JN01066 Il se passe bien des choses à la Bodega
En sortant du resto, nous n’avons que quelques centaines de mètres à parcourir pour rejoindre la Bodega, prochaine étape de notre soirée. Nous traversons le boulevard Carnot et Jean Jaurès, nous plongeons dans la belle nuit toulousaine.
Le vent d’Autan souffle toujours. La nuit et jeune, et le spectacle vient tout juste de commencer.
A cette heure-ci, peu après 23 heures, il y a déjà un monde fou devant la jolie bâtisse en briques, anciennement bureau du Télégraphe, qui abrite l’un des pubs plus fréquentés de la ville rose. Notre cortège rentre lentement, et moi presque en dernier.
Je n’ai pas fait cinq pas à l’intérieur lorsque je capte sa présence. Cheveux châtain clair portés bien courts, t-shirt rouge bien coupé, jeans noir délavé, baskets bleues, bière à la main, accoudé au comptoir, en train de discuter avec un pote. Simplement beau. Thibault est là.
Jérém avance vers lui, les deux potes se font la bise en premier. Puis, Jérém fait la bise au pote de Thibaut, tandis que ce dernier fait la bise à Thierry. Qu’est-ce que ça peut me donner comme frissons que de voir deux beaux mecs échanger ce geste convivial et si sensuel à mes yeux !
Quelques instants plus tard, les quatre mecs, accompagnés d’autres camarades se dirigent vers la salle des billards. Je suis le mouvement.
« Salut, je lance à Thibault qui s’est retardé pour dire bonjour à une nana.
— Salut ! il me répond, tout en se penchant vers moi pour me faire la bise.
— Tout va bien ? il me questionne.
— Oui, ça va…
— Et Jérém ? il enchaîne.
— Je ne sais pas trop…
— Laisse faire, sois toi-même. Il va venir à toi tout seul. Allez, je vais y aller, sinon quelqu’un va prendre ma place au billard ! A tout’ ! » me lance le beau mécano, avec un clin d’œil charmant.
Quelques instants plus tard, je me rends à mon tour dans la salle des jeux en compagnie de deux camarades, histoire d’avoir quelqu’un avec qui discuter, histoire d’avoir un prétexte pour pouvoir observer mon beau brun en action.
Autour de la table de billard, ça vise, ça tape, ça claque, ça rentre, ça rate, ça rebondit, ça fume, ça blague. Bruno vient de rentrer une boule. Et là, ça devient intéressant, car c’est le tour de Jérém.
Le beau brun se penche pour viser avec sa queue. Voilà des mots qui me rendent dingue, même s’il ne s’agit que d’une queue de billard. Il pose son avant-bras sur le bord de la table. Sa chaînette pendouille autour de son cou et se pose sur le rebord de la table, son t-shirt blanc s’ajuste sur sa peau au gré de ses mouvements. Pendant un court instant il est tout concentré, et il est beau à se damner.
Et puis son coup part, rapide, puissant. Mais précipité. La bouledétale comme une fusée, rebondit sur une bande, elle repart et rate de peu le trou qui était visé. Jérém fait la grimace, l’équipe de Thibault prend l’avantage.
Chapitre suivant : Thibault. Le beau mécano se penche à son tour sur la table de billard avec sa queue à la main. Il y va beaucoup plus en douceur que Jérém. Ses pieds bien plantés sur le sol, les jambes légèrement écartées, les coudes pliés, les biceps gonflés. Le gars prend son temps, regarde, calcule, évalue.
Et puis le coup part, puissant, dosé, ajusté. Thibault a une parfaite maîtrise du geste. La boule rebondit sur une première bande, ralentit, rebondit sur une deuxième, ralentit encore. Au final, elle se trouve sur l’alignement parfait pour rentrer dans une poche d’angle. Elle roule, roule, roule, en épuisant peu à peu sa force. Elle arrive au seuil du trou presque à l’arrêt, et elle s’y glisse tout en douceur.
Je trouve que la différence dans leur façon de jouer reflète bien leurs personnalités respectives. Jérém est un mec impulsif, sanguin, à fleur de peau, qui vise sur sa puissance physique pour réussir. Alors que Thibault est un gars posé, réfléchi, qui sait garder le sang-froid et peser le pour et le contre avant d’agir. Jérém est fonceur, Thibault est maîtrisé.
Quoi qu’il en soit, je trouve passionnant de regarder les gars jouer au billard. J’aime observer leurs attitudes, leur concentration dans le jeu. J’aime bien ce défi entre mecs, ce jeu dans lequel les personnalités de chacun semblent se révéler. Et j’adore aussi assister à ce moment entre potes, regarder mon beau brun évoluer dans son milieu naturel.
Thierry a réussi sa boule mais ça ne suffit pas à faire basculer l’avantage. Thibault et Bruno gagnent la partie.
La revanche est une obligation, une autre partie commence aussitôt. Hélas, je ne pourrai pas y assister, car mes deux comparses me proposent de revenir dans la première salle pour rejoindre les autres. Je vais devoir partir avec elles car sans leur présence à mes côtés je vais me sentir nu, comme un poisson hors de l’eau, comme un voyeur.
Une fois revenu dans la salle principale, je m’assois à une table avec des camarades, et je prends une bière blanche. Dès le premier instant, je sais que je vais m’ennuyer ferme. Et c’est parfaitement le cas.
Heureusement, quelques minutes plus tard, les quatre fantastiques du billard reviennent à leur tour, ils commandent des bières et se posent à une table assez proche de la nôtre.
C’est toujours un spectacle d’une beauté saisissante que de regarder des potes en soirée, en train de discuter de façon animée, de déconner. Jérém, Thibault, Thierry et Bruno, quatre jeunes mâles, chacun avec le charme qui lui est propre. L’effet de meute est là, et ça donne des frissons.
C’est encore Thierry qui fait le pitre. Thierry est un brun pas vraiment canon, mais sa vivacité et son esprit jovial le rendent quand même plutôt séduisant.
Je ne capte pas les mots mais je le vois faire de grands gestes avec ses bras, rapides, exagérés, comme s’il était en train de dessiner quelque chose. A un moment, j’ai l’impression qu’il mime une action de rugby. Il se lève, attrape Jérém par les épaules, se colle dans son dos et mime ce qui doit être un plaquage. Ça a l’air d’être drôle car les trois autres rigolent de plus belle.
Thierry revient sur sa chaise et à sa bière et je regarde Thibault discuter avec Bruno. Bruno joue lui aussi dans l’équipe de Jérém et Thibault. Bruno a de beaux cheveux châtains, les yeux gris, un regard très clair et un physique puissant. Je l’ai intérieurement surnommé « le lionceau » car son brushing et son tour de barbe fournie me font penser à un jeune félin puissant.
Jérém semble écouter attentivement les échanges entre ses potes. Et puis, entre deux gorgées de bière, il se laisse aller à un geste peut-être pas complètement conscient. Sa main se glisse sous le t-shirt, le soulève légèrement. Ce qui a pour effet de découvrir un bout d’élastique du boxer et un bout de peau mate. Et lorsque sa main entreprend de caresser ses abdos, c’est beau à en perdre la raison. Car ce petit geste, à la fois pas conscient– dans le sens où il fait ça machinalement, sans même s’en rendre compte – et totalement inconscient – car il ne se rend pas compte qu’il pourrait déclencher une émeute – est tellement chargé d’érotisme à mes yeux…
Une blonde s’approche de leur table et vient demander du feu. Elle s’adresse à Thierry, qui fait son petit coq, à grands coups de beaux sourires hébétés.
Et Jérém, quant à lui, fait du Jérém. Je le vois changer d’attitude, passer du mode déconneur au mode charmeur. Son regard de feu se pose sur la nana qui ne semble pas y être indifférente. Tu m’étonnes…
Elle fait le tour de la table, se met derrière mon beau brun, lui pose les deux mains sur les épaules, se penche sur son oreille, approche ses lèvres rouges à ses oreilles fines qui me font tant d’effet et lui chuchote quelque chose.
Je commence vraiment à craindre le pire lorsque je vois le visage de mon beau brun s’ouvrir sur ce petit sourire coquin que je lui connais que trop bien. Un sourire qui me fait fondre lorsqu’il m’est adressé mais qui, dans cette situation, me rend jaloux à me faire sortir de mes gonds. Et lorsque je vois Jérém chuchoter à son tour quelque chose à l’oreille de la blonde, je bous à l’intérieur. Naaaaan, il ne va pas me faire le même sketch que samedi dernier, repartir avec une pouffe !
Je me réjouis de constater que la nana semble avoir l’air de ne pas apprécier ce qu’elle vient d’entendre. Preuve en est qu’elle revient à la charge, elle glisse d’autres mots à l’oreille du beau brun. Et je jubile carrément lorsque je vois mon Jérém faire non avec la tête de façon insistante. Bas les pattes !!!
La nana repart enfin, en fumant sa cigarette comme une conasse.
Une fois cette perturbation sur talons dégagée, les quatre potes retrouvent leur complicité. Ça déconne à nouveau, et j’ai comme l’impression que le sujet de leurs plaisanteries est désormais cette nana à qui, je pense, Jérém vient de mettre un râteau. Oui, je suis presque sûr que mon beau brun est en train de se faire charrier par ses potes. Mais moi je suis on ne peut plus fier de lui !!!
J’aimerais tant pouvoir aller le voir, le féliciter, lui dire à quel point je suis heureux qu’il n’ait pas cédé à cette nana. Mais Jérém est entouré de ses potes, et moi toujours coincé à cette putain de table avec mes camarades avec qui je m’emmerde sec. Un double mur invisible nous sépare.
Je descends vite ma deuxième bière et je commence à sentir en moi l’effet apaisant de l’alcool. Mais j’ai besoin de davantage d’« apaisement » pour supporter la frustration d’être à quelques mètres de mon beau brun et de ne pas pouvoir aller le voir, pour supporter cette soirée qui s’écoule trop lentement, sans que rien de vraiment intéressant ne se passe.
Je ne sais pas vraiment ce que j’espérais en venant à cette soirée. J’aurais dû me douter que ce serait impossible d’approcher Jérém, trop entouré par ses potes, et moi trop « à découvert » pour envisager de tenter quoi que ce soit avec lui. Vivement que ça se termine. Je suis à deux doigts de tout planter et de rentrer chez moi.
C’est justement pour me donner une raison de ne pas partir sur le champ que je m’approche du comptoir pour demander une nouvelle bière. La serveuse vient tout juste de me tendre mon verre, lorsque j’entends une voix bien connue se glisser dans mon oreille :
« Tu bois tout seul, toi ? »
Je prends une longue inspiration, je me retourne et là je suis percuté de plein fouet par un sourire à faire fondre la banquise. Non, pire que ça, à faire directement s’évaporer la banquise sans passer par la case « fonte ». Une sublimation. Son assurance m’insupporte. Sa beauté me lamine. Sa tenue m’assomme. J’ai envie de lui. Troooooop envie de lui !
« Ouais, ça me fait des vacances » je réponds sèchement.
Je mourais d’envie d’approcher mon beau brun. Et maintenant qu’il est là devant moi, avec son assurance, son insolence, son arrogance même, tout remonte en moi. Le sketch de la semaine dernière, me chauffer à bloc avant de me mettre un râteau, son départ avec la nana sous mes yeux, son silence de toute une semaine. Son inconstance, son dédain vis-à-vis de moi, sa façon de considérer qu’il peut venir me chercher et me laisser tomber quand ça lui chante. Et puis revenir à nouveau, en toute impunité. Soudain, j’ai envie de le gifler.
« Ça va ? il me questionne.
— Ouais, ça va.
— Tu fais la tête ?
Oui, je fais la tête.
— Non.
— Si, tu fais la tête », il se moque.
Il m’énerve. Alors je décide d’y aller franco.
« Oui, je fais la gueule !
— Pourquoi ? » il me balance avec un regard qui aurait presque l’air innocent. Définitivement, ce gars a le chic de me fait sortir de mes gonds.
« Samedi dernier tu m’as bien chauffé et puis tu m’as jeté comme une merde !
— Moi je t’ai chauffé ? C’est toi qui m’as balancé des trucs de vraie salope !
— Mais c’est toi qui m’as poussé à te dire ces trucs !
— Je n’ai pas eu à insister beaucoup…
— Tu fais chier, Jérém !
— Et alors, tu fais la tête pour ça ? » il fait, l’air étonné.
Le pire est que son étonnement a l’air sincère. Le pire est qu’il a vraiment l’air de ne pas se rendre compte à quel point ça m’a déchiré les tripes de me faire jeter comme une merde. Je n’ai même pas le courage de lui parler de ce que j’ai ressenti en le voyant partir avec cette nana. Je sais que ma jalousie le ferait rigoler, et je ne pourrais pas supporter ça.
« Oui, rien que pour ça ! »
Son sourire insolent, taquin et malicieux me chauffe à blanc. Et pendant qu’il sort son paquet de clopes, qu’il sort une clope, qu’il la glisse entre ses lèvres, qu’il l’allume, qu’il tire dessus une première fois, et qu’il expulse un premier nuage de fumée blanchâtre, il ne me quitte pas une seconde du regard, comme pour bien apprécier ma colère.
« Pourquoi tu m’as jeté comme ça ? je reviens à la charge, vraiment énervé par son attitude.
— Parce que j’avais d’autres projets…
— Comme baiser une pouffe pour essayer de te convaincre que tu es toujours hétéro ? » ça sort enfin.
Et là, Jérém change illico de tête et d’attitude : exit le sourire insolent, arrogant, moqueur, place à un regard qui annonce un orage qui arrive très vite. Le beau brun me regarde droit dans les yeux, il s’approche un peu plus de moi, il vient si près qu’il pénètre carrément mon espace vital. Son regard est sévère, très impressionnant.
« J’ai pas de compte à te rendre, mec ! » il lâche sèchement, sur un ton dans lequel je décelé un certain niveau d’agacement. « Si j’ai envie de te baiser, je te baise, si j’ai pas envie, j’ai pas envie, c’est compris ? »
Ses mots sont durs, et son regard l’est tout autant. Mais alors, qu’est-ce qu’il est sexy quand il est énervé !
Le jeune lion a rugi. Ça me fait tellement d’effet que je me sens désarçonné, je baisse les armes. Sa voix, son attitude, sa proximité me font perdre tous mes moyens. Dans cette proximité, je suis assommé par l’intense présence olfactive qui se dégage de lui. Comme une odeur de mâle, de sexe, une sorte de bouquet viril qui transpirerait carrément de son jeans, de son boxer. C’est une odeur qui m’est familière, car je l’ai humée tant de fois de si près, autour de sa queue. Alors, souvenir, imagination, désir, envie ou réalité je n’en sais rien. Ce que je sais c’est que cette petite odeur de mec prend le contrôle de mon cerveau et me transforme en torche embrasée de plaisir.
« Tu bois quoi ? je suis surpris de l’entendre me balancer de but en blanc, alors que je n’ai toujours pas réagi à ses mots.
— J’ai pas envie de boire ! je lui réponds sur un ton plutôt agacé.
— T’as envie de quoi, alors ? »
Est-ce que ce sont les deux bières qui me montent à la tête et qui laissent la parole exprimer mes envies les plus profondes ? Toujours est-il que, en le regardant à nouveau droit dans les yeux, je m’entends lui répondre :
« J’ai envie de toi ! »
Ça m’est venu comme ça, car c’est exactement ce que je ressens à cet instant. Son regard noir a soudainement disparu. Son sourire coquin et malicieux est revenu et me chauffe à blanc. Est-ce qu’il est flatté ? Est-ce qu’il se moque de moi ? Est-ce que j’ai tout simplement l’air pitoyable ?
« De toute façon tu t’en tapes. Tout ce que tu aimes, c’est me rabaisser » je continue sur ma lancée, de plus en plus exaspéré par son silence, son sourire et son attitude.
« Je suis sûr que samedi dernier ça te fait marrer de m’humilier » j’enchaîne.
Pour toute réponse, Jérém continue d’afficher son sourire moqueur et lubrique. Et il ajoute même un hochement de la tête, si sexy et énervant à la fois. Il m’insupporte avec son air « je te baise quand je veux et si je veux ».
« De toute façon, je suis sûr que tu n’oserais pas… je décide de le chercher pour effacer son sourire condescendant de ses lèvres.
— Quoi donc ?
— Faire ici ce que nous avons fait dans les chiottes du lycée ou dans le vestiaire de la piscine. »
Son hochement de tête s’arrête brusquement et le sourire se retire peu à peu de son visage. Son regard change du tout au tout. Le mec abandonne le regard charmeur et passe en mode défi. Une étincelle dans ses yeux signale sa nouvelle attitude.
« Tu crois ça… » il me lance, après avoir expulsé un nouveau nuage de fumée.
Ah, c’est jouissif. J’ai une prise, j’ai trouvé la brèche pour le faire réagir. Alors là, je vais m’y engouffrer !
« Bah… samedi dernier tu t’es dégonflé…
— Je ne me suis pas dégonflé !
— Si tu t’es dégonflé. Tu m’as chauffé et tu n’as pas eu le cran d’assumer. Et je suis sûr que ce soir tu vas encore te dégonfler, surtout avec tous les potes juste à côté. »
C’est certainement l’effet de l’alcool mais là je me sens libre dans ma tête, très libre. Peut-être trop ?
Le beau brun me toise avec un regard noir pendant qu’il tire sur sa cigarette.
« T’as tellement la trouille de te faire gauler » je m’entends lui balancer, moi-même surpris de ce bluff évident dans lequel je suis en train de m’enfoncer « que je te parie que t’aurais même pas la gaule ! »
Jérém me fixe toujours, et toujours sans un mot. Après une dernière taffe, il écrase sa cigarette dans le cendrier sur le comptoir. Il se lève du tabouret et expire la dernière fumée très près de mon visage. Et alors que je m’attends à le voir repartir vers ses potes, en me plantant une fois de plus comme une merde, il me balance un petit geste de la tête. C’est une invitation, c’est un ordre, c’est tout simplement quelque chose à laquelle je ne peux pas me soustraire. C’est sa volonté de mâle dominant.
Le voilà donc parti d’un pas rapide et assuré en direction des chiottes. Je le suis en jetant un regard autour de moi pour m’assurer que personne ne remarque notre petite escapade, tout en exultant et en me félicitant pour mon effronterie. Car elle a été payante. C’est donc ainsi que marche mon beau brun. La gentillesse ne sert à rien, l’intention de lui faire plaisir encore moins. Non, ce petit con marche au défi. Et il est bien chatouilleux sur le terrain de sa fierté masculine. J’aurais dû y penser plus tôt. Et j’aurai l’occasion de vérifier cela plus d’une fois au cours de cette nuit.
Jérém me devance dans le local des toilettes. Il avance à grands pas jusqu’à la cabine du fond, il s’y engouffre, sans prêter attention au gars qui est en train de s’essuyer les mains devant un lavabo. J’entends le bruit du loquet. Quant à moi, en attendant que le gars dégage, je fais semblant de me caler devant une pissottière, sans défaire ma braguette.
Mais le gars continue à essuyer, tout en approchant son visage du miroir pour vérifier son brushing, pour écraser un bouton, avant de repasser un coup d’eau sur ses yeux et de s’essuyer les mains à nouveau. Mais putain, il va dégager à un moment, oui ou merde ?
Tant qu’il ne part pas, je ne peux pas rejoindre Jérém. Et si ça traîne, pas sûr qu’il attende très longtemps.
Le mec finit par partir. Et sans plus attendre, je m’approche de la cabine du fond. Je toque à la porte. Celle-ci s’ouvre illico. Je rentre en vitesse et je me retrouve enfermé dans le petit espace avec mon beau mâle brun.
Je comprends vite fait que nous sommes dans la précipitation, que je n’aurai pas l’occasion de prendre le temps de le faire jouir comme j’en aurais envie, d’exprimer mon potentiel de virtuose de la pipe. Je comprends que ce sera un coup au pas de course, que le beau brun va me tirer et se tirer tout de suite après…
Est-ce que j’ai eu raison de le provoquer et de provoquer ce genre de plan ? Est-ce que cela ne va pas à l’encontre de ce que je voudrais construire avec le gars que j’aime ? Si je continue à lui offrir l’image d’un gars qui a juste envie de tirer son coup, comment pourrait-il se construire une autre image de moi ? Comment notre relation pourrait avancer ?
Je me suis laissé guider par ma colère, par mon désir, et par la peur de n’avoir aucune autre prise sur lui que le sexe. Je n’aurais pas dû. Mais en attendant, me voilà en piste, je ne peux plus me retirer, il va falloir danser… enfin, sucer…
Nous voilà donc une fois de plus tous les deux enfermés dans un espace clos sentant à la fois l’urine et le nettoyant pour chiottes. C’est un contexte un brin dégradant mais cela a son côté terriblement excitant quand même.
Je regarde mon beau mâle brun, le dos appuyé à la cloison, je regarde ses bras et ses mains s’agiter dans une sorte de précipitation qui me donne le tempo, andante con brio, de la « séance » à venir, un empressement qui traduit l’urgence de son envie de mec, ainsi que le délicieux malaise, l’excitante inquiétude liée à cette situation.
Ses doigts fébriles s’affairent sur la ceinture épaisse qu’il défait d’un seul coup, net, rapide, franc, déterminé, sec. Le crissement du cuir sur le tissu fuse à la vitesse de l’éclair, comme la représentation sonore de son envie de jouir. Quant au cliquetis de la boucle métallique qui vient d’être défaite, c’est juste un ultime appel au sexe. Glin, glin… tu vas sucer, mec… glin, glin… tu vas me sucer car tu as envie de ça, ma salope…glin, glin… et tu vas tout avaler !
Les boutons de la braguette sont défaits en cascade, juste en tirant dessus, avec un geste d’une rapidité, d’une détermination et d’une sexytude indescriptibles. Le jeans et le boxer glissent ensemble le long de ses cuisses.
Les mains croisées derrière la tête, le t-shirt remonté et coincé au-dessus de ses abdos, vision de Paradis, les épaules appuyées à la cloison, les jambes légèrement écartées, le bassin vers l’avant, la queue bien raide : le Dieu mâle brun attend que je vienne rendre hommage à sa virilité, après l’avoir chatouillée avec mon effronterie. Si c’est pas beau un beau mec pressé de se faire sucer et de jouir !
Je suis enivré par le mélange de propre et de mec qui se dégage de son entrejambe : l’odeur de sa douche, mélangée à l’odeur naturelle de sa queue, un bouquet viril qui me frappe de plein fouet.
Je croise ses yeux et je reconnais son regard, c’est celui de l’impatience de l’excitation masculine.
Alors, devant cette attitude de mec pressé de jouir, le sucer devient une évidence. A cet instant, je ne suis qu’une bouche au service de son plaisir de jeune mâle.
Mais avant de satisfaire ses envies, je veux lui montrer qu’à ce jeu-là, le jeu de nos baises, il n’est désormais plus le seul à établir les règles.
Et même si le temps presse, j’ai envie de jouer un peu. Et je veux le chauffer un peu. Je sais à quel point le sexe avec lui est bon quand le beau brun est un peu chauffé.
Le temps presse, et c’est un jeu dangereux auquel je joue. Il n’y a pas cinquante cabines et à un moment ou à un autre quelqu’un pourrait toquer à la porte. Je sais aussi que tous nos camarades sont en train de faire la fête à quelques mètres de nous, et parmi eux, le charmant Thibault. Je sais que plus nos deux absences se prolongent, plus ça risque de paraître suspect, notamment dans la tête du beau mécano qui est désormais au courant de tout pour Jérém et moi.
Le beau brun pose lourdement une main sur mon épaule, c’est un ordre silencieux de me mettre à genou. Je résiste. Je saisis sa queue. Rien que le fait de tenir ce manche magnifique et bandé à l’extrême dans la paume de ma main est une expérience jouissive. Je commence à le branler, il frémit de plaisir.
Je me dis que désormais ses barrières mentales ne doivent plus être aussi bien surveillées. Alors je décide de franchir la ligne rouge. Et je décide d’y aller franco. Je l’embrasse sur les lèvres. Elles ne réagissent pas, mais elles frémissent. J’insiste. Sa main force un peu plus sur mon épaule. Je résiste toujours.
Je suis fou, je l’embrasse à nouveau. Ma main quitte sa queue, elle rejoint l’autre dans son dos. Je le serre fort contre moi. Le contact avec ses pecs solides est un bonheur inouï. Le bogoss doit être surpris par mon culot, car il se laisse faire. Et moi je suis plus surpris encore, surpris qu’il se laisse faire. Et ma surprise est encore plus forte lorsque ses lèvres s’ouvrent et que je le sens mordiller ma lèvre supérieure. C’est un contact fugace, furtif, mais très intense. Jérém pose désormais ses deux mains sur mes épaules, lourdement. Mais au lieu de céder, je m’avance vers lui et l’embrasse dans le cou. Il me repousse.
Le beau brun me signifie ainsi qu’il est largement temps de reprendre les choses en main, et surtout de prendre sa queue en main. C’est ce que je fais dans les plus brefs délais, alors que mon autre main se glisse entre sa peau et le t-shirt blanc – qui, soit dit en passant, sont, tout autant l’une que l’autre, d’une douceur incroyable.
Mes doigts parcourent, lisent, sondent le relief merveilleux de ses abdos, redécouvrent cet univers viril, chaud, doux, vallonné qui se cache sous son t-shirt. Le bogoss frissonne. Je frissonne, j’adore.
Ivre de lui, je reviens à la charge, je pose plein de bisous dans son cou. Et là, surprise, le beau brun ne me repousse plus. Au contraire, il frissonne de plus en plus fort, il souffle bruyamment, il a carrément l’air d’aimer.
Puis, il se passe quelque chose d’inattendu. Jérém appuie lourdement son front et ses lèvres dans mon cou, il mordille la peau dans le creux de mon épaule. C’est la première fois qu’il se laisse aller de cette façon. C’est à la fois sensuel et émouvant. C’est tellement bon de le sentir s’abandonner à un plaisir qui semble vraiment le dépasser.
Ma main remonte sous son t-shirt jusqu’à effleurer sa chaînette, jusqu’à rencontrer ses pecs bien fermes que j’entreprends aussitôt de caresser. Ses tétons pointent, et je ne peux pas résister à l’envie de les agacer avec le bout des doigts. Dans la foulée, je ne peux carrément pas résister à la tentation de soulever son t-shirt pour lécher ces délicieux boutons de mec. Tout en continuant de le branler.
Je me perds dans le bonheur de sentir son excitation monter seconde après seconde. Je savoure à fond ces instants d’excitation pure en attendant que le mâle réclame son plaisir, tout en ignorant de quelle façon il va s’y prendre. Car je sais que ça ne va pas durer, car le mâle Jérémie ne va pas attendre indéfiniment que je le suce.
Je ne sais que trop bien que lorsqu’il a une envie dans la queue, il ne l’a pas derrière la tête.
Et ça finit par tomber, ponctuel, net, précis, puissant. Le beau brun allonge son bras, m’attire vers lui, il pose lourdement la main sur mes épaules et emploie toute sa force, et un brin de brutalité, pour m’obliger enfin à me mettre à genoux.
Face à sa détermination, je renonce à résister. Je me laisse faire et mes genoux touchent enfin le sol. Et tant pis pour mon jeans tout neuf. Il y a des priorités dans la vie. Et ma priorité à cet instant précis est là, dressée à quelques centimètres de mon nez. Elle est belle, imposante, et elle est prête à me remplir la bouche.
Je le regarde, lui debout, moi à genoux, je le regarde me dominer de toute sa taille, avec son regard lubrique, arrogant.
Et tant pis si je me retrouve à nouveau à genoux, au sens propre comme au sens figuré, devant sa virilité conquérante, à nouveau complètement soumis au plaisir de mon mâle brun. Tant pis si – c’est désormais officiel – j’ai tout oublié de l’état d’esprit de ce fameux dimanche avec Stéphane.
Il y a dans son attitude un côté terriblement, insupportablement, macho mais aussi terriblement sexuel. Ce gars, je l’ai vraiment dans la peau. Mon attirance pour lui est viscérale. Je le regarde droit dans les yeux, et le bogoss me lance un regard qui ne veut dire autre chose que :
« Allez, dépêche, suce ! »
Il l’aurait dit avec des mots, ça n’aurait pu être plus clair.
A la faveur d’un petit mouvement de son bassin, le t-shirt retombe, le bord inférieur flotte désormais pile au-dessus de sa queue, l’effleure. J’ai excessivement envie de le sucer sur le champ, d’autant plus que ça fait dix jours que je n’ai pas goûté à sa belle bite. D’autant plus que maintenant je sais ce que ça fait dans sa tête et dans son corps de se faire sucer, ce qui me donne dix fois plus envie de lui offrir ce plaisir.
Mais le voir s’impatienter m’excite terriblement, d’où ma petite ruse pour faire durer cette attente.
Le beau brun, pressé, à bout de nerfs, enfourne sa queue dans ma bouche sans autre forme de procès. Il entreprend de la limer, en envoyant des coups de reins très puissants, tout en maintenant ma tête avec ses deux mains.
Au gré de ses va-et-vient de jeune mâle fougueux, le bord inférieur du t-shirt ondule avec une cadence régulière, caresse ses abdos, ainsi que mon nez et mon front. Agissant comme un soufflet, le coton léger aspire de l’air vers sa peau, la chargeant ainsi d’effluves masculins, avant de l’expulser vers mon nez. Au bout de quelques instants à peine, je suis ivre, assommé, sur le point de disjoncter. Et je suis au paradis des odeurs mâles.
Dans cette cabine des toilettes de la Bodega, Jérém veut jouir vite. Ce qui explique certainement la cadence infernale de ses coups de reins qui deviennent vite trop violents pour que j’en retire du plaisir.
Alors, dans un réflexe de survie, ma main se lève pour aller se poser sur son t-shirt à hauteur de ses abdos (ahhhhh, putain, qu’est-ce que c’est ferme, et qu’est-ce que c’est sculpté !) tout en appliquant une pression avec mon bras et mon épaule. Un geste dont, dans le feu de l’action, et certainement à cause de ma position, je n’apprécie pas correctement l’intensité. En effet, le bassin de mon beau brun se retrouve soudainement projeté contre la cloison de la cabine dans un bruit sourd, et je perds le contact avec sa queue.
Profitant de l’effet de surprise, et me dépêchant avant que mon beau brun ne revienne à la charge, j’avance mon buste et j’entreprends de le sucer vigoureusement. Mais très vite, Jérém repasse une main derrière ma tête pour donner plus d’impact aux coups de reins qu’il recommence à balancer avec la même intensité qu’auparavant.
Visiblement, le beau brun n’a pas compris. Pourtant, ce soir il va falloir qu’il comprenne, il doit comprendre. Je le repousse une nouvelle fois en saisissant ses cuisses musclées. Et alors que je le sens déterminé à revenir illico à la charge, je maintiens fermement son bassin collé contre la cloison, tout en levant mon regard vers le sien. Jérém a l’air pressé, excité, agacé, déboussolé, tout à la fois. Il a l’air de ne pas comprendre à quel jeu je suis en train de jouer.
Sans le quitter des yeux, et tout en amorçant un petit sourire coquin – car c’est par son intermédiaire que j’ai décidé d’essayer de lui faire comprendre que s’il me laisse faire, s’il me fait confiance, je vais lui faire un truc qui va lui plaire – j’avance lentement mon visage vers sa queue, je l’avale lentement. Une fois de plus, je sens le bogoss frissonner. Là, je sais que la magie de la pipe opère, que je peux quitter son regard, que je peux relâcher la prise sur ses cuisses, que le bogoss va me laisser faire.
Il aime, je sais qu’il aime. Plus que ça même, il adore. Comment je le sais ? Très simple, en écoutant son corps, en percevant la vibration de son bonheur.
Mais aussi en levant les yeux, en voyant son regard absent, en voyant ses paupières frémir et retomber lourdement, en voyant passer sur son visage d’intenses frémissements qui ne sont autres que le reflet des frissons provoqués par mes lèvres et ma langue ; en le voyant déglutir bruyamment, alors que sa pomme d’Adam se balade nerveusement de haut en bas et de bas en haut de sa gorge ; en voyant ses lèvres s’entrouvrir pour laisser dépasser un petit bout de langue – un geste dont il ne doit même pas avoir conscience, mais que je trouve à la fois très mignon et terriblement sexy ; et en le voyant lever son visage au ciel tout en poussant un grand soupir, ce qui traduit clairement son plaisir. Mais aussi en l’entendant inspirer bruyamment, en écoutant ses halètements incontrôlés.
Oui, c’est à tout cela que je sais que Jérém a l’air d’être comme dans un état second, abandonné à un plaisir qui le dépasse.
Dans le petit espace, l’air est désormais chaud et moite à cause de nos ébats. Le bogoss commence à transpirer, il a chaud. Et là, sans se poser de questions, il a le geste qui va bien. Il attrape le bas de son t-shirt, le soulève, pendant que le haut de son torse se penche vers l’avant.
Tout se passe avec la vitesse de l’éclair. Un instant plus tard, le t-shirt est coincé derrière son cou, et son torse magnifique est intégralement dévoilé, exception faite pour les épaules. Tandis qu’une nouvelle charge de parfums intenses et d’odeurs délicieuses se dégage de ce paysage merveilleux.
Le t-shirt blanc coincé derrière le cou, avec une attitude « plus petit con tu meurs », le torse, pecs, abdos, complètement dénudes et offerts à ma seule vue, la chaînette qui pendouille entre ses pecs, mon Jérém est un concentré de beauté masculine, de jeunesse, de sexytude exacerbée.
Comment ne pas avoir envie de précipiter sa jouissance ?
Je le pompe de plus en plus vigoureusement. J’avale si loin sa queue que mon front arrive par moments à effleurer la peau de ses abdos, mon visage à en capter la chaleur, mon menton à frôler ses couilles, mon nez à approcher de très près les poils pubiens pour en détecter les petites odeurs magiques à leur source.
La brusque variation de tempo semble ravir mon beau couillu, et son corps semble me remercier avec des frissonnements plus marqués.
Je relève les yeux, juste à temps pour le voir rabattre une nouvelle fois la tête en arrière, tout en soufflant un « putain ! » venant du plus profond du cœur, le regard vers le ciel comme cherchant là-haut une explication de ce plaisir inouï apporté par la bouche d’un garçon. Je sais qu’il approche à grands pas de l’orgasme.
C’est là qu’un petit grain de sable vient perturber cet instant magique. Soudain, le silence de la pièce est rompu par la vibration de deux voix masculines que je reconnais de suite. Ce sont celles de Thierry et de Bruno.
Jérém me repousse fermement, il retire illico sa queue de ma bouche, plaque sa main sur ma bouche. Je regarde cette queue en feu, prête à jouir, je regarde ses abdos onduler sous l’effet d’une respiration accélérée et profonde. Je suis tellement frustré !
Visiblement, les deux potes sont venus se soulager la vessie dans les pissottières à côté. Leur pause pipi ne doit durer que quelques secondes, mais cela me paraît prendre une éternité. Je crève d’envie de faire jouir mon beau couillu. Et cela doit paraître encore plus long pour lui, interrompu dans son affaire alors qu’il était sur le point de venir.
« On se fait un dernier billard ? j’entends l’un demander à l’autre.
— Pourquoi pas… Jé et Thib contre nous deux ?
— Mais au fait, il est passé où Jéjé ?
— Je n’en sais rien, ça fait un certain temps que je ne l’ai pas vu !
— Si ça se trouve, il nous a planté pour aller baiser une nana chez lui !
— Ça c’est bien possible. Ce ne serait pas la première fois !
— Sacré Jéjé !
— Allez, on va voir si Thib en sait davantage. »
Un bruit de chasse d’eau, celui de l’eau qui tombe dans l’évier, celui du séchoir à mains, la variation d’intensité des voix qui s’éloignent, jusqu’à disparaître, les basses provenant de la salle qui pendant un instant, le temps que la porte se referme derrière eux : ce sont autant d’indices sonores qui nous informent que nous sommes enfin à nouveau seuls.
Et là, d’un coup, voilà que le beau Jérém, jusque-là inanimé, redémarre au quart de tour. Sa main se pose sur ma nuque, m’obligeant à reprendre dare-dare mon ouvrage inachevé, ma fellation de dingue.
Là, il faut y aller Nico ! Le mec n’en peut plus, il a envie de jouir, il a besoin de jouir, il est tellement excité qu’il n’y tient plus.
Alors je me laisse aller, je ferme les yeux, je me concentre sur la délirante sensation d’avoir la bouche envahie par son pieu chaud, remplie de son excitation.
J’y vais tellement franco que bientôt le beau brun ne juge plus nécessaire la présence de sa main sur ma nuque pour lui garantir son plaisir. Et lorsque je sens ses deux mains se poser sur mes épaules pour prendre appui et balancer les derniers bons coups de reins, j’accélère encore mon tempo.
« Elle t’a manqué, ma queue, hein ? » j’entends mon bobrun me glisser tout bas, mais excité tout haut.
Trop occupé à des affaires d’une importance autre que la parole, je ne prends pas la peine de lui répondre. Mais je n’en pense pas moins !
Et toi, petit con sexy, dis-moi donc, elle ne t’a pas manqué ma bouche, hein ?
J’ai envie de le gifler. Mais il a raison. Elle m’a maNqué. Car, depuis notre première « révision », elle m’a maRqué. Oui, j’ai envie de le gifler. Mais surtout de le faire jouir.
Je sais que le bouquet final approche, je sens qu’il ne va pas tarder à venir. Vas-y, Jérém, fais-toi plaisir, jouis, lâche-toi, remplis-moi la bouche !
« Je viens ! » il lâche tout bas, dans un soupir étouffé par la déflagration de l’orgasme.
Et il jouit sans presque bouger, le gland coincé à l’entrée de ma gorge. Il jouit en silence, le corps secoué par des spasmes puissants. Il jouit dans ma bouche, alors que dans les urinoirs à coté, deux autres mecs échangent des grossièretés tout en se vidant la vessie. Il jouit et il me fait cadeau de plusieurs jets bien lourds, chauds, denses, puissants, répandant dans ma bouche ce goût de mec qui m’a tant manqué.
Jérém n’en finit plus de jouir et je n’en finis plus d’avaler ce nectar délicieux.
Lorsque Jérém me fait cadeau de cette délicieuse liqueur d’homme, je ressens l’enivrante sensation de céder à une forme de possession, de domination ultime. Je ressens chaque vibration de son plaisir, et j’ai l’impression de sentir son énergie, cette énergie virile véhiculée par son sperme, venir en moi, couler en moi, circuler en moi, résonner en moi.
Je viens de quitter sa queue et mon regard est happé par ses abdos ondulant sous l’effet d’une respiration rapide et profonde, conséquence d’une excitation et d’un effort intenses. Je trouve mon Jérém encore dix fois plus beau lorsqu’il vient de jouir, lorsque son énergie et sa fierté de jeune mâle s’évaporent provisoirement laissant entrevoir un Jérém presque vulnérable, perdu.
Moi aussi je suis essoufflé. Je n’ai pas joui mais il faut bien admettre que le sexe, lorsqu’il est si intense, demande une bonne dose d’énergie de part et d’autre. Et puis, Jérém ne m’a pas ménagé. Moi non plus je ne me suis pas ménagé. Ma respiration n’était pas le principal de mes soucis…
Mon excitation est intacte, et même décuplée par le goût de son sperme qui persiste dans ma bouche. Je bande tellement que j’en ai mal. Je me relève, je glisse la main dans mon boxer. Je ne peux m’empêcher de me branler, j’ai envie de jouir moi aussi.
Et là, nouvelle surprise, le beau brun agace mes tétons par-dessus le tissu de ma chemisette, il les pince délicatement du bout de ses doigts. Je me sens perdre pied, je sais que je suis à un rien de jouir dans mon boxer.
Puis, d’un geste très rapide, le beau brun porte les mains sur mes épaules, me fait me pivoter face à la cloison, il descend un peu plus mon froc et mon boxer. Je l’entends cracher dans sa main et sur sa queue. J’ai tout juste le temps de me rendre compte de ce qui est en train de se passer lorsque je sens son gland se faufiler dans ma raie, viser au bon endroit et s’enfoncer en moi.
Ses abdos bien plaqués contre mes reins, ses pecs appuyés sur mes omoplates, sa queue bien calée au plus profond de moi, je sens ses lèvres effleurer mon oreille pour y glisser quelque chose du style :
« Alors, elle te semble comment, ma gaule ? »
Echec et mat. Il ne faut pas le chercher, mon Jérém…
« T’es vraiment un sacré étalon » je lui balance, la voix cassée par une excitation qui me tend comme une corde de violon.
Je continue de me branler et je sens son regard sur moi. Je sens ses deux mains agripper mes épaules, je sens le contact de son menton, de sa barbe qui pique dans le creux de mon épaule. Il me mate pendant que je me branle.
« Allez, dépêche ! Crache ton jus ! »
Je suis surpris. Abasourdi. Incrédule. Mon beau brun veut que je jouisse pendant qu’il est en moi.
Et pour parachever mon bonheur, sa main se glisse dans ma chemisette, ses doigts atterrissent sur mes tétons. Son goût de mec dans ma bouche, son torse enveloppant le mien, son souffle sur mon cou, je décolle, je m’évapore. Et je lâche des bons jets puissants qui vont atterrir sur la cloison. Et le fait d’avoir sa queue en moi, de sentir mon trou se contracter autour de son manche toujours raide, tout cela contribue à décupler mon bonheur.
Très vite, Jérém se retire de moi. D’abord sa main, puis sa queue, et tout son corps. Il remonte son boxer, son froc, il reboucle sa belle ceinture. Le cliquetis de sa boucle sonne toujours aussi excitant à mes oreilles, même après avoir joui. Glin glin, je t’ai baisé le mec, glin glin, t’as aimé ça, glin glin… Et putain, qu’est-ce que j’ai aimé ça !
Le bogoss repasse le t-shirt en position normale, il le laisse retomber sur son torse, couvrant ainsi ses pecs et ses abdos. Il attrape le bord inférieur, il tend le coton pour essayer de faire disparaître les quelques plis apparus dans le tissu lors de son utilisation non conventionnelle.
Dans la foulée, il colle l’oreille à la cloison pour déceler la présence de quelqu’un au-delà de la porte. Je tends l’oreille à mon tour, mais je ne capte aucun bruit. Jérém déverrouille la porte, et d’un geste plus rapide que l’éclair, il l’ouvre et bondit hors de la cabine comme un fauve, disparaissant de ma vue, claquant la porte sur son passage. Et pendant que je la verrouille à nouveau, j’entends le bruit de la porte battante qui donne sur la salle principale. Jérém est parti sans encombre, tout va bien.
Je remonte mon froc à mon tour, je reboucle ma ceinture, j’essaie de me ressaisir. Pas facile après ce petit interlude bien chaud. Je regarde ma montre. Tout cela ça n’a duré que quelques minutes, mais j’ai l’impression que ça fait très longtemps que j’ai quitté le « coté scène » de la soirée. Je suis un peu déboussolé, je ne sais plus où j’habite. Sacré mec, que ce Jérém !
Pendant que je sors à mon tour de la cabine et que je me dirige vers un lavabo pour me laver les mains encore moites de mon jus, je me dis que ça ne me dit plus rien du tout de retrouver les anciens camarades. Tout dont j’ai envie c’est de partir de là et de jouer une deuxième mi-temps rue de la Colombette, avec mon Jérém.
Mais une longue soirée est prévue, et il faudra encore passer par la case KL avant d’espérer en découdre à nouveau avec le beau brun. La soirée s’annonce longue. Mais ce que je ne sais pas encore, c’est que le KL ne sera qu’une étape, et pas vraiment la dernière, de ce samedi soir de dingue.
Dès que je retourne dans la salle, dès que je m’approche de mes camarades, et que j’entends quelqu’un me demander :
« Tu bois quelque chose ? »
la réponse s’affiche clairement dans ma tête : « Non, merci, de viens de boire, et je veux garder cet arrière-goût délicieux le plus longtemps possible dans ma bouche ! »
Mais, dans les faits, je me limite à hocher la tête, tout en souriant et en lâchant un : « Non, merci ! »
Sans boisson, je m’ennuie très vite, car je n’arrive pas à rentrer dans des conversations qui ne m’intéressent pas.
Le fait est que toute mon attention est accaparée ailleurs. Accoudé au comptoir, les jambes légèrement écartées, le bassin vers l’avant, la bosse bien en vue, Jérém a toute l’attitude d’un mec en train de récupérer de l’effort récent. Oui, Jérém a l’air complètement ailleurs, comme s’il venait de se faire secouer par une décharge électrique.
Entouré de Bruno et de Thierry, chacun une bière à la main, le beau brun est en train de fumer une cigarette. Ses deux acolytes déconnent entre eux et le bogoss se contente de les regarder faire. Si seulement ils savaient ce que vient de vivre leur pote, leur coéquipier de rugby, l’ailier vedette de leur équipe, le sérial baiseur de nanas, dans une cabine des chiottes de ce pub même !
Sacrée sensation que de revoir Jérém avec ses potes, comme si de rien n’était.
Jérém vient d’écraser son mégot et de reprendre la bière posée sur le comptoir juste à côté de lui. Sa main libre se faufile à nouveau sous le t-shirt, en contact avec ses abdos.
Est-ce qu’il ressent dans son bas ventre la même douce chaleur que je ressens dans le mien et qui me donnerait envie de passer la main de la même façon, si seulement j’osais le faire ? Est-ce qu’il ressent la même douce fatigue que je ressens en moi et qui rend désirable plus que tout autre chose le fait de nous retrouver sur son matelas plutôt que de rester planté là en attendant que la nuit s’écoule ? A quoi pense le beau brun à cet instant précis ? Au plaisir de dingue qu’il vient de prendre dans ma bouche ?
Lorsque je contemple son regard vide, complètement ailleurs, je ne peux m’empêcher de me dire qu’il est certainement encore en train de penser à l’orgasme que je viens de lui offrir. Et cela, à l’insu de ses potes.
Moi je sais ce qui vient de secouer mon Jérém à ce point. Mais je ne peux m’empêcher de me demander ce que ressentirait un autre gars comme moi, s’il posait à cet instant précis son regard sur mon beau brun. Qu’est-ce qu’il déduirait de son attitude ? Quelles questions se poserait-il à son sujet ? Des questions dont il n’en aurait jamais la réponse. Mon beau brun représenterait pour lui l’un de ces mystères virils insolubles qui frustrent autant qu’ils excitent.
Cela me renvoie par ricochet à tous ces « mystères » qui font partie de la vie des petits cons qu’on peut croiser dans la rue, le bus, les bars. A l’instant où on les croise, que viennent-ils de faire ? 5 minutes avant, 1 heure avant, la veille, la nuit d’avant ? Peut-être viennent-ils de baiser, de se branler ?
C’est grisant de savoir que pour une fois j’ai la réponse, car en l’occurrence je suis une partie de la réponse.
Jérém incline la tête vers l’arrière pour avaler une dernière gorgée de bière. Je vois le liquide pétillant glisser dans sa gorge, je suis le moindre mouvement de sa pomme d’Adam et de son petit grain de beauté. Et une fois sa soif étanchée, je le vois respirer profondément, secouer sa tête comme pour se ressaisir.
Et lorsque ce mouvement s’arrête, voilà, à cet instant précis mon Jérém a cet air, cet air que je lui connais très bien et qui me rend dingue de lui et au même temps tout particulièrement fier de moi. Oui, Jérém porte sur lui cet air de mâle comblé, de mâle repu qui lui va si bien.
Vraiment il n’y a pas à dire, il n’y a pas de secret, un homme bien sucé, est un homme heureux.
La fatigue me happe de façon de plus en plus insistante. Je regarde l’heure. Il est 1h03 du mat. J’ai envie de rentrer chez moi. Je ne pense pas avoir l’énergie pour supporter une virée en boîte jusqu’à pas d’heure, en espérant une suite avec mon bobrun qui ne viendra probablement pas.
J’ai envie de partir mais je ne n’arrive pas à détacher les yeux du t-shirt blanc reparti rejoindre ses potes, se mélanger à eux comme si de rien n’était. S’ils savaient, ces potes avec qui il est si proche, si complice, ces potes qui aiment sa compagnie, qui l’admirent, qui jalousent ses exploits au rugby, et encore plus son succès avec les nanas, s’ils savaient combien de fois il m’a baisé, dans son appart de la rue de la Colombette et dans bien d’autres endroits ! Et comment il a pris son pied, dans ma bouche, pas plus tard que ce soir dans le chiottes de ce pub si « hétéro »…
« Il est beau comme un dieu, hein ? j’entends une voix m’interroger.
— Plus que ça même ! » je ne peux m’empêcher de laisser ma pensée glisser sur mes lèvres, avant de me rendre compte que ce n’est pas à mon inconscient que je viens de répondre, mais à ma camarade Camille, que je n’ai pas vue approcher.
— J’étais sûre que tu le kiffais, lâche Camille, la voix déformée et le propos libéré par un degré d’alcoolémie certain.
— De quoi tu parles ? je tente de me défendre.
— Tu viens de le dire, tu kiffes Jérémie !
— Arrête de dire des conneries, t’es au moins à dix grammes !
— Oui, j’ai bu, mais je sais ce que je dis. Je sais que tu kiffes Jérémie. Je le sais depuis un moment. Tu n’arrêtais pas de le mater en cours. Je ne suis pas la seule à l’avoir remarqué. Mais tu dois t’en faire une raison. Jérémie est un mec à nanas !
— Camille, tu sais quoi ? je fais, en prenant la mouche.
— Oui ?
— Va donc prendre un autre verre et fiche-moi la paix !
— Je sais ce que je dis.
— Et moi je te dis d’aller te faire voir !
— Connard de pédé ! » elle me balance en s’éloignant.
Et voilà, l’insulte de facilité, l’insulte stigmatisant. Pourquoi ne pas me traiter simplement de connard ? Parce que pédé fait plus mal, parce que pédé c’est plus humiliant, plus méprisant.
Si je pouvais, je lui parlerais avec une foule de détails de ce qui s’est passé quelques minutes plus tôt à quelques mètres de là. Mais ça n’en vaut pas la peine, et je n’ai pas envie de partager mon bonheur avec cette nana insupportable.
« Connasse toi-même ! », je me contente alors de boucler notre échange de politesses.
Cette stupide conversation m’a obligé à détourner momentanément l’attention de mon beau brun. Et lorsque mon regard se remet en quête du t-shirt blanc, je constate qu’il a disparu des écrans radar. Mais il est passé où ?
En fait, je remarque qu’il n’y a pas que lui qui a bougé. Tous nos camarades sont en train de bouger. Apparemment, c’est l’heure de partir en boîte. Je crois que je vais les laisser partir et que je vais rentrer chez moi discretos. J’ai besoin d’être seul, et tranquille.
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