JN01050 Dilemme toulousain
Dimanche 24 juin 2001
Inattendu. Jérém qui m’envoie un SMS. Il veut me voir, au terrain de rugby. Mon cœur s’emballe. Qu’est-ce qui se passe ?
Dans la minute qui suit je dois prendre une décision importante : envoyer zéro, un ou deux SMS.
Dans le premier cas, j’ignorerais celui de Jérém, mettant définitivement le mot FIN à notre histoire. Dans le deuxième cas, je refuserais son invitation, ce qui aurait à peu près le même résultat. Dans la dernière hypothèse, j’annulerais le rendez-vous avec Stéphane pour replonger une fois de plus sans conditions avec mon beau brun.
C’est exactement ce que je m’étais promis de ne plus jamais faire. De ne plus accourir dès qu’il me sonne, de ne plus aller me faire baiser, et me faire jeter juste après.
Mais en même temps, parfois son attitude macho m’énerve. L’assurance, l’aplomb qui transpirent de son SMS :
Vien au vestiaire rugby tout de suite
ont un côté carrément insupportable. Dans sa tête, c’est comme si j’étais tout le temps à sa disposition, comme si une réponse par la négative était tout simplement inenvisageable, comme si je passais ma vie là à l’attendre, comme si je n’avais pas d’autre occupation que de rester chez moi en attendant que ce soit enfin mon tour de passer dans son pieu.
Depuis le début de nos « révisions », ça a été ça en fin de compte. Son arrogance de jeune mâle pour qui il n’y a que son plaisir qui compte est insupportable. Mais aussi insupportablement excitante. Alors, je ne pouvais rien faire d’autre qu’attendre qu’il veuille bien de moi.
Mais là, là il se trouve que j’ai précisément autre chose de prévu. Et je trouve que c’est une bonne chose de le faire savoir à Jérém. Aussitôt, un SMS commence à s’écrire dans mon esprit :
Ce soir j’ai un truc de prévu, je te sonne quand je suis dispo,
à +
J’imagine sa tête en lisant un message de ce genre. Il serait fou.
Mais pourquoi me demande-t-il de le rejoindre au terrain de rugby ? Veut-il juste me baiser une fois de plus ? Ou bien, je peux rêver, est-ce qu’il veut me parler, est-ce qu’il veut que nous ayons une explication après m’avoir vu discuter avec Stéphane dans la rue ? Est-ce qu’il va laisser éclater au grand jour cette jalousie que j’ai captée dans son regard la veille ? Est-ce que Jérém va me montrer qu’il tient à moi ?
Je reprends mon portable, le message de Jérém est toujours affiché, avec ses erreurs d’ortho que je trouve si touchantes.
Vien au vestiaire rugby tout de suite
Oui, j’ai très envie d’avoir une explication avec lui. Aussi, quand je repense à ce qui s’est passé hier à la piscine, j’ai trop trop trop envie de lui. Et puis, son SMS contient trois mots magiques : « vestiaire de rugby ». Le fantasme absolu.
Dans ma tête, là où tout était en apparence parfaitement limpide jusqu’à quelques secondes plus tôt, tout se brouille.
Mon relevé des appels du mois de juin 2001 indique que le mercredi 27 mon 06 a passé un SMS à 19h57’37’’ :
J’y serai dans 10 minutes
Et un deuxième à 19h58’58’’ :
Salut Stéphane, désolé, j’ai un imprévu, faut remettre notre rendez-vous. Bises
Définitivement, je suis un cas désespéré.
« J’y serai dans 10 minutes », voilà ma réponse. A Jérém. Comme une évidence.
Je regrette presque à l’instant la rapidité de ma réponse et la totale disponibilité, la soumission évidente que témoigne ma réaction à son SMS, tel un petit chien bien dressé par son maître. J’ai essayé de résister, d’aller contre l’évidence. Mais quand ce mec me propose d’aller le rejoindre, voilà, je ne raisonne plus. Je ne suis qu’instinct, sensualité. Ça fait tout juste 24 heures que j’ai couché avec lui mais le fait de recevoir ce SMS m’attire à lui avec une urgence et une nécessité auxquelles je n’ai pas le pouvoir de m’opposer.
Vraiment, je l’ai dans la peau. J’adore son corps, j’adore son odeur, j’adore sa queue, je suis fou de lui.
Non, je ne peux pas résister à son appel. En revanche, je me dis que je profiterai de cette occasion pour lui balancer à la figure tout ce que je ressens. Pour lui dire aussi que sa réaction le matin après le Shangay m’a blessé. Tout comme j’ai été blessé par son refus méprisant d’une galipette le mercredi du bac. Et que je ne peux plus continuer à coucher avec lui sans la moindre tendresse, que ça me fait trop mal d’être mis à la porte juste après, sans un regard, comme un simple plan cul.
Oui, je sais, je m’emballe vite. Je sais pertinemment que quand je le verrai, quand je serai devant lui, confronté au désir violent que ce mec m’inspire, mes idées et mes propos si fermes à cet instant vont se brouiller. Et que son déo va finir par avoir raison de toutes mes résolutions. Mais pour l’heure, j’ai besoin d’arrêter cette décision ferme – décision que je sais pertinemment inapplicable – pour ne pas perdre la face, face à moi-même, pour ne pas trop m’en vouloir d’avoir si vite cédé à son appel.
Dans la rue, je marche vite, et j’ai l’impression de planer. Mon corps est parcouru d’intenses frissons. Putain, je vais retrouver Jérém dans les vestiaires du terrain de rugby. Mais qu’est-ce qu’il a en tête, au juste ?
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