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JN01061 L’effet « Stéphane », les résultats du bac, l’été et les garçons

Lundi 2 juillet 2001

Le lundi au lendemain de ce dimanche après-midi magique chez Stéphane et Gabin, je me réveille comme je me suis endormi, c’est-à-dire avec un étrange sentiment partagé entre bonheur et tristesse.

Les souvenirs de la veille reviennent à moi en douceur, comme des caresses légères. Les câlins, les baisers, la tendresse, les larmes de bonheur, marquant comme une sorte de libération de mon esprit. La balade au Jardin des Plantes. La première fois où j’ai fait l’amour avec Stéphane, peut-être la première fois où j’aifais l’amour tout court. La première fois que quelqu’un m’a montré que l’amour entre garçons est quelque chose de beau et de naturel dont on n’a pas à avoir honte.

Et puis ses mots avant de nous quitter :

« Tu as le droit d’être heureux », « ne dis plus jamais que tu n’es pas un cadeau », « tu es un gentil garçon ». Mais aussi « beau petit mec, il faut que tu croies que tu as le droit d’être heureux, avant que les autres puissent te reconnaître ce droit. Sois toi-même, fais tes propres choix, et ne laisse pas les autres choisir pour toi. »

Des mots qui mettent le doigt précisément sur ce qui cloche chez moi. Comment me faire respecter en ayant une si basse opinion de moi-même ? Comment me faire accepter, alors que je ne m’accepte pas moi-même ? Et encore : comment savoir aimer – et comment se faire aimer – alors qu’on ne s’aime pas soi-même ?

J’ai envie que les mots et l’exemple de la façon d’être de Stéphane soient le point de départ d’un « nouveau Nico » qui s’écoute davantage, qui se respecte davantage, et qui sait faire entendre sa voix.

Si seulement Stéphane n’avait pas à déménager, si seulement je l’avais rencontré plus tôt. Si, si, si…

Le couinement de mon portable vient me tirer de ma morosité. Un SMS vient d’arriver.

            J’ai vraiment aimé. Tout aimé

Voilà un petit message qui a le pouvoir de me secouer illico de ma torpeur. Car, à travers ces quelques mots je ressens toute son affection, sa bienveillance, sa douceur. Ce message est comme une caresse, un encouragement qui me fait me poser la question sur ma perception de moi-même. Et je m’empresse de lui répondre :

Moi aussi j’ai tout aimé, beaucoup.

Peut-être qu’au fond c’est moi qui me trompe. Peut-être que je ne suis pas un cas si désespéré. Le fait qu’un mec comme Stéphane s’intéresse à moi me laisse imaginer qu’il pourrait avoir vu en moi quelque chose que je ne sais pas déceler.

Le fait est que quand je sens la douceur de son regard sur moi, même à travers ce petit message, j’ai l’impression que Stéphane arrive à sortir le meilleur de moi.

Peut-être simplement que ma vie sentimentale et sexuelle n’a pas commencé avec la bonne personne. Peut-être que si dès le départ j’avais rencontré Stéphane, tout aurait été différent.

Dès l’instant où ce connard de Jérém s’est enfoncé en moi, je me suis à mon tour enfoncé dans une sexualité débridée. A partir du jour où j’ai compris que je n’aurais pas autre chose que son corps et sa queue, j’ai essayé de me contenter de cette place dans sa vie. La place du plaisir, toujours plus de plaisir. Car le plaisir est bien la seule « emprise » que j’ai sur lui, la seule arme à ma disposition pour marquer son esprit.

Si j’étais tombé sur « un » Stéphane dès le départ, peut-être que l’amour et la tendresse auraient façonné autrement ma vie, et celle sexuelle par conséquent. Et je ne me mépriserais pas à cause de cette soumission que je kiffe au contact avec ce connard de Jérém.

Son départ est vraiment un horrible gâchis. J’ai envie de le revoir, j’ai envie de le câliner, de me faire câliner, j’ai envie de refaire l’amour avec lui.

Lorsque je relis le SMS de Stéphane, je retrouve toute notre complicité de la veille. Et avec cela, l’impression d’être plus fort grâce à l’amour et à la tendresse que ce garçon m’a donnés, grâce au fait d’être enfin en accord avec moi-même.

Et je retrouve en moi cette puissante certitude que, quoi qu’il arrive à l’avenir, je me sens déterminé à ne plus tout accepter par amour, fort de pouvoir désormais penser qu’il peut y avoir sur terre (et sur Toulouse) d’autres mecs que Jérém, des mecs dont certains sauraient m’aimer d’une façon qui me correspond vraiment.

Lorsque je regarde enfin le radio-réveil, je réalise qu’il est déjà 10 heures. Dans tout juste une heure, les résultats du bac vont être affichés au lycée. Je n’ai surtout pas envie de croiser ce connard de Jérém. Aussi, je redoute de voir son résultat. Si jamais ce n’est pas bon pour lui, je me sentirais vraiment mal.

« Il va bien Dimitri ? » me questionne maman lorsque je me décide enfin à descendre.

La question de maman me secoue, car j’ai tellement envie de me laisser aller avec elle.

Dimitri va bien, oui. Enfin, je n’en sais rien. Je l’ai croisé l’autre soir en boîte de nuit, mais j’étais tellement mal de m’être fait jeter par ce connard de Jérém que je n’ai pas écouté un traître mot de ce qu’il racontait.

Au fait, il faut que je te dise un truc, maman. Tu te souviens la fois où j’ai découché il y a quelques semaines, la fois où je t’ai envoyé un SMS au petit matin en te disant que je restais dormir chez Dimitri ?

Non, maman, je n’étais pas chez lui. En fait, j’étais chez un autre gars que tu ne connais pas, un camarade de classe.

Un gars qui est bien plus qu’un pote pour moi. Jérémie est le mec qui me rend dingue. Cette nuit-là, j’avais couché avec ce mec, et ce n’était pas la première fois.

Oui, maman, tu as bien compris, j’aime les garçons. Ce sont eux, et non pas les filles, qui me font vibrer, qui me font tourner la tête dans la rue, au sens propre comme au figuré. Pour moi, les garçons c’est une évidence, depuis toujours. Et, surtout, CE garçon-là. Ça l’était, du moins.

Oui, maman, j’aime les mecs. Je ne l’ai pas choisi, mais c’est venu à moi comme mon goût pour les pâtes au pesto, la glace fraise/chocolat, le jus d’ananas. Alors que pour moi, les filles, c’est plutôt les choux de Bruxelles. Tu te souviens comment, lorsque j’étais petit, tu n’as jamais réussi à me les faire avaler ?

Je n’y suis pour rien, tu n’y es pour rien. Tout m’attire vers les beaux garçons, c’est une force à laquelle je ne peux pas m’opposer.

Mais ce gars dont je t’ai parlé ne sait pas m’aimer et il ne le saura jamais. Notre relation se limitait au sexe, et ne serait jamais allée au-delà. Et ça ne me suffit pas. Car pour moi, être homo ça ne se résume pas au sexe. Je cherche un gars avec qui partager autre chose, un gars avec qui parler, un gars pour faire des câlins, un gars avec qui faire un petit bout de chemin ensemble.

Comme ce gars que j’ai rencontré à Saint Etienne, accompagné par son labrador noir. Ce mec m’a proposé une bière chez lui, et il l’a donné tous les câlins que je cherchais et que je commençais à désespérer de pouvoir trouver un jour auprès d’un garçon.

Avec Stéphane, j’ai découvert qu’on peut être bien dans les bras d’un gars. Alors, après ma déception de samedi soir en voyant Jérém quitter le KL avec une pouffe après m’avoir chauffé à blanc, j’ai revu ce charmant Stéphane hier après-midi. Et si je t’ai dit que j’allais aller chez Dimitri, c’est pour ne pas que tu saches que je suis pédé, c’est pour ne pas te faire de la peine.

Revoir Stéphane est la meilleure chose que j’ai faite, je crois, la meilleure chose qui me soit arrivée depuis très longtemps.

Le seul problème c’est qu’il va partir loin, et que je ne saurai jamais si ce gars était celui que j’attends depuis longtemps.

Voilà ce que j’ai envie de te dire, maman. Mais ce n’est pas aujourd’hui que je vais le faire, car le temps presse et le courage me manque.

« Ah oui. Dimitri va bien. Il est lui aussi impatient de savoir pour son bac » je finis par répondre à maman, tout en débarrassant la table et en me préparant pour partir.

Il fait bon de marcher dans la rue en cette magnifique journée de début juillet. Il fait beau sans encore faire excessivement chaud et je ressens en moi la douce sensation d’être en vacances. Le bac est fini, l’été est là. Et qu’est-ce que c’est beau Toulouse lorsque le soleil est au beau fixe, lorsque l’été arrive. Ses façades en briques, ses rues, ses jardins, tout l’espace urbain semblent se faire encore plus accueillants et agréables à vivre. Lorsque l’été s’installe, les gens semblent de meilleure humeur, et on entend beaucoup rigoler dans les rues. C’est une ambiance qui me donne le sourire et me fait dire que oui, la vie est belle.

Oui, quand on a 18 ans et que l’on a deux mois de vacances devant soi, la vie est forcément belle.

Primo, le « tic-tac » du compte à rebours pour le concert de Madonna à Londres se fait de plus en plus bruyant dans ma tête. J’ai vraiment hâte d’y être.

Secondo, je vais bientôt intégrer un stage de conduite accélérée. Je veux avoir l’examen du premier coup, car il me faut un moyen de locomotion pour profiter de cet été.

Début août, Elodie va être à nouveau en vacances, pendant deux semaines et nous avons déjà envisagé de partir quelques jours à Gruissan, ou ailleurs.

Deuxième quinzaine d’août je vais devoir préparer la rentrée, m’occuper du logement à Bordeaux, emménager.

Voilà le programme agréablement chargé de l’été de mes 18 ans.

Je mesure la chance d’avoir des parents qui me paient non seulement des études, mais également le permis et qui me permettent de vivre pleinement l’été de mes 18 ans. Merci papa, merci maman. Promis, je ne vous décevrai pas à la fac, vous pouvez compter sur moi. Je vous décevrai peut-être un jour, mais ce ne sera pas à cause de mes études.

Oui, l’été est devant moi et c’est un été plein de promesses qui se profile. J’ai envie de profiter de la vie. Pour ce faire, je dois avant tout arriver à oublier ce connard de Jérém. Je dois arrêter de me faire du mal. J’aimerais tellement revoir Stéphane, mais je sais que ça va être très difficile.

Mais pour l’heure, je me laisse happer par un regard, un brushing de mec, un biceps qui dépasse d’une manchette de t-shirt, par une traînée de déo, par une barbe de trois jours, par un geste, une attitude virile, par une démarche assurée, bref, par tous ces mecs dont la beauté et la sensualité aimantent mon regard pendant un instant, par toutes ces vies de mâles qui me seront à jamais inconnues.

Oui, qu’est-ce que c’est beau l’été. Et par-dessus tout, qu’est que c’est beau la jeunesse masculine, beau et éphémère, beau car éphémère, c’est une émotion intense capable de m’émouvoir aux larmes.

Dans le hall d’entrée du lycée, un dense attroupement de potentiels futurs bacheliers impatients s’agglutine autour des tableaux d’affichage.

Pendant quelques instants, je m’arrête pour regarder toutes ces jeunes gens pour qui, tout comme pour moi, s’ouvre aujourd’hui une nouvelle vie devant eux, avec d’infinies possibilités, et tant de choses à découvrir, à expérimenter.

L’année du bac est une période où tout change. En l’espace de quelques mois, on passe le bac, on tente le permis, on possède une voiture et on goûte à la liberté qu’elle sait offrir, on connaît l’amour, le sexe, on quitte le toit familial pour partir faire des études ou trouver un travail.

L’année du bac est une époque de la vie où l’arbre des possibles est tellement imposant que ça en donne le tournis. Une époque où il y a tellement de choix à faire, des choix qui vont en partie conditionner toute notre vie. C’est l’une des plus belles périodes de la vie mais c’est aussi peut-être l’une des plus difficiles. Bref, l’année du bac à quelque chose d’un rituel initiatique et elle ressemble à une passerelle entre l’enfance et l’âge adulte.

Mon regard balaye sans cesse l’espace de la cour du lycée à la recherche de Jérém. Mais pas de trace du beau brun. Soulagement immédiat, et déception aigüe. Car, si le fait qu’il ne soit pas là me permet d’avancer le cœur léger vers le tableau d’affichage, au fond de moi je crève d’envie de le revoir.

Je me déplace, je regarde mieux. Une plastique remarquable se détache de la foule. Merde, il est là. Il est de dos. Il porte un t-shirt gris magnifiquement ajusté, un short bleu, des baskets blanches, une casquette noire vissée à l’envers. Je commence à transpirer à grosses gouttes. Mais dès que le gars tourne un peu le visage, je réalise que ce n’est pas lui. C’est un autre mec, un autre beau brun qui m’a tapé dans l’œil pendant le lycée, mais il était dans une autre classe.

Nouvelle déception aigüe et nouveau soulagement immédiat.

J’approche désormais sereinement des tableaux d’affichage. Je n’ai pas trop de doutes quant à mon bac, c’est plutôt au sujet du sien que je m’inquiète. Je sais que ce n’est pas mon problème, mais je ne peux m’empêcher de me demander ce que je vais ressentir si jamais il ne l’a pas.

Je suis tellement inquiet que je cherche son nom avant même de chercher le mien dans le tableau d’affichage. T… T… T… voilà… Jérémie Tommasi.

« Admis ». Voilà le mot magique. Ouf, je suis soulagé. Tout va bien.

Nicolas S. « Admis » lui aussi. Je parcours tout le tableau de notre classe. Et je suis heureux de découvrir une unanimité d’« Admis ».

Je discute un peu avec les camarades, c’est l’euphorie générale, il n’y personne de laissé pour compte, alors les mots d’ordre « soirée pour fêter ça samedi prochain », « Bodega » et « KL » commencent à circuler avec insistance de lèvre en lèvre.

C’est une bonne idée. Car ce sera certainement la dernière fois où nous serons tous réunis. Oui, c’est une bonne idée. Oui, mais non. Pas pour moi en tout cas. Franchement, je n’ai pas envie d’une nouvelle soirée lycée. Car je n’ai pas envie de revoir ce connard de Jérém. Si je veux l’oublier, j’ai avant tout besoin de ne plus le voir. Pour l’oublier, je dois continuer de le détester. Pour continuer de le détester, je ne dois pas le revoir.

En marchant vers la maison, j’appelle maman et j’envoie un SMS à Elodie pour leur annoncer la bonne nouvelle.

Je flâne en ville, tout en me demandant comment je vais passer ma semaine, mon week-end suivant, et les quelques jours qui me séparent de Londres. Je remonte en direction du Capitole, lorsque mon portable beepe. Un SMS vient d’arriver.

            Alors le bac ?

C’est Stéphane. Il est vraiment trop mignon.

            Tout s’est bien passé, merci !

            Trop cool, félicitations mon grand !

            J’ai envie de te revoir

 je lui balance direct.

            Moi aussi, mais compliqué, ma mère est là

            Même un verre, pas possible ?

            Mon loulou, si je pouvais

            T’es pas marrant. lol

            Lol

Je décide de lâcher l’affaire pour ne pas paraître relou. Pourtant j’ai excessivement envie de le voir. Il me manque. Je sens que j’ai besoin de sentir une fois encore son amour pour que ma mutation intérieure soit durable. Il m’a montré un chemin, et il m’a montré que je peux le parcourir. Mais j’ai besoin d’être accompagné encore un peu.

Cet après-midi, je décide de faire ce qu’on fait d’habitude lorsqu’on ne sait pas quoi faire. A savoir, aller faire un tour au magasin culturel de la place Wilson. Je fais la visite détaillée de tous les niveaux et je trouve enfin le DVD que je cherchais, Un couple presque parfait.

Il s’agit d’un sublime navet qui n’a de remarquable que les superbes titres de sa BO, « American Pie » et « Time stood still ». Comme l’a justement souligné ma cousine il y a un an, lorsque nous étions allés voir le film en salle « on voit trop qu’elle joue mal et en plus le scénario ne tient vraiment pas la route ». Non, ce n’est pas au cinéma que Madonna s’illustre le mieux, exception faite pour ce petit chef d’œuvre qu’est Evita.

Je rentre chez moi, je passe le DVD. J’adore la voir à l’écran, même si elle joue mal. Sa présence, son être tout entier, et sa voix avant tout, possèdent pourtant le pouvoir immense de m’apaiser et de m’apporter du bonheur.

Madonna est ma meilleure copine virtuelle. Chaque fois que quelque chose d’important se produit dans ma vie, on dirait qu’elle s’arrange pour le marquer avec un titre, un clip, un concert, un film. On l’a souvent dite « finie » et elle est toujours revenue. Elle ne m’a jamais laissé tomber.

Des SMS commencent à circuler pour organiser la fameuse soirée post bac. Ils me saoulent. De toute façon, ma décision est prise, je ne vais pas y aller. Je trouverai une excuse.

Une nouvelle dose de Madonna à pleine puissance dans mon casque m’aide à faire passer cette soirée, tandis qu’une bonne branlette m’aide à trouver le sommeil.

Mardi 3 juillet 2001

Le mardi matin je me rends à l’auto-école pour m’inscrire au cours de conduite. Ça a été une bonne idée de passer le code pendant les vacances de février. Je ne me vois pas réviser le code dans cette chaleur et dans cette ambiance de vacances qui plane sur la ville.

Je suis reçu par une nana qui m’explique en détail comment tout cela va se passer.

« Votre moniteur pour les cours de conduite ce sera Martin.

 — Martin ! Martin ! » j’entends la nana appeler en tournant le visage vers la porte de la salle à côté.

Et un instant plus tard, un mec apparaît dans l’embrasure de la porte.

Dès l’instant où je vois Martin, je sais déjà que réussir mon examen de conduite ce ne sera pas une mince affaire. Comment réussir un stage intensif, faute de pouvoir me concentrer ? Car Martin est le genre de garçon qui attire le regard, comme un rideau blanc la lumière du soleil.

« Bonjour ! il me lance, tout en me serrant la main.

 — Bonjour » j’arrive tout juste à lui répondre.

Martin est un mec genre la trentaine, très classe. Il est habillé d’un beau jeans avec une ceinture noire épaisse, d’une chemise blanche toute simple mais très bien coupée. Il porte une belle montre de mec. Ses beaux cheveux châtains sont fixés au gel. Ses yeux sont de couleur marron foncé, son regard est intense, charmeur. Martin est un beau spécimen à la poignée de main ferme. Son parfum est à la fois discret et entêtant.

Je sors des locaux de l’auto-école tout guilleret. C’est l’effet qu’un « bogoss inconnu » produit sur mon esprit. A chaque fois que je croise un bogoss, j’ai l’impression que mes poumons s’ouvrent en grand et qu’un air nouveau s’y insuffle, et je sens comme une ivresse s’emparer de moi.

Ce Martin m’a mis de bonne humeur, et l’idée de le retrouver me chatouille bien l’esprit. Je sais qu’il ne se passera rien avec lui, mais je ne peux m’empêcher de ressentir une petite impatience à l’idée de le retrouver.

Stéphane me manque toujours, me manque beaucoup.

Mercredi 4 juillet 2001

Mercredi je m’ennuie. Je tente de me distraire en écoutant de la musique. Le CD de Music me fait de l’œil. Je le place dans le lecteur et j’envoie le son. Je n’arrive toujours pas à croire que dans quelques jours je vais voir Madonna en chair et en os. L’attente est insoutenable.

J’ai tellement de temps à moi que je trouve même le moment pour ranger ma chambre (ça c’est un exploit), ainsi que mes cours et mes bouquins qui ne me serviront plus.

Je partirais bien à Gruissan, mais Elodie travaille et sans elle je n’ai pas le courage de bouger. Et même si elle m’a proposé de me filer les clefs de l’appartement, je n’ai pas le cœur à y aller sans elle. Je sais que sans ma cousine pour me faire rire, ça ne va pas être marrant.

Mais il y a aussi une autre raison qui me pousse à rester sur Toulouse. C’est un infime espoir de revoir Stéphane avant son départ. Je sais que les chances sont très faibles, presque inexistantes, mais si jamais l’occasion devait se présenter, je m’en voudrais vraiment de la rater.

Si seulement je pouvais le revoir…

Jeudi 5 juillet 2001

Jeudi, je me réveille d’humeur maussade.

Je pense au départ de Stéphane et j’ai le pressentiment, presque une certitude, que je ne vais pas le revoir avant qu’il quitte Toulouse.

Je pense aussi à la soirée de ce samedi, cette maudite soirée post bac où je vais certainement revoir Jérém. Cette soirée me fait peur. Je n’ai pas envie d’y aller. Mais je sens qu’elle commence à me happer comme le vide devant la falaise. Vais-je savoir tenir bon ? Si seulement je pouvais revoir Stéphane…

Je finis par sortir pour me changer les idées. Le vent d’Autan souffle de façon insistante et il semble augmenter d’intensité d’heure en heure. Je marche sans but, perdu dans mes pensées noyées dans un épais brouillard de fatigue persistante.

Je remonte ma ville de rue en rue, je remonte ma vie à rebours. En passant dans le quartier de la Halle aux Grains, j’aperçois l’entrée de l’immeuble où Stéphane habite. Je suis à deux doigts de sonner à son interphone. J’ai besoin de le voir. Car il n’y a que lui qui saurait m’offrir le câlin dont j’ai besoin à cet instant pour me retrouver. Je jette un œil rapide dans le hall inanimé et sombre. Je cherche son nom sur l’interphone. Le déménagement approche, il a déjà disparu. J’ai envie de sonner sur la touche redevenue anonyme, mais j’y renonce, me disant que de toute façon, à cette heure-ci, il doit être au taf.

Alors je trace, direction Saint-Aubin. La rue de la Colombette n’est qu’à quelques pas, l’entrée d’un autre immeuble bien connu est si proche. Je suis tiraillé entre le désir de m’éloigner au large et celui de m’engouffrer dans cette rue si chargée de souvenirs. Je sais que je vais avoir mal, mais cette rue me happe et je ressens l’envie irrépressible de passer devant cette porte que j’ai tant de fois franchie la respiration coupée, le cœur hors de ma poitrine. Et si je le croisais ?

Le temps que je me décide, mes jambes m’ont amené toutes seules devant sa tanière. Je panique, je leur ordonne de m’amener vite loin de là. Mais ma tête n’en fait qu’à sa tête. Mon cou se tourne, mon regard se lève, mes yeux cherchent cette terrasse bien connue. Et mon cœur bondit de ma poitrine lorsque je crois déceler un mouvement là-haut.

J’ai l’impression d’avoir vu un bout de cheveux-bruns-peau-mate-t-shirt-blanc disparaître à l’instant précis où mon regard s’y est posé. Ce n’est pas impossible qu’il soit chez lui à cette heure-ci, en plein milieu d’après-midi, car c’est peut-être l’heure de sa coupure.

Est-ce qu’il était en train de fumer une clope en terrasse ? Est-ce qu’il m’a capté avant que je lève la tête ? Est-ce qu’il m’a vu et qu’il s’est retiré pour ne pas croiser mon regard ? Est-ce qu’il a ressenti ma présence dans la rue comme un harcèlement ? Ou alors, est-ce que j’ai tout simplement rêvé ?

Je ne peux m’empêcher de me retourner et de lever une nouvelle fois le regard vers cette terrasse dans l’espoir secret de le voir réapparaître. Mais elle demeure vide, tristement vide.

Mon cœur toujours emballé, je remonte la rue vers le Canal, m’éloignant à grands pas de cet immeuble dont la proximité m’est si pénible. Ce n’est qu’en arrivant à la Gare Matabiau que j’arrive à me calmer. Je rentre dans le hall et je me mélange à la foule des voyageurs. J’ai envie de prendre un train et de partir loin, très loin de là. Je me contente de m’approcher d’un comptoir et de prendre un café. Je me pose sur un banc face au grand tableau des Arrivées et des Départs, je regarde les voyageurs pressés défiler dans un mouvement perpétuel et presque hypnotique. Je bois mon café lentement, tout en essayant de faire un peu d’ordre dans le bazar sans nom qui encombre ma tête.

Cette gare, avec ses départs incessants, fait écho à mon état d’esprit présent. Dans quelques semaines le monde qui était le mien depuis toujours va connaître davantage de bouleversements que pendant les 18 années qui ont précédé. Mon monde actuel va être englouti sous une vague de départs, de changements, de bouleversements tous azimuts. Mon enfance est en train de partir loin, très loin, ma vie de jeune adulte se profile, approche à toute allure. J’ai comme l’impression de me retrouver devant une page vide et où tout est à écrire, une page à remplir, avec d’autres vibrations, d’autres gens, d’autres amours. Tout ça est à la fois excitant et terrifiant.

Je réalise que l’âge « adulte » qui se profile, est également l’âge où il faut apprendre à faire des choix. Est-ce que j’en suis bien capable ?

Stéphane, Jérém, Jérém, Stéphane.

Jérém, le mec qui m’a dépucelé.

Stéphane, l’adorable garçon qui m’a fait découvrir ce qu’est faire l’amour.

Jérém, le mâle serial baiseur qui m’a fait découvrir le plaisir d’être soumis à un étalon dominant.

Stéphane qui m’a appris que j’aime jouir « comme un mec ».

Jérém pour qui il n’y a que son plaisir qui compte.

Stéphane avec qui l’amour est partage.

Jérém qui refuse toute tendresse.

Stéphane qui m’a montré que les câlins c’est possible, et c’est trop bon.

Jérém impulsif et sanguin, imprévisible, parfois agressif.

Stéphane calme et posé, gentil, rassurant.

Jérém sexy, macho et égoïste.

Stéphane attentionné, doux, touchant, bienveillant.

Jérém qui fait de moi ce qu’il veut.

Stéphane qui me respecte.

Jérém, la baise dans les vestiaires à la piscine Nakache.

Stéphane, la balade au Jardin des plantes.

Jérém, la baise dans les vestiaires du terrain de rugby.

Stéphane, le risotto et Aladdin.

Jérém, la baise dans les chiottes du lycée.

Stéphane, me sentir bien dans des bras chauds.

Jérém que j’ai dans la peau…

Et là, ça bugge méchamment. Tout se bloque dans ma tête, les images s’arrêtent, plus de signal, l’écran devient bleu. Ça dure un petit instant, le temps que je rouvre les yeux et que je termine mon café. Je m’abandonne sur le dossier du banc, je respire profondément.

Une petite voix se fraye alors un chemin dans ma tête. Elle est porteuse d’un message, un petit message dur à entendre. Je secoue la tête, je me frotte les yeux, je tente de me ressaisir, j’essaye de la faire taire. Je n’y arrive pas. Je tente autre chose. Je me lève, je marche, j’arrive à la distancer un peu, mais elle me suit de près. Je fais semblant de ne pas l’entendre, mais elle ne me lâche pas.

« Va le voir. »

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Un film poignant. Avec un jeune acteur à la beauté bouleversante. Film complet sur Dailymotion en cliquant sur la photo.

Une histoire d’amitié authentique et poignante.

Deux acteurs incandescents.

La découverte de l’amour, du premier amour, le plus fort de tous.

Un autre film qui m’a beaucoup ému

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L’histoire de Jérém&Nico rentre dans sa phase finale.

Jérém&Nico est une belle aventure qui aura duré près de 10 ans et qui n’aurait pas été possible sans vous tous.

Et pour cela, un grand

Fabien

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