JN01037 Bac, jour 1 : la Philo
Lundi 11 juin 2001, 7h30, devant l’entrée du lycée.
Nous y voilà, nous y sommes. C’est le jour J, le premier jour du bac, le jour du bac philo.
Ce matin, le stress m’a cueilli dès le réveil. Il m’a accompagné sous la douche, il ne m’a pas lâché pendant tous les premiers gestes du quotidien. Tenace, il m’a suivi au petit déjeuner, il m’a harcelé durant tout le trajet à pied vers le lycée.
Cependant, il y a quelque chose que je redoute plus encore que le stress lié au bac, c’est l’idée de retrouver Jérém après ce qui s’est passé ce week-end.
J’ai beau tenter de me rassurer, de me répéter que son changement d’attitude, entre la tendresse de la nuit et l’agressivité du matin, est la conséquence de son malaise vis-à-vis de notre relation, une relation qui le chamboule, lui qui était jusqu’à là tellement installé dans son rôle de mâle à femmes.
J’ai beau essayer de me convaincre que sa tendresse de la nuit est le plus bel aperçu du véritable Jérém, de ce qu’il est au plus profond de lui. Un garçon qui, comme tout un chacun, a besoin de tendresse. Un garçon qui, l’espace d’une nuit, a baissé la garde, a laissé tomber sa carapace.
Il n’en demeure pas moins que ce matin, en marchant vers le lycée, j’appréhende de le retrouver. La distance et la froideur qu’il m’a montrées le dimanche matin m’ont blessé, je me suis senti trahi, humilié. Oui, j’appréhende de croiser son regard, de peur de le retrouver fuyant, distant, hostile, fâché. Ou, pire, indifférent. Ou, pire encore, je redoute de croiser le regard « comme si tout était normal, comme s’il ne s’était rien passé ».
Et pourtant, au-delà de toutes mes craintes, tout ce dont j’ai envie ce matin en arrivant au lycée, c’est de le voir débarquer. Peu importe la couleur du regard, qu’il soit noir, énervé, méchant, qu’il lance des flammes, je m’en contrefiche. J’ai tellement envie de le revoir que j’en ai mal au ventre.
Je redoute son attitude, mais sa présence, elle, m’est indispensable.
Comme toujours, Jérém se fait attendre. Dans la cour du lycée, je guette fébrilement son arrivée.
Et le bogoss apparaît enfin, beau comme ce n’est pas permis, le soleil intense du matin le rendant encore plus beau. Un vrai petit con, toujours à la bourre, toujours à la dernière minute. Et toujours canon.
Il se pointe en baillant, les yeux cachés derrière de grandes lunettes noires, avec sa démarche de mec sûr de lui, bien dans ses baskets.
Ce matin, il porte un t-shirt bleu ciel qui, une fois de plus, a l’air cousu sur mesure sur son torse. Il porte également un short clair qui retombe un peu en dessous de ses genoux, laissant dépasser ses mollets musclés. Et il a chaussé des jolis baskets rouges.
Ses cheveux bruns sont plus courts autour de la nuque, plus longs sur le haut, fixés en une espèce de crête à l’aide d’un gel à l’effet mouillé. Les pattes sont bien taillées, elles descendent le long de ses oreilles droites et fines jusqu’à rejoindre sa petite barbe de trois jours. Il est sexy à pleurer.
Ainsi, dès que le bobrun pointe son nez devant l’entrée du lycée, le bac devient soudainement à mes yeux un sujet d’une importance tout à fait relative.
Jérém s’arrête à proximité d’un attroupement de quatre ou cinq gars de notre classe qui constituent sa « meute du lycée ». Il relève enfin ses lunettes de soleil, il les cale par-dessus ses beaux cheveux bruns.
Jérém fait le tour de ses potes pour leur dire bonjour. Des bonnes poignées de main de mec sont échangées, les torses se frôlent, les joues s’effleurent et claquent des bises. C’est le genre de bise bien virile à laquelle je n’aurai jamais droit de sa part, et que moi non plus je n’oserais jamais lui faire, et surtout pas en public. La bise ne s’échange qu’entre mecs labellisés hétéros, et certainement pas avec un mec comme moi, en odeur de gaytude. Jérém ne risquerait jamais à se compromettre de la sorte en public, et surtout pas depuis que nous couchons ensemble.
Plus je le regarde, plus j’ai l’impression que le bogoss semble avoir la gueule enfarinée. Ce qui laisserait imaginer que sa nuit a dû être trop courte. Est ce qu’il a révisé ? Peu probable. Est-ce qu’il a baisé ? Déjà plus réaliste.
Qu’est-ce que ça me fait chier d’imaginer qu’il a pu baiser une nana quelques heures à peine après notre nuit magique, dans ce lit où il m’a fait l’amour, dans lequel il m’a demandé de rester dormir et où nous nous sommes faits des câlins !
Sa tournée de poignées de main terminée, le bogoss sort son paquet de clopes, il en propose autour de lui, il en glisse une entre ses lèvres, l’allume, il tire une taffe. Puis, alors qu’il expulse la fumée avec une longue expiration, il a ce geste complètement inconscient, mais tellement bienvenu : il ferme les yeux, il lève les bras, il plie les avant-bras, il les ramène vers sa nuque. Le bogoss s’étire. Geste tout à fait naturel, qui a néanmoins des conséquences tout à fait spectaculaires.
La première, celle de faire gonfler ses biceps jusqu’à tendre dangereusement les manchettes de son t-shirt. La deuxième, survenant au fil de la progression de son étirement, celle de faire remonter ledit t-shirt le long de son torse, millimètre après millimètre. Encore un petit effort, et la troisième conséquence se matérialise devant mes yeux : je vois apparaître le chemin de poils qui relie son nombril à son sexe, image à la fois magnifique et infernale, notamment pour mes yeux, qui savent parfaitement à quel endroit de bonheur ce chemin conduit.
Une fois son étirement terminé, Jérém repart, la cigarette au bec, pour un nouveau tour de « bonjours » à quelques autres camarades attroupés un peu plus loin. Il fait la bise à quelques nanas, mais il se garde bien de venir dans ma direction. En fait, il ne me calcule même pas. Les « vrais » mecs avec les « vrais » mecs, les loosers avec les loosers. C’est la première règle du Code des Lycées.
Non, je n’ai droit à rien, pas de bonjour, même pas un regard. Rien qui exprimerait le moindre regret pour son comportement brutal et incompréhensible du dimanche matin. Rien non plus qui laisserait imaginer que cette nuit magique aurait pu représenter quelque chose à ses yeux, et changer quoi que ce soit à notre relation. Son attitude est énervante de normalité, comme si tout allait bien, comme si de rien n’était.
Son attitude est exactement celle que j’avais le plus redoutée, celle « comme si tout était normal, comme s’il ne s’était rien passé ». La plus humiliante qui soit. En fait, ce matin, c’est comme si je n’existais pas pour lui.
Un surveillant nous appelle, c’est l’heure. Quelques minutes plus tard, je me retrouve assis sur une chaise dans la salle d’examens.
Aujourd’hui c’est la philo, je ne me fais pas trop de soucis pour cette épreuve.
J’ai toujours adoré la philo, car je l’ai toujours trouvée passionnante. J’ai toujours cru, ou du moins espéré, que l’étude des grands penseurs m’aiderait à me connaître moi-même.
Dès le premier cours de philo, dès le tout premier philosophe abordé, j’ai été comblé. Je me souviens m’être dit : tiens, c’est lui qui a raison, il a tout pigé. Je m’étais alors promis de tout lire de son œuvre (chose que je n’ai pas fait, évidemment) et de faire miens ses principes que je venais d’adopter en tant que vérité absolue et immuable. Car j’avais l’impression d’avoir trouvé mon tuteur spirituel capable de donner un équilibre durable à ma vie toute entière.
Hélas, ma certitude était destinée à être mise à mal tout juste quelques jours plus tard, lorsque nous avions abordé un nouveau penseur, avec des idées très différentes du précédent, et lorsqu’à nouveau je m’étais surpris à trouver sa pensée tout à fait à mon goût. Ainsi pour le suivant et le suivant encore.
Puis, un jour, alors qu’un camarade faisait remarquer pendant un cours qu’il y avait autant de pensées que de penseurs, la prof nous avait expliqué que tous ces hommes avaient chacun leur point de vue sur la vie, un point de vue façonné par leurs expériences et leurs références culturelles. Elle nous avait expliqué que dans la vie, il n’y a pas de vérité absolue, juste différentes façons d’appréhender les choses, différents points de vue. Et que le plus important, dans la pensée, c’est l’ouverture d’esprit, le respect de soi et de l’autre, l’honnêteté. Et un bon paquet de tchatche pour étayer ce que l’on veut défendre.
Dès que l’on intègre cela, la disserte de philo est dans la poche. Pour peu qu’on lise l’intitulé, qu’on surveille l’ortho, et qu’on sache trouver un argument pour, un autre contre et faire la synthèse des deux, le bac philo est inratable. Un pur exercice de style.
A condition, bien entendu, de disposer d’un minimum de calme et de concentration pour écrire des phrases avec un semblant de cohérence. Hélas, j’ai l’intuition que ce matin je ne vais disposer ni de l’un, ni de l’autre.
En effet, Jérém est assis à juste devant moi, à peine un peu décalé. Ce qui fait que, sans même avoir besoin de tourner la tête, sa plastique et son tatouage de mec sont pleinement dans mon champ de vision.
Putain de mec ! Même côté verso, ce petit t-shirt bleu ciel est insupportablement sexy ! Car il moule scandaleusement ses biceps, il épouse à la perfection les lignes de son dos puissant et musclé, il souligne la chute magnifique de ses épaules. Ledit t-shirt est également d’une longueur tout juste parfaite pour remonter sur ses riens dès que le bogoss se penche légèrement en avant, dévoilant ainsi l’élastique noir du boxer, laissant apercevoir un bout de peau mate en bas de son dos.
Il est tout juste 8h00 et il fait déjà chaud. Heureusement, une légère brise rentre par les fenêtres ouvertes, caresse la peau de mon visage, de mon cou, de mes bras.
Soudain, je réalise que, ça y est, c’est le bac. Cette simple prise de conscience suffit à provoquer en moi une brûlante sensation de déchirure. Dans une semaine, tout sera fini. Alors, autant profiter des derniers instants où je peux mater mon bobrun.
Ainsi, pendant que le surveillant donne les consignes pour le bon déroulement de l’épreuve, je ne peux détacher mes yeux de lui.
Mais Jérém est ailleurs, le regard dans le vide, les paupières lourdes, la gueule du mec qui manque sérieusement de sommeil. Je paierais cher pour savoir ce qu’il a fait cette nuit, avec qui il l’a passée. Mais peut-être qu’il vaut mieux que je ne le sache pas…
Quoi qu’il en soit, je ne peux arrêter de le mater. Dès que j’essaie de regarder ailleurs, mes yeux reviennent aussitôt vers lui, comme attirés par un aimant, comme rappelés par un ressort invisible.
Ainsi, à la première occasion où le bogoss tourne la tête dans ma direction, nos regards se croisent. Son regard brun percute le mien comme un uppercut, il m’éblouit avec la puissance de l’éclair.
Et alors que cet instant me paraît se dilater à l’infini, le bogoss me fixe sans l’ombre d’un sourire, sans le moindre soupçon d’émotion. Quoi lire dans ce regard intense, intimidant, insoutenable ?
Au bout d’un moment, mon malaise se fait palpable, je baisse les yeux, comme assommé.
Pourtant, une poignée de secondes plus tard, mes yeux s’ennuient déjà de celui qui est l’objet de leur plaisir le plus grand. Alors j’y reviens, je cherche discrètement sa silhouette du coin de l’œil, tout en prenant soin d’éviter de prendre son regard de plein fouet.
C’est là que je me rends compte que Jérém est en train de me mater à son tour. En fait, il n’est pas seulement en train de me mater. Non, il est carrément en train de me défoncer avec ce regard canaille que je lui connais que trop bien. Un regard accompagné d’un petit sourire narquois, charmeur, effronté, insolent, craquant au plus haut point.
Soudain, j’ai du mal à respirer. Son regard, son sourire, son attitude me vrillent les tripes. Mais à quoi il joue ce petit con ?Me faire l’amour, me jeter, me chauffer ? C’est quoi ce jeu de souffler le chaud et le froid ?
Mais le bogoss n’en a pas fini de me chercher, de me retourner comme une crêpe. Un instant plus tard, il fronce légèrement les sourcils, il donne un peu plus d’éclat encore à son sourire de malade, et il m’achève en me balançant un putain de clin d’œil qui manque de peu de me faire tomber à la renverse sur ma chaise. Et qui me fait oublier tout mon malaise.
Un instant plus tôt, je me demandais comment il pouvait avoir le culot de me faire du charme alors que 24 heures auparavant, il m’avait foutu à la porte comme un malpropre. Et là, devant ce sourire et ce clin d’œil incendiaires, je me sens perdre pied. Oui, avec ce sourire et ce clin d’œil, ce mec peut faire de moi tout ce qu’il veut. Son pouvoir sur moi est illimité.
Pourquoi fait-il ça ? Pourquoi le fait-il maintenant ? Est-ce qu’il se rend compte qu’avec ce regard et ce clin d’œil il me met direct dans un état d’excitation indescriptible? Est-ce qu’il s’imagine à quel point son regard me renvoie à la sensation de sa queue envahissant ma bouche, à ses giclées percutant mon palais, à tous ces coups de bélier pendant nos baises ?
Non, je ne crois pas qu’il s’en rende bien compte.
Ou alors si, il s’en rend parfaitement compte, et il fait exprès de m’allumer. Mais pourquoi donc fait-il ça ? Et, surtout, est-ce vraiment le bon moment de jouer avec mes nerfs et mes sentiments ?
Enivré par son sourire brun à craquer, je sens la trique monter rapidement dans mon bas ventre. Comment vais-je pouvoir me concentrer sur le sujet du bac dans cet état?
Une fois, deux fois, dix fois, cent fois j’essaie de détourner mon regard de lui. Et à chaque fois, je n’y arrive que pendant quelques secondes, de longs instants pendant lesquels je suis comme en apnée visuelle. Car rien n’intéresse mes yeux, à part sa présence.
Alors, très vite, je replonge, je laisse mon regard dériver dans sa direction. Et là je me rends compte que le bogoss me regarde toujours, comme s’il savourait le désir et le trouble qu’il sait si bien m’inspirer.
Je déteste qu’il ait autant de pouvoir sur moi et en même temps j’adore ce jeu, cette complicité entre nous. Un jeu dont il a la main depuis le début. Et dont il tient tous les atouts. Tous ou presque. Car, à bien réfléchir, j’ai dans mes mains une carte capable de mettre à mal tout son petit jeu. Cette carte, c’est la mutinerie. Et si j’essayais de lui résister ? De faire comme si ses regards ne me faisaient ni chaud ni froid ?
Soudain, je trouve bien excitante l’idée de le provoquer et de voir sa réaction.
Le regard du bogoss harponne le mien, je suis la cible d’une rafale de flèches de charme et de sexytude incessante. Mais au lieu de me montrer impressionné (même si c’est le cas, car en réalité je suis complètement sous le charme), au lieu de baisser mes yeux, je soutiens son regard, comme si son attitude de petit macho ne m’atteignait pas le moins du monde.
Et curieusement, dès que j’ai l’idée de le faire, cela me semble simple et évident. D’autant plus que cela va se passer dans une situation insolite, une situation où nous ne sommes pas seul à seul et où il n’a pas vraiment de prise sur moi, autrement que par le regard.
Dans cette situation, sa voix et son attitude corporelle, sa nudité, l’exhibition de sa virilité, si efficaces pour installer sur moi le harnais de sa domination masculine, ne peuvent pas lui venir en aide.
Alors, je profite de la situation, et de l’occasion. Je continue à soutenir son regard de braise. Je suis ivre de ce contact qui fait accélérer mon cœur à tout rompre. Dans mon for intérieur, ça chauffe sérieusement, mais je tiens bon. Je prends une inspiration profonde, et je lâche un petit sourire, un sourire que je voudrais aussi insolent que le sien.
Ce n’est que lorsque le chrono de l’épreuve est lancé que Jérém coupe enfin le contact de nos regards. J’ai réussi, j’ai tenu son regard jusqu’au bout. Je me sens rassuré.
Autour de moi, tout le monde est en train de gratter du papier. Allez, trêve de bêtises, il est aussi temps pour moi de me mettre au boulot.
Je me penche sur ma feuille, je lis le sujet, je tente de me concentrer. Je n’y arrive pas. Je relis le sujet encore et encore, rien de cohérent ne semble vouloir prendre forme dans mon esprit. L’heure tourne et je n’arrive pas à enchaîner deux phrases logiquement, alors que ma feuille se couvre de ratures. Heureusement que je m’étais dit que le bac philo n’allait pas poser de problèmes !
Lorsque mon regard finit par dériver une nouvelle fois en direction de Jérém, je me rends compte que le bogoss a glissé sa main sous le t-shirt et qu’il est en train de caresser ses abdos avec des gestes lents et répétés. Un geste que je trouve tout particulièrement excitant, alors que je connais si bien le frisson que la caresse sur ce bas-relief de muscles peut provoquer.
Mon regard est aimanté par les poils courts et fins de ses bras, ces poils que je sais être si doux, et que j’ai soudainement très envie de caresser.
Un instant plus tard, le bomâle tourne à nouveau la tête dans ma direction et vient planter ses yeux bruns dans les miens. Il fait chaud dans la classe et son regard à lui est chaud aussi, chaud bouillant. Je ne sais pas lequel des deux, le soleil chaud ou son regard brûlant est le principal responsable de ma transpiration soudaine.
Jérém transpire lui aussi. Dans le V de son t-shirt, sa peau est moite. Je me prends à imaginer à quel point ce t-shirt doit commencer à sentir bon. Quant à son boxer, je n’ose même pas y penser.
Le bogoss détourne brusquement le regard, il jette le stylo sur sa copie, il allonge les jambes, il croise ses pieds, il pose lourdement les bras et les mains sur la table, le dos appuyé au dossier de sa chaise, le bassin vers l’avant laissant bailler le short et dépasser l’élastique du boxer.
Il reste ainsi, immobile, pendant un bon petit moment, prenant de longues inspirations, poussant des expirations lentes, profondes. Son t-shirt se soulève sous l’effet du mouvement régulier et ample de sa respiration.
Pendant sa petite pause, le bogoss mâche du chewing-gum. Les mouvements de sa mâchoire ont un je-ne-sais-quoi de bien viril, de bien masculin.
Puis, avec une nonchalance absolue, il décroise les jambes, il se laisse glisser encore un peu plus en avant sur la chaise. Il se retrouve ainsi en position « avachie », les plantes de pieds bien posées sur le sol, les jambes légèrement écartées, la bosse du short bien en évidence, les bras repliés et les mains croisées derrière la nuque, dans l’attitude que j’appelle : « qu’est-ce que tu attends pour venir me sucer ? ».
Une position du corps, une attitude qui me renvoient direct à notre incroyable, dernière semaine de « révisions ». Je n’ai même pas besoin de fermer les yeux pour revoir Jérém affalé sur le canapé de son studio en attendant que je vienne le sucer.
Mon cœur bat toujours sur un rythme disco. Pourtant, à un moment, j’ai l’impression qu’il va s’arrêter de battre. C’est lorsque je vois le surveillant arriver face à moi et approcher à grands pas.
Dans un retour à la réalité un peu brusque, je me dis qu’il a dû remarquer notre petit jeu à Jérém et à moi, et qu’il doit croire qu’on est en train de tricher.
Je me plonge tête baissée dans ma copie, je commence à écrire, à écrire à peu près n’importe quoi. Mais contre toute attente, le surveillant passe à côté de moi sans s’arrêter, sans rien dire, sans même me regarder.
Je reprends aussitôt ma respiration et je retourne fixer mon Soleil Brun. Tiens, Jérém a vraiment l’air de s’être mis au travail. Le buste légèrement penché en avant, sa chaînette de mec qui pendouille à l’aplomb, c’est sexy à mourir. J’adore le regarder en train de rédiger sa copie. Ses gestes d’écriture sont très lourds et pas très aisés. Et, pourtant, très touchants.
Plus je le regarde, plus j’ai l’impression que sa personne toute entière semble dégager un je-ne-sais-quoi de fébrile. Son genou ne cesse de sautiller, sa pomme d’Adam s’agite nerveusement, le petit grain de beauté dans le creux de son cou semble frémir.
Plus je le regarde, plus je me dis que le mec a envie de tout sauf d’être assis sur cette chaise. Une impression qui se mue en certitude lorsque son regard brun et coquin cherche et harponne le mien : c’est là que je réalise que mon Jérém a juste envie de se faire sucer. De se faire sucer par moi.
A nouveau, une brise légère rentre par la fenêtre et caresse ma peau. Elle passe à travers les fibres de mon t-shirt, effleure mes tétons. Et à l’instar d’un coup de soufflet qui viendrait raviver une braise déjà bien rouge, elle vient embraser mon excitation.
Jérém, quant à lui, a vraiment l’air de ne plus tenir en place. Ça fait désormais presqu’une heure que je ne cesse de le chercher et de le chauffer.
Je suis à la fois excité et rassuré. Les raisons de mon excitations sont évidentes, la proximité de mon bobrun et de ses envies. Si je me sens rassuré, c’est parce que je suis à peu près certain qu’après la fin de l’exam il va se passer un truc. Jérém est trop excité, il ne va pas me laisser partir comme ça.
Je commence à fantasmer, j’essaie d’imaginer ce qu’il va me faire lorsqu’il va pouvoir enfoncer sa queue en moi. Où est-ce qu’il voudra la fourrer en premier, dans ma bouche, dans mon cul? De quelle pipe aura-t-il envie ? Est ce qu’il se laissera sucer, se contentant de prendre son pied, tout en me traitant de tous les noms ? Ou alors, est-ce qu’il me baisera sauvagement la bouche, ma tête coincée entre le mur et son bassin ?
Et alors que je pars très loin dans mes fantasmes, devant mes yeux c’est le bonheur absolu. Jérém me lance un petit regard en biais et s’étire à nouveau. Il lève les bras, il plie les avant-bras, il ramène son buste vers l’arrière et les poings vers sa tête. Ses pecs se bombent, ses biceps gonflent, gonflent, gonflent. Le t-shirt remonte une nouvelle fois, son chemin de poils se dévoile millimètre après millimètre, sur fond de peau douce et ferme de ses abdos, jusqu’à la lisière du nombril. Ça me rend diiiiingue !!!
L’étirement terminé, le bogoss me toise, avec un regard rempli d’une sorte d’envie animale, comme un lion prêt à bondir.
Image délicieuse et furtive, le bout de sa langue glisse entre ses lèvres. Ça ne dure qu’une fraction de seconde, elle disparaît aussi vite qu’elle est apparue. Je ne suis même pas sûr que mon beau Jérém ait eu conscience de ce petit mouvement, pourtant chargé à mes yeux d’un érotisme bouillant.
Mon cœur s’emballe, mes mains sont moites, je transpire. Je suis tellement hors de moi que j’ai peur qu’on puisse lire mon état d’esprit sur mon visage.
Soudain, je réalise qu’il est déjà onze heures, et qu’il ne reste plus qu’une heure pour boucler la disserte. Je relis mes deux pages et je me rends compte que je ne comprends même pas ce que je viens d’écrire. C’est confus, brouillon, c’est un torchon sans nom. Définitivement, je n’ai vraiment pas la tête au sujet du bac philo.
Découragé par mon travail, je laisse une fois de plus mon regard dériver vers cette bombasse de Jérém. Ça me fait tellement de bien de m’enivrer de sa présence. Tout, chez lui, est sexy : la position de ses jambes (légèrement écartées), de ses pieds (bien plantés sur le sol), de son bassin (largement avancé sur la chaise), sa façon de pencher le dos, de poser l’avant-bras sur le banc, d’incliner sa tête, de laisser sa chaînette pendouiller au-dessous de la copie, jusqu’à sa façon de tenir le stylo.
Oui, c’est incroyable à quel point, même pendant qu’il rédige simplement une copie, sa présence et ses attitudes dégagent un truc scandaleusement sexy.
Une nouvelle fois, je me laisse happer par la contemplation de ce bonheur visuel insoutenable qu’est mon Jérém. Je me laisse happer au point même de ne plus me rendre compte de ce qui se passe autour de moi.
C’est ainsi qu’à un moment je suis brusquement surpris par une présence qui se tient devant moi. Je ne l’ai pas entendu arriver, car il s’est approché par derrière, sans faire de bruit, comme un chat.
Un instant plus tard, le surveillant se penche vers moi, les deux mains posées juste devant ma copie.
En le voyant de si près, je me rends compte qu’il doit avoir tout juste la trentaine, un âge qui à cette époque me le fait classer parmi les « mecs mûrs ». Je trouve cependant un certain charme à son look de petit brun intello à lunettes.
Le gars me fait face et me regarde fixement dans les yeux. Puis, il me balance :
« Je vous rappelle qu’il vous reste moins d’une heure pour finir. Regardez donc votre copie au lieu de chercher votre camarade… ».
Je sens mon visage passer par toutes les couleurs, je sens ma peau commencer à bouillir, j’ai envie de creuser un trou dans le sol et de m’y enterrer à tout jamais.
Les mots du surveillant ont le même effet sur moi qu’un coup de poing dans le ventre. Je n’arrive pas à articuler le moindre son, ma gorge est comme paralysée. Je le regarde se décoller de ma table et s’éloigner, comme au ralenti. Et comme bande son, les coups de massue que mon cœur envoie dans ma casse thoracique.
Je passe toute la dernière heure à essayer de me remettre de la honte de m’être fait gauler en train de mater Jérém, et à me demander si mon bobrun s’est rendu compte de ce petit « incident » ou si quelqu’un parmi les camarades a capté quelque chose. Et, par-dessus tout, à essayer de résister à la tentation de mater à nouveau mon Soleil Brun.
Enfin, j’essaie de mettre à profit cette dernière heure pour gratter quelques lignes de plus à mon texte, pour essayer de lui donner une forme et un fond à peu près potables.
Peine perdue. Lorsque je repense à mes espoirs pour le bac philo et que je les compare avec le résultat de ma copie, j’ai l’impression d’être parti avec l’ambition de faire une omelette aux truffes et de me retrouver avec des œufs brouillés collés au fond de la poêle. Il ne faut jamais se laisser distraire pendant que l’on cuisine.
La fin de l’épreuve vient de sonner, le surveillant nous invite à rendre nos copies. Pendant que je fais la queue pour déposer ma copie sur le bureau, je croise une nouvelle fois le regard de Jérém, un regard chargé de testostérone, d’envies de jeune mâle.
Je suis on ne peut plus impatient de savoir ce dont il a envie, ce qu’il me réserve à la sortie de l’épreuve. J’espère seulement que ce sera le cas…
Ma copie rendue, je ramasse mes affaires et je me dirige vers la porte. Ça bouchonne un peu à la sortie, ce qui me laisse le temps de réaliser que Jérém est juste derrière moi. Il est même tellement proche que je sens son souffle sur mon cou, chaud comme la braise, chaud comme pendant la baise. Tellement proche, que je capte distinctement le parfum de son déo, mélangé à une petite odeur de transpiration. Tellement proche, que ses lèvres arrivent à glisser discrètement à mon oreille :
« On révise chez moi, maintenant… ».
Je frissonne, je vibre je chavire. J’avais espéré qu’il le fasse, sans pourtant oser espérer que cela arrive vraiment ; je commençais à craindre que cela n’arrive pas, et j’aurais vraiment été déçu que ça ne se passe pas de cette façon.
Putain de mec, capable de me faire sentir complètement à lui, rien qu’avec cette voix basse, tendue par l’excitation, avec ce ton autoritaire qui n’admet aucune autre option que l’obéissance.
Peut-être que je ne pourrais jamais lui donner envie de me faire des câlins ou de m’aimer, mais qu’est-ce que c’est bon, en attendant, de savoir que je peux lui donner envie de me sauter.
« On révise chez moi, maintenant… ». Ses mots résonnent dans ma tête comme un écho viril sans fin, ils me rendent dingue. J’ai une gaule d’enfer.
Je suis impatient de quitter le lycée, d’arriver à son appart rue de la Colombette, de me retrouver seul avec lui, de m’offrir à lui sans limites. Je peste contre ce bouchon humain qui s’agglutine autour de la porte de la salle et qui retarde mon plaisir, son plaisir, notre plaisir.
Dans le grand couloir, j’avance à grands pas, je double mes camarades comme si j’étais très pressé. Je ne quitte pas mon Jérém du coin de l’œil. Le bogoss me suit, comme un lion piste sa proie.
Dans la cour, le soleil de midi du mois de juin m’éblouit. C’est là que sa main se pose lourdement sur mon épaule, la saisit fermement, m’obligeant à m’arrêter net. « T’as un train à prendre à Matabiau ? » il se moque de moi, tout en glissant une clope entre ses lèvres.
Mon Jérém est là. Son regard excité, sa voix, sa présence m’étourdissent. J’oublie tout, son comportement à la con de dimanche matin, ma provoc’ à deux balles pendant le bac philo, je suis à lui, inconditionnellement à lui.
Le bogoss cache son regard brûlant derrière ses lunettes noires et il me dépasse, il trace avec sa démarche insolente de jeune mec qui ne doute de rien. Il sait que je vais le suivre. Son assurance me rend dingue. Et la traînée de déo de mec qu’il laisse sur son passage m’envoie en orbite.
Jérém ne se trompe pas, je lui emboîte le pas. Ce qui me permet de contempler une fois de plus sa « face B », une face faite d’oreilles sexy, de brushing de bogoss, de cou puissant, d’épaules larges, de dos en V, de quelques mailles de sa chaînette qui dépassent du col du t-shirt, d’un tatouage à la lisière de la manchette gauche, et d’une paire de fesses à se damner.
Je me demande toujours si Jérém a capté que je me suis fait gauler par le surveillant. Mais je me dis que si c’était le cas, il ne serait pas venu me chercher pour « réviser ». Et pourtant, ce questionnement ne cesse de me titiller l’esprit. Je voudrais lui poser la question, mais je n’ose pas, de peur de le contrarier. Dans le doute, je m’abstiens. Ce serait con de gâcher le bon moment qui se profile avec une discussion somme toutes sans importance.
A cette heure, en cette belle journée du mois de juin, les terrasses des cafés et restaurants entre la Daurade et Capitole débordent de Toulousains en train de déjeuner paisiblement. Mais en même temps, on dirait que partout dans la ville ça commence à sentir les vacances, l’envie de s’évader, de prendre du bon temps, de faire l’amour.
Jamais je n’ai eu autant envie de Jérém, envie à en pleurer, et aussi envie de pleurer, au sens propre, à l’idée de vivre les derniers instants avec lui.
Mon bobrun s’arrête devant une sandwicherie et demande un je-ne-sais-quoi à emporter. Le bel étalon a faim. Moi aussi j’ai faim, et je me dis que je vais prendre un sandwich moi aussi.
Mais une surprise de taille m’attend. La vendeuse pose deux paninis bien chauds sur le comptoir, Jérém les attrape et il m’en tend un. C’est trop adorable. Je vais craquer, je vais pleurer.
« Merci, Jérém… ».
Mais le bogoss ne répond pas, il trace sa route. Il marche vite devant moi, en attaquant frontalement son sandwich, à grands coups de bonnes bouchées de mec. Là encore, je trouve ses gestes – sa façon de tenir le sandwich, de mordre dedans, de mâcher – d’une sexytude masculine à me rendre dingue.
Place du Capitole, le soleil tape lourdement sur les façades qui bordent le grand espace carré. L’intense lumière du midi extrait des briques tout l’éclat rose-orange qui fait la renommée de la ville.
L’espace circulaire de la place Wilson est, lui aussi, plutôt animé. Toulouse au mois de juin, c’est une ville pleine de vie, c’est une ambiance qui me renvoie à la couleur chaude et plaisante des vacances, des plages, des maillots de bain, d’une caresse du vent face à la mer.
C’est bon d’être amoureux à 18 ans, de l’être au printemps, de l’être à Toulouse, de l’être d’un gars comme Jérém.
Toulouse, au mois de juin, c’est une ville qui a un petit air de « Dolce Vita ».
We’re walking like in a Dolce Vita/Nous marchons comme dans une douce vie
Le bobrun avance, fonce vers son studio sans m’accorder le moindre regard. Et moi, je marche dans ses pas comme entraîné par une laisse invisible, un lien solide fait de désir à l’état pur.
La Rue de la Colombette défile à toute vitesse sous nos pas pressés, jusqu’à la porte d’entrée de son immeuble, ouverte à cette heure-ci.
Je monte les escaliers derrière lui, envoûté par la traînée de son déo. Je ne sais même pas comment je résiste à la tentation de me jeter sur lui, de lui arracher le short et le boxer et de fourrer ma langue dans son trou.
Nous passons la porte du studio, il la referme derrière nous. Je suis seul avec lui.
Putain de Jérém !
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