit, aime-t-il jouer au petit macho sexy ? Qu’est-ce qu’il aime ? C’est quoi ses fantasmes ? Comment jouit-il ? Avec des râles puissants ? Est-ce que son corps tremble pendant l’orgasme ? A quoi ressemble sa jolie petite gueule de mec quand il jouit ?

    Comme je voudrais que Jérém soit là avec moi, tout comme ce bogoss avec cette fille chanceuse, en train de me faire des câlins, sur la plage.

  • JN01043 Bac, dernier jour : la Biologie (et celle des sentiments aussi)

    JN01043 Bac, dernier jour : la Biologie (et celle des sentiments aussi)

    Le lendemain, vendredi, je me réveille à 7 heures du mat. Je suis fatigué, et d’humeur plutôt maussade. Heureusement, la matinée est libre. Le bac bio c’est l’après-midi.

    Je traîne au lit, je repense à Jérém, je le revois en train de me baiser la bouche, la veille, dans les chiottes du lycée. Je bande, je me branle.

    Je pense au fait qu’aujourd’hui c’est le dernier jour du bac, et que c’est probablement la toute dernière fois que je vais voir Jérém. J’ai envie de pleurer, je pleure, je me rendors.

    Le radio-réveil affiche 11h08 lorsque je rouvre les yeux. Et là, ça va mieux, je me sens bien mieux reposé. Je m’étire longuement et j’ai l’impression de revivre. Je me douche et je descends manger. Je discute avec maman, j’ai davantage envie de parler que la veille. La fatigue amplifie les soucis, alors que le repos nous donne les ressources nécessaires pour les affronter.

    L’heure avance vite. A une heure, je suis prêt à partir.

    A une heure trente je suis devant le lycée. Il fait chaud dehors, je rentre dans le hall. Une fois n’est pas coutume, Jérém est déjà là, assis sur les marches de l’escalier conduisant au premier étage, en train de discuter avec des potes. Et il est juste à tomber.

    Un putain de débardeur chocolat à bretelles épaisses et à fines rayures enveloppe sa plastique de fou, redessine chaque ligne de son torse, et en particulier le relief des pecs. Je suis déjà KO, sans même avoir croisé son regard.

    Dans le hall, je retrouve des camarades, je me force à discuter avec pour me distraire, pour essayer d’oublier Jérém. Mais pas pour longtemps.

    Dans la salle d’examen, Jérém prend sa place à deux tables de moi.

    J’ai envie de me lever et de lui sauter dessus. J’ai envie de lui mettre des baffes. Il m’attire. Il m’énerve. Allez, Nico, prends sur toi un dernier coup. Ce soir, tout sera fini pour de bon. C’est à la fois un immense gâchis et un grand soulagement. Loin des yeux, loin du cœur. A partir de demain, je vais pouvoir l’oublier. Enfin, je crois.

    Le chrono démarre. Je me penche sur la copie. 14h30, je gratte du papier. 15h00, je gratte toujours du papier. 15h15, je lève les yeux, Jérém semble concentré sur sa copie. Je reste un moment à le regarder, tout en essayant de le détester. La colère est la seule parade que j’ai trouvée pour ne pas me laisser aller à la profonde tristesse qui me guette à chaque instant. Car dans moins de trois heures, Jérém sera mon passé.

    Je me replonge dans ma copie, en essayant de retenir les larmes qui me montent aux yeux. J’ai beau essayer, il y en a quand même une qui arrive à tomber sur la feuille. Je l’étale avec mon doigt, pour limiter les dégâts.

    16h00, je commence sérieusement à en avoir marre, mais je gratte toujours du papier.

    Je lève une nouvelle fois les yeux de ma copie, je regarde mon Jérém. Je suis assommé par l’harmonie parfaite entre la couleur chocolat de son débardeur et le teint mat de sa peau. J’ai tellement envie de lui.

    Je regarde la pendule, il ne reste plus qu’une heure : allez Nico, tiens bon.

    16h20, je relis ma copie, je fais quelques corrections.

    C’est 16h40 lorsque j’entends du remue-ménage venant de la direction de mon Jérém. Je lève les yeux et je vois mon bobrun ramasser ses affaires, quitter son banc et s’en aller déposer sa copie sur le bureau.

    Ainsi se termine notre « histoire » : sans aucune « solennité », sans un adieu, sans un au revoir, sans même un regard, comme une bobine qui serait tout simplement arrivée au bout.

    J’ai tant redouté l’arrivée de l’examen de bio, le dernier examen. J’ai tant souffert du supplice de l’avoir sous les yeux pendant trois heures que j’en ai appelé de toutes mes forces pour que ce supplice prenne fin. Et maintenant qu’il ne me reste qu’une poignée de secondes pour admirer son incroyable sexytude, avant qu’elle ne disparaisse de ma vue et de ma vie à tout jamais, à cet instant précis, je regrette de ne pas pouvoir ralentir le temps, ou même l’arrêter.

    Soudain, je me rends compte que je n’ai même pas une photo de lui pour me souvenir de son visage, de son corps. Je n’ai qu’une chemise pour me souvenir de sa présence olfactive.

    Lorsque la porte de la salle d’examens se referme derrière lui, je suis saisi par une irrépressible envie de me lever et de lui courir après. Non, ça ne peut pas se terminer comme ça, c’est pas possible.

    Tout comme vient de le faire Jérém, je range subitement mes affaires, je dépose ma copie sur le bureau et je me dirige vers la sortie de la classe.

    Et tant pis si ça peut paraître louche, tant pis si je peux donner exactement l’impression de lui courir après. Après tout, c’est tout à fait le cas. De toute façon, le lycée, c’est fini, alors je n’en ai plus rien à foutre des ragots.

    Je referme la porte derrière moi et je balaie fébrilement du regard le hall du lycée. Je ne sais pas ce que j’espère exactement, si c’est de le trouver là, en train de m’attendre ou bien au contraire, si j’espère qu’il soit parti, pour commencer de l’oublier.

    Je me dis que je dois l’oublier, mais je ne veux pas l’oublier, je ne peux pas. Jérém est sorti de mon champ de vision depuis moins de cinq minutes et il me manque déjà, c’est horrible. Jérém, où es-tu ? J’ai tellement mal que je suis à deux doigts de crier son prénom pour essayer de le retrouver. J’avance d’un pas rapide, balayant l’horizon dans toutes les directions, alors qu’un énorme désespoir déchire mon esprit. L’idée de ne plus jamais le revoir est insupportable, j’ai envie de pleurer.

    Et je pleure.

  • JN01042 Bac, jour 4 : les Maths et l’Anglais

    JN01042 Bac, jour 4 : les Maths et l’Anglais

    Le jeudi matin, je me réveille avec la tête à l’envers : je n’ai pas trop dormi, j’arrive au lycée les yeux explosés.

    Jérém, quant à lui, il a l’air de péter la forme : habillé d’une chemise manches courtes avec des rayures croisées, dessinant un motif à petits carreaux sur des tons de bleu et de rouge, il est craquant à souhait.

    Jérém approche et le temps semble ralentir, jusqu’à s’arrêter. Le désir prend définitivement le pas sur la raison, la colère, la déception, sur tout.

    Oui, Jérém approche, et il s’arrête dire bonjour à ses potes, la bande des « jeunes mâles premiers » de notre classe. Jérém n’est qu’à quelques mètres de moi, si proche et pourtant si loin, et sa présence qui me met brutalement face à l’un de ces mystères qui font la légende des petit cons dans son genre : le questionnement à jamais sans réponse, la brûlante envie de savoir où est-ce que ce genre de bombasses mâles arrivent à dégotter ce genre de vêtement qui les mettent autant en valeur.

    A la limite, cela peut s’expliquer pour les t-shirts : quand on a un physique comme le sien, il suffit de s’habiller avec un t-shirt une taille en-dessous, et le tour est joué, la magie opère à coup sûr.

    Mais là où il faudrait qu’on m’explique, c’est comment une simple chemisette en taille standard – et en tissu non extensible – arrive à épouser aussi bien son dos, ses épaules, son torse. Comment elle arrive à redessiner aussi précisément le relief de ses pecs sans avoir l’air ni d’être trop petite ni de tirer sur les boutons. Et comment la manchette arrive à tomber pile un centimètre au-dessus de son tatouage, tout en enveloppant ses biceps avec une précision diabolique. Oui, comment tout cela est-il possible ?

    C’est simple, cela s’explique par la théorie des « fringues de bogoss » :

    « Tout physique de bogoss plongé dans un vêtement quel qu’il soit possède la propriété de faire paraître ledit vêtement comme étant conçu sur mesure pour lui, le contenu et le contenant se mettant réciproquement en valeur ».

    Oui, mon beau Jérém sait s’habiller pour se mettre en valeur. Et puis, tant qu’à faire, il y met bien les formes : les deux premiers boutons du haut sont ouverts, les pans écartés, laissant bien en vue sa chaînette de mec, le bas retombe négligemment par-dessus le short.

    Mais oui, mon Jérém, tu n’es jamais assez sexy. Mais comment vais-je pouvoir me concentrer sur les maths, alors qu’en rentrant dans la salle d’examen tu es passé à côté de moi, ce qui m’a permis de capter la fraîcheur de ton déo de mec ? C’est un nouveau déo, et cela suffit à me mettre en fibrillation. C’est fou à quel point le moindre changement chez Jérém me fait carrément perdre la raison.

    L’épreuve commence, et c’est bien une épreuve : j’ai beau essayer de garder mes yeux rivés sur la feuille, mes narines me parlent sans cesse de lui. La brise rentre par les fenêtres ouvertes, caresse son corps et se charge de délicieux arômes masculins. Puis, elle vient à moi, chatouillant mes sens, étourdissant mon cerveau, attisant mon désir.

    Je me fais violence pour ne pas lever les yeux de ma copie, pour ne pas céder à l’appel viscéral de sa beauté masculine, une beauté en perpétuelle évolution, donnant à tout son être ce quelque chose d’insaisissable qui le rend définitivement indispensable à mes yeux. Midi arrive, il faut rendre les copies. Jérém se lève un instant avant moi, il est parmi les premiers à se presser à la sortie de la salle. Quelques instants plus tard, alors que je me trouve ralenti par les camarades, il est déjà dans le couloir. Et il disparaît de ma vue.

    Au fond de moi, je ne sais même pas ce que j’espère, car je crois bien qu’il n’y a plus rien à espérer de lui. Tout ce qui me reste à faire, c’est essayer de l’oublier, essayer de m’habituer à l’idée que je ne coucherai plus jamais avec lui.

    Lorsque j’arrive enfin à gagner le couloir, j’avance sans même le chercher du regard, convaincu qu’il est déjà loin.

    Mais Jérém n’est jamais là où je l’attends, je devrais le savoir, à force.

    Je n’ai pas fait dix pas dans le couloir que je repère le bomâle brun près de la sortie du lycée, en train de discuter avec quelques camarades, toujours les mêmes, ceux du gang des « vrais mecs ».

    Je ralentis mon allure, alors que mes yeux ne peuvent quitter sa plastique.

    Certes, le bobrun ne m’adresse aucun signe, il continue à discuter avec ses potes comme si de rien n’était. Pourtant, son regard en biais m’apporte la presque certitude qu’il a remarqué ma présence. Je ne peux m’empêcher de ressentir un frisson au fond de moi et de me dire que, peut-être…

    Mais à quoi bon, au fond ? J’en ai marre de me laisser baiser le lundi et de me faire jeter le mardi, de me laisser à nouveau charmer le mercredi et humilier le jeudi. J’en ai marre de ce sempiternel jeu du chat et de la souris, de ce « je t’aime, moi non plus » qui m’épuise.

    Alors, autant partir au plus vite, partir loin, loin des yeux, loin du cœur, loin du désir. Plus je me tiendrai loin de lui, plus vite je l’oublierai.

    Pour quitter le lycée, je suis obligé de passer à moins de deux mètres de lui et de sa bande. Je prends sur moi, je regarde droit devant, je respire profondément, j’accélère mon pas. Un instant plus tard, après avoir réussi à franchir le mur invisible de son nouveau déo de mec, je me retrouve dans la cour du lycée.

    La lumière du midi m’éblouit. Pourtant, enfin délivré de son image, de sa présence, je me sens bien, apaisé. Le soleil sur ma peau est agréable, je trace jusqu’à la place du Capitole, j’achète un sandwich.

    Je m’étais dit qu’après avoir mangé, et avant de retourner au lycée pour l’épreuve d’anglais, je réviserai un peu. Mais là, après avoir avalé mon sandwich, j’ai très envie de marcher.

    Je traverse la place du Capitole et mes pieds m’amènent vers la rue de la Pomme. Je crois bien que j’ai envie de revenir à St Etienne, là où la veille  j’ai croisé ce charmant Stéphane.

    Je sais qu’il n’y aucune chance de le recroiser à cette heure-ci, je sais que je n’oserais pas aller à son appart, pourtant je laisse mes jambes m’y amener.

    Dix minutes plus tard, je suis devant la silhouette monumentale de la Cathédrale. Et alors que mon esprit flotte au beau milieu des odeurs de cuisine qui se dégagent des terrasses, je cherche des yeux ma place de la veille, et je suis content de voir qu’elle semble m’attendre.

    Je m’en approche et je m’y installe. Dès que mon corps se pose sur l’herbe, je ressens une intense sensation de bien-être. Je m’allonge comme la veille, je me plonge dans l’ambiance vivante de cet endroit charmant.

    Je mets un réveil à mon portable, ce serait fâcheux de m’endormir et de rater l’anglais. Puis, je ferme les yeux et j’essaie de me détendre. De toute façon, réviser à une heure du bac ça ne sert à rien. D’autant plus que je n’ai pas du tout la tête à ça.

    Comme la veille, le vent caresse ma peau, et c’est tellement agréable. Comme la veille je me laisse bercer par les bruits de la rue, par les piaillements des oiseaux cachés dans les arbres, par les quelques bribes de conversation de passants ou de gens en terrasse pas trop loin de moi, par les bruits de couverts tintant sur les assiettes. Partout, autour de moi, j’entends la vie grouiller, la douce mélodie du temps qui s’écoule au rythme de l’heure du Midi Toulousain.

    Mais, à la différence de la veille, Gabin ne viendra pas me faire des câlins.

    Je dors pendant une heure, j’émerge juste avant le réveil. Pendant la sieste, je crois que j’ai rêvé de Stéphane, ou de Jérém, ou des deux.

    J’ai peut-être un peu trop dormi, je me sens vaseux, j’ai du mal à me mettre sur pied, puis à mettre un pied devant l’autre. J’arrive au lycée comme un automate. Je me sens davantage fatigué qu’avant de faire la sieste, je n’ai vraiment pas envie de passer l’après-midi enfermé dans une autre salle, devant une autre copie. Je n’ai pas du tout envie de revoir Jérém pendant trois heures encore. Pourtant, j’ai le bac d’anglais à passer. Et je ne peux pas y déroger.

    Lorsque j’arrive au lycée, le petit con est déjà là, avec sa chemisette du matin qui lui va comme un gant. Il est assis sur le rebord d’un grand bac à fleurs. Pour étonnant que cela puisse paraître, il est seul, en train de fumer une clope.

    Je le vois, il me voit, je le regarde, il me regarde, il me sourit, je lui fais la gueule, il me lance un geste de la tête qui semble vouloir dire « approche ». Je suis fatigué, je lui en veux toujours pour le râteau qu’il m’a mis la veille. Alors, je passe mon chemin.

    Le bogoss m’appelle avec un sifflement court mais claquant, comme on ferait avec son chien : ça m’énerve. Je ne réfléchis pas, je lui fais un doigt d’honneur.

    Je crois que je n’en peux plus de son arrogance, de sa désinvolture à me prendre, à me jeter et à me reprendre quand ça lui chante. Je n’en peux plus de le voir me délaisser, puis revenir comme si de rien n’était. Et puis, c’est quoi ce geste de la tête, c’est quoi ce sifflement ? Il veut quoi de moi ? Au fond, je m’en fiche.

    Ou pas. Un instant plus tard, je regrette déjà mon geste. En vrai, j’ai envie de savoir ce qu’il me veut. Et alors que je capte du coin de l’œil son expression mi-étonnée et mi-vexée, je trace mon chemin, je rentre dans le lycée, direction les chiottes.

    C’est en passant la porte battante que j’entends un bruit derrière moi, suivi d’une manœuvre d’approche plutôt brutale : quelqu’un me bouscule, je me retrouve plaqué contre la porte de l’une des cabines.

    Cette scène m’en rappelle une autre, dans d’autres chiottes, dans un autre endroit, une nuit, quelques jours plus tôt, un petit règlement de différends entre jeunes mâles.

    Oui, un décor de chiottes, un bobrun en colère, ça m’a l’air d’un film déjà vu. A la seule différence que là, c’est moi qui suis la cible de la colère du personnage principal. C’est beau mon bobrun lorsqu’il est en colère. Une partie de moi est heureuse de l’avoir mis dans cet état, heureuse de constater que si je n’ai pas le pouvoir de le faire tomber amoureux de moi, j’ai quand même le pouvoir de l’énerver.

    Jérém se tient devant moi, ses yeux fulminent. Ah, putain, qu’est-ce qu’il est craquant !

    « Tu m’as fait quoi, là, tout à l’heure ? » il me balance, sur un ton plutôt énervé.

    « Fiche-moi la paix ! » je tente de me dégager, en piochant dans son répertoire favori.

    Sa colère attise ma colère, mais je n’arrive pas à croire que cette dernière me pousse à lui parler sur ce ton désinvolte. J’ai presque l’impression de vivre la scène de l’extérieur.

    « Qu’est ce qui t’a pris ? » il m’interroge.

    « Va te faire foutre ! ».

    Ce ne sont vraiment pas des mots à dire à un bobun déjà vexé. Jérém me bouscule une nouvelle fois, je me rebiffe. Je me jette sur lui, mes mains percutent ses pecs comme je l’ai vu faire au mec dans les chiottes du Shangay. Mais ses pecs sont solides, et le gars encaisse ma charge sans bouger d’un poil. Jérém revient aussitôt à la charge, il m’attrape par les épaules, me fait pivoter, ses mains et son corps tout entier m’entravent, ce qui décuple ma colère.

    « T’as dit quoi, là ? » il insiste, mauvais.

    « Je t’ai dit de me foutre la paix ! » je lui balance, de plus en plus en colère.

    Un instant plus tard, je profite d’un relâchement de ses muscles pour me dégager. Je me retourne, je lui fais face.

    « Arrête de me prendre pour un con ! » j’y vais direct.

    « Mais qu’est-ce qui te prend ? ».

    « T’as vu comment tu m’as jeté hier ? ».

    « C’est donc ça le problème, ma bite te manque ? » il me chuchote, encore plus mauvais.

    Je suis à deux doigts de lui balancer à la figure que sa bite n’est pas la seule au monde, et que la veille j’en ai vu une autre, et que j’ai plu à un charmant garçon prénommé Stéphane.

    Il sait très bien que ce n’est pas (uniquement) une question de queue, mais ça doit bien l’arranger de se dire que notre relation est pour moi la même chose que pour lui, à savoir, un plan baise plus ou moins régulier. Comment lui expliquer ma colère et ses raisons, alors que pour lui tout paraît si normal, alors que notre relation lui convient parfaitement en l’état ?

    « Arrête un peu de te la péter ! » je lui balance, exaspéré.

    « Tu veux la voir ma bite ? » il me lance de but en blanc.

    « Arrête ça, je te dis… je n’en peux plus que tu me traites comme ça ».

    Je bous. J’ai envie de lui, j’en ai une envie complètement déraisonnable. Mais pas dans ces conditions, pas face à cette attitude odieuse. Mon désir et mon amour propre sont, comme souvent, en conflit direct. Pourtant, à cet instant précis, le second semble enfin l’emporter sur le premier.

    Mais c’est sans compter avec les ressources du bobrun.

    « Alors, tu n’aimes pas que je te traite comme ça… c’est ce qu’on va voir… ».

    Et ce disant, il m’entraîne dans une cabine. Ses gestes sont fermes, sans appel. Je suis toujours très en colère, mais je me laisse faire. Le bogoss me fait avancer vers le fond du petit espace, et il referme la porte derrière lui. Avec des gestes précipités, il défait sa boucle, sa braguette, il baisse son short et son boxer et il dévoile sa queue encore au repos, mais déjà tellement belle. Sa main se pose lourdement sur mon cou, m’arrachant de ma contemplation. Il m’oblige à me mettre à genoux, m’attire sans ménagement vers son entrejambe, colle mon visage contre ses couilles. Et alors que ma langue lèche déjà la peau douce de ses bourses, sa queue monte très vite.

    Un instant plus tard, les pans de sa chemisette ouverts jusqu’au dernier bouton caressent mes joues, son torse magnifique et parfumé se dévoile devant mes yeux, sa bite bien raide et bien chaude coulisse entre mes lèvres.

    L’avoir en bouche, c’est un bonheur absolu. Dès que ma langue effleure son gland, dès que mes lèvres jaugent son gabarit, dès que ma bouche est remplie par son engin, je lui pardonne tout. Je ne suis plus que désir, le désir de le faire jouir.

    Je sais que je ne devrais pas me laisser faire, le laisser faire de moi son vide-couilles, mais je n’ai pas la force de m’interdire de profiter de sa queue, alors que je ne sais même pas si je vais la revoir un jour. Tout est bon à prendre, lorsqu’on ne sait pas s’il y aura un demain.

    Le bogoss ne se laisse pomper que pendant un court moment. Non seulement on risque de se faire gauler, mais l’heure de l’épreuve d’anglais approche.

    Ainsi, au bout d’un moment, sa main saisit ma tête, elle la maintient fermement, alors que son bassin envoie des coups de reins impitoyables. Le bogoss ne tarde pas à jouir, à m’inonder la bouche avec plusieurs jets chauds et denses. Pendant qu’il vient, sa main fermement plaquée sur ma nuque m’intime d’avaler : ce qui décuple mon envie de m’exécuter.

    Je laisse son goût de mec s’étaler dans mon palais, imprégner ma langue, avant de le laisser couler lentement dans ma gorge. Putain qu’est-ce que j’aime le voir, le sentir jouir ! Et putain, qu’est-ce que j’aime le goût de son jus !

    Son dernier jet vient tout juste de jaillir, que déjà il recule son bassin, tout en repoussant mes épaules de ses deux mains. Sa queue toujours raide ne reste pas longtemps offerte à mon regard, le petit con remonte très vite son boxer et son short.

    Et pendant qu’il referme quelques boutons de sa chemisette, je l’entends me glisser froidement, sur un ton arrogant, effronté, odieusement sûr de lui :

    « Ça va mieux, là ? Ça t’a calmé ? ».

    Petit con, je t’en foutrais ! Evidemment que pour mon corps ça va mieux, car j’adore le sexe avec toi. Mais pour mon tout le reste, non, ça ne va pas mieux, ça va même pire, et ça ne m’a pas calmé du tout, bien au contraire.

    Comme chaque fois après le sexe avec Jérém, j’ai l’impression de m’être donné à un garçon qui se fout de moi, pourvu que mes caresses sur sa queue soient douces. Et l’après baise est triste, terriblement, insupportablement triste.

    Alors non, petit con, ça ne va pas mieux. En te regardant refermer les quelques boutons de ta chemisette avant de te tirer, je pense déjà au fait que dans un instant je me retrouverai seul dans ces chiottes puantes, envahi par un sentiment d’humiliation et de tristesse infinies, en train de me demander si je ne représente vraiment pour toi qu’un vide-couilles dont tu peux te passer sans état d’âme. Alors que toi, Jérém, tu es tout pour moi.

    Pourquoi je n’ai pas écouté Stéphane, pourquoi je n’arrive pas à t’empêcher de me faire du mal ? Si seulement tu pouvais avoir en toi une fraction de la tendresse de ce mec.

    J’ai envie de lui dire tout cela, mais ce n’est ni le bon endroit, ni le bon moment. Aussi, le courage de le faire fait défaut. Alors, en attendant son départ, je me tais, je fais semblant de ne pas avoir entendu ses mots désinvoltes.

    Mais le petit con ne peut pas s’empêcher d’en remettre une couche :

    « Un bon coup de bite ça remet vite les idées en place… ».

    Ses mots d’insupportable petit macho ont le pouvoir de raviver aussitôt ma colère. Je ressens une soudaine envie de l’envoyer chier, mais le bogoss va bientôt quitter le petit espace.

    Je le regarde se retourner, ouvrir la porte, la claquer derrière lui, quitter les chiottes sans un mot, sans un regard.

    Je prends une profonde inspiration, je me relève, je tends l’oreille pour m’assurer que personne n’est rentré aux chiottes et je quitte la cabine à mon tour.

    J’avance vers un lavabo, je me rince longuement le visage pour retrouver mes esprits. Je me regarde dans le miroir, mon visage est tout rouge, j’essaie de me ressaisir. Je coupe l’eau. Pendant que je m’essuie les mains, deux camarades déboulent en rigolant et se dirigent vers le mur des pissotières.

    Deux minutes plus tard, je suis assis devant ma copie d’anglais. Ma concentration avait déjà été du genre aléatoire le matin, à tête reposée, à cause de la présence de mon bobrun, sublimée par cette chemisette diabolique. Mais alors, cet après-midi, après cette baise impromptue, avec son goût persistant dans ma bouche, avec mon palais vibrant du souvenir de ses coups assénés sans ménagement : là, vraiment, je ne sais pas comment je vais pouvoir travailler.

    Je crois que l’anglais, c’est foutu. Impossible de décoller mes yeux de cette chemisette, de ce col si sexy qui effleure la naissance de ses cheveux, cet endroit si doux que je rêve d’effleurer avec mes doigts, d’embrasser, de câliner. Impossible de ne pas revoir encore et encore les deux pans de sa chemisette ouverts et ondulant au rythme de ses coups de reins, pendant qu’il me baisait la bouche quelques minutes plus tôt.

    Je boucle ma copie tant bien que mal et dès la fin de l’épreuve, je me précipite hors de la salle, hors du lycée, loin de Jérém, loin de ce désir qui me ravage, loin du désarroi insupportable que son assouvissement m’apporte immanquablement.

    Je marche vite, en quelques minutes je suis à St Michel. Je rentre chez moi et j’apprécie de retrouver l’ambiance rassurante et familière de la maison.

    « Ça s’est bien passé ? » m’interroge maman.

    « Oui, maman, très bien… (j’ai les yeux qui piquent et le cœur qui fait un mal de chien, j’ai juste envie de pleurer toutes les larmes de mon corps. Si tu savais, maman, comment je suis amoureux en ce printemps, et comment j’en bave. Si tu savais comment je viens de me faire humilier une fois de plus dans les chiottes du lycée par ce connard de Jérém. Alors, je vais prendre sur moi pour ne pas te montrer mes larmes, je ne veux pas que tu t’inquiètes, je ne veux pas non plus que tu saches que ton fils est homo. Mais à part ces détails insignifiants, tout se passe à merveille, maman) ».

    Je grignote un bout très vite et je file dans ma chambre en prétextant une révision pour l’épreuve de bio du lendemain. En réalité, j’ai juste envie de me retrouver seul et de pleurer.

    Je n’arrive pas à cesser de penser à Jérém. Je le reverrai demain pour la dernière épreuve du bac, et après ? Est-ce qu’il aura seulement envie de me revoir ? De toute façon, avec toutes les possibilités de coucheries qui sont offertes à un petit con dans son genre, ma bouche et mon cul ne vont pas lui manquer longtemps. Loin des yeux, loin de la bite…

    Jérém me manque déjà horriblement, et je n’arrive pas encore à croire que nous ne coucherons plus ensemble, qu’il ne jouira plus en moi.

    Jamais je n’avais réalisé si brutalement que la fin de nos rencontres était si proche, et irréversible. Je me rends compte à cet instant qu’il y aura un avant et un après bac et que cet « après » je vais devoir l’écrire sans Jérém.Ca fait tellement mal que j’en ai le souffle coupé, les joues en feu, ma tête se met à tourner, ma vue se brouille, mon cœur s’emballe, je transpire à grosses gouttes.

    Deux heures plus tard, je ne dors toujours pas Je suis toujours allongé sur mon lit, immobile J’écoute ma respiration se mélanger avec les quelques bruits de la ville, j’essaie sans succès de me secouer de l’engourdissement dans lequel la sieste décalée de l’après-midi m’a plongé. Je regarde le jour mourir jusqu’au bout, je regarde la nuit s’installer dans ma chambre.

    Et je finis par m’endormir en serrant très fort sa chemise dans mes bras.

  • JN01041 Stéphane

    JN01041 Stéphane

    Nous sommes installés sur le canapé. Sur la table basse devant nous, deux bières blanches bien fraîches.

    « Mets-toi à l’aise… » me lance Stéphane, pendant qu’il enlève ses baskets.

    Dans l’entrée, Gabin dévore bruyamment des croquettes.

    « Tu fais souvent la sieste à St Etienne ? » il me questionne.

    « Pas souvent, non, je crois que c’est la première fois… ».

    Nous passons un bon moment à discuter de chose et d’autre. Stéphane me pose plein de questions et il écoute attentivement mes réponses, en me regardant droit dans les yeux. Son regard est charmant, ses yeux noisette sont vraiment séduisants.

    Son attitude me fait du bien. Pour la première fois de ma vie, j’ai l’impression qu’on s’intéresse vraiment à moi. Dans les yeux de Stéphane, je me sens attirant, et intéressant. C’est magique comme sensation, surtout la première fois qu’on la découvre.

    Stéphane me plaît chaque seconde un peu plus. J’ai envie d’aller vers lui, mais j’en ai peur aussi, car je n’ai que très peu d’expérience avec les garçons. Je n’ai jamais couché avec d’autres mecs que Jérém, je n’ai jamais couché avec un gay assumé.

    Cela m’intrigue et me questionne. Comment se comporte-t-on « entre gays » ? Quelles sont les attentes d’un garçon gay ? Et comment vont-être réactions? Est-ce qu’entre gays, les caresses et les bisous sont autorisés ? Comment ce serait coucher avec un autre gars que Jérém ? Quelles sensations vais-je ressentir ? Est-ce que ça va être aussi bon ? Comment vais-je vivre le fait de « tromper Jérém » ?

    Enfin, « tromper Jérém », c’est un bien grand mot. Pourquoi je me gênerais d’aller voir ailleurs, alors que lui ne se gêne pas le moins du monde pour me mettre des râteaux et pour aller tremper sa queue ailleurs ?

    Peut-être parce que je suis amoureux fou, et que je n’ai pas envie de lui faire ça dans le dos. Bien sûr, il y a peu de chances qu’il le découvre un jour. Et, surtout, je n’ai pas de comptes à lui rendre. Ce qui me fait tiquer le plus, c’est qu’une nouvelle expérience pourrait modifier ma vision de mon beau mâle brun et changer ce que je ressens pour lui. Mais ce sont certainement des foutaises de puceau…

    Puis, peu à peu, l’effet de la bière se fait sentir. Une douce fatigue s’empare de moi et fait baisser mes barrières, me fait lâcher prise. Je suis fatigué par toutes ces questions. Je me pose tout le temps des questions, bien trop de questions. J’en ai marre d’avoir peur de vivre ma vie.

    Alors, maintenant, ça suffit !

    Je suis en compagnie d’un garçon qui a l’air de me trouver à son goût, un gars qui me fait bien craquer. Un gars qui est un gay, gay assumé, qui sait ce dont il a envie et qui connaît l’amour entre garçons. De plus, Stéphane ne ressemble en rien aux clichés que je me fais des homos : c’est un gars plutôt masculin, un gars tout à fait « normal », gentil et apaisant. Alors, où serait le mal dans le fait de vouloir me faire du bien ?

    Je chasse mes dernières hésitations (oui, la bière blanche y est certainement pour quelque chose), et je me sens prêt à me laisser porter par l’inconnu, à écouter mes envies.

    Et lorsque la connexion avec le « moi profond » est établie, je réalise que j’ai envie d’embrasser ce charmant Stéphane, de le serrer dans mes bras, d’enfoncer mes doigts dans ses cheveux châtains, de découvrir la douceur de sa peau.

    Stéphane me regarde, me sourit, il a l’air un peu gêné.

    « Je ne sais pas quoi faire… » il finit par lâcher.

    « De quoi tu parles ? ».

    « Tu me plais, Nico, mais je n’arrive pas à savoir si je te plais… ».

    « Tu rigoles, bien sûr que tu me plais… ».

    « Tu as l’air si mal à l’aise… ».

    « C’est que je n’ai pas trop l’habitude de faire des rencontres… je suis maladroit… ».

    « Allez, laisse-toi aller… ».

    Stéphane s’approche un peu plus de moi. Il commence de me caresser le cou, en remontant vers la base de ma nuque. Ses caresses me procurent d’intenses frissons.

    Nos regards s’aimantent, nos visages se rapprochent de plus en plus. Le contact de nos lèvres s’établit tout naturellement. Ainsi, c’est possible : s’embrasser entre garçons, c’est possible !

    Tandis que sa main droite continue de me caresser, l’autre glisse sous mon t-shirt, elle effleure mon bas ventre, juste au-dessus de mon pubis, puis remonte lentement vers mes tétons. Ses doigts sont légers, son toucher est très doux.

    Quelques instants plus tard, Stéphane soulève mon t-shirt, le fait glisser le long de mon torse, l’enlève. Puis, il fait de même avec le sien, en dévoilant son torse.

    Son torse n’est pas vraiment dessiné, mais il est pourtant très agréable à regarder. Ses tétons sont tout mignons, et je ressens une violente envie de les mordiller.  Stéphane ne porte pas de chaînette de mec, il n’a pas de tatouage, mais il laisse des délicieux poils bruns peupler l’espace entre ses tétons, ainsi que la région autour de son nombril.

    Sa peau ne dégage aucune fragrance particulière, ni déo, ni parfum, juste une légère senteur de gel douche, de propre, mélangée à la tiédeur de sa peau.

    Stéphane est un gars naturel, qui ne cherche pas à en mettre plein la vue (et plein les narines). Et pourtant, il dégage une intense sensualité qui me fait craquer.

    Stéphane est aussi un garçon très attentionné. Il a très vite remarqué que le passage de ses doigts sur mes tétons me rend dingue. Ainsi, lorsque ses mains atterrissent sur ma braguette pour commencer à la défaire tout doucement, ses lèvres prennent vite le relais pour continuer à me faire plaisir. Et qu’est-ce que c’est bon !

    Ses doigts caressent ma queue déjà raide par-dessus le tissu du boxer, m’apportant de puissants frissons. Quelques instant plus tard, je sens mon short et mon boxer glisser le long de mes jambes. Je me retrouve ainsi complètement à poil devant ce mec que je ne connais que depuis quelques minutes.

    Sa main se pose sur ma queue et commence illico de la branler. Sa paume est chaude, ses va-et-vient, délicieux. C’est la première fois qu’on me branle de cette façon, la main bien enroulée autour de ma queue, avec le pouce prenant soin de titiller mon frein à chaque passage, dans le but précis de m’offrir du plaisir. Très vite, une douce chaleur monte de mon bas ventre, je me sens perdre pied.

    « Doucement, Stéphane… » je le préviens.

    Ses va-et-vient ralentissent, et moi j’essaie de retrouver le contrôle de mon corps. Je ne veux pas venir trop vite.

    Un instant plus tard, sa langue effleure mon frein. Puis, ses lèvres enserrent mon gland. J’ai très envie de découvrir ce que ça fait de se faire sucer. Mais l’orgasme me guette. J’essaie de me retenir de toutes mes forces, mais il est déjà trop tard, je me sens partir. J’ai juste le temps de lui balancer :

    « Je viens… je viens… ».

    Ses lèvres s’ouvrent, sa bouche s’éloigne de ma queue, sa langue retourne s’enrouler autour de mes tétons, alors que sa main me branle de plus en plus vite.

    Et ça vient, et je jouis. Le plaisir jaillit de mon bas ventre, comme une intense chaleur irradiant dans tout mon corps.

    « Désolé… » je murmure, alors que l’orgasme secoue mon corps et embrume mon esprit, et que mes giclées dessinent de longues traînées sur mon torse.

    Stéphane se lève aussitôt, il attrape du sopalin et m’en passe un bon morceau. Puis, il vient se rassoir sur le canapé, à côté de moi, son bras se presse contre le mien. J’adore ce contact, cette proximité, ce début de complicité, même après l’orgasme.

    « Ça va ? » il me demande.

    « Je suis désolé d’être venu aussi vite… ».

    « T’inquiète, Nico, l’important c’est que t’aies aimé… tu as aimé ? ».

    « Oui… ».

    L’écho de mon orgasme résonne toujours très fort dans mon corps et dans mon esprit. Stéphane m’a offert un orgasme de dingue. Alors, j’ai très envie de lui offrir du plaisir à mon tour.

    Je rassemble mes esprits, je prends une bonne inspiration, je pose ma main sur cette jolie bosse encore emprisonnée par le short. Je la caresse délicatement, Stéphane frissonne d’excitation.

    « Tu es un petit coquin, toi… » il me taquine, adorable.

    Définitivement, avec ce mec, tout a l’air simple et sans prise de tête.

    Un instant plus tard, Stéphane se débarrasse du short et du boxer, me laissant ainsi découvrir sa queue bien raide.

    J’ai très envie de le prendre dans la bouche. Mais j’ai aussi très envie de retrouver la douceur de ses lèvres, le frisson de nos langues se mélangeant l’une à l’autre. Alors je me lance, je l’embrasse, je le caresse. Stéphane a vraiment l’air d’aimer ça. J’adore !

    Je l’embrasse, je le caresse (et sans crainte de me faire jeter, c’est énorme !) et je le branle en même temps. Puis, ma bouche redescend le long de son torse, jusqu’à son pubis, et elle avale sa queue tout en douceur.

    Dès mes premiers va-et-vient, Stéphane porte ses mains sur mes épaules, il les enserre, il les caresse. Le gars est très tactile, il tâte mes bras, mes épaules, mon cou. Il agace mes tétons, il fait très rapidement remonter mon excitation, il me donne de plus envie de lui faire plaisir. Mes va-et-vient prennent de l’ampleur, j’ai vraiment envie de le faire jouir.

    Une envie qui va vite devenir réalité.

    « Tu vas m’avoir, Nico… », je l’entends me lancer, la voix cassée par l’orgasme imminent.

    J’ai déjà entendu ces mots, tout comme j’ai déjà entendu cette vibration dans la voix d’un mec, mon Jérém, juste avant l’orgasme. Et ça me fait toujours autant d’effet.

    J’ai très envie de le laisser venir dans ma bouche. Cependant, en prenant exemple sur lui, je choisis de ne pas faire confiance à l’aveugle. Ma bouche quitte sa queue et ma main prend le relais. Il me suffit de quelques va-et-vient un peu plus rapides pour que Stéphane lâche plusieurs jets bien chauds sur son torse. C’est beau.

    Et ce qui est encore plus beau, c’est que même après avoir joui, lorsque nos regards se croisent, le gars sourit toujours ! J’ai même l’impression qu’après l’orgasme, son regard est encore plus doux et touchant.

    Alors, ça aussi ça existe : des mecs qui assument de prendre du bon temps avec d’autres mecs, et qui l’assument même après l’orgasme. J’ai l’impression de découvrir un monde merveilleux, de respirer à pleins poumons. Je me sens vivre, je me sens bien.

    Après s’être essuyé, Stéphane s’installe dos contre l’un des accoudoirs, les jambes en travers de l’assise. Il me saisit par les épaules, m’attire vers lui. Je seconde son mouvement et je me trouve enserré entre ses cuisses, mon dos contre son ventre, mon torse enlacé par ses bras, la tête appuyée contre ses pecs.

    « T’avais déjà couché avec un mec ? » il me demande de but en blanc.

    « Oui… »

    « Tu as un copain ? ».

    « Non… c’est juste… enfin… c’est très compliqué… ».

    Stéphane me caresse en silence.

    « Vous couchez ensemble mais vous n’êtes pas ensemble, c’est ça ? ».

    « Oui, c’est à peu près ça… ».

    « C’est lui qui a juste envie de coucher ? ».

    Ses questions tapent juste, et je me sens à l’aise pour m’ouvrir à lui, pour me raconter.

    « On va dire ça comme ça… ».

    « Et pour toi, c’est plus sérieux que ça ? ».

    « Oui… je crois… ».

    « C’était ton premier gars ? ».

    « Oui… ».

    « Et c’est qui, ce mec ? ».

    « Un camarade de lycée… ».

    « C’est un mec à nanas ? ».

    « Oui… oui… ».

    « Un beau mec qui se croit tout permis, je parie… ».

    « C’est exactement ça… ».

    « Un mec qui n’assume pas ce qu’il y a entre vous… ».

    « Oui… oui… ».

    Ça me fait bizarre de parler de Jérém avec un presque inconnu, surtout après ce bon moment sensuel. Je n’ai pas envie de le saouler avec mes histoires.

    «Et toi, tu es amoureux fou de ce gars… ».

    Il a raison. Mais ça me fait bizarre d’entendre ces mots de sa bouche. Je ne suis pas certain que ce soit la chose à faire, que de parler du gars qu’on aime avec un autre gars avec qui on vient tout juste de coucher.

    « De toute façon, je n’ai pas d’avenir avec lui… il veut coucher avec moi juste quand il en a envie, mais il n’assume rien… ».

    « Et tu n’as pas essayé de trouver un autre mec ? ».

    « Non… ».

    « Tu n’aurais aucun mal à trouver un gars… tu es beau garçon, Nico… ».

    « Tu parles… ».

    « Je te dis que oui, tu es beau mec ! Tu as du charme, tu es touchant. Et, en plus, on sent de suite que tu es un gentil garçon. Et ça, ça vaut de l’or… ».

    « Je me dis que je n’ai rien à offrir à un mec, que je ne saurais même pas de quoi lui parler… ».

    « Tu as beaucoup à apporter à un mec… tu dois juste faire attention au gars sur qui tu vas tomber… tout le monde n’est pas gentil… ».

    « Désolé, c’est pas génial de te raconter mes galères… » j’ai envie de me rattraper.

    « Tu sais, souvent les mecs ont davantage besoin de causer que de coucher. Mais après avoir joui, ils s’ouvrent plus facilement. Il y en a pour qui les parents sont trop encombrants, d’autres sont étranglés par des soucis de travail ou d’argent, d’autres encore ont une copine ou un copain qui les étouffent. Et toi, toi tu souffres à cause d’un mec qui ne s’assume pas… ».

    J’aime vraiment bien ce mec, son attitude, sa simplicité, son empathie. Je le connais à peine depuis une heure et pourtant je me sens en confiance.

    Nous restons un petit moment ainsi, enlacés, en silence. La tête posée dans le creux de ses pecs, je me laisse bercer par la chaude étreinte de ses bras, par sa respiration paisible, par sa main qui me caresse encore et encore. La profonde douceur de ce garçon m’émeut profondément. Et cette étreinte, c’est tout ce dont j’avais besoin.

    Dans le séjour, dont la seule source de lumière provient de la petite cour intérieure, l’après-midi cède doucement la place au soir.

    Je ressens une intense sensation de bien-être et de fatigue s’emparer de mon corps. Ça fait du bien de jouir, de se câliner et de parler. A cet instant précis, enserré dans les bras de Stéphane, je me sens bien, vraiment bien. Et si ce bonheur me donne envie de pleurer, c’est parce que je réalise que je n’aurai jamais rien de tel de la part de mon Jérém.

    Est-ce que j’ai envie de revoir ce charmant Stéphane ? Est-ce que ce mec pourrait être le mec qui me ferait oublier Jérém ? Est-ce que j’ai envie d’oublier Jérém ? Est-ce qu’avec Jérém, j’ai vécu tout ce que j’avais à vivre ? Est-ce que je n’ai vraiment plus rien à attendre de lui ? Pourquoi l’attitude du gars que j’aime comme un fou ne pourrait pas ressembler à celle de ce Stéphane, avec qui tout paraît si simple ?

    Mais ce n’est pas le cas, et je pense que ce ne sera jamais le cas. Alors, est-ce que je suis prêt à tourner la page ? A me lancer dans une nouvelle histoire ? Est-ce que Stéphane a envie d’une histoire « sérieuse » ? Est-ce qu’il en a envie, plus particulièrement, avec un gars aussi jeune et inexpérimenté que moi, un gars qui vient de lui dire qu’il est fou d’un autre gars ?

    Ce qui est certain, c’est que sa tendresse, son calme, son côté assumé, sa maturité, me font un bien fou. Sa sensualité aussi me fait un bien fou, tout comme sa façon de me faire redécouvrir mon propre corps et mon propre plaisir. Son regard sur moi, un regard rempli d’attention et de considération, sa façon de s’intéresser à moi, ça aussi me fait du bien.

    Alors, oui, tout compte fait, je crois que j’ai envie de le revoir. Je vais bientôt devoir rentrer à la maison, et je cherche les mots pour sonder le terrain, pour savoir si lui aussi a envie qu’on se revoie.

    « J’aimerai bien te revoir… » je finis par lui glisser, tout simplement.

    « Moi aussi j’aimerais bien te revoir. Mais le problème c’est que je vais quitter Toulouse dans quelques jours… ».

    « Tu pars où ? ».

    « Je déménage à Bâle, en Suisse, j’ai eu une proposition de travail là-bas… ».

    « Ah… ».

    D’un coup, je ressens une profonde mélancolie m’envahir. Je vis l’annonce de son départ comme un petit abandon, comme une sorte de petite « trahison ». D’un coup, j’en oublie sa douceur, sa gentillesse, sa bienveillance et j’ai l’impression que finalement le mec a juste voulu tirer son coup, tout en sachant qu’on ne se reverrait pas.

    Après un silence assez long, je finis par lâcher une phrase bidon pour masquer ma déception, et pour me tirer de cette situation qui commence à me peser :

    « Il faut vraiment que j’y aille… ».

    Pendant que nous nous rhabillons, Gabin approche. Il s’assoit, en position chien porte-journal et il me regarde. Il a de gros yeux tout doux, on dirait un gros bébé.

    Stéphane termine de se rhabiller et lui caresse la tête. Heureux, le labrador se laisse lentement glisser sur les pattes avant, et se retrouve couché sur le ventre, la tête en l’air, dans la position du Sphinx.

    Je viens de finir de me rhabiller et je me rends compte que Stéphane ne me quitte pas des yeux. Je croise son regard, il me sourit à nouveau. Il est vraiment touchant.

    Nous nous dirigeons vers l’entrée, Stéphane me devance, Gabin marche entre nous deux.

    « Au revoir Gabin… » je lance, tout en me baissant pour le caresser une dernière fois.

    Stéphane se retourne, il me regarde droit dans les yeux et il me balance :

    « Ça m’a fait vraiment plaisir de te rencontrer, tu es un gars super… ».

    Je ne sais pas trop quoi lui répondre, je n’arrive pas à cerner mon ressenti à cet instant précis. Je suis perdu entre l’écho de ce moment magique, le bonheur d’avoir rencontré un gars qui m’a fait sentir vraiment bien, et la déception qu’il n’y aura pas de suite.

    Et pourtant, le gars a l’air vraiment adorable. Et sincère. Alors, lorsqu’il me serre dans ses bras, je me laisse faire, je profite de ces derniers instants avec lui.

    « Moi aussi j’ai été content de te rencontrer… merci pour tout… » je lui murmure à l’oreille, au bord des larmes.

    « Merci de quoi ? ».

    « Ça m’a fait du bien… ».

    « A moi aussi ça m’a fait du bien. Tu es un gentil garçon, Nico. Ne laisse personne mener ta vie à ta place, ne permets à personne de te faire du mal, même pas à ce camarade qui t’a pris le cœur. La vie est trop courte, il ne faut pas se la laisser voler. Crois en toi, Nico, et écoute ton cœur. Pour que les autres te respectent, il faut que tu apprennes à te respecter toi-même ».

    « J’essaierai, j’essaierai… » je lui réponds, tout en essayant de cacher mon émotion. Car je suis vraiment ému. Lui aussi il a l’air ému. Peut-être que nous sommes en train de nous rater l’un l’autre. Je trouve cela triste.

    Nous traversons la petite cour intérieure, nous arrivons dans le hall d’entrée.

    Ainsi se termine cette belle mais courte rencontre. Quel bonheur d’avoir rencontré ce Stéphane, et quel gâchis, de devoir le quitter si tôt !

    Je me prépare à lui dire au revoir, tout en me demandant comment je vais pouvoir retenir mes larmes, lorsque j’entends Stéphane me lancer :

    « Je vais quand même te donner mon tel. J’aimerais bien garder contact avec toi… ».

    « Mais tu vas partir loin… ».

    « Ca n’empêche pas de garder contact… ».

    « Non, c’est vrai… ».

    Je suis surpris et touché.

    J’attrape mon téléphone et je note chacun des chiffres qu’il m’annonce avec une joie croissante.

    « Si tu as envie de discuter, tu m’appelles. Et si un jour tu en as envie, tu pourras venir me voir en Suisse… je t’invite… ».

    Là, je suis plus que touché, je suis ému. Qu’est-ce qui fait que cet adorable inconnu a envie de garder contact avec un type aussi peu intéressant que moi ? J’ai trop envie de le prendre dans mes bras et de l’embrasser. Si je ne le fais pas, c’est parce qu’un vieux monsieur vient de rentrer dans le hall. Ainsi, je suis contraint et réduit à compresser tout mon émotion dans un simple :

    « Merci… ».

    « Envoie-moi un sms, comme ça j’aurai ton numéro aussi… » fait-il, ses doigts cherchant les miens et s’attardant à les caresser. Un petit clin d’œil très charmant est son dernier mot.

    En marchant vers la maison, je ressens une douce chaleur irradier de mon bas ventre et se diffuser dans mon corps et mon esprit. Une chaleur qui est le pendant d’une bonne jouissance, mais également l’écho de ce bon moment partagé avec Stéphane.

    Je repense à ses caresses, à sa douceur, à sa façon de me faire découvrir un plaisir qui m’était inconnu, à sa façon de me renvoyer une nouvelle image de moi-même, l’image d’un garçon désirable et non pas seulement d’un trou à bite.

    En une heure à peine, Stéphane a su me faire comprendre tant de choses !

    D’abord, que le plaisir entre garçons ne ressemble pas forcément à une relation de domination et de soumission.

    Ensuite, qu’il existe des garçons qui aiment les garçons, et rien que les garçons, et qui l’assument, qui n’ont pas peur de qui ils sont, et de ce dont ils ont envie. Des garçons qui savent prendre le temps de se faire du bien, à deux, et qui savent que les câlins, la douceur et la tendresse, font partie des bonnes choses de la vie !

    Aussi, Stéphane a su me montrer qu’il est possible d’être viril sans être macho. Et que l’amour entre gars peut être à la fois très sensuel et imprégné d’une infinie douceur.

    Oui, en une heure à peine, Stéphane m’a mis à l’aise, m’a fait sentir libre d’être moi-même, en phase avec moi-même, m’a mis du baume au cœur.

    Une heure à peine, et déjà je me demande si je ressens quelque chose pour lui. Est-ce que je vais repenser à Stéphane ce soir, demain, dans une semaine ?

    Ce soir-là, allongé sur mon lit, je n’arrive pas à me libérer de ’intense malaise qui monte en moi depuis que j’ai quitté Stéphane.

    Je me surprends à culpabiliser par rapport à Jérém, car j’ai comme la sensation de l’avoir « trompé ». Oui, je sais, c’est con, mais je ne peux m’en empêcher.

    Au final, cette rencontre avec Stéphane m’a fait toucher du doigt que ce dont j’ai envie par-dessus tout, c’est vivre avec Jérém la tendresse, la complicité que j’ai vécues l’espace d’une heure avec ce charmant inconnu. Je voudrais me retrouver dans ses bras, sentir ses caresses, pouvoir l’embrasser, le caresser à mon tour, discuter avec lui, discuter de tout, sans interdits, sans peur, me laisser aller, sans avoir à rester constamment sur mes gardes, sans me retenir de l’aimer comme j’en ai envie.

    Hélas, Jérém est Jérém, et Stéphane est Stéphane : ce serait tellement bien de fusionner les deux.

    Il est tard, il faut que je dorme. Demain il y a deux épreuves à passer, les maths et l’anglais.

  • JN01040 Bac, jour 3 : L’Histoire-Géo, la Physique-Chimie, et une rencontre inattendue

    JN01040 Bac, jour 3 : L’Histoire-Géo, la Physique-Chimie, et une rencontre inattendue

    Le mercredi, Jérém se pointe au lycée avec un simple t-shirt noir fabriqué dans un coton stretch tout fin. Chacun des muscles de son dos, de ses pecs, de ses abdos, de ses épaules, chacun de ses mouvements sont épousés au poil par les fibres.

    Une fois dans la salle, devant ma copie, je me demande comment se passe le bac pour lui. Lundi, je n’ai même pas pensé à lui demander comment s’était passée la philo et depuis, nous ne nous sommes même pas adressé la parole.

    Je suis encore contrarié par son départ précipité de la veille, mais cela ne m’empêche pas de recommencer à espérer qu’il aura envie d’une petite « révision » entre midi et deux, entre l’histoire-géo du matin et la physique-chimie de l’après-midi. Ou bien après cette dernière, en fin de journée.

    Pas difficile d’imaginer ma déception lorsqu’à midi je le vois partir déjeuner avec d’autres camarades, lorsque je le vois m’ignorer tout simplement. Mais une nouvelle déception m’attend en fin d’après-midi, encore plus cuisante : elle m’envahit lorsqu’il dépose une nouvelle fois sa copie une demi-heure avant la fin du temps imparti, lorsqu’il passe à côté de moi sans le moindre signe à mon égard, en frôlant au passage mon bras avec le bas de son t-shirt moulant, en vrillant mes narines et jusqu’à mon dernier neurone avec la trainée de son déo de jeune mec.

    Oui, je suis déçu, frustré, assommé. Après avoir passé la journée à me brûler les yeux avec sa tenue sexy, je n’en peux plus, j’ai trop envie de lui.

    J’attrape ma copie de physique-chimie, qui aurait pourtant besoin d’une dernière relecture, et je l’amène direct au bureau des surveillants. Je sors de la classe avec un pas calme, du moins en apparence. Dans le couloir, mon allure change du tout au tout, je me lance fébrilement sur la piste de mon Jérém.

    Mais le bobrun a pris de longues secondes d’avance, et il n’est déjà plus dans le couloir, il doit être déjà dans la rue. J’avance très vite, mais je stoppe net, avec toujours l’impression de produire un bruitage de dessin animé, lorsque je le vois sortir des chiottes du rez-de-chaussée et se diriger rapidement vers la sortie du lycée.

    Jérém ne m’a pas vu, il continue sur sa lancée. Je me lance à ses trousses, je finis par le rattraper, je ne peux pas le laisser partir comme ça.

    Et là, subjugué parle vertige que m’inspire ce mec, en prenant sur moi pour vaincre ma timidité maladive, la voix étranglée par le trac et la peur de me faire jeter, bégayant à moitié, j’arrive à lui lancer :

    « Salut… ça s’est b… bien p… passé ? ».

    « Ça s’est passé » il me lance froidement, sans s’arrêter de marcher, sans me regarder.

    Je suis essoufflé d’avoir presque couru pour le rattraper, je suis assommé par son attitude distante, j’ai les jambes sciées. J’inspire un grand coup, et je me lance:

    « Je… je… Jérém… ».

    « Quoi ? » fait-il sèchement, toujours sans me regarder.

    « Ça te dit pas une petite révision ? ».

    « On n’a plus rien à réviser ! » il lâche, en tournant enfin les yeux vers moi, en me percutant avec un regard dur et distant.

    « T’as pas envie ? ».

    « Non… ».

    « T’as pas aimé lundi ? ».

    « Fiche-moi la paix ! ».

    Et ce disant, il cache ses yeux bruns derrière ses lunettes noires, il accélère un peu plus son allure et me laisse là, en plan.

    Abasourdi et humilié par son refus net et précis, je reste ainsi planté devant la façade du lycée, comme un con, jusqu’à le voir disparaître dans la rue Gambetta.

    Pendant un instant, j’ai envie de lui courir après, de laisser parler ma frustration, ma déception, ma colère, mon cœur. J’ai envie de crier, de pleurer. Au lieu de quoi, je me mets à marcher, sans but précis, si ce n’est celui de calmer cette nouvelle blessure qui brûle en moi.

    Oui, j’ai besoin de marcher pour évacuer tout ça. Pas facile, alors qu’à chaque pas la présence de mon beau mâle brun se fait sentir dans mon corps, entre mes fesses, souvenir encore bien vif des passages de sa queue deux jours plus tôt. L’amour avec Jérém est la drogue la plus puissante qui soit. Je suis en manque, et le sevrage s’annonce long et difficile.

    J’ai mal dans mon corps, j’ai mal dans mon cœur, je suis déboussolé. Je marche un pas après l’autre, sans direction précise. Mon circuit aléatoire m’amène à remonter la rue de Metz, jusqu’à l’esplanade de la Cathédrale de St Etienne.

    C’est peut-être mon inconscient qui m’y a amené, car cette place est l’un des endroits de Toulouse que je préfère, avec ses espaces verts, sa pelouse, ses arbres, avec de nombreuses terrasses de cafés et de restos animées à longueur de journée, notamment à la belle saison.

    Cette place est comme une sorte de grand jardin où des Toulousaines et les Toulousains viennent flâner, pique-niquer, lire, écouter de la musique, partager un bon moment, faire une petite sieste, profiter de l’ombre offerte par les arbres qui entourent cet espace de verdure. C’est un espace marqué par la présence de la Cathédrale, cette construction imposante et atypique, si hétéroclite et pourtant si esthétique.

    Oui, j’ai toujours aimé ce quartier, car il respire la « dolce vita » à la sauce toulousaine. Dès qu’on y arrive, on a envie de se déchausser et de s’allonger sur l’herbe, exactement comme sur une plage.

    Et c’est d’ailleurs ce que je fais: je trouve un carré de pelouse à l’ombre d’un arbre, je me déchausse, je pose mes chaussettes, je m’allonge, je plie mes genoux, je pose mes pieds nus bien à plat sur la pelouse douce et fraîche. J’essaie de me détendre, j’essaie d’évacuer l’amertume qui me prend à la gorge.

    L’effort du maintien du poids de mon corps désormais confié à la portance du sol, mes énergies sont désormais libérées pour faire le vide dans ma tête. Ça ne paraît pas comme ça, mais il faut une sacrée énergie pour arriver à ne penser à rien.

    Je respire profondément une, deux, plusieurs fois. Mon odorat est ravi par les odeurs d’herbe, de terre, de sève. Mon ouïe est bercée par le piaillement de quelques petits oiseaux cachés quelque part dans les frondes des arbres, ainsi que par le bruit de fond engendré par les Toulousains en mode pré-vacances.

    La caresse légère du vent d’Autan semble parler de l’insouciance des beaux jours, comme un petit avant-goût des plages chaudes de Narbonne et de Gruissan, des vagues puissantes de Biarritz et St Jean de Luz, des longues soirées d’été autour de l’apéro et des grillades, entourés par les potes.

    Je reste allongé dans l’herbe pendant un bon bout de temps, et je finis par m’assoupir. Mais mon petit somme est vite interrompu par un événement imprévu, un imprévu survenant sous les traits et avec la fougue d’un labrador noir au collier rouge sorti de nulle part et venu direct me lécher les oreilles.

    Je reviens à moi en sursaut. Mais dès que je réalise ce qui se passe, je trouve la situation drôle. Je relève mon buste et je commence à caresser le gros bébé foufou. Plus je le caresse, plus je ressens une sensation de calme gagner mon esprit.

    « Gabin, au pied ! ».

    En entendant la voix sonore de son maître, le toutou repart le rejoindre en courant. Je regarde dans la direction où le chien a détalé et je vois un mec en train d’accrocher une laisse au collier du labranoir.

    Un instant plus tard, le labra et son maître s’approchent de moi, le premier réglant son pas sur celui du second.

    Le mec a quelques années de plus que moi, autour de 25 ans je dirais. Il est assez grand, ses jambes sont poilues et plutôt musclées, le gars doit faire du sport. Ses cheveux châtains sont laissés en bataille, et une petite barbe naissante habille un visage rond. Le mec est habillé très simplement, avec un t-shirt marron clair, un short noir très sobre, des claquettes.

    Sous son t-shirt, qui est plutôt une taille au-dessus et qui ne porte pas de marque, je devine quand-même une jolie carrure.

    « Tu vas bien ? » me lance le type, en arrivant près de moi, tout en accompagnant ses mots par un beau sourire, un sourire lumineux, attachant. Ses yeux noisette sont très doux, et contribuent à donner à son visage ce petit côté « nounours » qui le rend plutôt craquant.

    « Oui, oui, ça va… ne vous inquiétez pas… ».

    « Je suis désolé, je n’aurais pas dû le lâcher… » il insiste, tout gentil.

    « J’aime les chiens… j’ai toujours rêvé d’en avoir un… ».

    « D’habitude il reste avec moi, c’est la première fois qu’il déguerpit comme un fou pour aller embêter quelqu’un… ».

    « Ca fait rien… ».

    « Je l’ai appelé, mais il n’a rien voulu entendre… encore désolé… ».

    « Ce n’est rien, vraiment… ».

    « Il t’a sali ? ».

    « Même pas ».

    « Au fait, moi c’est Stéphane » il enchaîne.

    « Enchanté Stéphane, moi c’est Nico ».

    « Enchanté Nico. Et lui, c’est Gabin… ».

    « Bonjour Gabin ! » je lance, à l’attention du toutou, avant de m’adresser à son maître : « vous avez de la chance d’avoir un si beau chien ».

    « J’aimerais bien que tu me tutoies… » il me lance.

    « Avec plaisir… ».

    « Pour m’excuser, je t’offre un verre … » il me lance.

    « Vous n’êtes pas obligé… ».

    « On avait parlé de se tutoyer, non ? ».

    « Ah oui… tu n’es pas obligé ».

    « J’insiste… ».

    « D’accord… si tu veux… ».

    « Je te proposerai bien de nous installer dans un bar, mais avec le chien ça va être compliqué. Je te propose de prendre un verre chez moi, si ça te va. Je n’habite pas très loin ».

    Son invitation me met un tantinet mal à l’aise : le gars doit s’en rendre compte, car il me balance, sur un ton à la fois taquin et charmeur :

    « T’inquiète… je te trouve mignon, mais je te drague pas… enfin… pas encore… ».

    J’adore son attitude à la fois cash et bon enfant. J’adore son naturel souriant, cette gentillesse qui me fait fondre.

    Ce qui ne m’empêche pas de me poser un certain nombre de questions. Est-ce qu’il dit vrai ? Est-ce qu’il me trouve vraiment mignon ? Est-ce qu’il rigole ? Est-ce qu’il pourrait me draguer ? Est-ce qu’il est déjà en train de me draguer ? Est-ce qu’il a l’intention de me draguer ?

    Je n’en sais rien. Le fait est que le gars a l’air vraiment adorable. Je me sens en confiance. Alors, je décide d’oublier ma méfiance, je décide le me laisser aller et d’accepter son invitation.

    « J’habite à côté de la Halle aux Grains… ».

    Pendant le trajet, Stéphane me questionne sur mes études, mes centres d’intérêt, mes passions. Il m’écoute, il sait me mettre à l’aise.

    Définitivement, ce gars respire la gentillesse. Le courant passe bien, je le trouve de plus en plus sympa.

    Il est des charmes qui ne se révèlent pas entièrement au premier regard, car ils ont besoin de l’œuvre d’un sourire, de quelques mots, pour déployer toute leur intensité. Oui, il est des charmes qui ont besoin d’un petit laps de temps pour nous apprivoiser.

    Et là, je me sens de plus en plus apprivoisé. Elle est drôle la vie, et elle a parfois un sens de l’humour un brin tordu. Hier encore je me disais que jamais je ne pourrais rencontrer un gars comme moi dans la vie de tous les jours, que pour rencontrer un gars je serais obligé d’aller dans des bars qui ne me font pas envie. Et voilà qu’aujourd’hui, tout juste 24 heures plus tard, un gars on ne peut plus naturel croise mon existence d’une façon on ne peut plus naturelle. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer.

    Quelques minutes plus tard, nous arrivons devant la porte d’un immeuble en briques typiques.

    « Nous-y voilà… ».

    Je sens mon cœur battre à tout rompre.

    « Cool, mec, je vais pas te sauter dessus… je te propose juste un verre… » il se marre, adorable, en ouvrant la porte cochère.

    « Pourquoi tu dis ça ? » je fais, un brin dérouté.

    « Parce que tu as l’air mort de trouille… » il me lance, avec un petit sourire tout mignon.

    Gabin s’engouffre dans le hall et commence à tirer violemment sur la laisse.

    « Tu vois, il te montre ce que tu as à faire… ».

    Il me sourit, je lui souris à mon tour. Il me tend la main, je l’attrape, j’avance d’un pas, je suis dans le hall sombre. Le labrador tire de plus en plus fort sur la laisse, Stéphane est obligé de relâcher ma main, il a besoin de toute sa force pour le maîtriser.

    Nous traversons le hall, nous passons dans une petite cour intérieure. Stéphane avance jusqu’à une porte en pvc blanc.

    Une fois la porte ouverte, Gabin est lâché. Et il en profite pour s’engouffrer dans l’entrée de l’appart en courant comme un barjot. Stéphane me fait signe d’entrer. Il m’emboîte le pas. Me voilà chez lui. Charmant garçon, ce Stéphane.

  • JN01039 Bac, jour 2 : la Techno

    JN01039 Bac, jour 2 : la Techno

    Après le t-shirt bleu ciel du lundi, le mardi Jérém débarque au lycée avec un putain de t-shirt blanc de marque du genre cousu-direct-sur-son-torse-de-ouf qui est une claire atteinte à ma santé mentale.

    Dans la salle d’examen, je prends la bonne résolution de résister à la tentation de trop le mater. Ça va être facile, tiens. Déjà, il faudrait faire abstraction de cette tenue qui me rend dingue. Aussi, il faudrait que mon corps cesse de me rappeler dans les moindres détails tout ce que mon bobrun m’a mis la veille. Mais mon corps possède sa propre mémoire, et il garde encore bien vif le souvenir de ses assauts virils.

    Mais peu importe. Aujourd’hui, je vais me faire violence pour résister à la tentation de caresser inlassablement sa plastique du regard. Je ne veux pas le mater, et encore moins faire quoi que ce soit pour l’allumer. Je ne veux surtout pas revivre l’expérience de la veille, me faire gauler par le surveillant en train de chauffer mon bomâle.

    Mais est-ce que cela changera quelque chose à ma concentration pendant le bac techno ? Pour que je puisse me concentrer réellement, il faudrait que j’arrête d’avoir envie de lui. Et pour ce faire, il faudrait qu’il ne soit pas dans la même salle, et surtout pas habillé avec ce genre de t-shirt blanc moulant…

    Le surveillant donne les consignes et lance le chrono de l’épreuve. Je regarde la copie et ça me gave déjà. La Techno, ça n’a jamais été mon truc. Encore moins quand il fait si chaud, quand j’ai du mal à émerger du brouillard matinal, et que Jérém est là, juste devant moi, beau comme un Dieu.

    Je n’ai même pas envie de lire le sujet, j’ai juste envie de me lever et d’aller caresser mon beau brun, ses épaules, son cou, sa nuque, ses cheveux, ses oreilles fines, droites et sexy. J’ai envie de tâter ses biceps enserrés dans ces manchettes blanches, j’ai envie de passer ma main dans le col en V de son t-shirt, de caresser ses pecs, d’agacer ses tétons. J’ai envie de le lécher de la tête aux pieds, j’ai envie de le sucer, j’ai envie de l’avoir en moi. Comme d’hab, quoi…

    Toutes mes articulations et tous mes muscles sont encore endoloris par nos ébats de la veille, et pourtant ma peau est hypersensible. Une légère brise caresse ma peau, fait frotter le coton de mon t-shirt contre mes tétons. La trique vient et s’installe, j’ai l’impression qu’elle ne va pas retomber tant que le bogoss sera dans mon champ de vision.

    Je prends une grande inspiration et je me décide enfin à lire le sujet. C’est au prix d’un épuisant effort de concentration que j’arrive à gratter une page et demie presque sans lever les yeux de la copie.

    Ça pourrait continuer encore, si un bruit soudain ne venait pas me détourner de ma copie. C’est un bruit sec et violent, venant d’un thorax dont je connais chaque vibration : Jérém vient d’éternuer.

    Dès lors, c’est reparti, la copie est oubliée, pour Nico c’est la recrée. Ce simple bruit venant de lui suffit à me déconcentrer, à détourner mon attention. Et maintenant que mes yeux sont à nouveau rivés sur son torse moulé dans le coton blanc, mes désirs refont violemment surface, tout en faisant s’évaporer mes dernières motivations pour la Techno.

    Mais le bogoss fait pire. Il relève son buste, il pose son coude droit sur le bord du banc, il appuie son front dans la paume de sa main, l’air du mec qui réfléchit.

    Mais il n’en est rien : le bobrun fait pivoter discrètement sa tête à l’intérieur de l’appui de sa main, jusqu’à lancer son regard brun dans ma direction. C’est furtif, mais tellement excitant.

    Et ça me fait trop plaisir ! Car le bogoss s’est retourné exprès pour me regarder. Est-ce que nos échanges visuels lui manquent aussi ? J’aime trop le croire…

    Puis, trop vite, son cou et sa tête font le mouvement de rotation inverse, coupant le contact entre nos deux regards.

    Jérém aussi est en mode récrée apparemment. Il a posé son stylo, et il regarde dans le vide. Je suis sûr qu’il bloque lui aussi, car la Techno ce n’est franchement pas son truc non plus. J’avais remarqué en cours l’intérêt tout à fait relatif qu’il portait à cette matière, comme à peu près à toutes les autres.

    Le bobrun doit ramer, et l’envie de cigarette doit commencer à bien le démanger. Je le vois prendre une bonne inspiration puis, s’étirer une nouvelle fois. Ses épaules remontent, son torse se bombe, les biceps gonflent, ses muscles s’activent, le t-shirt blanc grimpe sur ses abdos, dévoilant à la fois le chemin de poils qui remonte de son pubis et l’élastique gris de son boxer.

    Dès lors, mon envie de lui devient insupportable, tellement déchirante que j’ai l’impression d’avoir une boule brûlante dans le ventre.

    Je n’arrive pas à penser à autre chose qu’à sa queue en érection, au bonheur de la prendre en bouche, de sentir les jets chauds et puissants percuter mon palais, de retrouver l’odeur et le goût de son jus ; mais aussi de la sentir coulisser entre mes fesses, de voir l’expression de son visage pendant qu’il se vide en moi, de le sentir jouir. Ça tourne presque à l’obsession. C’est fou comme je peux l’avoir dans la peau, ce petit con.

    Le désir vrille mon cerveau, et il provoque chez moi une bien bonne érection.

    Je commence à espérer et à me persuader que, tout comme hier, Jérém viendra me voir à la fin de l’examen pour me proposer une nouvelle révision. Ça ne peut pas se passer autrement.

    Et pourtant, si. A ma grande surprise, Jérém rend sa copie à 11h30 et il part sans m’adresser le moindre regard. Je suis déstabilisé, je ne m’attendais pas à ce qu’il parte si tôt. Et, surtout, sans envisager quoi que ce soit avec moi.

    Mais pourquoi il est parti si tôt ? Est-ce qu’il a fini ou alors ça s’est mal passé et il a jeté l’éponge ? Dès lors, sa chaise vide est triste et désolante.

    Midi arrive vite, et le surveillant annonce la fin de l’épreuve. Je rends ma copie sans même la relire et je sors vite de la salle à la recherche désespérée de mon beau brun. Un t-shirt blanc attire mon attention un peu plus loin. Hélas, sous le coton doux, ce n’est pas mon Jérém à moi.

    Je sors dans la cour du lycée, je balaie l’espace à 360 degrés, mais aucune trace de mon Jérém. Ça fait une demi-heure qu’il est parti et à l’heure qu’il est, il est déjà loin. Je regarde mon portable, muet comme toujours.

    Je n’ai pas envie de rentrer tout de suite, de tout façon il n’y a personne à la maison, car tout le monde bosse. J’ai envie de marcher pour évacuer les tensions et les émotions accumulées pendant l’épreuve. J’ai besoin d’évacuer la frustration de l’avoir vu disparaître sans la moindre considération à mon égard.

    J’ai aussi envie d’un sandwich, j’en prends un au même comptoir que celui où Jérém s’était arrêté la veille. Je repense à son geste inattendu : plus j’y pense, plus je trouve que ça a quand même été mignon de sa part de m’offrir un sandwich.

    Mes pieds m’amènent place du Capitole, mon regard est comme toujours impressionné par la beauté architecturale de cet espace qui est le cœur de la Ville Rose. Je traverse le passage situé juste en dessous de la Mairie et je me retrouve ainsi dans la petite place de l’Office du Tourisme, cet espace de verdure protégé par de nombreux arbres.

    Je me pose sur un banc, je mange lentement mon sandwich. J’ai tout l’après-midi devant moi, je suis pratiquement en vacances.

    Le mois de juin avance, il fait déjà chaud. Conséquence, les garçons ont sorti leurs beaux t-shirts et leurs charmants shorts d’été, de petits bouts de coton mettant en valeur leur plastique.

    Voilà l’une des raisons pour lesquelles j’aime la belle saison. D’abord, en mai-juin, à la faveur de quelques degrés supplémentaires, les bras se découvrent, les biceps dépassent, les épaules se dévoilent, les torses sont redessinés sous les tissus légers. Puis, en juillet-août, les t-shirts ont tendance à être remplacés par les marcels, ou même à voler, laissant apparaître les pecs et les abdos.

    Oui, à la faveur de quelques degrés de plus, la simple beauté des corps masculins s’affiche partout dans la ville. Elle nous claque sans cesse à la figure, dans les parcs, sur le Canal, au détour d’une rue.

    Elle est mise en valeur par un t-shirt noir porté avec aisance sur un torse élancé, ou bien par un t-shirt rouge qui tombe à la perfection sur un torse un brin plus baraqué. Ou encore par un t-shirt bleu(avec les finitions des manchettes et du col en blanc) porté par un beau petit brun souriant, par un polo gris porté par un reubeu au regard duret terriblement sexy, par un débardeur vert tendu sur des épaules carrées, puissantes, et découvrant une vaste portion de pecs bien dessinés.

    Je ne me lasse pas de mater du bogoss. Mon regard est tellement insistant qu’il arrive parfois à aimanter celui de certains garçons. Un contact fugace s’établit alors, rempli de promesses, ou plutôt d’illusions.

    Mais le regard d’un beau garçon, ce langage fascinant et inconnu, demeure pour moi impénétrable. Je ne sais pas déceler le désir dans le regard de l’autre. Est-ce que je suscite seulement du désir ? Est-ce que je plais ?

    Certes, le fait de coucher avec une bombasse comme Jérém, devrait avoir de quoi me rassurer. Et pourtant, je ne sais même pas comment il me trouve physiquement. Est-ce que je lui plais ne serait-ce qu’un peu ou alors est-ce que c’est juste ma soumission, ma bouche et mon cul qui l’intéressent ? Est-ce qu’il me baise juste parce que je suis « à portée de queue », parce que je lui laisse faire tout ce dont il a envie, ou est-ce qu’il a une petite attirance pour moi ? Est-ce qu’il baiserait avec n’importe quel autre mec du moment qu’il le fasse jouir comme il en a envie ?

    C’est beau, Toulouse, l’été. Mais Jérém me manque horriblement.

    Je pourrais aller le voir chez lui, je pourrais lui envoyer un message. Mais à quoi bon ? S’il n’a pas sollicité de « révision », c’est qu’il n’en a pas envie. Et je n’ai aucunement le pouvoir de lui donner cette envie.

  • JN01038 Jérém se lâche après la Philo

    JN01038 Jérém se lâche après la Philo

    Sans un mot, Jérém me saisit par les épaules, fermement, il me retourne, me plaque contre le mur, presque brutalement. Jérém est chaud bouillant, déchaîné. Ses gestes sont rapides, puissants, précipités, je sens son souffle incandescent sur mon cou. Son bassin exerce une pression insistante contre mes fesses, son érection puissante se fait sentir à travers le double tissu de son short et de mon jeans.

    Peut-on imaginer plus belle sensation que celle de percevoir l’envie d’un beau mâle, du gars qu’on aime ?

    Oui, cet après-midi, mon Jérém est chaud comme la braise. J’aime penser que sa raison est momentanément éclipsée par une irrépressible et dévorante envie de jouir. J’aime penser que je suis complètement à sa merci. Et que si, pour une raison inexplicable, l’envie me prenait de me refuser à lui, il me prendrait par la force.

    Ce n’est qu’un fantasme, un fantasme qui gagne certainement à rester comme tel. Et, pourtant, un fantasme hyper excitant.

    Bien sûr, au fond de moi je suis persuadé qu’il ne pourrait pas en arriver là. Je crois bien que si je me refusais à lui, ses seules et uniques représailles ce serait de m’envoyer chier et de me remplacer au pied levé.

    En attendant, le bobrun prend le temps de me faire languir. Le petit taureau excité me garde plaqué contre le mur pendant un petit moment, son corps me domine, m’entrave, je sens toute sa puissance sur mon dos, dans mes jambes, dans mes fesses, entre mes fesses. Jérém bande comme un âne, je sens que je vais prendre cher. J’ai envie de lui, je bande, je mouille, ma rondelle réclame la présence de sa queue.

    Il fait chaud dans le petit studio, je transpire, l’ambiance est moite, j’ai envie de son jus partout, sur moi, en moi.

    J’ai envie de lui crier de me prendre, de me baiser, de me défoncer, de me remplir. J’en crève d’envie et je ne sais pas ce qui me retient de le faire. Rien, au final. Au fond, nous sommes là pour baiser, et mon rôle est d’être son vide-couilles. Alors autant accepter ce rôle avec un maximum de jouissance.

    « Tu la sens ma queue, espèce de pute ? » il me balance, dans la continuité des mots crus de nos précédentes « révisions ». Des mots qui m’ont toujours excité, et qui m’excitent toujours autant.

    Et pourtant, ça fait bizarre de l’entendre prononcer à nouveau ce genre de mots, après notre nuit magique. Où est-il donc passé le mec tendre de samedi dernier ? Celui qui m’a fait l’amour ? Celui qui a voulu que je reste dormir avec lui ? Qui a voulu que je le prenne dans mes bras ? Ce mec qui me traite de pute, qui me plaque sauvagement contre le mur, qui m’entrave avant de me baiser, est-il vraiment le même mec que celui avec qui j’ai passé la nuit de samedi dernier ?

    En attendant, bien sûr, faute de mieux, j’ai envie de ça, être ta pute, mon beau Jérém.

    « Oui, je la sens bien… elle est trop bonne… ».

    « Qu’est ce qui t’as pris de faire ta salope tout à l’heure ? ».

    Quel culot le mec, alors que c’est lui qui a commencé de me faire craquer avec son sourire infernal.

    « J’avais trop envie de toi » j’admets, pourtant.

    « T’avais envie de ma queue… dis le !» fait-il en me plaquant un peu plus fort contre le mur.

    « Oui, j’avais envie de t’avoir dans la bouche ! ».

    « T’es vraiment une chienne en chaleur… ».

    « C’est toi qui me rends comme ça, tu me rends dingue… ».

    « C’est ma queue qui te rend aussi pute ! ».

    « Oui, c’est ta queue… ».

    « Tu veux que je te remplisse la bouche de mon jus, hein ? ».

    « Oui, Jérém, gicle-moi dans la bouche… »

    Le bogoss me presse de plus en plus fort contre le mur, je sens sur moi toute la puissance de son corps, de sa virilité.

    « T’as faim de ma queue, hein ? ».

    « S’il te plaît, laisse-moi te sucer… ».

    « Tu me suceras quand j’en aurai envie… ».

    « T’en as pas envie là ? ».

    « Non… ».

    « Et tu as envie de quoi ? ».

    « Là, tout de suite, j’ai envie de te défoncer le cul ».

    C’est clair, c’est direct, et c’est aussi ce dont j’ai envie. Puisque c’est son envie. C’est bon de savoir que nos désirs, nos plaisirs sont aussi parfaitement complémentaires. Ce qui est encore meilleur, c’est le fait que ce soit lui qui annonce la couleur, le fait de savoir que le bogoss a vraiment envie, envie de moi, envie de mon cul.

    Je donnerais cher pour rentrer dans sa tête et savoir ce qu’il ressent en me regardant, pourquoi il a envie de gicler dans mon cul, plutôt que dans la chatte d’une nana.

    Oui, Jérém a juste envie de me défoncer, là, tout de suite. De toute façon, je n’aurai jamais mieux venant de lui, jamais mieux que des bons coups de baise, mais jamais son cœur.

    La nuit de samedi dernier c’était juste une fausse note. Définitivement, Jérém est le mec qui « baise, mais qui ne fait pas de câlins », je tâcherai de m’en souvenir. Mais en attendant, vas-y, mon beau, baise-moi !

    « Vas-y, fais-toi plaisir… ».

    Le bogoss relâche enfin sa pression sur mon corps, se décolle de moi. A l’instant même où le contact cesse, il me manque déjà. Un manque atténué par la sensation de l’imminence de l’accouplement avec mon beau mâle brun. Une sensation matérialisée par une séquence de bruits bien connus, comme le sifflement du cuir glissant très rapidement sur le même cuir, suivi d’un léger cliquetis métallique. Qu’est-ce qu’il est chargé d’érotisme, pour mes oreilles, ce bruit, celui d’une ceinture en cuir qui est défaite dans l’urgence, depuis ce jour-là…

    Happé par ces petits bruits, je tourne la tête sur le côté, juste à temps pour être foudroyé par l’image, le geste sec et précipité de Jérém défaisant sa braguette, enlevant ses baskets sans même se baisser, sans même les défaire, juste en opposant un pied à l’autre.

    Mon regard en biais est aimanté par sa braguette ouverte, par ces deux bouts de cuir bâillant, par cette portion visible de son boxer, déformée par une sacrée bosse.

    Puis, sans tarder, le short et le boxer tombent, sa queue fait son apparition fracassante, pointant le zénith. Jérém inspire un bon coup. Puis, d’un geste rapide et assuré, il ôte son t-shirt et le balance négligemment à terre. L’odeur de son déo se dégageant généreusement de sa peau dénudée me percute de plein fouet. Je suis en transe. Baise-moi, Jérém !

    Un instant plus tard, ses doigts pressés défont ma ceinture à moi, ouvrent ma braguette à l’aveugle, presque en arrachant les boutons. Ses mains descendent mon jeans et mon boxer à hauteur de mes genoux. Une soudaine sensation de fraîcheur surprend mes fesses nouvellement découvertes, et c’est une sensation agréable et sacrement excitante…

    Décidemment, ses gestes ont quelque chose de brutal, sans pour autant être vraiment violents. Mon bobrun est en mode plutôt directif : le bonheur, quoi. Alors, devant l’empressement et l’ardeur du mâle, je m’abandonne totalement à lui, à ses gestes, à ses envies.

    Jérém presse son bassin contre le mien, il cale sa queue entre mes fesses. Il saisit le bas de mon t-shirt et le soulève d’un geste précipité. J’ai tout juste le temps de soulever mes bras, que déjà le bogoss le fait glisser le long de mon torse et le balance par terre. Sans que ce soit prémédité, il atterrit sur le sien. J’adore cette image, nos deux t-shirt comme nos corps, collés l’un à l’autre…

    Ses mains saisissent fermement mes hanches, son corps se presse une nouvelle fois contre le mien. Je sens la chaleur et la fermeté de ses pecs contre la peau de mon dos, je sens la raideur de sa queue assiégeant ma rondelle, la douceur de ses poils pubiens chatouillant le bas de mes fesses :tout cela me met dans un état second. 

    « C’est ça que tu veux, hein ? Tu veux ma queue, hein ? ».

    « J’ai envie de me sentir rempli de ta queue… ».

    « Tu vas la sentir passer, t’inquiète… ».

    «T’es super bien monté… » j’ai besoin de flatter son ego de mâle.

    « Et toi t’es une pute, un trou à bite… ».

    « Je suis le trou pour ta bite… ».

    « Et elle te fait quoi, ma bite ? ».

    « Elle me fait jouir… ».

    « Je te fais jouir du cul ? ».

    « Oui, tu me fais jouir du cul… ».

    « T’es une vraie salope… ».

    « C’est ta queue qui me rend comme ça… ».

    « Non, t’es une salope qui a tout le temps chaud au cul. Je pourrai te rincer le fion dix fois dans la journée que tu l’aurais toujours en feu… ».

    « J’ai juste envie de toi… t’es un sacré mâle… ».

    Un instant plus tard, je l’entends cracher, doux bruit m’indiquant qu’il est en train de préparer sa queue pour l’assaut de mon trou. Je l’entends cracher à nouveau, entre mes fesses cette fois-ci, et je frissonne lorsque ses doigts viennent étaler la salive à l’entrée de ma rondelle. C’est rapide, mais terriblement excitant.

    Ses mains passent sous mes aisselles et viennent se poser à plat sur mes pecs. Son gland gonflé à bloc, brûlant, met ma rondelle en joue. Sous la pression de son bassin, mes muscles abandonnent rapidement toute résistance, mon trou se laisse aller à la lente mais inexorable invasion du mâle.

    Son gourdin s’enfonce en moi jusqu’à la garde, jusqu’à ce que ses couilles chatouillent mes fesses, jusqu’à ce que ses pecs se calent à nouveau contre mon dos. Le bogoss prend une profonde inspiration, témoignant de son bonheur de sentir son manche enfermé dans mon trou bien serré.

    Ses mains puissantes m’attirent contre lui. Le contact de la paume de sa main contre mes tétons est une sensation purement et simplement délirante. Ce mec pourrait faire de moi ce qu’il veut, comme d’habitude, mais cent, mille fois plus encore que d’habitude.

    Ses va-et-vient démarrent, le bogoss me baise avec une sorte de rage qui imprime à ses mouvements une impétuosité, une urgence presque animale.

    Je le sens vraiment très impatient d’arriver au bout, pressé de se lâcher, de précipiter sa jouissance. Pendant que son manche prend d’assaut mon cul, son visage se cale dans le creux de mon épaule. Le bogoss mordille nerveusement ma peau, entre la base de mon cou et mon épaule, mouvement enragé de mâle vraiment en rut. Sa barbe de quelques jours chatouille ma peau comme un papier abrasif sur une tête d’allumette, faisant des étincelles sur mon épiderme déjà surexcité.

    Qu’est-ce que c’est bon de me faire tringler par ce mec, et qui plus est, lorsqu’il est dans cet état-là !

    Quelque chose me dit que dans l’état d’excitation où il est, et en me limant à ce rythme, Jérém ne sera pas long à venir. Ses couilles frappent lourdement le bas de mes fesses, j’adore imaginer qu’elles sont bien pleines (peut-être que je me suis trompé, peut-être que hier soir, il n’a finalement baisé personne…).

    Je sais qu’il est trop en pression pour rechercher autre chose que le chemin le plus court vers son plaisir, un plaisir que je suis impatient de lui offrir. Et pourtant, au fond de moi, je ne veux pas qu’il vienne très vite, j’ai envie qu’il me défonce pendant longtemps.

    En attendant, je profite de chaque moindre frisson de ce plaisir extrême. J’en profite jusqu’à ce que le bogoss stoppe net ses va-et-vient. Puisil se déboîte de moi, il me fait mettre à genoux, la tête contre le mur. Il prend appui sur ses deux mains posées à plat contre la paroi, il enfonce sa queue dans ma bouche et il entreprend de la baiser avec des coups de reins sans retenue. Sa queue est dure comme l’acier, chaude comme la braise. Elle me remplit la bouche, elle me chatouille l’entrée de la gorge, elle m’envahit, elle me domine entièrement. Ses coups de reins infernaux s’enchaînent et je commence à me dire que finalement le bogoss a plutôt envie de me remplir la bouche.

    Mais un instant plus tard, ses mains se glissent brusquement sous mes aisselles, me soulèvent, me font relever une nouvelle fois, sans que j’aie mon mot à dire. Je n’ai pas d’autre choix que de suivre le mouvement, et je me retrouve à nouveau débout, le visage collé au mur.

    Et là, Jérém m’encule sans autre forme de procès. Il recommence aussitôt à me tringler, jusqu’à rencontrer cet orgasme que son jeune corps ne peut attendre plus longtemps.

    Et alors que, sans vraiment arriver à contenir ses râles de plaisir, Jérém me remplit de son nectar de mec, je ressens une intense chaleur monter dans mon ventre, une chaleur que je connais bien. C’est la chaleur de mon orgasme, un orgasme provoqué par la présence, le frottement, l’éjaculation de sa queue en moi.

    Oui, j’étais tellement accaparé par mon plaisir anal, par ma jouissance de passif, que je ne l’ai même pas senti venir.

    Sacré mec, ce Jérém. Il arrive à me faire jouir sans même me toucher, juste avec sa queue, sans même en avoir l’intention, juste en me baisant.

    Le bogoss est toujours en moi, ses mains toujours sur mes tétons, son souffle chaud chatouille toujours mon cou. Lorsque l’excitation retombe, je réalise rapidement à quel point il fait chaud dans le petit espace du studio. Le bogoss aussi a chaud, il frotte son front sur mon épaule pour éponger une transpiration abondante.

    Après l’effort sexuel qu’il vient de produire, Jérém est carrément en nage. Je sens l’odeur de sa transpiration et de son orgasme flotter dans l’air. Et putain, qu’est-ce que je l’aime, cette odeur !

    Puis, lorsque le bogoss se dégage de moi, il me décolle aussitôt du mur, et il appuie lourdement sur mes épaules pour me faire mettre à genoux. Je me retrouve ainsi la tête appuyée contre le mur, tout comme pendant l’interlude au beau milieu de sa baise déchaînée.

    Pendant une fraction de seconde, je suis déçu de le voir s’éloigner, pour aller ouvrir un peu la porte fenêtre pour laisser entrer de l’air. Il doit vraiment avoir chaud, lui aussi.

    Je le vois revenir vers moi avec sa démarche assurée, tellement à l’aise dans sa nudité, la queue toujours tendue, luisante du jus qu’il vient de lâcher en moi. Il s’arrête à quelques centimètres de ma bouche, sa main ramenant sa bite pile à hauteur de mes lèvres.

    Je suis comme assommé par la vision de ce corps d’apollon en sueur, se tenant débout devant moi, me dominant de toute sa taille, un apollon qui vient de jouir en moi et dont le passage est encore bien vif dans ma rondelle. Lorsque je le regarde, je me dis que nos corps, nos envies, nos plaisirs sont vraiment faits l’un pour l’autre. Et dans ma tête, c’est le bonheur.

    Mais la vue n’est pas le seul sens à être chahuté par la proximité du beau mâle brun. Mes narines sont ravies par l’odeur de sa transpiration, et notamment sa transpiration pubienne, cette odeur qui sature l’air de la pièce d’une intense empreinte olfactive de jeune mâle.

    Pourtant, parmi ces mille odeurs délicieuses, à l’intérieur de cet envoûtant bouquet d’arômes d’homme, il y en a une qui se détache nettement. C’est une odeur forte, prégnante, entêtante, reconnaissable entre mille : celle de son sperme, de son plaisir de mec.

    Le beau mâle avance le bassin, il pose une main sur ma nuque, fait plier mon cou. Le geste est rapide et efficace, son gland rencontre mes lèvres, elles s’ouvrent petit à petit, sa queue glisse lentement dans ma bouche qui semble conçue exprès pour l’accueillir.

    Jérém enfonce sa queue jusqu’à la garde, ou presque, jusqu’à caler son gland bien au fond de mon palais. La pression de sa main sur ma nuque se fait encore plus forte. Le petit con essaie d’enfoncer son gland dans ma gorge. Je sais qu’il aime me remplir la bouche avec sa queue et voir que quoi qu’il fasse, quoi que je fasse, elle ne rentre pas entièrement. Putain de petit con trop fier de sa queue !

    Son autre main vient alors se coller sur ma tête et sa pression se maintient, puissante. Ses poils pubiens dégagent une délicieuse odeur de gel douche et de sexe-de-mec que j’adore. Ils sont si doux ces petits poils entretenus, ils donnent envie de plonger son nez dedans, de poser plein de bisous, de passer les heures à les caresser.

    Face au bogoss en nage, je ressens brutalement l’envie violente de le lécher partout, de cueillir jusqu’à la moindre goutte de sa transpiration, de cette délicieuse humeur de mec.

    Soudain, la pression de ses mains se relâche. Son bassin recule, sa queue quitte ma bouche. Instantanément, je me sens vidé, délaissé. Sa chaleur, sa douceur, sa puissance, sa simple présence me manquent déjà.

    Jérém se tient toujours debout devant moi, il doit être encore terriblement excité pour que l’appel de la clope ne se soit pas encore fait sentir. J’essaie de comprendre de quoi il a désormais envie, j’ai l’impression qu’il veut être surpris.

    Je me déchausse, je me libère enfin de mon jean et de mon boxer qui entravent mes mouvements. J’avance mon buste vers lui, ma tête vers son bassin, je commence de lui lécher les couilles. Elles sont moites, bien odorantes, je les lèche délicatement mais inlassablement, le goût de sa transpiration envahit mon palais d’un arôme fort et salé qui me ravit.

    Mes lèvres son affamées, ma bouche est gourmande, elle ne sait plus où donner de la langue, tant sont nombreux les endroits qu’elle a envie de visiter. Je fais évidemment une halte dans ce petit creux juste en dessous de la queue, à la naissance des bourses, ce petit creux qui m’excite tant et que j’agace du bout de la langue.

    Jérém frissonne, ses abdos se contractent avec des mouvements rapides, des petits grognements traduisent le bonheur que ma langue est en train de lui procurer. Je sais désormais que dans le langage corporel de Jérém, cette série de réactions signifie : « putain qu’est-ce que c’est bon, ça m’a même surpris tellement c’est bon ».

    Et pendant que ma langue éponge sa transpiration, le bogoss s’amuse à me bifler à intervalles réguliers. Sa queue est à nouveau bien tendue, elle semble en redemander quelques minutes à peine après m’avoir rempli le cul.

    Comme d’hab, son envie fait mon envie. Cependant, je me dis que la pipe peut bien attendre un peu, car j’ai envie de continuer mon voyage dans ce pays de peau chaude, mate, moite et odorante. D’autant plus que je sens que mon petit manège ravit mon Jérém autant que ça me ravit. Alors, autant en profiter tant qu’il m’en laisse le loisir. Je le sucerai après, lorsqu’il n’en pourra plus, lorsqu’il me l’ordonnera.

    Le voyage de ma langue redémarre à hauteur de ses poils pubiens, remonte le chemin de petits poils jusqu’au nombril, visite le relief de ses abdos, elle s’engage dans la ligne médiane de son torse, continue vers le haut, vers le cou puissant. Elle est impatiente, gourmande, inlassable.

    Voyage enchanteur, voyage d’odeurs, de saveurs envahissant mon nez, ma bouche et ma tête, m’ôtant toute notion de temps, de réalité, de bac philo ou autre, de futur, de passé. C’est un voyage qui me rapproche du bonheur absolu de l’instant présent.

    Le petit grain de beauté dans le creux de son cou attire mon regard, happe ma raison, dirige mon voyage enchanteur, mes bisous. Ce petit grain de beauté est mon Etoile Polaire.

    C’est fou à quel point la simple et intense beauté de cette petite « imperfection » de sa peau mate, une « imperfection » qui contribue à faire l’unicité de mon beau mâle brun, me touche, m’émeut.

    Mon voyage touche presqu’au but, lorsque, tout d’un coup, Jérém se dégage, se déplace à côté de moi, appuie ses deux mains contre le mur, les jambes écartées, les reins légèrement cambrés.

    Je sais ce qu’il attend, et j’ai envie de lui donner, j’en ai envie depuis que je l’ai suivi dans les escaliers quelques minutes plus tôt. Et, puis, je me suis donné comme point d’honneur de tout lui donner pour notre dernière fois. Tout.

    Je me déplace et je m’agenouille derrière lui, je pose mes mains sur ses fesses, je les écarte doucement, je plonge mon nez et mes lèvres dans sa raie et je laisse aller ma langue à ses instincts, à ses envies.

    Sous les petits coups de ma langue, Jérém frissonne de plaisir. J’y vais tout doux, je le fais languir un peu. Oui, c’est moi qui le fais languir ce coup-ci. Je le fais languir, alors que sais à quel point il est impatient que je lui bouffe le cul. Je kiffe à mort.

    Mais au bout d’un moment, je ne peux plus me retenir, et je me lâche à fond sur sa rondelle. Le bogoss souffle très fort, puis il me balance :

    « Putain de salope, tu aimes ça… ».

    Et toi, mon salaud, tu n’aimes pas ça ?

    Plus je lui en donne, plus son corps en redemande. Ses respirations sont de plus en plus bruyantes, ses muscles vibrent, se contractent, son plaisir est palpable.

    Je me demande si, en continuant assez longtemps, et pour peu qu’il se branle un peu, je ne pourrais pas le faire jouir comme un malade, simplement en lui léchant la rondelle.

    Jérém se retourne brusquement, sans prévenir. Sans un mot, il m’attrape par l’avant-bras et m’entraîne vers le lit. Il s’allonge sur le matelas, il me fait glisser sur lui. Un instant plus tard, je m’empale sur son manche droit comme un « I ». Décidemment, ce jeune étalon a de la ressource.

    Je regarde sa belle petite gueule traversée par le frisson de la pénétration. Je me laisse happer par la beauté presque irréelle de son torse ondulant sous l’effet d’une respiration excitée. Mais comment peut-on être si outrageusement sexy ? Comment peut-on avoir à la fois un corps comme le sien, une bonne petite gueule comme la sienne, une queue aussi endurante que la sienne ? Ce mec est une bombe, une véritable bombe anatomique.

    Alors j’y vais, je vais faire ce qu’il attend de moi. Je prends appui sur mes genoux et je commence à faire coulisser ma rondelle le long de son manche. Et qu’est-ce que c’est beau de voir ses yeux se fermer, son visage frémir, ses abdos animés par la respiration profonde du plaisir. Sa tête bascule vers l’arrière. C’est un geste qui, dans le langage du « Jérém à poil brun », signifie « putain qu’est-ce que c’est bon, surtout n’arrête pas… ».

    Et la sensation de tenir entre ses mains (ou plutôt entre ses fesses) le pouvoir de faire jouir un si beau mâle, c’est juste dément.

    Mes va-et-vient, d’abord lents et dosés, s’accélèrent peu à peu, jusqu’à prendre une cadence régulière qui a l’air de convenir parfaitement à mon bobrun.

    Devant mes yeux, une vision de rêve : ses bras à nouveau pliés, ses mains à nouveau croisées entre sa tête et l’oreiller, ses aisselles finement poilues offertes. Et son beau corps tout tendu vers le plaisir.

    Son dos se cambre sous la vague de plaisir, sa tête part vers l’arrière, s’enfonce dans l’oreiller. Et qu’est-ce qu’il est beau son petit grain de beauté, qu’est-ce qu’elle est sexy sa chaînette, tous les deux noyés dans la transpiration qui a recommencé à perler sur sa peau mate. C’est un spectacle à se damner.

    Et même si je commence à fatiguer un peu – les muscles de mes mollets et de mes cuisses commencent à se raidir – j’ai décidé que j’irai jusqu’au bout. Mon Jérém a envie de me baiser une fois de plus, je ne le décevrai pas.

    J’incline mon dos vers l’arrière, je cherche appui avec mes mains sur le matelas. Je déplie mes jambes, j’envoie mes pieds prendre appui de part et d’autre de ses hanches.

    J’arrive ainsi à trouver la cadence qui me permet de maîtriser mon effort, tout en continuant de rapprocher mon Jérém de sa jouissance. Le beau mâle a l’air d’apprécier, il seconde mes va-et-vient avec le même mouvement de son bassin. Et moi aussi, je prends un max de plaisir.

    Sa respiration s’emballe, ses ahanement se font de plus en plus rapprochés et bruyants : son orgasme approche.

    Je fais appel à mes toutes dernières ressources, j’augmente encore la cadence de mes oscillations.

    « Tu vas m’avoir… » il lâche, la voix étouffée par les râles incontrôlables de son plaisir de mâle.

    « Vas-y, fais-toi plaisir… ».

    « Je te gicle dans le cul… ».

    « Oh… vas-y… » je lâche, dans un état second.

    Un instant plus tard, son front se plisse, ses paupières retombent et se ferment presque entièrement, ses lèvres s’entrouvrent. Bref, l’orgasme s’affiche sur sa jolie petite gueule. Et c’est en poussant un bon gros râle que Jérém jouit à nouveau en moi.

    Le bogoss prend une grande inspiration et se retire illico de moi, laissant mon trou affronter le vide et le manque. Puis, il repart en terrasse fumer une nouvelle clope. Je décide de partir à la douche. Je ramasse mes affaires et, juste avant de passer la porte de la salle de bain, je le regarde une dernière fois, de dos, appuyé à la rambarde, sa chaînette pendouillant négligemment à la faveur de l’inclinaison de son buste.

    En regardant mon Jérém à cet instant précis, je ressens un sentiment de bonheur, de plénitude. Mes yeux m’apportent l’image d’un mec abasourdi de plaisir, repu, momentanément libéré de toute envie sexuelle. Et le fait de savoir que c’est moi qui l’ai mis dans cet état, c’est un bonheur qui n’a pas de prix.

    Je le regarde pendant un long instant, avec l’espoir fou qu’il se retourne et qu’il m’adresse un petit sourire. J’attends, en vain.

    Jérém en short, torse nu au soleil, beau comme un Dieu, en train de fumer, après m’avoir baisé et rebaisé : il y a des instantanés comme ça, qui se gravent un jour dans notre mémoire et qui ne s’effacent jamais. Et celui-là, aujourd’hui encore, tant d’années plus tard, il est là, en moi, aussi vif qu’à l’instant où il s’est imprimé en moi.

    Je me fais violence pour arracher mon regard à la contemplation de cette perfection faite mâle, une perfection qu’à cet instant précis j’ai envie de serrer contre moi, et de couvrir de bisous.

    Puis, soudain, un élément extérieur vient troubler la perfection de cet instantané : mon regard est attiré par un emballage de capote déchiré par terre juste à côté du lit. Un emballage qui n’était pas là le dimanche matin, à mon départ, j’en suis certain.

    Le matin, en le voyant arriver en cours avec sa gueule enfarinée, je m’étais demandé si la veille il avait couché avec une nana. Désormais, mon questionnement a trouvé sa réponse.

    Je réalise ainsi que la veille au soir, pendant que dans mon lit je me posais mille et une questions, pendant que je lui trouvais des justifications à son comportement à la con, ce connard était en train de s’envoyer en l’air.

    Je n’arrive pas à détacher mes yeux de ce petit emballage coloré. Plus je le regarde, plus je ressens monter en moi un intense sentiment d’humiliation.

    Putain, Jérém, t’aurais pu au moins le ramasser ! Le fait est que tu n’avais certainement pas prévu que t’aurais cette envie pressante de me baiser. Non, tu ne te doutais pas, hier soir, pendant que tu te tapais une nana, une de plus, qu’aujourd’hui tu passerais l’après-midi à me défoncer, n’est-ce pas ?Ou alors, tu t’en fous tout simplement… Mais pourquoi as-tu besoin de sauter des nanas, alors qu’il suffirait que tu me sonnes pour que je vienne te faire tout ce dont tu as envie, et plus encore ?

    Je le regarde fumer en silence, les lèvres brûlantes d’envie de lui exprimer mes questionnements.

    Non, je n’arrive pas à le quitter de mon regard. Ainsi, à la première occasion où le bogoss se tourne, il finit par me capter. Il plante ses yeux bruns dans les miens, et il me lance :

    « Qu’est-ce qu’il y a ? Tu veux une photo ? ».

    « Tu as baisé une nana, hier soir ? ».

    « Qu’est-ce que ça peut te foutre ? ».

    « Dis-moi… ».

    « Ça t’intéresse vraiment ? » fait-il, mauvais.

    « Oui… ».

    « Oui, j’ai baisé hier soir. Et donc ? Fiche-toi dans la tête que je baise quand je veux, et qui je veux. Et que je n’ai pas de comptes à te rendre… ».

    « Tu fais chier… ».

    « T’as un bon cul, mais j’en ai pas envie tous les jours… et si ça ne te va pas, tu peux te casser… ».

    Blessé par ses mots, je me sens encore davantage trahi, humilié, je ressens la jalousie me prendre à la gorge, j’ai envie de partir au plus vite. Je me casse dans la salle de bain, assommé.

    Devant le miroir, je me dis que ce coup-ci c’est bon, que cet après-midi de « révisions » est vraiment le dernier que je partage avec lui. Je me dis que ces deux mois de baise intense sont tout ce que je vivrai avec ce mec dont je suis fou, ce mec qui me trompe pourtant avec la première nana qui écarte les jambes, ce mec qui ne me permettra jamais de connaître le bonheur de le serrer dans mes bras, de lui faire des bisous, d’embrasser ses lèvres. Je me sens étouffer, j’ai le tournis. Ses mots me retournent les tripes, et me font un mal de chien.

    Je reste longtemps sous l’eau, car je ne suis pas pressé de passer la porte de la salle de bain, de me retrouver face à sa froideur, d’affronter son regard humiliant et son attitude arrogante.

    Ce n’est que lorsque l’eau chaude vient à manquer que je me décide enfin à fermer le robinet. Je me sèche, je me rhabille.

    Je prends une grande respiration, et je passe la porte de la salle de bain presque d’un bond, bien décidé à me tirer au plus vite.

    Et là, surprise. Quel est mon émerveillement lorsque je vois mon bel étalon étalé en travers du lit, torse nu, les bras écartés, la tête légèrement inclinée vers son épaule gauche, en train de faire dodo !

    Pendant que j’étais à la douche, le bogoss s’est assoupi, tombé comme une pierre. Il faut dire que le petit taureau ne s’est vraiment pas ménagé cet après-midi.

    C’est beau de le voir tranquillement endormi, beau et inoffensif comme un bébé. De toute façon, à part son caractère de cochon, tout est beau chez lui.

    Un petit vent rentre par la porte fenêtre et caresse sa peau mate, se glisse dans beaux cheveux bruns. Son beau torse musclé me donne envie de le serrer très fort contre moi.

    Oui, à cet instant précis, j’ai envie de le prendre dans mes bras (ou qu’il me prenne dans les siens), j’ai envie de passer une autre nuit avec lui, peau contre peau, dans son lit, dans son parfum, dans son monde, dans sa vie. Et de vivre un tout autre réveil que celui de dimanche matin, un réveil en douceur, avec l’odeur du café et des croissants chauds qui remplirait la pièce, et le bonheur qui remplirait le cœur.

    Je pourrais rester à le regarder pendant des heures, des heures à me laisser bercer par sa respiration apaisée, à me laisser hypnotiser par ses abdos qui ondulent calmement, à penser à tout ce que je voudrais vivre avec mon bobrun, mais qui ne sera jamais à l’ordre du jour. Jérém est Jérém et il ne changera pas juste parce que je le veux.

    Il est temps pour moi de partir. Adieu mon beau Jérém. Je t’aime et je t’aimerais toujours, quoiqu’il arrive. Ça a été un immense bonheur pour moi de réviser et de « réviser » avec toi, car ça m’a permis de rentrer un petit peu dans ta vie, et de te connaître un peu.

    Et tant pis si tu voulais juste me baiser, tant pis si les coups de cet après-midi ont été le bouquet final du feu d’artifice sexuel qu’ont été nos « révisions ». Avant que le silence ne retombe à jamais sur notre « histoire ».

    Je ne ferai pas la pas la même erreur que dimanche matin, je vais partir pendant que tu dors. Je vais partir en amenant avec moi cette toute dernière image inattendue gravée dans mon cœur, toi endormi comme un gosse. C’est la dernière image que je vais garder de toi.

    En tout cas, merci Jérém de m’avoir offert ces deux mois de baise incroyable. Merci d’exister et de m’avoir apporté ce bonheur, bien que si court. Nous ne nous reverrons plus, à part aux épreuves du bac restantes. Après le bac, je partirai loin, et, très probablement, toi aussi. Je sais que je souffrirai longtemps avant de tourner la page. Et je ne parle même pas d’oublier, car je ne pourrais jamais t’oublier. Je vais devoir apprendre à vivre avec l’idée que pendant un temps j’ai pu profiter de ta puissance sexuelle, mais que ce temps est révolu à tout jamais.

    Mais ce qui est fait est fait et je ne regrette rien, car je sais que quoique tu fasses, où que tu ailles, qui que tu rencontres ou que tu baises, personne, jamais, ne t’aimera comme je t’ai aimé, comme je t’aime, comme je t’aimerai.

  • JN01037 Bac, jour 1 : la Philo

    JN01037 Bac, jour 1 : la Philo

    Lundi 11 juin 2001, 7h30, devant l’entrée du lycée.

    Nous y voilà, nous y sommes. C’est le jour J, le premier jour du bac, le jour du bac philo.

    Ce matin, le stress m’a cueilli dès le réveil. Il m’a accompagné sous la douche, il ne m’a pas lâché pendant tous les premiers gestes du quotidien. Tenace, il m’a suivi au petit déjeuner, il m’a harcelé durant tout le trajet à pied vers le lycée.

    Cependant, il y a quelque chose que je redoute plus encore que le stress lié au bac, c’est l’idée de retrouver Jérém après ce qui s’est passé ce week-end.

    J’ai beau tenter de me rassurer, de me répéter que son changement d’attitude, entre la tendresse de la nuit et l’agressivité du matin, est la conséquence de son malaise vis-à-vis de notre relation, une relation qui le chamboule, lui qui était jusqu’à là tellement installé dans son rôle de mâle à femmes.

    J’ai beau essayer de me convaincre que sa tendresse de la nuit est le plus bel aperçu du véritable Jérém, de ce qu’il est au plus profond de lui. Un garçon qui, comme tout un chacun, a besoin de tendresse. Un garçon qui, l’espace d’une nuit, a baissé la garde, a laissé tomber sa carapace.

    Il n’en demeure pas moins que ce matin, en marchant vers le lycée, j’appréhende de le retrouver. La distance et la froideur qu’il m’a montrées le dimanche matin m’ont blessé, je me suis senti trahi, humilié. Oui, j’appréhende de croiser son regard, de peur de le retrouver fuyant, distant, hostile, fâché. Ou, pire, indifférent. Ou, pire encore, je redoute de croiser le regard « comme si tout était normal, comme s’il ne s’était rien passé ».

    Et pourtant, au-delà de toutes mes craintes, tout ce dont j’ai envie ce matin en arrivant au lycée, c’est de le voir débarquer. Peu importe la couleur du regard, qu’il soit noir, énervé, méchant, qu’il lance des flammes, je m’en contrefiche. J’ai tellement envie de le revoir que j’en ai mal au ventre.

    Je redoute son attitude, mais sa présence, elle, m’est indispensable.

    Comme toujours, Jérém se fait attendre. Dans la cour du lycée, je guette fébrilement son arrivée.

    Et le bogoss apparaît enfin, beau comme ce n’est pas permis, le soleil intense du matin le rendant encore plus beau. Un vrai petit con, toujours à la bourre, toujours à la dernière minute. Et toujours canon.

    Il se pointe en baillant, les yeux cachés derrière de grandes lunettes noires, avec sa démarche de mec sûr de lui, bien dans ses baskets.

    Ce matin, il porte un t-shirt bleu ciel qui, une fois de plus, a l’air cousu sur mesure sur son torse. Il porte également un short clair qui retombe un peu en dessous de ses genoux, laissant dépasser ses mollets musclés. Et il a chaussé des jolis baskets rouges.

    Ses cheveux bruns sont plus courts autour de la nuque, plus longs sur le haut, fixés en une espèce de crête à l’aide d’un gel à l’effet mouillé. Les pattes sont bien taillées, elles descendent le long de ses oreilles droites et fines jusqu’à rejoindre sa petite barbe de trois jours. Il est sexy à pleurer.

    Ainsi, dès que le bobrun pointe son nez devant l’entrée du lycée, le bac devient soudainement à mes yeux un sujet d’une importance tout à fait relative.

    Jérém s’arrête à proximité d’un attroupement de quatre ou cinq gars de notre classe qui constituent sa « meute du lycée ». Il relève enfin ses lunettes de soleil, il les cale par-dessus ses beaux cheveux bruns.

    Jérém fait le tour de ses potes pour leur dire bonjour. Des bonnes poignées de main de mec sont échangées, les torses se frôlent, les joues s’effleurent et claquent des bises. C’est le genre de bise bien virile à laquelle je n’aurai jamais droit de sa part, et que moi non plus je n’oserais jamais lui faire, et surtout pas en public. La bise ne s’échange qu’entre mecs labellisés hétéros, et certainement pas avec un mec comme moi, en odeur de gaytude. Jérém ne risquerait jamais à se compromettre de la sorte en public, et surtout pas depuis que nous couchons ensemble.

    Plus je le regarde, plus j’ai l’impression que le bogoss semble avoir la gueule enfarinée. Ce qui laisserait imaginer que sa nuit a dû être trop courte. Est ce qu’il a révisé ? Peu probable. Est-ce qu’il a baisé ? Déjà plus réaliste.

    Qu’est-ce que ça me fait chier d’imaginer qu’il a pu baiser une nana quelques heures à peine après notre nuit magique, dans ce lit où il m’a fait l’amour, dans lequel il m’a demandé de rester dormir et où nous nous sommes faits des câlins !

    Sa tournée de poignées de main terminée, le bogoss sort son paquet de clopes, il en propose autour de lui, il en glisse une entre ses lèvres, l’allume, il tire une taffe. Puis, alors qu’il expulse la fumée avec une longue expiration, il a ce geste complètement inconscient, mais tellement bienvenu : il ferme les yeux, il lève les bras, il plie les avant-bras, il les ramène vers sa nuque. Le bogoss s’étire. Geste tout à fait naturel, qui a néanmoins des conséquences tout à fait spectaculaires.

    La première, celle de faire gonfler ses biceps jusqu’à tendre dangereusement les manchettes de son t-shirt. La deuxième, survenant au fil de la progression de son étirement, celle de faire remonter ledit t-shirt le long de son torse, millimètre après millimètre. Encore un petit effort, et la troisième conséquence se matérialise devant mes yeux : je vois apparaître le chemin de poils qui relie son nombril à son sexe, image à la fois magnifique et infernale, notamment pour mes yeux, qui savent parfaitement à quel endroit de bonheur ce chemin conduit.

    Une fois son étirement terminé, Jérém repart, la cigarette au bec, pour un nouveau tour de « bonjours » à quelques autres camarades attroupés un peu plus loin. Il fait la bise à quelques nanas, mais il se garde bien de venir dans ma direction. En fait, il ne me calcule même pas. Les « vrais » mecs avec les « vrais » mecs, les loosers avec les loosers. C’est la première règle du Code des Lycées.

    Non, je n’ai droit à rien, pas de bonjour, même pas un regard. Rien qui exprimerait le moindre regret pour son comportement brutal et incompréhensible du dimanche matin. Rien non plus qui laisserait imaginer que cette nuit magique aurait pu représenter quelque chose à ses yeux, et changer quoi que ce soit à notre relation. Son attitude est énervante de normalité, comme si tout allait bien, comme si de rien n’était.

    Son attitude est exactement celle que j’avais le plus redoutée, celle « comme si tout était normal, comme s’il ne s’était rien passé ». La plus humiliante qui soit. En fait, ce matin, c’est comme si je n’existais pas pour lui.

    Un surveillant nous appelle, c’est l’heure. Quelques minutes plus tard, je me retrouve assis sur une chaise dans la salle d’examens.

    Aujourd’hui c’est la philo, je ne me fais pas trop de soucis pour cette épreuve.

    J’ai toujours adoré la philo, car je l’ai toujours trouvée passionnante. J’ai toujours cru, ou du moins espéré, que l’étude des grands penseurs m’aiderait à me connaître moi-même.

    Dès le premier cours de philo, dès le tout premier philosophe abordé, j’ai été comblé. Je me souviens m’être dit : tiens, c’est lui qui a raison, il a tout pigé. Je m’étais alors promis de tout lire de son œuvre (chose que je n’ai pas fait, évidemment) et de faire miens ses principes que je venais d’adopter en tant que vérité absolue et immuable. Car j’avais l’impression d’avoir trouvé mon tuteur spirituel capable de donner un équilibre durable à ma vie toute entière.

    Hélas, ma certitude était destinée à être mise à mal tout juste quelques jours plus tard, lorsque nous avions abordé un nouveau penseur, avec des idées très différentes du précédent, et lorsqu’à nouveau je m’étais surpris à trouver sa pensée tout à fait à mon goût. Ainsi pour le suivant et le suivant encore.

    Puis, un jour, alors qu’un camarade faisait remarquer pendant un cours qu’il y avait autant de pensées que de penseurs, la prof nous avait expliqué que tous ces hommes avaient chacun leur point de vue sur la vie, un point de vue façonné par leurs expériences et leurs références culturelles. Elle nous avait expliqué que dans la vie, il n’y a pas de vérité absolue, juste différentes façons d’appréhender les choses, différents points de vue. Et que le plus important, dans la pensée, c’est l’ouverture d’esprit, le respect de soi et de l’autre, l’honnêteté. Et un bon paquet de tchatche pour étayer ce que l’on veut défendre.

    Dès que l’on intègre cela, la disserte de philo est dans la poche. Pour peu qu’on lise l’intitulé, qu’on surveille l’ortho, et qu’on sache trouver un argument pour, un autre contre et faire la synthèse des deux, le bac philo est inratable. Un pur exercice de style.

    A condition, bien entendu, de disposer d’un minimum de calme et de concentration pour écrire des phrases avec un semblant de cohérence. Hélas, j’ai l’intuition que ce matin je ne vais disposer ni de l’un, ni de l’autre.

    En effet, Jérém est assis à juste devant moi, à peine un peu décalé. Ce qui fait que, sans même avoir besoin de tourner la tête, sa plastique et son tatouage de mec sont pleinement dans mon champ de vision.

    Putain de mec ! Même côté verso, ce petit t-shirt bleu ciel est insupportablement sexy ! Car il moule scandaleusement ses biceps, il épouse à la perfection les lignes de son dos puissant et musclé, il souligne la chute magnifique de ses épaules. Ledit t-shirt est également d’une longueur tout juste parfaite pour remonter sur ses riens dès que le bogoss se penche légèrement en avant, dévoilant ainsi l’élastique noir du boxer, laissant apercevoir un bout de peau mate en bas de son dos.

    Il est tout juste 8h00 et il fait déjà chaud. Heureusement, une légère brise rentre par les fenêtres ouvertes, caresse la peau de mon visage, de mon cou, de mes bras.

    Soudain, je réalise que, ça y est, c’est le bac. Cette simple prise de conscience suffit à provoquer en moi une brûlante sensation de déchirure. Dans une semaine, tout sera fini. Alors, autant profiter des derniers instants où je peux mater mon bobrun.

    Ainsi, pendant que le surveillant donne les consignes pour le bon déroulement de l’épreuve, je ne peux détacher mes yeux de lui.

    Mais Jérém est ailleurs, le regard dans le vide, les paupières lourdes, la gueule du mec qui manque sérieusement de sommeil. Je paierais cher pour savoir ce qu’il a fait cette nuit, avec qui il l’a passée. Mais peut-être qu’il vaut mieux que je ne le sache pas…

    Quoi qu’il en soit, je ne peux arrêter de le mater. Dès que j’essaie de regarder ailleurs, mes yeux reviennent aussitôt vers lui, comme attirés par un aimant, comme rappelés par un ressort invisible.

    Ainsi, à la première occasion où le bogoss tourne la tête dans ma direction, nos regards se croisent. Son regard brun percute le mien comme un uppercut, il m’éblouit avec la puissance de l’éclair.

    Et alors que cet instant me paraît se dilater à l’infini, le bogoss me fixe sans l’ombre d’un sourire, sans le moindre soupçon d’émotion. Quoi lire dans ce regard intense, intimidant, insoutenable ?

    Au bout d’un moment, mon malaise se fait palpable, je baisse les yeux, comme assommé.

    Pourtant, une poignée de secondes plus tard, mes yeux s’ennuient déjà de celui qui est l’objet de leur plaisir le plus grand. Alors j’y reviens, je cherche discrètement sa silhouette du coin de l’œil, tout en prenant soin d’éviter de prendre son regard de plein fouet.

    C’est là que je me rends compte que Jérém est en train de me mater à son tour. En fait, il n’est pas seulement en train de me mater. Non, il est carrément en train de me défoncer avec ce regard canaille que je lui connais que trop bien. Un regard accompagné d’un petit sourire narquois, charmeur, effronté, insolent, craquant au plus haut point.

    Soudain, j’ai du mal à respirer. Son regard, son sourire, son attitude me vrillent les tripes. Mais à quoi il joue ce petit con ?Me faire l’amour, me jeter, me chauffer ? C’est quoi ce jeu de souffler le chaud et le froid ?

    Mais le bogoss n’en a pas fini de me chercher, de me retourner comme une crêpe. Un instant plus tard, il fronce légèrement les sourcils, il donne un peu plus d’éclat encore à son sourire de malade, et il m’achève en me balançant un putain de clin d’œil qui manque de peu de me faire tomber à la renverse sur ma chaise. Et qui me fait oublier tout mon malaise.

    Un instant plus tôt, je me demandais comment il pouvait avoir le culot de me faire du charme alors que 24 heures auparavant, il m’avait foutu à la porte comme un malpropre. Et là, devant ce sourire et ce clin d’œil incendiaires, je me sens perdre pied. Oui, avec ce sourire et ce clin d’œil, ce mec peut faire de moi tout ce qu’il veut. Son pouvoir sur moi est illimité.

    Pourquoi fait-il ça ? Pourquoi le fait-il maintenant ? Est-ce qu’il se rend compte qu’avec ce regard et ce clin d’œil il me met direct dans un état d’excitation indescriptible? Est-ce qu’il s’imagine à quel point son regard me renvoie à la sensation de sa queue envahissant ma bouche, à ses giclées percutant mon palais, à tous ces coups de bélier pendant nos baises ?

    Non, je ne crois pas qu’il s’en rende bien compte.

    Ou alors si, il s’en rend parfaitement compte, et il fait exprès de m’allumer. Mais pourquoi donc fait-il ça ? Et, surtout, est-ce vraiment le bon moment de jouer avec mes nerfs et mes sentiments ?

    Enivré par son sourire brun à craquer, je sens la trique monter rapidement dans mon bas ventre. Comment vais-je pouvoir me concentrer sur le sujet du bac dans cet état?

    Une fois, deux fois, dix fois, cent fois j’essaie de détourner mon regard de lui. Et à chaque fois, je n’y arrive que pendant quelques secondes, de longs instants pendant lesquels je suis comme en apnée visuelle. Car rien n’intéresse mes yeux, à part sa présence.

    Alors, très vite, je replonge, je laisse mon regard dériver dans sa direction. Et là je me rends compte que le bogoss me regarde toujours, comme s’il savourait le désir et le trouble qu’il sait si bien m’inspirer.

    Je déteste qu’il ait autant de pouvoir sur moi et en même temps j’adore ce jeu, cette complicité entre nous. Un jeu dont il a la main depuis le début. Et dont il tient tous les atouts. Tous ou presque. Car, à bien réfléchir, j’ai dans mes mains une carte capable de mettre à mal tout son petit jeu. Cette carte, c’est la mutinerie. Et si j’essayais de lui résister ? De faire comme si ses regards ne me faisaient ni chaud ni froid ?

    Soudain, je trouve bien excitante l’idée de le provoquer et de voir sa réaction.

    Le regard du bogoss harponne le mien, je suis la cible d’une rafale de flèches de charme et de sexytude incessante. Mais au lieu de me montrer impressionné (même si c’est le cas, car en réalité je suis complètement sous le charme), au lieu de baisser mes yeux, je soutiens son regard, comme si son attitude de petit macho ne m’atteignait pas le moins du monde.

    Et curieusement, dès que j’ai l’idée de le faire, cela me semble simple et évident. D’autant plus que cela va se passer dans une situation insolite, une situation où nous ne sommes pas seul à seul et où il n’a pas vraiment de prise sur moi, autrement que par le regard.

    Dans cette situation, sa voix et son attitude corporelle, sa nudité, l’exhibition de sa virilité, si efficaces pour installer sur moi le harnais de sa domination masculine, ne peuvent pas lui venir en aide.

    Alors, je profite de la situation, et de l’occasion. Je continue à soutenir son regard de braise. Je suis ivre de ce contact qui fait accélérer mon cœur à tout rompre. Dans mon for intérieur, ça chauffe sérieusement, mais je tiens bon. Je prends une inspiration profonde, et je lâche un petit sourire, un sourire que je voudrais aussi insolent que le sien.

    Ce n’est que lorsque le chrono de l’épreuve est lancé que Jérém coupe enfin le contact de nos regards. J’ai réussi, j’ai tenu son regard jusqu’au bout. Je me sens rassuré.

    Autour de moi, tout le monde est en train de gratter du papier. Allez, trêve de bêtises, il est aussi temps pour moi de me mettre au boulot.

    Je me penche sur ma feuille, je lis le sujet, je tente de me concentrer. Je n’y arrive pas. Je relis le sujet encore et encore, rien de cohérent ne semble vouloir prendre forme dans mon esprit. L’heure tourne et je n’arrive pas à enchaîner deux phrases logiquement, alors que ma feuille se couvre de ratures. Heureusement que je m’étais dit que le bac philo n’allait pas poser de problèmes !

    Lorsque mon regard finit par dériver une nouvelle fois en direction de Jérém, je me rends compte que le bogoss a glissé sa main sous le t-shirt et qu’il est en train de caresser ses abdos avec des gestes lents et répétés. Un geste que je trouve tout particulièrement excitant, alors que je connais si bien le frisson que la caresse sur ce bas-relief de muscles peut provoquer.

    Mon regard est aimanté par les poils courts et fins de ses bras, ces poils que je sais être si doux, et que j’ai soudainement très envie de caresser.

    Un instant plus tard, le bomâle tourne à nouveau la tête dans ma direction et vient planter ses yeux bruns dans les miens. Il fait chaud dans la classe et son regard à lui est chaud aussi, chaud bouillant. Je ne sais pas lequel des deux, le soleil chaud ou son regard brûlant est le principal responsable de ma transpiration soudaine.

    Jérém transpire lui aussi. Dans le V de son t-shirt, sa peau est moite. Je me prends à imaginer à quel point ce t-shirt doit commencer à sentir bon. Quant à son boxer, je n’ose même pas y penser.

    Le bogoss détourne brusquement le regard, il jette le stylo sur sa copie, il allonge les jambes, il croise ses pieds, il pose lourdement les bras et les mains sur la table, le dos appuyé au dossier de sa chaise, le bassin vers l’avant laissant bailler le short et dépasser l’élastique du boxer.

    Il reste ainsi, immobile, pendant un bon petit moment, prenant de longues inspirations, poussant des expirations lentes, profondes. Son t-shirt se soulève sous l’effet du mouvement régulier et ample de sa respiration.

    Pendant sa petite pause, le bogoss mâche du chewing-gum. Les mouvements de sa mâchoire ont un je-ne-sais-quoi de bien viril, de bien masculin.

    Puis, avec une nonchalance absolue, il décroise les jambes, il se laisse glisser encore un peu plus en avant sur la chaise. Il se retrouve ainsi en position « avachie », les plantes de pieds bien posées sur le sol, les jambes légèrement écartées, la bosse du short bien en évidence, les bras repliés et les mains croisées derrière la nuque, dans l’attitude que j’appelle : « qu’est-ce que tu attends pour venir me sucer ? ».

    Une position du corps, une attitude qui me renvoient direct à notre incroyable, dernière semaine de « révisions ». Je n’ai même pas besoin de fermer les yeux pour revoir Jérém affalé sur le canapé de son studio en attendant que je vienne le sucer.

    Mon cœur bat toujours sur un rythme disco. Pourtant, à un moment, j’ai l’impression qu’il va s’arrêter de battre. C’est lorsque je vois le surveillant arriver face à moi et approcher à grands pas.

    Dans un retour à la réalité un peu brusque, je me dis qu’il a dû remarquer notre petit jeu à Jérém et à moi, et qu’il doit croire qu’on est en train de tricher.

    Je me plonge tête baissée dans ma copie, je commence à écrire, à écrire à peu près n’importe quoi. Mais contre toute attente, le surveillant passe à côté de moi sans s’arrêter, sans rien dire, sans même me regarder.

    Je reprends aussitôt ma respiration et je retourne fixer mon Soleil Brun. Tiens, Jérém a vraiment l’air de s’être mis au travail. Le buste légèrement penché en avant, sa chaînette de mec qui pendouille à l’aplomb, c’est sexy à mourir. J’adore le regarder en train de rédiger sa copie. Ses gestes d’écriture sont très lourds et pas très aisés. Et, pourtant, très touchants.

    Plus je le regarde, plus j’ai l’impression que sa personne toute entière semble dégager un je-ne-sais-quoi de fébrile. Son genou ne cesse de sautiller, sa pomme d’Adam s’agite nerveusement, le petit grain de beauté dans le creux de son cou semble frémir.

    Plus je le regarde, plus je me dis que le mec a envie de tout sauf d’être assis sur cette chaise. Une impression qui se mue en certitude lorsque son regard brun et coquin cherche et harponne le mien : c’est là que je réalise que mon Jérém a juste envie de se faire sucer. De se faire sucer par moi.

    A nouveau, une brise légère rentre par la fenêtre et caresse ma peau. Elle passe à travers les fibres de mon t-shirt, effleure mes tétons. Et à l’instar d’un coup de soufflet qui viendrait raviver une braise déjà bien rouge, elle vient embraser mon excitation.

    Jérém, quant à lui, a vraiment l’air de ne plus tenir en place. Ça fait désormais presqu’une heure que je ne cesse de le chercher et de le chauffer.

    Je suis à la fois excité et rassuré. Les raisons de mon excitations sont évidentes, la proximité de mon bobrun et de ses envies. Si je me sens rassuré, c’est parce que je suis à peu près certain qu’après la fin de l’exam il va se passer un truc. Jérém est trop excité, il ne va pas me laisser partir comme ça.

    Je commence à fantasmer, j’essaie d’imaginer ce qu’il va me faire lorsqu’il va pouvoir enfoncer sa queue en moi. Où est-ce qu’il voudra la fourrer en premier, dans ma bouche, dans mon cul? De quelle pipe aura-t-il envie ? Est ce qu’il se laissera sucer, se contentant de prendre son pied, tout en me traitant de tous les noms ? Ou alors, est-ce qu’il me baisera sauvagement la bouche, ma tête coincée entre le mur et son bassin ?

    Et alors que je pars très loin dans mes fantasmes, devant mes yeux c’est le bonheur absolu. Jérém me lance un petit regard en biais et s’étire à nouveau. Il lève les bras, il plie les avant-bras, il ramène son buste vers l’arrière et les poings vers sa tête. Ses pecs se bombent, ses biceps gonflent, gonflent, gonflent. Le t-shirt remonte une nouvelle fois, son chemin de poils se dévoile millimètre après millimètre, sur fond de peau douce et ferme de ses abdos, jusqu’à la lisière du nombril. Ça me rend diiiiingue !!!

    L’étirement terminé, le bogoss me toise, avec un regard rempli d’une sorte d’envie animale, comme un lion prêt à bondir.

    Image délicieuse et furtive, le bout de sa langue glisse entre ses lèvres. Ça ne dure qu’une fraction de seconde, elle disparaît aussi vite qu’elle est apparue. Je ne suis même pas sûr que mon beau Jérém ait eu conscience de ce petit mouvement, pourtant chargé à mes yeux d’un érotisme bouillant.

    Mon cœur s’emballe, mes mains sont moites, je transpire. Je suis tellement hors de moi que j’ai peur qu’on puisse lire mon état d’esprit sur mon visage.

    Soudain, je réalise qu’il est déjà onze heures, et qu’il ne reste plus qu’une heure pour boucler la disserte. Je relis mes deux pages et je me rends compte que je ne comprends même pas ce que je viens d’écrire. C’est confus, brouillon, c’est un torchon sans nom. Définitivement, je n’ai vraiment pas la tête au sujet du bac philo.

    Découragé par mon travail, je laisse une fois de plus mon regard dériver vers cette bombasse de Jérém. Ça me fait tellement de bien de m’enivrer de sa présence. Tout, chez lui, est sexy : la position de ses jambes (légèrement écartées), de ses pieds (bien plantés sur le sol), de son bassin (largement avancé sur la chaise), sa façon de pencher le dos, de poser l’avant-bras sur le banc, d’incliner sa tête, de laisser sa chaînette pendouiller au-dessous de la copie, jusqu’à sa façon de tenir le stylo.

    Oui, c’est incroyable à quel point, même pendant qu’il rédige simplement une copie, sa présence et ses attitudes dégagent un truc scandaleusement sexy.

    Une nouvelle fois, je me laisse happer par la contemplation de ce bonheur visuel insoutenable qu’est mon Jérém. Je me laisse happer au point même de ne plus me rendre compte de ce qui se passe autour de moi.

    C’est ainsi qu’à un moment je suis brusquement surpris par une présence qui se tient devant moi. Je ne l’ai pas entendu arriver, car il s’est approché par derrière, sans faire de bruit, comme un chat.

    Un instant plus tard, le surveillant se penche vers moi, les deux mains posées juste devant ma copie.

    En le voyant de si près, je me rends compte qu’il doit avoir tout juste la trentaine, un âge qui à cette époque me le fait classer parmi les « mecs mûrs ». Je trouve cependant un certain charme à son look de petit brun intello à lunettes.

    Le gars me fait face et me regarde fixement dans les yeux. Puis, il me balance :

    « Je vous rappelle qu’il vous reste moins d’une heure pour finir. Regardez donc votre copie au lieu de chercher votre camarade… ».

    Je sens mon visage passer par toutes les couleurs, je sens ma peau commencer à bouillir, j’ai envie de creuser un trou dans le sol et de m’y enterrer à tout jamais.

    Les mots du surveillant ont le même effet sur moi qu’un coup de poing dans le ventre. Je n’arrive pas à articuler le moindre son, ma gorge est comme paralysée. Je le regarde se décoller de ma table et s’éloigner, comme au ralenti. Et comme bande son, les coups de massue que mon cœur envoie dans ma casse thoracique.

    Je passe toute la dernière heure à essayer de me remettre de la honte de m’être fait gauler en train de mater Jérém, et à me demander si mon bobrun s’est rendu compte de ce petit « incident » ou si quelqu’un parmi les camarades a capté quelque chose. Et, par-dessus tout, à essayer de résister à la tentation de mater à nouveau mon Soleil Brun.

    Enfin, j’essaie de mettre à profit cette dernière heure pour gratter quelques lignes de plus à mon texte, pour essayer de lui donner une forme et un fond à peu près potables.

    Peine perdue. Lorsque je repense à mes espoirs pour le bac philo et que je les compare avec le résultat de ma copie, j’ai l’impression d’être parti avec l’ambition de faire une omelette aux truffes et de me retrouver avec des œufs brouillés collés au fond de la poêle. Il ne faut jamais se laisser distraire pendant que l’on cuisine.

    La fin de l’épreuve vient de sonner, le surveillant nous invite à rendre nos copies. Pendant que je fais la queue pour déposer ma copie sur le bureau, je croise une nouvelle fois le regard de Jérém, un regard chargé de testostérone, d’envies de jeune mâle.

    Je suis on ne peut plus impatient de savoir ce dont il a envie, ce qu’il me réserve à la sortie de l’épreuve. J’espère seulement que ce sera le cas…

    Ma copie rendue, je ramasse mes affaires et je me dirige vers la porte. Ça bouchonne un peu à la sortie, ce qui me laisse le temps de réaliser que Jérém est juste derrière moi. Il est même tellement proche que je sens son souffle sur mon cou, chaud comme la braise, chaud comme pendant la baise. Tellement proche, que je capte distinctement le parfum de son déo, mélangé à une petite odeur de transpiration. Tellement proche, que ses lèvres arrivent à glisser discrètement à mon oreille :

    « On révise chez moi, maintenant… ».

    Je frissonne, je vibre je chavire. J’avais espéré qu’il le fasse, sans pourtant oser espérer que cela arrive vraiment ; je commençais à craindre que cela n’arrive pas, et j’aurais vraiment été déçu que ça ne se passe pas de cette façon.

    Putain de mec, capable de me faire sentir complètement à lui, rien qu’avec cette voix basse, tendue par l’excitation, avec ce ton autoritaire qui n’admet aucune autre option que l’obéissance.

    Peut-être que je ne pourrais jamais lui donner envie de me faire des câlins ou de m’aimer, mais qu’est-ce que c’est bon, en attendant, de savoir que je peux lui donner envie de me sauter.

    « On révise chez moi, maintenant… ». Ses mots résonnent dans ma tête comme un écho viril sans fin, ils me rendent dingue. J’ai une gaule d’enfer.

    Je suis impatient de quitter le lycée, d’arriver à son appart rue de la Colombette, de me retrouver seul avec lui, de m’offrir à lui sans limites. Je peste contre ce bouchon humain qui s’agglutine autour de la porte de la salle et qui retarde mon plaisir, son plaisir, notre plaisir.

    Dans le grand couloir, j’avance à grands pas, je double mes camarades comme si j’étais très pressé. Je ne quitte pas mon Jérém du coin de l’œil. Le bogoss me suit, comme un lion piste sa proie.

    Dans la cour, le soleil de midi du mois de juin m’éblouit. C’est là que sa main se pose lourdement sur mon épaule, la saisit fermement, m’obligeant à m’arrêter net. « T’as un train à prendre à Matabiau ? » il se moque de moi, tout en glissant une clope entre ses lèvres.

    Mon Jérém est là. Son regard excité, sa voix, sa présence m’étourdissent. J’oublie tout, son comportement à la con de dimanche matin, ma provoc’ à deux balles pendant le bac philo, je suis à lui, inconditionnellement à lui.

    Le bogoss cache son regard brûlant derrière ses lunettes noires et il me dépasse, il trace avec sa démarche insolente de jeune mec qui ne doute de rien. Il sait que je vais le suivre. Son assurance me rend dingue. Et la traînée de déo de mec qu’il laisse sur son passage m’envoie en orbite.

    Jérém ne se trompe pas, je lui emboîte le pas. Ce qui me permet de contempler une fois de plus sa « face B », une face faite d’oreilles sexy, de brushing de bogoss, de cou puissant, d’épaules larges, de dos en V, de quelques mailles de sa chaînette qui dépassent du col du t-shirt, d’un tatouage à la lisière de la manchette gauche, et d’une paire de fesses à se damner.

    Je me demande toujours si Jérém a capté que je me suis fait gauler par le surveillant. Mais je me dis que si c’était le cas, il ne serait pas venu me chercher pour « réviser ». Et pourtant, ce questionnement ne cesse de me titiller l’esprit. Je voudrais lui poser la question, mais je n’ose pas, de peur de le contrarier. Dans le doute, je m’abstiens. Ce serait con de gâcher le bon moment qui se profile avec une discussion somme toutes sans importance.

    A cette heure, en cette belle journée du mois de juin, les terrasses des cafés et restaurants entre la Daurade et Capitole débordent de Toulousains en train de déjeuner paisiblement. Mais en même temps, on dirait que partout dans la ville ça commence à sentir les vacances, l’envie de s’évader, de prendre du bon temps, de faire l’amour.

    Jamais je n’ai eu autant envie de Jérém, envie à en pleurer, et aussi envie de pleurer, au sens propre, à l’idée de vivre les derniers instants avec lui.

    Mon bobrun s’arrête devant une sandwicherie et demande un je-ne-sais-quoi à emporter. Le bel étalon a faim. Moi aussi j’ai faim, et je me dis que je vais prendre un sandwich moi aussi.

    Mais une surprise de taille m’attend. La vendeuse pose deux paninis bien chauds sur le comptoir, Jérém les attrape et il m’en tend un. C’est trop adorable. Je vais craquer, je vais pleurer.

    « Merci, Jérém… ».

    Mais le bogoss ne répond pas, il trace sa route. Il marche vite devant moi, en attaquant frontalement son sandwich, à grands coups de bonnes bouchées de mec. Là encore, je trouve ses gestes – sa façon de tenir le sandwich, de mordre dedans, de mâcher – d’une sexytude masculine à me rendre dingue.

    Place du Capitole, le soleil tape lourdement sur les façades qui bordent le grand espace carré. L’intense lumière du midi extrait des briques tout l’éclat rose-orange qui fait la renommée de la ville.

    L’espace circulaire de la place Wilson est, lui aussi, plutôt animé. Toulouse au mois de juin, c’est une ville pleine de vie, c’est une ambiance qui me renvoie à la couleur chaude et plaisante des vacances, des plages, des maillots de bain, d’une caresse du vent face à la mer.

    C’est bon d’être amoureux à 18 ans, de l’être au printemps, de l’être à Toulouse, de l’être d’un gars comme Jérém.

    Toulouse, au mois de juin, c’est une ville qui a un petit air de « Dolce Vita ».

    We’re walking like in a Dolce Vita/Nous marchons comme dans une douce vie

    Le bobrun avance, fonce vers son studio sans m’accorder le moindre regard. Et moi, je marche dans ses pas comme entraîné par une laisse invisible, un lien solide fait de désir à l’état pur.

    La Rue de la Colombette défile à toute vitesse sous nos pas pressés, jusqu’à la porte d’entrée de son immeuble, ouverte à cette heure-ci.

    Je monte les escaliers derrière lui, envoûté par la traînée de son déo. Je ne sais même pas comment je résiste à la tentation de me jeter sur lui, de lui arracher le short et le boxer et de fourrer ma langue dans son trou.

    Nous passons la porte du studio, il la referme derrière nous. Je suis seul avec lui.

    Putain de Jérém !

  • JN01036 Drôle de dimanche pour Thibault

    JN01036 Drôle de dimanche pour Thibault

    Dimanche 10 juin 2001, 3h58.

    Au même moment, à l’autre bout de la ville, dans un autre appart, un autre beau garçon musclé, couché sous sa couette, n’arrive pas lui non plus à trouver le sommeil.

    Thibault regarde Nathalie en train de dormir à côté de lui.

    Nathalie est quelqu’un d’important dans la vie de Thibault. D’une certaine façon, elle a été sa copine, à un moment. Une copine, une amie, une confidente, parfois une partenaire sexuelle, mais « sans engagement », pour le fun.

    Mais depuis quelques temps leurs rencontres s’étaient espacées. Et puis, cette nuit, il l’a croisée au Shangay, après le départ de Jérém et de Nico. Thibault avait besoin de compagnie et de se changer les idées. Il avait besoin de faire l’amour et de se sentir en confiance. Nathalie était là pour lui. Et ils avaient remis ça.

    Mais faire l’amour avec Nathalie ne lui avait pas changé les idées du tout. Son corps était avec elle, mais son esprit, tellement ailleurs.

    Non, cette nuit Thibault n’arrive pas à trouver le sommeil.

    Il repense à son pote Jéjé, à son t-shirt blanc taché de sang, à la suite d’une bagarre. Il repense à son départ un brin précipité de la boîte, en compagnie de Nico.

    Thibault essaie de relativiser, de garder la tête froide. Pourtant, il n’arrive pas à faire taire cette petite voix qui lui martèle que l’amitié avec son pote va peu à peu être profondément bousculée. Et qu’elle va probablement l’être à tout jamais.

  • JN01035 Drôle de dimanche pour Jérém

    JN01035 Drôle de dimanche pour Jérém

    Dimanche 10 juin 2001, 22h08, rue de la Colombette.

    Il se fait tard, et Jérémie est fatigué, le bon sens lui suggère d’aller se coucher de bonne heure, car le lendemain y a le bac philo. Pourtant, ce soir Jérémie étouffe dans son studio, et il n’a même plus de clopes : très dur quand on est de mauvais poil.

    Alors, l’envie d’aller faire un tour l’emporte sur le bon sens. Il sort, mais sans ses potes. Même pas Thibault. Il a envie de se changer les idées. Il a besoin d’être seul.

    Il a envie de rentrer dans un pub, de boire un coup et lever une nana. Il a envie de ne plus penser à ce qui s’est passé la nuit d’avant, puis le matin même, avec Nico. Il a envie d’oublier les questions de Thibault, l’après-midi même, après le match, des questions qui lui ont fait comprendre que son meilleur pote se doute bien de quelque chose.

    Jérémie a envie d’aller aux Carmes ou dans le quartier du Pont St Pierre. Là où, à la belle saison, les terrasses des cafés débordent dans les rues étroites qui grouillent de monde, où l’ambiance est à la fête, où les nanas ont envie de se faire draguer.

    Puis, il se ravise. Il n’a pas envie de croiser de têtes connues, il a envie d’être seul. Difficile de savoir ce que Jérémie cherche vraiment à cet instant précis. Peut-être qu’il a simplement envie de s’entourer de présence humaine anonyme en bruit de fond, pour oublier ses angoisses. Peut-être qu’il a juste besoin d’une bonne bière, d’un peu de musique, d’une clope. Il a peut-être besoin de se rassurer en mesurant sa capacité à emballer au pied levé, peut-être qu’il a besoin de conforter son ego de mâle.

    Dix minutes après être sorti de chez lui, il est assis au comptoir d’un bar, devant une bière, en train de fumer une clope qu’un autre client lui a passée. Il regarde droit devant lui, il fuit les regards.

    Car, dès son arrivée dans le bar, Jérémie s’est fait mater. Des têtes se sont tournées sur son passage, des regards ont essayé de le happer, des sourires ont essayé de l’amadouer. Jérémie a l’habitude de cela, ça arrive à chaque fois qu’il se pointe quelque part où il y a du monde. Partout où il met les pieds, un garçon aussi beau attire forcement l’attention et les convoitises. Et il en est parfaitement conscient.

    Mais ce soir, tous ces regards qui essaient d’accrocher le sien le mettent mal à l’aise. Et dans le faisceau de regards qui essaient d’aimanter le sien, il y en a un plus insistant, plus magnétique que les autres.

    Tout d’abord, Jérémie a fait comme si de rien n’était. Non, ce soir il n’a pas cherché sciemment à enflammer les désirs autour de lui. Mais en même temps, il aurait sans doute été déçu que cela n’arrive pas.

    Alors, il a laissé faire, jouant la séduction en mode « beau brun ténébreux mais indifférent ». Arme redoutable, tout aussi puissante que celle ayant fait bien des preuves : le « beau brun charmeur ».

    Quelques minutes plus tard, il se fait aborder.

    « Tout va bien pour toi, bomec ? ».

    Jérémie ne répond rien, se contentant d’afficher un petit sourire sournois. Il est rassuré. Il a beau être le mec le plus convoité du lycée, à chaque fois que son charme exerce son effet, il ne peut s’empêcher de ressentir une fierté qui lui apporte une véritable sensation de bien-être. Et ce soir, il a sacrément besoin de se sentir bien dans ses baskets.

    « T’es bien foutu… », « T’es vraiment sexy… », « C’est dommage d’être aussi beau garçon et d’avoir l’air si seul et si triste… ».

    Jérémie se laisse longuement charmer, tout en ne répondant qu’avec des regards fuyants, au plus des monosyllabes.

    En fait, Jérémie ne sait pas trop ce qu’il est venu chercher dans ce bar. A l’origine, il est juste sorti de chez lui pour ne pas se retrouver seul dans son studio, pour arrêter de ressasser les dernières 24 heures, pour échapper à l’angoisse du générique de fin du film du dimanche soir.

    Au fond de lui, Jérémie sait qu’il n’a pas forcément besoin d’une aventure. Des aventures, il en a eu beaucoup, assez pour savoir que ce n’est pas ça qu’il lui faut, et surtout pas dans un moment comme celui-ci.

    Très souvent, lorsque ça n’allait pas très fort dans sa tête, il s’est défoncé la gueule et il a baisé des nanas. C’était sa façon de se changer les idées, d’essayer d’aller mieux. Et pourtant, à chaque fois, il s’était senti encore pire après qu’avant.

    Jérémie sait bien que si toute nouvelle aventure sait flatter son ego, l’« après » finit toujours par laisser un goût amer, un sentiment de solitude sans cesse renouvelé. Et de plus en plus grand.

    Pourtant, ce soir encore, il se laisse aspirer par la spirale alcool-joint-sexe. Vers minuit, Jérémie est allongé sur son lit, en train de se faire sucer. Et aussi en train de prendre conscience que toutes les pipes ne se ressemblent pas forcément.

    Jérémie est fatigué, il n’a pas la forme ni le moral. De plus, rien ne l’excite vraiment dans cette situation qu’il regrette déjà. Il est pressé d’arriver au bout, il est pressé de se retrouver seul.

    Il retire sa queue de cette bouche qui n’arrive pas à le satisfaire, il passe une capote, il s’enfonce entre deux fesses inconnues et il commence ses va-et-vient.

    Comme chaque nouvelle aventure, celle-ci devrait flatter son ego de mâle, lui apporter au moins le bonheur sexuel. Pourtant, ce n’est pas le cas : les gestes sont mécaniques, l’excitation est en berne, le plaisir n’est pas au rendez-vous.

    Car le cœur n’y est pas. Jérém est juste pressé d’arriver au bout. Il accélère la cadence de ses coups de reins, il cherche à précipiter son orgasme. Et pourtant, ce dernier lui paraît de plus en plus loin. Plus il redouble d’effort, plus son excitation retombe en flèche. Elle tombe si bas que même son érection – qui, pourtant, n’a toujours été pour lui que pure et automatique réaction physiologique à la promesse d’un orgasme – n’est pas aussi vigoureuse que d’habitude.

    Peu à peu, l’angoisse commence à s’emparer de lui, l’angoisse de ne pas y arriver, d’avoir une panne. Le souvenir de sa première fois catastrophique – souvenir qui, malgré ses nombreuses et très concluantes aventures successives, le hante toujours – refait soudain surface dans son esprit. Ce qui n’est pas fait pour l’aider dans cette situation déjà délicate.

    Dans la tentative désespérée de rebooster son excitation et son érection, Jérémie fait appel à sa mémoire pour essayer de trouver des images excitantes, des trucs qu’il a vraiment kiffés, des coups qui l’ont vraiment marqué.

    Il n’a pas besoin de fouiller longtemps dans ses souvenirs pour retrouver ce qu’il cherche. Car il y a bien une expérience qui l’a marqué, très récemment. Jérémie ferme les yeux et il retrouve le plaisir d’être dans sa bouche, au bonheur d’être entre ses fesses, à l’excitation qu’il ressent en voyant sa soumission à son propre plaisir de mâle.

    Il ferme les yeux et il revoit son regard extasié sous ses coups de reins, son envie palpable, son envie de lui, son envie de lui faire plaisir. Et c’est avec les yeux fermés, avec la tête remplie de ces images, ainsi qu’après un grand effort physique, que Jérémie arrive enfin à rattraper son orgasme.

    Le fait d’arriver à jouir, alors qu’il commençait à en désespérer, le rassure. Pourtant, un instant après s’être vidé les couilles, Jérémie se sent épuisé, et d’une humeur encore plus massacrante qu’il ne l’était alors qu’il voyait son orgasme lui échapper. Il se sent même pire qu’il ne l’était avant de sortir de chez lui, une heure plus tôt. Il se sent perdu, amer et il n’a qu’une hâte, de se retrouver seul dans son lit.

    Il regrette déjà ce qui vient de se passer. Pour la première fois de sa vie, il regrette une baise. Il la regrette parce qu’il n’a presque pas pris de plaisir. Il regrette de l’avoir fait, alors qu’il n’en avait pas vraiment envie.

    « C’était trop bon… ».

    Voilà le genre de compliment qui a toujours ravi l’esprit un brin macho de Jérémie. Cependant, ce soir, ces mots résonnent bien désagréablement à ses oreilles. Car, pour lui, ce n’était pas bon, pas du tout. L’orgasme passé, sa lampe de chevet lui paraît jeter une lumière aveuglante sur la bêtise qu’il vient de commettre.

    « Je ne t’ai jamais vu à la Ciguë… ».

    « C’est parce que je n’y ai jamais foutu les pieds… ».

    Jérémie regarde le mec, un petit blond assez bien foutu, en train de se rhabiller. Et sa simple présence le met désormais très mal à l’aise. D’autant plus qu’il se rend compte qu’il est incapable de se souvenir de son prénom.

    « Nouveau, ici ? » insiste le type.

    « Tu peux partir maintenant… » coupe court Jérémie.

    « Je te reverrai ? ».

    « Non, oublie… ».

    « T’as pas aimé ? ».

    « Laisse tomber… ».

    « Même juste pour des plans de temps en temps… quand t’as envie de baiser… on pourrait bien s’amuser, tu sais… ».

    « Non, je te dis ! ».

    « C’est dommage pour toi… on m’a toujours dit que j’étais un bon coup… ».

    « Je survivrai… ».

    « En tout cas, tu baises comme un Dieu… ».

    « Bon, tu pars maintenant… ».

    « T’as quelqu’un ? ».

    « Je ne suis pas pd… ».

    « T’es bi ? C’est tout ce que j’aime… ».

    « Fiche-moi le camp avant que je m’énerve ! ».

    « Ça va, ça va… ».

    Le type finit de s’habiller sans demander son reste. Quelques secondes plus tard, il prend la porte en lâchant une dernière pique :

    « T’es peut-être pas pd, mais tu sais comment faire jouir un mec… ».

    Une heure plus tard, Jérémie est allongé sur son lit, dans le noir. Il est très fatigué, mais le sommeil ne vient pas.

    Il a chaud et il a l’impression d’avoir toujours dans le nez et sur sa peau l’odeur de ce type. Il se lève, il change les draps, il prend une douche. Il reste un long moment sous l’eau, hagard, essayant de rassembler ses esprits, essayant de chasser le sentiment de malaise persistant dont il n’arrive pas à se débarrasser.

    Il se savonne plusieurs fois, il se rince, il laisse couler jusqu’à qu’il n’y ait plus d’eau chaude. L’eau froide prend le relais, il la trouve agréable au début, car elle rafraîchit sa peau, et elle semble aussi rafraîchir son esprit. Mais très vite, il finit par avoir froid.

    Il sort de la douche en grelottant, de plus en plus contrarié. Il n’a toujours pas de cigarettes, mais il lui reste un bout de joint. Il le fume en terrasse, la serviette humide autour de la taille, profitant de la douceur du soir.

    Une fois au lit, dans le noir, il se branle pour essayer d’appeler le sommeil.

    Et quand les effets combinés du joint et de l’orgasme viennent happer son esprit, Jérém s’endort en pensant une dernière fois à l’image qui a précipité son orgasme un peu plus tôt. Il revoit son regard plein de désir, il repense au bonheur d’être dans sa bouche, entre ses fesses. Mais il revoir aussi à son sourire, doux et amoureux, il repense également au bonheur de se retrouver sous les draps, dans ses bras, dans le noir, après l’amour.

    Il repense au bonheur de passer une nuit avec Nico.

  • JN01034 Drôle de dimanche matin pour Nico

    JN01034 Drôle de dimanche matin pour Nico

    Allongé dans le lit à côté du beau Jérémie toujours endormi, enivré de son parfum, enchanté par la lente mélodie silencieuse de sa respiration, je ne sais vraiment pas quoi faire.

    Alors je reste là, la tête posée sur l’oreiller, à le contempler pendant un long moment. Est-ce qu’il rêve ? Et s’il rêve, il rêve de quoi, de qui ? Est-ce qu’il y a de la place pour moi dans ses rêves ?

    Sa peau sent tellement bon, son épaule dépassant des draps est excessivement sensuelle. Après l’envie de câlins, j’ai envie de lui, je bande déjà.

    Oui, j’ai soudain envie de le réveiller avec une gâterie, de le faire jouir, là, tout de suite. J’ai envie de savoir à quoi ressemble sa trique du matin. Dans sa position, tourné sur le flanc vers moi, il me suffirait de relever les draps pour en avoir le cœur net. Est-ce que je vais oser ?

    Si, si, si, si, Nico, tu vas oser, car t’en crèves d’envie.

    Un instant plus tard, je soulève doucement les draps. La voilà sa queue, tendue, belle, appétissante. Je meurs d’envie de sentir la paume de ma main remplie par ce sexe tendu, de sentir ma bouche envahie par sa virilité délicieuse.

    Si je pars, je ne connaîtrai peut-être jamais le bonheur de faire une pipe du matin à Jérém. Mais est-ce qu’il en a envie, seulement ? Est-ce que si je me lance, je ne vais pas me faire jeter ?

    Plus les secondes passent, plus mon envie se fait insupportable. Ma respiration s’accélère, des papillons s’agitent dans le ventre, le désir s’insinue dans toutes les fibres de mon corps. J’ai une trique d’enfer.

    Jérém laisse échapper un petit grognement et il pivote sur l’autre côté.

    Sa queue est désormais hors de ma portée et sa trique m’est désormais inaccessible, sauf à oser l’audace d’enrouler mon corps autour du sien et de commencer à le branler avec ma main gauche. Mais ça, je sais que je ne vais pas oser.

    Dès lors, ma décision est plus facile à prendre. Je préfère assumer le risque qu’il soit contrarié en se réveillant seul dans son lit que de le voir contrarié de me trouver encore là.

    Je viens de prendre cette résolution, et je me prépare à sortir discrètement des draps, lorsque le bogoss, toujours endormi, pivote à nouveau sur son épaule et se met sur le dos.

    Le drap léger se pose alors sur sa queue comme un voile, moulant ses attributs avec une précision diabolique.

    Mon esprit surexcité prend cela pour une invitation. Je dégage lentement le drap, et sa queue se présente à nouveau devant mes yeux dans toute sa splendeur. Non, je ne peux pas résister, ce n’est pas possible de gaspiller ça, une bonne grosse trique matinale de Jérém, alors que je ne sais même pas si l’occasion se représentera pour moi d’y goûter à nouveau.

    Je saisis délicatement sur son manche. Pas de réaction hostile, juste un petit frémissement de surprise et de bonheur sensuel.

    Je branle, je caresse par touches légères. Je ne veux pas le réveiller brutalement, je veux qu’il revienne à lui tout en douceur. Je veux que son réveil soit sensuel, que la transition entre le sommeil et la veille soit marquée par une volupté inattendue.

    Sa queue est chaude et raide. J’adore cette sensation, sentir ma main remplie par son sexe, tenir dans ma main son plaisir de mec.

    Le bogoss demeure immobile. Mais lorsque je regarde son visage, j’ai l’impression que ses yeux sont entrouverts, comme s’il était en train de me mater. C’est fugace, furtif, ses paupières se referment illico.

    Petit coquin, va, adorable, insupportable petit voyou, espèce de petit allumeur ! Maintenant je sais qu’il est bel et bien réveillé et qu’il n’est pas contre une bonne gâterie matinale.

    Alors, je me laisse aller à mes envies. J’approche ma bouche de sa queue et je la laisse lentement glisser entre mes lèvres. au passage, j’arrive à lui extirper de petits frissonnements de plaisir, et c’est un bonheur indicible.

    J’ai toujours du mal à réaliser que j’ai la chance de pouvoir approcher cette virilité tant convoitée, la chance de faire jouir un canon de mec comme lui.

    Le sucer est un tel bonheur que je pourrais passer la journée entière à cet exercice délicieux. J’envoie mes mains parcourir son torse à l’aveugle, traverser ses abdos, gravir ses pecs, exciter ses tétons, arpenter cette chute d’épaules qui définit pour moi les proportions exactes de la perfection masculine.

    Je suce, je caresse, je ne m’en lasse pas, je suis bien, je suis heureux, j’ai l’impression que tout est possible, qu’il n’y a plus d’interdit.

    Alors, j’ose davantage encore, je laisse mes mains remonter le long de son cou, mes doigts s’aventurer jusqu’à effleurer ses oreilles, ses cheveux.

    Je me fais plaisir, et j’ai l’impression de lui faire plaisir. Magnifique illusion dans laquelle je me berce jusqu’à ce qu’un imprévu vienne enrayer cette magnifique progression.

    Sans que je les aie vues venir, ses mains saisissent les miennes, les immobilisent avec une prise plutôt ferme. Je suis tellement surpris que, sans même m’en rendre compte, j’arrête de le sucer net.

    Tout s’enchaîne très vite. Ses mains éloignent les miennes de son visage, les reconduisent jusqu’à la frontière de ses pecs. Puis, elles se posent lourdement sur ma nuque pour m’obliger à avaler sa queue à nouveau.

    Un Jérém pressé de jouir, à sa façon, c’est tout ce que j’aurai ce matin-là. Les mouvements imprimés par ses mains – et secondés par de bons coups de reins – sont rapides et impitoyables, il y va si fort et si loin que je n’ai pas le temps de reprendre mon souffle, j’ai presque des hauts le cœur.

    Ce matin, je voulais lui offrir le plaisir le plus doux qui soit, dans le prolongement de ce qui s’était passé la nuit dernière. Hélas, ce matin Jérém n’en a à nouveau plus rien à foutre de mon plaisir à moi. Ce matin, c’est retour à la case de départ, je suis à nouveau son vide-couilles.

    Ses assauts sont tellement violents que la bouche commence à me faire mal. Je suis à deux doigts de le repousser, de me dégager pour reprendre mon souffle, lorsque je sens son corps se crisper, ses poumons pousser une profonde expiration, et plusieurs jets chauds et puissants percuter le fond de mon palais.

    Jérém retire aussitôt sa queue de ma bouche, se lève presque d’un bond, il passe un short et un t-shirt qui traînent par terre, il attrape son paquet de cigarettes, il ouvre le volet roulant de la porte vitrée. Et, sans un mot, sans un regard, il part sur la terrasse.

    Je le regarde fumer sa clope et je ne peux m’empêcher de me sentir déçu, déstabilisé. Au fond, je savais que la magie de cette nuit ne survivrait pas au matin. Pourtant, une partie de moi avait voulu croire au nouveau bonheur que cette nuit semblait annoncer. Ce bonheur m’avait donné des ailes, dont je m’étais servi pour voler très loin, et très haut. Hélas, plus on vole haut, plus la chute, lorsqu’elle se produit, est rude.

    Je savais que j’aurais dû partir avant son réveil. Ça m’aurait évité cette déconvenue. Ce mec n’en a rien à foutre de moi. Ma cousine a raison, si je m’accroche, je vais avoir mal. Et pourtant, lorsque je le regarde, le dos penché en avant, les avant-bras appuyés à la rambarde, c’est le mot bonheur qui s’affiche dans ma tête. Mon Dieu, qu’est-ce qu’il est beau ! Et mon Dieu, comme je l’aime !

    Lorsque Jérém termine sa clope, je n’ai toujours pas bougé du lit. Le bogoss revient vers l’intérieur, mais s’arrête sur le seuil de la porte fenêtre, le regard rivé sur moi. Son silence est assommant. Mais moins que ce qu’il s’apprête à me lancer, sur le ton le plus froid qui soit :

    « Vas-y, rentre… ».

    « Jérém…» je m’entends lui lancer, sur un ton angoissé.

    Mais le bobrun se tait, le regard fuyant.

    « Il faut y aller maintenant… » il persiste.

    « C’était bien cette nuit… » je tente de l’amadouer.

    « Tant mieux… ».

    « Cette nuit, c’était pas comme les autres fois… ».

    « Vraiment ? ».

    « Oui, tu étais tellement… ».

    Mais avant que j’aie le temps de trouver le bon mot pour exprimer ce que je ressens, le bobrun me coupe net :

    « Cette nuit j’étais défoncé… mais je t’ai baisé comme d’hab… ne te fais pas d’idées… ».

    « Mais Jérém… ».

    « Allez, tire-toi ! ».

    « Tu fais chier, Jérém… ».

    « Oui, toi aussi… » conclut-il, juste avant de disparaître dans la salle de bain.

    En marchant dans la rue, sur le chemin du retour, je ressens en moi une profonde tristesse. Les souvenirs de la nuit magique, d’un Jérém adorable, sensuel, câlin, se mélangent à son attitude froide et méprisante du matin, à ses mots sans appel : « Cette nuit j’étais défoncé… mais je t’ai baisé comme d’hab… ne te fais pas d’idées… ».

    Des mots qui me ramènent à la dure réalité, à savoir qu’il est inutile de me faire des illusions, car je n’arriverais jamais à avancer dans la relation avec Jérém.

    En marchant dans les allées, je me sens submergé par un sentiment de désolation, d’impuissance. J’ai l’impression de me trouver face à un mur transparent, et pourtant infranchissable. Je sais que Jérém a un cœur et une sensibilité : et pourtant, l’un et l’autre me sont inaccessibles. Et cela ne changera pas.

    Ce qui s’est passé cette nuit, ça n’a été qu’un « accident ». Je m’en veux d’être tombé dans le panneau, d’y avoir cru, d’avoir cru que l’attitude de Jérém à mon égard pouvait changer. Une fois de plus, je me suis fait des films, une fois de plus, je me suis fait jeter.

    Je me sens fatigué, physiquement, moralement. A mi-chemin, j’ai besoin de faire une pause. Je me pose sur un banc au beau milieu du Grand Rond et je suis immédiatement happé par le chant matinal des oiseaux. Ce sont des chants d’une ronde gaieté, célébrant le printemps, annonçant l’été à la ville encore endormie. Ce sont des chants joyeux, qui ont tout pour mettre de bonne humeur. Hélas, quand on est malheureux, la joie autour de nous est impuissante à nous remonter le moral. Au contraire, elle participe à nous donner encore plus la mesure de notre malheur.

    La pluie a cessé de tomber mais le vent d’Autan souffle toujours en ce triste dimanche matin. Tout comme il soufflait le jour de notre première « révision ». Je réalise soudain qu’à chaque épisode marquant de mon histoire avec Jérém, qu’il soit heureux ou malheureux, il y a du vent.

    Le vent d’Autan est presque la partition de mon histoire avec Jérém, un peu comme notre chanson à tous les deux.

    Aujourd’hui encore, quinze ans après mes « révisions » avec Jérém, dès que le vent d’Autan se lève, il me parle du garçon dont j’ai été fou amoureux et que je n’ai jamais pu oublier. C’est d’autant plus vrai au printemps, lors de ces journées de soleil très claires, lorsque le vent souffle pendant plusieurs jours sans discontinuer.

    A chaque fois que le vent d’Autan se lève, je revois mon Jérém le jour de notre première « révision », je revois son t-shirt blanc, son sourire coquin, son insupportable et irrésistible assurance lorsqu’il m’avait balancé : « Je sais que t’as envie de la voir… », lorsqu’il avait donné le coup d’envoi à notre histoire.

    Lorsque j’arrive chez moi, la maison est toujours endormie. Et cela m’arrange terriblement. Je n’ai pas envie de donner d’explications, de raconter d’histoires, de devoir cacher ma tristesse. J’ai juste besoin de ma chambre, de mon lit, de ma couette, du noir, et de broyer du noir.

    Je suis dans ma chambre, sous ma couette, dans le noir. Les images des dernières heures se bousculent en moi sans que je puisse trouver une logique entre elles. Entre l’image Jérém qui me fait l’amour, qui me demande de rester dormir, de le prendre dans mes bras, qui me prend dans ses bras, et celle de Jérém qui me défonce la bouche au réveil, comment m’y retrouver ?

    Vraiment, j’aurais dû partir tant qu’il dormait, et préserver ainsi le souvenir de cette nuit magique.

    Et pourtant, ces espoirs n’étaient qu’illusion, mirage. Alors, à quoi aurait-il servi de partir avec une illusion ?

    Quelque part, c’est mieux que ça se soit passé ainsi, que l’illusion ait été crevée avant qu’elle ne fasse d’autres dégâts. Au moins, j’en ai le cœur net. Même si ça fait mal, un mal de chien.

    Cette fois-ci c’est sûr, nos « révisions », c’est fini. Je vais encore revoir Jérém aux épreuves du bac, la semaine prochaine. Pendant une semaine encore, il sera là, devant moi, beau comme un Dieu. Et alors que j’aurai le cœur en mille morceaux, alors que j’aurai du mal à retenir mes larmes, lui il sera là, comme d’hab, comme s’il ne s’était rien passé entre nous, il m’ignorera comme il sait si bien faire. Encore une semaine à tenir, et tout sera fini. Pour de bon. Adieu, Jérém.

    « Tu es rentré tard, ce matin, non ? ». « Et Dimitri ça va ? » me demande maman, à midi. Elle ne me fait même pas la morale. Je crois qu’elle a vu que ça n’allait pas fort.

    A deux heures, Elodie est dans ma chambre. Je ne l’ai pas appelée. Elle n’a pas appelé. Et pourtant, elle est là. J’ai besoin d’elle, et elle est là. Notre connexion est magique.

    Elle sait de suite que ça ne va pas fort. Je lui raconte ma nuit, mon illusion nocturne, mon désenchantement matinal. Elle écoute, elle compatit. Aujourd’hui, ma cousine n’est pas en mode « je te l’avais dit », elle est juste en mode « je suis là, mon cousin ». La présence d’Elodie me fait le plus grand bien. Je l’adore.

    Le soir, je me couche de bonne heure. Demain c’est le bac, je dois récupérer pour être en forme. Déjà que je n’ai pas le moral, il me faut au moins du repos. Est-ce que je vais arriver à dormir ?

    J’aurais tellement besoin d’un petit message venant de Jérém, d’un peu de considération de sa part.

    Je regarde mon portable : écran vide. Inutile d’espérer un sms de sa part, et surtout pas après ce qui s’est passé ce matin.

    L’idée de le revoir dans quelques heures commence à me paraître insoutenable, angoissante. Je me cale sous la couette, je me blottis dans le noir et dans le silence de ma chambre.

    Une image me hante, Jérém dans mes bras, l’odeur de sa peau, sa chaleur, sensation de plénitude, de bonheur total.

    Je ferme les yeux et j’ai l’impression d’être dans ses draps, comme la nuit dernière, j’ai l’impression que si je bouge mon bras je vais pouvoir le toucher, le caresser, le serrer contre moi.

  • JN01033 Le dilemme de Nico

    JN01033 Le dilemme de Nico

    Je suis tellement surpris que je laisse échapper mon jeans. La boucle en métal de ma ceinture percute le sol en produisant un bruit aigu.

    J’ai tant espéré que cela se produirait, je suis tellement heureux que j’ai envie de pleurer. C’est inespéré, et tellement bon. Comment ne pas accepter une telle proposition ?

    « Ok, je reste. Il faut juste que j’envoie un message à ma mère ».

    Je rattrape mon jeans, je sors mon portable, j’envoie un petit mensonge :

    « Je dors chez Dimitri »

    Il a bon dos Dimitri, ça fait au moins 6 mois que je ne l’ai pas vu. Si un jour ma mère tombe sur la sienne, ça va barder. Mais qu’importe, tout ce qui compte c’est qu’elle ne s’inquiète pas, et que mon portable ne sonne pas au milieu de la nuit.

    Je me dessape à nouveau, je garde juste mon boxer et je me glisse sous les draps à côté de mon beau mâle brun.

    Pendant une ou deux longues minutes, nous restons en silence, allongés l’un à côté de l’autre, sans nous toucher.

    Puis, Jérém se retourne sur un flanc, se positionnant de dos par rapport à moi. Si c’est pour ça, à quoi bon me demander de rester ?

    Mais un instant plus tard, sa main vient chercher la mienne, elle la saisit, doucement mais fermement, elle l’attire vers lui. Le message est clair, et tellement beau. Je sens ma gorge se nouer, les larmes monter aux yeux. A cet instant précis, je suis le mec le plus heureux de la Terre.

    Son geste est une invitation, tout ce que je peux imaginer de plus tendre et de plus adorable. Le bogoss a donné le « la », et c’est moi qui vais écrire la suite. Mes doigts se resserrent autour des siens, mon corps pivote sur le flanc, mon torse se colle contre son dos, mes jambes contre les siennes, mon bassin contre ses fesses musclées, mes bras enlacent son torse, ma main gauche se pose à plat sur ses pecs en béton armé.

    Et dans cette parfaite symphonie de bonheur, le bobrun va mettre la touche finale : sa main vient se coller sur ma main, ses jambes s’entremêlent aux miennes.

    Oui, Bonheur, avec un grand « B », c’est le mot qui s’affiche dans mon esprit en lettres rouges en repensant à ce moment parfait, à cette nuit où je me suis retrouvé dans les draps de Jérém, sur sa propre demande, après une heure d’amour, et non pas juste de baise.

    Dehors, le vent d’Autan souffle toujours aussi fort, le store s’agite bruyamment sous l’effet des rafales successives. Et moi, je suis bien au chaud dans ses draps. Je me sens heureux, en sécurité. La fin du monde pourrait venir, je sais que rien ne pourrait m’arriver, car je suis dans la tanière de mon bomâle, je suis enlacé à l’homme que j’aime.

    Je me blottis un peu plus contre lui, je le serre un peu plus dans mes bras et j’ai l’impression que sa main se resserre un peu plus autour de la mienne. J’entends, je ressens sa respiration contre ma peau, dans ma peau, dans mon ventre, elle s’apaise petit à petit. Peu à peu, ma propre respiration se règle au rythme de la sienne.

    Puis, à un moment, Jérém prend une grande inspiration. Et pendant la toute aussi grande expiration qui s’ensuit, chacun de ses muscles semble se relâcher, se décrisper. Cette longue expiration ressemble à un soupir de bonheur, comme si tant de tensions venaient de lâcher d’un coup, comme si ce contact avec mon corps lui faisait tout autant de bien qu’à moi.

    Si je me retiens de pleurer, c’est au prix d’un effort surhumain. Je suis touché, ému comme jamais je ne l’ai été. J’ai envie de lui faire encore plus de câlins, de lui montrer que je suis là et qu’il peut se laisser aller. J’ai envie de lui parler, de savoir ce qui se passe dans sa tête à cet instant précis, de le rassurer.

    Et en même temps j’ai l’impression que tout mot serait inutile. Ce qui vient de se passer est juste inouï et je ne veux surtout pas gâcher ce moment parfait avec une discussion qui ne ferait que casser la magie. Parfois, il est inutile de vouloir mettre des mots sur tout.

    De toute façon, je sens que Jérém n’est pas prêt à s’ouvrir à moi, pas encore, pas cette nuit. Si je commençais à le questionner, si j’essayais de forcer son intimité, je n’obtiendrais que de le mettre en pétard, et ça serait tout juste bon pour me faire jeter.

    Maintenant que j’ai enfin la preuve que mon bobrun est « humain », je commence à imaginer qu’il me laissera rentrer un peu plus dans sa vie, qu’il me permettra d’accéder à son jardin secret. Ainsi, je me surprends à rêver que ses mots sans appel : « Le bac c’est lundi, les révisions c’est fini… » ne soient plus d’actualité.

    Si notre relation évolue comme cette nuit laisse l’espérer, il y aura d’autres occasions pour parler, elles viendront naturellement, quand ce sera le moment, quand il sera prêt.

    Je m’emballe, j’ai envie d’y croire, de croire que ce qui s’est passé cette nuit, depuis son irruption dans les chiottes du Shangay, jusqu’à ce que sa main se pose sur la mienne dans cette étreinte sous la couette, que tout cela est le début d’une nouvelle phase de notre histoire, la fin de la baise et le début de l’amour.

    J’ai envie d’y croire, j’ai besoin d’y croire. Et j’ai besoin de faire taire cette petite voix au fond de moi qui me dit que ce que je suis en train de vivre ne survivra pas à cette nuit magique. Que, dès demain, cette carapace qui s’est un peu fendillée sous l’effet de plusieurs émotions, d’un cheminement intérieur dont j’ignore à peu près tout, sera à nouveau intacte.

    Oui, j’ai besoin de faire taire cette petite voix qui me dit qu’à la lumière du jour, son insupportable et ô combien sexy arrogance de jeune coq sera de retour, qu’il va regretter cette faiblesse d’un instant. Et, surtout, qu’il va regretter de m’en avoir rendu témoin. Une partie de moi semble persuadée que cet état de grâce n’est qu’une parenthèse heureuse, comme un passage de comète.

    Alors, en attendant, je profite de l’instant magique. Je m’enivre du contact avec sa peau, de cette chaleur qui chauffe mon corps et mon cœur, de la prise de sa main qui enferme la mienne, de la douceur de ses cheveux.

    Je m’enivre de lui, je plane. Je me réjouis pour ce que je viens de vivre : Jérém qui me fait l’amour, Jérém qui me demande de rester dormir avec lui, qui veut que je le prenne dans mes bras. Jérém perdu, touché, touchant, ému, émouvant.

    Et j’oublie tout le reste. La meilleure façon de jouir de cet instant magique, c’est de me concentrer sur le présent, sans me demander si Demain saura tenir les promesses de cette Nuit.

    En écoutant sa respiration, je réalise que Jérém vient de s’endormir. J’ai envie de lui faire un million de câlins, mais je me contente de savourer cet instant d’intense bonheur. Très vite, la fatigue me gagne, et je m’endors à mon tour.

    Lorsque je reviens à moi, un peu plus tard dans la nuit, réveillé par une violente rafale de vent d’Autan faisant claquer le volet roulant, un autre bonheur m’attend. A cet instant, ce n’est plus moi qui tiens Jérém dans mes bras, mais bien le contraire. Son torse enveloppe le mien, ses jambes sont imbriquées aux miennes, son visage est enfoui dans le creux de mon épaule.

    C’est tellement bon de me sentir protégé par ce corps puissant, de me sentir enserré par ses bras, bercé par sa respiration, apaisé par la chaleur et l’odeur de sa peau. C’est tellement bonde me sentir si proche de lui, si proche de son cœur. Je me sens comme un chaton dormant dans le panier à linge de son propriétaire, comme un labrador couché sur les vêtements abandonnés à terre par son maître. Sa présence, le contact avec son corps me rassurent, me font du bien.

    Là, vraiment, il ne peut rien m’arriver. Je suis tellement heureux que je ne voudrais pas me rendormir, je voudrais veiller et retenir cette nuit magique. Hélas, on ne retient pas la nuit.

    Lorsque j’ouvre à nouveau les yeux, la lumière du jour arrive à s’infiltrer dans la pièce par les petits espaces entre les lattes du store. Jérém a changé de position, il ne m’enlace plus. Il est là, juste à côté de moi, tourné sur le flanc, vers moi, une main entre la tête et l’oreiller. Il est profondément endormi, beau comme un enfant. Sur son visage, une expression douce et apaisée.

    J’adore le regarder dormir. Quand il dort, mon bobrun est là, entièrement avec moi, en corps et en esprit. Pendant qu’il dort, il ne fait pas des trucs que je ne voudrais pas qu’il fasse, il ne pense pas à des trucs auxquels je ne voudrais pas qu’il pense. Pendant qu’il dort, il ne dit pas des mots qui pourraient me blesser, il ne peut pas me faire souffrir, je ne suis pas jaloux, je ne suis pas angoissé, je suis bien.

    Tout a été parfait cette nuit. Il n’y a qu’un truc qui pourrait gâcher cette perfection : le matin. Ce « morning after » m’angoisse. Dans quelles dispositions sera-t-il au réveil ? Comment renouer avec la magie de ces instants incroyables, tout en évitant la fausse note qui fera tache ?

    Comment va-t-il ressentir ma présence au réveil ? Est-ce qu’il va être heureux de me retrouver là, ou bien ma présence lui sera-t-elle insupportable ? Est-ce qu’il aura juste envie que je me tire ?

    Tout un ensemble de questions qui, à bien regarder, se résume en une seule et unique : est-ce qu’il vaut mieux que je reste jusqu’à qu’il se réveille ou bien, est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux partir avant son réveil, en laissant un mot simple ?

    « J’ai dû rentrer, merci pour cette nuit ».

    Non, là tu en fais trop, Nico.

    « Je suis rentré ».

    Ça, il va le voir tout seul.

    « On s’appelle ».

    Ça, c’est présumer de ses envies.

    Alors, quoi d’autre ? Pas de mot du tout ? Comment va-t-il prendre mon absence ? Avec soulagement ? Est-ce qu’il va être déçu et m’en vouloir ?

    Alors, quoi faire ? Rester, en essayant de renouer avec la tendresse et la sensualité ? Partir, en laissant intacte la beauté de la nuit passée ?

  • JN01032 Drôle de nuit pour Nico

    JN01032 Drôle de nuit pour Nico

    Le vent d’Autan souffle toujours aussi fort lorsque nous rentrons sur la rocade, tellement fort que la voiture semble faire des petits écarts de trajectoire sous l’effet des rafales successives.

    Jérém n’a toujours pas décroché un mot, il allume la radio. Dans la pénombre, je mate ses bras nus, son cou, le profil de son visage. Dans l’espace confiné de l’habitacle, son déo me met en transe. Je me dis que même sa façon de tenir le volant est virile et sexy. Tout est beau chez ce mec, mon insupportable magnifique Jérém, mon héros, le mec qui m’a tiré de ce sacré pétrin.

    Je me demande toujours comment ça se fait qu’il est venu au Shangay, alors que, lorsque nous nous étions croisés à la Bodega, il m’avait annoncé qu’il partirait au KL.

    Mais heureusement qu’il était là. Et puis, qu’importe, ou tant mieux, car ce changement de programme rend possible le fait de rentrer avec lui à l’appart de la rue de la Colombette.

    Lorsque j’essaie d’imaginer le bonheur qui m’attend incessamment sous peu, j’ai la tête qui tourne. J’essaie d’imaginer ce que je vais lui faire, ce qu’il va avoir envie que je lui fasse, ce qu’il va me faire. J’ai tellement envie de lui, mais aussi une envie folle de le serrer contre moi, de le caresser partout, de le couvrir de bisous. J’ai envie de lui montrer que ce qu’il a fait représente beaucoup à mes yeux. J’ai envie de lui monter qu’IL représente beaucoup à mes yeux.

    Il y a juste une petite ombre au tableau : au fur et à mesure que nous approchons de la rue de la Colombette, je le trouve de plus en plus crispé. Son silence me gêne.

    « Jérém… » je me lance, pour sonder son humeur.

    « Quoi ? ».

    C’est toujours la même réaction lorsque je m’adresse à lui en l’appelant par son prénom, un « Quoi ? » sec et tranchant, balancé sur un ton presque hostile, dissuasif, capable de couper court à mon envie d’aller plus loin.

    « Merci de m’avoir défendu… ».

    « Qu’est ce qui s’est passé ? » fait-il froidement.

    « Je ne sais pas trop… ».

    « Tu l’as chauffé, ce bouffon ? ».

    Jérém a enfin tourné la tête vers moi. Son regard est interrogatif, profond, pénétrant. Il me regarde droit dans les yeux, je sens qu’il attend une réponse.

    « Non… enfin… pas vraiment… peut-être un regard… ».

    Jérém me toise à nouveau. Il ne semble pas satisfait de ma réponse.

    « T’as dû être relou avec ce gars pour qu’il soit si véner… » il enchaîne « si je n’étais pas arrivé, il t’aurait cogné… ».

    « Ça c’est vrai… merci encore…tu as été incroyable… ».

    Des gouttes commencent à tomber lorsque nous quittons la rocade Une pluie drue tombe lourdement sur la carrosserie de la voiture lorsque nous empruntons la rue de la Colombette. Jérém la parcourt sur toute sa longueur, mais il est obligé de rejoindre le Canal Riquet pour trouver une place.

    En remontant à pied la rue de la Colombette, nous croisons de nombreux mecs qui se hâtent dans l’autre sens. C’est pile l’heure de la « migration » du comptoir de la Ciguë, le bar gay de début de soirée, vers la piste de danse du ON OFF, la boîte de nuit gay sur le Canal.

    La rue de la Colombette se transforme ainsi dans une sorte de rivière reliant les deux extrémités de l’« écosystème gay » de la ville rose. En parcourant la rue dans le sens inverse que la grande majorité, Jérém et moi faisons figure de saumons nageant à contre-courant.

    Je réalise à cet instant précis quelque chose qui ne m’avait jamais encore chatouillé l’esprit auparavant. Jérém n’habite vraiment pas loin de deux « hauts lieux » du milieu gay toulousain. Est ce qu’il y a déjà mis les pieds ? Est-ce qu’il s’est déjà fait brancher en rentrant chez lui ?

    Il pleut à seau et les gouttes incessantes trempent nos t-shirts et nos cheveux. Le coton blanc se colle à sa peau, à sa musculature de fou, il devient presque transparent, chacun de ses muscles ressort d’une façon scandaleuse, les tétons pointent. Mon esprit est carrément incapable de concevoir image plus sexy.

    Nous arrivons devant l’entrée de son immeuble. Qu’est-ce que c’est bon de me dire que ce n’est pas avec une nana qu’il va rentrer ce soir, mais avec moi, de me dire que dans une minute je vais coucher avec le garçon que j’aime, et qu’une fois de plus je vais avoir la chance de le faire jouir. A cet instant précis, plus rien d’autre ne compte, plus rien d’autre n’a de sens.

    Je monte les marches derrière lui, de plus en plus assommé par son déo entêtant.

    Jérém tourne la clef dans la serrure, la porte s’ouvre sur l’obscurité de son appart. Le bogoss rentre et allume direct la petite lumière sur la table de chevet. Je lui emboîte le pas, je rentre dans le petit séjour. Jérém referme la porte derrière nous.

    Un instant plus tard, Jérém est dos appuyé au mur, il me toise, il me jauge. Ses cheveux mouillés dégoulinent sur son visage. Je le regarde, je craque.

    Avec un geste rapide et très « mec », Jérém se débarrasse de son t-shirt trempé en le balançant nonchalamment au sol. Son torse sculpté, humide et parfumé se dévoile ainsi à mes yeux et mes narines. Je ne suis jamais assez préparé à un tel spectacle, c’est violent, je suis ébloui, assommé.

    Le jeans est tenu par une belle ceinture de cuir épaisse, une vraie ceinture de mec. Et pourtant, il laisse dépasser une bonne portion de l’élastique rouge et blanc du boxer. La braguette, quant à elle, laisse entrevoir une jolie bosse. J’ai l’impression que non seulement je peux deviner l’ampleur de son érection, mais que je peux presque en sentir l’odeur.

    Quel bonheur de me retrouver devant mon beau Jérém, en pleine forme, sain et sauf. J’ai vraiment eu peur pour lui. On ne sait jamais ce qui peut arriver quand deux mecs un tantinet éméchés se lancent dans la bagarre.

    Oui, cette nuit j’ai vraiment envie de m’offrir à lui comme jamais, j’ai envie de lui montrer à quel point ce qu’il a fait pour moi ça compte à mes yeux. J’ai envie de lui montrer à quel point j’ai trouvé cela impressionnant et touchant à la fois.

    Une nouvelle note de son parfum arrive à mes narines, et ça me rend fou. Je me débarrasse de mon t-shirt à mon tour. C’est décidé, ce soir je vais me laisser transporter par mon instinct, par mes envies. Quitte à me faire jeter. De toute façon, nos révisions nous sont comptées : alors, autant tenter le tout pour tout. Je sais que je m’en voudrais un jour si cette nuit je ne tentais pas ce que mon cœur emballé me commande de faire.

    Je m’avance vers lui, je passe mes bras sous les siens. Mes mains se rejoignent dans son dos, je pose mon visage dans le creux de son épaule, mes lèvres effleurent la peau à la base de son cou, à la limite de zone interdite.

    Je le serre, je l’attire vers moi, je décolle ses épaules de la paroi, permettant ainsi à mes mains de remonter vers son cou et de caresser cette région à la base de sa nuque, si douce et si sensible.

    Je sens la chaleur et la fermeté de ses abdos, de ses pecs, je sens son parfum de tout près, je plane, je suis au Paradis.

    Jérém me laisse faire, sans réagir. Très vite, l’ivresse que ce contact provoque en moi décuple mon audace. Je laisse libre cours à ma bouche, j’embrasse son épaule, son cou, je remonte sur sa joue, jusqu’à son arcade sourcilière, jusqu’au front. Mes mains sont fébriles, elles se baladent dans ses cheveux, sur son cou, ses épaules, dans son dos. Jusque-là, ses bras sont toujours restés immobiles, je n’ai décelé aucune réaction hostile de sa part, si seulement ça pouvait durer…

    Hélas, ce n’est pas le cas. Et alors que je prends de plus en plus confiance, Jérém s’anime d’un coup. Ses avant-bras se plient, ses mains saisissent mes poignets, leur prise est ferme et puissante, leur geste sans appel, il éloigne lentement sa peau de ma bouche, son torse du mien, je perds le contact avec ses pecs, je quitte la chaleur et la douceur de son corps. Soudain, j’ai froid, mon corps souffre.

    Je me dis que ça y est, j’ai franchi la ligne rouge et qu’il va me jeter. Lentement, craintivement, je lève mon regard et je croise le sien, brun, ténébreux. Nos têtes ne sont qu’à une vingtaine de centimètres l’une de l’autre, je sens sa respiration sur mon visage, les battements de mon cœur secouent ma poitrine de fond en comble.

    Et c’est là que l’impensable se produit : son visage approche du mien, nos fronts se rencontrent, nos nez aussi, son souffle chaud est si près que je capte toutes les odeurs qu’il recèle, l’alcool, la clope. Je ferme les yeux et je me laisse envahir par ce moment de bonheur absolu. Je respire très fort, mon cœur s’emballe, cette fois ci c’est sûr, il va bondir de ma poitrine, tomber par terre, s’écraser au sol devant lui.

    Mais là où je suis sur le point de disjoncter, c’est lorsque je sens ses lèvres frémissantes effleurer les miennes. Ça ne dure qu’une fraction de seconde, c’est si court que je me demande même si je ne l’ai pas rêvé. Et pourtant, je suis sur le point de tomber raide.

    Je n’ai pas le temps de tenter quoi que ce soit, de répondre à son approche que déjà ses avant-bras et ses biceps puissants me repoussent à nouveau, m’éloignent, me mettent définitivement hors de la portée de ses lèvres.

    « Allez, laisse-toi aller Jérém ! » je lâche, comme un cri du cœur.

    Pour toute réponse, le bobrun prend une longue et profonde inspiration. J’ai l’impression qu’il lutte contre lui-même, que sa tête et son cœur sont le théâtre d’un combat épique entre envie et peur, entre désir et doute.

    Jérém, pourquoi résistes-tu ? Voilà la question que je n’ose pas poser.

    J’ai trop envie de l’embrasser et apparemment cette nuit lui aussi. Je ne peux pas laisser passer cette chance, je ne peux pas échouer si près du but. Oui, cette nuit je dois tenter le tout pour le tout.

    Je donne un bon coup de collier, j’approche ma bouche de la sienne, et j’embrasse ses lèvres tièdes et douces. Ses lèvres demeurent immobiles, verrouillées, mais le bogoss se laisse faire, ne me repousse plus.

    Mais déjà le bogoss défait sa ceinture et sa braguette, il descend son jeans et son boxer. Sa queue dressée comme un « I » se presse contre mon paquet, le mec a une trique d’enfer !

    Nos tétons se frôlent, s’excitent. Je défais à mon tour ma ceinture et ma braguette, je descends précipitamment mon jeans et mon boxer. Jérém avance son bassin, nos queues se rencontrent, se caressent. La sienne est si tendue que j’ai l’impression qu’elle écrase la mienne. C’est tellement bon de sentir la puissance sexuelle et le désir de son mâle !

    Je l’embrasse longuement dans le cou, insatiable de goûter à sa peau mate et douce. Je suis fou d’excitation, mais aussi de bonheur de le voir accepter mes bisous.

    Jérém semble lui aussi fou d’excitation. Et alors que je continue de l’embrasser sans pouvoir m’arrêter, ivre comme je le suis de cette nouvelle complicité sensuelle, sa main se pose sur ma queue, l’enserre avec la sienne, en une seule prise. Nos glands se rencontrent, et il entreprend de nous branler, tout doucement. Ce contact, ce mouvement de va-et-vient de sa main, c’est un truc de fou, de fou !

    Je m’abandonne alors à ce plaisir inattendu et parfait, le visage enfoui dans le creux de son épaule, les narines aimantées par l’odeur de sa peau.

    C’est tellement bon que je sens très vite mon excitation monter, monter, monter, mon plaisir approcher, approcher, approcher. Puis, les va-et-vient de sa main s’arrêtent brusquement.

    « Vas-y, suce ! » je l’entends alors me balancer sur un ton plutôt autoritaire.

    Mes lèvres s’attardent brièvement sur ses tétons, font une petite escale à hauteur de son nombril situé dans la vallée des Abdos, elles frémissent au contact de cette ligne de poils fins qui descend tout doucement vers son sexe. Je me laisse enivrer par la rencontre avec les premières petites odeurs de sa virilité.

    Et lorsque j’arrive à son pubis, lorsque ma joue effleure son manche raide, je me perds dans cette chaleur, dans cette douceur, dans ce bonheur olfactif.

    Ma langue est insatiable, inlassable. J’ai envie de tout sentir, de tout lécher, de tout goûter. Je contourne sa queue magnifiquement tendue et je descends vers ses couilles.

    Je suis dingue, et je le suis d’autant plus que mon Jérém me laisse faire, sans vouloir précipiter les choses à sa façon. Je profite de cette aubaine pour me faire plaisir, je renifle, je lèche, je caresse, je m’enivre. C’est l’osmose, c’est jouissif.

    Je profite de ce bonheur jusqu’à ce que l’envie de prendre en bouche mon beau mâle brun ne devienne insupportable. Je laisse alors sa virilité envahir ma bouche.

    Mes lèvres coulissent sur son manche, ma langue cherche à lui apporter le plus grand plaisir. Au gré de mes va-et-vient, mon front cogne contre ses abdos, mon nez se heurte à son parfum, mon visage à la chaleur de sa peau. Là encore, le bogoss me laisse faire, il semble apprécier.

    Pourtant, un instant plus tard, il recule le bassin, privant ainsi ma bouche du bonheur de tenir son plaisir de mec entre ses lèvres.

    Le bogoss finit de se dessaper. Puis, il s’installe sur le lit, en appui sur ses deux avant-bras, le torse incliné, dans cette position accoudée qui me rend dingue.

    Ce qui suit, c’est tout simplement le récit d’une évidence : je le suce, je le suce, je le suce. Plus qu’une évidence, c’est une loi naturelle. Un beau mec s’installe sur un lit en position accoudée et un gay le suce. C’est ainsi que l’Univers tourne.

    Le bogoss finit par s’allonger sur le dos. Je sens ses mains glisser derrière ma tête, et je crois savoir de quoi il a envie : certainement de « jouir quand et comment il l’aura décidé ».

    A la simple idée de me faire dominer par la prise puissante de ses mains, de me laisser imposer le rythme délirant d’une pipe sur laquelle je n’aurai plus aucun contrôle, mon excitation est au paroxysme.

    Et là, à ma grande surprise, ses mains n’exercent pas de pression pour me contraindre à mieux avaler sa queue. Non, le contact est léger, feutré. Je rêve. Ce contact ressemble à une… à une… oui, à une caresse ! Une caresse qui se prolonge, et qui me donne mille frissons. Je suis secoué par de petits mouvements involontaires, comme des spasmes, je tremble. Tant d’émotions et de frissons fusent dans ma tête, dans mon cœur, dans mon ventre, sur ma peau. Je suis excité, bouleversé, heureux.

    Cette nuit, Jérém est particulièrement excité. Et lorsque Jérém est chaud à ce point, chauffé à blanc, son gland se met à suinter un petit jus clair et délicieux, c’est la saveur sans cesse renouvelée de son excitation, une saveur dont je me délecte au fil de mes va-et-vient incessants sur son manche raide.

    Ce petit goût est si enivrant que, très vite, le besoin de le sentir jouir dans ma bouche devient une envie violente, qui me ravage de l’intérieur. J’avale entièrement sa queue, je fais coulisser mes lèvres avec un entrain décuplé, bien décidé à lui offrir le bouquet final.

    C’est là que je l’entends me chuchoter :

    « Attends… ».

    Ses abdos se contractent, action qui les rend encore plus saillants. Le bogoss se redresse avec une souplesse incroyable, il s’installe sur ses genoux. Son torse est complètement relevé devant moi, son envergure est impressionnante.

    Je m’installe dans la même position, en appui sur mes genoux, nous nous retrouvons face à face. Ses yeux bruns se plantent dans les miens. Dans son regard, il y a quelque chose de différent que d’habitude, comme un désir qui se manifeste pour la première fois.

    Sa main enserre ma queue, et rien que ma queue. La prise ferme de ses doigts, la chaleur de sa paume, le frottement de son pouce sur mon gland : Non, je ne rêve pas, Jérém est vraiment en train de me branler. Et c’est sacrement bon ! Décidément je ne suis pas au bout de mes surprises avec Jérém.

    Jamais personne, à part moi-même, n’avait branlé ma queue auparavant. Et c’est Jérém qui s’y colle ! Jamais je n’aurais cru que cela se produirait un jour, jamais je n’aurais cru qu’il en serait seulement capable. Tout mon corps tremble de plaisir.

    Pendant ce temps, son autre main coulisse lentement sur sa queue. Ses inspirations sont profondes, et font ressortir encore davantage le relief de ses pecs.

    Ce que Jérém est en train de me faire est tellement bon que, très vite, je me sens sur le point de perdre pied. S’il continue de cette façon, je ne vais vraiment pas tarder à jouir.

    « Vas-y doucement, Jérém… ».

    Je n’ai même pas le temps de terminer la phrase, que ses deux mains arrêtent d’un coup de nous branler, se posent sur mes épaules, m’obligeant à pivoter. Nous échangeons nos positions, Jérém est désormais vers le fond du lit et moi dos aux oreillers.

    Le bogoss avance vers moi et il s’arrête le visage tout proche du mien, si proche qu’il suffirait de plier un peu nos cous pour que nos bouches puissent se rencontrer. Je regarde ses lèvres, et j’ai envie de les embrasser à nouveau, encore et encore. Je cherche son regard.

    Et dans ses yeux bruns, j’ai l’impression de déceler un désir brûlant, un désir prisonnier d’une barrière infranchissable. A cet instant précis, je le trouve attendrissant, touchant.

    Est-ce qu’il a envie de m’embrasser ? Est-ce qu’il a envie que je l’embrasse ? Je le crois, mais comment en être certain ? Comment être certain que je ne vais pas me faire jeter si je fais le premier pas ? J’aimerais tant que ce soit lui qui fasse le premier pas, mais je pense que c’est trop lui en demander, du moins pour l’instant.

    Ce dont je suis certain en revanche, c’est que je ne veux surtout pas laisser passer cette occasion, cet instant magique où mon bobrun semble « prêt ». A condition, peut-être, qu’on force un brin les choses.

    Alors, sans réfléchir davantage, je plie mon cou, j’avance mes épaules, je pose mes lèvres sur les siennes.

    Comme tout à l’heure, ses lèvres demeurent fermées ; et comme tout à l’heure, le bogoss me laisse faire, il se laisse faire, il accepte mon baiser. Ce premier est accompagné par d’autres, plein d’autres, et d’un bonheur sans égal, un bonheur croissant à chaque contact avec ses lèvres douces, chaudes, délicieuses. Mon ventre est secoué par d’intenses frissons.

    Je passe mes bras autour de son torse, je le serre très fort contre moi, une main plaquée dans son dos, l’autre se faufilant fébrilement dans sa magnifique chevelure brune.

    Lorsque je relâche mon étreinte, nous nous retrouvons à nouveau face à face, nous nous regardons en silence. Et là, comble du bonheur, j’ai l’impression de déceler dans son regard ce qui ressemblerait à un beau petit sourire, doux et coquin à la fois.

    Mais sans tarder, le petit fripon pose sa main sur mon sternum, il exerce une pression légère mais ferme.

    Je seconde son mouvement, je laisse mon buste partir vers l’arrière, je me retrouve d’abord assis sur le matelas. La pression de sa main continue, je déplie mes genoux, j’allonge mes jambes et je me trouve allongé sur le dos. Et là, le bogoss se laisse glisser sur moi, torse contre torse, bassin contre bassin, queue contre queue, ses jambes enroulées aux miennes.

    Ses mains saisissent fermement mes poignets, entraînant mes bras vers le haut, au-dessus de ma tête. Son geste est rapide, directif, assuré, viril, mais sans brutalité. Son visage est au-dessus du mien, sa petite chaînette oscille à l’aplomb de son cou et effleure mon menton. Nom d’un chien, qu’est-ce que c’est excitant ce contact léger, ce frisson intense !

    Le bogoss me fixe droit dans les yeux. Son regard a quelque chose de troublant et de troublé.

    Allez, Jérém, un petit effort, tu peux y arriver ! Laisse tomber l’armure, laisse parler tes envies profondes, ce besoin d’affection et de tendresse qui se cache au fond de toi comme dans tout un chacun. Laisse-toi aller et embrasse-moi !

    Mais les secondes s’enchaînent sans que rien ne se passe. Ses lèvres sont si proches, mon envie est brûlante. Je tente de relever le buste, la tête, d’avancer mon visage pour approcher une nouvelle fois mes lèvres des siennes.

    Mais d’un geste rapide, le bobrun relève légèrement son buste, portant sa bouche hors d’atteinte. Un instant plus tard, il relâche la prise de ses mains sur mes poignets, il se redresse, à nouveau en appui sur ses genoux. Ses mains puissantes attrapent mes hanches et m’attirent fermement à lui.

    Le bogoss relève mes jambes, il saisit mes fesses, les écarte : ses gestes sont puissants, sans appel, le mâle prend ce qui lui appartient.

    Un instant plus tard, son gland se presse sur mon trou. Très vite, il a raison de la petite résistance opposée par mes muscles. Le bogoss s’enfonce lentement en moi et démarre ses coups de reins sans tarder.

    Tous les muscles de son torse époustouflant sont en action, participent à la recherche de son plaisir de mec. Ce sont exactement les mêmes muscles que j’avais vus se mettre en action lorsqu’il se préparait à attaquer le type dans les chiottes du Shangay, mis à part le fait que là ils sont complètement dénudés, devant mes yeux. Et que, à cet instant précis, ils ne s’activent pas pour assener des coups, mais pour un but bien plus plaisant, celui de faire l’amour. De ME faire l’amour.

    Le bogoss me martèle sans répit, c’est beau et tellement bon, tellement sensuel. Mais ce qui me rend dingue par-dessus tout, c’est son attitude, une attitude qui semble tellement différente de celle des autres fois. Cette nuit, pour la première fois, j’ai l’impression qu’il ne cherche pas uniquement son plaisir, mais qu’il cherche également à me faire plaisir.

    Mon Jérém frissonne, sa peau mate est moite de transpiration, ses ahanements de plaisir sont de plus en plus bruyants, de plus en plus rapprochés. Il prend une profonde respiration, ralentit ses coups de reins, l’air de lutter pour résister à la venue trop rapide de l’orgasme.

    Le bogoss plie le cou, baisse la tête : dès lors, ce n’est plus sa belle petite gueule de mec qui se présente devant mes yeux, mais ses beaux cheveux bruns. Et malgré le gel fixant, même mouillés par la pluie, ils me font tellement envie !Ma main ne peut s’empêcher de les caresser, mes doigts ne peuvent s’empêcher de se glisser dedans. Mon autre main se balade fébrilement sur sa nuque, son cou, dans son dos. Une fois de plus, Jérém se laisse faire, sans broncher.

    Lorsqu’il relève la tête, nos regards se croisent une nouvelle fois. Et, une fois de plus, j’ai l’impression de deviner dans son regard le combat qui se joue dans sa tête et dans son cœur, le combat entre ses envies profondes et les barrières mentales qui l’empêchent de les exprimer.

    J’ai l’impression qu’il est perdu et qu’il cherche à être rassuré, qu’il attend quelque chose de moi, un geste, une réponse, un signe. Mais qu’est-ce qui l’a mis dans cet état ? Ce qui s’est passé dans les chiottes du Shangay ?

    Oui, j’ai vraiment l’impression que cette nuit Jérém a besoin d’être rassuré. Mais comment lui apporter ce dont il a besoin ?J’ai envie de l’embrasser, de lui dire tout que je ressens pour lui, j’ai envie de lui dire que je l’aime. Et pourtant, je n’ose pas. Ce qui me retient de le faire, c’est la peur de me prendre les pieds dans le tapis, de me faire jeter comme déjà trop de fois.

    Je me contente de lâcher un petit sourire, un petit sourire ne peut jamais pas faire de mal. Jérém reprend une profonde inspiration, et il ne cille pas. Pourtant, je serais prêt à jurer qu’il est touché par mon sourire.

    Ses coups de reins reprennent, ses va-et-vient sont lents, délicieux. Ses yeux se ferment, se rouvrent, son visage se lève vers le ciel, comme débordé par le plaisir. C’est beau de voir un bogoss prendre son pied…

    Et ce qui est tout aussi beau, c’est de voir Jérém repérer ce qui me fait plaisir, et de le voir y revenir: comme le fait de me prendre par devant, ce qui me permet de le voir pendant qu’il prend son pied (ou pendant qu’il me fait l’amour, comme cette nuit), ou le fait de balader ses mains sur mon torse, d’envoyer ses doigts agacer avec mes tétons.

    Je suis dans un état d’excitation indescriptible. A leur tour, mes mains caressent ses pecs, ses biceps, ses épaules, tâtent la fermeté de ses muscles, mes doigts agacent ses tétons.

    J’ai l’impression que mon Jérém prend un plaisir de dingue, qu’il est au bord de l’orgasme, et que chaque va-et-vient peut être le dernier, avant de lâcher son petit jus incandescent en moi.

    Et lorsque cela arrive enfin, lorsque je vois la tempête de son orgasme passer sur son visage, glisser sur ses traits, c’est beau à en pleurer. D’ailleurs, je crois que je pleure vraiment. Mais qu’importe au fond, Jérém vient de jouir en moi, vient une fois de plus de m’offrir cet immense cadeau, et c’est tout ce qui compte. On a bien le droit d’être ému par un cadeau aussi magnifique…

    Jérém vient de jouir en moi et mon corps retentit sous l’effet de la puissance sexuelle qui vient de le secouer. Mon corps est brûlant et fiévreux, mais aussi d’une certaine façon apaisé, par le fait d’avoir été rempli et fécondé par la virilité brûlante d’un si beau mâle.

    Le bogoss s’affale sur moi de tout son poids, le visage enfoui dans le creux de mon cou. Je pose mes mains sur le sien et je le caresse doucement, inlassablement. J’ai juste envie qu’il ne quitte plus jamais mes bras, et qu’il ne sorte plus jamais de moi.

    Puis, le bogoss recommence à envoyer de petits coups de reins. Pendant que ses abdos frôlent ma queue et chatouillent mon gland, les doigts de ses deux mains s’affairent à pincer mes tétons avec une sensualité qui me met hors de moi.

    Très vite, je sens mon orgasme approcher dangereusement.

    « Si tu continues comme ça, je vais jouir… » je le préviens.

    Pour toute réponse, le bogoss accélère encore ses va-et-vient.

    Un instant plus tard, je jouis en lâchant plusieurs jets qui atterrissent quelque part, entre mon torse et le sien.

    Très vite, Jérém se dégage de notre étreinte, et il s’allonge sur le lit, juste à côté de moi. Je me tourne sur le flanc, je me cale contre lui, j’embrasse son torse de mille baisers légers.

    C’est délicieux, et d’autant plus enivrant que le bogoss se laisse toujours faire, même après avoir joui.

    Hélas, ce moment magique ne dure qu’un instant, jusqu’à ce que Jérém cède à l’appel de son inévitable cigarette, soustrayant par la même occasion son beau corps à mes caresses insatiables.

    Le vent d’Autan souffle de plus en plus fort. C’est certainement la raison pour laquelle, au lieu de sortir sur la terrasse, Jérém se contente de remonter le store et d’ouvrir à moitié la porte vitrée pour permettre à la fumée de s’évacuer. Ce qui n’empêche pas l’odeur de la cigarette de s’insinuer dans la petite pièce et de venir fouetter mes narines.

    Je n’aime vraiment pas l’odeur de la cigarette, sauf quand elle me parle d’un beau garçon. Dès lors, elle me devient presque agréable car elle devient l’une des caractéristiques de ce garçon. Ainsi, au même titre que « il est brun », « il est musclé », « il a un petit grain de beauté dans le cou », « il a un tatouage sexy autour du bras », la proposition : « il sent la cigarette », c’est un trait qui définit précisément mon Jérém.

    Je le regarde fumer, incapable de bouger de ce lit qui semble m’aimanter.

    Il est super tard, je suis lessivé par ce que Jérém vient de me faire, par cet orgasme incroyable qu’il vient de m’offrir (sans même que j’aie eu besoin de me faire jouir), que j’ai du mal à accomplir les simples gestes pour me lever et me rhabiller. Au fond de moi, je n’ai vraiment pas envie de partir.

    Pourtant, il va bien falloir que je parte. Et, de préférence, avant que Jérém ne me commande de le faire. Après ce qui vient de se passer, après ce moment magique, je n’ai pas envie de le laisser me mettre à la porte avec des mots secs, durs. Je préfère partir sur une bonne note, terminer cette nuit en beauté, partir de mon propre chef, au lieu de lui donner l’occasion de me montrer de la distance, de la froideur.

    C’est en le voyant écraser son mégot de cigarette que je trouve la force de me remuer, et de commencer à ramasser mes affaires.

    Pendant que je passe mon boxer et mon t-shirt, j’entends Jérém refermer la porte fenêtre, baisser le store. Très vite, le studio est plongé dans une pénombre presque totale. Je suis en train d’enfiler mes chaussettes, lorsque je sens le matelas se déformer du côté opposé. Jérém vient de s’allonger. Sans un mot.

    Et je suis sur le point de passer mon jeans, et de lui annoncer un pudique « Je vais y aller », lorsque j’entends sa voix, presque un chuchotement :

    « Reste… t’en va pas… ».

    Commentaire de ZurilHoros

    22/06/2020 12:17

    C’est la plus belle baise de toutes celles que j’ai lu jusqu’à present. Il y en a eu des sexy, des plus ou moins trash, des excitantes. <br /> Là c’est un texte plus impliquant et les mots écrits accompagnent sans détours les gestes tout en restant sensuels. <br /> Il doit être au paradis le Nico, il a ramé pour en arriver là. 

  • JN01031 Drôle de soirée pour Nico

    JN01031 Drôle de soirée pour Nico

    Samedi 9 juin 2001, le week-end avant le bac.

    Le samedi matin je dors jusqu’à tard. En faisant le ménage dans ma chambre, j’écoute du Madonna. De Material Girl à Vogue, de la Isla Bonita à Express Yourself, de Borderline à Justify My Love, la voix de ma copine de toujours est la seule à avoir le pouvoir de me secouer (un peu) de ma morosité. Sa voix est cette voix qui a le pouvoir d’allumer en moi une petite lumière d’espoir, même dans les jours les plus sombres.

    Dans l’après-midi, je sors prendre un verre avec Elodie. J’aime vraiment ma cousine. Elle me fait rire. C’est comme une grande sœur. C’est ma meilleure amie. C’est le grand pote que je n’ai jamais eu. Elle a tout juste trois ans de plus que moi, mais elle a toujours été là pour moi. Elodie est la personne qui me connaît le mieux au monde, presque mieux que moi-même, et à qui je peux tout dire sans peur d’être jugé.

    Ce samedi, mon moral est au plus bas et je n’arrive pas à cacher ma tristesse et ma déception.

    « Allez, Nico, crache le morceau ! ».

    Quand je ne vais pas bien, elle le sent, elle le sait. Et elle me secoue autant que nécessaire.

    « Le bac c’est la semaine prochaine, et je ne sais même pas si je vais le revoir… il m’a carrément dit que les révisions, c’est fini… ».

    « Mais tu t’attendais à quoi, Nico ? Ce mec a 19 ans, il est beau comme un Dieu, il peut avoir n’importe qui dans son lit. Il charme, il baise, il quitte, autant qu’il en a envie. Et si tu n’as pas encore compris ça, tu vas avoir mal longtemps… ».

    « Fait chier… ».

    « Mais tu attendais quoi de lui, au juste ? Des baisers fougueux, des déclarations d’amour ? Des fleurs pour la Saint Valentin ? Qu’il oublie les nanas, qu’il se promène avec toi dans la rue, main dans la main ? ».

    « Pas tant, pas tant, mais… ».

    « Mais Nico, réveille-toi ! Ce mec a voulu coucher avec toi, mais il ne voudra jamais être avec toi. Ce mec n’est pas un mec pour toi. Si tu veux être bien avec un mec, il te faut un gars comme toi, un gars qui s’assume, bon sang ! Oublie un peu ce petit con et vis ta vie ! Sors dans le milieu, et rencontre des mecs ».

    « Je n’ai pas envie de sortir dans des bars pour draguer… ».

    «Tu es beau garçon, mon cousin, je suis sûre que tu ferais des ravages… ».

    « Tu parles… ».

    « Si, j’en suis certaine. De toute façon, tu dois te mettre le cœur en paix, ce n’est pas avec Jérém que tu auras une relation stable et apaisante ».

    « Si tu savais comme je l’ai dans la peau ».

    « Ah, si, si si, je le sais, je le vois même ».

    « Je ne peux pas me passer de lui ».

    « Tu sais au moins ce qu’il va faire, lui, cet été ? ».

    « Non… ».

    « Tu vois ? Alors, vis ta vie, comme lui il vit la sienne. Surtout ne l’attends pas. Car tu pourrais attendre très longtemps, et attendre pour rien ».

    Je sais qu’elle a raison, sur toute la ligne.

    « Alex et Joffrey m’ont proposé de sortir au Shangay, à Rangueil, ce soir. Tu connais ? ».

    « Non, je ne connais pas… ».

    « Alors viens avec nous. Une bonne petite sortie avec ta cousine, ça ne peut pas te faire de mal. On prend un verre à la Bodega, et puis on file danseeeeer ! ».

    Là aussi elle a raison, sortir en boîte m’évitera de passer la soirée à broyer du noir.

    Ce soir-là, je me retrouve à la Bodega, en train de prendre un verre avec ma cousine et ses potes. Je ne connais pas cet endroit non plus, et il faut admettre que son ambiance rustique, sa déco « tout en bois » de comptoir espagnol est plutôt originale.

    Assis devant de nos boissons, nous discutons de tout et de rien. Et alors que je mate les bogoss qui défilent aux abords du comptoir, mon regard est soudainement attiré par un mec en particulier, un jeune rugbyman qui ne m’est pas inconnu.

    De dos, de trois quarts, t-shirt noir enveloppant son beau physique massif, voilà Thibault, le meilleur pote de Jérém. Et si Thibault est là…

    Thibault est rentré dans mon champ de vision et mon cœur est sur le point de bondir de ma poitrine. Désormais, tout ce qui se passe, se dit, se fait à ma table passe complètement à l’arrière-plan de ma conscience, je ne suis plus qu’un radar balayant l’espace à la recherche de l’objet de mon désir.

    Je suis tout excité, je ne tiens plus en place, j’ai l’impression que ma tête enchaîne les tours complets, comme un périscope.

    Et puis, l’attente prend fin. Je le vois apparaître dans la lumière tamisée du pub, arrivant de je ne sais pas où, avec son allure nonchalante et « bien mec », une bière à la main. Mon cœur s’arrête de battre, le malaise me guette.

    Une fois de plus, il est habillé d’un t-shirt « blanc-aveuglant »qui lui va comme un gant, avec col en V découvrant une assez vaste portion de ses pecs, et sa chaînette de mec ; une fine couche de coton tendue sur sa plastique de fou, derrière laquelle ses tétons pointent malicieusement.

    Inutile de préciser que les manchettes dudit t-shirt semblent avoir été coupées sur mesure tant elles moulent ses biceps à la perfection, tout en retombant juste au-dessus de son brassard sexy.

    Habillé de ce simple t-shirt, je le trouve presque aussi sexy que s’il était torse nu, voire davantage. Je le regarde et je m’imagine déjà en train de soulever tout doucement ce petit bout de coton, je m’imagine en train de sentir, de humer l’odeur tiède de sa peau.

    Pour parachever le tout, Jérém porte un beau jeans taille basse mettant en valeur son cul bien rebondi, ainsi que des baskets de marque de couleur rouge.

    Je le regarde évoluer avec ses potes, je bois ses sourires, ses attitudes de jeune mâle bien installé dans sa meute. Force est de constater que, même entouré d’autres gars tous aussi bien gaulés les uns que les autres, on ne voit que lui. Car, au-delà de sa beauté masculine hors normes, mon bobrun dégage quelque chose de magnétique et de terriblement sensuel.

    Et le fait de connaître sa sexualité, de connaître l’ivresse qu’elle procure, cela rend le fantasme bien réel, et ne fait qu’amplifier encore le désir.

    Jérém est là, tout va bien pour lui, il trace sa route loin de moi, sans se poser la moindre question, sans se soucier le moins du monde de ce que je ressens.

    Ainsi, le voir évoluer à quelques mètres de moi, en étant coincé à la table avec Elodie, Alex et son Joffrey, c’est une véritable torture.

    Je donnerais cher pour pouvoir appuyer sur un bouton et faire disparaître tout le monde, pour rester seul avec Jérém, pour me mettre à genoux devant lui, pour le prendre en bouche, pour me cogner le front contre ses tablettes de chocolat cachées sous le coton doux de son t-shirt blanc…

    Elodie a dû se rendre compte de mon petit manège car elle finit par me glisser discrètement :

    « Qu’est-ce qui t’arrive, Nico ? ».

    Toute prise dans la conversation avec ses potes, elle n’a pas vu Jérém évoluer quelques mètres derrière son dos. Je la mets au jus avec un simple mouvement du menton.

    « Tu te calmes, cousin… De toute façon on ne va pas tarder à bouger… ».

    J’essaie de finir mon verre tout en me forçant à ne plus mater Jérém et à prendre part à une conversation dont je me fous éperdument.

    J’essaie mais je n’y arrive pas. Très vite, mon regard échappe à ma « surveillance » pour tenter d’étancher sa soif de sa présence.

    Trop tard, le bobrun a disparu. Thibault n’est plus là non plus, la plupart de ses potes de rugby se sont également envolés. Ils ne sont pas tous partis, quand même ?

    Soudain, je me souviens qu’Elodie m’a dit en arrivant qu’il y a une salle avec des billards dans ce pub. Peut-être que les mecs sont planqués là-bas.

    Ma cousine commence à remuer son sac à main, signe qu’elle va bientôt se lever pour partir. Mais avant, j’ai besoin de partir aux toilettes : rien de tel qu’une bière pour m’y envoyer en un temps record.

    Une minute plus tard, alors que je viens de sortir d’une cabine, la porte des chiottes s’ouvre, laissant entrer le son de la salle. Et ce putain de t-shirt blanc qui me rend dingue !

    Le bogoss se tient là, devant moi, son corps sculpté remplissant mon champ de vision et mon esprit. La vision rapprochée du bogoss au t-shirt aveuglant me coupe le souffle. Vu de près, mon Jérém est encore plus beau que de loin.

    La barbe de quelques jours est bien taillée, le brushing est impeccable, la finition du col du t-shirt comme collé à la peau, la peau mate, chaude sent la douche fraîchement prise, tout en dégageant un petit parfum entêtant.

    Quant à son regard, c’est un faisceau laser intense, profond, brun, perçant, un regard qui me défonce l’esprit tout comme son corps défonce le mien. Le bogoss me toise, comme souvent avant la baise. Ça ne dure peut-être qu’un instant, mais j’ai l’impression que ce moment s’étire pendant une éternité. Et dans mon esprit refait surface l’image de son corps en train de transpirer pendant qu’il me baise. Je vais tomber raide…

    Un petit sourire coquin monte au coin de ses lèvres, et c’est sexy, sexy, sexy, mon Dieu !

    « T’es là, toi ? » il finit par me lancer.

    « Bah, oui, c’est la première fois que je viens… c’est… ma cousine… qui… qui m’a amené… ».

    Je commence à transpirer et j’ai l’impression que plus mon malaise me gagne, plus son sourire coquin prend de l’ampleur. Ses yeux sont remplis d’une sensualité presque animale. Il sait de quoi j’ai envie. Je suis sûr qu’il a envie de la même chose. Et pourtant, je crois qu’il trouve tout jouissif avant tout le fait de voir à quel point j’ai envie de lui. Oui, le bogoss se rend bien compte de l’effet de malade qu’il me fait et ça l’amuse, ça le flatte.

    « Qu’est-ce que vous faites après ? » il me demande.

    « Nous allons aller au Shangay… ».

    « Nous on va au KL. Bye, alors… » il répond, sur un ton détaché, avant de tracer au fond des toilettes et se poster devant une pissotière.

    « Bonne soirée… » je m’entends lui lancer, connement.

    Je reste là, planté devant le lavabo, en le regardant dans la glace en train de défaire sa ceinture, d’ouvrir son froc, en écoutant les petits bruits de l’intimité masculine, le cliquetis de la boucle de la ceinture, le crissement du cuir, le glissement du tissu sur la peau ou sur un autre tissu.

    Le simple fait d’imaginer Jérém en train de se tenir sa queue entre les doigts à quelques mètres de moi me fait un effet de dingue, un effet décuplé lorsque j’entends son jet puissant percuter la cuvette.

    Et si le Nico de raison ne cesse de marteler qu’Elodie m’attend pour partir, le Nico de désir crève d’envie d’aller rejoindre Jérém et de lui proposer un petit détour dans une cabine.

    Personne n’est rentré dans les toilettes après lui, nous ne sommes que tous les deux. Mais mes jambes sont comme tétanisées par la peur et je n’arrive pas à faire le moindre mouvement. Le temps me semble comme arrêté, j’ai l’impression que je me suis transformé en statue de marbre et que plus jamais je ne bougerai de là.

    Et puis le bruit du jet finit par s’estomper, j’entends le cliquetis de la boucle de ceinture en train d’être rattachée. Le cliquetis, c’est mon déclic, je me décide enfin à quitter les toilettes.

    Quelques minutes plus tard, je suis en voiture avec ma cousine et ses potes, en direction du Shangay.

    « Putain, qu’est-ce qu’il peut y avoir comme bogoss, ce soir ! » s’exclame Elodie, lorsque nous débarquons dans la grande salle.

    Le Shangay, en bref : de la jeunesse, de la Techno, encore de la jeunesse, des lumières, toujours de la jeunesse, de l’alcool, surtout de la jeunesse. Et putain, quelle jeunesse !

    Ce soir, on dirait que tous les beaux mecs de Toulouse ont sorti leurs plus beaux t-shirts et leurs plus belles chemises ajustées de leurs placards pour se donner rendez-vous dans cette boîte.

    Décidemment, la bière ne me réussit pas, il faut encore que j’aille pisser.

    Je viens tout juste de rentrer aux chiottes, lorsqu’un mec sort de l’une des cabines. Il a des cheveux châtain clair en bataille, des yeux gris, il n’est pas très grand mais il a avec un joli physique très bien proportionné.

    L’ouverture sur trois boutons de sa jolie chemise blanche offre une large vue sur un torse finement poilu. Les manches sont approximativement retroussées. Et alors que l’un des pans est rangé de travers dans le jeans, l’autre retombe en vrac par-dessus. Le mec a l’air de ne pas avoir sucé que des glaçons, et il a un regard du genre pas commode. Le fait est que, plus il approche, plus je le trouve sexy.

    Alors, bien qu’ayant flairé le danger (à croire que ma frayeur avec le reubeu au KL quelques mois plus tôt ne m’a pas vraiment servi de leçon), je ne peux m’empêcher de tourner carrément la tête lorsqu’il passe à côté de moi.

    C’est là que je sens son regard sauvage s’enfoncer profondément dans le mien. Je détourne mes yeux, je continue d’avancer vers le fond des toilettes, mais c’est trop tard.

    « Eh, toi… » je l’entends me lancer sur un ton plutôt agressif.

    Je me retourne et je découvre le mec planté au milieu de l’espace des lavabos, le regard et l’attitude bien bagarreurs.

    « Moi ? » je fais semblent de m’étonner

    « Oui, toi… tu veux ma photo ? » il me balance, l’air bien bourrin.

    Putain, ce regard noir qu’il me lance avec ses yeux clairs : le mec est clairement éméché, énervé. Et sexy à mourir !

    C’est là que je commence à avoir peur, car je le sens très proche d’une réaction épidermique et violente.

    « Je … je… je… croyais que vous étiez quelqu’un d’autre… » je tente de faire diversion.

    « C’est pas plutôt que t’es une tarlouze ? ».

    « Mais non, suis pas pd, moi… ».

    « Pourquoi, tu crois que j’en suis, moi ? ».

    Je le vois monter encore en pression.

    « Non, non, je voulais juste dire que je n’en suis pas, c’est tout… ».

    « C’est ça, à d’autres ! T’es une petite pédale qui aime la bite, hein ? ».

    « Vous vous trompez… ».

    « Je vais te péter la gueule… » il me balance, tout en avançant vers moi, le regard rivé dans le mien, soufflant comme un taureau prêt à charger.

    Comment vais-je pouvoir éviter de me faire taper sur la gueule ? Pourquoi personne ne vient dans ces putain de chiottes ?

    « Tu l’auras cherché… ».

    Le mec n’est plus qu’à cinq, trois, deux mètres de moi, je me prépare à me protéger des coups qu’il va dégainer…

    …quand la porte des chiottes s’ouvre enfin, laissant, pendant une fraction de seconde, affluer la puissance des décibels de la piste. Mais pas que…

    Oui, quand la porte battante s’immobilise enfin, les décibels ne sont pas la seule puissance qu’elle ait laissée rentrer, ni la plus impressionnante.

    Ce corps, ce t-shirt blanc, ce regard brun en train de noircir à vue d’œil ! Je n’arrive pas à en croire mes yeux !

    Soudain, j’ai envie de pleurer, pleurer de bonheur, pleurer de tendresse, pleurer non seulement parce que je commence à espérer m’en sortir sans trop de dégâts, mais parce que je vais m’en sortir grâce à mon Jérém.

    Oui, Jérém est là ! Mais il sort d’où celui-là ? Il ne devait pas aller au KL ? Mais qu’importe, c’est tellement bon qu’il soit là ! Son arrivée me rassure, je sais qu’il ne va pas laisser le type me cogner.

    Jérém est planté devant la porte d’entrée des chiottes, les jambes légèrement écartées, les deux pieds fermement vissés au sol. Ses yeux noirs n’arrêtent pas de faire des allers retours hyper rapides entre moi et le type qui veut me péter la gueule. Je crois bien qu’en une fraction de seconde, mon bobrun a pigé ce qui est en train de se passer.

    Ses yeux se plissent, son torse se bombe sous l’effet d’une profonde inspiration. Les épaules bien ouvertes, le buste complètement redressé, les bras le long des flancs, un peu écartés, les poings fermés : sa carrure est encore plus impressionnante. On dirait un taureau dans l’arène en train de taper son sabot au sol, soulevant à chaque coup un petit nuage de poussière.

    « Eh du con… ! » je l’entends lancer sur un ton fracassant.

    Le mec se retourne, interloqué.

    « C’est à moi que tu causes ? ».

    « Oui, à toi. Qu’est-ce que tu trafiques ? ».

    « On est potes, toi et moi ? ».

    « Non, pas du tout… ».

    « Occupe un peu de tes oignons, tu veux, mec ? ».

    « Il se trouve que lui c’est mon pote, alors c’est mes oignons… ».

    « T’occupe pas de ça, il vaudra mieux pour toi… ».

    Devant l’insolence du type, je vois Jérém monter un peu plus en pression et approcher dangereusement de la zone rouge. Ses pecs gonflés à bloc, sa chaînette posée sur son t-shirt, il est à craquer !

    Et là, il a ce geste probablement inconscient, mais d’une virilité exacerbée, presque violente, celui de soulever la manchette de son t-shirt, du côté gauche qui plus est, dégageant encore plus cet incroyable biceps et ce tatouage qui me rendent dingue.

    Au travers du coton fin du t-shirt, je vois tous les muscles de son torse et de ses épaules se préparer à la bagarre. Plus que jamais, Jérém a l’air prêt à charger.

    Les deux mâles se jaugent. Je réalise soudain qu’à cause d’un regard mal placé, je risque d’entraîner mon beau Jérém dans une bagarre dans laquelle il n’a rien à voir. Une bagarre qui, comme toute bagarre, peut mal se finir. Je voudrais trouver les mots pour les apaiser tous les deux, je voudrais éviter l’accrochage, je voudrais avoir le pouvoir de tout faire cesser sur le champ. Hélas, c’est bien trop tard. Je suis complètement désemparé face à la violence.

    Il faudrait que quelqu’un d’autre arrive dans les toilettes pour faire diversion, mais la porte reste désespérément immobile.

    L’affrontement me paraît désormais inévitable, et j’en ai mal au ventre. Je n’ai jamais encore assisté à une bagarre et encore moins à une bagarre où je serais en quelque sorte « impliqué ». Voilà une situation dans laquelle jamais je n’aurais imaginé me retrouver un jour.

    Je suis vraiment inquiet pour ce qui pourrait se passer, et tout particulièrement pour Jérém, car je m’en voudrais à mort s’il lui arrivait quelque chose. Et en même temps, jamais personne ne pourra me retirer le bonheur intense de voir Jérém courir à mon secours, prêt à se battre pour me défendre.

    « C’est quoi ton problème ? » fait le mec, en haussant encore le ton.

    « C’est toi mon problème… » répond Jérém, sans se démonter.

    « C’est un truc entre moi et lui… ».

    « Tu lui fous la paix… ».

    Jérém avance d’un pas vers le type. Chacun des muscles de son corps semble tendu comme une corde de violon, on dirait un fauve prêt à bondir.

    L’autre non plus ne se démonte pas, j’ai même l’impression qu’il cherche délibérément l’affrontement. Il a l’air d’avoir l’alcool mauvais, l’air de ne pas avoir peur de recevoir des coups, d’avoir surtout envie d’en donner.

    « Tu dégages ou ça va faire mal… » aboie le type.

    « Tu lui fous la paix, un point, c’est tout… ».

    « C’est quoi ton truc, tu t’enfiles cette tafiole ? ».

    C’est le mot de trop. Jérém charge, le mec aussi. Ce dernier stoppe net l’élan de mon bobrun, en opposant violemment les paumes des mains aux pecs qui me sont si familiers.

    Sous la puissance de l’impact, Jérém se retrouve projeté vers l’arrière et se rattrape de justesse avant de tomber. Les deux étalons se font à nouveau face, les visages empourprés et les respirations bruyantes. J’ai presque l’impression de voir de la fumée sortir de leurs narines.

    La tension est palpable pendant cet instant qui semble se dilater à l’infini. Je sens que le prochain assaut va faire mal.

    « T’aurais pas dû me chercher… » lance le type, sur un ton très mauvais.

    Le mec charge à nouveau, il se jette sur Jérém avec toute sa puissance et sa masse. Mon bobrun arrive à esquiver le choc, avec la même souplesse et dextérité qu’il aurait esquivé un joueur de la défense de l’équipe adverse sur le terrain de rugby. Il attrape le type par l’épaule, il le force à se retourner et il le balance violemment contre une cloison.

    Le bruit est assourdissant. Le visage du mec cogne si violemment contre la paroi, que son nez commence à saigner, éclaboussant sa chemise blanche.

    Avec l’autre main, et avec un geste rapide comme l’éclair, Jérém attrapé le bras du gars et le replie dans son dos. Le type se retrouve ainsi immobilisé.

    « Lâche-moi, putain ! ».

    « Je te lâcherai quand tu te seras excusé… ».

    Le mec tente de se dégager, mais Jérém le coince avec tout son corps, son bassin, son torse, ses deux mains. Le bobrun serre un peu plus encore la prise sur l’épaule du type. Une grimace de douleur se dessine sur le visage du gars, alors qu’il gigote en secouant violemment la tête, faute de pouvoir libérer ses membres entravés. Une agitation qui a pour effet d’éclabousser le t-shirt blanc de Jérém de nombreuses petites taches rouges.

    « Lâche-moi, je te dis ! ».

    « Tu t’excuses d’abord ! ».

    « Ça va, ça va, lâche moi… Je déconnais… ».

    « Je préfère ça… ».

    « Lâche-moi maintenant… ».

    « Tu lui fous la paix ? ».

    « Oui, oui, je lui fous la paix… ».

    Jérém se décide enfin à relâcher le type, il le décroche de la cloison et le repousse violemment en direction de la porte de sortie. Le mec trébuche et se rattrape de justesse. Puis, il se dirige vers la porte des toilettes d’un pas chancelant.

    Mais une fois arrivé devant le seuil, il fait brusquement demi-tour et revient à la charge. Aveuglé par sa rage, il charge Jérém comme un fou. Mon bobrun esquive une nouvelle fois son assaut. Et ce coup-ci, il y va franco, il lui décroche un putain de gauche en pleine mâchoire. Le type est carrément désarçonné, il tombe.

    « Tu te casses ou merde ? » hurle Jérém.

    Un instant plus tard, le type se redresse, l’air complètement abasourdi. Et il quitte définitivement les chiottes sans demander son compte.

    J’avais entendu en classe que Jérém s’était battu parfois. Mais je ne l’avais encore jamais vu dans cet état-là, prêt à utiliser le langage des coups pour de vrai.

    J’ai toujours détesté la violence et eu une très basse estime pour les mecs qui ne savent pas s’exprimer autrement que de la sorte. Mais on a beau être pacifiste et idéaliste, il est des occasions comme celle-ci, où l’on est bien content qu’un gars avec de gros bras et une bonne paire entre les jambes vole à notre secours.

    Sacré Jérém ! Je regarde son t-shirt blanc taché de sang et je n’arrive pas encore à croire qu’il se soit battu pour moi, pour me tirer de ce pétrin où je m’étais mis tout seul.

    Jérém se tient là devant moi, vainqueur, triomphant, sa carrure puissante secouée par une respiration profonde. J’ai l’impression que l’adrénaline a du mal à retomber, qu’il a du mal à se calmer.

    Toutes proportions gardées, l’entrée en scène de Jérém me rappelle une autre entrée en scène inattendue et spectaculaire, pendant le voyage en Espagne en première. Certes, les deux situations ne présentent pas du tout le même degré de danger. Cependant, mine de rien, c’est la deuxième fois que Jérém vient à mon secours. Est-ce que je représente donc quelque chose à ses yeux ?

    Je le regarde allumer sa cigarette, tirer deux taffes dessus. Je le regarde fumer et j’ai juste envie de lui, j’ai envie de tout avec lui, envie de me retrouver seul avec lui, de le toucher, de sentir le parfum de sa nudité, envie de l’embrasser comme jamais, là, tout de suite.

    Oui, il a une sacrée paire de couilles ce bobrun. Et cette paire, cette sacrée paire, cette nuit j’ai envie de les lui vider comme jamais.

    « Merci… » je lâche.

    « C’est un gros con ce mec… » il me répond froidement, le regard dans le vide, se dirigeant vers la sortie.

    « Tu le connais ? ».

    « Pas besoin de le connaître pour voir que c’est un con… il le porte sur lui…Viens, tirons-nous d’ici au cas où il ait l’idée de revenir avec ses potes… ».

    Nous passons la porte battante et nous retrouvons la foule, les lumières et les décibels de la salle. J’ai encore les jambes en coton, mais je me dois de remercier l’homme qui m’a sauvé. Et je veux profiter de cette occasion bénie pour tenter d’instaurer une nouvelle complicité entre nous.

    « Je peux t’offrir un truc à boire… ? » je propose.

    « Naaan… t’as vu la gueule de mon t-shirt ? Je vais rentrer… ».

    « Tu as de la place dans ta voiture ? ».

    « On se retrouve dehors, devant l’entrée… ».

    Je pars à la recherche Elodie et je la retrouve en bord de piste. Je lui explique que je vais partir plus tôt que prévu et avec un moyen de transport complètement inattendu. Evidemment, je ne me sens pas le courage de lui raconter la petite aventure que je viens de vivre.

    Nous nous embrassons et nous nous enserrons l’un dans les bras de l’autre. Je lui souris pendant que je m’éloigne pour aller rejoindre « mon » mec.

    Quelques instants plus tard, je suis dehors, sur le parking, dans la fraîcheur de la nuit du mois de juin. Les décibels de la sono arrivent désormais à mon oreille comme amortis, de plus en plus lointains.

    Depuis tout à l’heure, la brise du soir s’est transformée en rafales puissantes. La météo l’avait annoncé : du vent d’Autan, vent de printemps, insistant, vent qui parle de la belle saison qui arrive, vent qui balaie ma peau et mon esprit et qui semble parler du temps qui avance inexorablement, du temps passé, des chemins inattendus, des chemins empruntés pour me retrouver à ce moment précis à l’extérieur de cette boîte de nuit, en train d’attendre le mec qui me fait vibrer, le mec qui va m’amener chez lui, pour que je puisse m’offrir à lui.

    Je n’attends pas plus d’une minute ou deux avant de le voir sortir. Je le vois passer le sas d’entrée, je le regarde avancer avec sa démarche bien mec et ça me fait frissonner.

    Jérém n’est pas seul, il est accompagné de son pote Thibault. Il rentre donc avec nous ?

    « Salut… » me lance Thibault, en dégainant un sourire charmant. Putain qu’est-ce qu’il est craquant, lui aussi.

    « Salut… »

    J’attrape sa paluche et je me retrouve, comme à chaque fois où l’on s’est dit bonjour, avec la main broyée par sa bonne poignée de mec.

    Pendant que nous avançons dans les allées du parking, le vent souffle par rafales, et les cimes des arbres bordant la route en face sont secouées dans tous les sens.

    Je marche derrière les deux potes qui marchent côte à côte. Ils sont beaux tous les deux, beaux et bien virils, avec des cous, des épaules, des dos et des culs puissants. Et ils sentent tellement bon.

    Depuis le temps, je devrais savoir qu’il faut éviter l’insupportable torture de marcher derrière ce genre de petits mâles au déo généreux, laissant dans leur sillage une épaisse trace olfactive qui décuple leur attrait et leur charme. Je suis tellement enivré par leurs fragrances masculines que j’arrive tout juste à capter leur conversation.

    « Tu es sûr que tu as rien ? » demande Thibault, inquiet.

    « Naaan, ça va… ».

    « Mais c’était qui ce con ? ».

    « Je sais pas, un type qui cherchait la merde. Il était torché. Mais t’inquiète, il a eu son compte ».

    « Fais gaffe à toi, Jé… »

    « Mais oui… » fait Jérém, en lâchant un petit sourire complice et un brin taquin.

    Et, ce disant, Jérém fait un écart inattendu, il fait mine de bousculer son pote. Thibault fait mine de se rebiffer, de charger à son tour. Jérém fait un bond pour lui échapper. Mais Thibault le rattrape, il lui passe un bras autour du cou, le retient. Jérém fait semblant de vouloir se dégager à tout prix, alors qu’un immense sourire s’affiche sur son visage amusé. C’est un jeu, un jeu entre jeunes potes foufous. C’est beau cette complicité entre jeunes mecs, c’est beau à chialer !

    « Salaud ! » se marre Jérém, alors qu’il arrive enfin à se dégager de la prise de son pote.

    Lorsque nous arrivons à la voiture, Jérém ouvre la porte côté passager, se penche au-dessus du siège, il tend un portefeuille à Thibault. Donc, ce dernier ne va finalement pas rentrer avec nous.

    Je suis content qu’on ne rentre que tous les deux, je suis heureux comme un gosse à l’idée de me retrouver seul avec le beau Jérém, surtout cette nuit, une nuit si spéciale à mes yeux. Car cette nuit, après ce qu’il vient de faire pour moi, j’ai envie de m’offrir à lui comme jamais.

    « Tu es sûr que ça va aller ? T’as pas trop bu ? » revient à la charge le beau Thibault. Il est vraiment charmant ce gars, sous tout point de vue.

    « Naaan, ça va, t’inquiète… ».

    Thibault n’a pas l’air convaincu, il semble inquiet.

    « Tu fais gaffe, ok ? ».

    « On se voit demain au match ! » fait Jérémie.

    « Ça ne va pas être une partie de plaisir ! ».

    « Les derniers matches de la saison sont toujours gratinés ».

    « Mais on va rien lâcher » fait Thibault.

    « Parce que cette année on n’est vraiment pas loin du but ».

    « Demain on va les cramer ! » conclut Jérém.

    « C’est pour cela que notre capitaine doit rester entier ».

    « Oui, papa ! ».

    « Dégage ou c’est moi qui vais te taper sur la gueule ! » coupe court Thibault, tout en affichant un beau sourire plein de tendresse et de douceur. Ce gars est vraiment touchant, bienveillant, c’est un vrai pote.

    « T’as des capotes ? » fait Jérém en s’adressant à Thibault.

    « De quoi ? ».

    « Pour la petite brune de tout à l’heure… ».

    « Nathalie ? ».

    «  Elle-même ! ».

    « Mais elle m’a largué il y a un moment ! ».

    « Peut-être… mais cette nuit elle ne demande qu’à se faire à nouveau lever par toi, mon pote ».

    « Arrête ! ».

    « Fais-moi confiance, je m’y connais ! ».

    « Des conneries, oui ! ».

    « Tiens ! » fait Jérém, en lui balançant la petite boîte en carton.

    « Tu vas la voir, tu lui fais un sourire, et tu la remets dans ton pieu ! ».

    « Tire-toi ! ».

    « Baise un bon coup et tu joueras mieux demain ! conclut Jérém, taquin, en démarrant la 205 rouge.

    « Tu fais gaffe à ce petit con ! » me lance Thibault, tout en me lançant un regard dans lequel, au-delà du sourire de façade, j’ai pourtant l’impression de déceler une certaine angoisse.

    Juste avant de quitter le parking, le bobrun met un petit coup de klaxon en guise d’au revoir pour son pote. Pour toute réponse, ce dernier lève la main et dégaine un sourire des plus craquants.

    Sacré Thibault, débordant de sensualité et de douceur, beau petit gars qui respire à la fois la force et le calme, la virilité tranquille, l’équilibre. Définitivement, Thibault a l’air un garçon rassurant, solide, attentionné, sensible, loyal, un garçon bien bâti tant dans le physique que dans le mental, un garçon qui recèle des trésors de tendresse à donner. Et, certainement, un grand besoin d’en recevoir.

    Thibault est vraiment un bon gars, qui se soucie sans cesse du bien-être et du bonheur de son pote de toujours.

    Visiblement, Jérém compte vraiment beaucoup pour lui, et il sait le cerner comme personne d’autre. Je doute fort que Jérém ait pu lui parler de ce qui se passe entre nous, de nos révisions. Pourtant, une petite voix en moi ne cesse de me répéter que Thibault a quand même dû comprendre tout seul.

    Si ça se trouve, il sait depuis la toute première fois qu’on s’est croisés devant la porte du studio de Jérém, quelques semaines plus tôt. Ce jour-là déjà, j’avais eu l’impression qu’il savait.

    Pendant qu’il roule en direction la Rocade, Jérém fume une cigarette et demeure taciturne. Une attitude qui détonne grandement avec celle qui était la sienne juste avant de se retrouver seul avec moi. Une minute plus tôt il déconnait avec son pote ;et là, dans la voiture, il semble fatigué, tendu, éteint.

    Décidemment, au contact de Thibault, Jérém est vraiment un autre mec : Thibault le connaît par cœur, il sait comment le faire rire, comment le mettre à l’aise.

    Je les ai vus déconner comme des gosses et j’ai été touché et ému par leur complicité, mais aussi d’une certaine façon jaloux de cette amitié si forte, une amitié que rien ne semble pouvoir ébranler. Je suis jaloux car je n’ai jamais connu une telle complicité avec qui que ce soit. Je me dis que ça doit être beau et rassurant de connaître ce genre d’amitié. Thibault est le pote qui sera toujours là quand Jérém aura besoin de lui. Ça doit réchauffer le cœur d’avoir un pote comme Thibault, de sentir que quelqu’un qui veille sur soi.

    Thibault était visiblement troublé à l’idée que Jérém ait pu se trouver en danger, qu’il ait pu se battre sans qu’il ait pu venir à son secours. Il voulait savoir pourquoi il s’était battu.

    Evidemment ça ne m’a pas échappé que Jérém ne lui a pas donné les véritables raisons pour lesquelles il s’était battu.

    Commentaire de Chris-j

    13/10/2020 17:03

    Tout a été trop vite pour que Jerem pense à ce qu’il a ressenti en voyant Nico et l’autre type. Il a entrevu la possibilité que Nico lui échappe et cela a réveillé un souvenir traumatique. C’est pour ça qu’il pleure. Je n’avais pas vu ça il y a 4 mois. C’est une indication qu’il est marqué au fer rouge par son enfance.

    Commentaire de ZurilHoros

    22/06/2020 12:19

    C’est un épisode qui se passe de commentaires. On sait que ce moment d’apaisement sera suivi d’une réaction violente. 

  • JN01030 Jérém et moi, dernière ligne droite avant le bac

    JN01030 Jérém et moi, dernière ligne droite avant le bac

    Juin 2001, la semaine avant le bac.

    Le mois de juin avance et le beau temps persistant donne à ces derniers jours de cours une allure de vacances avant l’heure. Dans la cour du lycée, dans les couloirs, dans les classes, ça sent la fin de l’année scolaire et tout le monde semble suivre le mouvement, y compris les profs. L’heure n’est plus au travail mais à la décontraction, on sent comme flotter dans l’air une sorte de relâchement général.

    Le repas de classe de samedi dernier semble d’ailleurs avoir accéléré ce sentiment, j’ai l’impression que cette étape a marqué une rupture, comme s’il y avait un avant et un après ce repas : un avant où nous étions encore « en cours », un après où nous sommes désormais directement projetés vers le bac, et même déjà après le bac, en train de partir chacun de notre côté.

    Tout le monde commence à parler de ses projets pour « après », chacun semble excité à l’idée d’en découdre avec ce foutu bac, pressé que tout cela se termine.

    Pas moi. Il m’a fallu arriver à la dernière année du lycée pour me sentir moins isolé, pour que certains quolibets cessent enfin, pour tisser des liens, pour trouver « ma place », et maintenant que j’y suis presque arrivé, maintenant que j’ai enfin trouvé quelques repères, que certains camarades sont presque devenus des potes, voilà que tout cela se termine. A la rentrée, ma vie va à nouveau changer du tout au tout, et j’aurai à nouveau à ramer pour retrouver de nouvelles marques, à m’adapter à un nouveau quotidien, à une nouvelle vie.

    Mais il y a pire que ça : dans l’idée de la fin du lycée, ce qui m’angoisse le plus c’est que cela réduit à néant toute raison d’être des « révisions » avec Jérém. Une fois que le bac sera passé, pourquoi nous reverrions-nous? Au fond, nous ne sommes rien l’un pour l’autre, juste des potes de baise, nous ne sommes même pas potes, encore moins amis, nous ne partageons rien d’autre que le plaisir de nos corps.

    Entre le bac et la rentrée, un long été se profile : qu’est-ce que je vais faire pendant tout ce temps ? Je ne sais même pas si j’ai envie de partir en vacances.

    Depuis que Jérém est rentré dans ma vie, cette dernière s’est réglée au rythme de ses bons vouloirs. Depuis notre première « révision », je vis dans l’attente qu’il me propose ou qu’il m’impose une « révision », propositions auxquelles je réagis au quart de tour, dès qu’il claque des doigts.

    Alors, comment avoir envie de partir cet été, quand une autre envie ravageuse brûle en moi, celle de me rendre disponible, au cas où le petit con aurait envie d’une petite séance de rattrapage ?

    Ce qui m’amène à la question suivante : qu’est-ce que Jérém va faire de son été ? Je n’en ai absolument aucune idée. Une chose est sûre, c’est qu’il poursuivra ses projets sans tenir compte de moi.

    Alors, est-ce que c’est raisonnable de me bloquer pendant tout l’été, en espérant un signe de sa part ?

    Une autre question me taraude également l’esprit, en amont de la précédente : est-ce que Jérém va l’avoir, son bac ?

    Ses notes ne sont franchement pas terribles et nos révisions – qui n’en sont pas vraiment – ne l’ont pas fait beaucoup avancer. Au fond de moi, je regrette un peu de ne pas l’avoir vraiment aidé. Mais putain, qu’est-ce qu’elles sont bonnes, nos « révisions » à genoux, sur le lit, sur le canapé, dans ma bouche, entre mes fesses !

    Et, après tout, c’est lui qui m’a entraîné dans ces plans de dingue. Evidemment, je n’ai pas vraiment opposé de résistance mais si le premier jour il n’avait pas été aussi clair et déterminé quant à ses intentions, jamais je n’aurais osé lui proposer quoi que ce soit, à part de véritables révisions.

    J’espère vraiment qu’il a su trouver le temps et l’envie de réviser tout seul entre deux baises, il faut vraiment qu’il ait son bac. Je m’en voudrais, dans le cas contraire.

    Maintenant que j’y pense, il me semble avoir entendu Jérém dire que, bac ou pas bac, il arrêterait les études pour commencer à gagner sa vie. C’était lorsque nous étions attablés au restaurant, lors de la soirée de fin d’année quelques jours plus tôt.

    Gagner sa vie, mais dans quoi ? Est-ce que son avenir professionnel est sur Toulouse ou ailleurs, à l’autre bout de la France, s’il le faut ? Quoi qu’il en soit, je suis certain que les plans de sa nouvelle vie se dessineront sans tenir compte de moi.

    Ma rentrée va se faire à la fac de Bordeaux, dans un cursus de Sciences de la Terre et de l’Environnement. En admettant que Jérém reste sur Toulouse, Bordeaux-Toulouse, c’est au mieux deux bonnes heures. Je reviendrai sur Toulouse les week-ends, et encore, pas tous. Est-ce qu’il aura envie qu’on se revoie ?

    Mais si pour moi l’approche du bac est source de tristesse et de mélancolie, il en va tout autrement pour Jérém. Le petit con ne semble pas du tout affecté ni par le bac, ni par le grand inconnu qui se profile juste après. Au contraire, d’après des petits bouts de conversation que j’arrive à capter ici et là, il semble de plus en plus impatient que tout ça soit derrière lui.

    Un ressenti qui me rend encore plus triste, plus angoissé, car il met bien l’accent sur le fait que je ne suis qu’un détail de son existence, alors qu’en quelques semaines seulement, il est devenu le pilier central de la mienne.

    Mais alors que je m’attends à ce que nos rencontres de l’après-midi soient finies pour de bon, voilà qu’au tout début de la semaine entre la fin des cours et la première épreuve du bac, Jérém décrète que nous allons nous voir tous les après-midi pour réviser.

    Ainsi soit-il, à quelques jours du bac il est urgent de s’y mettre. Le peu fois que nous avons vraiment travaillé, je me suis rendu compte que si Jérém a autant de lacunes, ce n’est qu’à cause de son manque d’application. Car le mec est loin d’être con, loin de là. Il suffit de lui expliquer une fois les choses, pour qu’il capte au quart de tour. A condition que son attention soit au rendez-vous, ce qui est loin d’être toujours le cas.

    Réviser l’après-midi, c’est dur, car il fait déjà vraiment très chaud. Je préférerais le matin, mais Jérém sort tous les soirs avec ses potes, il dort jusqu’à midi, et il ne veut pas me voir avant deux heures.

    Oui, il fait très chaud pendant nos révisions, et ce n’est pas qu’une question de météo. Nos corps, nos sens, nos sexes aussi sont chauds. Il est avéré cependant que la chaleur démultiplie les envies et les désirs.

    Elle découvre son corps (les t-shirts moulants, débardeurs et autres shorts dévoilant de vastes surfaces de peau mate), quand elle ne le dénude carrément (le torse nu étant chez Jérém une arme de séduction majeure). Elle fait parler les odeurs naturelles (transpiration, petites odeurs qui se dégagent de sa peau et qui me rendent dingue). Bref, la chaleur m’expose à la tentation.

    Chez Jérém comme chez moi, la chaleur de ce mois de juin ne fait que rendre plus vives et brûlantes nos envies de sexe.

    En dépit de son intention affichée de réviser pour de bon, le bogoss est chaud comme la braise.

    « Suce-moi, sinon je ne vais pas pouvoir me concentrer… ».

    Voilà le leitmotiv de toute cette semaine avant le bac.

    Le plus souvent, lorsque j’arrive au studio, la porte est entr’ouverte, il me suffit de la pousser pour rentrer. Je retrouve le bogoss affalé sur le canapé, les jambes écartées, torse nu, un short molletonné la plupart du temps directement posé sur sa peau, sans sous-vêt, ce short d’où, dépassent les deux lignes convergentes des plis de l’aine, ainsi que la partie supérieure de cette piste de poils qui relie son nombril à sa virilité. Ce short qui laisse clairement deviner une bite déjà bien raide sous l’effet des caresses qu’il s’est lui-même offertes en attendant mon arrivée.

    Parfois, il est tout simplement habillé d’un boxer blanc moulant son bassin et son paquet, tellement moulant que je vois tout ce qui se cache à l’intérieur : sa queue bien raide, et sa main en train de la tripoter. Le bogoss me regarde sans un mot, dans ses yeux une étincelle lubrique qui suffit largement à m’annoncer la couleur de ses envies.

    Alors, devant cette bombasse de mec n’attendant pas autre chose que je vienne poser mes lèvres et ma langue sur sa queue pour le faire jouir, devant cette invitation silencieuse mais ô combien explicite, je m’exécute avec le plus grand bonheur.

    Je ferme la porte derrière moi, je laisse tomber mon sac au sol, j’enlève mon t-shirt. Je me mets à genoux entre ses cuisses, je caresse sa queue raide à travers le tissu molletonné ou celui plus fin du boxer. Puis, je dégage le manche viril de sa prison de tissu élastique et je commence à le sucer comme si ma vie en dépendait.

    Putain qu’est-ce que c’est faible un mec, ça prend de bonnes résolutions mais au final c’est sa queue qui gouverne sa conduite. C’est bien lui qui avait décrété qu’il fallait consacrer moins de temps à baiser et plus de temps aux révisions, et maintenant il ne pense qu’à se faire sucer.

    A vrai dire, moi non plus je ne suis pas vraiment raccord avec mes intentions. Chaque matin, en me levant, je me dis qu’il faut profiter pleinement de ces dernières occasions pour travailler.

    Mais lorsque je le retrouve chez lui, chaque jour plus bandant que la veille, et alors que son corps, ses gestes, son regard, son attitude crient à l’unisson cette envie débordante de jouir : non, je ne peux résister.

    Et oui, pour se concentrer, le bogoss a besoin de me gicler une première fois dans la bouche, dès mon arrivée. Evidemment, je me plie à ses besoins.

    Et moi, alors, comment est-ce que je vais pouvoir me concentrer, alors que le goût de son nectar délicieux pétille longuement dans ma bouche ?

    Après une bonne première pipe, et en attendant qu’il revienne de sa clope, je me dis que nous allons enfin pouvoir nous mettre au travail.

    Penses-tu. Mon bomâle brun est insatiable. Lorsqu’il revient, c’est accompagné d’une nouvelle envie (et, à vrai dire, si ce n’était pas le cas, j’en serais déçu !).

    Il franchit la porte vitrée, une bonne étincelle lubrique dans le regard. Il baisse le store jusqu’à mi-hauteur, il avance lentement vers moi. Son envie remplit l’espace du petit studio, en sature l’air, elle devient la mienne.

    Je laisse tomber mon crayon, mon cahier, mes notes. Je me déshabille, je m’allonge sur le lit, sur le ventre, les fesses offertes à ses envies de mâle. J’ai bien intégré que c’est cette position qu’il préfère, alors je la lui offre d’emblée.

    Il s’écoule toujours quelques instants avant que le matelas ne se dérobe sous mes jambes, avant que sa peau ne rentre en contact avec la mienne, avant qu’il ne vienne prendre possession de moi. Ce sont des longs instants pendant lesquels je sens son regard sur moi, un regard qui me possède déjà, le regard du mâle dominant qui m’observe frémir dans l’attente d’une bonne saillie.

    Je sais que Jérém aime ça, me voir complètement dingue de lui, de sa queue. Et il aime aussi me faire languir, ce petit con.

    « J’ai trop envie de toi… » je finis souvent par lui balancer, fou de lui.

    « Je sais… ».

    Et lorsque, sous l’effet du poids de son corps, je sens enfin le fond du matelas se dérober, un premier frisson puissant parcourt mon ventre, ma queue, mon trou.

    Ses genoux écartent un peu plus mes jambes, ses mains puissantes écartent mes fesses. Il crache sur mon trou, avant de le viser impitoyablement avec son gland. Ses mains prennent appui sur le matelas de part et d’autre de ma tête. Et sa queue glisse en moi, lentement, millimètre après millimètre.

    Le bogoss s’enfonce en moi jusqu’à la garde et, comme d’hab, il marque une pause avant de commencer à me pilonner.

    La cadence de ses va-et-vient augmente rapidement, ses couilles percutent lourdement mes fesses. Il me défonce ainsi, sans répit, tout en me traitant de « salope », de « trou à bite », de « chienne en chaleur », jusqu’à se vider en moi, jusqu’à me remplir de sa semence.

    Après une nouvelle cigarette en terrasse, le bogoss semble enfin repu, et prêt à travailler un peu.

    Penses-tu…Ce n’est pas parce qu’il vient enfin s’asseoir à la table que ses intentions sont moins canailles. Je tente de lui expliquer une formule, il se caresse. Je tente de me pencher sur un graphique, je me retrouve à nouveau à genoux entre ses cuisses, sa queue tapant au fond de mon palais. Je tente de lui parler d’un théorème, il se lève, s’allonge sur le lit, il dégaine sa queue tendue, je me retrouve allongé sur le lit, sa queue en train de coulisser en moi.

    Non, je ne peux lui dire non, ni même lui dire « plus tard », je ne peux opposer aucune résistance aux envies de mon bomâle brun. Est-ce que je suis trop faible ?

    Mais est-ce qu’il est humainement possible d’imaginer de dire non à un canon de mec pareil, lorsqu’il est partant pour me laisser accéder à sa virilité ?

    Il y a aussi le fait que nos « révisions » nous sont comptées. Aussi, j’ai besoin de profiter un max de mon bel étalon brun pendant qu’il en est encore temps.

    L’entente de nos corps et la complicité de nos plaisirs sont de plus en plus remarquables. Et, pourtant, chaque « révision » amène son lot de petites découvertes sensuelles.

    Certes, côté cul, Jérém en connaît un rayon. Pourtant, j’ai l’impression qu’à chaque « révision » il découvre un peu plus son propre corps, qu’il découvre certains plaisirs insoupçonnés, des plaisirs qu’il avait peut-être jusque-là négligés, trop pris dans la frénésie d’une vie sexuelle privilégiant la quantité à la qualité.

    Quel bonheur de lui montrer qu’il est loin d’avoir fait le tour de tous les plaisirs que son corps peut lui offrir et de lui montrer que ce n’est pas une fille qui va remédier à cela, mais un gars…et que ce gars, c’est moi !

    Ainsi, je le suce sans compter, je me laisse remplir autant qu’il en a envie. Je l’aide à réviser, et il me baise dès que l’envie lui en prend. Et en plus, j’aime ça. C’est tellement excitant de lui rendre service, et de me faire payer en nature.

    Parfois, il a envie de me prendre une dernière fois juste avant que je parte, pour « décompresser ». Il me prend quand il veut, comme il le veut et autant qu’il le veut, je suis à sa complète disposition, complètement offert à lui.

    Après m’avoir de rempli une dernière fois la bouche ou le cul, le bogoss s’allonge sur le lit, il allume une cigarette, il allume la télé.

    Je le mate, le regard vaseux, en train de récupérer de l’effort. J’adore le faire jouir jusqu’à ce que la queue lui en tombe. Et je ressens une certaine satisfaction, une sensation rassurante en pensant que peut être ce soir-là Jérém n’aura besoin de rien de plus, ni d’une nana, ni peut-être même d’une branlette, pour trouver son sommeil.

    La dernière semaine avant le bac se passe ainsi, rythmée par la baise.

    Le vendredi, jour de notre dernière révision, alors que je suis en train de le sucer et qu’il est torse nu, accoudé sur le lit, je ressens l’envie de retenter ce truc que j’avais trouvé une semaine plus tôt et qui l’avait fait délirer.

    Pour la dernière de nos révisions, je veux lui laisser un souvenir incroyable de mes talents, je veux qu’il se souvienne de moi, qu’il se souvienne que je suis capable de le faire jouir comme personne d’autre. Je veux lui donner envie de me revoir et de me baiser après le bac, pendant l’été.

    Ainsi, lorsque je sens sa jouissance approcher, au lieu de précipiter son orgasme, je me fais violence pour arracher ma bouche de sa queue, avant de laisser ma main prendre le relais, dans le but de maintenir comme en suspension l’excitation du bomâle.

    Mais alors que je commence à goûter au bonheur de faire monter petit à petit son plaisir et de lui offrir une nouvelle jouissance hors-normes, Jérém relève son torse, me repousse fermement, presque violemment. Je me retrouve plaqué contre le matelas, sur le ventre.

    Changement de programme imprévu, je m’adapte au quart de tour. Je défais ma braguette en un temps record, je descends mon short et mon boxer, je lui offre ce qu’il veut. Le bogoss écarte mes fesses, il crache sur ma rondelle, il s’enfonce en moi dans l’urgence d’une jouissance imminente. J’ai un peu mal, mais je le laisse faire.

    Il ne lui faut que quelques coups de reins pour arriver au bout de son affaire. Le bogoss lâche un énorme soupir, son corps se crispe, sa queue gicle dans mon cul.

    Puis, sans un mot, il s’arrache de moi, il passe un short et s’en va griller une cigarette sur la terrasse. Pendant ce temps, je fais un tour à la salle de bain, je fais un tour dans sa panière à linge, coffre de trésors olfactifs. Je traîne en attendant que le bogoss revienne de sa cigarette.

    C’est vendredi soir, c’est notre dernière révision, le bac philo c’est lundi : j’ai besoin de savoir si nous allons nous revoir.

    Lorsque je sors de la salle de bain, je me retrouve nez à nez avec Jérém.

    « Ça va ? ».

    « Tout va bien… » fait-il, froidement.

    « J’ai fait un truc qui n’allait pas ? ».

    « Ne me casse pas les couilles, Nico… ».

    « Je ne te casse rien du tout, je veux juste savoir… je voulais juste te refaire le truc de la dernière fois… tu sais… ».

    « Et moi j’avais envie d’autre chose… ».

    « Tu m’avais dit que t’avais aimé… ».

    « C’est moi qui décide de quoi j’ai envie… ».

    « Tu crois qu’on pourra continuer à se voir… après le bac ? » j’y vais franco.

    « Pour quoi faire ? ».

    « Tu sais… pour « réviser »… ».

    « Le bac c’est lundi, les révisions c’est fini… ».

    « Et si je veux continuer à venir réviser chez toi ? ».

    « Fiche-moi la paix ! ».

    Le vendredi soir, après avoir quitté l’appart de Jérém, j’ai le plus grand mal à trouver le sommeil. Je pleure sur mon oreiller, en tenant dans mes bras cette chemise que je garde depuis des semaines et que Jérém ne m’a toujours pas réclamée.

    4h29 : c’est la dernière lecture de mon radio-réveil dont je me souviens.