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  • JN0211 « Viens voir, je te dis… ».

    JN0211 « Viens voir, je te dis… ».

    « Les grandes transformations se font à petits pas. Pose une pierre chaque jour, n’abandonne jamais ta construction, et l’édifice grandira. Combats le doute et la paresse. Tiens constamment ton esprit en éveil. Observe, comprends et aime. » Dugpa Rimpoché

    Campan, le dimanche 09 septembre 2001, suite de la balade à cheval.

    Mon repos est de courte durée, une caresse légère sur le dos de ma main m’oblige à rouvrir les yeux. La première image qui se présente à moi, c’est le visage de Jérém, illuminé d’un petit sourire coquin.

    « Viens voir » il lâche discrètement.

    « Qu’est-ce qui se passe ? ».

    « Viens voir, je te dis ».

    Je me lève, tout aussi discrètement. Le bogoss me devance. Je le suis, intrigué. Au bout de quelques pas, lorsque nous sommes hors de la vue des cavaliers, Jérém m’attrape la main, adorable.

    Jérém continue d’avancer à grands pas, nous rentrons dans la forêt.

    « On va où ? ».

    « On y est presque ».

    « Oui, mais on va où ? ».

    « Je vais te montrer un truc ».

    Le bogoss finit par s’arrêter devant une paroi rocheuse abritée par une épaisse végétation.

    « Nous y voilà » fait-il, l’air fier de lui.

    « Alors, tu veux me montrer quoi ? ».

    Et là, pour toute réponse, le bogoss me plaque contre la paroi, il colle son torse contre mon torse, son bassin contre le mien et m’embrasse à pleine bouche, à pleine langue. La chaleur et la raideur de sa queue traversent le quadruple tissu de nos boxers et de nos pantalons de cheval et me fait bander sur le champ.

    « J’ai envie de toi » il me chuchote à l’oreille, tout en la mordillant, très sensuellement.

    « Ici ? Maintenant ? ».

    « Ici et maintenant ».

    « T’es sûr ? »

    « Ouais, grave ».

    « T’as pas peur qu’on se fasse gauler ? ».

    « Personne va venir nous chercher ici, de toute façon, ils sont tous en train de roupiller ».

    Le bobrun défait ma braguette, se met à genoux devant moi, il sort doucement ma queue de mon boxer, il la prend dans la bouche et il commence à me sucer. Ses deux mains glissent sous mon t-shirt pour aller exciter mes tétons avec des caresses avisées, je tremble de plaisir. La chaleur douce et humide de sa bouche me fait frémir, les va-et-vient de ses lèvres, les caresses de sa langue me font frissonner. Et ses cheveux bruns qui effleurent mon bas ventre au gré de ses mouvements alternés me font délirer.

    Jérém semble prendre de plus en plus de plaisir à me faire des gâteries. Et c’est certainement parce qu’il prend du plaisir, qu’il fait ça de mieux en mieux. Quand je pense que lors de notre première révision, il ne m’avait même pas touché, mis à part avec sa queue : on en a fait, du chemin, depuis.

    Alors, quand je regarde ses beaux cheveux onduler au gré de ses va-et-vient, quand je vois ma queue disparaître entre ses lèvres, j’ai encore du mal à réaliser que tout cela est bien réel. Et pourtant, ça l’est. Incroyable, et pourtant réel. Réel et terriblement bon. Si bon, mais aussi un brin déroutant.

    Depuis que j’ai eu envie de Jérém – ça fait trois ans, trois ans parsemés d’innombrables branlettes, et d’une infinité d’idées lubriques avant notre première « révision » – et encore plus depuis que j’ai découvert sa virilité, à chaque fois que j’ai pensé et que je pense à ce dont j’ai envie avec lui, mon désir, mon instinct premier ont toujours été d’offrir à mon bobrun un plaisir de mec actif. De m’offrir à lui comme on s’offre à un mâle qui n’aurait que des envies de mâle.

    Sa virilité me fascine, son plaisir de mec me fascine, et j’aime l’idée d’être celui qui lui donne ce plaisir.

    Aussi loin que je me souvienne, j’ai depuis toujours eu des fantasmes de passif. Et ce « jeu de rôles » qui a régi nos « révisions » jusqu’à il y a peu – lui exclusivement actif, moi exclusivement passif – a assouvi ces fantasmes au-delà de mes espoirs les plus fous.

    Et, en même temps, ça a façonné ma sexualité, une sexualité qui s’est construite autour de la célébration d’une virilité, la sienne, qui m’ensorcèle. Son plaisir à lui est devenu mon plaisir à moi. Son orgasme a souvent déclenché mon propre orgasme. Pendant des mois, je n’ai rien connu d’autre que ça avec lui. J’aimais tellement m’occuper de sa virilité que ça n’avait aucune importance que la mienne soit oubliée, presque effacée : bien des fois, j’ai pris tellement de plaisir à me faire secouer par mon bomâle que je n’ai même pas eu besoin de jouir pour être sexuellement comblé.

    Mais, depuis peu, cela a un peu changé. Jérém a voulu essayer autre chose. Et, par ricochet, me faire découvrir autre chose. Depuis qu’il me prend dans sa bouche, je découvre de nouvelles envies : de me faire sucer jusqu’au jus, de jouir dans sa bouche. Lorsque Jérém me suce, il me donne des envies d’actif, des envies qui effacent – ou qui perturbent – mes envies de passif. Lorsque Jérém me suce, l’envie de jouir comme un mec actif me ferait presque oublier à quel point sa virilité me rend dingue.

    Au fil de nos « révisions », j’ai fini par croire que je ne serais jamais que passif, à fortiori avec un mâle aussi dominant que Jérém. Cette conviction était l’un des fondements sur lesquels se basait le plaisir que je prenais avec lui.

    Maintenant, le fait de découvrir que je peux prendre mon plaisir autrement, et même avec un mec comme Jérém, ébranle ce fondement de ma sexualité, et me fait poser bien des questions. Peut-on être actif et passif avec le même mec, et à tour de rôle ? Le fait de découvrir dans ma chair le plaisir de l’actif, n’abimerait pas la perfection de mon plaisir de passif, perfection qui résidait justement dans le fait de « m’interdire » ou « de me laisser interdire » de jouer un autre rôle que celui de passif, et de ne pas connaître cette autre facette de la jouissance masculine ?

    En attendant, lorsque Jérém me suce, quand il me laisse « prendre sa place », j’ai envie de faire comme lui : parfois j’ai envie d’envoyer des coups de reins, comme il sait si bien le faire. J’hésite, de peur que cela ne soit trop pour lui. Différents plaisirs génèrent différentes attitudes, différents besoins, différents ressentis.

    Mais aujourd’hui, peut-être à cause de la situation – inédite, à peine croyable, osée au plus haut point – j’ai trop envie d’essayer un truc. La peur de nous faire gauler aurait pu couper tous mes moyens. Au contraire, force est de constater qu’elle a quelque chose de terriblement excitant. Et cela me donne des ailes. Alors, aujourd’hui, j’ose. J’ose glisser une main derrière sa nuque, j’ose faire onduler légèrement mon bassin, j’ose envoyer quelques timides coups de reins. Presque instantanément, Jérém lève ses yeux, il plante son regard dans le mien. Et c’est un regard à la fois surpris et intrigué.

    Surpris à mon tour, j’arrête mes coups de reins et j’éloigne ma main de sa nuque. Et là, sans quitter ma queue, Jérém recule un peu, jusqu’à ce que sa tête se retrouve en appui contre la paroi rocheuse. Ses deux mains agrippent fermement mes fesses, attirent mon bassin vers son visage. Le bogoss avale à nouveau ma queue. Ses mains attrapent mes hanches, leur imprimant un mouvement de va-et-vient assez puissant. Encouragés par ses gestes, mes coups de reins suivent la cadence.

    Ses mains, leurs gestes, leur impatience, semblent demander de plus en plus de puissance à mes va-et-vient, de plus en plus d’intensité. En fait, ses mains semblent demander à mon bassin d’envoyer la même puissance que le sien a parfois envoyé dans ma bouche. Je n’ai pas de mal à me laisser entraîner dans cette escalade d’excitation, de frénésie sexuelle, d’animalité assumée.

    Sa tête est coincée entre la paroi et mon bassin, mes mains sont appuyées contre la paroi rocheuse, ma queue est en train de coulisser entre ses lèvres. Cela n’est pas sans me rappeler certains moments très chauds dans l’appart de la rue de la Colombette, mais avec les rôles inversés. Notamment notre première « révision ». C’est là que je me rends compte à quel point ce que je suis en train de vivre paraît irréel. Non seulement le plus beau mec de la Terre est en train de me sucer, mais il accepte, il demande, il m’incite pour que je lui baise la bouche.

    Alors, j’y vais franco, car le bogoss semble en demander toujours plus, toujours plus fort, toujours plus rapide. J’y vais tellement franco que je sens très vite mon orgasme approcher. Dès lors, je n’ai plus qu’une envie, celle de jouir, et de jouir dans sa bouche. Je suis tellement excité, tellement proche de perdre pied, que je suis à deux doigts de lui balancer : « Je vais jouir, vas-y, avale ».

    Puis tout s’arrête d’un coup, lorsque ses mains repoussent soudainement mon bassin. Mon bobrun reprend sa respiration, une respiration bruyante comme s’il avait été en apnée (je connais très bien cette sensation, le bonheur de s’étouffer avec la queue d’un mec à qui on a envie de faire plaisir).

    Quelques instants plus tard, Jérém est debout, en train d’ouvrir la braguette de son pantalon d’équitation. Il en sort sa queue bien tendue, le gland déjà luisant de ce liquide qui, parfois, marque l’excitation d’un garçon. Il a dû kiffer un max ce qu’on vient de faire, pour que cela se produise.

    Et alors que je suis happé par cette braguette ouverte d’où dépasse sa queue, belle, tendue, frémissante, je suis définitivement assommé par son geste, celui de relever le t-shirt sans manches et de le coincer derrière le cou, découvrant ainsi son mur d’abdos et son relief de pecs, ce dernier recouvert d’une douce pilosité qui me rend dingue.

    Un instant plus tôt j’étais sur le point de jouir dans sa bouche, me demandant si je n’étais pas en train de devenir actif pour de bon. Mais un instant plus tard, dès que je me retrouve à genoux devant lui, devant cette attitude de mec qui a très envie de se faire sucer, dès que sa queue tendue et chaude envahit ma bouche, dès que le petit goût délicieux de son gland humide fait pétiller mes papilles : voilà, je retrouve intact tout mon instinct de mec passif.

    Ainsi, il suffit d’un geste, d’une attitude, d’une image, d’une position, pour que mes envies changent de polarité, pour que je retrouve mes repères de mec qui aime faire plaisir à un mec actif.

    Alors, je le suce. Je le pompe dans le seul but de le faire jouir le plus vite possible, le plus fort possible. Je connais par cœur les endroits à titiller pour lui faire vraiment plaisir, alors, je ne m’en prive pas. D’autant plus que ses doigts ne cessent de jouer avec mes tétons, décuplant ainsi mon instinct retrouvé de le faire jouir comme un fou.

    Les parfums entêtants de sa peau, du gel douche, du déo, ainsi que les délicieuses petites odeurs de sa virilité se mélangent avec les odeurs que nos chevaux ont laissées sur nos vêtements, avec les odeurs de terre, de végétation, de nature. Mélange délicieux, celui entre la sexualité de mon bobrun et cet environnement montagnard si naturel et authentique.

    Je le suce de plus en plus fort et le bogoss halète de plaisir : c’est une douce musique pour mes oreilles. J’ai vraiment envie de goûter à son sperme. Mais une fois encore le bobrun a d’autres projets en tête.

    D’abord, il ôte son t-shirt, il l’accroche à une branche basse. La vision de son torse nu m’assomme. Puis, il me fait relever d’un coup, il me fait retourner, il me plaque face contre la paroi. Je me retrouve le dos plié à 45 degrés, mon front pressé sur mes avant-bras pliés l’un sur l’autre.

    Les bras de Jérém contournent mes hanches, ses mains défont ma braguette. Le bogoss descend mon pantalon de cheval jusqu’à mi-cuisse, et mon boxer avec. Je me retrouve les fesses en l’air, en pleine nature, à quelques dizaines de mètres du bivouac où une quinzaine de personnes sont en train de faire la sieste.

    Je l’entends cracher dans sa main, je ressens le contact de ses doigts étalant la salive à l’entrée de mon trou. Je frémis. Je tique un peu, mais je me laisse faire. Le désir est trop fort. Je lâche prise, j’accepte de perdre le contrôle face à sa fougue de mâle en rut.

    « J’ai envie de toi » je lui chuchote, comme dans un état second, alors que mon envie vient une fois de plus d’entrer en résonance avec la sienne. Oui, quelle que soit l’envie de mon bobrun, elle devient instantanément la mienne.

    Je sens que Jérém a envie de jouir vite, ses gestes trahissent son empressement. Je sens que mon bobrun est très excité. Mais je sais aussi que l’heure avance, que la sieste générale va bientôt prendre fin, et que nous devons revenir au bivouac sous peu.

    Jérém vient en moi, me pilonne, me possède, me remplit.

    Et je viens presque en même temps que lui.

    Nous jouissons ensemble, et nos orgasmes s’amplifient mutuellement. C’est comme de l’énergie qui circule entre nous, l’énergie du plaisir entre nos corps connectés. Sa semence vient en moi et me fait lâcher la mienne, son orgasme déclenche mon propre orgasme, décuplé par sa présence en moi.

    Jérém vient de jouir en moi, et il vient de me faire jouir. Je suis fou de plaisir. Le bomâle est toujours en moi, il me serre fort contre lui, il me fait plein de bisous dans le cou, sur les oreilles, sur la joue. Sa bouche cherche ma bouche, qui se laisse trouver.

    Lorsque le bogoss se déboîte de moi, tout en douceur, je me retourne illico, je le serre à mon tour contre moi. Nous nous retrouvons torse contre torse, queue contre queue, la sienne est toujours aussi raide que la mienne. Je suis brûlant de plaisir, et de cette ivresse du corps et de l’esprit qui suit l’orgasme avec le gars qu’on aime. Et, apparemment, Jérém semble ressentir la même ivresse.

    « Je t’avais dit que je ne tiendrai pas jusqu’à ce soir ».

    « T’es pas croyable, toi ! »..

    Je l’embrasse comme un fou, il m’embrasse tout aussi fébrilement. Le contact avec les poils doux de son torse me rend dingue, je ne peux m’empêcher de poser des bisous entre ses pecs, de les caresser encore et encore, de plonger mon nez dans sa pilosité brune à la recherche de l’odeur virile de sa peau.

    « Ah, putain, ces pecs, et ces poils » je ne peux m’empêcher de laisser échapper, happé par une sorte d’extase tactile.

    « Tu les kiffes mes poils, hein ? ».

    « Ah, oui, grave ! Surtout, ne les coupe plus jamais, ok ? ».

    Le bogoss me fait un bisou, il me serre dans ses bras. Je replonge mon visage dans ses poils, je suis groggy.

    « Promis ».

    Jérém vient de me faire la promesse de ne plus jamais toucher à cette belle toison de bomâle brun et cela me fait vraiment plaisir. Non seulement parce que je kiffe ces poils, mais parce que le bobrun semble vouloir tenir cette promesse pour me faire plaisir. Hélas, il s’agit d’une promesse que le bogoss ne tiendra pas longtemps.

    Un instant plus tard, toujours torse nu, mon bobrun s’appuie avec le dos contre la paroi rocheuse. Le corps encore vibrant de plaisir, les pecs bien saillants, les abdos dessinent les mouvements d’une respiration profonde, après l’effort. Je ne peux m’empêcher de l’embrasser une dernière fois.

    « C’était trop bon  » je lui glisse à l’oreille.

    « M’en parle pas, j’ai la tête qui tourne ».

    En effet, mon Jérém a l’air vraiment secoué. Mais très vite, il attrape son t-shirt gris sans manches, il le passe, cachant sa nudité spectaculaire. Puis, il se laisse glisser lentement le long de la paroi, jusqu’à se retrouver en position assise. Il sort son paquet de clopes, il en allume une. Je m’assois à mon tour sur le sol, les jambes en tailleur, juste à côté de lui. Nos bras, nos coudes, nos épaules se touchent. Qu’est-ce que j’aime sentir sa proximité, le contact avec son corps.

    Ma main cherche sa main. Nous restons quelques secondes assis côte à côte, en silence, nos doigts entrelacés. C’est juste magique.

    « Nous devrions y aller je pense ».

    « Attends un peu, Nico ».

    « Ils vont finir par trouver suspect qu’on ait disparu tous les deux ».

    « Attends encore un peu, je te dis » il insiste.

    « Pourquoi, donc ? ».

    « Ça se voit sur ton visage que tu viens de t’envoyer en l’air »

    « C’est vrai ? »

    « Oui, t’es tout rouge, attends un peu ».

    En effet, lorsque je le regarde, je vois moi aussi sur son visage les signes – la moiteur de la peau, une rougeur sur le front et les joues, la pupille pétillante, la paupière lourde – qui indiquent qu’il vient tout juste de jouir. Alors, je n’ai pas de mal à imaginer que mon visage doit afficher le même bonheur.

    Une poignée de minutes plus tard, en revenant vers le bivouac, je me dis que ma première fois dans la nature a été tout simplement géniale.

    Au bord de la rivière, les autres cavaliers sont déjà en train de seller. Ce qui n’efface pas pour autant la gênante sensation d’avoir des dizaines d’yeux braqués sur nous, sur moi, comme si je portais sur moi non seulement les marques, mais les preuves évidentes du plaisir qui vient de me secouer. Cela ne doit être que dans ma tête, mais je n’arrive pas à le chasser.

    « Vous étiez passés où ? » nous accueille Charlène.

    « Nous avons fait un tour dans la forêt ».

    « Ça fait dix minutes qu’on vous appelle ».

    « On a pas entendu ».

    J’ai soudain l’impression que le regard clair et pénétrant de Charlène arrive à percer à jour les petits mensonges de son protégé. Ses yeux font des allers-retours incessants de Jérém à moi, comme si elle cherchait à sonder nos regards, à lire sur nos visages empourprés par le plaisir la vérité maladroitement dissimulée derrière l’explication de façade.

    Est-ce que dans nos visages portant sur eux l’extase du plaisir, dans l’attitude de nos corps encore vibrants de l’orgasme qui les a traversés il y a peu (l’expérience m’apprendra que les corps qui viennent de se faire mutuellement plaisir ne peuvent s’empêcher d’adopter des postures et des attitudes réciproques qui ne trompent pas), est-ce que dans notre complicité, l’excessive proximité des êtres qui s’aiment, Charlène a pu deviner ce qui vient de se passer à quelques dizaine de mètres de là ?

    Peut-être que je me fais des idées, peut-être que c’est juste mon inconscient qui me joue des tours : quand on se sent « coupable », on l’impression que tout le monde nous observe, que tout le monde nous pointe du doigt.

    Mais, apparemment, elle n’est pas la seule à se poser des questions.

    « C’était bien la balade en forêt ? » fait Loïc de but en blanc.

    « Oui, c’est beau par ici » je tente de donner la réplique.

    « Nico ne connaît pas, je lui ai fait découvrir » fait Jérém à son tour.

    Une question anodine que celle de Loïc, dans laquelle j’ai pourtant l’impression de déceler une pointe de malice, un subtil sous-entendu. Une impression qui devient certitude lorsque Loïc, en passant tout proche de nous avec sa jument tenue en longe, lance discrètement à Jérém :

    « T’as remis le débardeur à l’envers ».

    Soudain, le regard de Jérém prend un air surpris, perturbé, désorienté, agacé, tout à la fois. Et moi avec lui. J’ai l’impression de ressentir en moi ce qu’il ressent, le même état d’esprit, la même sensation se s’être fait gauler.

    Mais putain, comment j’ai pu, moi qui je ne quitte pas mon bobrun des yeux, ne pas m’en rendre compte ? Comment je n’ai pas pu faire gaffe à cette couleur moins brillante du coton gris, à ces coutures en relief, signes incontestables que le t-shirt a été passé à l’envers ? A croire que le plaisir qu’on s’est donné m’a complètement retourné.

    Quoi qu’il en soit, Loïc a vu juste, et ses mots ne sont pas choisis au hasard. D’abord, la discrétion dont il a fait preuve en lâchant ces quelques mots, des mots qui sonnent à la fois comme un avertissement bienvenu « fais gaffe, les autres pourraient le remarquer aussi » mais aussi comme une moins agréable notification « j’ai compris ». D’autant plus que le choix du mot « remis » implique que ledit débardeur a d’abord été enlevé, puis remis.

    Est-ce que Charlène a vu la même chose ?

    Au bout de quelques secondes, sans un mot, Jérém allume une nouvelle clope. Il fait quelques pas, il se faufile à l’abri d’un regroupement d’arbres, et il enlève le t-shirt gris pour le remettre à l’endroit. Pendant une seconde, son torse sculpté fait son apparition, à moitié caché par la végétation. Jérém a voulu la jouer discrète. Et ça aurait pu marcher. Mais c’était sans compter avec le regard omniprésent de Satine, et avec ses observations pétaradantes.

    « Ah, un bogoss à poil, je vais défaillir » elle surjoue, dans le but de faire rire la galerie.

    Mais en même temps, ses mots ont pour effet de déstabiliser le bogoss, qui laisse tomber le t-shirt à ses pieds, et d’attirer les regards et les remarques des autres cavaliers. Le temps qu’il récupère le t-shirt, qu’il secoue le feuillage qui s’est accroché, et qu’il le passe sur son torse, la moitié des cavaliers, et surtout des cavalières, a pu se rincer l’œil sur la plastique sculptée. C’est Carine qui ouvre le bal :

    « Ça c’est un corps de rugbyman ».

    « Tu devrais toujours rester habillé de cette façon » fait Martine.

    « Tu devrais faire le calendrier des dieux du stade ! » fait Arielle à son tour.

    « On va toutes l’acheter » renchérit Nadine.

    Un sifflement fend l’air, en guise à la fois de remarque affectueuse et de moquerie. C’est toujours le même, celui qui n’en rate pas une, j’ai nommé Daniel, le joyeux luron de la bande.

    Jérém arrive enfin à passer son t-shirt, et il lance :

    « Vous n’êtes qu’une bande de nymphos ».

    Jérém essaie de faire de l’humour, mais je perçois son malaise. Je m’en veux de ne pas avoir su lui éviter ce petit « accident » qui, je le sens, va l’affecter. Heureusement, Loïc n’est pas Satine et l’histoire du débardeur à l’envers n’a pas été criée sur tous les toits. Jérém l’aurait vraiment mal pris.

    En tout cas, désormais, il n’y a plus de doute, Loïc sait. Et, sans doute, Sylvain va bientôt savoir aussi. Il n’y a plus à espérer qu’ils sachent tenir leurs langues.

    Nous sellons nos montures, alors que certains cavaliers sont déjà en selle et nous font savoir leur impatience de repartir. Le fait d’apprêter les chevaux semble détendre un peu mon bobrun. Jérém prépare Unico et m’aide à préparer Téquila. Mais il demeure silencieux et il évite désormais toute familiarité à mon égard.

    « J’ai une proposition à vous faire les gars » nous lance JP.

    « On t’écoute » fait Jérém.

    « Moi et ma charmante épouse souhaiterions prendre le relais pour accompagner Nico. Comme ça tu peux partir devant avec les autres et profiter de ton Unico. On vous laisse y aller, et nous on se la fait calmos, en différé ».

    « Avec Nico, c’est plus que calmos, on ne fait que du pas ».

    « Le pas est l’allure reine de la balade » assène JP. C’est son leitmotiv.

    « Vous n’allez pas arriver de bonne heure, tu sais ».

    « J’ai tout mon temps, je suis retraité, tu sais ? ».

    « T’en penses quoi, Nico ? » me demande Jérém.

    L’idée de me séparer de mon bobrun ne me plaît pas plus que ça. Mais d’autre part, je ne peux pas obliger mon Jérém à faire du 3 km/heure pendant encore tout une après-midi. Il a été adorable de m’accompagner le matin, mais j’ai bien senti qu’il s’était fait chier. Il a aimé être avec moi, mais il n’a pas pu profiter de son étalon, de ses potes, de toute la palette de sensations que seule la pratique des trois allures est en mesure d’apporter. De plus, JP et Carine m’inspirent confiance, je pense que je suis entre de bonnes mains. Alors, je décide de le libérer :

    « Ecoute, on va le tenter ? ».

    « C’est toi qui décides, si tu veux, je reste avec vous ».

    « Vas-y, Jérém, profite de ton cheval et de tes potes ».

     « Il faudrait vraiment surveiller les chevaux, vraiment » fait Jérém. J’adore ce Jérém prévoyant, attentionné.

    « On fera le nécessaire. De toute façon, nos chevaux n’ont plus l’âge de faire des sprints. Mon Mojito à moi, c’est désormais un Virgin Mojito. Quant au Tornade de Carine, il a été récemment déclassé en tourbillon de poussière ».

    L’humour de JP me fait rire, m’aide à déstresser avant de remonter à cheval. Car, oui, je suis en confiance avec ma Tequila, mais cela n’empêche pas d’avoir une petite boule au ventre. Nous nous connaissons que depuis peu, et nous ne nous connaissons pas à fond.

    « Je ne sais pas » hésite Jérém.

    « On va te le ramener tout entier, ton pote » insiste Carine.

    « Ok, on se retrouve chez Charlène, alors » fait Jérém, tout en plantant une dernière fois son regard brun dans le mien, l’air toujours hésitant.

    « Allez, tire-toi » lance JP sur un ton d’affectueuse taquinerie.

    Je regarde Jérém partir, mettre Unico au trot, puis au galop, pour rejoindre le groupe de tête qui a déjà disparu dans la forêt. Définitivement, mon étalon sur son étalon dégage une virilité redoutable. Quand je pense que sa queue était en moi encore quelques minutes plus tôt et alors que l’écho de sa présence résonne encore dans ma chair et que je suis rempli par son jus, je me dis que j’en ai de la chance !

    Mon mâle me manque à l’instant même où il disparaît de ma vue.

    Nous laissons passer un bon quart d’heure, un quart d’heure pendant lequel JP se charge de me faire lui aussi un cours d’équitation en accéléré.

    En remontant en selle, je retrouve dans mon entrejambe le souvenir très vif de l’amour avec mon bobrun.

    Nous démarrons enfin nos montures et nous les laissons flâner au pas. Nous n’avons pas fait cent mètres que Carine commence à me questionner sur Jérém.

    « Alors, il était comment au lycée ? Il se débrouillait bien ? Et au rugby ? Il a une copine ? Il est content de partir à Paris ? Vous êtes très proches ? Tu risques de ne plus le voir trop souvent quand il sera à Paris ».

    « Arrête un peu de lui poser des questions. Laisse-le respirer un peu » lance JP à sa femme, sur le ton de la rigolade. Puis, s’adressant à moi : « ma femme c’est la reine des questions. Dès qu’elle rencontre quelqu’un, elle lui fait passer un interrogatoire. Tant que tu ne lui dis pas gentiment « ta gueule », elle ne te lâche pas ».

    La complicité de ce couple de toute une vie me fascine. Une complicité et une longévité conjugale dans lesquelles l’humour de Jean-Paul ne doit pas y être pour rien. Un humour qui, une fois de plus, m’aide à déstresser. Et qui, en plus, me permet de retrouver un silence propice pour me reconnecter aux perceptions sensorielles, mais également spirituelles, de la balade.

    La terre, la roche, le ciel, le grand air : c’est l’espace.

    Les arbres, la flore, l’harmonie du végétal : c’est la nature.

    La faune sauvage, sur le sol, dans les airs, le cheval en tant que compagnon de balade : c’est le vivant.

    Les amis, la bonne humeur, le partage : c’est le bonheur, le plus simple et le plus intense.

    Au fil de la balade, sur le dos de Tequila, je découvre un nouveau bien-être, inattendu. J’ai l’impression de respirer à pleins poumons pour la première fois de ma vie, l’impression de me connecter avec la terre, la nature, le vivant, l’humain, le bonheur avec un grand B.

    La balade m’offre une nouvelle perception de l’espace, du paysage, du vivant. Ainsi, pour la première fois de ma vie, j’ai l’impression de regarder les monde d’un tout autre point de vue que celui d’où j’ai été habitué à l’appréhender. Et pour la première fois, je me surprends à me poser de réelles questions sur ma place dans le monde, sur la place de l’Homme dans le monde.

    En ville, on vit dans l’illusion d’avoir complètement dompté la nature, et on a tendance à oublier à quel point la toute-puissance de l’homme est un concept tout à fait bancal. Mais à la montagne, entourés de roches millénaires, plongés dans une nature majestueuse et immortelle, assis sur le dos d’un cheval de 500 kg et doué d’une puissance qui pourrait vous tuer, on retrouve assez vite de l’humilité. Oui, cette balade m’inspire l’humilité.

    Les passages dans la forêt s’alternent avec des points de vue dégagés sur la montagne et la vallée. Plus on avance, plus je me sens bien. Plus on avance, plus je me dis que, tout comme le sexe, la balade à cheval est une expérience qui touche tous les sens.

    La vue, avec les paysages inhabituels, les points de vue différents, inconnus, inattendus. L’odorat, avec les senteurs typiques de l’animal, du cuir, de la nature. Le toucher, par le contact avec la monture, la selle, les rênes. L’ouïe, avec le bruit du sabot qui tape le sol, le bruit du vent, du feuillage, la respiration des chevaux, les franches rigolades entre potes.

    Pour le goût, je n’ai pas trouvé, j’avoue. Mais j’ai envie de parler d’un sixième sens que je découvre aujourd’hui et qui me bouleverse : c’est la perception du temps.

    En balade dans les bois, le temps semble se dilater, s’écouler au ralenti. Mieux : il semble se faire discret jusqu’à disparaître, permettant le luxe d’oublier son existence. Oui, en balade, on oublie carrément le temps. Et cela n’arrive à priori que lorsqu’on se sent bien, vraiment bien.

    Une seule chose manque à la beauté de ces instants pour qu’elle touche à la perfection absolue : la présence de mon bobrun, la possibilité de partager tout ce bonheur avec lui. Le paysage de la Joconde est beau, mais il ne suffirait pas pour faire de ce tableau un chef d’œuvre.

    Nous ne sommes partis que depuis une heure, et mon Jérém me manque déjà, beaucoup. Minute après minute, je me dis que, même si la compagnie de JP et Carine est plutôt agréable, l’après-midi sans mon bobrun ça va être long.

    Je viens justement de me faire cette réflexion, lorsque, au détour d’un chemin, une surprise m’attend : elle a l’allure d’un cavalier brun, la cigarette un bec, assis sur une pierre à côté de son étalon bai foncé.

    Dès que nos regards se croisent, le bogoss me balance un sourire charmeur et ravageur, un sourire agrémenté par un rapide haussement de sourcils et d’un petit clin d’œil qui, pour un peu, me feraient fondre sur place.

    Jérém sourit, et c’est carrément un scandale, un truc absolument insupportable, parce que c’est juste pas NORMAL d’être aussi beau et charmant ! Car dans ce sourire il y a tout ce qui peut rendre un mec craquant : la sexytude, le charme, une bonne dose de coquinerie et de malice. Mais aussi, je vois très clairement dans ce sourire son bonheur de me retrouver, le bonheur que je représente pour lui. Jérém ne m’a jamais encore dit « je t’aime », et pourtant son attitude depuis 3 jours ne cesse de le crier haut et fort.

    Bref, tous les charmes de l’Homme sont dans ce sourire. Un sourire, c’est précieux, aussi chatoyant, aussi fugace que l’éclair : il ne dure qu’un instant, mais son souvenir nous marque à tout jamais, et c’est un souvenir doux et agréable. Et notamment celui de l’être aimé.

     « Et alors, tu fais la sieste ? » se marre JP.

    « Ça allait trop vite pour moi avec les autres ».

    « Oui, c’est ça » se re-marre JP.

    « Tu t’inquiétais pour ton pote ? » fait Carine, en minaudant avec humour comme elle sait si bien faire.

    « Non, mais, si, un peu » fait-il en lâchant un sourire à faire fondre tous les glaciers de la planète.

    « T’as vu, il est tout entier ».

    « C’est bien ».

    Et là, le bogoss met le pied à l’étrier. Puis, en faisant travailler l’ensemble de ses muscles, il quitte le sol avec un élan à la fois puissant et mesuré et il atterrit sur le dos d’Unico avec une douceur incroyable.

    « C’est beau d’être jeune » commente JP.

    Nous démarrons nos montures. JP et Carine gardent leur place en tête du petit comité, alors que Jérém se place à côté de moi.

    « Ça va ? » me demande le bogoss, alors que le couple vient de nous distancer de quelques mètres.

    « Très bien, en toi ? ».

    « Mieux ».

    « Tu t’inquiétais ? ».

    « Je m’ennuyais de toi » il me glisse discrètement.

    « Toi aussi, tu me manquais ».

    Je suis tellement content de le retrouver et de partager la dernière partie de la balade avec lui. Et je suis encore plus content du fait qu’il ait eu envie de me retrouver, parce que je lui manquais. J’ai tellement envie de le serrer contre moi, de le couvrir de bisous.

    « On dirait que le temps se gâte » fait JP peu après, le regard rivé vers les nuages qui s’amoncellent au loin et qui approchent. C’est vrai que la température vient de baisser brusquement. D’ailleurs, Jérém vient de faire disparaître ses bras puissants, ses biceps saillants et son t-shirt sans manches sexy à mourir sous son pull à capuche gris.

    Le temps change très vite à la montagne. Le matin, lorsque le soleil brille dans le ciel, il nous apparaît comme étant la promesse d’une longue journée de beau temps. Pourtant, quand on connaît un peu le relief pyrénéen, on réalise vite que les nuages et le brouillard ne sont jamais trop loin, notamment en deuxième partie d’après-midi, et à fortiori au mois de septembre. Ça fait partie des charmes de la montagne, cette météo capricieuse et versatile.

    Lorsque la grisaille prend soudainement la place du ciel bleu, rappelant l’approche de l’automne, nous faisant connaître le regret pour l’été dont on n’a jamais assez profité, la tristesse peut prendre aux tripes, serrer le cœur. Mais le bonheur d’être avec Jérém, et d’y être enfin si bien, arrive même à donner de magnifiques couleurs à ce ciel chargé et menaçant.

    Nous avançons désormais dans un espace dégagé, offrant une ample vue sur le profil vallonné du paysage. C’est un paysage fait de roches sculptées par les millénaires, décoré par une végétation riche, fière, sauvage et indomptée, parcouru par les ombres chinoises que les nuages poussées par le vent dessinent sur les pentes.

    Dans un pré en forte pente, un grand troupeau de brebis est en train de brouter tranquillement, l’air pas du tout perturbé par le soudain changement de météo. Un peu plus loin, dans un petit enclos, un très jeune poulain collée à une jument. Le petit équidé démarre les politesses, en se mettant à hennir avec sa petite voix de bébé cheval. Dans la foulée, la petite famille monoparentale et nos quatre montures s’appellent, se saluent. JP et Carine arrêtent leurs chevaux devant la porte de l’enclos, à côté d’une rigole où circule de l’eau claire.

    « On fait une petite pause » fait JP en descendant de son moyen de locomotion à quatre fers « on fait boire les chevaux ».

    Jérém et moi en faisons de même. Les chevaux trempent aussitôt leurs naseaux dans l’eau. Sauf Tequila qui, fidèle à elle-même et à ses formes généreuses, semble préférer l’herbe à la boisson.

    Pendant ce temps, Jérém et JP échangent au sujet du bonheur de se balader à cheval. Un bonheur dont j’ai eu un petit aperçu aujourd’hui, et que je comprends désormais.

    Jérém a raison. JP est vraiment un gars génial. Lorsque je l’écoute parler, je le trouve profondément inspirant. Ses mots, son discours dégagent un subtil mélange entre l’expérience de son âge, une profonde sagesse, et une jeunesse d’esprit qu’il a su garder intactes. Ainsi, le regard qu’il pose sur le monde semble être à la fois avisé et humble, ouvert, tolérant, sans préjugés aucuns. Mais aussi frais et pétillant, rempli de curiosité, jamais blasé, comme celui d’un enfant.

    Depuis les tout premiers échanges, j’ai ressenti une grande estime pour ce monsieur. Il est des êtres, des esprits qui forcent l’admiration, qui dégagent ce quelque chose capable de faire ressortir instantanément le meilleur de nous-mêmes, de nous donner envie d’être meilleurs. Qu’ils aient 60 ans ou 19 ans, qu’ils s’appellent JP ou bien Thibault, le résultat est le même : leur présence est apaisante, rassurante, et nous fait sentir bien.

    Le contact et l’échange avec JP ont un effet sur mon bobrun aussi, et pas des moindres : lorsque j’entends Jérém discuter avec JP, j’entends les mots et je vois l’attitude d’un homme. Oui, il est des êtres dont la seule proximité nous fait grandir.

    A cet instant précis, je me sens tellement bien : l’homme que j’aime est juste là, devant moi, entouré par la bienveillance de JP. JP qui, je le crois dur comme fer, comprendrait notre amour, et il serait heureux pour nous.

    « On ferait bien d’y aller, avant d’attraper une saucée » fait Carine, en remontant à bord de Tornade.

    En effet, le ciel se couvre de plus en plus, les cimes accrochent les nuages, le brouillard dense remonte les pentes. Le ciel est menaçant, le vent de plus en plus fort. Et pourtant, un rapace brave les nuages épais.

    Nous remontons à cheval, et nous repartons aussitôt. Nous traversons une petite rivière et nous pénétrons dans une région boisée. Soudain, les bruits de la balade – le tambourinement cadencé du sabot sur le sol, le crissement du cuir, la respiration de l’animal – me parviennent plus vifs que jamais, comme s’ils pénétraient dans mon corps et qu’ils rentraient en résonance avec les battements de mon cœur et le rythme de ma respiration. Dans cette partie boisée, les odeurs de la balade – du cuir, du poil, de la terre humide, de la végétation automnale, du bois – me parviennent plus puissantes que jamais, elles m’étourdissent.

    Lorsque nous nous ressortons à découvert, et alors que nous amorçons la montée d’une côte, les nuages sont désormais à l’aplomb de nos têtes, et tout devient gris et triste. J’ai l’impression de me trouver dans un film catastrophe. Les chevaux semblent nerveux, méfiants. Des grosses gouttes commencent à tomber, surprennent les animaux et les cavaliers.

    Mais cela ne dure pas bien longtemps. Assez vite, le nuage passe, et un rayon de soleil arrive à se faufiler dans la grisaille, rendant illico les belles couleurs au paysage, de nouvelles couleurs. C’est bluffant, presque déroutant, ce caractère bipolaire de la montagne, cette capacité à changer sans cesse de rôle, d’humeur, à passer avec désinvolture du soleil au mauvais temps, de la joie à l’ennui, de l’espoir à la tristesse.

    La côte devant nous paraît interminable. D’autant plus que Tequila, qui a cherché l’herbe pendant toute la balade, ne cesse désormais de s’arrêter pour arracher le moindre brin vert. Ce qui fait qu’elle est aussi maniable et réactive qu’on A380 sans ailes. Jusqu’à ce que, à un moment, elle s’arrête net, l’air de ne plus vouloir avancer du tout.

    « Tequilaaaaaaaaa! Maaarche! ».

    « Tu sais à quoi elle me fait penser ? » fait JP en rigolant sous la moustache.

    « Je ne veux pas savoir » fait Jérém.

    « Elle me fait penser à un Berlingo. Tu vois ces petites camionnettes bien pratiques pour transporter n’importe quoi mais avec un moteur de mobylette ? ».

    « N’importe quoi ».

    « C’est pas n’importe quoi » persiste JP « moi je trouve au contraire que les ressemblances sont multiples, avec le Berlingo, elle partage les formes longilignes, d’un cochon ».

    « T’abuses ! ».

    « Comme le Berlingo, elle a tendance à chauffer dans les montées ».

    « Ça, c’est pas faux » admet Jérém.

    « Comme le Berlingo, elle a des vitesses courtes, une capacité d’accélération tout à fait théorique, un couple moteur impossible à atteindre ».

    « Mais ta gueule ! ».

    « Ceci dit, elle est adorable comme jument, et parfaite pour un débutant ».

    Nous arrivons enfin sur le plat. Le vent n’a pas cessé, les nuages défilent toujours au-dessus de nos têtes. Unico a les oreilles dressées, les yeux dilatés, il n’arrête pas de remuer la tête, il a l’air de plus en plus nerveux, il tire sans cesse sur les rênes.

    Nous traversons une prairie longeant une clôture à moutons. Unico a toujours tête en l’air et Jérém commence à s’agacer. Nous arrivons face à un enclos avec deux chevaux.

    Et là tout se passe en un éclair. Unico tire violemment sur les rênes, Jérém manque de peu de tomber. Ce dernier se fâche et lui met une baffe. Unico se cabre, Jérém se laisse glisser à l’arrière, en retombant sur ses pieds. L’étalon se retourne, fait face à son cavalier. Ce dernier essaie de reprendre les rênes. Mais Unico, le défiant du regard, prend la tangente et part au grand galop.

    Et là, sans crier gare, Tequila démarre au quart de tour et prend le galop derrière sa mère. Petit détail qui a son importance : je suis toujours sur son dos !!!!!!!!!!!!!!

    Sans transition ni préparation, je me prends direct le trot et m’enquille le galop, un très très grand galop, une allure qui n’a rien à voir avec celle du matin. Pris de panique je ne sais plus quoi faire. Je tire sur les rênes comme un malade, les mains à des hauteurs inimaginables. Je serre mes jambes, j’appuie sur mes étriers, j’essaie de me pencher en arrière pour tenter de l’arrêter. Mais rien n’y fait. A un moment, elle semble ralentir. Tu parles, elle repart de plus belle, au triple galop.

    A ce moment-là, je suis toujours sur son dos. Et je me pose mille questions. La fondamentale : Pourquoi ai-je accepté de remonter à cheval ? (J’entends encore la citation de JP : le cheval est un moyen dangereux à l’avant, à l’arrière,) La pratique : Comment l’arrêter ? Et enfin, la cruciale : quand et comment vais-je tomber ? Le fait est que plus ça va, plus ma jument semble avoir tendance à baisser son encolure. Je me vois passer par-dessus sa tête, je me vois écrabouillé par la douce caresse de ses sabots.

    N’étant pas du genre à attendre que ça tombe (ici ce n’est pas juste une expression), je décide de prendre les devants. Lorsque Tequila atteint la vitesse du son (c’est l’impression que j’ai), dans ma tête c’est décidé : je vais me laisser glisser sur le côté pour éviter le pire. Dans ma tête en panique totale, je cherche la façon de le faire en prenant le minimum de risque. Tu parles,

    Je déchausse les étriers et je me laisse glisser lentement sur le côté droit de Tequila. Et je tombe. L’impact avec le sol est violent. Ma tête heurte le sol et ça fait un bruit sourd et impressionnant dans la bombe. Et je roule dans l’herbe. J’ai mal aux côtes. C’est tellement douloureux que j’ai du mal à respirer. Je me demande si je vais perdre connaissance. Je me demande plus que jamais pourquoi j’ai accepté de monter à cheval. Pourquoi j’ai fait confiance. Quand je pense qu’on m’a répété mille fois qu’avec Tequila je ne risquais rien,

    « Nico ! Nico ! Nico ! » j’entends au loin la voix paniquée de Jérém.

    « Ca va, Nico ? » il me demande, lorsqu’il arrive près de moi, la voix et le regard chargés d’angoisse.

    « Je crois que je suis toujours vivant ».

    « T’as mal où ? ».

    « Aux côtes ».

    « Je suis désolé, tout est de ma faute, je n’aurais jamais dû te faire monter sans une véritable préparation » il se morfond.

    « Arrête » je le coupe.

    « Comment il va Nico ? » fait JP en descendant de son cheval, la voix calme mais l’air grave.

    « J’allais mieux avant ».

    « Bon, tu n’as pas perdu ton humour, c’est deja ça, blagues à part, on va appeler le Samu ».

    « Oui, on appelle le Samu » répète Jérém qui n’a pas vraiment l’air dans son étant normal.

    « Non, attendez un peu, je ne crois pas que ce soit si grave ».

    « Tu arrives à bouger ? » se renseigne mon bobrun.

    « Oui, ça devrait le faire ».

    « T’es sûr de toi, Nico ? » fait JP.

    « Oui, je crois ».

    « On est tous tombés de cheval un jour ou l’autre » fait Carine.

    « Quand je pense qu’on m’a répété mille fois qu’avec Tequila je ne risquais rien » je tente de rigoler, malgré la douleur aux côtes, tout en essayant de me mettre en position assise.

    « Le risque zéro n’existe pas » fait JP.

    « J’ai cru comprendre, oui ».

    « Heureusement que t’avais la bombe » fait remarquer JP.

    « Bon, si tu n’as rien de cassé, il te faut remonter en selle de suite. Dans l’équitation, il ne faut jamais rester sur un échec » me taquine Jérém.

    C’est en suivant ce conseil que, dix minutes plus tard, je remonte en selle malgré la douleur aux côtes. Et que je termine ma balade en traversant une dernière région de toute beauté, sur le dos d’une Tequila ayant retrouvé tout son calme.

    Lorsque nous arrivons à la pension, Patou, le chien de Charlène, nous accueille en aboyant comme un taré. Allez, dégage, ne fais pas peur à Tequila. Mais Tequila, solide comme un roc, pom pom pom pom.

    « Comment ça va les côtes ? » me demande Jérém, pour la énième fois.

    « Ça va mieux, ça va mieux ».

    « Je suis fier de toi, tu t’es débrouillé comme un grand » il me glisse, alors qu’il arrête son Unico devant un mur avec des anneaux d’attache.

    C’est là que je réalise que je l’ai vraiment fait, que je suis monté à cheval pour la première fois de ma vie, que je me suis baladé pendant toute une journée, avec mon Jérém. Je suis content de moi, et heureux de sentir sur moi le regard admiratif de mon bobrun.

    Nous retrouvons les autres cavaliers et je constate qu’ils terminent la balade de la même façon que celle avec laquelle ils l’avaient commencée le matin, c’est-à-dire avec le sourire.

    Nous descendons de cheval et Jérém commence aussitôt à desseller. J’essaie d’en faire de même, mais l’effort pour dessangler Tequila réveille ma douleur aux côtes.

    « Aie » je ne peux me retenir.

    « Laisse, je vais le faire » fait Jérém, adorable.

    Le bobrun finit de desseller nos chevaux, et nous les ramenons au pré. En remontant, nous passons par l’écurie pour déposer les selles et les harnachements. Et là, Jérém m’attrape par la main, il m’attire dans un box, il me plaque contre le mur, il me prend dans ses bras et il m’embrasse fougueusement.

    Nous sommes tellement happés par nos effusions, que cela nous empêche d’entendre le bruit de pas qui approchent. Nous nous apercevons de sa présence que lorsqu’elle apparaît sur le seuil du box, le regard abasourdi, l’air de tomber de haut, lorsqu’elle tente de se dérober, en lâchant un :

    « Oh, pardon ».

    Un instant plus tard, alors que Charlène détale à vive allure, Jérém relâche illico notre étreinte pour lui courir après, l’air paniqué.

    Commentaires

    ZurilHoros

    12/06/2020 08:49

    La suite de la balade à cheval commence par une scène de sexe très chaude et efficace. Evidemment je ne peux pas m’empêcher de penser que Jérém n’est pas discret du tout. Se croit-il  insoupçonnable? c’est possible car il n’a jamais eu à penser « son secret » puisqu’il n’en avait pas. Donc il n’a pas vraiment intégré de réflexes d’évitement, ou alors, il avait tellement envie de Nico, qu’il n’y a pas réfléchi.  Je ne sais pas 

    Super bien écrit, facile à lire, dépaysant. 

    Et à la fin, le Cliffhanger 

    florentdenon

    24/06/2019 22:05

    Encore un bel episode, merci ! Hate de lire ce que tu nous reserve et peur de ce qui va advenir de ce week-end idyllique…

    Yann

    19/06/2019 06:08

    J’espère que Loïc comme Charlène saura mettre Jerem à l’aise et en confiance en lui disant qu’ils sont heureux pour lui et son bonheur.

    Yann

    17/06/2019 05:42

    Je partage les commentaires qui précèdent. J’ai beaucoup aimé le cadre de cet épisode. C’est touchant de voir comment ils se font surprendre. espère que Jerem aura la bonne réaction.

    Gripsou22

    15/06/2019 17:35

    Super épisode !
    C’était très chaud et sensuel entre Jerem et Nico dans les bois. J’ai beaucoup aimé aussi toute la tendresse et l’affection que Jeremmontre à Nico.
    Maintenant qu’ils se sont fait surprendre, espérons que Jerem ne va pas (re)commencer à jouer au con !

    Très hâte de lire la suite !!

    Etienne

    13/06/2019 23:47

    Excellent, je m’attendais plutôt à ce qu’ils se fassent choper dans la forêt, mais Fabien sait ménager des surprises.
    Mais je suis prêt à parier que Charlène va aider Jérémy à avancer …

    baraban66

    12/06/2019 22:57

    merci pour ce nouveau épisode… quelle suite ? ..il va assumer ou bien nier ? .. on va attendre avec impatience le prochain épisode 

  • JN0210 Balade à cheval

    JN0210 Balade à cheval

    Campan, le dimanche 09 septembre 2001.

    Lorsque nous arrivons à la pension pour chevaux, nous retrouvons Charlène à l’écurie. Elle est en train de nettoyer un box.

    « Ah, vous êtes déjà là ? » elle nous lance, en nous voyant arriver, tout en continuant à charger du fumier dans une brouette.

    « Ça c’est de l’accueil, on se sent vraiment bien reçus ! » se marre mon bobrun.

    « Je suis à la bourre ce matin » elle nous explique, entre deux éclats de ce rire franc et sonore qui est le sien et qui a gardé quelque chose d’enfantin.

    Elle pose sa fourche et vient nous faire la bise.

    « Mais il est quelle heure, au fait ? ».

    « Il est près de 9 heures » fait Jérém.

    « Ah ! Les autres ne vont pas tarder à arriver. Et moi j’ai encore deux box à faire ».

    « Je t’aide ? » propose direct Jérém.

    « Tu serais un ange ».

    « Tu sais bien que j’en suis un ».

    « Il faut le dire vite ».

    « Vieille peau ! ».

    « Petit con ! ».

    Sans attendre, le bogoss attrape une deuxième fourche, il rentre dans le box juste à côté et commence à sortir le fumier dans le couloir.

    « Je peux faire quelque chose moi aussi ? ».

    « Tu peux attraper la brouette de Charlène et aller la vider sur le tas derrière l’écurie. Ça lui évitera des efforts. Mamie doit ménager ses vieux os si elle veut faire la balade » fait Jérém, taquin.

    « Eh, je t’ai entendu, petit morveux ! Mamie est encore capable de te mettre une bonne raclée ! ».

    « Je cours plus vite que toi ».

    « Je t’en foutrais ».

    « Moi aussi je t’aime ».

    « C’est ça ».

    J’adore leurs taquineries incessantes. Je ressens de la part de Charlène une profonde bienveillance et un amour presque maternel à l’égard de mon bel étalon brun, tout comme j’ai l’impression de percevoir de la part de ce dernier une très forte affection, couplée d’un profond respect à l’égard de celle qu’il vient de traiter de « mamie ». Il y a entre eux un rapport qui est à la fois celui d’une mère et d’un enfant, mais avec la parfaite complicité de deux potes.

    Je ramène plusieurs brouettes de fumier sur le grand tas à l’arrière de l’écurie. Au départ, les relents me piquent les narines. Mais je me fais assez vite aux odeurs de la campagne, de la nature, de la vie. Aussi, tout paraît beau, lorsqu’on est amoureux et que le gars qu’on aime est à quelques mètres de vous.

    Le temps que Charlène termine son box, le bobrun a vidé les deux autres.

    « Ah oui, en effet » fait Charlène, en nage et avec le souffle coupé « et t’as même pas l’air d’avoir forcé. C’est clair que ça, ça t’autorise à me traiter de vieille, oui »

    « C’est toi qui m’as tout appris. Et puis je suis fatigué à mort » fait le bogoss en feignant de devoir s’appuyer au mur pour ne pas tomber.

    « J’adore quand tu mens pour me faire plaisir ».

    « Au fait, tu aurais des boots en rabe à prêter à Nico ? ».

    « Je vais voir ce que je peux trouver. Allez, je vais aller faire couler le café ».

    « J’en fume une et j’arrive ».

    « Tu devrais arrêter ta connerie de clope ».

    « J’essaie » fait-il en indiquant le patch sur son biceps.

    « Tu ne dois pas essayer, tu dois réussir, je sais que tu en es capable ».

    « Je te promets que je vais arrêter ».

    Définitivement, Charlène, a beaucoup d’emprise sur mon Jérém. Certes, le bogoss se permet de la taquiner : mais lorsque la discussion devient sérieuse, il ne la ramène pas longtemps. Face à Charlène, l’étalon Jérém redevient poulain tout doux.

    Jérém vient de finir sa cigarette, lorsqu’un quatre-quatre traînant un gros van rentre dans la cour du centre équestre.

    Un homme d’une soixantaine d’année, avec une barbe poivre et sel, ainsi qu’une femme, dans la même tranche d’âge, toute menue et très stylée, viennent à notre rencontre.

    « Bonjour Jérémie, comment tu vas ? » fait le monsieur, tout en serrant mon bobrun très fort contre lui et en lui claquant la bise.

    « Je vais bien. Et vous deux ? ».

    « Ça va, ça va. Ça fait plaisir de te revoir ».

    « Moi aussi, ça me fait plaisir ».

    « Tu nous as manqué ».

    « Vous aussi. J’aurais voulu venir plus souvent ».

    « Mais il y avait le tournoi de rugby » fait le monsieur.

    « Oui, c’est ça ».

    « Que t’as gagné ».

    « Oui ».

    « Il ne devait pas y avoir que le rugby qui le retenait à Toulouse. Il devait y avoir aussi des nanas » se marre la petite dame.

    « Aussi » fait Jérém.

    « Au fait, félicitations pour ton recrutement parisien » fait le monsieur.

    « Merci ».

    « Tu nous as fait peur avec ton accident » fait la petite dame avec une voix de petite fille.

    « Je suis là » fait le bobrun, sur un ton rassurant.

    « Tu fais gaffe à l’avenir, promis ? » fait le monsieur, en mettant une tape affectueuse dans le dos de mon bobrun.

    « Oui promis. Au fait, voici Nico, un camarade du lycée. Voici Jean-Paul et Carine ».

    « Enchanté, Nico ! » fait le charmant monsieur, en prenant ma main entre les deux siennes.

    « Nico va monter à cheval avec nous aujourd’hui ».

    « Tu montes à cheval ? » fait la petite dame, l’air étonné.

    « C’est la première fois ».

    « C’est bien, il faut oser se lancer » fait Jean-Paul « allez, nous allons débarquer les chevaux ».

    « Ce sont des gens adorables » me lance discrètement Jérém dès que le couple s’est éloigné de quelques pas « ce mec est un véritable philosophe, il connaît tout. Tu passes une soirée à discuter avec lui, et t’as l’impression que tout est plus clair. Et en plus, il est drôle. Elle aussi peut être très drôle. Elle a son petit caractère Si elle n’est pas d’accord avec toi, elle ne lâche rien, elle te retourne comme une crêpe. Mais elle fait un flan d’enfer. J’espère qu’elle en a prévu pour la soirée ».

    « Quelle soirée ? ».

    « Ah, je t’ai pas dit ».

    « Non ».

    « Ce soir, après la balade, on mange tous ensemble au relais de l’asso ».

    « Ah ».

    « T’inquiète, tout va bien se passer, il n’y a que des gens sympa ».

    Et ce disant, Jérém m’entraîne dans l’un des box et m’embrasse. Des frissons parcourent mon corps, alors que des hennissements, des voix et des bruits de sabots me rappellent à chaque instant que les nouveaux arrivants ne sont qu’à quelques mètres de nous, en train de sortir leurs montures du van.

    Un nouveau bruit de moteur nous signale que d’autres cavaliers et d’autres chevaux arrivent.

    « Allez, on va chercher les chevaux » fait Jérém, en décollant ses lèvres des miennes.

    Nous sortons de l’écurie, et nous allons dire bonjour aux deux nouveaux cavaliers arrivants.

    « Arielle et Nadine, Nico ».

    Arielle est une dame d’une cinquantaine d’année, à la voix fine et douce. Nadine, est une petite blonde qui ne doit pas avoir la trentaine, avec des cheveux très courts et un rire tonitruant et contagieux.

    Jérém refait les présentations. Une fois de plus, on me félicite de débuter à cheval.

    Charlène vient de réapparaitre et s’empresse de dire bonjour à tout le monde. Elle me tend une paire de vieux boots que je passe à la place de mes baskets.

    Jérém attrape deux licols et nous nous acheminons vers les prés. Nous longeons les paddocks, lorsque mon bobrun s’arrête soudainement devant un pré au milieu duquel un cheval miniature est en train de paître.

    « Bille ! Bille ! Bille ! » il l’appelle « Viens ma puce, allez, viens ».

    Le cheval miniature, qui porte bien son petit nom, car ses trois dimensions, hauteur, longueur et largeur sont sensiblement équivalentes, lève enfin la tête des touffes d’herbe qu’il est en train de brouter, il met en route ses courtes jambes et rejoint au (petit) galop l’entrée du paddock.

    Jérém passe entre les fils qui ne sont visiblement pas électrifiés et commence à caresser la crinière de la petite bête. Un sourire enfantin illumine son regard, c’est beau à voir. L’animal semble tout particulièrement apprécier la présence et les attentions de mon bobrun.

    « Et alors, tu ne me reconnaissais plus ? Tu as vraiment grossi. Il faut te mettre au régime ».

    « Apparemment, vous vous connaissez ».

    « Oh, que oui. Elle, c’est Bille ».

    « C’est un cheval miniature ? ».

    « Oui, c’est un shetland. C’est le premier cheval sur lequel je suis monté, quand j’étais gosse ».

    Lorsque j’essaie d’imaginer mon bel étalon, alors qu’il n’était qu’un petit poulain, sur le dos de ce cheval miniature, je ressens un puissant frisson d’émotion.

    C’est bon de lui découvrir, devant ce cheval miniature, ce regard pétillant, comme celui d’un gosse, un regard qui me permet de déceler une sorte de nostalgie de son enfance, comme une petite fragilité, mais qui n’est pas pour autant une faiblesse. Au contraire, le fait qu’il soit prêt à montrer et assumer cette fragilité, c’est précisément ce qui me fait fondre, et qui me fait dire : mon Jérém est vraiment en train de devenir un homme.

    J’ai une envie folle de le serrer très fort contre moi et de le couvrir de bisous : hélas, nous sommes à découvert, et on pourrait nous voir.

    Ce matin, Unico et Tequila sont rassemblés dans le même pré. Ils nous ont vus arriver de loin et ils semblent nous attendre de pied ferme, alignés le long du fil de clôture. Ils ont l’air de trépigner d’impatience, leurs hennissements s’enchaînent sans discontinuer, comme s’ils étaient prêts à se battre pour partir en balade avec leur propriétaire.

    Jérém me tend un licol et nous rentrons dans le paddock. Je le regarde passer le sien à Unico et j’essaie d’en faire de même avec Tequila. Premier contact avec la masse imposante, avec la puissance de l’animal, c’est impressionnant : avec cette masse, avec cette puissance, ils pourraient nous assommer s’ils le voulaient. Cela rend humble.

    Je m’y prends comme un pied, je n’arrive pas à boucler la sangle autour du museau. Jérém vient m’aider, se sentant protégé des regards par le gabarit des deux animaux, il me claque un bisou sur les lèvres et il me chuchote, en me regardant bien dans les yeux :

    « Ça me fait plaisir de monter avec toi aujourd’hui ».

    « Ça me fait plaisir aussi ».

    Nous remontons vers les installations, les chevaux en longe, alors qu’un ballet incessant de petits camions bétaillère et de vans tractés bat son plein dans la cour du petit centre équestre.

    Nous attachons nos montures à un arbre à proximité des box.

    « Viens avec moi, nous allons chercher les selles ».

    Dès que nous rentrons dans l’écurie, je me fais la réflexion que, vraiment, j’aime l’univers olfactif autour du cheval, l’odeur de la paille, du foin, du bois de la charpente, et des chevaux eux-mêmes. C’est un univers qui a quelque chose d’authentique et de réconfortant.

    Jérém est tellement à l’aise dans ce monde. Et moi, je suis sous le charme de la découverte d’une énième facette insoupçonnée de sa personnalité.

    Les rayons du soleil sont déjà chauds. Ainsi, de retour à nos chevaux, Jérém se débarrasse de son pull à capuche, dévoilant ses bras, ses biceps, ses tatouages, son cou puissant, les pecs bien suggérés par le coton gris de son t-shirt sans manches.

    « Putain, qu’est-ce que t’es sexy avec ce t-shirt ! » je ne peux m’empêcher de lui glisser discrètement, alors que je sens à nouveau monter la trique dans mon pantalon de cheval.

    Pour toute réponse, le petit con soulève le bas du t-shirt pour s’essuyer le front, dévoilant ainsi le bas-relief spectaculaire de ses abdos.

    « Il fait chaud » il me balance, avec un sourire de malade, un sourire coquin à me faire fondre.

    « Je vais te coincer quelque part dans les bois ».

    « Chiche » il me nargue.

    Qu’est-ce que j’aime notre complicité, et en particulier notre complicité sensuelle !

    Jérém me montre comment préparer un cheval pour la balade, comment le brosser, comment demander et prendre les pieds pour les nettoyer. Définitivement, j’aime bien les sensations autour du cheval : l’odeur du pelage, du cuir des selles et des harnachements, mais aussi les bruits, les ébrouements d’impatience de l’animal, le bruit sourd du sabot ferré sur le sol, le froissement de la brosse sur le pelage, les crissements du cuir.

    Jérém est en train de mettre la selle sur le dos d’Unico. Je le regarde passer le mors dans la bouche, poser les rênes sur l’encolure. Ses gestes sont précis, aisés, et ils dégagent un quelque chose d’ancestral et de délicieusement viril.

    J’essaie de répéter ses gestes à l’identique, mais les miens sont aussi gauches que les siens sont assurés. J’essaie de m’appliquer, et pourtant je réussis à mettre le licol des rênes en vrac.

    Jérém me fait remarquer ma connerie, je tente de corriger le tir, j’ouvre une lanière, mais pas la bonne. Du coin de l’œil, je vois mon bobrun se marrer.

    « Te marre pas ! ».

    « Attends, je te montre ».

    Et ce disant, il se positionne dans mon dos, il attrape les rênes et mes mains avec, il guide mes gestes. Je sens son paquet se presser contre mes fesses et, au travers des deux tissus élastiques de nos pantalons d’équitation, je lui découvre un début d’érection qui me ravit.

    « Tu bandes ».

    « Je ne sais pas comment je vais tenir jusqu’à ce soir » il admet, alors que son souffle brûlant caresse mon cou.

    « T’as envie de quoi ? ».

    « Tu le sais bien ».

    « Dis-moi ».

    « J’ai envie de gicler dans ton petit cul ».

    « Très envie ? ».

    « Tu peux pas savoir ».

    « Qu’est-ce que je kiffe te l’entendre dire ».

    « Tu vas kiffer encore plus quand je vais te le faire ».

    « Ça c’est clair ».

    Le licol de Tequila enfin bouclé, nos bassins s’éloignent. Nos pantalons d’équitation ont du mal à dissimuler nos érections. Jérém allume une clope, je tente de faire pipi un peu plus loin. Nous avons tout juste le temps de laisser retomber nos ardeurs que nous sommes débordés par une arrivée massive de chevaux et de cavaliers.

    Partout, ça selle, ça discute, ça rigole. Arielle est là, avec sa jument Canelle, Nadine, avec son hongre Otello, Martine est là aussi, avec sa pouliche Maggie. Carine et Jean-Paul ont terminé d’apprêter Tornade et Mojito. Il y a aussi, Marie Line à la longue chevelure brune et son mari Bernard, avec Champion et Caramel, Daniel aux boucles d’argent et à l’humour décapant, ainsi que sa copine Lola, avec leurs montures Speed et Paso, ainsi que Bimbo, une petite adorable chienne Jack Russel dont la tête dépasse d’un sac à dos que Daniel porte non pas dans le dos mais à l’avant.

    Il y a aussi Satine, avec son entier Gringo. Satine est un petit bout de femme, avec de grands yeux verts très vifs, la cinquantaine rayonnante, une voix puissante et enjouée malgré sa petite carrure, grande gueule, au demeurant. Satine me scie net lorsqu’elle balance à mon mec, de but en blanc : « De plus en plus bogoss, le Jérémie », réflexion reprise par Carla (accompagnée par sa jument Philae) : « Si j’avais 20 ans et 20 kg de moins ». Puis, Satine ne se gêne pas pour lancer à mon Jérém : « Mais regarde ces biceps », tout en joignant le geste à la parole, en poussant le vice jusqu’à tâter le muscle rebondi de mon bomâle.

    « Espèce de cougar ! » lui lance Carine.

    « Quand on pense qu’on l’a vu enfant » fait Ginette, une dame d’une soixantaine d’années, pétrie de gentillesse « on a l’impression que c’était hier. Et aujourd’hui, c’est un homme. Ça passe tellement vite. Tes grands-parents vont bien ? Et Maxime ? ».

    Ginette a l’air vraiment adorable, tout comme son Tulipe, un cheval qui n’est plus tout jeune et qui paraît extrêmement calme et posé. Un cheval est souvent le reflet de son cavalier.

    Au fil des arrivages, Jérém refait sans cesse les présentations. Charlène débarque enfin avec le café et des madeleines.

    « Et voilà, une riche idée » fait Jean-Paul, toujours aussi avenant et de bonne humeur.

    C’est Chantal qui fait les présentations des derniers arrivants :

    « Jérémie, je ne sais plus si tu m’as dit si tu connaissais Loïc et Sylvain ».

    « On a dû se croiser une fois » fait mon bobrun.

    « Oui, une fois peut-être » abonde Loïc, en reluquant mon bobrun avec une certaine insistance.

    La moyenne d’âge des cavaliers est assez élevée, au-delà de la cinquantaine, ou même plus proche de la soixantaine pour certains (quand on a 18 ans, on se sent facilement entouré de vieilles personnes). Nadine, et maintenant Loïc et Sylvain, un couple gay, nous a appris Charlène, accompagnés respectivement par la jument Tzigane et par un cheval nommé Forain, sont en effet les seuls cavaliers en dessous de la trentaine.

    Ces deux gars m’inspirent une forme de fascination : c’est la première fois que je rencontre un couple gay, et je me pose mille questions sur leur vie à deux, sur le bonheur de s’assumer et sur leur choix de s’afficher au grand jour.

    Mais en même temps, je ressens une source de malaise dans la présence de ce couple : à en juger d’après leurs regards, ces deux garçons ne semble pas insensible au charme de mon bel étalon. Je les comprends, certes. Mais as les pattes, et bas les yeux, les gars, je vous ai à l’œil !

    ? Qu’ont-ils pensé de mon Jérém, à part que c’est une bombasse atomique ? Est-ce que c’est vrai que certains gays savent reconnaître les gars comme eux ? Est-ce que c’est le cas de Loïc ? De Sylvain ? Et Jérém ? Je crois bien qu’il a capté le regard aimanté de ce gars, notamment celui de Loïc : qu’est-ce que ça lui a fait ?

    Les rires sonores et contagieux de Charlène et de Nadine me secouent de mes pensées.

    « Allez, on est partis ? » fait Daniel, déjà en selle, la petite chienne Bimbo frémissant de la babine dans son sac à dos.

    « Oui, on va y aller » lui répond Charlène en montant en selle de son entier, j’ai nommé Little Black.

    Les autres cavaliers enfourchent à leur tour leurs montures. C’est marrant, les cavaliers ont tous le sourire lorsqu’ils sont à cheval.

    Jérém et moi restons les pieds sur le sol. Le fait qu’il renonce à faire la balade avec ses potes, parce qu’il s’inquiète pour moi, parce qu’il veut être avec moi, ça me touche au plus haut point. C’est adorable.

    « Allez, bonne balade » fait Jérém « on se retrouve sur les bords de l’Adour, comme d’hab ».

    « Bonne balade à vous, et prends soin de ton pote » lance Martine, en partant derrière les autres.

    « T’inquiète, je tiens à le ramener entier ».

    « Vous allez arriver pour manger quand on aura fini la sieste » elle se marre.

    « C’est pas grave, on les attendra » assène Jean-Paul, avec son humour tout en finesse « c’est pas comme si on était pressés. Il fait beau, on fait une petite boucle. Et puis, j’ai toujours entendu les anciens dire que le pas est l’allure reine de la balade ».

    J’adore la capacité de ce monsieur de nous faire profiter de son expérience, et de sa sagesse, de la plus efficace des façon, c’est à dire avec l’humour.

    « C’est gentil de faire ça pour moi » je lance discrètement à mon bobrun.

    « Je n’allais quand même pas te laisser tout seul pendant que je montais à cheval » fait-il, tout en s’allumant une clope « et encore moins te lancer au milieu de 15 cavaliers expérimentés. Ce matin, on va faire une mise en selle tranquille. Je vais te faire un petit cours d’équitation en accéléré ».

    « D’abord, il faut savoir que le cheval est un animal très intelligent, et très sensible. Et, surtout, très puissant, bien plus puissant que n’importe quel cavalier. On ne domine pas le cheval, on l’apprivoise, on gagne sa confiance. Pour qu’il nous fasse confiance, il faut avoir confiance en soi. Si tu as peur, il ne sera pas rassuré non plus. Certains chevaux vicieux, testent en permanence leur cavalier. Et dès qu’ils sentent la peur, ils peuvent devenir très dangereux ».

    « Ah bon ??? »

    « Mais je te rassure, ce n’est pas le cas de Tequila, car elle est adorable. Quoi qu’il en soit, tu dois amener le cheval à te respecter. Et pour cela, il faut commencer par le respecter ».

    Jérém monte sur son Unico et enchaîne avec quelques explications sur les façons de monter en selle, de se tenir sur l’animal, sur la position du dos, de la tête, des jambes, des pieds, des talons, des bras, des mains, des rênes, sur la pression à exercer sur la bouche, sur les flancs, sans surprendre la bête ou lui faire mal, sur les « commandes », les mouvements à faire et les mots à dire pour faire avancer le cheval, et, surtout, pour l’arrêter, sur la nécessité de guetter les dangers (bruits inattendus, présence de gibier qui pourrait perturber le cheval et provoquer des réactions de peur), et sur la nécessité d’anticiper les réactions du cheval. J’ai l’impression de refaire des cours de conduite, mais avec un véhicule à quatre sabots au lieu de quatre roues, avec des commandes moins réactives, et avec Jérém à la place de Julien en tant que moniteur. Je suis gâté.

    J’essaie d’écouter et de mémoriser chacun de ses mots, tâche rendue difficile par le grand nombre de points à retenir, par des nombreuses variables impossibles à combiner de façon purement cartésienne, par des inconnues et des impondérables, l’animal pouvant se révéler imprévisible et possédant une certaine marge d’action, indépendamment des harnachements et de la volonté de son cavalier.

    Mais si écouter les explications de Jérém n’est pas vraiment une tâche aisée, ce n’est pas seulement à cause du très grand nombre de points à retenir. Le fait est que le bogoss, installé sur son étalon, est sexy à mourir.

    Les jambes légèrement écartées, épousant la forme du cheval, le bassin en avant, le dos droit comme un « I » et légèrement penché en arrière, les mains tenant les rênes avec fermeté et douceur à la fois. En selle sur son Unico, mon bobrun dégage une nouvelle assurance, dans la maîtrise de l’animal, une sorte de virilité brute qui me fait craquer.

    Et puis, il y a ce putain de t-shirt gris sans manches, ce petit bout de coton qui dénude les biceps d’une façon tout simplement scandaleuse. Et comme si cela n’était pas suffisant pour me donner toute sorte d’idées lubriques, le vent s’y met à son tour : sous l’effet des rafales, le coton léger se colle à ses pecs, à ses abdos, fait ressortir des tétons, moule sans pitié le moindre muscle de son torse.

    Mais la malice ne s’arrête pas là : le vent pousse le vice jusqu’à soulever le bas du t-shirt, me laissant entrevoir son nombril et le début de la petite ligne de poils qui court vers son sexe. Détail anatomique bien trop fugacement aperçu, mais en même temps si délicieux, justement parce que fugace. Vision magnifique, magique, je ne sais pas comment je tiens bon, comment j’arrive à ne pas lui sauter dessus, là, tout de suite. Probablement à cause du fait qu’il est en selle sur son étalon, et que ce n’est pas techniquement possible,

    Le fait est qu’au-delà de sa sexytude brûlante, il y a chez ce Jérém « de Campan » autre chose qui le rend à mes yeux insupportablement craquant, quelque chose qui me saute aux yeux comme une évidence lorsque je le regarde sur son Unico. Le Jérém de Campan, est très différent du Jérém de Toulouse. Certes, il y a eu l’accident, et cela a pu contribuer à changer son état d’esprit par rapport à l’époque de nos révisions.

    Et pourtant, ce Jérém « de Campan », existe bien dans les souvenirs des autres cavaliers, donc il existait avant l’accident. C’est comme s’il y avait deux Jérém, celui de la ville, et celui de la montagne. Comme si l’environnement avait le pouvoir de faire ressortir l’une ou l’autre de ses personnalités. Comme si la montagne, en lui rappelant ses origines, avait le pouvoir de le rapprocher des choses importantes dont la ville aurait tendance à le détourner.

    Le Jérém de Campan, ce n’est plus du tout le même (petit con) qu’à Toulouse, dans cet environnement sain et authentique, idéal pour se ressourcer – dans le sens de pouvoir revenir à ses sources et, de là, prendre un nouveau départ – mon Jérém semble s’apaiser, mûrir, assumer ses sentiments, ses envies, ses faiblesses, sa pilosité.

    Dans ce village loin du bruit de la ville, le « petit con » Jérém devient homme, un homme qui a encore gagné en sensualité. Jérém sur son Unico, on dirait un étalon sur un autre étalon. Qu’est-ce que je suis fou de lui, et qu’est-ce que j’ai envie de lui !

    Jérém termine ses recommandations et sa clope au même moment. Il redescend de cheval, il re-sangle son étalon et ma jument, il me fait un bisou, et il me balance :

    « Maintenant tu vas monter ! ».

    Soudainement, je stresse.

    « Déjà ? ».

    « Oui, sinon on va arriver au lieu du bivouac à Noël, pas à midi ! ».

    « Ok, ok ».

    « Prends ça » fait-il, en me tendant une bombe d’équitation.

    « C’est ta bombe ? ».

    « Oui, mais je n’en ai pas besoin ».

    « Tous les cavaliers avaient une bombe » j’insiste.

    « Je préfère que tu la gardes ».

    « C’est rassurant ».

    « Il ne va rien t’arriver. C’est juste au cas où ».

    « Et toi, tu montes sans ? ».

    « Je ne tombe pas, moi. Allez, dépêche ! ».

    J’installe la bombe sur ma tête, je serre la sangle sous le menton et je suis prêt. Et alors que Jérém tient Tequila par le licol, je passe un pied dans l’étrier, je saisis fermement les rênes et la crinière, je m’élance, je passe la jambe droite de l’autre côté de la selle. Dans un bruit de cuir froissé, je m’installe à mon poste de cavalier, et je passe le deuxième étrier. Je vis cela comme une première petite victoire.

    Sur le dos de Téquila, je me sens bien, la selle est grande et confortable, l’animal calme et apaisant. S’il y a un premier enseignement à tirer du fait de monter à cheval, c’est que le monde n’a pas du tout la même allure lorsqu’on prend ne serait-ce qu’un mètre de hauteur.

    « Comment tu te sens ? » me demande Jérém.

    « J’ai un peu peur, mais je me sens bien ».

    « Tu dois te mettre à l’écoute de ta jument, tu dois arriver à lui faire confiance, à faire un seul avec elle ».

    « Facile à dire ».

    « Je vais te montrer ».

    J’ai un peu peur, certes, mais l’impatience de découvrir le monde du cheval avec mon Jérém est plus forte que la peur. Jérém remonte sur son étalon.

    « Vas-y, fais-la marcher ».

    « Et comment ? ».

    « T’as pas écouté ce que je t’ai dit ? ».

    « Non, j’étais trop occupé à te mater ».

    « Pffffff, allez, met un petit coup de talon dans son ventre et dis-lui : Marcher ! ».

    « Marcher, Marcher, Marcher ».

    Je répète le geste et la formule, et pourtant rien ne se passe. Ça commence bien.

    « Sois plus ferme avec le ton de ta voix, Marcher ! ».

    « Marcher ! Marcher ! Marcher ! » je tente d’imiter mon beau moniteur. Toujours aucune réaction de la part de ma jument.

    « Parfois elle est un peu difficile à démarrer ».

    « On fait comment, alors ? ».

    « Je vais passer devant. Tu vas voir, avec Unico devant, elle va suivre sans problème ».

    Et en effet, dès qu’Unico commence à s’éloigner, la mère se met à suivre. Nous traversons un pré légèrement en descente, puis nous rentrons dans une sorte de sous-bois traversé par un étroit chemin qui monte de façon assez sévère. Je ne suis pas rassuré, mais je suis.

    Je suis sur un cheval pour la première fois de ma vie, et je pars en balade avec le gars que j’aime plus que tout. Je n’arrive pas encore à y croire. Mes narines sont frappées par une intense et agréable senteur de fraîcheur, de végétation et de pluie, de terre, de cuir, de poil. Et la trainée de déo que mon bobrun laisse derrière lui se mélange dans ce bouquet olfactif de bonheur simple mais intense.

    Le claquement des sabots ferrés sur le sol résonne dans mes oreilles et dans tout mon corps. Ma peau est surprise par la fraîcheur matinale retrouvée dans ce sous-bois. Mon pull n’est pas de trop et j’hallucine en regardant mon bobrun dans son t-shirt sans manches, qui n’a pas du tout l’air d’avoir froid. Et ce dos en V, puissant, musclé. Putain !

    « Tout va bien ? » je l’entends me lancer, sans se retourner.

    « Pour l’instant, oui ».

    Ma jument suit son jeune étalon de fils, et moi je suis mon bel étalon brun à deux pattes. Oui, tout va bien.

    Jérém sur son cheval, de dos, avec cette attitude en équilibre parfait entre le respect et la domination de son étalon, c’est bandant à mourir. Je n’arrive toujours pas à réaliser comment c’est possible que je fasse l’amour avec ce mec.

    Et lorsque quelques minutes plus tard il se retourne, en suspension sur ses étriers, la chaînette s’agitant au gré des pas de sa monture par-dessus le coton gris, le désir de son corps me donne le tournis.

    « Ça va toujours ? ».

    « J’ai envie de toi ».

    Un petit sourire lubrique illumine alors ses beaux traits masculins.

    « Pense à rester en selle » il me mouche « décrispe toi, tiens-toi droit, baisse tes mains, relâche tes rênes, ne lui tire pas sur la bouche, tu lui fais mal ! ».

    « Ah pardon, je suis un peu stressé ».

    « On est au pas, respire un bon coup, profite du paysage » fait-il, en se remettant correctement en selle.

    « Je profite du paysage, oui, de ton dos, de tes bras, de ton t-shirt sans manches » je le taquine.

    « Tu ne penses qu’à ça ! ».

    « Tu es pile devant moi, ce serait compliqué de penser à autre chose ».

    « C’est pas faux ».

    Puis, après quelques secondes, il me balance :

    « Moi aussi ».

    « Toi aussi, quoi ? ».

    « Ce que tu m’as dit, moi aussi. Mais c’est pas le moment ».

    Lui aussi il a envie de moi. Et qu’est-ce que c’est bon de lui entendre dire. Rien que ce petit échange me fait bander comme un âne.

    D’un coup, je me demande pourquoi nous ne sommes pas restés à la maison à faire l’amour comme des lapins au lieu de faire cette balade et de nous priver pendant toute une journée du bonheur des sens.

    La réponse a ma question me frappe au détour d’un chemin, lorsque nous débouchons sur une clairière permettant au regard de balayer un paysage vallonné à couper le souffle.

    Je réalise alors que la balade à cheval donne accès à d’autres chemins, d’autres lieux, presque d’autres univers, des mondes parallèles à ceux de la « civilisation » des villes, des routes goudronnées, des voitures, des circuits ordinaires. En partant à cheval, on est très vite dépaysés, on a l’impression de quitter la civilisation pour atterrir dans une autre dimension, celle de la nature.

    « C’est beau, hein ? » fait mon bobrun, sans quitter le paysage du regard.

    « C’est très beau, merci de me faire découvrir ça ».

    « Allez, on y va, on a encore du chemin à faire ».

    Les nuages cachent le soleil, et mon bobrun vient d’ôter ses lunettes et de les accrocher dans l’arrondi du col de son t-shirt.

    Nous traversons des régions boisées, d’autres plus dégagées, nous empruntons des chemins qui montent, d’autres qui descendent, nous nous faufilons entre les roches affleurantes, entre les branches qui ont poussé de façon anarchique en travers des chemins et à hauteur « d’homme sur sa monture » et qui nous obligent à nous coucher sur l’encolure des chevaux pour rester en selle et en un seul morceau. Nous traversons des passages étroits, des clairières, des petits gué.

    Dans un pré, un taureau rumine tout seul. Nous voyant approcher, il se lève d’un bond. C’est plutôt impressionnant. Mais Tequila, bon soldat, avance sans faire d’histoires, comme un bonhomme bedonnant et jovial, elle me fait penser au bon Casimir. Pom pom pom pom, Qu’est-ce qu’elle est bien cette jument !

    Pas après pas, j’arrive peu à peu à maîtriser ma peur, à faire confiance à ma monture, et à prendre du plaisir à la balade. Tout se passe à merveille et rien ne semble pouvoir perturber notre petit périple.

    Du moins jusqu’à ce que, sans prévenir, un petit grain de sable vienne enrayer cette machinerie bien huilée.

    Tout se passe très vite. Unico s’arrête net et fait un écart d’anthologie vers la gauche. Quelque chose a dû lui faire peur. Jérém tente de le maîtriser, mais l’étalon ne veut rien savoir, il a l’air paniqué, il se lance au galop.

    Jérém tente de l’arrêter, en vain. Entre mes jambes, je sens Téquila frémir. Je sens qu’elle va démarrer elle aussi. Je suis tenté de déchausser les étriers, et de descendre d’un bond, mais je n’ai pas le temps.

     Téquila accélère avec la poussée d’un avion supersonique, j’ai l’impression qu’elle pète le mur du son en moins d’une seconde.

    Me voilà lancé au galop, allure que je n’avais pas du tout prévu d’adopter lors de mon baptême à cheval. Dans ma tête, tout se bouscule : m’accrocher pour rester en selle, éviter de tomber, essayer d’arrêter le cheval avant d’arriver dans un passage étriqué, où elle pourrait m’arracher une jambe ou un bras ou la tête en passant trop près d’un arbre ou d’un rocher. Penser à rester vivant.

    Mais pourquoi je me suis laissé embarquer là-dedans, pourquoi nous ne sommes pas restés au lit à faire l’amour pendant toute la journée ? C’était si bien, hier, de prendre le temps de se faire du bien.

    Dans la panique, j’arrive quand même à me souvenir de certains enseignements de Jérém.

    « Pour l’arrêter, tu penches le dos vers l’arrière, tu serres tes jambes le plus que tu peux, tu tends les rênes sans tirer sur la bouche. Et si tu as peur de tomber, rappelle-toi que ta selle a un pommeau, si tu as peur de tomber, prends appui dessus ».

    Je tente de les appliquer, mais rien n’arrive à arrêter cette folle chevauchée qui semble durer une éternité. Soudain, je vois au loin Jérém sur Unico, à l’arrêt. Très vite, je réalise que si je n’arrive pas à arrêter ma jument, je vais faire un accident d’équidés. Je risque de me faire mal, je risque de blesser mon Jérém !

    Je tente le tout pour tout, je serre encore les jambes, je tire un peu plus (un peu trop) sur les rênes. Mais Tequila continue son galop, la collision approche. Jérém s’est retourné, il voit le danger arriver. Mais alors que prie pour qu’il ait la bonne idée de se serrer pour laisser passer la furie qui me sert de monture, je le vois au contraire se mettre en travers du chemin. 4, 3, 2, 1, impact imminent,

    J’ai tout juste le temps de crier un « JEREM !!!! » à m’en défoncer les poumons, que Tequila se met à freiner des quatre fers, comme dans les vieux dessins animés. J’ai presque l’impression de sentir le bruitage typique de Tom et Jerry.

    Le brusque changement de vecteur de vitesse me surprend et me déséquilibre violemment, ce qui manque de me faire tomber par-dessus l’encolure. Chance du débutant, j’arrive à me rattraper de justesse en m’appuyant à fond sur le fameux pommeau de la selle.

    Tequila, quant à elle, termine son sprint en encastrant ses naseaux dans l’encolure de son fils, position qui a l’avantage de m’approcher de très près de mon bobrun.

    « Ça va, Nico ? » il me demande, avec un sourire de malade, à la fois charmeur et doux. Jérém a transpiré, son visage a l’air échaudé, il est sexy à mort.

    « Ça va, ça va, il faut juste que je retrouve mes esprits ».

    « Putain, tu l’as fait ! » il me félicite.

    « J’ai fait quoi ? ».

    « Ton premier galop ! ».

    « Ce n’était pas du tout volontaire ».

    « Mais t’as tenu en selle ».

    « Je me serais bien passé de cette poussée d’adrénaline ».

    « Arrête, je suis sûr que t’as kiffé ».

    Jérém a raison : si je mets de côté la peur, ce sprint impromptu a été génial. La sensation de vitesse, les claquements rapides et sonores des sabots, la puissance de l’animal en action, la sensation de léviter au-dessus du sol. Oui, c’était vraiment très bon.

    « Oui, un peu ».

    « Viens là » fait Jérém, en passant sa main derrière ma nuque, en m’attirant à lui et en m’embrassant.

    « Tu m’as bluffé, tu t’es accroché, et t’as rien lâché. Tu ne lâches jamais, j’aime ça, chez toi ».

    Les mots de Jérém me font chaud au cœur. Je sens dans son regard qu’il est vraiment impressionné par ce qui vient de se passer, qu’il est fier de moi. Je sens également dans ses mots une sorte d’écho aux difficultés de la première partie, houleuse, de notre relation, à ces galops sentimentaux que l’étalon Jérém a piqué à plusieurs reprises, et par lesquels je ne me suis jamais laissé dégoûter.

    Jamais comme en cet instant, je me suis senti aussi bien, dans mon cœur, dans son regard.

    « Ça me fait plaisir que tu me dises ça ».

    « Vraiment, tu m’as rabattu le clapet ».

    « Toi non plus tu t’es pas mal débrouillé, Unico t’a bien secoué ».

    « Il ne m’avait encore jamais fait ça ».

    « Qu’est-ce qui s’est passé ? ».

    « Je crois qu’il s’est fait piquer par quelque chose, et il a dû avoir vraiment mal. D’habitude j’arrive à l’arrêter facilement. Mais là, il m’a fait mouiller le maillot ».

    En effet, son t-shirt sans manches présente désormais des marques de transpiration autour du cou et des aisselles.

    « Mais qu’est-ce qui t’a pris de te mettre en travers ? J’ai eu trop peur de te percuter ».

    « Je savais qu’en voyant l’obstacle, elle s’arrêterait. Elle n’aurait jamais percuté son Unico ».

    « Merci en tout cas ».

    « De rien, de rien » fait-il, tout en passant rapidement sa main dans mes cheveux, avec un geste plein de douceur.

    « Et moi qui commençais à me sentir en confiance ».

    « Tu sais, le risque zéro n’existe pas à cheval ».

    « C’est vrai que la pédale de frein n’est pas aussi réactive que sur une voiture ».

    « En voiture non plus, le risque zéro n’existe pas ».

    « C’est vrai aussi ».

    « Jean-Paul te dirait qu’il faut faire confiance à son cheval, sans jamais baisser la garde ».

    « J’aime bien ce type, il a l’air sympa ».

    « C’est un mec plein de bon sens et d’humour ».

    Jérém vient de descendre de son étalon, il pose les rênes sur l’encolure, il allume une clope et s’éloigne un peu. Je descends à mon tour de Téquila, sans quitter mon bobrun des yeux. Je le regarde, les jambes écartées, le dos en arrière, en train de défaire sa braguette. Et alors que je l’entends lâcher un jet dru et bruyant dans la végétation, je le vois lever le visage vers le ciel, signe évident de soulagement. Je le mate jusqu’à ce qu’il se secoue sa queue pour faire partir la dernière goutte, avant de refermer sa braguette.

    Jérém revient vers son cheval, il monte en selle avec un élan à la fois puissant, léger et souple.

    « Allez, on continue, on n’est pas encore arrivés ».

    Nous empruntons un nouveau petit chemin dans les bois. Les arbres et la végétation nous enveloppent, la lumière du soleil nous arrive filtrée par les cimes, les sons des sabots sur le sol nous parviennent comme ouatés, alors qu’un silence sépulcral semble régner sur les lieux. L’endroit a quelque chose d’oppressant, presque sinistre, comme un labyrinthe, et je me sens étouffer par la présence dense de ces arbres qui semblent vouloir nous retenir, nous empêcher d’avancer, nous piéger. J’ai l’impression d’être dans une forêt « hantée », d’avoir été transporté à mon insu dans une autre dimension spatio-temporelle, c’est vraiment étonnant comme sensation. Heureusement qu’il y a le chemin pour nous guider et la présence de mon bobrun pour me rassurer.

    Lorsque nous sortons enfin de ce long passage étouffant, je suis heureux et soulagé de retrouver de l’air, de l’espace et du soleil. Je prends une grande inspiration, et je me sens de suite mieux.

    « Ça va ? » il me demande, pour l’énième fois.

    « Oui très bien, je commence à avoir faim ».

    « C’est normal, il va être midi. Et nous avons encore de la route ».

    « Midi, c’est vrai ? Ça fait plus de deux heures qu’on se balade, je n’ai pas vu le temps passer ».

    « Moi si » fait Jérém du tac au tac.

    « Petit con ! ».

    « C’est pas moi, ça ».

    « Même Charlène te traite de petit con ».

    Le bogoss sourit sous la moustache.

    « Je rigole, Nico. En vrai, je trouve que t’as bien de courage de monter sans avoir pris un seul cours. Rien qu’une balade au pas, c’est énorme. En plus, t’as même fait un galop. Alors, moi je dis que c’est un sans-faute, Monsieur Sabatier. Et merci aussi de me faire confiance ».

    Entendre Jérém me féliciter, me fait un bien fou, me met du baume au cœur, l’entendre m’appeler par mon nom de famille, c’est une douce mélodie qui me fait vibrer.

    Le chemin débouche sur un nouveau point de vue dégagé, offrant une vue majestueuse sur le relief Pyrénéen, sur la vallée et très loin dans la plaine, un point de vue qui nous fait prendre soudainement et pleinement conscience du dénivelé franchi et de l’effort produit par nos montures.

    Jérém et Unico marquent une pause, Tequila s’arrête à son tour, sans aucun effort de ma part, elle se gare pile à côté de son fils. Jérém semble comme happé par ce superbe paysage, et à mon tour je finis par me perdre dans la tentative d’embrasser cette immensité du regard, de m’en imprégner.

    Jusqu’à ce que la voix de mon bobun me tire de cette contemplation.

    « Toulouse, c’est vers là-bas ».

    « C’est beau ! » je commente.

    « Oui, c’est beau » fait-il, la voix un brin altérée par la clope qu’il vient de glisser au coin de ses lèvres, puis, il continue : « j’ai toujours aimé cet endroit. Plus jeune, je venais ici quand ça n’allait pas. J’y ai passé des heures, allongé dans l’herbe ».

    « C’est ton refuge, d’une certaine manière ».

    « Le week-end dernier, j’avais besoin d’être seul, et je suis venu ici avec Unico. J’ai regardé vers Toulouse et j’ai décidé de t’appeler ».

    « Merci la montagne ».

    « Tu sais, j’ai vraiment cru que c’était fini cette nuit-là » fait Jérém, après une petite pause.

    « La nuit où tu t’es battu ? ».

    « Oui. Pendant que le mec me cognait, j’ai cru qu’il continuerait jusqu’à me tuer. Quand j’ai tapé la tête contre le mur, juste avant de perdre connaissance, j’ai vu ma vie défiler, comme dans un film. Et le film se terminait avec un final de merde ».

    « Quel final ? ».

    « Le regret de t’avoir fait mal, de t’avoir fait souffrir, parce que ».

    « Parce que ? ».

    « Parce que tu étais la plus belle chose qui me soit arrivée ».

    « Toi aussi tu es la plus belle chose qui me soit arrivée ».

    Je suis ému. Jérém aussi. Ma main cherche sa main. Nos doigts s’entrelacent.

    « Quand je me suis réveillé à l’hôpital, c’est à toi que j’ai pensé en premier. J’ai réalisé que si j’étais parti pour de bon, les derniers souvenirs que t’aurais gardés de moi auraient été la torgnole que je t’avais mis chez toi et le sketch quand on s’est croisés sur les boulevards, quand tu étais avec « machin », et ça m’a rendu malade ».

    « Je savais que t’étais un gars génial, quelqu’un de bien » je fais, au bord des larmes.

    « Je ne sais pas ».

    « Je te dis que oui ».

    « Allez, on y va, nous y sommes presque ».

    Nous reprenons notre route et, très vite, une jolie ligne droite dégagée se présente devant nous. Unico marche plus vite que Tequila, il prend vite quelques mètres d’avance. Au fur et à mesure que la distance se creuse, je sens Téquila frémir, comme si elle n’aspirait qu’à rejoindre son rejeton.

    Alors, à moment, je me dis : tant pis, vas-y, Nico, laisse-toi porter. Tu as survécu à ton premier galop, tu ne vas pas te casser la gueule au deuxième. Je lâche un brin les rênes et, contre toute attente, la grosse jument ne part pas comme un boulet de canon comme tout à l’heure, mais prend un petit trot plutôt agréable.

    Je suis fier de moi, je commence à dépasser ma peur de la vitesse à cheval. Et justement cette sensation de vitesse, de puissance, de liberté et d’harmonie – avec la nature, le grand air, l’animal, mon chéri et, par-dessus tout, moi-même – est une des sensations les plus enivrantes que je n’aie jamais connues.

    L’adrénaline commence à circuler en moi, elle me donne des frissons. Jamais je n’ai ressenti quelque chose de semblable. Ma crispation disparaît, je respire profondément comme jamais je ne l’ai fait. Je trouve le bon tempo avec Tequila et je me laisse porter. Ce trot, c’est comme une renaissance Je m’entends pousser un cri d’excitation, le même genre de cri que l’on pousse la première fois que l’on fait les montagnes russes. On a beau essayer de se maîtriser, à un moment donné on est obligés de lâcher prise face à une force qui nous dépasse. Et on a alors l’impression de s’envoler tellement haut que ça en donne le tournis.

    Lorsque Jérém me voit le dépasser, il me lance un « Waaaaaahoooooooo ! » qui me fait frémir de bonheur. Puis, au cri de « Iiiiiiiiiiiiiii-aaaaaaaaaaaaaa ! » il lance à son tour son entier au trot, il me rattrape, et il cale son allure sur celle de ma jument. Ce qui fait que nous chevauchons côte à côte, comme deux cavaliers expérimentés. J’ai l’impression d’être sur un nuage.

    Lorsque le trot prend fin (Tequila et ses dizaines de kilos de trop s’épuisent vite), nous revenons au pas. Jérém me regarde, l’air impressionné par mon exploit.

    « Tu prends goût à la vitesse, on dirait ».

    « Je n’aurais pas pu la retenir. Mais oui, j’ai bien aimé ».

    « Ça se voyait, t’avais la banane ».

    « J’étais bien ».

    « Je suis content que tu aimes faire du cheval. En plus, tu as une bonne posture sur Tequila ».

    « Merci, toi aussi t’as une bonne posture sur Unico. T’es sexy comme pas permis à cheval ! ».

    Une petite, adorable moue de fierté s’affiche sur son visage : je sais qu’il aime quand je le flatte.

    « Toi non plus t’es pas mal » il lâche, au bout de quelques secondes.

    Sur ce, nous arrivons au bivouac. Nous avons droit à un accueil triomphal par les autres cavaliers, accueil dans lequel se mélangent soulagement (certains commençaient à penser que notre retard aurait pu être dû à un accident) et railleries (il y a de quoi, nous sommes partis un quart d’heure après les autres et nous arrivons une bonne heure après).

    « Merci d’avoir fait la balade à mon rythme » je lui chuchote.

    « Je n’avais pas le choix » il se marre, en lâchant un clin d’œil qui manque de peu de me faire tomber de ma jument.

    « Merci quand-même ».

    « C’est moi qui dois te féliciter d’avoir accepté de le faire, je suis fier de toi ».

    Je fonds, j’ai envie de pleurer.

    Oui, je l’ai fait, et je suis heureux de l’avoir fait.

    Nous attachons les chevaux à un arbre un peu plus loin, avec assez de mou pour qu’ils puissent brouter de l’herbe et reprendre des forces, puis, nous les dessellons.

    Lorsque nous revenons du bivouac, Daniel nous tend des gobelets.

    « Vous buvez quoi ? ».

    « Un whisky » fait Jérém, sans hésiter.

    Après avoir servi mon bobrun, Daniel s’adresse à moi :

    « Et toi ? C’est Nico, c’est ça ? Oui, c’est ça, Nico, tu bois quoi ? ».

    « Un jus d’orange » je fais, mort de soif, en voyant une grande brique sur la table de camping installée au milieu des cavaliers assis à même le sol, et dont la plupart est déjà en train de siroter leur café.

    « Il a dit quoi ? » il demande, en regardant de biais, en faignant de s’adresser à l’assemblée, comme s’il était assommé par l’énormité qu’il vient d’entendre.

    « Un jus d’orange » je répète, alors que de nombreuses voix me font écho.

    « Un jus de quoi ? » il interroge, en feignant colère et agacement.

    « D’orange ! » fait Martine, en se saisissant de la brique pour remplir mon gobelet à rebord.

    « Mais ça se vend, ça ? » fait-il, l’air faussement dégoûté.

    « Bien sûr que ça se vend » rigole Martine.

    « Et vous en êtes content ? Ah ouais, vous êtes pas difficile alors » s’amuse Daniel.

    Ces répliques font écho dans ma mémoire à un sketch célèbre, celui de « L’autostoppeur ». C’est à cet instant précis que je réalise que ce gars me fait penser à l’immense Coluche.

    « Nous sommes vraiment à la bourre » fait Jérém.

    « Ça fait rien. Chi va sano va piano et va lontano. C’est pas ça que disent tes cousins italiens ? » intervient JP.

    « Oui, c’est ça. De toute façon, Nico avait besoin d’un démarrage en douceur pour se préparer aux aléas de l’équitation. Et à un moment, il a pris un de ces galops ! » se marre mon bobrun.

    « Sur Tequila ? » s’étonne Satine sur un ton sarcastique.

    « Oui, parfaitement, elle est encore capable de prendre le galop, malgré ses rondeurs ».

    Jérém raconte plus en détail ce qui s’est passé, la frayeur d’Unico, son galop soudain et imprévu, Tequila qui s’emballe à son tour, mon « exploit malgré moi ». Il raconte que nous avons frôlé un « accident de canassons » mais que je me suis débrouillé comme un chef.

    Comme j’aime, lorsqu’il parle de mon expérience à cheval, entendre dans sa voix cette petite vibration de fierté et d’admiration qui me fait sentir si bien. Se sentir bien dans le regard du gars qu’on aime, ça n’a vraiment pas de prix.

    JP et Carine me félicitent à leur tour, ainsi que Charlène, Martine, Arielle, et d’autres encore.

    J’avais peur de ne pas arriver à m’intégrer dans le groupe : il n’en est rien. Les cavaliers sont des gens accueillants et drôles, francs et directs. Leurs compliments me vont droit au cœur, j’ai l’impression d’être entouré par la bienveillance d’une nouvelle « famille ».

    Nous ne nous connaissons que depuis quelques heures, et on me complimente et on me charrie comme si on se connaissait depuis toujours. Le pote de Jérém, le pote de l’un des leurs, et le pote de tout un chacun. Une attitude qui me fait sentir bien, qui me fait très vite sentir comme chez moi.

    Dès que Jérém et moi sortons nos sandwiches, nous sommes submergés par des propositions alimentaires tout azimut : nous profitons ainsi d’une pizza, d’une quiche, d’une salade de pâtes, d’un taboulé. C’est la bonne franquette, et c’est génial. Je n’ai jamais vécu ce genre de partage et de bonne humeur permanents.

    « Il me reste des pâtes » fait Arielle, nous tendant un tupperware dans lequel gît un amas informe à l’aspect très pâle.

    « N’en mangez pas, c’est un piège ! » fait Charlène.

    « Un piège ? » je m’étonne, tout en goûtant ce plat gentiment offert.

    L’aspect aurait dû me mettre en garde : c’est pas cuit, c’est pas bon, ça n’a pas de goût. C’est de la maltraitance gustative. Je fais la grimace.

    « Je ne sais pas comment c’est possible de rater des pâtes à ce point » fait Jérém, l’air dépité.

    « Je te l’avais dit. Personne n’en a voulu de ses nouilles, même elle n’en a pas mangé. T’as pas vu que le tupperware est plein ? Alors, elle a voulu la fourguer à quelqu’un qui ne connaît pas encore ses exploits en cuisine ».

     « Mais enfin, elles sont trop cuites et pas assez cuites à la fois. C’est pas possible ».

    « Tout est possible avec la bouffe d’Arielle » conclut Martine.

    « J’ai mes secrets » réagit enfin l’intéressée, l’air plutôt amusée d’en prendre plein la gueule.

    « Le problème c’est que ta passion pour la cuisine est du même ordre que celle de Loïc pour les femmes » fait Charlène.

    « C’est ça, ou comme celle de Charlène pour la propreté de la maison » fait Loïc, du tac au tac.

    « Petit merdeux ».

    Les piques fusent dans tous les sens, mais toujours dans une ambiance bon enfant. A un moment, Nadine part dans fou rire retentissant, interminable. Je n’ai jamais entendu un fou rire comme le sien. Au départ, je croyais qu’elle en rajoutait, mais j’ai vite compris que son fou rire est incontrôlable, inarrêtable. Preuve en est le fait qu’elle devient toute rouge, qu’elle en pleure même.

    Satine nous passe une part de tarte salée, délicieuse (« C’est pour réparer vos papilles »). Le délicieux flan de Carine (Jérém n’a pas menti) vient clôturer un repas bien plus copieux que nous l’avions imaginé.

    « T’as bien mangé ? » me demande Jérém.

    « Comme un petit cochon ».

    « C’est toujours comme ça en balade, beaucoup de bonnes choses à manger, sauf du côté d’Arielle ».

    Le fait de redécouvrir mon bobrun dans ce nouveau décor, le voir rigoler, se moquer, s’amuser, interagir avec tous ces gens qui ont l’air de le connaître si bien, me donne de nouveaux frissons. Le fait qu’il ait envie de partager cela avec moi, m’émeut au plus haut point. Je crois que n’ai jamais été aussi amoureux de lui qu’à cet instant précis.

    « Alors, Nico, tu vas être une nouvelle recrue de l’asso ? » me questionne la charmante Ginette. C’est marrant comme elle me rappelle ma grand-mère.

    « J’aimerais bien. Mais je vais partir à Bordeaux pour mes études, alors ça va être compliqué » je lui réponds, alors que Daniel, le joyeux luron de la bande, chante à s’en casser les cordes vocales « Il est des noooooootreeeeeeeees ».

    « Moi je dis bravo à Nico » fait JP, le bienveillant « car c’est pas facile de se lancer comme ça, sans jamais avoir pris un cours. Le cheval, c’est pas un vélo ».

    « C’est vrai » je confirme « c’est pas évident à démarrer, parfois les vitesses ne veulent pas passer, parfois elles passent toutes seules, sans prévenir, et pour ce qui est du freinage, il faut se lever de bonne heure ».

    « Churchill a dit » fait JP, le sage « le cheval est dangereux devant, dangereux derrière et inconfortable au milieu ».

    Ce repas pris au bord de l’eau devient un moment de convivialité et d’agréable conversation entre amis. Il y a une très bonne ambiance dans ce groupe, je me sens bien. Tous ces gens m’inspirent une profonde sympathie, sauf deux d’entre eux, Loïc et Sylvain. La raison est simple : c’est à cause des regards qu’ils posent sur mon bobrun.

    Oui, les regards de ces deux gars m’inquiètent. Pas tant pour le fait d’exister (car c’est normal de mater un gars comme Jérém, à moins d’être aveugle), mais pour le fait que Jérém ait pu les remarquer. Car je suis certain que Jérém les a remarqués.

    Je me doutais bien que le pendant d’être avec une bombasse comme Jérém, c’est de devoir accepter qu’il se fasse mater à chaque coin de rue : ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’un Jérém qui assume enfin son attirance pour les mecs, est un Jérém potentiellement accessible par les autres gays, un Jérém qui, notamment à Paris, pourrait être exposé à des sollicitations et des tentations autres qu’à Toulouse ou Campan. Déjà qu’il ne s’est pas privé d’avoir des expériences alors qu’il n’assumait même pas son attirance pour les mecs, alors, maintenant qu’il s’assume,

    Le repas tout juste terminé, je ressens une douce fatigue m’envahir et j’adhère volontiers à l’idée, lancée collectivement, d’une demi-heure de sieste avant de repartir. L’un après l’autre, les cavaliers s’allongent sur l’herbe et se mettent en veilleuse. Je m’allonge sur l’herbe à mon tour, alors que Jérém s’éloigne pour griller une clope.

    Le ciel est d’un bleu profond, le soleil chauffe ma peau, le clapotis de l’eau dans le ruisseau me berce. Les chevaux broutent autour de nous. C’est reposant de regarder ou même simplement écouter les chevaux pâtre. Je me sens peu à peu glisser dans les bras du Morphée de la sieste.

    Mais mon repos est de courte durée, une caresse légère sur le dos de ma main m’oblige à rouvrir les yeux. La première image qui se présente à moi, c’est le visage de Jérém, illuminé d’un petit sourire coquin.

    « Viens voir » il lâche discrètement.

    « Qu’est-ce qui se passe ? ».

    « Viens voir, je te dis ».

    0210 Balade à cheval

    La véritable Téquila, 13 mai 2019.

    Commentaires

    ZurilHoros

    12/06/2020 07:22

    C’est un chapitre ou il y a une bonne dose d’humour. Pauvre Nico! je me demande comment j’aurais fait à sa place. Entre l’obligation de s’intégrer à un groupe d’inconnus, celle de ne pas être un boulet pour les cavaliers expérimentés, celle de ne pas nuire à Jérémie en s’affichant, celle de ne pas décevoir Jérém, l’enjeu est de taille. 

    En tout cas c’est une belle balade dans les Pyrénées. Ca donne envie d’aller voir sur place les paysages. 

    Virginie-aux-accents

    24/05/2019 07:47

    Bravo!
    J’aime le Jérém de Campan! Il n’étale pas ses sentiments mais il ne repousse pas Nico, comme il l’aurait fait avant… Qu’il est beau ce week-end à la campagne.

    Yann

    23/05/2019 11:50

    Tu es devenu au fil des épisodes un pro de l’écriture. Créer un cadre dans l’espace et le temps dans lequel se situe l’histoire. Les bons dosage. J’ai adorétout ça et la complicité des deux amoureux. 
    Yann

    florentdenon

    22/05/2019 10:21

    Merci encore Fabien ! On s’y croirait et la balade est belle.

    St…

    21/05/2019 18:16

    Episode réussi entièrement 🙂

  • JN0209 Le matin d’après.

    JN0209 Le matin d’après.

    Campan, le dimanche 9 septembre 2001.

    Lorsque je me réveille, Jérém dort encore. Allongé sur le dos, le visage tourné vers le bord du lit, de son côté, les épaules et le haut des pecs qui dépassent des draps, mon bobrun est vraiment très beau dans son sommeil. Mon regard est happé par ses cheveux bruns en bataille, sa barbe de quelques jours, sa peau mate. Mon cœur est vrillé par ce diabolique mélange de violente sexytude et de profonde douceur qui se dégage de sa présence à cet instant précis.

    J’ai tellement envie de lui, j’ai envie de le réveiller avec une gâterie, j’ai envie de lui faire débuter cette nouvelle journée par un bel orgasme. Et pourtant, lorsque je le regarde, si profondément endormi, beau comme un ange, je n’ai pas le cœur de le réveiller, même pas pour une pipe.

    C’est dimanche matin, c’est mon deuxième réveil à côté de Jérém, et c’est toujours aussi merveilleux. C’est dimanche matin, et c’est aussi le jour d’après, après que Jérém se soit mis à nu devant moi, sur tant de sujets complètement tabous jusque-là. Le matin d’après, comme un écho d’une très belle chanson :

    Je voudrais que ce week-end dure pour toujours. Je crois bien que je voudrais me réveiller chaque jour de ma vie à côté de mon Jérém.

    C’est tout juste 7h00, mais j’ai envie de bouger. J’ai bien dormi, je suis bien réveillé, j’ai envie de gambader. Je me lève, je m’habille, je remets les deux derniers morceaux de bois dans les braises encore fumantes de la cheminée. Il y a quelque chose d’ancestral et de rassurant dans ce geste, le contact avec le bois est agréable, la flamme et la chaleur qu’on obtient avec ce simple procédé est douce et apaisante.

    C’est dimanche matin, il fait beau, et Jérém dort toujours comme un bébé. Je le laisse se reposer, je commence ma journée avant lui. Je sors de la petite maison pour aller chercher du bois. L’air matinal est frisquet, et l’ambiance de la montagne possède une saveur particulière.

    La lumière, les couleurs, les odeurs, la pureté des éléments, leur beauté simple et immuable, leur solitude et leur solidité face à une nature souvent inclémente, forcent le respect et la fascination. La montagne et ses grands espaces, des paysages captivant le regard et remuant l’esprit, la montagne et ses points de vue perchés, tout est comme une invitation à regarder loin, à prendre de la hauteur, à relativiser l’existence toute entière.

    La montagne, c’est souvent loin de tout et loin de tous et pourtant, on ne se sent pas seuls à la montagne, car elle nous montre la voie et elle nous offre le silence nécessaire, pour nous retrouver nous-mêmes.

    C’est la première fois que je fais le tour complet de la petite maison en pierre. Par endroits, ses murs en pierre sont tachés par l’humidité, les ardoises du toit attaquées par les moisissures : le temps n’a pas fait de cadeaux à cette petite bâtisse, à ce foyer qui a dû connaître tant de vies, d’histoires, de bonheurs et, certainement, d’adversités. Mais la petite maison, comme une vieille dame à la peau ridée, semble se dresser fièrement contre la tyrannie du temps : les années passent, chaque jour dépose un stigmate supplémentaire, et pourtant, ses murs sont toujours debout, ses ardoises ne laissent pas passer la pluie, sa cheminée fume toujours, et son cœur, son foyer, est assez solide pour abriter une fois encore, le bonheur. Oui, cette petite maison est vraiment mignonne, modeste, mais mignonne, un véritable refuge pour le bonheur. L’écrin de mon bonheur avec Jérém.

    Je repense aux petits mots échangés la nuit dernière, sur l’oreiller, avant de nous endormir, je repense à cette complicité qui est en train de s’installer entre nous, à cette envie de tout nous dire, comme pour partir sur de nouvelles bonnes bases, je suis heureux de savoir enfin comment mon bobrun a vécu notre relation jusque-là, de connaître ses doutes, ses peurs, ses envies, des ressentis longtemps fantasmés. Je suis content qu’on se dise les choses, je crois que c’est la meilleure chose à faire pour qu’il n’y ait plus de malentendu entre nous.

    Un lit, le sexe, l’amour, la tendresse, les petits mots sur l’oreiller et aussi les simples gestes du « quotidien », un repas, une douche, des courses : ce week-end, mon Jérém et moi nous partageons tout, vraiment tout, comme jamais je n’aurais cru pouvoir le faire un jour avec lui.

    Depuis deux jours, Jérém m’a beaucoup parlé de lui : je pense que le moment est venu de lui parler de moi. Je pense que Jérém lui aussi a des questions à me poser. Je n’ai rien à lui cacher, je répondrai à toutes ses questions.

    Soudain, je réalise que c’est le jour J, et qu’une balade à cheval avec mon Jérém et ses potes – autant d’inconnus pour moi – se profile. Pour la première fois, je vais partager l’une de ses passions, l’équitation, et cela m’enchante, pour la première fois, je vais avoir la chance de passer une journée, de discuter, de partager des expériences avec des personnes qui comptent pour mon bobrun, et cela me ravit.

    Mais ce qui me ravit le plus, c’est qu’au fil des échanges et des conversations, j’en apprends un peu plus sur mon bobrun, comme au temps du lycée, lorsque je tendais en permanence mon oreille pour capter la moindre bribe d’info sur lui.

    Je suis heureux qu’il ait envie de partager cela avec moi, qu’il ait envie de se montrer avec moi, mais je suis aussi stressé, de peur de ne pas arriver à m’intégrer dans ce petit monde où chacun se connaît et partage une passion commune.

    Je me pose aussi beaucoup de questions. Comment vais-je me comporter avec ces inconnus ? Est-ce que les gens vont se douter de quelque chose concernant la relation entre Jérém et moi ? Comment vais-je réagir s’ils commencent à poser des questions ? Jusqu’où Jérém est-il prêt à assumer ma présence à ses côtés ?

    Au fond, la proposition de cette balade vient de lui, et il doit savoir ce qu’il fait. Serait-il prêt à assumer le fait que nous sommes ensemble ? Ça me paraît un peu prématuré.

    Certes, nous venons de vivre deux jours de magie pure : tout ce que j’ai toujours désiré de mon Jérém m’a été servi sur un plat d’argent. Mais nous avons vécu ces deux jours presque complètement isolés du monde extérieur, loin des regards qui jugent, les seuls contacts que nous avons eus en dehors de la petite maison en pierre ont été fugaces, et personne n’a eu l’occasion ou l’idée de me questionner, ou simplement de parler avec moi.

    Un cri de rapace retentit entre les pentes, la beauté du paysage évolue sans cesse avec la lumière changeante du matin, une petite rafale de vent froid traverse mes vêtements et me fait frémir : la montagne se charge d’arracher mon esprit de mes pensées et de le canaliser vers la contemplation de la nature indomptée.

    Je me sens tellement bien ici. Je pourrais passer des heures à contempler la vue, les sommets déjà enneigés, les pentes recouvertes de végétation, la pierre, le ciel, la petite maison, cette cheminée d’où s’échappe un filet de fumée.

    Et pourtant, deux choses m’empêchent de m’y attarder plus longtemps : le froid matinal, qui me fait grelotter, ainsi que l’envie de retrouver mon bobrun. Non, on ne se sent jamais seuls à la montagne : surtout lorsqu’on est en compagnie du gars qu’on aime. Et qu’est-ce que j’aime, ce Jérém, qu’est-ce que j’aime le gars que mon Jérém devient, au contact de la montagne.

    J’attrape la brouette sous l’appentis et je me dirige vers le tas de bois dans un coin du jardin. Je dégage la bâche qui recouvre un tas de bûches rangé de façon plutôt méthodique. C’est la première fois que le citadin que je suis va chercher du bois pour faire du feu. Pendant que je remplis la brouette de bois, je me sens utile. Je trouve le moyen de me planter une écharde dans un doigt, ça fait un peu mal mais c’est supportable. Je gare la brouette à côté de la porte d’entrée, j’attrape quelques bûches dans mes bras et je rentre.

    Il fait tellement bon dedans. Le bogoss dort toujours, sa respiration apaisée diffuse dans la petite pièce une douce note de bonheur. Son torse, le galbe de ses épaules, les pecs saillants avec du beau poil brun, les abdos en tablettes de chocolat, dépassent désormais des draps jusqu’au nombril, ses bras sont repliés, les mains coincées entre la tête et l’oreiller : et cette position qui met en tension tout un tas de muscles, rend encore plus impressionnant le V de son torse, ses biceps et ses tatouages, tout en exposant à ma vue ses aisselles finement poilues. Les yeux fermés, les traits détendus, l’air apaisé, et la beauté virile de son visage se double d’une expression d’ange adorable. Un ange viril, c’est beau à se damner.

    En posant les bûches à côté de la cheminée, je fais un peu de bruit. Le bogoss remue dans les draps.

    « T’es déjà levé ? » il me lance, la voix pâteuse, en frottant le visage de ses deux mains à plusieurs reprises.

    « Bonjour Jérém » je lui réponds, tout en m’approchant du lit et en posant un bisou sur ses lèvres.

    « Bonjour » fait-il, la voix monocorde, sans pour autant ouvrir les yeux.

    « Je suis allé chercher du bois ».

    « Ah, C’est bien, Il est quelle heure ? » fait-il, les yeux tout juste entrouverts.

    « Un peu plus de 7h30 ».

    « C’est tôt » il s’exclame, tout en refermant les yeux et en laissant tomber lourdement ses bras le long de son torse.

    « C’est pas si tôt ».

    « C’est une heure qui ne devrait même pas exister ».

    Une seconde plus tard, mon bobrun est reparti dans les bras de Morphée. Mon regard est happé par ses abdos qui ondulent lentement sous l’effet de sa respiration calme.

    Ce corps de petit Dieu offert à ma vue, ainsi que ce drap qui s’arrête juste à la lisière du bonheur, de sa jeune virilité, voilà de quoi réveiller violemment ma gourmandise matinale.

    Une envie violente s’empare de moi, je bande à vitesse grand V. J’ai envie de voir sa queue, de la toucher, de la prendre dans la bouche, de la faire jouir. C’est le matin, et j’ai besoin d’avaler une boisson chaude pour bien me réveiller.

    Je fixe le drap juste en dessous de son nombril et je me demande ce que je kifferais davantage : qu’elle soit déjà raide, qu’elle tende le drap de façon insolente, et qu’elle me nargue d’aller m’occuper de cette trique du matin qu’un p’tit mec comme Jérém ne doit pas manquer d’avoir, ou bien, au contraire, qu’elle soit comme elle est là, ce matin, encore au repos.

    Car cela m’offre la possibilité d’aller passer délicatement le nez sur le drap, d’apprécier les formes et la chaleur de sa virilité à travers le tissu, de chercher à capter ses odeurs de p’tit mec, tout en réveillant la bête en douceur, puis, la sentir frémir peu à peu, voir ses abdos se soulever plus rapidement, le drap bouger sous la force de sa virilité qui se tend.

    « Tu fais quoi ? ».

    « J’ai envie de te sucer ».

    « Ah, ça c’est une bonne idée ».

    Sa queue tendue, son invitation, tout ça est on ne peut plus tentant. Je me glisse sous les draps et j’approche cette queue qui a giclé en moi, qui m’a rempli et fait jouir je ne sais combien de fois depuis deux jours. Je ne peux m’empêcher de promener de nouveau le bout de mon nez tout près de ce bâton radioactif, de descendre jusqu’à sa base, de m’attarder dans le creux de ses bourses.

    Ce n’est que lorsque sa main se pose sur ma nuque, lorsque ses doigts se glissent doucement dans mes cheveux, à la fois caresse et invitation à la pipe, que je craque : je laisse trainer furtivement ma langue sur ses couilles, arrachant ainsi un premier frisson au bobrun.

    Mais très vite, poussé par l’urgence d’un désir que je peux plus contrôler, j’enserre son manche entre mes lèvres et je l’avale lentement, je le laisse glisser jusqu’à la garde, lui arrachant un long soupir de plaisir, celui du mâle prenant possession de son territoire, ma bouche.

    Mais déjà un instant plus tard, j’envoie le bout de ma langue titiller son gland frémissant, et là, je constate avec bonheur qu’un liquide clair et un peu salé perle de son frein, délicieuse liqueur témoignant du début de son excitation. Le petit mâle cherche à forcer mes lèvres à avaler à nouveau sa queue impatiente. J’ai terriblement envie de lui faire plaisir, et pourtant, je choisis de faire durer la privation.

    Du moins jusqu’à ce que le bobrun ne se décide – puisque je l’y ai sciemment poussé – à prendre les choses en main, au sens figuré, comme au sens propre.

    Le geste est ferme et sans appel : ses deux mains se saisissent de ma tête, tandis que sa queue force la barrière de mes lèvres et s’enfonce jusqu’au fond de ma gorge. Je l’entends alors lâcher un nouveau, profond soupir marquant son bonheur sensuel.

    « Vas-y, suce, suce bien » il lâche dans la foulée, dans un murmure autoritaire, alors que ses mains et son bassin imposent le rythme de son plaisir de mec.

    Pendant un bon petit moment, je me laisse emplir la bouche par son manche puissant, mes lèvres acceptent les va-et-vient qui font le bonheur de cette colonne insolente. C’est tellement bon de me laisser faire, de me laisser guider, de me laisser porter, et pourtant, j’ai envie de le surprendre.

    Alors, je repousse doucement ses mains, et c’est moi qui imprime désormais le mouvement de va-et-vient, je le pompe avec une vigueur décuplée, jusqu’à le convaincre par la démonstration que l’effort ne lui apportera pas plus de plaisir que mon dévouement, jusqu’à ce qu’il cesse ses mouvements. Le bogoss accepte de se laisser faire, et son corps tout entier semble témoigner du plaisir qui est en train de l’envahir : ses jambes gigotent de façon incontrôlée, ses mains passent et repassent sur son visage, ses abdos se tendent, ses pecs, tout comme ses biceps, se gonflent, ses respirations profondes et ses soupirs deviennent des gémissements de plaisir.

    Je connais mon bobrun, je sais qu’il ne va pas tarder à jouir. Je ne m’y trompe pas. Quelques instants encore, et tout son corps se raidit dans un dernier spasme, ses abdos se contractent, je l’entends gémir de plus en plus fort, je l’entends répéter des « putain, vas-y, c’est bon ! », ses doigts s’enfoncent à nouveau dans mes cheveux, alors que l’onde du plaisir ultime approche.

    « Je vais jouir et tu vas tout avaler ».

    Non, ce matin, alors qu’il me remplit la bouche de longs jets brûlants, synchronisés avec des « oh putain, oh putaaain ! » incontrôlés, à aucun moment Jérém ne prononce sa désormais célébré phrase de petit con. Et pourtant, alors que je lève les yeux pour assister au sublime spectacle de sa petite gueule déformée par le plaisir, elle résonne dans ma tête et décuple mon excitation et mon envie de faire ce que je sais mon bobrun apprécie tout particulièrement : avaler. Et qu’est-ce qu’il est délicieux, ce bon petit jus du matin !

    Ses giclées viennent tout juste de cesser, mes lèvres et ma langue n’ont pas encore pu se résoudre à quitter son gland, lorsque je l’entends lâcher :

    « Ça c’est du réveil ! ».

    Qu’est-ce que j’ai aimé réveiller mon Jérém en lui offrant un bel orgasme ! Et qu’est-ce que j’aime l’entendre exprimer à quel point il a aimé !

    Lorsque je me relève, je me rends compte d’une chose à laquelle je n’avais pas vraiment prêté attention dans ma précipitation et mon impatience à lui apporter son orgasme, c’est que mon bobrun se trouve désormais en position assise, le dos calé contre l’oreiller, la nuque appuyée contre le mur.

    Ses bras sont pliés, ses mains derrière les dos, son torse est légèrement penché vers la droite, tout comme la tête, les abdos ondulant sous l’effet d’une respiration qui se calme peu à peu, la queue toujours raide et luisante de ma salive. Ses cheveux bruns sont en bataille, il ne semble pas complétement réveillé, ou bien assommé par l’orgasme, et il a un petit sourire bien canaille en coin : ah, putain, si ça ce n’est pas de l’attitude de p’tit con fier de lui, fier de sa queue, fier de sa virilité, je ne m’y connais pas ! J’adore lui voir cette attitude, celle du mâle qui a bien joui, l’attitude du mâle fier de m’avoir giclé dans la bouche.

    Et pourtant, le mâle fier de lui, n’est pas pour autant sans attentions à mon égard.

    « Viens » il me lance, tout en m’attirant vers lui.

    Je me retrouve ainsi enlacé par ses bras puissants, par ses cuisses musclées, par son torse de fou. Jérém est mon fauteuil de chair et de muscles, le plus douillet et sensuel que l’on puisse imaginer. Et alors que ses lèvres se baladent inlassablement dans mon cou et sur mes épaules, sa main gauche saisit ma queue et commence à la branler, quant à sa main droite, elle agace inlassablement mes tétons.

    Son corps m’enveloppe, le parfum de sa peau et de son orgasme m’enivre, la chaleur de sa peau m’excite, sa présence, son attitude, ses gestes me projettent dans un monde de sensualité et de plaisir inouïs. Très vite, l’orgasme me guette.

    Mon Jérém mordille mes oreilles, ses va-et-vient sur ma queue se font de plus en plus rapides. L’orgasme vient, et c’est géant, juste indescriptible. Je me cale dans les bras de mon bobrun pour récupérer.

    « C’était trop bon, mais vraiment, vraiment un truc de dingue » j’ai envie de lui annoncer.

    « Avec toi, c’est toujours un truc de dingue ».

    Je me lève avant lui, et je fais du café. Jérém se glisse à nouveau sous les draps, qu’il remonte jusqu’à la taille, laissant dépasser son torse spectaculaire. Pendant que je m’affaire à préparer le petit déj, je surprends son regard sur moi : le petit con me regarde faire, un petit sourire au coin des lèvres.

    « Je te prépare le petit déj ».

    « C’est adorable » fait-il, tout en dégainant un sourire de malade « merci d’être allé chercher du bois ».

    « C’est normal, pourquoi tu rigoles ? ».

    « Parce que je suis heureux, que tu sois là ».

    Son regard sincère et ému me remue les tripes, je sens les larmes me monter aux yeux.

    « Moi aussi je suis heureux d’être là, aie ».

    En serrant les deux parties de la cafetière italienne, je viens d’appuyer pile sur le doigt où l’écharde s’est enfoncée tout à l’heure.

    « Qu’est-ce qu’il y a ? ».

    « Je me suis planté une écharde ».

    « Fais voir, viens ».

    Je pose la cafetière sur la plaque en fonte de la cheminée et je m’approche du lit, je m’approche du bomâle assis, toujours torse nu, le drap remonté jusqu’à la taille, sexy comme pas permis. Jérém me fait asseoir à côté de lui, il attrape son pantalon et il en sort un couteau pliant, il saisit mon doigt, enfonce la pointe très aiguisée du couteau dans ma chair blessée, ce qui me fait frémir, et déclenche mon instinct de retirer ma main.

    « Allez, ne fais pas ta chochotte » fait-il, en retenant fermement ma main « laisse-moi bosser ».

    « Mais ça fait mal ! ».

    « Tais-toi » fait-il, tout en enfonçant à nouveau la pointe acérée du couteau dans les couches superficielles de mon épiderme.

    « Aie ».

    « Ta gueule ».

    « Mais j’ai mal ! ».

    « Une petite seconde et c’est fini ».

    « Aie, aie, aie ».

    « Tu vas prendre une baffe, ça va te calmer, sale gosse ! » il rigole.

    « Tu vas arriver à l’enlever ? » je m’inquiète, alors que ses manœuvres m’envoient de violentes impulsions de douleur qui résonnent dans tout mon corps jusqu’à ma colonne vertébrale.

    « Voilà ! » fait-il, le ton triomphant, me tendant la lame du couteau, sur laquelle une toute petite écharde est déposée.

    « Merci » je lâche, en reprenant enfin mon souffle, tout aussi content qu’il ait enlevé l’écharde que du fait qu’il ait arrêté de me « brutaliser ».

    Pour toute réponse, le bogoss attire délicatement mon doigt vers sa bouche, et il aspire la petite goutte de sang qui vient de perler.

    Je ne peux résister à l’irrépressible tentation de le serrer dans mes bras, de le couvrir de bisous, de l’embrasser sur la bouche. Ses mains, ses doigts qui tout à l’heure s’enfonçaient dans mes cheveux avec la virulence et l’urgence de la quête du plaisir, me caressent à présent avec une douceur rassurante et émouvante. Ses bras m’enserrent très fort contre lui, et je voudrais ne jamais être ailleurs que dans cette étreinte.

    Je crois que ce contraste entre le Jérém bête de sexe au lit et le Jérém petit mec adorable et câlin va finir par me rendre vraiment dingue, et ajouter encore de la puissance à cette connexion des corps et des esprits qui me rend fou amoureux de lui. Définitivement, ce mec je l’ai dans la peau, pour toujours.

    La cafetière vient de commencer à gargouiller, et cela m’oblige à quitter cette étreinte magique. Je me lève pour surveiller la montée de la boisson chaude qui réveille, j’en profite pour aller chercher le pain et la confiture.

    Jérém se lève à son tour, il passe un boxer, un t-shirt et vient s’asseoir à table.

    « Le petit déj est servi » il commente.

    « C’était mon tour » je lui réponds, tout en lui servant une tasse de café fumant et en posant un bisou dans son cou.

    « Merci Nico ».

    « De rien, ça me fait plaisir ».

    Les petits déjeuners ce sont définitivement l’un des moments que je préfère : quoi de meilleur que de se laisser réveiller par l’arôme corsé du café, de se laisser câliner par le goût fruité de la confiture, par la volupté du beurre, de se laisser revigorer par la consistance du pain, de me laisser envahir par le bonheur d’être avec lui. Prendre le temps de se réveiller, alors que rien ne presse, c’est le bonheur. Un bon petit déj est le préalable d’une bonne journée. Et ce qui rend le tout parfait, c’est assurément la présence du gars que j’aime.

    « Alors, t’es prêt pour ton baptême à cheval ? ».

    « A vrai dire, je suis un peu angoissé ».

    « T’as peur de quoi ? ».

    « D’être ridicule, de tomber ».

    « Avec Tequila, tu ne risques rien, je t’assure ».

    « Si tu le dis ».

    « Ecoute, on va faire un truc, on laisse partir les autres et nous deux on part un quart d’heure après, rien que tous les deux, comme ça j’aurais le temps de te montrer deux ou trois trucs ».

    « Mais tu voulais faire la balade avec tes potes ».

    « On les rejoindra à midi, mais on fera le début de la balade rien que tous les deux, au pas ».

    « Au pas » : voilà deux mots, comme une formule magique qui a le pouvoir de m’apaiser sur le champ.

    Car le cavalier débutant que je suis a grand besoin d’être rassuré, et il n’aspire pas à mieux que « le pas » pour le moment !

    « On mange où à midi ? ».

    « Au bord de la rivière ».

    « Et on mange quoi ? ».

    « Un déjeuner tiré de nos sacoches, enfin, des sacoches des chevaux, on va faire quelques courses avant d’aller chez Charlène ».

    Quelques minutes plus tard, nous prenons une douche ensemble, nous nous savonnons, nous nous massons l’un l’autre, nous nous sourions, nous nous embrassons, nous nous caressons, nous nous enserrons l’un contre l’autre, sous l’eau, puis, nous nous brossons les dents, en même temps, devant le miroir. Depuis que nous les accomplissons ensemble, ces petits gestes du quotidien prennent une dimension presque magique.

    Jérém passe un pantalon d’équitation beige qui moule divinement son paquet de jeune mâle.

    « Tiens, essaie ça » fait-il en me tendant un deuxième pantalon d’équitation noir.

    Je m’exécute, en savourant l’enivrante sensation de me glisser dans un vêtement de mon chéri. Le simple fait de passer l’un de ses vêtements, un vêtement qui me serre au plus près du corps, qui frôle ma peau comme une caresse, me donne d’intenses frissons. Je ne peux m’empêcher de repenser à sa chemise (qu’il m’a donnée un jour parce que mon t-shirt était taché de son sperme), à son t-shirt et à son boxer (que j’ai piqués un jour dans sa corbeille à linge) et qui sont toujours chez moi.

    « Il te va ? » il me demande.

    « Très bien, merci ».

    « De toute façon, je n’en ai pas d’autres, par contre, je n’ai pas de boots » fait-il, tout en chaussant les siens « mais je pense que Charlène va pouvoir t’en prêter ».

    Sacré pantalon d’équitation : le tissu élastique épouse diaboliquement ses fesses rebondies et ses cuisses musclées, alors que la taille, bien basse, laisse dépasser un bout de pli de l’aine, et dévoile tout le développement du chemin de petits poils en dessous de son nombril, jusqu’à la lisière des poils pubiens. Et puis, il y a ce torse nu, sculpté, tatoué, fraichement douché, qui s’affiche de façon à la fois tellement naturelle et terriblement insolente au-dessus de ce pantalon : voilà une tenue à me rendre dingue.

    Et lorsque le bogoss, désormais positionné de dos par rapport à moi, se laisse aller à ce geste, le plus naturel du monde, de s’étirer – il lève et plie les bras, il met en tension les muscles de son dos, ce qui a pour conséquence immédiate de faire gonfler le haut de son torse et ses biceps de façon très spectaculaire – je ne peux m’empêcher de m’approcher de lui, de passer mes bras autour de sa taille, de le serrer très fort contre moi, de couvrir son cou et ses épaules de bisous à la fois doux et sensuels.

    Je suis moi aussi torse nu, et le contact avec sa peau tiède, fraîchement douchée et parfumée, me fait bander sur le champ. J’ai encore envie de lui. Comme dans un état second, je laisse mes mains glisser lentement sur ses abdos, les bouts de mes doigts se faufiler à l’intérieur de son pantalon d’équitation. Mon index effleure le bout de son gland.

    « Euh, tu fais quoi, là ? » il lâche, la voix marquée par un frisson d’excitation.

    « J’ai encore envie de toi ».

    « On n’a pas le temps, on doit y aller ».

    « Je sais, mais tu me fais trop envie ».

    Le bogoss se retourne, il pose ses mains de part et d’autre de mon visage, il m’embrasse fougueusement et il me chuchote :

    « Moi aussi j’ai envie de toi, on se rattrapera plus tard, ok ? Tu ne perds rien pour attendre ».

    « Hummmm, ça promet ».

    Un petit sourire lubrique, accompagné d’un clin d’œil plein de malice est son dernier « mot ».

    Jérém complète sa tenue par un t-shirt sans manches gris du meilleur effet. Certes, le fait de cacher une telle perfection masculine sous un bout de tissu pourrait être considéré comme un délit, un délit qui peut cependant se prévaloir des circonstances atténuantes, comme par exemple la façon dont il laisse dépasser le rebondi de l’épaule et du biceps, ou la façon dont il met en valeur la plastique qu’il est censé dissimuler, en aimantant le regard, en enflammant les désirs. Ah, putain qu’est-ce qu’il est sexy dans cette tenue, mon bobrun !

    Le pull à capuche gris de nos retrouvailles vient couvrir ses bras et ses épaules, mais en aucun cas sa sexytude. J’espère qu’il va faire assez chaud, et assez rapidement, pour lui donner envie de quitter au moins cette deuxième couche.

    Jérém passe à la salle de bain pour s’arranger un peu les cheveux au gel, lorsqu’il revient, il passe de grandes lunettes de soleil.

    Avant de partir, le bobrun coupe un certain nombre de tranches de jambon, et une bonne portion de fromage de son pote.

    « Tout ça pour nous ? » je m’étonne.

    « Non, tout ça pour partager avec les autres, chacun amène un truc et on fait goûter ».

    « L’idée me plaît ».

    Une minute plus tard, nous sommes dans la 205 rouge et nous roulons en direction du village. Sur la route vers la pension pour chevaux de Charlène, nous faisons escale à la superette de Campan.

    Le village est presque désert, une voiture passe dans la rue principale, à allure réduite, c’est un papi au volant, deux passants se croisent sur la place devant la halle où Jérém m’a embrassé pour la première fois, ils se disent bonjour, ils prennent le temps de discuter.

    Ce qui me frappe le plus, dans ce petit village, par rapport à la ville, c’est la presque absence de voitures, le silence, la sensation d’apaisement, cette lenteur, cette absence de stress, un rythme de vie qui est particulièrement reposant.

    Dès que nous passons la porte de la superette, Martine, toujours d’humeur égale, toujours joyeuse, nous accueille avec un grand sourire, et avec des bises bien claquantes.

    « Ça va les garçons ? Prêts pour la balade ? » fait elle, avec sa voix un peu grave, et très sonore.

    « Moi je suis prêt, c’est Nico qui a la trouille ».

    « J’ai pas la trouille, enfin, si ».

    « Mais c’est normal que tu aies la trouille, t’inquiète, ça va vite passer, tu vas voir comment c’est génial de se balader à cheval » elle tente de me rassurer. Puis, en s’adressant à Jérém : « Mais t’es sûr que c’est une bonne idée de le faire monter direct avec tout le monde ? ».

    « Ce matin on va vous laisser partir et on se fait la balade rien que tous les deux, je vais lui donner des cours particuliers ».

    « Ça c’est une bonne idée ».

    « Au fait, tu viens à la balade, hein ? ».

    « Oui, c’est bon, j’ai trouvé quelqu’un pour me remplacer, je serai chez Charlène dans une demi-heure ».

    « Allez, on va y aller, on prend deux trucs et on file ».

    « Ça marche, les gars ».

    Du pain, des fruits, des boissons, pour compléter nos repas « tirés de nos sacoches ».

    Nous passons en caisse et Martine nous offre deux croissants. Cette nana a l’air vraiment adorable. Nous quittons la superette alors que la radio diffuse « La dame de Haute-Savoie » :

    « Y’a des étoiles qui courent dans la neige autour de son chalet de bois/Y’a des guirlandes qui pendent du toit, et la nuit descend sur les sapins blancs, juste quand elle frappe des doigts, juste quand elle frappe des doigts ».

    Pendant le court trajet vers le centre équestre, je trouve le moyen de questionner Jérém au sujet de l’attitude à tenir vis-à-vis de tous ces inconnus que je vais rencontrer incessamment sous peu.

    « Je voulais te demander un truc ».

    « C’est quoi ? ».

    « Comment je dois me comporter avec tes potes ? ».

    « Surtout, ne prends rien au premier degré, ce sont de gros déconneurs ».

    « Je veux dire, vis-à-vis de nous, j’imagine que personne n’est au courant, pour nous, je veux dire ».

    « Non, personne ».

    « Tu crois pas qu’ils vont se douter de quelque chose ? ».

    « Je ne crois pas ».

    « Et si jamais ils posent des questions ? ».

    « Des questions, ils vont t’en poser, surtout qu’il y a un max de nanas à l’asso, et pas du genre gênées pour un sou, t’as qu’à dire la vérité, qu’on était camarades de lycée, que tu m’as aidé pour le bac, et voilà pourquoi tu es là ».

    « Ça me va ».

    Oui, ça me va, faute de mieux. C’est un alibi plausible, et c’est la « vérité », du moins une partie de la « vérité ». Je sais que Jérém a fait des progrès énormes en très peu de temps, et que notre relation a changé du tout au tout, et ce ne serait pas correct de lui demander plus que ce qu’il est prêt à m’offrir.

    Et pourtant, je ne peux m’empêcher de ressentir une sorte de pincement, de frustration, une pointe de tristesse, car je réalise que si mon bobrun est enfin prêt à assumer notre histoire en tête à tête, il n’est toujours pas prêt à l’assumer au grand jour.

    Tant pis, ce sera notre secret, et ce sera un secret du genre plutôt excitant.

    Commentaires

    ZurilHoros

    11/06/2020 19:29

    Encore un épisode très sympa et solaire. Le précédant était particulièrement chargé en révélation, donc il est bienvenu de faire baisser la température. 
    Il est marrant le Nico qui fait le tour du propriétaire et qui veut jouer les bucherons, mais il n’est pas très adroit notre citadin. Je suis d’accord avec lui, la Montagne nous transporte ailleurs, à n’en pas douter. 

    C’est une bonne idée de vouloir que Jérém te connaisse mieux. Le lecteur connait ton gout immodéré de mater les mecs, ton odorat développé, on sait que tu es doué pour les études. Tu n’as pas l’air de savoir ce qu’est la méchanceté mais tu es très jaloux parce que tu doutes de toi. Il semble que tu attendrisses pas mal de personne, et aussi que si un mec te branche, tu deviens une chaudasse… On sait que tu es passif et que tu es curieux, un peu peureux. Mon petit doigt me dit que Jérém te connait plus que tu ne le crois. 
    Tu as réveillé quelque chose en lui, tu n’es pas mécontent qu’il se comporte avec toi comme un grand frère que tu admires, et qui en plus te retire une écharde du doigt. Ce qui fait très mal, c’est vrai. Il t’a dit quoi? « Sale gosse » Tiens tiens  

    Je comprends que tu appréhendes la journée. C’est difficile de savoir comment se comporter quand on ne sait pas vraiment qui on est sensé être. 
    Je pense que aujourd’hui, tu vas avoir l’occasion d’épater ton mec, et de faire quelque chose avec lui. Ca ne peut être qu’une belle expérience. 

    florentdenon

    11/05/2019 14:53

    Encore un bon moment de lecture ! Tu sais vraiment parler a l’imaginaire de tes lecteurs et rendre ton recit captivant. J’espere que le Bobrun ne sera pas trop decevant…

    Yann

    07/05/2019 07:25

    Cet épisode où Nico mélange à la fois contemplation de la nature, magnifiquement racontée, et ses réflexions sur ce qu’il vit depuis deux jours est un pur bonheur. J’ai hâte de voir comment leur balade va se passer. Merci.
    Yann

    Virginie-aux-accents

    04/05/2019 08:11

    Quelle joie de les retrouver dans leur bonheur « simple ». Une petite maison pour abriter leur amour et le calme de la montagne pour murmurer des confessions… Finalement, peu importe si Jérèm n’est pas encore prêt à assumer sa relation avec Nico face aux autres, le plus important est qu’il assume ses sentiments quand ils sont ensemble.
    Merci Fabien.

  • JN0208 Très chaud sous la couette, et petits mots sur l’oreiller

    JN0208 Très chaud sous la couette, et petits mots sur l’oreiller

    Campan, le samedi 8 septembre 2001, tard dans la soirée.

    « Refais-moi ce truc que tu m’as fait une fois ».

    « Quel truc ? ».

    « Ce truc, tu sais ».

    « Je t’ai fait tellement de trucs ».

    « Ce truc-là était vraiment dingue ».

    « Vas-y, raconte » je le cherche, alors que j’ai ma petite idée de ce « truc » dont il est question.

    « Cette nuit-là, tu m’as sucé, tu m’as branlé, je ne sais combien de temps, tu me donnais envie de jouir, mais tu ne me laissais jamais venir ».

    « Ah, oui, je vois, et alors, t’avais kiffé ? ».

    « Ah, putain, que oui, je crois que jamais je n’ai joui aussi fort de ma vie, tu ne peux même pas imaginer à quel point j’ai kiffé ».

    « Alors, tu vas kiffer deux fois plus ».

    Allongé sur le dos, la queue raide et insolente, une étincelle lubrique dans le regard qui mettrait le feu au soleil lui-même, Jérém attend que je vienne lui offrir une nouvelle fois ce plaisir dont il se souvient, et qui l’a marqué. Qu’est-ce que c’est bon de l’entendre dire à quel point il avait kiffé ce « truc », peut-être le premier truc que je lui avais proposé, et avec lequel je l’avais surpris, après de nombreuses « révisions » où il avait mené le « jeu » de bout en bout ! Et quel bonheur de l’entendre en redemander !

    Je ne peux attendre plus longtemps pour aller m’occuper de mon bomâle brun.

    Je saisis son manche raide du bout des doigts, je l’enserre lentement, je le loge dans le creux de ma main. Ce simple, premier contact m’apporte un intense bonheur tactile, composé de multiples sensations : puissance, douceur, chaleur, virilité. Sa queue remplit parfaitement ma main refermée, comme si l’une était faite sur mesure pour l’autre, et vice-versa, comme si nos anatomies étaient prévues l’une pour l’autre.

    Ma prise est assez relâchée, ma main coulisse lentement, elle excite autant qu’elle frustre : je caresse son manche, je cajole ses couilles, je titille son gland. Le bogoss frémit, il semble beaucoup apprécier.

    Sans cesser de le branler, je me penche sur lui, je l’embrasse, sur la bouche d’abord, puis, mes lèvres descendent le long de sa mâchoire, de son cou, de ses pecs, de ses abdos, elles glissent le long du petit chemin de poils bruns qui amènent à son pubis. Je frissonne, il frissonne.

    Je cesse alors de le branler, j’approche mon visage de ses bourses, que je renifle longuement, méthodiquement, dans chaque moindre recoin, je renifle sa queue tout aussi longuement, laissant le bout de mon nez traîner, effleurer, exciter : je remonte jusqu’à effleurer le frein, contact qui fait sursauter le bogoss, de surprise et de plaisir.

    Voilà un long et délicieux voyage agrémenté d’une multitude de petites, délicieuse odeurs de mâle qui a déjà pas mal donné de sa puissance sexuelle, mais toujours débordant de testostérone : un mâle dont le torse ondule désormais sous l’effet d’une respiration excitée.

    Encouragé par ses réactions, j’accomplis le même voyage, tout en provoquant des frissons encore plus intenses : sa respiration haletante cède peu à peu la place à de petits gémissements, et à des mots d’encouragements :

    « Putain, Nico, tu me rends dingue ».

    Je dois me faire violence pour ne pas céder à la tentation assommante de gober son gland gonflé à bloc et de provoquer au plus vite sa jouissance : la condition pour le faire jouir comme un malade, c’est de le frustrer, le pendant, c’est de me frustrer avec lui.

    « Suce-moi » je l’entends chuchoter, sur un ton assez ferme. Ça ne rigole plus.

    « Pas encore » je le cherche.

    « J’ai trop envie ».

    « Moi aussi ».

    « Tu vas craquer, de toute façon » il me nargue.

    « C’est toi qui vas craquer ».

    « Jamais de la vie » fait-il, la voix déformée par l’excitation.

    « Si au prochain tour je mets la langue, tu vas craquer ».

    « Tu vas te jeter dessus avant ».

    « Chiche ».

    C’est au tour de ma langue de faire monter la pression chez le bobrun : elle s’emploie à lécher ses couilles, à chatouiller ses bourses, elle remonte sa queue lentement, tantôt en lâchant des petits coups rapides, tantôt en traînant, elle remonte jusqu’au frein, arrachant des frissons violents à ce petit Dieu à l’anatomie parfaite.

    La queue brûlante, le gland gonflé à bloc, le bogoss se plie pourtant à l’interminable attente d’un plaisir sans cesse annoncé et sans cesse repoussé. Je sais qu’il me fait confiance, cependant, je sens que son impatience grandit de seconde en seconde. Ses inspirations et ses expirations sont longues, profondes, bruyantes, le bogoss monte en pression, il est chaud, bouillant.

    A l’époque de nos premières révisions, à ce stade des opérations, il m’aurait déjà fourré la queue dans la bouche et il serait en train de la défoncer avec des coups de reins sauvages.

    Mais là, il se retient, certes, il a un petit pari à gagner, mais il n’y a pas que ça. En fait, depuis nos retrouvailles, Jérém me fait l’amour tout en douceur, comme s’il avait peur de me manquer de respect en jouant au mâle domi qui était son rôle dans notre relation d’avant notre clash. J’adore le Jérém attentionné, adorable, mais je n’ai pas envie pour autant de laisser ce dernier effacer le jeune mâle bien sûr de lui, à la virilité insolente, le mec un brin arrogant, un tantinet macho, et infiniment, indiciblement craquant. Alors, ce Jérém « petit con », je vais aller le chercher là où il est, caché derrière la « peur » de ne pas être bien perçu.

    Je continue de titiller son frein avec des petits coups de langue : Jérém vibre de toute part, il souffle comme un petit taureau.

    Puis, à un moment, sans prévenir, ses abdos se contractent, son torse se relève, et sa main vient se poser lourdement sur mon cou. C’est à ce moment-là que je sens que je vais gagner mon « pari » : le mouvement est lent, mais ferme, à la fois doux et sans appel, Jérém m’oblige à gober son gland, puis, sa queue tout entière. Le bogoss a envie de se faire sucer, un point, c’est tout.

    « Ah, c’est bon » je l’entends chuchoter, la voix éraillée par l’excitation, alors que son manche finit d’envahir mon palais.

    Sa queue porte un délicieux petit goût de sperme qui me rappelle à quel point il est « le mâle », et à quel point ce mâle est puissant. Combien de fois a-t-il joui depuis ce matin ? Combien de fois m’a-t-il rempli de son jus ? Je ne m’en souviens même plus. Je nage dans un bonheur sensuel indescriptible.

    Oui, finalement, c’est Jérém qui craque : et c’est tellement bon de sentir sa queue entre mes lèvres, dans ma bouche, avant même de commencer à le sucer. J’adore me sentir envahi par son manche, par son envie de mec, j’adore humer les odeurs qui se dégagent de sa peau, de ses poils pubiens, j’adore me retrouver nez à nez avec son mur d’abdos, avec ce petit chemin de poils qui part de son nombril et qui semble me rappeler, si besoin était, la marche à suivre.

    « Allez, vas-y, suce » fait-il, tout en imprimant à ma tête le mouvement qu’il attend d’elle.

    Il n’aura pas fallu chercher longtemps pour que le petit mâle en rut sorte de sa réserve. Et c’est un pur bonheur.

    Alors je le suce longuement, lentement, tantôt en m’attardant avec ma langue autour du gland, en le chatouillant par des touches légères, tantôt en le laissant glisser soudainement au fond de ma gorge et en le gardant bien au chaud, pendant de longs moments.

    J’amène son excitation à des sommets délirants, lui faisant sans cesse entrevoir la ligne d’arrivée de son orgasme, mais sans jamais le laisser l’approcher, je tiens sa jouissance en suspension entre mes mains, dans ma bouche, pendant très longtemps, je le rends dingue, à la fois de plaisir et de frustration, tout en essayant d’ignorer, avec de plus en plus de mal par ailleurs, cette brûlante, sauvage, insoutenable envie, qui est la mienne, de le laisser déverser dans ma bouche les longs traits chauds que je connais si bien, son jus de p’tit mec.

    Le bogoss est moite de transpiration, vibrant de plaisir : jusqu’à quand vais-je pouvoir le tenir dans cet état d’attente et de frustration ? La réponse vient du principal intéressé. Ainsi, sans prévenir, le bogoss se dégage se moi, il descend du lit, il me lance :

    « Viens me pomper ».

    Jérém est debout à côté du lit, adossé au mur, son corps musclé et sa queue tendue n’attendent que moi, pour jouir. Un instant plus tard, je suis à genoux devant lui, en train de le pomper, ivre de la vision sublime de ce mâle qui me domine de toute sa taille, de toute sa puissance, de toute sa virilité, qui me regarde en train de lui offrir le plaisir qu’il exige, ivre de sa bonne gueule de mec et de son regard brun qui crient au sexe, de son menton et de sa mâchoire recouverts de barbe brune, ivre de ce torse tout en muscle et en jeunesse, ondulant au rythme de sa respiration excitée, ivre de ce corps légèrement penché en avant, de sa chaînette de mec cherchant l’aplomb entre deux petites oscillations, de son grain de beauté toujours aussi adorable et sexy, ivre de ses épaules et de son cou massif, de ses biceps rebondis, de ses tatouages sexy, de ses tétons à croquer, de cette profonde ligne médiane creusée dans le muscle saillant de ses pecs et de ses abdos de fou, ivre de cette pilosité brune qui me fait craquer, ivre de ce chemin de petits poils juste devant mon nez, ainsi que de ces redoutables plis de l’aine, les trois s’associant pour rabattre mon regard là où il a envie d’être, bref, je suis ivre de cette mâlitude débordante, effrontée même lorsqu’elle ne l’est pas sciemment, insolente du simple fait d’exister.

    Vision du bas vers le haut, du bas de ma position, à genoux, de mon admiration, mon adoration, ma soumission – soumission volontaire, jouissive – à la sexualité et au plaisir de mon mâle, vers le haut de sa position debout, de son regard lubrique, de sa puissance physique, sexuelle, de son envie de jouir, et, je le sais désormais, de me faire jouir avec lui.

    Qu’est-ce que c’est beau et impressionnant, le corps masculin, lorsqu’on le regarde ainsi, du bas vers le haut, et qu’est-ce qu’elle est excitante, étourdissante, la sexualité d’un mec debout, lorsqu’on y goûte pendant qu’on est à genoux.

    Je le suce lentement, repoussant encore et toujours sa jouissance. Puis, à un moment, le bogoss pousse une profonde expiration, sa main se lève, elle frôle ma nuque, mon cou, elle se retient, je sens qu’il a envie de m’attraper la tête et me faite avaler sa queue d’une seule traite, mais il se retient toujours, de justesse, mais il se retient. Il est à deux doigts de craquer, je le sens. Ce n’est qu’une question de secondes. Son excitation est à un tel niveau qu’il suffirait d’une petite étincelle pour le faire démarrer au quart de tour.

    La petite étincelle va être mon geste inouï, l’affront de quitter sa queue pour aller titiller son frein du bout de ma langue, un instant plus tard, ses deux mains saisissent ma tête, et sa queue s’enfonce entre mes lèvres avec l’urgence d’une excitation extrême. Le bogoss n’attend pas une seconde de plus pour commencer à me pilonner la bouche sans répit, comme au bon vieux temps. Mon beau Jérém se lâche enfin : chassez le naturel, il revient au galop.

    Au rythme de ses coups de reins, mon nez s’enfonce dans ses poils pubiens, mon front cogne contre son mur d’abdos, ses petites odeurs de mâle remontent par mes narines et me mettent en orbite. Sa queue me défonce la bouche, mais pas au point de me faire mal, juste au point de me faire terriblement « mâle » : et ça, c’est délicieux.

    « Suce, vas-y, je sais que tu kiffes ça, tu kiffes ma queue » fait-il, tout en m’enfonçant son manche bien profondément dans ma bouche.

    Je retrouve le Jérém domi. Je suis débordé par sa puissance virile, mais heureux.

    « Qu’est-ce que j’aime te sucer » j’arrive à lui lancer, en sortant brièvement de mon apnée.

    « Ah, putain, c’est bon, tu suces comme un dieu, vas-y, montre-moi ce que tu sais faire, fais-moi monter le jus » fait-il, tout en posant lourdement ses mains sur ma nuque et m’enfonçant à nouveau la queue jusqu’au bout de mon palais.

    Je brûle d’envie d’exaucer son vœu, d’exécuter son ordre, mais en même temps, je ne veux pas que ça s’arrête aussi vite : je me dégage de la prise de ses mains et je quitte une nouvelle fois sa queue, j’attrape ses hanches, je l’invite à pivoter sur lui-même, à se mettre face au mur. Après une première petite résistance, le bogoss se laisse faire, je saisis ses fesses bien fermes et j’entreprends de lui faire une fellation de rondelle en bonne et due forme.

    Je le sens encore monter en température et en pression, je le sens monter vers une zone rouge très dangereuse. Ce qui explique la raison pour laquelle, malgré son kiff pour ce genre de plaisir, quelques instants plus tard à peine, le bogoss se retourne brusquement, il me fourre une nouvelle fois queue dans la bouche et recommence à envoyer de bons coups de reins. Ses gestes ont quelque chose de virulent, la virulence de son envie de jouir, au plus vite. Une virulence que je retrouve également dans les mots qu’il ne tarde pas à lâcher, la voix cassée par une excitation à son plus haut niveau :

    « Je vais jouir, et tu vas tout avaler ».

    Je ressens alors un frisson qui manque de peu de me faire jouir sur le champ : car je reconnais instantanément les mêmes mots qu’il avait employés lors de notre première révision.

    J’ai sacrement envie de lui offrir ce qu’il demande, mais en même temps, je lui ai promis un orgasme comme aucun autre, ainsi, alors que le bobrun s’imagine jouir au plus vite dans ma bouche, je me déboite, et je recommence à titiller son gland sur le point de gicler.

    Un instant plus tard, tout s’emballe, ses mains m’attrapent par les aisselles, m’obligent à me relever : le geste est rapide, brusque, animal, la réaction en chaîne est amorcée, je ne peux plus l’arrêter, je perds le contrôle, et c’est avec le plus grand bonheur que je me laisse faire. Je me retrouve à plat ventre, sur le lit, Jérém crache sur ma rondelle, et il s’enfonce en moi d’une seule traite. Sa queue me pénètre, m’envahit, me transperce.

    « Oh, putain, qu’est-ce qu’il est bon ton cul ! » je l’entends grommeler, fou d’excitation.

    « Et ta queue, putain, qu’est-ce qu’elle est bonne ta queue ! ».

    Le bogoss n’a besoin que de quelques coups de reins pour atteindre enfin cet orgasme tant attendu, pour gicler une fois de plus en moi. Et pour me faire gicler à mon tour, sans même me toucher. Ma jouissance me percute avec la violence d’un coup de tonnerre, je perds pied, et j’ai l’impression que mon cœur a des ratés, sa jouissance à lui, explose dans un cri retentissant, impressionnant, un cri à la fois de plaisir et de délivrance. Heureusement que nous sommes isolés et qu’il n’y a pas de voisin pour entendre le brame d’un jeune mâle en train de kiffer sa race.

    « T’as joui ? » il me demande dans la foulée.

    « Je viens de jouir, en même temps que toi, tu te rends compte de l’effet que tu me fais ? ».

    Mon beau Jérém s’abandonne sur moi de tout son poids, il me serre fort contre lui, il pose de bisous sur mes épaules et mon cou, il me fait sentir bien même en cet instant, après l’amour, où le désir sexuel déchaîné disparaît brutalement et laisse la place à un besoin de tendresse tout aussi violent.

    « Qu’est-ce que c’était bon » je l’entends chuchoter à mon oreille.

    « Pareil pour moi, c’était trop trop bon ».

    Ah, putain, qu’est-ce que ça fait du bien de me faire dominer par ce petit Dieu vivant, évoquant pour moi le mâle dans toute sa virilité, force et autorité, qu’est-ce que c’est bon de le voir se lâcher à fond pendant le sexe, et qu’est-ce que c’est bon après le sexe, tout aussi bon, si ce n’est plus encore, de retrouver les câlins, la tendresse, et de me blottir, et me sentir protégé, dans ses bras puissants.

    Qu’est-ce que j’aime ce nouveau Jérém, cet être mi ange et mi mâle, toujours capable, pour peu qu’on le cherche, de jouer son petit macho pendant le sexe, mais capable aussi, après l’amour, de laisser ressortir cet adorable petit mec qui a besoin de douceur tout autant que j’en ai besoin.

    « Qu’est-ce que j’aime quand tu es comme ça » j’ai envie de lui dire, j’ai envie qu’il sache.

    « Comme ça, comment ? ».

    « Quand tu es chaud bouillant pendant le sexe ».

    « Tu kiffes ça, hein ? ».

    « Grave ! Et aussi que tu t’inquiètes de mon plaisir à moi ».

    « J’aime bien te voir jouir ».

    « Je suis trop bien, là ».

    « Moi aussi, je suis trop bien avec toi »

    Dans la tanière, dans les bras de mon mâle brun, j’ai l’impression que rien ne peut m’arriver et que ce bonheur va durer à tout jamais. Et très vite, je m’endors.

    Lorsque je me réveille, il fait nuit, dans la cheminée, le feu brûle toujours, la flamme est belle et vigoureuse, pendant que je dormais, Jérém a dû se lever et remettre du bois, et peut-être fumer une cigarette. Qu’est-ce que c’est bon de me sentir en sécurité, de me sentir pris en charge, de ne devoir m’occuper de rien, à part d’être heureux avec le gars que j’aime.

    Mon bel étalon est endormi sur le dos, le haut de ses pecs et ses épaules dépassent de la couette, les bras pliés, les mains posées sur l’oreiller, de part et d’autre de sa tête, les aisselles délicatement poilues bien exposées à ma vue et à mon désir.

    Après de nombreux orgasmes en quelques heures, il se dégage de son corps, et notamment de ses aisselles, une petite odeur prégnante qui n’est pas que le souvenir de sa transpiration, mais comme une odeur de sexe, une petite odeur de mâle. L’odeur des corps change après l’amour, l’entente sensuelle est aussi une question d’odeurs : et qu’est-ce qu’elle est bonne, cette entente, avec mon Jérém !

    Je suis irrépressiblement attiré par son aisselle la plus proche de moi, je ne peux résister à la tentation de plonger mon nez dedans, de m’enivrer de ces délicieuses odeurs de jeune mâle.

    « Il faut que je me douche » fait Jérém, la voix pâteuse.

    « Tu sens tellement bon ».

    « Je pue ».

    « Tu sens l’amour, et le plaisir ».

    Le bobrun me serre un peu plus fort dans ses bras, il couvre mon cou de bisous, je me blottis un peu plus dans ses bras, je serre sa main, je la presse contre mon cœur : elle est douce et chaude.

    « Est-ce que j’ai été le premier mec avec qui t’as couché ? » je ne peux me retenir plus longtemps de lui poser la question qui me brûle les lèvres. Le moment me paraît propice, Jérém me semble prêt aux échanges les plus intimes.

    Les volutes de fumée s’enchaînent avec une lenteur insupportable, et la réponse de Jérém tarde à venir : ce qui est déjà en soi une réponse à ma question, celle que je redoutais.

    « Tu veux vraiment parler de ça ? » il finit par lâcher, en se tournant de trois quart par rapport à moi, et en me caressant avec son regard brun.

    « J’ai envie de savoir, Jérém, je ne veux plus qu’il ait de non-dits, je ne veux plus de mauvaises surprises, j’ai besoin de te connaître, tu es trop important pour moi ».

    « D’accord » fait-il, la voix basse, le débit de parole lent, le regard dans le vide.

    « Tu n’as pas été le premier » il continue « mais tu es le premier avec qui j’ai été aussi loin ».

    « C’est-à-dire ? ».

    « Tu es le premier que j’ai sodo, et le premier qui a été plus qu’un coup d’un soir ».

    « Ce sont qui les autres gars ? ».

    « Le premier, c’était en camping à Gruissan, l’été dernier ».

    Son regard est toujours perdu dans le vide, son profil est magnifique.

    « Et tu l’as rencontré comment, ce mec ? »

    « Il était au camping à la mer, il a commencé à me mater dès notre arrivée, il n’arrêtait pas, un soir il m’a demandé une clope, on est parti fumer ensemble, rien que tous les deux, et à la fin de la clope, il m’a proposé d’aller chez lui pour fumer un joint, on a fumé sur son lit, et quand j’ai été bien fait, il m’a sucé, il m’a fait jouir et il a avalé, j’ai toujours kiffé ça à mort, sur le coup, je n’ai pas réfléchi, j’ai joui et puis basta,

    Le lendemain, j’avais un peu la gueule de bois, mais je me suis dit que c’était les vacances, que j’avais déconné avec un inconnu que je ne reverrais jamais, je me suis dit que je ne risquais pas grand-chose, car c’était lui qui avait pris tous les risques, et je ne risquais pas que ça se sache non plus, et, surtout, je me suis dit que ce serait une fois et plus jamais ».

    Jérém tire une nouvelle taffe sur sa cigarette, il inspire longuement, il expire tout aussi lentement.

    « Mais après, je n’ai pas arrêté d’y penser, j’avais trop kiffé, en arrivant sur Toulouse, j’avais envie de recommencer, de retrouver les mêmes sensations, alors, j’ai pensé à mon cousin Guillaume, j’ai toujours su qu’il me kiffait, je lui ai proposé de venir dormir à l’appart, je n’ai pas eu à insister longtemps pour qu’il me fasse la même chose que le mec du camping ».

    Jérém marque une pause, il tire une nouvelle taffe sur la cigarette, et il continue :

    « L’hiver dernier, il y a eu un match contre Pau, dans l’équipe du 64 il avait un gars, Patxi, il est resté faire la fête sur Toulouse, et il a dormi chez moi, lui aussi il a voulu me sucer, il m’a demandé de le baiser, mais je n’étais pas prêt ».

    La cigarette se termine enfin, Jérém revient au lit, il me prend dans ses bras.

    « Après c’est toi, mais avec toi, c’était différent ».

    « Différent comment ? ».

    « Différent parce que, parce que, c’est toi ».

    « Et donc ? ».

    « Tu m’as chevillé au corps » il finit par lâcher au bout d’un petit silence.

    « Si tu savais comment tu m’as chevillé au corps, toi ».

    Je ne peux me retenir de lui faire plein de bisous.

    « Et après moi, ? » j’ai envie de savoir.

    « Les autres, tu les connais, tu étais là ».

    « Ton cousin ».

    « Oui, Guillaume, d’ailleurs, je n’ai pas revu après cette nuit-là ».

    « Pourquoi tu m’as fait venir chez toi, ce soir-là ? ».

    « Je ne sais pas vraiment, ça faisait des mois que je ne couchais plus avec lui, et ce soir-là, je l’ai croisé en boîte, ce soir-là, j’avais bu, et j’avais envie de toi ».

    « Et c’est pour ça que t’as ramené ton cousin pour le baiser ».

    « J’étais paumé, mais quand il a été chez moi, j’ai eu encore plus envie de toi, j’avais envie que tu sois là, et aussi, j’avais le fantasme de coucher avec deux mecs qui se battraient pour me sucer et pour se faire baiser ».

    « T’as pas été déçu ».

    « Non, bien sûr que non, mais je regrette de t’avoir imposé ça, tu méritais davantage de respect ».

    « Ça m’a fait bien chier de te voir coucher avec Guillaume ».

    « Je sais, c’était nul ».

    « Tout comme ça m’a fait chier de te voir coucher avec le type du On Off ».

    « Une autre belle bêtise » il se morfond.

    « Pourquoi t’as voulu aller au On Off cette nuit-là ? ».

    « Parce que ça m’avait saoulé de te voir partir avec ce mec de l’autoécole ».

    « T’étais jaloux ».

    « Il faut croire ».

    « Et alors, t’as voulu te venger ».

    « Je voulais te montrer que je pouvais emballer d’autres mecs ».

    « Ça, je le savais déjà ».

    « Tu m’avais énervé, je voulais te faire mal ».

    « Et il s’est passé quoi avec les deux mecs dans la backroom ? ».

    « Rien ».

    « Rien ? ».

    « Rien de chez rien, eux, ils voulaient, mais je n’ai pas pu, c’était trop glauque, en fait, j’avais envie de te rentrer avec toi, mais tu m’avais trop énervé ».

    « Pourquoi tu as proposé à Romain de venir baiser avec nous ? ».

    « Ce type m’a cherché depuis le début, c’était la première fois que je ressentais un regard comme le sien ».

    « Un regard comment ? ».

    « Le regard d’un mec qui voulait, me baiser, alors, j’ai eu envie de lui montrer qu’il se trompait, qu’il ne me baiserait pas ».

    « C’est pour ça que tu lui as proposé de venir avec nous ? ».

    « Oui, c’est l’une des raisons ».

    « Il y en a d’autres ? ».

    « Une fois de plus, je voulais te montrer que tu ne comptais pas pour moi ».

    « T’as bonne mine, toi, une heure plus tôt tu m’avais fait un sketch parce que j’avais failli partir avec Martin, et une heure plus tard tu voulais me montrer que tu pouvais baiser d’autres gars ».

    « J’ai été archinul, je sais, la vérité, c’est que tu comptais pour moi, et même beaucoup, sinon je n’aurais pas été jaloux de te voir partir avec ce type, tu vois, je n’ai jamais été jaloux des gars qui ont emballé les nanas que je me suis tapées avant eux, oui, tu comptais, et ça, ça me faisait peur ».

    « Moi je crois que le gars avait davantage envie de coucher avec toi qu’avec moi ».

    « Je ne me fais pas prendre ».

    « T’en as jamais eu envie ? ».

    « Non ».

    « Même avec un beau gars comme lui ? ».

    « Pas une seconde ».

    « Et même le fait de savoir qu’il en avait vraiment envie, ça ne t’a rien fait ? ».

    « Non, non, non ».

    J’ai m’impression que derrière tous ces « non », subsiste une réticence, derrière laquelle il cache une partie de son intimité qu’il n’est pas prêt à partager avec moi, ce que je ressens en revanche, comme je l’ai ressenti pendant cette fameuse nuit, c’est que ce Romain a vraiment troublé mon Jérém.

    Est-ce que cette nuit-là, mon Jérém avait simplement eu envie de mater un mâle qui l’avait défié sur le terrain de sa virilité ? Ou bien, si je n’avais pas été là, il se serait laisser aller à explorer d’autres horizons de plaisirs avec ce magnifique mâle brun ? Est-ce qu’il se serait « plié » à ses envies, au lieu de les détourner pour préserver son ego de mâle dominant ? Jusqu’à quel point il aurait pu aller ?

    « Pourquoi, quand il a demandé si je pouvais le sucer, tu as dit que je ne suçais pas, et quand il a voulu me baiser tu l’as laissé faire ? ».

    « Parce que je n’avais pas envie que tu suces un autre gars. Mais si j’avais dit non encore une fois, j’aurais montré que j’étais jaloux, et ça, je ne voulais pas ».

    « Mais t’as été jaloux de me voir coucher avec lui ».

    « Ça a été très dur, en effet, en plus, pendant qu’il te baisait, il me narguait ce con, j’ai failli lui péter la gueule avant qu’il finisse son affaire ».

    « T’as préféré dire que t’en avais rien à foutre que je couche avec lui, plutôt que d’avouer que ça te faisait chier » je résume.

    « Je me mettrais des tartes ».

    « Quand il est parti tu as voulu que je reste, et tu étais si différent ».

    « Ce mec m’avait mis hors de moi, j’avais besoin que tu restes, j’avais vu que tu pouvais prendre ton pied avec un autre gars, et j’avais peur de te perdre ».

    « Et il y a eu personne d’autre ? » je lance, prenant sur moi pour aller vers le sujet qui me hante. J’ai besoin de savoir ce qui s’est passé avec Thibault, j’ai besoin que ça sorte, même si je dois encore avoir mal, j’ai besoin que ça sorte parce que j’ai besoin de tourner la page, de lever toute ombre sur notre relation, et pour ça, j’ai besoin de comprendre.

    « Ah, si, j’oubliais » fait-il, tout en marquant une pause, avant de continuer : « le dimanche soir juste avant le bac, j’ai fait un plan avec un gars ».

    « Sans blagues, et tu l’as levé où ? ».

    « A la Ciguë ».

    Ah, ça alors, je ne m’attendais pas vraiment à ça, et surtout pas à ça : voilà ce qu’on appelle se prendre un coup de massue sur la tête.

    « Ah, bon, tu fréquentes le milieu gay, maintenant ? » je le questionne, agacé.

    « C’est la seule fois que j’y suis allé, ce soir-là, j’étais vraiment pas dans mon assiette, c’était le dimanche après la première nuit qu’on avait passée ensemble, tu te souviens ? C’était la fois où je t’avais débarrassé de ce gars qui voulait te cogner dans les chiottes de l’Esmé ».

    « Je m’en souviens très bien, et pourquoi tu n’étais pas dans ton assiette ? ».

    « Parce que je n’arrivais pas à arrêter de penser à toi, au fait que j’avais été odieux au réveil, en fait, je n’arrivais pas à arrêter de penser à toi, tout court, j’avais besoin de me changer les idées, et aussi, j’avais besoin de savoir si un autre mec me ferait autant d’effet que toi ».

    « Et alors ? ».

    « Avec ce type, c’était nul, j’ai failli débander, j’ai dû penser à quelqu’un d’autre pour y arriver ».

    « Une nana ? ».

    « A toi, banane ! ».

    La liste des mecs de Jérém s’allonge, et une poussée de jalousie me guette, à fortiori vis-à-vis de ce plan survenu à un moment où nos révisions avaient deja commencé. Et pourtant, ça fait un bien fou de l’entendre dire que pendant ce plan, il a pensé à moi.

    « Le jour où nous sommes clashés chez moi, tu m’as balancé que je n’étais pas le seul gars avec qui tu t’envoyais en l’air ».

    « Je bluffais, je couchais avec aucun autre gars, avec des nanas, oui, mais avec aucun gars, je sais, ça n’excuse rien, si je t’ai balancé ça, c’est parce que je voulais te faire mal, assez mal pour que tu t’éloignes de moi, je n’avais pas le courage de te quitter, alors je voulais t’obliger à le faire à ma place ».

    Le feu crépite doucement dans la cheminée, il accompagne la marche lente d’une nuit qui me paraît propice aux confidences.

    « Et Thibault ? » je décide d’y aller franco.

    Ma question est suivie par un silence qui semble durer une éternité, un instant où le temps semble comme suspendu, presque figé, un moment pendant lequel j’ai le temps de me demander si cette question ne va pas être la fausse note qui va tout gâcher dans ce moment parfait.

    « Tu, sais ? » finit par lâcher Jérém.

    « Thibault m’a tout raconté quand tu étais inconscient à l’hôpital ».

    « Je n’en suis pas fier, tu sais ».

    Je cherche quelque chose à dire pour briser le silence qui s’installe seconde après seconde, en vain.

    « Tu dois me haïr » il continue.

    « Je ne sais pas trop quoi penser, je voudrais juste comprendre, je voudrais juste savoir, pourquoi, c’était la première fois que vous ».

    « Oui, enfin, non ».

    « Oui ou non ? ».

    « Il s’était passé un petit truc quand on était ados, on était en camping, sous la même tente, un soir, on avait bu des bières, on a juste joué au touche pipi ».

    « Et vous avez remis ça, après ? ».

    « En fait, il a failli se passer un truc juste avant la finale du tournoi cet été, et le soir même de la finale aussi, il ne s’est rien passé d’important, juste des caresses, un peu d’excitation, mais ça a failli aller plus loin, c’est moi qui a freiné ».

    « Et pourquoi ça a dérapé entre Thibault et toi, cette fameuse nuit ? ».

    Jérém prend une longue inspiration, avant de se lancer :

    « Cette nuit-là, j’avais bu, j’avais fumé, et tu me manquais horriblement ».

    « Je te manquais ? ».

    « Oui, beaucoup, et l’idée de t’avoir fait souffrir me rendait fou, te quitter a été la chose la plus difficile et la plus stupide que j’ai fait de ma vie ».

    « Et pourquoi tu l’as fait, alors ? ».

    « A ce moment-là, te quitter me paraissait la seule solution, je voulais nous éviter de souffrir davantage, autant toi que moi, quand je serais à Paris, et que nous ne pourrions plus nous voir, mais ça a été aussi douloureux pour toi que pour moi ».

    « Tu crois ? ».

    « Le jour où nous nous sommes tapés sur la gueule, j’ai eu très mal en partant, t’étais en sang, et en larmes, et tout était de ma faute, j’avais une boule de feu dans le ventre, j’ai failli faire demi-tour et venir te serrer dans mes bras, j’avais envie de te demander pardon, mais je me suis dit que c’était le prix à payer pour te rendre ta liberté, et puis, ta mère était rentrée, je n’aurais pas osé, de toute façon ».

    « J’avais le cœur en mille morceaux ».

    « Je sais, moi aussi, alors, quelques jours plus tard, cette fameuse nuit, Thibault a senti que je n’allais pas bien, il est venu me prendre dans ses bras, dans le clic clac du salon où je dormais, je ne crois pas qu’il avait prévu qu’il se passe quelque chose, et moi non plus. Je crois que cette nuit-là on avait besoin l’un de l’autre ».

    « Et ça vous a fait du bien ? ».

    « Sur le moment, oui, après, Thib m’a pris dans ses bras, et j’étais bien, je me suis même endormi, je me suis réveillé dans la nuit, avec une seule envie, celle de me barrer, je me suis levé pendant que Thib dormait, j’ai pris mes dernières affaires et j’ai foutu le camps au beau milieu de la nuit, comme un voleur, sans la moindre explication, je n’ai pas été foutu d’assumer ce qu’on venait de faire, alors que j’étais autant d’accord que lui pour le faire,

    Après ça, tout a changé entre nous, du jour au lendemain, on s’évitait, surtout moi, je l’évitais, j’avais peur de ses sentiments, comme des tiens, je ne savais pas comment gérer ça, je ne savais pas comment le retrouver, après ça,

    Après, il y a eu l’accident, Thib est venu à l’hôpital quand je me suis réveillé, quand il est venu, mon père et Maxime étaient là aussi, Thib a pris sur lui, il a fait comme si de rien n’était, il a déconné avec Maxime, il a discuté avec mon père, il a eu des mots pour me remonter le moral, et pourtant, je sentais un malaise entre lui et moi,

    Quand j’ai quitté l’hôpital, je l’ai appelé, je voulais lui proposer de nous voir, je voulais m’excuser d’être parti comme un con cette fameuse nuit, je voulais lui dire à quel point son amitié comptait pour moi, mais je n’ai pas réussi, à chaque fois qu’il y avait un blanc, et que j’étais sur le point de faire un pas vers lui, il repartait dans une autre direction, comme s’il voulait garder une distance ».

    « Il fait la même chose avec moi ».

    « Tu as eu de ses nouvelles, toi ? ».

    « Je l’ai appelé il y a quelques jours, mais il a coupé court, je pense qu’il m’en veut, je me suis mal comporté avec lui ».

    « Pourquoi ça ? ».

    « Parce que j’ai été horrible avec lui à l’hôpital, quand il m’a raconté ce qui s’était passé entre vous, j’étais tellement blessé que je suis parti, je l’ai laissé tomber, sans essayer de comprendre, et pourtant, j’ai bien senti à quel point il se sentait mal, vis-à-vis de votre amitié, et aussi vis-à-vis de moi, de plus, il se sentait responsable pour ce qui t’était arrivé ».

    « Il se sentait responsable de mon accident ? ».

    « Oui, il savait que depuis quelques temps tu n’allais pas bien, et il avait pressenti qu’à un moment ou à un autre tu risquais de partir en vrille, alors, il s’en voulait de ne pas avoir su veiller davantage sur toi, il s’en voulait pour ce qu’il s’était passé avec toi, parce qu’après ça, tu étais parti de chez lui et il n’avait pas pu être là pour toi ».

    « Le pauvre Thib, il a morflé encore plus que je l’avais imaginé, et il doit toujours morfler » fait Jérém, dépité, et il continue : « vraiment, il ne faut pas en vouloir à Thib, c’est un gars en or, c’est la gentillesse en personne, je savais qu’il avait des sentiments pour moi, j’aurais dû faire davantage attention à lui, il avait toutes les raisons de craquer, c’est moi qui aurait dû être plus fort, je n’aurais pas dû coucher avec lui ».

    Jérém se lève pour aller rajouter du bois dans la cheminée. Puis, il s’allume une clope, il tire une longue taffe et il expire lentement la fumée. Son regard se pose dans le vide, comme perdu, il a l’air tellement ailleurs qu’il en oublie même sa cigarette, coincée entre ses deux doigts, et qui brûle pour rien.

    « Je crois qu’entre Thib et moi ça ne sera plus jamais comme avant » il rajoute au bout d’un long silence.

    Je ne peux m’empêcher de me lever à mon tour pour aller le prendre dans mes bras et lui faire des bisous.

    « Moi je crois que ça va finir par s’arranger, une amitié comme la vôtre ne disparaît pas comme ça, laisse-lui un peu de temps ».

    « Heureusement que je t’ai toi » il me chuchote, adorable.

    « Je me souviens d’un soir, au KL, où tu es parti avec Thibault et deux nanas » j’enchaîne.

    « Une autre belle connerie signée Jérémie Tommasi ».

    « Je me souviens qu’au moment tu m’as bien regardé pendant que tu embrassais l’une des filles ».

    « Quand j’ai vu que tu étais là et que tu me matais, j’ai voulu savoir dans quel état te mettrait de me voir partir pour une partie de jambes en l’air ».

    « J’en étais malade ».

    « Je sais, je suis désolé ».

    « Alors, comment s’est passé ? ».

    « On a passé le temps à baiser les nanas, et à nous mater l’un l’autre, cette nuit-là, j’ai bien capté que Thib ressentait plus que de l’amitié pour moi ».

    « Tu crois qu’il avait déjà envie de coucher avec toi ? ».

    « Je crois, oui ».

    « Et toi ? T’avais déjà envie de coucher avec lui ? ».

    « C’est la question que je me suis posée pendant toute cette fameuse nuit, est-ce que j’avais vraiment envie de coucher avec mon meilleur pote ? Il y avait une attirance, certes, mais peut-être pas au point de franchir le pas, de toute façon, je ne pouvais pas imaginer mettre en danger notre amitié à cause d’une coucherie ».

    « Mais vous aviez déjà couché ensemble, au camping ».

    « Mais c’était différent, nous n’étions que des gosses, à ce moment-là, on pouvait mettre ça sur le compte de notre bêtise, mais remettre ça après le plan avec les nanas, alors que nous étions « adultes », ça aurait eu une toute autre résonance ».

    « C’est vrai » j’admets.

    « Après que les nanas ont été parties, Thibault est resté dormir chez moi, cette nuit-là, il ne s’est rien passé de plus, à part que, dans son sommeil, Thib est venu me prendre dans ses bras, il ne sait pas que je m’en suis rendu compte, je n’ai pas voulu qu’il sache, je crois que ça l’aurait vraiment mis mal à l’aise ».

    « Et après cette nuit ? ».

    « Après cette nuit, j’ai commencé à « réviser » avec toi, et je n’ai plus pensé à cette attirance pour Thib ».

    « Mais ce n’était pas son cas à lui » je considère.

    « Non ».

    « Mais alors, pourquoi tu lui as proposé de coucher avec nous ? ».

    « Bonne question, ce soir-là aussi j’avais bu, et j’avais pas mal fumé aussi, mais ça n’explique pas tout, loin de là, déjà, c’était l’occasion de lui « avouer » ce qui se passait entre nous, ça faisait un petit moment que ça me trottait dans la tête, je me doutais bien qu’il savait, mais je ne savais pas comment m’y prendre, j’avais peur de sa réaction ».

    « T’avais peur qu’il te rejette ? ».

    « Un peu oui, mais j’avais surtout peur de lui faire de la peine, cette nuit-là, je voulais lui montrer à lui aussi qu’entre toi et moi ce n’était qu’une histoire de cul, je me suis dit qu’en couchant avec nous, il comprendrait tout ça, que je n’avais pas de sentiments pour toi, parce que je n’étais pas pd, je me disais que ça lui ferait moins mal,

    Je voulais aussi te montrer, à toi aussi, qu’entre nous deux ce n’était que de la baise, je me suis dit que si je me montrais odieux avec toi, que si je te montrais que ça ne me faisait rien de te voir coucher avec mon pote, tu arrêterais de me demander autre chose, et je voulais me montrer à moi aussi qu’entre nous il n’y avait rien d’important, je voulais savoir si vraiment ça ne me faisait rien de te voir coucher avec mon pote ».

    « Ce que je n’avais pas prévu, c’est l’attitude que Thib allait avoir vis-à-vis de toi ».

    « Quelle attitude ? ».

    « Celle que j’aurais voulu être capable d’avoir moi-même avec toi, celle d’un mec qui assumait, un mec qui te respectait, alors, j’ai été jaloux, jaloux de voir que tu avais aimé coucher avec Thib, car Thib t’avait apporté quelque chose que moi je n’étais pas capable de te donner, j’avais voulu qu’il te baise, il te faisait l’amour, comme je ne te l’avais jamais fait, comme je ne l’avais jamais fait à personne ».

    « C’est parce que t’étais jaloux que t’es devenu de plus en plus brutal ».

    « Oui, je crois, j’ai été trop loin ».

    « Même Thibault a essayé de te calmer ».

    « Ce gars est vraiment adorable, et ce soir-là, il m’a même appris ce que c’est de faire l’amour, du coup, j’avais vraiment peur que tu prennes plus de plaisir avec lui qu’avec moi ».

    « Avec Thibault j’ai ressenti des trucs que j’aurais voulu ressentir avec toi, mais je n’ai jamais pris davantage de plaisir qu’avec toi, avec personne ».

    « Même pas avec ce type qui est parti en Suisse ? ».

    « Non, même pas avec Stéphane, ce mec m’a avant tout appris à m’accepter, à me respecter, à exiger d’être respecté, à m’assumer aussi, je ne dis pas que je n’ai pas pris de plaisir avec lui, mais avec toi, c’est autre chose, avec toi, c’est juste explosif, c’est comme si mon corps était fait pour le tien, et le tien pour le mien, alors, non, je n’ai jamais pris davantage de plaisir qu’avec toi, et non seulement parce que tu es un champion de la couette, mais parce que toi, t’es le gars que j’aime ».

    « T’es mignon ».

     « Et t’as reparlé de cette nuit avec Thibault ? La nuit que nous avons partagée tous les trois, je veux dire ».

    « Jamais, je n’avais vraiment pas envie d’en parler avec lui, c’était déjà bien assez compliqué dans ma tête, je me demandais comment Thib avait vécu cette nuit, je me demandais aussi comment toi tu avais vécu cette nuit, je me demandais ce que Thib pensait de ma façon de me comporter avec toi, je me demandais même si Thib n’allait pas tomber amoureux de toi, et toi de lui, peut-être qu’on aurait dû en parler, ça aurait peut-être évité ce qui s’est passé par la suite ».

    « Avec les si ».

    « Bref, c’était le bordel, ce plan a été une grosse erreur, il n’a amené que des problèmes ».

    Quand j’y pense, je me dis que sur le moment, les conséquences immédiates de ce plan avaient été difficiles à assumer pour tout le monde, pour les gars de 18-19 ans que nous étions à l’époque.

    Pourtant, à distance de tant d’années, je suis désormais persuadé que cette nuit du plan à trois n’avait pas été l’erreur monumentale que dépeignait Jérém : car, à bien regarder, elle avait quand même permis de révéler au grand jour un certain nombre de non-dits qui avaient besoin de se confronter à la réalité, et ceci, afin que tous les trois puissions aller de l’avant.

    Chez Jérém, cette nuit avait réveillé une nouvelle fois sa jalousie, et sous une forme inédite et particulièrement insidieuse : elle l’avait confronté à la douceur de Thibault, cette douceur dont j’avais besoin, elle lui avait fait entrevoir la possibilité de me perdre, lui permettant de réaliser à quel point il tenait à moi.

    Quant à moi, cette nuit m’avait fait comprendre à quel point j’avais besoin d’une tendresse « à la Thibault », mais venant de mon Jérém, une tendresse que je n’ai jamais arrêté de rechercher, une quête qui a provoqué pas mal de déconvenues, avant de me permettre de toucher le cœur de mon Jérém.

    Oui, cette nuit a probablement constitué la première maille d’un enchaînement d’évènements plutôt logique : d’abord, dans une certaine mesure, cette nuit avait provoqué l’évolution de ma relation avec Jérém pendant la semaine magique (comme si l’attitude de Thibault à mon égard pendant cette fameuse nuit avait porté ses fruits, et crée un cheminement dans la tête de mon bobrun), semaine magique qui avait d’une certaine manière conduit à notre clash violent, ce dernier préparant le terrain pour la coucherie entre Jérém et Thibault, clash et coucherie qui, dans une certaine mesure, ont certainement joué un rôle dans l’accident de Jérém, accident qui, enfin, a joué un rôle important dans le fait que Jérém soit revenu vers moi.

    Rien n’arrive par hasard, et tout a contribué, d’une façon ou d’une autre, à nous réunir, Jérém et moi, dans cette pette maison perdue dans la montagne, devant ce bon feu de bois, à nous mettre l’un dans les bras de l’autre. Voilà ce que je réaliserai plus tard.

    Ce que je réalisais déjà à ce moment-là, en revanche, c’est que le grand perdant de notre plan à trois, avait été Thibault. Chez le bomécano aussi, cette nuit avait dû réveiller une forme de jalousie, pourtant étouffée par son abnégation presque héroïque, cette nuit, Thibault avait été témoin du fait que, malgré le comportement de Jérém à mon égard, ce dernier tenait vraiment à moi, et que ce que je vivais avec Jérém, lui il ne l’aurait jamais.

    Et cette nouvelle coucherie avec son pote Jéjé avant l’accident, n’a rien dû arranger. L’accident, non plus. Et mon attitude à son égard, non plus. Thibault a raison de m’en vouloir. Dès que je rentrerai sur Toulouse, et avant de partir pour Bordeaux, je vais aller le voir. C’est urgent.

    Je réalise soudainement que la respiration de mon Jérém est devenue lente et profonde : je crois que mon bobrun vient de s’endormir.

    « Bonne nuit, mon amour » je lui chuchote, persuadé qu’il ne m’entend déjà plus.

    « Il faut vraiment qu’on essaie de dormir un peu, demain on a une balade à faire » il lâche, alors que le ralentissement de son débit de parole annonce que le sommeil est en train d’avoir raison de lui.

    « Oui, c’est vrai ».

    « Je suis vraiment content que tu sois là, MonNico ».

    Je sais à présent ce que ça veut dire « MonNico » : il n’y a pas besoin d’explications, ce n’est que du pur bonheur.

    « Toi aussi tu as bouleversé ma vie » je l’entends lancer, la voix pâteuse.

    « De quoi ? » je fais, surpris.

    « Pendant que j’étais dans le coma, tu m’as dit que j’avais bouleverse ta vie ».

    « Tu te souviens de ça ? ».

    « Je me souviens de tout ».

    Commentaires

    Yann

    Dimanche 31 Mars 2019 à 09:28   

    Cet épisode est très dense en révélations. J & N tendent à devenir un couple qui ne se cache rien de leur vie passée et pendant les débuts tumultueux de leur relation. On découvre un Jerem qui se met à nu (au figuré car au propre c’est déjà fait depuis longtemps wink2 ). D’un seul coup dans cet épisode on comprend le pourquoi de ses attitudes passées et il n’en est pour moi que plus attachant alors que souvent je lui aurais bien mis des baffes. Si le personnage de Jerem a probablement perdu en mystère il y a par contre beaucoup gagné en sensibilité. Reste la question que posait Etienne sur l’épisode précédent comment va-t-il se comporter avec Nico devant les autres  pour leur sortie. Va-t-il le présenter comme un pote ou comme son amoureux ? Jusque là ils on vécu isolé du monde extérieur une sorte de lune de miel mais il va leur falloir affronter la réalité de la vie au quotidien avec le regard des autres mais aussi leur éloignement ; les études pour l’un le rugby pour l’autre.

    Je suis un peu triste pour l’amitié très forte entre Thibault et Jerem aussi avec Nico. Je ne pense pas qu’il soit le perdant de l’histoire à son cœur défendant, même si il éprouve depuis longtemps des sentiments pour son pote, il a tout fait pour pousser Jerem à voir la chance qu’il avait avec Nico qu’il a toujours soutenu dans sa relation houleuse avec Jerem. J’aimerai bien que Thibault fasse le premier pas d’une réconciliation avec J&N mais ce n’est pas moi qui écrit l’histoire et c’est aussi bien comme ça car j’aurais le plaisir de découvrir ce que Fabien à imaginé qui je n’en doute pas sera à la hauteur de ce qu’il a fait partager jusque là.

    Perock

    Mercredi 24 Avril 2019 à 08:10   

    Quel enfoiré, il a intérêt à rappelé Thibault prochainement !

    Ludovic

    Lundi 29 Avril 2019 à 11:07   

    À quand la suite ? TwT

    • fab75du31 Lundi 29 Avril 2019 à 12:11
    • Vendredi lol

    Chris-j 

    Jeudi 11 Juin 2020 à 13:12   

    J’espère laisser un commentaire qui rende compte avec justesse ce que je pense de cet épisode qui est un des plus beaux de tous. 

    Je passe sur la scène sexuelle, qui est top, et qui se passe de commentaires.

    En cherchant à mettre des mots sur leur entente physique, Nico et Jérém battent en brèche certains lieux communs véhiculés par la mauvaise psychanalyse. L’idée qu’un homosexuel ne serait attiré que par sa propre image, sans avoir accès à l’altérité incarnée par l’autre sexe. Ils seraient des zombies, incapables de jouir, condamnés à chercher, sans jamais trouver, des partenaires susceptibles de les satisfaire. 

    L’autre reste un inconnu quelqu’en soi le sexe. Le masculin et le féminin est en nous, qu’on soit homme ou femme. Il y a beaucoup d’hétéro qui n’ont pas accès à l’altérité, ou qui ne la cherche surtout pas. Certainement qu’il y a des homo qui sont comme ça aussi. Je n’ai pas vraiment cette impression en ce qui concerne Jérémie et Nicolas ou même Thibaut.

    Soit dit en passant, si Nico pense que le plaisir passif est d’abord un plaisir mental, d’après ce que Jérém lui confie, le plaisir de l’actif l’est tout autant.

    La deuxième partie du chapitre est celle qui retient toute mon attention. En général, j’aime lire les réflexions de Nico sur les situations et sur lui-même. J’aime son ressenti, parce qu’il accepte de faire connaitre aux lecteurs ses pensées les moins nobles, comme la jalousie. Il nous fait part de son envie d’être reconnu par Jérém. On nous dit tellement que chercher de la reconnaissance, n’est que de l’égoïsme. C’est sans doute vrai, mais en partie seulement. 

    Vis à vis du lecteur, il ne se la raconte pas. 

    Il y a des moments qui me marquent plus que d’autres. Les rencontres, toujours ambiguë, Nico/Thibaut,  la scène ou Jérém croise Nico et Martin, l’appel que Jérém passe à Nico, la rencontre sous la Halle de Campan etc…Et puis donc, celle là.  

    Au coeur de la nuit, quand il trouve le bon moment, pour obtenir les réponses aux questions qui restent en suspens depuis le début de leur relation. Nico va être impressionnant de maitrise. 

    Sa question est limpide, mais plutôt ardue. 

     « J’ai envie de savoir, Jérém… je ne veux plus qu’il ait de non-dits… je ne veux plus de mauvaises surprises… j’ai besoin de te connaître… tu es trop important pour moi… ».

    En acceptant de s’expliquer Jérémie, se dévoile, comme il ne l’a pas fait depuis très longtemps, si tant est qu’il l’ai jamais fait un jour, avec Thibaut par exemple. Ensemble, ils vont égrainer les 6 mois passés, ce qui a été fait, en bien, mais souvent en mal. 

    L’impatience est un des défauts de Nico, qui ne laisse pas toujours à Jérémie le temps pour s’exprimer. 

    « Tu m’as manqué – Toi aussi tu m’as manqué, Je suis content de te voir – non c’est moi qui suis content » . On a envie de lui dire laisse le parler ! 

     Mais ce soir là, il sait attendre et entendre. Il est parfois ferme, il encourage, il ne juge pas et quand il est sceptique, il le garde pour lui. 

    Tous les mecs, tous les plans vont y passer. 

    J’imagine que la scène se passe dans le calme, les voix sont basses, parfois très basses. Sa détermination rend Nico très masculin. 

    De ce que je comprends, Nico est comme un taureau dont le corps est transpercé par les coups d’épée du toréador. Il est debout, vaillant, toujours prêt à faire face, mais pour trouver l’apaisement, il lui faut quand même guérir de ses blessures et c’est Jérémie qui peut le faire. Et il le fait en retirant les épées une à une.

    La franchise rend bobun encore plus beau. 

    Certes, ce n’est pas ce que Nico appelle « un bon gars ». Il se laisse dirigé par un égo fragile, il se déleste de ses peurs en les faisant supporter à un autre. Nico en a été la victime, mais aussi Thibaut, voir même les inconnus de passage. On a pas à le juger, mais c’est un constat. 

    Cela a donné des scènes cultes, excitantes, mais il a fait beaucoup de mal à Nicolas et il le savait. Bien sur, personne n’a imposé à Nico d’accepter de se laisser humilier, peut être même, en allant plus loin dans l’introspection, qu’on pourrait trouver dans l’attitude soumise de ce dernier, une rage de posséder à tout prix. Va savoir?  

    Jérémie est beau parce qu’il est vulnérable et que pour une fois il fait passer Nico avant lui. 

    Jérémie a un peu peur du jugement de Nico quand même. Il a peur de le perdre et il aurait bien évité le sujet Thibaut. Nico est impeccable dans sa démarche. Je crois qu’inconsciemment, il ne veut garder aucune rancune envers bobrun. 

    Thibaut est un second rôle dans leur histoire mais c’est un rôle indispensable dans leurs vies. Lui aussi est victime de la lâcheté d’un Jérém qui comprenait les enjeux de leur relation. Une fois encore, il a choisi la pire des solutions qui le conduit toujours à se sentir coupable et à avoir des remords.

    Du coté de Nico, je ne vois aucune colère envers Jérém. Receuillir la parole de Jérémie a sans doute été un exercice un peu dur par moment, mais au final, si il n’est pas trop bête, il a compris qu’il est quelqu’un d’important pour Jérémie. Certes, bobrun ne lui dit pas « je t’aime ». C’est joli d’entendre je t’aime mais sait-on vraiment ce que cela veut dire. 

    Jérémie ne lui dit-il pas que leur rupture avait été une souffrance aussi grande pour lui que celle qu’il a pu ressentir. Que dire de plus. 

    Que c’est-il passé pendant le 15 jours qui vont de l’accident à la nuit qu’ils sont en train de vivre. Saura t-on un jour ce qui s’est passé dans la tête de Jérém pour qu’il soit capable de faire tous les gestes qu’il fait depuis qu’ils sont ensemble? J’aimerais le savoir. 

    J’aimerais savoir comment on bascule d’une histoire d’adolescents qui découvrent les sentiments sans savoir les maitriser à plus que ça. 

    A la première lecture, je n’avais pas fait gaffe à la fin. On change de registre. Il fait plus que dire je t’aime, bien plus même. 

    En ce qui me concerne, à part en écoutant Diana Ross, Barbra Streisand ou Barbara, c’est rare que je ressente des frissons qui vont des avant-bras, au bord des yeux. Son ultime confidence, avant qu’il ne s’endorme, m’en a donné plein. 

    • fab75du31 Jeudi 22 Juillet à 12:43
    • Je viens de relire ce magnifique commentaire et je suis très touché

  • JN0207 Après l’amour et les câlins.

    JN0207 Après l’amour et les câlins.

    Campan, le samedi 8 septembre 2001.

    [Toute ressemblance avec des personnes existantes ou des événements ayant existé serait purement fortuite].

    « Parce que » il se lance, sans arriver au bout de son intention.

    « Vas-y Jérém, dis-moi »

    « Parce que, parce que tu me faisais de l’effet ».

    « De l’effet ? ».

    « J’avais envie de coucher avec toi ».

    « Tu prévoyais déjà de coucher avec moi quand t’as dit oui ? ».

    « Je ne savais pas si on allait coucher » puis, après une petite pause, il continue : « j’avais envie de voir comment tu réagirais si je te chauffais un peu ».

    « Mais tu savais déjà que je te kiffais ».

    « Oui, bien sûr, mais nous ne nous étions encore jamais retrouvés que tous les deux, sans personne autour, et chez moi, en plus ».

    « Et tu pensais que chez toi, ce serait l’endroit idéal pour me faire craquer ».

    « Au rugby on le sait bien, quand on joue « à la maison », on a l’avantage ».

    « Petit coquin, va ».

    « Pas plus que toi ! ».

    « Et qu’est-ce qui t’a plus chez moi ? ».

    « C’est ton regard qui m’a frappé ».

    « Mon regard ? ».

    « Dans ton regard, j’ai vu que tu me kiffais à mort, j’ai de suite compris que t’avais envie de moi ».

    « C’est drôle que tu dises ça, parce que le premier jour, je n’envisageais même pas de coucher avec toi ».

    « C’est ça, à d’autres ».

    « Je te promets, j’étais tellement déboussolé que j’avais du mal à comprendre ce qui se passait, c’était la première fois que je ressentais un truc pareil, j’avais chaud, j’avais froid, j’avais la tête qui tournait, j’avais le souffle coupé, j’avais le cœur qui tapait si fort que ça résonnait dans mon crâne et dans mon ventre, j’étais déboussolé, perdu, je ressentais tellement de sensations, tant de sensations que je ne connaissais pas, c’était le bordel dans ma tête, et puis, jamais ça ne me serait venu à l’esprit qu’un gars comme toi aurait envie d’un mec, comme moi, alors, non, ce jour-là, je ne crois pas que j’avais envisagé de coucher avec toi, de toute façon, je ne sais même pas si à ce moment-là j’avais déjà envisagé de coucher avec un gars, tout court ».

    « Tu ne savais pas que t’étais attiré par les mecs ? ».

    « Si, bien sûr que je le savais, mais je ne l’avais pas encore assumé, c’était le bazar dans ma tête, je n’avais jamais encore vraiment réfléchi à ma sexualité, mais à l’instant où je t’ai vu, et encore plus quand j’ai croisé ton regard, j’ai eu avant tout envie de tout savoir de toi, jamais je n’avais ressenti un truc aussi soudain et violent pour un gars, et j’ai tout de suite été jaloux des gars avec qui tu discutais dans la cour du lycée ».

    « Jaloux ? ».

    « Parce qu’ils avaient la chance de te connaître, de passer du temps avec toi, de t’entendre parler, rigoler, de te serrer la main, de te faire la bise ».

    « Tu voulais être mon pote ».

    « Oui, je crois que c’est ça, je voulais être ton pote, bien sûr, je te trouvais beau comme jamais je n’avais trouvé beau un mec, je te trouvais canon, mille fois plus beau que moi, j’adorais ton corps, ton visage, ton brushing, ton t-shirt noir qui t’allait comme un gant, j’adorais ton assurance, ton attitude de petit branleur, ta façon d’être avec tes potes, ton sourire de fou, mais je crois bien que moi aussi, ce qui m’a touché en premier, c’est ton regard, enfin, juste après ton t-shirt noir et ton brushing de bogoss ».

    « Qu’est-ce qu’il avait mon regard ? ».

    « Je crois que dans ton regard j’ai vu ce truc que tu essayais de cacher ».

    « Quel truc ? ».

    « Le véritable Jérém, celui qui se cachait derrière ses airs de bobrun ténébreux et inaccessible ».

    « C’est-à-dire ? ».

    « Un gars qui avait juste besoin d’être aimé, tu sais, Jérém, en ce premier jour de lycée, tu m’as touché à un point que tu ne peux même pas imaginer, à partir de ce moment, je n’ai plus arrêté de penser à toi, et de te chercher partout, tout le temps ».

    « Tu ne me quittais jamais du regard ».

    « Tu t’en es rendu compte ? ».

    « Et comment j’aurais pu passer à côté ? » il se marre « dès que je me tournais, je croisais ton regard, et même quand je regardais ailleurs, je le sentais sur moi, tout le temps, il me suivait comme mon ombre ».

    « C’était plus fort que moi ».

    « Au début, ça m’agaçait un peu, mais très vite, ça a commencé à m’intriguer, et ça me faisait du bien ».

    « Et pourtant, tu savais si bien m’ignorer, parfois, j’ai même eu peur que tu viennes me casser la gueule ».

    « Je faisais semblant de t’ignorer, parce que je ne voulais pas me faire repérer par les autres, ni par toi, parce que je voulais croire que je pouvais t’ignorer, jusqu’au jour ».

    « Jusqu’au jour, ? ».

    « Jusqu’au jour où je me suis branlé, en pensant à toi ».

    « Tu t’es branlé » je fais, incrédule.

    « C’est arrivé pas mal de fois ».

    « Quand ça ? ».

    « Dès la seconde ».

    « Pourtant tu couchais avec toutes les nanas qui te passaient à portée de queue, et t’avais encore envie de te branler ? ».

    « Si j’ai couché avec autant de nanas, c’est aussi pour me convaincre que j’étais normal ».

    « Tu te sentais attiré par d’autres mecs ? ».

    « Disons que certains gars me faisaient un effet que je n’arrivais pas vraiment à expliquer, notamment dans les vestiaires du rugby, sous les douches ».

    « Tu étais attiré par des mecs beaucoup plus beaux que moi, alors ».

    « Plus beaux, je ne sais pas ».

    « Bien sûr que si ».

    « Toi tu me faisais plus d’effet que n’importe quel gars ».

    « Ah, putain, je ne raconte même pas l’effet que tu me faisais, toi, et le nombre de fois que je me suis branlé en pensant à toi ».

    Nous nous prenons l’un dans les bras de l’autre, nous nous embrassons, nos corps nus se caressent, nos cheveux se mélangent, nous nous habillons l’un de l’autre.

    Puis, après un long moment de silence et de câlins, les mots viennent tout seuls, elles sortent de ma bouche avec le naturel de l’évidence, avec la simplicité de la vérité.

    « C’était tellement bon de te regarder en cours, ce que je ressentais pour toi était tellement fort, j’étais bouleversé, je ressentais de l’amour, du désir, de l’envie, tout ce qui rend heureux, quoi, c’est grâce à ce que je ressentais pour toi que j’ai enfin compris que je ne serais jamais hétéro, en fait, c’est grâce à toi que j’ai compris qui j’étais, plus je tombais raide dingue de toi, plus je trouvais naturel de m’accepter comme j’étais, plus j’étais amoureux de toi, plus je me sentais bien avec moi-même, plus je sentais qu’il ne pouvait y avoir aucun mal à aimer un gars, surtout, un gars comme toi, dès la seconde, j’ai réalisé que si un simple regard donne des frissons, si le cœur bat la chamade, il n’y a aucun mal à aimer, car l’amour n’a pas de sexe ».

    « Moi, c’est en première que j’ai commencé à me demander comment je pourrais t’approcher ».

    « Il aurait suffi d’un mot, pourtant ».

    « Je sais, mais j’avais peur que tu ne tiennes pas ta langue, et ça, je n’aurais pas supporté ».

    « Et quand tu te branlais, tu pensais à quoi ? T’avais envie de quoi ? ».

    « J’avais envie de coucher avec toi, mais de pouvoir arrêter si ça me faisait sentir trop pd, je me disais que comme tu me kiffais un max, j’aurais pu tirer mon coup et me tirer quand j’en aurais envie, c’est minable, je sais, surtout que, pendant trois ans, j’ai senti que tu avais envie de moi, mais aussi que tu étais amoureux ».

    « Oui, j’étais fou de toi, bien avant qu’on couche ensemble ».

    « Je sais, et ça me faisait un bien fou de savoir que je pouvais inspirer un tel sentiment ».

    « Il devait y avoir aussi pas mal nanas folles de toi ».

    « Oui, c’est arrivé, mais ça me faisait fuir sur le champ, alors que chez toi, ça m’a touché, peut-être parce qu’on se cherchait et qu’on y arrivait pas, et aussi parce que, même si je ne t’ai jamais vraiment donné d’espoirs, ton regard n’est jamais parti ailleurs ».

    « Tu crois qu’en classe ils se sont rendu compte que tu me plaisais ? ».

    « Bien sûr que oui, mais c’est toi qu’ils traitaient de pd, parce que moi je me tapais des nanas, et aussi parce que je faisais semblant de t’ignorer, en plus, en seconde, je me foutais de ta gueule avec les autres ».

    « Mais quel petit con, quand-même ».

    « Il fallait bien que je détourne l’attention, c’est pour ça aussi que j’ai couché avec autant de nanas, je voulais que personne ne se pose la moindre question sur moi, je ne voulais plus être moqué, je ne voulais surtout pas revivre ce que j’avais vécu dans mon adolescence, plus tard, vers la fin de la première, quand les camarades ont commencé à me faire une réputation de « serial baiseur », il m’est arrivé de dire à certains gars d’arrêter de te casser les couilles, mais toujours discrètement, entre quatre yeux ».

    « Et en même temps, tu avais déjà commencé à te demander comment coucher avec moi ».

    « Oui, mais je ne savais pas comment t’aborder, je ne savais pas comment faire le premier pas, j’aurais voulu que ce soit toi qui le fasses ».

    « Tu ne savais pas comment faire le premier pas, t’aurais voulu que ce soit moi qui le fasses, c’est marrant qui tu dises ça, tu avais l’air tellement sur de toi, et de ton charme, moi aussi j’aurais voulu que tu fasses le premier pas à ma place, parce que j’étais timide et coincé, parce que j’avais peur et que je n’avais pas le physique, la carrure, l’assurance, l’aura d’un mec comme toi, c’était une torture ».

    « J’ai essayé de t’envoyer des signes, de t’allumer, comme le soir de l’anniversaire de Thomas, ou comme la fois où nous nous sommes retrouvés seuls, au bout des vignes, au retour du voyage en Italie, ce jour-là, j’ai vraiment cru que t’allais craquer et me balancer que t’avais envie de moi ».

    « Mais tu aurais réagi comment si je t’avais dit que j’avais envie de toi ? ».

    « Je pense qu’on aurait couché ensemble ».

    « Je n’en suis pas sûr ».

    « T’as raison, je ne sais pas comment j’aurais réagi » il admet, avec un petit sourire à faire fondre le soleil lui-même.

    « On aurait vraiment pu se rater pour de bon » je considère.

    « Pendant les vacances scolaires de février dernier, j’ai commencé à me dire qu’on n’y arriverait pas ».

    « Moi pareil, c’est pour ça que je t’ai proposé de réviser ».

    « T’avais vraiment très envie » il se moque.

    « Mais je voulais vraiment t’aider à réviser, je t’assure, quand je t’ai vu prendre encore une mauvaise note en math, j’ai vraiment eu peur pour ton bac, déjà que ça n’allait pas fort dans d’autres matières ».

    « Pourquoi, tu surveillais mes notes ? ».

    « Autant que les miennes, je savais où tu avais la moyenne, et où tu ramais sévère, et je savais que les maths c’était pire que tout ».

    « Alors ce n’était pas que pour coucher avec moi que t’as proposé de réviser ? ».

    « Bien sûr que j’avais envie de coucher avec toi, mais j’avais aussi envie de t’aider, vraiment, je ne voulais pas que tu rates le bac ».

    « C’est gentil, même si franchement, moi je m’en foutais de réviser, parce que je me foutais du bac, je pensais que je m’en tirerais d’une manière ou d’une autre, par contre, j’avais trop envie de toi ».

    « Ah, ben, t’as bien caché ton enthousiasme, alors, je me souviens très bien de ta réponse, c’était un truc du style : « si tu veux », comme si tu t’en foutais complet ».

    « Je ne voulais pas te montrer à quel point ça me faisait plaisir ».

    « J’avais tellement peur que tu me jettes, j’en tremblais, je crois même que je bégayais ».

    « Oui, tu bégayais, et c’était tellement mignon ».

    « Je m’étais dit : ou ça passe ou ça casse, de toute façon, je n’avais plus rien à perdre, mais au fond, je ne croyais pas que je coucherais avec toi, j’ai même failli ne pas venir à la première révision ».

    « Et pourquoi ? ».

    « Si tu savais comment j’étais nerveux, l’idée de me retrouver seul avec toi me terrifiait ».

    « Moi aussi j’étais nerveux pendant que je t’attendais ».

    « Je ne le crois pas ».

    « Si, je te promets ».

    « Là aussi, t’as bien caché ton jeu ».

    « T’étais tellement nerveux que du coup j’ai senti que je pouvais y aller franco, et j’ai repris la main ».

    « T’as surtout pris la mienne pour la mettre sur ta queue ».

    « J’ai cru que t’allais faire un malaise ».

    « J’ai bien failli ».

    « T’as dû me prendre pour un barje ».

    « J’ai été un peu surpris, mais j’ai vraiment kiffé ».

    « En tout cas, merci de m’avoir aidé à réviser ».

    « Mais je n’ai pas fait grand-chose, on a passé plus de temps à s’envoyer en l’air qu’à travailler ».

    « Tu sais, même si je ne te l’ai pas vraiment montré, j’ai quand même écouté un peu de ce que tu racontais, j’avais même un technique pour retenir ».

    « Quelle technique ? »

    « Associer tes explication avec les souvenirs de nos sauteries ».

    « Petit coquin, va ! » je me moque, trouvant l’idée à la fois marrante et bandante.

    « Tu as été un super prof ».

    « Tu ne m’as pas vraiment simplifié la tâche ».

    « Pourquoi, ça ? ».

    « Parce que tu faisais tout ce que tu pouvais pour me foutre le cerveau en vrac, tes t-shirts moulants, tes pecs, tes abdos, ta peau mate, ton sourire, ton déo, ta queue tendue, t’avais bien compris comment me rendre dingue ».

    « J’avais autant envie de toi que toi de moi ».

    « Pourtant tu as continué à coucher avec des nanas ».

    « Il fallait que je sauve les apparences, et il m’est arrivé de coucher avec une nana et de penser à toi, et ça me faisait venir très vite, parce qu’en vrai, je ne pensais qu’à coucher avec toi, j’avais tout le temps envie de gicler entre tes fesses ».

    « Et tu ne t’es pas privé ».

    « C’est tellement bon, jamais je n’avais pris autant mon pied, c’était encore meilleur que ce que j’avais imaginé » fait-il, tout en posant des bisous dans le creux de mon épaule.

    « Et pourtant tu étais si dur avec moi ».

    « Plus je sentais que je devenais accroc à nos « révisions », plus ça me faisait peur, quand j’étais excité, la peur disparaissait, mais dès que j’avais joui, la peur de devenir « pd » me rattrapait, c’est con, mais plus je prenais mon pied avec toi, plus j’avais besoin de me convaincre que je pourrais m’en passer, alors, toi non plus tu ne m’as pas rendu la tâche facile ».

    « Pourquoi, ça ? ».

    « Parce que tu t’accrochais, tu voulais davantage que du sexe, ça, c’est le truc qui m’a toujours fait prendre mes jambes à mon cou avec les nanas, et ça a failli le faire avec toi aussi, mais je n’ai pas réussi ».

    « Et pourquoi tu n’as pas réussi ? ».

    « Parce que je ne pouvais pas. J’ai essayé, mais je ne pouvais pas », il me glisse, tout en me faisant plein de bisous dans le cou.

    « Tu me manquais tout le temps, tu me manquais tellement » je me lâche « tu me manquais même quand j’étais chez toi, parce que j’avais envie de te prendre dans mes bras et de ne plus jamais partir de ta piaule, j’étais tellement bien quand j’étais avec toi ».

    « Moi aussi j’étais bien quand tu étais là, et pourtant, tout ça me faisait très peur, du coup, j’ai voulu te mépriser pour ne pas m’attacher à toi, et j’ai voulu te faire chier pour t’empêcher de t’attacher à moi, j’avais peur qu’un jour tu me laisses tomber ».

    « T’es fou, toi, comment j’aurais pu te laisser tomber, alors que j’étais fou de toi ? ».

    « Tu sais, c’était pareil avec les nanas, je les quittais pour ne pas me faire quitter, je me suis comporté comme un vrai connard, avec elles, avec toi, d’ailleurs, je ne comprends même pas comment t’as pu t’attacher à moi, alors que j’étais horrible avec toi, j’en étais même arrivé à penser que tu aimais ma brutalité ».

    « Je ne t’ai jamais aimé pour ta brutalité, mais malgré ta brutalité, si j’ai tout accepté de toi, et peut-être trop, c’est parce que j’avais la trouille de me rebiffer, j’avais tellement peur que tu me jettes pour de bon, qu’il n’y ait plus de révisions, et puis tu étais si sûr de toi, sûr de ce que tu voulais et de ce que tu ne voulais pas, j’étais tellement naïf, tellement inexpérimenté, comment faire le poids face à un mec comme toi, un mec qui m’impressionnait de ouf ? Je manquais trop de confiance en moi pour te tenir tête, alors, j’ai pris sur moi, j’ai attendu que tu te rendes compte à quel point c’était génial entre nous ».

    « J’ai toujours aimé quand tu me tenais tête ».

    « Ce n’est pas arrivé souvent ».

    « Mais c’est arrivé quand même, ça me faisait chier mais j’aimais bien, t’aurais dû me secouer davantage » il se marre.

    « Je ne voulais pas te perdre, et d’une certaine façon, j’ai eu raison, si je t’avais trop pris la tête, tu aurais foutu le camp pour de bon, et je n’aurais jamais connu le bonheur qu’on vit ensemble depuis hier ».

    « Tu as été génial, Nico, dès notre première révision ».

    « Tu sais, à notre première révision, j’étais puceau ».

    « Je me doutais que tu l’étais, et je kiffais l’idée d’être ton premier ».

    « Moi aussi je kiffais l’idée que tu sois mon premier ».

    « Pour ta première fois tu aurais mérité mieux que ce que je t’ai proposé ».

    « C’était bon ».

    « J’ai été horrible avec toi, j’ai fait ce que j’avais envie et je t’ai jeté ».

    « Ça a été comment ta première fois ? » je le relance, intrigué.

    Jérém ne répond pas tout de suite, et je l’entends déglutir bruyamment.

    « Oublie ma question » je tente de rattraper le coup, en pensant soudainement à l’épisode que Thibault m’avait appris quelques semaines plus tôt, à cette branlette sous la tente pendant leur adolescence. Je ne veux pas prendre le risque de gâcher ce moment en le forçant à parler d’un sujet sensible. Aussi, je n’ai pas envie de raviver une jalousie que j’aurais du mal à maîtriser. On aura le temps de parler de Thibault, plus tard. Peut-être.

    « Si, je peux te répondre, ça n’a pas été vraiment génial, j’avais quinze ans, elle avait quelques années de plus que moi, je l’ai rencontré au KL, et on est allés chez elle ».

    « Et ça s’est pas bien passé ? ».

    « Déjà me foutre à poil devant elle a été dur ».

    « Alors, ça, quand je pense à comment tu t’es foutu à poil devant moi sans le moindre problème la première fois ! ».

    « J’avais pris un peu d’assurance depuis. Et puis, avec toi je me sentais à l’aise, mais ce soir-là, c’était pas vraiment ça, je faisais le beau mais je me sentais toujours complexé par mon physique, à cause des moqueries que j’avais pris dans la gueule au collège, en plus, j’avais pas mal bu, et j’avais peur de ne pas y arriver, j’étais tellement gauche ».

    « J’ai du mal à t’imaginer gauche dans un pieu ».

    « Et pourtant, je stressais à mort, et plus je stressais, plus j’avais du mal à bander ».

    « T’avais envie d’elle ? ».

    « Je ne sais même pas, je crois surtout que j’avais envie de ne plus être puceau, quand elle a enfin réussi à me faire bander, le temps qu’elle me passe la capote, ma bite était à nouveau à moitié retombée, j’ai quand même réussi à la prendre, j’ai commencé à la baiser, mais j’avais l’impression qu’elle ne ressentait rien, je me disais qu’elle avait du coucher avec des mecs mieux montés que moi ».

    « Mais tu es bien monté ».

    « J’avais dans la tête les images de mecs dans les pornos, avec des bites pas possibles qui bandent de ouf, pendant des heures, j’étais aussi complexé par rapport à mon pote Thomas, le mec le mieux monté dans les vestiaires, pendant que j’essayais de baiser cette nana, je me disais qu’elle avait du coucher avec des mecs avec plus d’expérience, qui l’avaient faite jouir ».

    « On ne peut pas démarrer et avoir de l’expérience ».

    « C’est vrai, mais j’ai carrément fini par débander, je suis sorti, et je n’ai jamais pu y revenir, ça a été terriblement humiliant, surtout que je l’avais chauffée en boîte et que je lui avais laissé entendre qu’il y aurait des étincelles sous les draps, tu parles, ça a été la cata ».

    « Elle m’a dit : « C’est pas grave », mais ça a été horrible de me retrouver à poil devant elle, la capote collée à ma nouille molle, j’avais peur qu’elle se moque de moi ».

    « J’aurais tellement aimé être le premier à te donner du plaisir, jamais je ne t’aurais laissé partir sans t’avoir fait jouir, ça aurait pris le temps que ça aurait pris, mais tu aurais eu ton premier orgasme de mec, c’est moi qui te le dis ! ».

    « T’es mignon, Nico ».

    « Toi aussi, Jérém ».

    « Ça m’avait trop sapé le moral, pourtant, j’ai raconté à tous mes potes que c’était génial, je me suis bien rattrapé depuis, si j’ai enchaîné les nanas, c’était aussi pour oublier cet échec, mais je crois que c’est avec toi que j’ai vraiment oublié ».

    Ses mots me touchent profondément.

    « Ah, zut, il est déjà quatre heures ! » il enchaîne, sans transition.

    « Et donc ? ».

    « Il faut qu’on aille faire des courses ».

    « Il faut qu’on aille faire des courses » : voilà une phrase, encore une, que je n’aurais jamais cru entendre un jour de la bouche de mon Jérém, une phrase en apparence anodine, mais qui contient pour moi tant de significations, d’images, d’espoirs et de bonheur. Car, même si j’imagine bien que nous n’irons pas faire les courses main dans la main, c’est bon de penser que Jérém est prêt à se montrer en public avec moi. Et l’idée de la balade à cheval du lendemain avec ses potes de la montagne se charge d’autant de significations, et elle me rend encore plus heureux.

    Vraiment, ce mec ne cesse de me surprendre, de m’impressionner, j’aimerais tellement trouver le moyen de l’impressionner à mon tour. Certes, j’en oublie à quel point le fait d’aller le rejoindre à Campan a pu toucher mon bobrun : mais je voudrais lui montrer quelque chose auquel il ne s’attend vraiment pas.

    Pendant que je m’habille, une idée s’affiche soudainement dans mon esprit, une idée pour « en mettre plein la vue » à mon bobrun. L’idée consiste en un plat que je connais bien et que j’ai fait assez souvent avec maman : voilà, c’est ça qu’on va manger ce soir. Je suis certain qu’il va aimer.

    « T’as des pommes de terre ? ».

    « Pour quoi faire ? ».

    « Un truc à manger ».

    « Quel truc ? ».

    « T’inquiète, tu as des pommes de terre, oui ou non ? ».

    « Oui, oui, oui ! T’excites pas ! ».

    « De la farine ? ».

    « Aussi ».

    « Des œufs ? ».

    « Non, des œufs, je n’en ai pas ».

    « Il faudra aussi du beurre, du fromage râpé et de la sauce tomate ».

    « Tu veux faire quoi ? ».

    « Des gnocchis ».

    « Ah bonne idée, tu sais faire ça ? ».

    « Oui, je crois ».

    Jérém fait la moue, en forçant le trait, comme un gosse, et il est à craquer.

    « Tu me fais confiance ? ».

    « Est-ce que j’ai le choix ? ».

    « Non ».

    Notre complicité me remplit de bonheur. Oui, les choses les plus banales de la vie deviennent de suite magnifiques dès lors qu’elles sont partagées par deux personnes qui s’aiment.

    Nous descendons au village dans la 205 rouge de Jérém. Quel bonheur de retrouver sa voiture, de retrouver Jérém au volant, de voir son sourire, de sentir son regard doux et amoureux se poser sur moi. Et quel bonheur d’aller faire les courses avec mon Jérém, alors que mon corps vibre toujours de l’écho de ses coups de reins, que je suis rempli de son jus, et ivre de son amour.

    La superette est située à côté de la mairie, dans un petit espace pas plus grand que la petite maison de Jérém. Nous rentrons et mon bobrun fait la bise à la vendeuse, une dame blonde d’une cinquantaine d’années au grand sourire, et qui m’inspire de suite un élan de sympathie.

    « Salut bogoss » elle s’adresse à mon Jérém, tout en le serrant dans ses bras « tu vas bien ? ».

    « Bien bien et toi ? Lui c’est Nico, un pote du lycée ».

    « Bonjour Nico ».

    « Au fait, t’as vu que je t’ai laissé du pain ce matin ? ».

    Ah, c’est donc elle qui s’est pointée ce matin à la maison en pierre, pendant que nous faisions l’amour.

    « Oui, j’ai vu ».

    « T’étais pas à la maison ».

    « Si, je dormais encore ».

    « Ah, ces jeunes ».

    Jérém continue les présentations.

    « Martine est aussi cavalière, au fait, demain tu viens faire la balade avec nous ? ».

    La nana a une voix étonnante, qui tape dans les aigus et dans les graves, sans grand-chose entre les deux. « Si Jean-Pierre veut bien me remplacer ».

    « Tu te casses et il sera bien obligé de tenir la boutique ».

    « Tu sais, il est capable de la laisser fermée, ou de la laisser ouverte sans personne à la caisse » elle le marre, avec un rire sonore, musical et contagieux.

    « Allez, tu vas bien pouvoir te libérer, il va y avoir presque tous les cavaliers de l’ABCR, en plus, je compte sur toi et Charlène pour briefer Nico ».

    « Il monte aussi ? ».

    « Oui, je lui donne Téquila ».

    « T’as déjà fait du cheval ? » elle me demande.

    « Non, jamais ».

    « Et toi t’es sûr que tu veux le faire randonner avec une vingtaine de cavaliers pour sa première balade ? » elle interpelle Jérém.

    « On fera attention, on restera derrière, avec Téquila, il ne risque rien ».

    « C’est vrai que cette jument est plus proche du cheval à bascule que d’un pur-sang ».

    « T’exagères ».

    « A peine ».

    Une cliente arrive en caisse pour payer. Je reconnais cette dame. C’est la même grosse dame qui a traversé la halle la veille, en faisant de gros yeux, pendant que nous nous embrassions. La dame aussi nous a reconnus : je surprends son regard sur moi, avant qu’il ne glisse ailleurs, dès que le mien se pose sur elle.

    « Allez, on va faire quelques courses » fait Jérém « rendez-vous demain matin à 9h00 chez Charlène, sans faute ! ».

    « Oui, je pense que j’y serais » elle conclut avec son sourire contagieux.

    Jérém avance dans la rangée d’étalages. Lorsque nous sommes à bonne distance, il me demande :

    « C’est pas la dame qui nous a vus hier sous la halle ? ».

    Jérém a l’air un brin inquiet.

    « Oui, je crois, tu crois qu’elle va kafter avec ta copine ? ».

    « Je n’en sais rien » fait-il, tout en regardant la grosse dame en caisse « j’espère qu’elle va s’occuper de ses oignons ».

    Non, Jérém n’est pas encore prêt à assumer notre bonheur au grand jour. Même si je suis un brin déçu, je me dis que ce que l’on est en train de vivre est déjà énorme, et que les choses se feront avec le temps. Et puis, est-ce que je suis moi-même prêt à assumer mon bonheur avec lui au grand jour ?

    Et puis, même si nous avons été un brin imprudents hier sous la halle, c’est à nous de décider quand, comment, et avec qui nous nous afficherons. Le vol de coming out est parmi les vols les plus insupportables.

    Mais déjà la grosse dame quitte la superette, accompagnée par les gestes, les mots et les rires démonstratifs de Martine.

    La superette ne comporte que deux allées, il ne nous faut pas plus de deux minutes pour trouver ce dont nous avons besoin, dans l’angle mort entre les deux allées, Jérém me passe la main dans les cheveux, et je fonds.

    Lorsque nous revenons en caisse, Martine est en train de discuter de façon animée et bruyante avec une autre femme avec les cheveux mi longs, en bouclettes, d’une couleur indéfinie entre un blond qui n’est plus et un gris qui n’est pas encore. La dame porte un pantalon de cheval, des boots et un pull ample, qui un jour lointain a certainement dû être neuf. La dame a un rire encore plus sonore que celui de Martine, et les deux semblent très copines, très complices.

    La nouvelle venue est de dos par rapport à nous, et son gabarit nous cache de la vue de Martine, ce qui fait que nous pouvons approcher de la caisse sans être aperçus jusqu’à la dernière minute. Et là, à ma grande surprise, je vois mon Jérém chatouiller le cou de la dame inconnue. Cette dernière se retourne, surprise, mais amusée : et lorsqu’elle réalise qu’il s’agit de Jérém, elle lâche un :

    « Petit con ! » bien claquant, avant de le prendre dans ses bras et de lui claquer deux bises bien sonores.

    Lorsqu’il arrive à se dégager de son étreinte, Jérém fait les présentations.

    « Voilà Charlène, Charlène c’est ma copine, ma sœur, ma mère, et parfois même ma grand-mère ».

    « Sale petit con, va ! » fait elle, tout en rigolant.

    « Nous avons parlé de notre reine Charlène et elle est venue à nous » se moque Martine.

    « Lui c’est Nico, un camarade du lycée ».

    « Salut, Nico » elle me salue, en me claquant deux bises bien sonores.

    « Je lui ai proposé de venir à la balade demain, je vais lui filer Téquila, et je lui ai dit que tu veillerais sur lui ».

    « T’es gentil, mais j’ai déjà du mal à veiller sur moi-même » elle se marre.

    « Elle est en état de randonner, Téquila ? Elle n’est pas trop grasse ? ».

    « Ben, elle n’a pas maigri, t’as qu’à passer la voir tout à l’heure ».

    « Ok, on vient maintenant, dépêche-toi de faire les courses au lieu de piailler avec Martine ».

    « Eh, on piaille tant qu’on veut ! » fait cette dernière, du tac au tac.

    « Allez, on va y aller » décrète Jérém, l’air soudainement impatient de partir.

    Avant de payer, il achète également des chewing-gum, il m’en propose un, et il en gobe un deuxième, qu’il commence à mâcher d’une façon très sexy, avec des mouvements de mâchoire lents et bien virils.

    La route qui mène à la pension de Charlène est bordée par des clôtures en ruban blanc délimitant des paddocks en pente, enfermant chacun un à deux chevaux aux robes de couleurs différentes. Jérém est tout excité à l’idée de retrouver son « Unico ».

    Dix minutes plus tard, nous arrivons à un corps de ferme sommairement entretenu au niveau du bâti, mais entouré d’un joli jardin fleuri. Nous contournons la maison et nous nous garons devant une clôture en bois, Jérém trace vers les prés et faisant fi de la boue, de plus en plus impatient de faire de nouvelles présentations.

    « Voilà le plus beau cheval du monde, mon « Unico », comme son nom l’indique, il n’y en a pas un autre comme lui ».

    L’étalon Unico est en effet une très belle bête : il est brun, très brun, il fait une bonne taille, il est musclé, il a le regard intense, il a fière allure, il dégage de la puissance, de la jeunesse, du sang chaud : bref, il est parfaitement raccord avec son cavalier.

    « Ce cheval est comme toi, il est unique » je considère.

    « C’est toi qui es unique, Nico, d’ailleurs, il s’appelle presque comme toi, Nico, Unico, Nico, U-Nico ».

    « Comme ça tu penseras à moi à chaque fois que tu le monteras ».

    « J’ai pensé à toi à chaque fois que je l’ai monté depuis que je suis ici » fait Jérém tout bas, alors que Charlène approche.

    Merci Unico d’avoir contribué au fait que Jérém pense à moi.

    « T’as vu Téquila ? » fait-elle.

    « Non, on va la voir maintenant ».

    Nous nous déplaçons le long de la clôture, jusqu’à un enclos enfermant un cheval à la robe brune.

    « Voilà, Nico, je te présente Téquila, c’est elle qui va te porter demain ».

    Téquila est une jument, en forme de barrique. C’est un animal qui a des formes généreuses. Elle est plutôt trapue, elle a un ventre assez impressionnant, mais elle respire le calme, sa présence est rassurante. Difficile d’imaginer que l’étalon puissant quelques paddocks plus loin est son rejeton. Téquila approche du fil électrifié et vient me caresser l’épaule avec son gros museau. Elle a l’air toute gentille et je la caresse à mon tour.

    « Ça y est, elle t’a adopté » fait Jérém.

    Je lui souris, assez fier de moi.

    « Alors, qu’est-ce que t’en penses ? » l’interroge Charlène.

    « Je pense que papi a choisi le bon étalon pour la faire pouliner ».

    « Ah oui, c’était pas gagné, mais elle t’a fait un superbe poulain ».

    « C’est un étalon désormais ».

    « C’est vrai, alors, tu penses qu’elle va pouvoir randonner ? ».

    « Oui, elle est bien enrobée, mais ça va aller, les pieds sont en état ».

    Charlène nous propose un thé. Dans la grande cuisine au papier peint suranné et au plafond noirci, il y a de tout, partout : les toiles d’araignées sont tellement développées qu’on dirait des guirlandes, sur la grande table, il y a toute sorte de bouquins, des harnachements de cheval, du courrier en vrac, une gamelle avec des croquettes pour chats. Bref, l’intérieur de la maison est à l’image de l’extérieur, il semble témoigner de la nature profonde de sa propriétaire, une nature qui privilégie le vivant plutôt que le ménage.

    Charlène sort une lourde théière en fonte dans laquelle elle fait longuement infuser des feuilles de thé. C’est la première fois que je fais l’expérience d’un « vrai thé », boisson que, sur conseil de Charlène elle-même, j’édulcore non pas avec du sucre mais avec une petite cuillère de miel : et il faut bien admettre que ça n’a pas du tout le même goût que le thé en sachet. C’est même très bon !

    Jérém et Charlène discutent de la randonnée du lendemain, de leurs potes cavaliers, de chevaux, leurs discussions me plongent dans un monde inconnu structuré autour de l’équidé. Le simple fait de découvrir Jérém dans ce nouveau décor, me fait vibrer. Je suis impatient d’être à demain pour découvrir de plus près cette communauté à part, réunie autour d’une passion commune.

    Charlène est une dame joviale, mais au regard vif et pénétrant, au fil des échanges avec Jérém, je me fais d’elle l’idée d’une nana à l’esprit très jeune, très rigolote, et d’une profonde gentillesse. Je me rends compte également de son rapport privilégié et de sa complicité avec mon bobrun, ainsi que de son extrême bienveillance vis-à-vis de ce gars qu’elle a vu grandir.

    Je me dis que l’amour que Charlène témoigne à mon Jérém est une très bonne chose, tout comme l’est le fait que cette nana, tout autant que sa copine Martine, n’a aucun problème avec l’homosexualité, je me dis que, entouré par cet environnement bienveillant, mon bobrun pourrait enfin commencer à assumer qui il est. Car, j’en suis certain, ni Charlène di Martine ne le rejetteraient pas si elle « savaient ». Le tout c’est que Jérém comprenne cela. Et apparemment, ce n’est pas encore tout à fait le cas.

    « On va te laisser, Charlène, on va chercher du fromage chez Benjamin ».

    « Tu lui passeras le bonjour de ma part ».

    Me revoilà dans la voiture de Jéré, nous voilà repartis sur une petite route de montagne.

    « Fais un bisou » me lance le bobrun, en tournant son visage vers moi, lors d’une rare ligne droite.

    Je lui claque un bisou sur les lèvres et il me sourit. Il est indiciblement beau et adorable.

    « Elle est sympa Charlène » je lance.

    « Je te l’avais dit, je l’adore ».

    « Elle aussi elle t’aime beaucoup ».

    « Elle est géniale ».

    Nous arrivons dans une autre ferme, bien mieux entretenue que celle de Charlène. Un grand panneau coloré indique : Vente de fromage à la ferme.

    Un gars vient nous accueillir. Le mec doit avoir une trentaine d’année, et il est plutôt gaillard : je mettrais ma main à couper que sous ses fringues – un pull à capuche enveloppant un torse massif, un pantalon de travail moulant un fessier rebondi – se cache un physique de rugbyman. Le mec arbore une barbe bien fournie, brune avec des reflets rouquins.

    Tout chez ce mec respire la solidité, la puissance, la virilité. Dans son regard, cette flamme que seuls possèdent certains gars de la montagne, une flamme qui est un mélange de caractère, de volonté, d’authenticité, d’attachement à la terre, de pudeur et de fierté. Et de solitude. C’est le charme du terroir, le charme AOC.

    Jérém fait les présentations. La poignée du gars me surprend, elle est franche, puissante, sa main est une paluche aussi impressionnante que celle de Thibault, son regard aussi me surprend, il accroche le mien, s’enfonce dedans, comme s’il arrivait à lire en moi. C’est assez troublant. Et en plus le gars a un bon accent du coin, ce qui rajoute du craquant au charme.

    « Toujours au taf ? » se moque Jérém.

    « M’en parle pas, depuis que je livre en grande surface, je n’arrête plus ».

    « Ça se passe bien ? ».

    « Travailler avec la grande distri, c’est un calvaire, c’est eux qui font les prix, les conditions de livraison et de paiement. C’est eux qui font les marges, nous on est que des pions, des variables d’ajustement. Le rapport de force est trop déséquilibré. Derrière une promo, il y a en général un producteur qui est obligé de se serrer la ceinture ».

    « Bon assez parlé du taf, vous restez pour l’apéro ? ».

    « Non, c’est sympa mais on va te laisser bosser, en revanche, s’il te reste du fromage, Nico a trouvé qu’il est à tomber ».

    « Venez avec moi ».

    Le bomâle barbu nous fait visiter la cave d’affinage. Dès qu’il ouvre la porte, je suis percuté de plein fouet par un intense bouquet d’odeurs de moisissures nobles, d’arômes ronds, onctueux : un bouquet entêtant de fromage en train de reposer et de bien vieillir.

    De centaines de petites meules à la croûte grise-marron sont disposées, rangées au cordeau, sur des lattes en bois fixées sur des étalages : cette pièce respire la rigueur, l’amour pour le travail bien fait, le produit de qualité, une qualité qui découle avant tout de la passion pour le métier.

    « C’est vraiment bien ce que vous avez fait, cette cave est magnifique ».

    « Merci, la transformation de la cave m’a donné beaucoup de travail, mais j’en suis content ».

    « Tu peux, mon pote » fait Jérém, et tapotant affectueusement l’épaule du gars.

    « Je suis sûr qu’un jour tu feras la même chose avec la cave viticole de ton père ».

    « Non, je ne crois pas, nous ne nous parlons même plus ».

    « Amuse-toi à Paris, autant que tu peux, mais je pense qu’un jour t’auras envie de rentrer chez toi ».

    « Ça m’étonnerait vraiment, je pense qu’il y a plus de chances que ce soit Maxime qui reprenne ».

    « Celui-ci il a deux mois » enchaîne le bobarbu, tout en saisissant une tomme « c’est mon produit phare, il a un goût de noisette très prononcé, ça se mange sans faim », puis, en nous indiquant l’étagère juste à côté, il continue : « sinon, celui-ci il est un peu plus vieux, il a 4-6 mois, il a un goût plus prononcé, qui tient davantage en bouche, il faut impérativement l’accompagner d’un verre de Saint Mont ».

    « Je crois que Nico préfère le plus affiné, même s’il l’accompagne avec du Jurançon ».

    « Essaie avec le Saint Mont, tu verras » fait Benjamin en se saisissant d’un fromage et en s’acheminant vers la sortie.

    La petite meule atterrit sur un billot en bois et le gars en coupe deux bons quartiers. Il nous en file deux fines tranches pour dégustation. Dès que la pâte bien ferme et onctueuse rentre en contact avec mes papilles, elle déclenche illico une sorte d’orgasme gustatif. Ah putain, qu’est-ce que c’est bon !

    « Vous êtes sûrs que vous n’avez pas le temps pour l’apéro ? ».

    « Il faut que j’aille à Bagnères pour écouter si j’ai des messages, j’attends un coup de fil de Paris ».

    « Ah, oui, c’est vrai que t’es devenu une vedette » se moque gentiment Benjamin.

    « Pas encore, mais ça ne saurait tarder ».

    « J’ai toujours su que tu serais pro un jour ».

    « J’ai eu de la chance ».

    « La chance ça n’a rien à voir, tu es un bon, Jé, c’est tout ».

    « Allez, dis-moi combien je te dois ».

    « Rien du tout ».

    « Ne déconne pas ».

    « Tu me trouveras des tickets pour tes matchs ».

    « Promis ».

    « Et ton pote Thibault va bien ? Il doit être super content d’avoir été recruté par le Stade ».

    « Il est content, oui ».

    « Et il en pense quoi de la nouvelle direction ? ».

    « Tu sais, depuis nos recrutements, on a eu du pain sur la planche, entre mes déplacements à Paris et ses entraînements, on ne s’est pas trop vus dernièrement, et après, il y a eu mon accident ».

    « Ah, quel con, je te jure, tu te fais recruter par un club pro de la capitale et tu te bats la veille de ton départ ».

    « J’avais un peu trop bu et je suis tombé sur un connard ».

    « Fais gaffe à toi, Jé ».

    « Benjamin est vraiment un bon gars » me lance Jérém dans la voiture.

    « D’une certaine façon, il me fait penser à Thibault » je ne peux m’empêcher de commenter.

    « C’est pas faux ».

    Je me demande toujours comment on va pouvoir aborder le sujet Thibault et même si c’est une bonne chose de l’aborder. Je sais que j’ai besoin de le faire, mais j’ai peur de le faire.

    Nous arrivons à Bagnères, Jérém se gare au centre-ville et sort de la voiture pour fumer et écouter ses messages. Je le vois discuter et rigoler au téléphone : il est beau, beau, beau. Et il est à moi. Je n’arrive toujours pas à la croire. Il revient quelques minutes plus tard, le visage illuminé d’un sourire attendri et attendrissant.

    « T’as le bonjour de mon frérot ».

    « Ah, merci, tu lui passeras le bonjour de ma part »

    « Il était content quand je lui ai dit que t’étais là ».

    « C’est vrai ? ».

    « Oui, c’est vrai, il m’a même dit de te dire de me tenir à l’œil pour m’empêcher de faire des conneries ».

    « Ton frérot est vraiment adorable ».

    « Il est incroyable ».

    « Alors, t’avais des nouvelles de Paris ? ».

    « Non, rien pour l’instant ».

    De retour à la maison après les courses, nous épluchons les pommes de terre et nous les mettons à cuire dans une casserole remplie d’eau, sur la gazinière à bois que Jérém vient d’allumer.

    Puis, nous nous allongeons sur le lit, devant le feu que Jérém vient de raviver, et nous nous embrassons fougueusement, longuement, inlassablement.

    Je suis insatiable du contact avec sa bouche, avec son corps, avec ses mains qui me caressent doucement, avec sa peau et ses cheveux que mes mains caressent fébrilement, et mon bobrun semble tout aussi insatiable que moi.

    Tout en continuant à lui rouler des pelles à la pelle, je dégrafe le zip de son pull à capuche gris, je fais basculer les deux pans derrière ses épaules, je fais glisser les manches le long de ses bras, son t-shirt blanc se dévoile, avec ces manchettes tendues qui calibrent ses biceps, avec ce tissu immaculé qui jauge le relief de ses pecs.

    Son sourire est à la fois doux et canaille lorsque je glisse mes mains entre le coton doux du t-shirt et sa peau tiède, pour aller exciter ses tétons : il devient coquin et un rien lubrique au fur et à mesure que l’excitation fait pétiller ses sens.

    Puis, c’est à son tour d’enlever mon pull, de passer sa main sur mon t-shirt, de narguer mes tétons à travers le coton. Je frissonne.

    « J’ai le droit ? » il me lance, taquin.

    « Je ne sais pas ».

     « Et ça, j’ai le droit ? » fait le bogoss, tout en glissant sa main sous mon t-shirt, et en remontant lentement, sensuellement, ses doigts le long de mon torse.

    « Je ne sais vraiment pas ».

    « J’ai toujours pas le droit ? » il me cherche, alors que ses doigts pincent doucement l’un de mes tétons.

    « Peut-être que oui ».

    « Et, là, j’ai le droit ? » fait-il, le regard de plus en plus lubrique, tout en remontant mon t-shirt, en léchant et mordillant mes tétons à tour de rôle.

    « C’est pas un droit, c’est une obligation ! ».

    Un instant plus tard, Jérém dégrafe ma ceinture, il ouvre ma braguette.

    « Et là, je peux y aller ? » fait-il, coquin, tout en glissant sa main entre les pans ouverts de mon pantalon et en caressant ma queue par-dessus le boxer tendu par l’érection.

    « Oh, que oui ».

    Je suis aux anges, les anges du bonheur sensuel et sexuel.

    Puis, sa main glisse dans mon boxer, elle saisit ma queue, mon Jérém me branle, tout en m’embrassant, et en agaçant mes tétons avec le bout de ses doigts.

    Lorsque ses lèvres quittent les miennes, elles atterrissent directement sur ma queue, qu’il commence à pomper avec un bon entrain. Je regarde son torse musclé s’affairer dans des mouvements de va-et-vient, et je n’arrive toujours pas à croire que ce gars qui est en train de me sucer et le même gars qu’il n’y a pas si longtemps de ça n’assumait même pas son rôle de mâle actif et dominant dans notre relation, alors, à fortiori, jamais je n’aurais cru il se lancerait un jour dans ce genre de plaisir.

    Quand on est passif, le plus grand bonheur sexuel auquel on aspire, est celui de faire, voir, entendre, sentir jouir un mec actif, mais dès lors qu’on est amené à changer de rôle, comme quand on se fait sucer, les envies peuvent changer rapidement de signe. Ce qui est bon dans le fait d’être homo, c’est cette richesse de désirs, d’envies, de plaisirs.

    Pendant que Jérém me suce, je me surprends à envisager quelque chose de complètement fou, à me demander si un jour il aura envie d’essayer de me laisser lui faire l’amour,

    Mais ce n’est qu’un flash, un éclair qui s’éteint dès que ses lèvres quittent ma queue, car, dès l’instant où je vois mon beau mâle debout à côté du lit, lorsque je le vois ôter son jeans, son boxer, et son t-shirt blanc (qu’il aurait pu garder, tellement je trouve cette tenue bandante), lorsque je le vois dégainer sa queue bien tendue, et sa main commencer à la branler lentement, lorsque je contemple son torse musclé onduler sous l’effet d’une respiration excitée, lorsque je croise son regard enflammé d’envies de mâle, voilà, je capitule : en une fraction de seconde, mes envies changent à nouveau de signe, et je redeviens le gars qui a envie de me soumettre à la virilité puissante d’un mâle appelé Jérémie.

    « Alors, on les fait ces gnocchis ? ».

    « Avec plaisir ».

    Nous nous installons sur la table en bois massif à côté du garde-manger et, sur ma suggestion, nous nous attelons à la tâche avec méthode. Jérém écrase les pommes de terre, je les mélange avec la farine, le beurre et les œufs. Pendant que je pétris la pâte, je surprends le regard de Jérém sur moi, comme une caresse, comme rempli de tendresse : c’est un regard que je ne lui ai encore jamais vu, un regard que personne n’a jamais encore posé sur moi : car c’est un regard surpris, saisi, admiratif. Qu’est-ce que c’est bon de se sentir ce genre de regard sur soi, et qui plus est venant du gars qu’on aime ! Ça fait un bien fou !

    Je lui demande un bisou, qu’il m’offre avec un plaisir non dissimulé. Si mes doigts n’étaient pas collants de pâte à l’œuf, je le prendrais dans mes bras et je le couvrirais de bisous.

    Mon pâton est enfin prêt et je commence à le découper, j’en fais de petits morceaux que je passe à mon Jérém, pour qu’il les roule et qu’il en fasse de petites « saucisses », prêtes pour l’étape suivante. Etape dont je me charge, et qui consiste à redécouper les « saucisses » pour en faire des gnocchis.

    Pour éviter que la pâte ne colle, la table en bois est saupoudrée de farine, je saupoudre également les gnocchis après découpe : bref, il y a de la farine partout.

    Je regarde mon Jérém en t-shirt blanc en train de rouler les « saucisses » à gnocchis, on dirait un boulanger en train de préparer son pain ou un pizzaiolo en train d’étaler sa pâte, il a de la farine sur les mains, sur le visage, même sur les cheveux : il est sexy à mourir.

    « Qu’est-ce qu’il y a ? » il me demande, lorsqu’il capte mon regard collé sur lui.

    « T’as de la farine jusqu’au bout des cheveux » je me marre.

    « Et ça te fait rire ».

    « Un peu j’avoue, mais t’es tellement beau ».

    « Toi aussi tu vas être beau ».

    Et, ce disant, il me balance une pincée de farine dans le cou.

    « T’es qu’un petit con ».

    « C’est pour ça que tu me kiffes ».

    « C’est pas faux, alors, toi aussi tu vas me kiffer ».

    Et ce disant, je lui balance un gnocchi à la figure.

    Et là, le bogoss lâche instantanément ce qu’il était en train de faire, il saisit mes avant-bras avec ses mains pleines de farine, il m’attire contre lui et me roule une pelle magistrale, ses avant-bras à lui atterrissent sur mes épaules, ses mains dans mon dos : après une petite réticence, je me laisse complètement aller. Et voilà que mes mains à moi, tout aussi enfarinées que les siennes, cherchent le contact avec la solidité de son dos.

    Une fois de plus, je me rends compte à quel point c’est apaisant d’oublier les conditionnements, oublier de faire gaffe de ne pas se salir. Tant pis pour ma peau, ça se douchera, tant pis pour mon t-shirt bleu, ça se lavera !

    Les gnocchis, c’est un travail d’équipe, c’est ludique, nous faisons les cons, nous rigolons comme des gosses. Il ne reste qu’à les plonger dans de l’eau bouillante, attendre qu’ils remontent à la surface, les récupérer, en disposer une première couche dans un plat à four, mettre de la sauce tomate et du râpé, refaire une deuxième et une troisième couche, là encore, je surprends le regard de Jérém sur moi, avec cette étincelle enthousiaste, bienveillante et admirative. Ce regard est tellement loin du regard méprisant qu’il me réservait lors de nos premières révisions, tout comme ce Jérém est tellement différent de celui qui n’avait aucun état d’âme pour me dire de me tirer après m’avoir baisé.

    Nous laissons gratiner pendant quelques minutes dans le four de la gazinière, tout en prenant un apéritif-câlins.

    « Ils sont super bons » fait Jérém, après en avoir avalé deux bonnes fourchettes.

    « Ça me fait plaisir que tu aimes ».

    « Tu es vraiment surprenant, j’aime les gens surprenants ».

    Voir mon Jérém impressionné par mes gnocchis, tout comme je l’ai été de sa pizza, ça n’a pas de prix.

    « Merci »

    « T’es vraiment un putain de mec, toi ».

    Partager un repas en tête à tête avec mon Jérém, dans la pénombre crépitante et accueillante de cette maison au milieu de nulle part, c’est un exercice qui me rend fou de joie.

    Nous terminons notre dîner en nous remémorant certains moments du lycée, certains camarades, certains profs. Qu’est-ce que j’aime discuter avec mon Jérém.

    Notre discussion se prolonge au lit, pendant plusieurs heures, elle se prolonge jusqu’à ce que la proximité de nos corps éveille à nouveau nos sens, jusqu’à ce que le désir nous rattrape.

    Commentaires

    ZurilHoros

    10/06/2020 20:41

    J’aime toujours lire ou relire tes histoires, tout autant qu’à te faire part de mes impressions, surtout celles qui concernent l’évolution des personnages. 

    Nico se réveille sans appréhension, alors que jusque là, les matins d’après ont tous été des désenchantements. 
    D’emblée on voit que Jérémie est sur son terrain, il prend les choses en main, et fait partager à Nico ce qu’il aime, sans se demander si ça lui plaira. De toute façon, Nico aime tout ce que Jérémie fait. Comme si il était son petit frère, il va l’initier à l’équitation. On devine que la venue de Nico a été espérée et préparée. Il y a une différence de maturité entre les deux, Nico est un adolescent mais sur bien des plans, il est resté un enfant. Il n’a pas l’air d’avoir vécu beaucoup d’expériences, en dehors de celles du cocon familiale. Quand il veut impressionner Jérém, c’est en faisant ce que sa mère lui a appris. 

    On voit aussi que Bobrun présente Nico à son entourage. C’est une mise en lumière, discrète, mais c’est un geste fort, qui n’échappe pas à Nico. Nico voit que Jerem éprouverait une gêne à s’afficher comme gay,  il est dans l’évitement de la question.  Sur bien des plans, Jérém est plus mature,  mais Nicolas voit plus loin, au delà des apparences.  On peut trouver également, qu’il a des idéaux « petit bourgeois » avec des rêves de vie tranquille, stable. Il n’a que 18 ans. Je pense qu’il est surtout tellement amoureux de Bobrun qu’il n’imagine même pas que la vie n’est pas si simple que ça. 

    la lecture de ces deux chapitres, qui se passent à la vue de tous, dans un décor que j’imagine grandiose, contraste avec le décor du lycée, du studio de la rue Colombette, et ça me fait penser que l’atmosphère y était devenue suffocante. 

    J’ai aussi été étonné par la nouvelle salve de révélations de Jérém qui est un peu la redite ou la suite de celles de l’épisode 2.05 (oui, je suis) 
    Toutefois, c’est plus complet et tu as réussi, dans ce dialogue, à montrer deux profils psychologiques bien différents. 

    D’un coté Nico, inexpérimenté, naif , qui se laisse immédiatement impressionner par un mec sur qui il projette tous ses idéaux. Je ne crois pas qu’il mente quand il dit qu’il ne pensait pas à la sexualité en voyant Jérémie. Pour lui, cette rencontre est un genre de révélation, il se sent inférieur mais il se sent fort du sentiment qui nait en lui et lui ouvre les yeux. 

    De son coté, Jérém est expérimenté. C’est un tombeur et il est très mec dans la manière d’appréhender le regard de Nico. Il comprend ce qui se passe, sa masculinité est à la fois agressée, mais flattée d’être le point de mire de tant d’admiration. Il pense sexe, c’est son language. 
    « C’est quoi ce pd, il veut ma queue, je l’impressionne,  si il me suce ça me valorise, mais il ne faudrait pas que ça se sache » etc… 

    Le dialogue entre les deux est facile et ludique. Jérém ne le prend pas à la légère, mais il ne veut pas non plus faire un drame du passé. Il a fait un pas, mais c’est un peu décevant pour qui souhaiterait assister à une mise à plat.  Pour l’instant, il préfère assumer le 

    « j’ai été un vrai con » que d’aller vers « pourras tu me pardonner ce qui c’est passé »

    Nico va t-il s’en contenter

    ZurilHoros

    28/05/2020 08:32

    Pour mieux gouter aux épisodes 6 & 7 il fallait connaitre le passé tumultueux des deux garçons donc le commentaire que j’avais fait était à coté de la plaque. Je préfère l’effacer tant il ne reflète pas grand chose de vrai. 

    Etienne

    27/02/2019 23:42

    Yes ! Jeremy kiffait Nico mais n’aurait jamais oser faire le premier pas !
    Bon, maintenant qu’il est enfin devenu attentionné avec Nico, comment va t’il se comporter devant le groupe de ses amis de la rando… ?
    Sans doute pas un coming-out immédiat, ce n’est pas si simple à vivre pour lui… laissons du temps au temps…
    Vite la suite !

    florentdenon

    24/02/2019 16:14

    Bravo!Personnages toujours aussi attachants. J’aime presque plus la maniere dont sont depeints les ressorts psychologiques que les scenes de sexe. Tu mets la barre haut et j’espere que la descente de la montagne ne va pas etre trop brutale. Merci encore !

    Yann

    23/02/2019 16:49

    Comme d’hab cet épisode est magnifique. Plusieurs choses me touchent tout particulièrement. La complicité et l’apaisement de la relation entre J&N ainsi que l’évocation de l’éveil de leur sexualité. Comment selon leur personnalité ils ont appréhendé ce moment intime et la découverte de leur homosexualité.  L’un de façon plutôt naturelle et sans trop de complexe, l’autre au contraire avec beaucoup d’appréhension. Je retrouve avec émotion des souvenirs qui ne seraient pas les mêmes sans ce talent de raconter les choses aussi bien. Un autre aspect de cet épisode auquel je suis aussi sensible c’est quand, au travers de cette histoire imaginaire, sont évoquées les difficultés du monde agricole à vivre décemment de son travail. Je souhaite vivement que cela change.

  • JN0206 Rien que toi, rien que moi.

    JN0206 Rien que toi, rien que moi.

    Campan, le samedi 8 septembre 2001.

    Lorsque je me réveille, je suis seul dans le lit. Les premières sensations qui se pressent à mes sens avant même que j’ouvre les yeux, ce sont la chaleur douce, ainsi que l’odeur apaisante des draps, le crépitement de la flamme dans la cheminée, l’odeur du bois qui brûle : un bouquet sensoriel rassurant, car il me confirme que les souvenirs de la veille qui remontent peu à peu en moi – l’amour, les câlins et la tendresse avec Jérém, ce nouveau, adorable Jérém – ne sont pas qu’un rêve, mais bien la réalité, bref, un ensemble d’émotions provoquant en moi une sensation d’intense bonheur.

    J’ouvre enfin les yeux et la première image qui se présente à moi est celle de mon bobrun habillé seulement d’un boxer, son torse nu sculptural avec ses adorables et très sexy poils bruns laissés à leur destin, les cheveux en bataille totale, la cigarette pas allumée entre les lèvres, en train de remettre du bois dans la cheminée : une image qui est à mes yeux le plus magnifique des tableaux.

    J’ai envie de lui signaler que je suis réveillé, de lui dire bonjour, de lui donner l’occasion de venir me faire des bisous, des caresses, de me prendre dans ses bras musclés, mais j’ai tout autant envie de profiter de la chance de pouvoir le regarder évoluer à son insu, de capter les gestes de mon Jérém au réveil.

    Alors, j’attends un peu pour les bisous. Je profite de la chaleur et de la protection des draps pour regarder mon Jérém s’étirer, geste qui a pour effet de rendre encore plus impressionnante sa musculature de dingue, je le regarde arranger les morceaux de bois dans le foyer, provoquer les flammes, je le regarde préparer le café dans une cafetière italienne, avant de la mettre à chauffer sur la plaque en fonte de la cheminée. Que des images de bonheur simple et émouvant.

    Une lumière intense rentre par l’une des petites fenêtres, je crois que la pluie a cessé et qu’il y a du soleil : les caprices de la météo de la montagne.

    Jérém passe un t-shirt blanc, il ouvre un peu la fenêtre et il allume enfin sa cigarette : sa façon de se tenir à proximité de la fenêtre, l’épaule appuyée au mur, le regard tourné vers l’extérieur, n’est pas sans me rappeler certains moments dans l’appart de la rue de la Colombette, certaines cigarettes après le sexe, ses gestes, sa façon de fumer, la position nonchalante de son corps sont les mêmes, et pourtant, ce n’est plus du tout le même Jérém.

    Je regarde mon bomâle brun et je repense à sa façon de me faire l’amour, à la fois douce et très chaude, à ses regards amoureux, à ses mots de la veille :« Je suis content que tu sois là », je repense à ses baisers insatiables, et en particulier à ce premier baiser inattendu et bouleversant sous la halle de Campan. Si j’avais imaginé que Jérém serait un jour capable d’un tel geste !

    Mon Jérém, toujours aussi « mâle » dans sa façon de me faire vibrer sexuellement, tout en étant attentif à mon propre plaisir, Jérém qui m’a fait l’amour et la baise en même temps.

    Après l’amour, les baisers, les câlins, une nuit ensemble, un nouveau jour se profile en compagnie de ce nouveau Jérém : et la perspective de passer les prochaines heures, les prochains jours avec lui, me remplit de bonheur. A cet instant précis, mon envie de lui atteint des sommets : une envie tout aussi bien de tendresse que de sensualité.

    Mais avant tout, j’ai besoin d’entendre sa voix, de sentir son regard se poser sur moi, de capter son beau sourire.

    « Bonjour ! » je lui lance alors qu’il vient tout juste d’écraser son mégot.

    Le bogoss se retourne instantanément, et son regard brun me percute de plein fouet : voilà de quoi être aveuglé au réveil.

    « Bonjour, toi ! T’as bien dormi ? » il me lance.

    « Comme un bébé ! Et toi ? ».

    « Moi aussi j’ai très bien dormi… » fait-il, tout en ajoutant de l’insoutenable à l’aveuglant, son sourire ravageur à son regard brun.

    Et là, sans plus attendre, Jérém bondit sur le lit, il se glisse sur moi, son corps enveloppe le mien, et il pose un long bisous sur mes lèvres. Sa bouche sent la cigarette, mais qu’importe : son baiser me met KO.

    « C’est fou comment on dort bien dans tes bras » j’ajoute, alors qu’il me fait des bisous dans le cou.

    « Dans les tiens aussi ».

    Nous nous embrassons avec la fougue et la joie de deux chiots en train de se faire des léchouilles.

    « Je suis vraiment content que tu sois venu ».

    Décidemment, je ne me lasse pas d’entendre cette phrase.

    « Moi aussi je suis content d’être venu » je lui lance à mon tour, en le regardant droit dans les yeux, à distance dangereusement rapprochée de ce regard qui envoie ce mélange de charme et de douceur tout simplement insoutenable.

    La cafetière commence à gargouiller et à diffuser l’arôme corsé du café. Le bogoss se lève comme il est venu, d’un bond, avec la souplesse d’un félin.

    Je me décide enfin à quitter les draps, je passe un t-shirt et un boxer, j’attrape mon portable : il n’y a pas la moindre trace de signal, mais il indique 9h48. Ah, quand-même, nous avons vraiment dormi longtemps.

    Je fais un détour par la salle de bain, et là, à la lumière du jour, je découvre ce petit espace, mieux que ce que j’avais eu l’occasion de le faire la veille : dans un coin, un petit bac douche avec son rideau vert et gris, juste à côté, un petit évier, surmonté par un petit miroir, sur lequel sont entassées ses affaires – brosse à dents, dentifrice, rasoir, déo.

    La petite pièce est toujours aussi froide que la veille, mais cela ne m’empêche pas de m’y attarder quelques instants pour m’enivrer des petites, délicieuses odeurs contenues dans les t-shirts et boxers entassés dans un coin. C’est plus fort que moi : l’odeur corporelle de mon Jérém me rend dingue.

    Je retire toujours du plaisir dans le fait de me plonger dans le bonheur olfactif de ses sous-vêtements portés, mais si par le passé ceci était pour moi une façon de trouver consolation à la frustration de tout ce que Jérém ne voulait pas m’offrir, voilà qu’aujourd’hui cette frustration n’est plus, car Jérém m’offre désormais tout ce que je peux désirer, et plus encore, alors, entre renifler ses vêtements et sentir directement l’odeur de sa peau et le goût de ses lèvres, il n’y a pas photo. Je brûle d’impatience de le retrouver. Je me débarbouille le visage, et je reviens vite dans la pièce principale.

    Jérém a servi le café, la petite pièce est saturée de ce parfum enivrant qui réveille les sens en douceur mais en profondeur. Je le regarde couper des tranches dans le pain de la veille, puis ouvrir un pot de confiture déjà entamé.

    « Laisse la porte ouverte, s’il te plaît » me lance le bobrun « ça va un peu chauffer la salle de bain ».

    Je m’exécute, je m’approche de lui, je passe mes bras sous ses aisselles, je le serre contre moi, et je lui pose des bisous dans le cou. Le bobrun reçoit mes papouilles avec bonheur.

    Lorsque je m’installe à table, il termine de tartiner une tranche de pain, et alors qu’il l’approche de sa bouche, nos regards se croisent, et là, au dernier instant, le bobrun se ravise, il me sourit et il me tend ladite tranche.

    « Goûte ça ».

    « Vas-y, mange, je vais m’en faire une ».

    « Goûte ça ! » il insiste.

    Je sais que je n’aurai pas le dernier mot, de plus, son geste me touche au plus haut point : alors, j’accepte avec plaisir.

    Le pain est toujours bon, la confiture est d’abricots et elle est délicieuse, le café est chaud, corsé tout autant en bouche que dans le nez, exactement comme je l’aime. Je mords à pleines dents dans la tartine, ça donne faim d’être heureux.

    « Alors ? » il m’interroge.

    « Elle est très très bonne cette confiture ».

    « Ça, c’est encore Charlène ».

    « Elle est vraiment gentille cette nana ».

    « Elle est plus que ça, tu verras quand tu la connaîtras, elle a le cœur sur la main ».

    Jérém se lève avec sa tasse à la main, il s’approche de la fenêtre.

    « C’est cool, il y a du soleil ! » il lance, tout guilleret « et s’il n’y a plus de pluie aujourd’hui et que le soleil tient bon, demain on va pouvoir faire du cheval » il conclut en me claquant un bisous dans le cou.

    « T’es vraiment sûr que c’est une bonne idée que je monte avec vous ? Moi débutant, avec des cavaliers confirmés ? Je vais vous ralentir, je vais être ridicule ».

    « Arrête un peu, Nico, bien sûr que tu vas monter, et on va tout faire pour que ça se passe bien ».

    « Si tu penses que c’est possible, je veux bien essayer, alors »

    « T’as peur ? ».

    « Peur, je ne sais pas, disons que je suis un peu inquiet ».

    « T’en fais pas, avec Tequila, tu ne risques rien du tout, à part de t’ennuyer ! » il se marre, adorable

    « J’espère bien ».

    Nous prenons le petit déj face à la cheminée, je savoure ce moment, je savoure la délicieuse sensation que rien ne presse, que nous avons toute la journée pour nous, et rien que pour nous. La journée et d’autres encore, sans pour autant savoir combien. Alors, j’ai envie de profiter de chaque instant.

    Je reprends du pain, de la confiture, du café. Qu’est-ce que c’est bon de se réveiller en douceur, en compagnie du gars qu’on aime !

    « Ça fait du bien ! » il me lance, en terminant sa troisième tartine. Jérém a l’air en pleine forme et ça, ça fait plaisir à voir.

    « C’est vrai ».

    « Bon, moi je vais prendre une douche » il me balance.

    « On la prend ensemble ? ».

    « Le bac est petit ».

    « On va se serrer ».

    « Coquin, va ! ».

    « Comme toi ! ».

    La petite salle de bain est un brin plus chaude qu’avant le petit déj. Jérém ouvre l’eau et le petit chauffe-eau à gaz se met bruyamment en route.

    « J’espère qu’il ne va pas exploser » je lance à la cantonade.

    « J’espère surtout qu’on ne va pas tomber en panne de gaz » fait-il, tout en se débarrassant de son t-shirt et de son boxer, Jérém est à poil, beau comme un Dieu.

    « Ah » je lâche, moins troublé par la perspective de me doucher à l’eau froide que par la vision soudaine de sa nudité. Ce mec est tellement bien foutu que chaque fois que je le vois à poil, j’ai l’impression que c’est la première fois.

    Je me déshabille à mon tour, sans pouvoir décoller les yeux de mon beau mâle brun posté devant le bac douche, le bras tendu sous le jet d’eau, en attendant que l’eau chaude se manifeste. Mais les secondes s’enchaînent, et rien ne se passe. Le bogoss commence à grelotter.

    Je m’approche de lui, je glisse mes bras entre ses biceps et son torse, je pose mes mains à plat sur ses pecs d’acier, et je le serre fort contre moi. Le contact avec sa peau me donne mille frissons.

    « Parfois il lui faut un peu de temps pour chauffer » il m’annonce.

    « J’essaie de te chauffer, en attendant ».

    « T’es mignon ».

    Et alors que je lui fais plein de bisous dans le cou, Jérém tourne d’abord le visage et m’embrasse sur la bouche, puis, il se tourne carrément vers moi et me serre à son tour contre lui, pecs contre pecs, bassin contre bassin, ses bras dans mon dos, ses mains caressent fébrilement mes épaules. Nous nous câlinons en silence, en plein bonheur.

    « Je crois que l’eau va être bonne » il m’annonce.

    Jérém rentre dans le bac et ouvre complètement le rideau pour faire de la place.

    « Viens » il m’invite à le rejoindre.

    « On va en mettre partout ».

    « On s’en fout ».

    J’adore l’idée : on est à la campagne, et on ne se prend pas la tête pour des détails insignifiants. Le jet dru plaque ses cheveux bruns, ruissèle sur son corps, trempe les poils de son torse : ce mec me rend fou.

    Je le rejoins sous l’eau. Effectivement, elle est chaude, bien chaude. Elle est bonne. Mais ce qui est encore meilleur, c’est de sentir les bras de Jérém m’envelopper, ses mains se glisser dans mon dos, caresser mes épaules, mon cou, ma nuque, mes cheveux, c’est sentir ses lèvres se poser sur les miennes, sa langue chercher ma langue, ce qui est bon, c’est de se faire des câlins sous l’eau, comme seuls au monde.

    Je l’embrasse, les frissons s’enchaînent. Nos lèvres se séparent, nos regards s’aimantent. Dans son regard, une étincelle friponne que je reconnais, c’est le genre d’étincelle qui me signale que le bogoss est en mode chien foufou et qu’il est en veine de bêtises, je ne m’y trompe pas : un instant plus tard, il me balance de l’eau au visage, j’en fais de même, je savoure à fond cette complicité inattendue, cette insouciance avec mon bobrun. Effectivement, nous mettons de l’eau partout sur les tomettes de la salle de bain : mais nous nous amusons comme des gosses. Un petit jeu qui prend fin lorsque ses bras m’immobilisent dans une accolade puissante et tendre à la fois, lorsque des bisous se mêlent à l’eau et tombent en cascade sur mon cou.

     « Allez, on va se savonner tant qu’il y a de l’eau chaude » fait-il à un moment, en relâchant son étreinte et en coupant l’eau.

    Le bogoss attrape le flacon du shampooing, il en fait tomber une bonne giclée dense dans sa main, et il l’applique sur ses cheveux bruns, il en fait de même avec le gel douche, qu’il étale sur son corps.

    C’est terriblement excitant que de regarder un beau garçon en train de se shampooiner les cheveux, de se savonner le corps – le visage, le cou, les épaules, les pecs, les biceps, les abdos, le sexe, les fesses, les bras, les jambes, les pieds. Ce n’est pas la première fois que j’assiste au spectacle époustouflant de Jérém sous la douche, mais c’est la première fois que je peux librement le regarder, le toucher, le caresser, l’embrasser. C’est tellement bon de se perdre dans la contemplation de cette beauté incroyable, dans cette image d’un érotisme indescriptible, que j’en oublie de me savonner moi-même.

    Jérém est désormais recouvert de mousse de la tête aux pieds. Sa peau mate luisante d’eau, ses poils noyés dans la mousse me font un effet de fou. Mon Jérém est simplement beau tomber, et cet air intrigué avec lequel il me toise, le rend craquant d’une façon indicible.

    « Tu te savonnes pas ? ».

    « Je ne sais pas faire deux choses à la fois, j’étais en train de te regarder faire ».

    Jérém me sourit, je suis certain qu’il a bien compris le message. Puis, le plus naturellement du monde, il reprend du shampooing et il l’applique à mes cheveux, qu’il masse longuement, il reprend du gel douche également, qu’il fait glisser et mousser sur tout mon corps. Je me laisse faire, je savoure le bonheur de sentir ses mains slalomer partout sur ma peau mouillée.

    « Voilà » il me lance, alors que je me sens couvert de mousse, de caresses et d’amour.

    Je souris, je suis bien, je suis heureux. Je ne peux m’empêcher de bondir vers lui et de poser un bisou mousseux sur ses lèvres.

    Jérém rouvre l’eau et ça fait du bien, le jet rince et réchauffe ma peau encore vibrante des caresses mouillées et glissantes de mon bobrun.

    Jérém se rince longuement, ses cheveux retombent sur son front, ses poils se noient dans le flot d’eau ruisselante sur son torse : il est beau à pleurer.

    Je commence à me rincer à mon tour, du moins jusqu’à ce que le bogoss me fasse pivoter, et qu’il entreprenne de me masser le cou, les épaules, le dos, peu à peu, son torse se colle à mon dos, son bassin à mes fesses, sa queue ni molle ni dure se glisse entre mes fesses, c’est extrêmement excitant, d’infinis bisous se posent entre mes omoplates, et remontent le long de mon cou, et continuent jusqu’à la base de ma nuque : et c’est délirant.

    « T’es prêt ? » il me demande.

    « Prêt à quoi ? ».

    « Je vais couper l’eau ».

    « Vas-y ».

    Lorsque l’eau cesse de tomber, je sens une sensation de froid se propager sur ma peau à vitesse grand V. Je grelotte. Heureusement, Jérém m’enveloppe toujours de son corps chaud, de ses bras puissants.

    « Serre-moi très fort ».

    « Tu sais qu’il va falloir se sécher à un moment ou à un autre ».

    « Je sais ».

    Lorsque Jérém se décolle de moi, j’ai l’impression de me trouver dans une glacière.

    Mais déjà mon bobrun est sorti du bac à douche, et, avant même de commencer à se sécher lui-même, il me passe une grande serviette.

    Un instant plus tarde, il en attrape une autre, bien moins grande, avec laquelle il entreprend de se sécher à son tour. Je me sèche tout en le regardant faire, insatiable de partager ces petits moments du quotidien – et pourtant si extraordinaires – avec mon bobrun. A un moment, nos regards se croisent : il me sourit, je lui souris.

    Jérém vient de finir de se sécher, il ressemble sa serviette dans une main et la pose nonchalamment à cheval de son épaule : décidemment, chaque attitude, chaque geste de ce mec transpire la sexytude virile la plus craquante. Son regard brun harponne le mien, je le vois avancer vers moi, lever son bras, sa main vient ébouriffer mes cheveux : ses doigts glissent d’abord tendrement, doucement, puis ils agitent ma tignasse dans tous les sens. Et là, il me regarde droit dans les yeux et il me chuchote :

    « Vraiment, tu peux pas savoir comment tu m’as manqué ».

    Voilà une autre phrase que je ne me lasserai jamais de lui entendre prononcer.

    « Toi aussi tu m’as manqué, si tu savais ».

    A cet instant précis, je me dis que c’est exactement ça l’amour que j’avais imaginé avec mon bobrun, l’amour dont j’avais envie, auquel j’aspirais avec toutes mes forces, et, plus en général, l’image que je me faisais de l’amour entre garçons : des moments de sexe très chaud, certes, mais également des moments d’infinie tendresse, n’en déplaise aux homophobes. Quand l’entente des corps et des esprits sont au rendez-vous, le mélange est explosif.

    Je regarde le bogoss s’arranger les cheveux devant le petit miroir, appliquer du gel, l’étaler avec des gestes rapides et assurés, je le regarde approcher son visage de la surface réfléchissante, traquer quelque chose sur son visage, faire exploser deux minuscules points noirs (la bogossitude se cultive aussi), je le regarde vaporiser généreusement ses aisselles et son torse de déo, le parfum entêtant sature très vite le petit espace et me fait tourner la tête, je le regarde sans perdre une seule miette de ses gestes, comme enchanté, avide d’assister aux gestes quotidiens de mon bobrun.

    Inévitablement, nos regards finissent par se croiser, le bogoss me sourit, il bondit vers moi et il vaporise son déo contre mon torse. Tout comme j’adore l’idée de porter sur moi l’odeur de sa peau et de sa jouissance après l’amour, j’adore l’idée de porter son déo après la douche.

    Un instant plus tard, Jérém sort de la petite salle de bain, il avance dans le séjour, il approche du feu, très à l’aise avec sa nudité.

    « On fait quoi aujourd’hui ? » je lui demande.

    « On fait l’amour toute la journée ».

    « Ah, ça c’est une bonne idée ».

    « Coquin, va ! ».

    « C’est toi qui es coquin ! » je me marre.

    « Viens, on va faire un câlin » il me lance, en regagnant le lit.

    Nous retournons au lit et nous recommençons à nous faire du bien. Pendant que nous faisons l’amour, un bruit de moteur approche de la petite maison, Jérém stoppe net ses coups de reins, il lève la tête, il tend l’oreille, sans pour autant se déboîter de moi.

    « C’est la boulangère » il me chuchote, tout en s’allongeant sur moi de tout son poids, et en tirant les draps sur nous, puis, il me claque un bisou léger sur les lèvres et il me rassure « t’inquiète, elle va laisser le pain et elle va repartir ».

    Je crève d’envie qu’il recommence à me faire l’amour, je crève d’envie de le voir, de le sentir venir en moi, et pourtant je jouis de la simple présence de sa queue en moi.

    Un instant plus tard, ça tape à la porte.

    « T’es sûr que c’est elle ? ».

    « Certain ».

    « Et si elle rentre ? ».

    « Elle ne va pas rentrer ».

    En effet, j’entends trifouiller au niveau de la porte, c’est là que je réalise soudainement la fonction du sac accroché à l’extérieur, sac que j’avais distraitement remarqué la veille en arrivant, sans penser à poser la question, accaparé comme je l’étais par le bonheur qui me secouait de fond en comble.

    Son corps sur le mien, sa peau brûlante contre la mienne, ses bras puissants autour de mon torse, sa queue toujours en moi, j’adore me sentir dominé par les muscles, la masse, la puissance de mon fougueux jeune mâle. J’adore me sentir rempli par sa virilité.

    Dans le petit espace, dans cette proximité ultime sous les draps, j’entends le bruit de sa respiration, les battements de son corps, je les entends et je le sens, car ces petits bruits de vie se transmettent de corps à corps, se propagent en moi, comme si nous ne faisions qu’un seul, et l’odeur tiède et rassurante de sa peau, ainsi que le parfum entêtant de son déo, de notre déo, me fait tourner la tête et me met dans un état presque second. J’écarte un peu plus mes cuisses, je porte mes mains sur ses fesses musclées et je les attire vers mon entrejambe, pour qu’il s’enfonce bien à fond en moi. Le bogoss seconde et amplifie mon intention, et son gland avance de quelques millimètres supplémentaires entre mes fesses, ses abdos frottent contre mon gland, en provoquant des frissons géants. Je frémis de plaisir, je me sens au bord de l’orgasme, j’ai l’impression qu’il suffirait de quelques coups de reins pour me faire jouir. J’essaie de me contrôler, je prends une longue inspiration : j’attends avec impatience le moment où nous serons à nouveau « seuls », où nous pourrons reprendre à faire l’amour. J’ai tellement envie qu’il recommence à me faire l’amour.

    Un instant plus tard, j’entends le claquement d’une porte de voiture, le bruit du moteur qui s’éloigne.

    « Qu’est-ce que j’aime te sentir en moi » je lâche, fou de lui, et posant plein de bisous dans son cou.

    « Et ça c’est rien par rapport à ce que tu vas kiffer quand je vais te gicler dedans ».

    « Vas-y, fais-toi plaisir, j’en ai tellement envie ».

    Et Jérém recommence à me faire l’amour. Il recommence à me pilonner sous les draps, le torse collé à mon torse, ses abdos frottent contre mon gland, ses lèvres cherchent les miennes, ou bien parcourent avidement ma peau, ses bras m’enserrent de façon très musclée.

    Très vite, enivré par la proximité épidermique, olfactive, sensuelle, absolue de ce petit espace confiné, je jouis. Je jouis et il jouit, presque au même instant.

    Nos corps et nos esprits viennent de s’embraser de plaisir, ses biceps relâchent leur étreinte, son visage s’abandonne dans le creux de mon épaule. Mon bonheur est tellement immense que je n’arrive même pas à réaliser qu’il soit possible.

    Soudainement, je repense à l’une chanson que maman écoutait en 45 tours quand j’étais petit, une chanson qui parce exactement de ce genre de bonheur, le bonheur de l’amour avec la personne qu’on aime, l’amour seul, loin de tout :

    E’ inutile suonare qui/C’est inutile de sonner ici

    Non vi aprira’ nessuno/Personne ne vous ouvrira

    (Au revoir la boulangère !).

    Il mondo l’abbiam chiuso fuori/Le monde nous l’avons enfermé dehors

    Con il suo casino/Avec son bordel

    (Rien ne me semble important ce matin, ni même simplement exister, en dehors de nous, de notre amour, de notre bonheur. Le monde, le quotidien et son lot de tracas et d’inquiétudes, me semble si loin, tout comme la souffrance que j’ai endurée – la peur de le perdre, son refus de m’aimer, la peur qu’il ne s’en sorte pas après son accident – me semble si peu de chose, face à ce bonheur insoutenable).

    Una bugia coi tuoi/Un mensonge avec les parents

    (Même si ça n’en est pas vraiment une, puisque maman est au courant, ça l’est un peu vis-à-vis de papa, car il ne sait pas quel genre de « pote » j’ai été rejoindre à la montagne, mais à cet instant précis, je me sens prêt à terminer mon coming out familial dès mon retour à Toulouse).

    Il frigo pieno e poi/Le frigo plein et aussi

    (Jérém avait tout prévu, c’est tellement bon de le voir si prévenant, si débrouillard, et de n’avoir à se soucier de rien).

    Un calcio alla tivu’/Un coup de pied à la télé

    (Oh, comment, elle ne nous manque pas, la télé !).

    Solo io, solo tu/Rien que moi, rien que toi

    (Ça fait un bien fou de se retrouver que tous les deux, loin de tout,).

    E’ inutile chiamare qui/C’est inutile d’appeler

    Non rispondera’ nessuno/Personne ne répondra

    Il telefono e’ volato fuori/Le téléphone a volé

    Giu’ dal quarto piano/Par la fenêtre du quatrième étage

    (De toute façon, il n’y a pas de réseau, et si même il y en avait, je ne crois vraiment pas qu’on aurait envie de répondre,).

    Era importante sai/C’était important tu sais

    Pensare un poco a noi/De penser un peu à nous

    (Ah, comment c’est vrai ! Penser à nous, et rien qu’à nous,).

    Non stiamo insieme mai/nous ne sommes jamais ensemble

    (Ça faisait si longtemps,).

    Ora si’ ora sì/maintenant nous le sommes

    (Et quel bonheur !).

    Soli, la pelle come un vestito/Seuls, la peau pour seul vêtement

    Nous n’avons besoin de rien de plus, nos corps s’habillent l’un l’autre, ils se parlent dans ce langage universel qu’est celui de l’amour et de la tendresse. Car, après l’amour, nous nous faisons des câlins, après l’amour, je me retrouve bien au chaud dans ses bras. Je suis le plus heureux des gars. Je ne voudrais jamais partir de ses bras. Hélas, toutes les bonnes choses ont une fin.

    « J’ai la dalle ! » lâche Jérém de but en blanc, sur un ton qui rappelle l’urgence absolue des exigences d’un gosse. L’amour rend heureux, et ouvre l’appétit.

    « T’as toujours faim, toi ».

    « Mais t’as vu comment tu m’épuises ? » il rigole.

    « Toi aussi tu m’épuises, et c’est tellement bon ».

    « Grave ! ».

    Pendant que nous nous faisons des bisous, j’entends son estomac gargouiller. La belle bête a vraiment la dalle.

    « Bouge pas » il me lance, en quittant les draps, le lit, notre étreinte.

    Le bobrun se lève, il remet du bois dans la cheminée. Il ouvre la porte d’entrée, il jette un œil par précaution, il sort à poil et il revient avec deux baguettes fraîches laissées par la boulangère.

    Il traverse la pièce toujours aussi nonchalant quant à sa nudité, il se dirige vers la boîte magique qu’est le garde-manger et il en ressort un petit jambon sec, qu’il entreprend de trancher avec un grand couteau. Son corps se tend, ses biceps se gonflent sous l’effort, sa chaînette ondule au gré des va-et-vient de son bras : comme tous les va-et-vient de son corps, c’est un spectacle magnifique.

    Jérém ouvre la baguette sur toute sa longueur, puis la coupe en trois morceaux, et il dépose le tout sur une assiette et amorce le mouvement pour approcher du lit.

    « Ah, mince » il se ravise, en faisant demi-tour pour attraper la bouteille de Jurançon.

    « Il te reste du fromage de hier soir ? » je le sollicite. Il y a des goûts qui marquent dès la première rencontre avec nos papilles, des lors, nous n’avons plus qu’une chose en tête, c’est de les retrouver.

    Jérém revient une fois de plus vers le garde-manger et, quelques instants plus tard, il apporte tout ça au lit.

    Soli, mangiando un panino in due/Seuls, nous mangeons un sandwich à deux

    Io e te/Toi et moi

    (Jérém glisse les tranches de jambon entre deux morceaux de baguette et me tend ce sandwich maison. Le pain frais est un bonheur de tous les sens, sa couleur dorée enchante la vue, sa douce fermeté me rappelle celle du torse de mon bobrun, il croustille à l’oreille, il enivre les narines, il comble le palais, quant au jambon, il est juste fabuleux. Et qu’est-ce qu’il est bon, ce sandwich, d’autant meilleur qu’il est préparé par Jérém et mangé dans les bras de Jérém. Ce qui est fait avec amour est toujours bien fait).

    Soli, le briciole nel letto/Seuls, les miettes dans le lit

    (Jérém a l’air de s’en foutre éperdument, alors, je m’aligne sur sa façon de voir les choses, et très vite, je découvre que le fait de lâcher prise, d’arrêter de s’inquiéter pour des choses insignifiantes, ça fait un bien fou, car ça a quelque chose de profondément apaisant).

    Soli, ma stretti un po’ di più/Seuls, mais nous nous enserrons très fort

    Solo io, solo tu/Rien que toi, rien que moi

    (Et qu’est-ce que c’est bon de manger côte à côte, devant le feu, nos corps se frôlant sans cesse).

    « Tu l’as trouvé où ce jambon ? ».

    « C’est un pote d’ici qui le fabrique ».

    « T’as plein de potes, ici » je considère, alors que mes papilles sont désormais ravies par le goût à la fois fort et doux du fromage de montagne.

    « Tu veux du Jurançon ? ».

    « Pas vraiment » je fais, tout en posant ma main sur sa queue.

    « Tu vas me tuer ».

    « Tu me fais tellement envie » je fais, tout en enserrant sa queue au creux de ma main et en le branlant doucement.

    « Toi tu sais comment demander les choses » fait le bobrun, taquin, l’air pourtant ravi de recevoir mes caresses.

    « Avec douceur, ça marche bien ».

    « Fais-toi plaisir ».

    Une phrase que je lui ai dite plein de fois, lorsqu’il m’annonçait – ou lorsque je ressentais – qu’il allait jouir en moi.

    Et lorsque, quelques minutes plus tard, ses giclées puissantes et chaudes remplissent ma bouche, je me fais la remarque que oui, définitivement, il y a des goûts qui marquent dès la première rencontre avec nos papilles et que nous ne nous lassons pas de retrouver, tout comme il y a des goûts qui se marient très bien entre eux. J’ai toujours entendu dire que le fromage s’accompagne d’une tranche de pain frais et d’un verre de rouge : je valide la tranche de pain frais, quant à la boisson, je crois bien qu’il y a mieux que le vin rouge. Un goût à la fois fort et doux, s’accompagne bien d’un autre goût de même teneur.

    Il mondo dietro ai vetri/Le monde derrière les vitres

    Sembra un film senza sonoro/Ressemble à un film muet

    (Oui, le monde me semble si loin, même le départ prochain de Jérém pour Paris, mon départ à Bordeaux, ma rentrée sur Toulouse, autant d’échéances qui me semblent appartenir à une autre existence, à la vie de quelqu’un d’autre. Dans cette maison au bout du monde, je me sens bien, je me sens protégé).

    E il tuo pudore amando/Et ta pudeur pendant l’amour

    Rende il corpo tuo piu’ vero/Rend ta présence plus vraie

    (Pendant l’amour, Jérém est doux et viril à la fois, il fait attention à moi, il prend son pied mais il veut me faire plaisir : quand l’amour est là, on peut être viril, même très viril, sans forcément être macho).

    Soli lasciando la luce accesa/Seuls, nous laissons la lumière allumée

    (Depuis nos retrouvailles, nous faisons l’amour en pleine lumière, en pleine confiance, en nous regardant dans les yeux, et alors que pendant nos « révisions » il avait toujours fui mon regard, Jérém cherche désormais ce contact, comme s’il cherchait à savoir si je suis heureux).

    Soli ma guarda nel cuore chi c’è: io e te/Seuls, et dans nos cœurs il n’y a que toi et moi

    (Nos cœurs nous rassemblent, nous rapprochent,).

    Soli col tempo che si è fermato/Seuls, avec le temps qui s’est arrêté

    (Je perds la notion du temps, je voudrais tellement que les aiguilles des montres cessent de tourner et se figent à tout jamais sur cet instant de bonheur parfait).

    Soli però finalmente noi/Seuls, et enfin rien que nous deux

    Solo noi, solo noi./Rien que nous deux, rien que nous deux

    Enfin, nous voilà que tous les deux, loin de tout, libres de vivre notre amour à l’abri des regards qui jugent, qui méprisent. L’éloignement de notre quotidien libère nos envies, nos regards, nos gestes, nos caresses, nos baisers, non sentiments. Le simple contact de sa peau chaude embrase mon corps.

    « J’ai encore envie de toi, Jérém ».

    « T’en as jamais assez, toi » il se marre.

    « T’as vu ce que tu me fais ? T’as vu comment tu me fais l’amour ? ».

    « Je te fais l’amour comment ? » il m’interroge, le coquin.

    « Tu me fais l’amour comme un Dieu, tu me retournes comme une chaussette, tu me fais jouir comme un fou ».

    Il me sourit, l’air fier de lui. J’adore quand la fierté s’affiche sur son visage. D’autant plus qu’aujourd’hui son petit sourire n’est plus seulement l’expression d’une fierté de petit macho fier de sa queue (même s’il y en reste quand-même un peu, et je kiffe ça), mais aussi et surtout le regard attendri d’un amant amoureux ravi de savoir que son partenaire est bien avec lui.

    « Qu’est-ce que tu es bon au lit, Jérém ».

    « Tu me fais un effet de fou, Nico ».

    Et une heure à peine après le fromage, je succombe à l’envie soudaine de le sucer à nouveau.

    « Fais pas ça Nico ».

    Je n’écoute pas ses mots, mais mon envie : je continue à le sucer.

    « Tu vas me tuer ».

    Non, j’ai juste envie de le faire jouir. Le fait est que j’ai inlassablement envie de l’avoir dans la bouche, de le sentir prendre son pied, de l’avoir en moi, de le sentir, de le voir en train de faire l’amour. Jérém aussi semble avoir envie de moi comme jamais : alors, pourquoi me priver de goûter encore et encore au plaisir exquis, au bonheur immense, au privilège sans pareil de m’occuper de sa queue frémissante, frétillante et bien tendue ?

    Non, il n’y a aucune raison de me priver, de le priver de cela. Alors je continue d’astiquer sa queue dans le but de nous faire du bien à tous les deux.

    « On va jamais sortir du lit » il considère, en se laissant rapidement ravir par le bonheur des sens.

    « On a un mois à rattraper » je finis par lui répondre, tout en le branlant « alors, tant que tu ne déclares pas forfait, je n’arrêterai pas de te faire jouir ».

    « Je crois que c’est toi qui vas me demander d’arrêter » il me nargue.

    « Non, c’est toi qui vas me demander d’arrêter » je le cherche à mon tour.

    « On verra ça » il conclut, alors que je viens de le reprendre dans ma bouche. Le bogoss frissonne de bonheur, et ça me remplit de bonheur.

    Jérém a raison, du matin jusqu’au milieu de l’après-midi de cette journée de samedi, nous n’allons pas quitter le lit. Parfois mon bobrun se lève pour aller remettre du bois dans la cheminée, ou pour fumer une cigarette : le patch l’aide à réduire la consommation, mais il reste quelques cigarettes incontournables, notamment celles après l’amour. Inutile de préciser que ce samedi, je le pousse à la consommation.

    Mais pour l’essentiel, nous passons le plus clair de notre temps à enchaîner les plaisirs. La proximité de nos corps nus attise sans cesse nos sens, tous nos sens : la vue (son torse nu, ses muscles, sa bonne petite gueule, ses attitudes de mec), l’odorat (le bouquet olfactif délicieux qui se dégage de sa peau), le toucher (la fermeté de ses muscles, la chaleur de sa peau, la douceur rassurante de ses poils), le goût (le bonheur qu’est le contact avec ses lèvres), l’ouïe (sa voix est apaisante, mais aussi excitante, à la fois caresse et vibration de mâle, comme de la testostérone verbalisée, légèrement grave, puissante et douce en même temps, sa voix renvoie à sa virilité, tous en laissant enfin déceler la sensibilité du garçon de 19 ans sous l’enveloppe corporelle du jeune mâle puissant : ainsi, sa voix fait vibrer une multitude de cordes sensibles en moi).

    Il m’effleure, je l’effleure, nous sommes à la fois allumette et papier abrasif pour soi et pour l’autre, nous nous effleurons, je m’embrase, il s’embrase, nous nous embrasons l’un l’autre.

    Nous nous offrons du plaisir l’un l’autre, nous nous donnons l’un à l’autre en pleine confiance, nous faisons l’amour d’une façon complètement libérée, plus nous nous faisons du bien, plus cela devient normal et naturel, l’évidence même, plus nous sommes bien ensemble, plus nous nous assumons. On ne peut qu’assumer ce qui nous apporte un bonheur si parfait.

    Notre complicité sexuelle aussi n’a jamais été à ce point parfaite, plus encore que pendant toutes les nuits magiques – celle après le retour de l’Esmé, celle où il m’avait sorti du pétrin avec ce type qui voulait me cogner, ou celle après le plan avec Romain, le bobarbu levé au On Off – et même plus encore que pendant toute la semaine magique précédant notre clash.

    Oui, nous passons la journée à faire l’amour. Et après l’amour, nous nous faisons des câlins.

    « Qu’est-ce que c’est bon » fait Jérém, fou de mes caresses et de mes bisous.

    « Quand je pense que tu n’en voulais pas ».

    « Qu’est-ce que j’ai pu être con ! ».

    « Ce qui compte, c’est maintenant ».

    Puis, après l’amour, après les câlins, comme pendant une ivresse, l’ivresse des sens et de l’esprit, la parole se libère.

    « Heureusement que t’as eu les couilles de proposer les révisions » me balance Jérém de but en blanc.

    « Pourquoi tu as dit oui aux révisions ? ».

    J’ai déjà posé cette question, et les réponses que j’en avais obtenues avaient été au mieux décevantes, au pire blessantes.

    « Parce que je voulais avoir une chance d’avoir le bac » : telle avait été sa réponse décevante après la nuit fantastique qui avait suivi le plan à trois avec le bobarbu Romain levé au On Off.

    « Parce que je voulais baiser ton cul » : telle avait été sa réponse blessante et humiliante la dernière fois où il est venu chez moi, un mois plus tôt, le jour de notre clash, peu avant que nous en venions aux mains.

    Mais ces réponses venaient de la bouche d’un Jérém qui n’assumait pas notre bonheur. Alors, je suis impatient d’entendre la véritable réponse à cette question qui me taraude depuis le début de nos révisions, d’entendre la réponse du véritable Jérém, celui qui n’a plus peur de ce qu’il ressent, qui ne se cache plus de lui-même, et de moi.

    « Parce que » il se lance, sans arriver au bout de son intention.

    « Vas-y Jérém, dis-moi ».

    « Parce que… ».

    Commentaires

    Etienne

    10/02/2019 19:31

    « Parce que… j’ai toujours été attiré par les garçons, parce que tu me plais depuis la première fois que je t’ai aperçu, mais que je n’aurais jamais eu le courage de faire le premier pas « …
    Cette suite est une possibilité, mais que nous réserve Fabien ?
    Vite, vite, la suite ! Ces 2 épisodes de l’année sont au top !

    Chris

    08/02/2019 15:10

    L’épisode était vraiment cool.J’aimerai bien quand même revoir un peu plus l’ancien Jerem parce que comme tout va bien ça peut être un peu moins captivant. Vivement la suite !

    fab75du31Auteur

    07/02/2019 22:56

    Merci à vous tous, vous êtes adorables

    Marie

    07/02/2019 22:38

    Ce chapitre par sa beauté me rempli de joie mais également d’amertume car c’est bientôt la St-Valentin et j’envie leur bonheur

    Yann

    07/02/2019 10:47

    Quelle joie que de les voir si heureux. Les choses les plus banales de la vie deviennent de suite belles dès lors qu’elles sont partagées par deux personnes qui s’aiment. C’est ce qu’ils découvrent et ton style, Fabien, ne laisse aucun détails au hasard.
    Yann

    Tiaganno

    06/02/2019 12:57

    C’est tellement beau et touchant mais obliger attendre 1 mois?

    Virginie-aux-accents

    05/02/2019 21:32

    AAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!!!!!!!!!
    Quel bonheur de retrouver nos deux amoureux. C’est beau et sensuel.
    Et ta façon de trouver des messages dans chaque parole de chanson que tu aimes est touchante.
      Merci.

  • JN0205 Non, ce n’est pas un rêve.

    JN0205 Non, ce n’est pas un rêve.

    Dans la petite maison dans la montagne, le vendredi 7 septembre 2001, vers 20:00.

    Lorsque je rouvre les yeux, Jérém est debout, en train de s’habiller, en fait, ce sont ses mouvements qui m’ont réveillé, le contact chaud et rassurant de ses bras est venu à manquer, mon sommeil s’est évaporé. Je le regarde passer son boxer rouge et blanc, moulant ses cuisses, l’élastique tendu entre les plis de l’aine, juste en dessous de ses abdos, la bosse bien saillante, renfermant son bel engin, magnifique vision, que celle de mon bobrun, torse nu, juste habillé d’un boxer.

    Puis, Jérém se penche sur cette boite magique qu’est le grand sac de sport posé à côté du lit qui contient ses fringues, il en extrait un t-shirt blanc propre, qu’il glisse sur son torse : vision divine, que celle de mon bobrun, boxer moulant et t-shirt tout aussi moulant sur sa plastique de fou.

    « Ça va ? » je lui demande.

    « J’ai faim » il lance, en faisant claquer les syllabes, sur un ton qui a quelque chose d’enfantin, un petit regard fripon au fond des yeux.

    « Tu veux aller faire des courses ? ».

    « Naaan, t’as vu le temps ? Moi je ne sors plus ».

    « On mange quoi, alors ? ».

    « Une pizza, ça te va ? ».

    « Oui, il faut la commander ? ».

    « C’est ça, et comment ils vont nous la livrer ? Par pigeon voyageur ? ».

    « Je ne sais pas ».

    « Ce soir tu vas manger une pizza maison » il me lance, l’air fier de lui, tout en ouvrant une porte du garde-manger et en sortant un plat couvert d’un chiffon, un chiffon sous lequel se cache un pâton bien gonflé.

    « Tu sais faire une pizza ? ».

    « Oui, monsieur, je te rappelle que j’ai des origines napolitaines ».

    « C’est vrai » j’admets. Mais je suis sur le cul quand-même. Décidemment, ce mec ne cessera jamais de m’étonner.

    « J’ai fait la pâte tout à l’heure, il ne reste qu’à l’étaler et mettre la garniture, fromage râpé, champignons, jambon, oignons, ok pour toi ? ».

    « Oh que oui….

    « Alors, c’est parti ! » fait-il, tout guilleret.

    Je le regarde jouer les pizzaiolos dans cette tenue sexy à mourir, t-shirt blanc et boxer, je le regarde étaler la pâte avec une bouteille vide en guise de rouleau à pâtisserie, avec des gestes rapides et assurés, je le regarde monter la garniture, un produit après l’autre, avec des gestes amples, généreux. C’est beau de regarder l’homme qu’on aime en train de cuisiner.

    « Je peux t’aider ? ».

    « Ça devrait aller, merci ».

    A mon tour, je passe un boxer et un t-shirt, et je ne peux m’empêcher d’aller le rejoindre, de me coller contre son dos, de l’enlacer, de le serrer très fort contre moi, et plonger mon nez dans ses cheveux bruns enfin sèches. La douceur et l’odeur de propre de son t-shirt me percute, m’étourdit, m’assomme.

    Mes lèvres se posent plein de bisous à la lisière de ses beaux cheveux bruns, je passe la main sous son t-shirt blanc et je lui caresse les tétons.

    Jérém frissonne, rigole, gigote.

    « Je ne vais jamais pouvoir terminer ma pizza si tu me fais ça » fait-il, sur un ton entré excité et amusé.

    « J’ai trop envie de te faire des bisous, depuis que j’ai l’autorisation ».

    « Petit con ».

    « Tu m’excites trop, Jérém ».

    « C’est pas l’heure des galipettes, je fais à manger, quand j’ai faim, j’ai faim ! » fait-il, en se dégageant de mon étreinte, pour revenir claquer un bisou, un seul, rapide et furtif, presque volé, sur mes lèvres.

    Le bogoss revient à son ouvrage, il en peaufine les détails en ajoutant un filet d’huile d’olive. Je le regarde travailler, de dos, je regarde la perfection avec laquelle le coton blanc moule ses épaules, ses biceps, les mouvements de ses muscles, je regarde la chaînette qui dépasse de la finition du col autour de son cou puissant : c’est beau à en pleurer.

    « T’es tellement sexy en t-shirt blanc ! ».

    « Ah oui, tu kiffes ça, je sais ».

    « T’as un corps de dingue, et le blanc, moulant, te va, un truc de fou, ça me rend dingue, quand tu te fous en t-shirt blanc, je me sens comme un taureau devant une muleta, ça me chauffe à bloc, ça me donne trop envie de toi ».

    « T’as tout le temps envie de moi » il se marre.

    « Ça c’est pas faux, mais là, encore plus ».

    « Je mettrai tout le temps un t-shirt blanc, alors ».

    « A ton risque et péril, tu vas devoir assurer, après ».

    « Tu sais bien que j’assure ».

    « C’est clair, t’es un sacré mec ».

    Jérém vient de terminer de garnir la pizza, et je la trouve magnifique. D’autant plus qu’elle est faite avec amour. Le bogoss l’attrape, et la pose sur le prolongement de la plaque en fonte sur laquelle est posé le foyer de la cheminée.

    « Et voilà, il n’y a plus qu’à attendre, par contre, il va falloir la surveiller, il n’y a pas d’horloge sur ce genre de four » il se marre, adorable.

    Lorsque je regarde mon Jérém, ce nouveau adorable Jérém, posé dans ce nouveau décor, dans ce nouveau rôle qui va au délà de mes rêves les plus fous, lorsque j’entends sa voix, ses mots, cette façon de me laisser rentrer dans sa vie, d’installer une complicité aussi soudaine qu’inattendue, j’ai encore du mal à croire que tout ça ce soit réel.

    D’ailleurs, je crois que si je racontais tout ça à ma cousine – ou à n’importe qui, pour peu qu’il soit au courant des galères que j’ai traversées avec mon bobrun – pourrait croire qu’il s’agisse d’un rêve, un rêve où, une fois de plus, je prendrais mes désirs pour des réalités. Pourtant, ce n’est pas le cas. Non, ce n’est pas un rêve, non, non, non, non, ça n’en est pas un !

    Oui, j’ai encore du mal à croire que tout cela soit bien réel : et pourtant, il l’est.

    « Tu sais que t’es un mec génial ? » je lui lance, touché par ce Jérém adroit et dégourdi qui se dévoile instant après instant devant mes yeux.

    « Bah, je sais faire une pizza, il faut pas bac plus 10 pour ça » il se marre.

    « Peut-être, mais je ne sais pas faire moi ».

    « Je t’apprendrai, la seule difficulté, c’est de réussir la pâte, après, c’est un jeu d’enfants ».

    « Vraiment, tu m’impressionnes ».

    « Tu parles ».

    « Je te promets ».

    « Et pourquoi, donc ? ».

    « Ici tu es tellement différent qu’à Toulouse, tellement simple, tellement débrouillard, tellement adorable ».

    Jérém sourit, visiblement touché.

    « T’aimes le Jurançon ? » il me lance de but en blanc.

    « C’est mon vin préféré ».

    « Je m’en doutais ».

    « Et comment tu t’en doutais ? ».

    « Je t’ai vu en boire, le soir du repas de classe ».

    « T’as remarqué ça, toi ».

    « Bah oui » fait-il, le plus naturellement du monde.

    « T’es incroyable » je lâche, alors que je me sens submergé par une émotion immense.

    Le bogoss ouvre la porte d’entrée, sort sous le petit appentis et revient avec une bouteille doré. Pendant un instant, le vent et le froid s’insinuent dans la petite pièce, rappelant à quel point un toit et une source de chaleur sont les bases du bonheur.

    Jérém ouvre la bouteille à l’aide d’un tirebouchon en T et de la force de ses muscles – son biceps gonfle sous l’effort, et maltraite un peu plus la manchette en coton blanc, vision d’une sensualité renversante : le bouchon finit par sauter, en produisant le claquement typique. Un instant plus tard, il remplit deux verre et m’en tend un, puis, il approche son verre du mien, lorsque nous trinquons, nous nous regardons droit dans les yeux, et Jérém en profite pour me lancer un clin d’œil qui me fait fondre.

    Le bogoss pose son verre sur les briques de l’âtre, se penche sous le lit et il en extrait une vieille couverture qu’il étale devant la cheminée. Puis, il s’assoit devant le feu, pile face à la pizza en train de cuire. Je le regarde et je me sens amoureux comme jamais.

    « Viens » il me lance tout bas.

    Je m’assois à mon tour, mes jambes autour des siennes, mon torse contre son dos, mon visage dans le creux de son épaule.

    « Je suis bien là » je l’entends dire.

    « Moi aussi je suis bien ».

    La cheminée réchauffe, la pizza est en train de cuire, je suis avec le garçon, l’homme que j’aime : notre entente, notre complicité sont à peine croyables, notre amour est si beau, mon bonheur est parfait.

    « Je n’y croyais plus, qu’on se retrouverait un jour, je veux dire » je lâche, en retenant mes larmes de justesse.

    « J’ai fait tellement de conneries, je m’en veux, parce que t’es un gars super, Nico, t’es toujours là, malgré tout ce que je t’ai fait ».

    « Si tu savais à quel point tu comptes pour moi ».

    « Toi aussi tu comptes beaucoup pour moi ».

    Une fois de plus, je regarde la jolie pizza qui est en train de cuire devant le feu et je me sens aux anges.

    Mes lèvres brûlent d’envie de prononcer les trois petits mots magiques, celles qui contiennent « un monde entier », celles que je lui ai dit la dernière fois qu’il est venu chez moi, juste avant qu’il me quitte. Oui, je brûle d’envie de lui dire « je t’aime », mais je me retiens, me disant que c’est peut-être trop tôt, que je ne veux pas prendre le moindre risque de « gâcher » cet instant parfait. Plus tard, Nico, plus tard.

    « Tu me fais du bien, Nico » il enchaîne.

    Qu’est-ce que c’est bon de l’entendre dire que je lui fais du bien !

    Aussi, j’aime sa façon d’utiliser le prénom, mon prénom, de le placer dans chaque phrase ou presque. C’est important, le prénom, car c’est par lui que s’établit la relation. C’est par le prénom que la personne anonyme devient une connaissance. C’est par le prénom qu’on entre ou pas dans le cercle de quelqu’un. Enoncer le prénom de quelqu’un, c’est aussi le mettre en valeur, lui montrer de la considération. Le prénom rapproche. C’est encore par lui que passent toutes les nuances de la tendresse et de l’amour. Prononcer le prénom de l’autre avec douceur ou sensualité, c’est déjà lui faire un câlin, c’est déjà « embrasser » quelque chose de lui. C’est déjà lui envoyer un baiser.

    Sa façon d’utiliser mon prénom, souvent, au détour d’une phrase, fait ressortir toute sa musicalité et sa couleur.

    When you call my name, is like a little prayer

    Oui, mon prénom sonne si bien, comme un accord de Chopin, lorsque c’est Jérém qui le prononce, et d’autant plus de la façon où il le prononce ce nouveau Jérém.

    « Toi aussi, tu me fais du bien, Jérém ».

    Une fois de plus, je plonge mon visage dans le creux de son cou et je m’enivre de la douceur, de la chaleur, de l’odeur frais de sa peau. Mais une autre fragrance vient chatouiller mes narines : c’est une odeur de four de boulanger : la cuisson de la pizza avance, et ça commence à sentir sacrement bon.

    Jérém se penche sur le « dossier » et s’empresse de m’annoncer :

    « La pizza est prête ! ».

    Puis, il se lève, il part vers le garde-manger, il revient avec une grande assiette et un couteau, avec des gestes assurés, il décolle la pizza de la plaque et la fait glisser dans l’assiette qu’il pose sur le rebord en briques de la cheminée. Elle est belle, bien cuite, fumante. Je n’aurais jamais cru que le parfum d’une pizza pouvait me donner envie de pleurer. Le fait est que cette pizza est un peu le symbole de nos retrouvailles, l’image de ce nouveau Jérém qui me fait fondre.

    Mon bobrun s’assoit en face de moi et commence à découper le disque multicolore.

    Je ne me lasse pas de regarder mon Jérém dans ce nouveau rôle de mec futé qui a l’air de savoir tout faire. Il me fascine, il me rend fou.

    « Ah, mince, les assiettes » je l’entends « pester », tout en rigolant et en se préparant à se lever à nouveau.

    « Reste là, y a pas besoin d’assiettes » je le rassure.

    « C’est vrai, on est à la campagne ici » fait-il, en souriant et en me balançant un nouveau clin d’œil au charme ravageur.

    « On est au Paradis ».

    « Je ne sais pas si au Paradis il pleut autant » il se marre.

    « Je ne sais pas non plus, mais je suis sûr qu’au Paradis il doit y avoir une cheminée, une pizza et un gars comme toi ».

    Pour toute réponse, Jérém me tend une part de pizza.

    « Attention, c’est chaud, j’espère qu’elle est bonne ».

    « Elle l’est forcément ».

    « Goûte d’abord, tu me diras après ».

    La pizza, c’était une idée charmante quand elle n’était encore qu’un pâton, elle était belle pendant la préparation, elle sentait bon pendant la cuisson, et elle est délicieuse, vraiment délicieuse, à la dégustation. Elle a aussi le goût des choses faites avec amour. Un grand chef a dit : « le chemin du cœur passe aussi par le ventre ». Et cela est bien vrai.

    « Alors ? » fait mon Jérém, tout en mâchant un bout de pizza, l’air impatient de savoir.

    « Elle est très bonne ta pizza ».

    « Ah, ça fait plaisir ».

    « C’est la meilleure pizza que je n’ai jamais mangé de ma vie ».

    « T’exagères ».

    « Elle est délicieuse » je lui lance, submergé par l’émotion.

    Chose qui ne passe pas inaperçue à mon Jérém.

    « Ça va, Nico ? ».

    « Oui, oui » je fais, en essuyant mes joues.

    « Qu’est-ce qu’il se passe ? ».

    « C’est que tout ça c’est tellement beau que je n’arrive pas à y croire, c’est trop, ça me donne presque le tournis ».

    Jérém se déplace à côté de moi, il glisse son bras autour de mon cou et me fait un bisou dans le cou.

    « Je suis tellement content que tu sois là » il chuchote, tout en se serrant contre moi, et en passant sa main chaude derrière ma nuque.

    Le bogoss me ressert du Jurançon et me passe une autre part de pizza. Nous mangeons en silence, en fait, nous n’avons pas besoin des mots, nous nous sommes tout dit, et ce que nous nous ne sommes pas dit, nous le savons quand même : car nos émotions sont là, elles flottent autour de nous, intenses, vibrantes, palpables.

    Dans la petite maison, il n’y a pas de télé, pas de radio, pas de téléphone, même pas d’électricité. Est-ce que nous en avons besoin ? Je ne crois pas.

    Le crépitement du feu dans la cheminée, le bruit de la pluie sur les ardoises, nos regards qui se cherchent, se caressent, nos sourires qui font tant de bien, les bruits légers d’un repas simple mais délicieux : voilà, dans la pénombre mouvante au gré des mouvements de la flamme, la douce musique de notre amour, de notre bonheur. Le seul fond sonore dont nous avons besoin. Quand l’amour est là, il se suffit à lui-même.

    Jérém vient de terminer sa part et se relève pour aller chercher quelque chose dans le garde-manger. Il en revient avec un gros morceau de fromage et un pain massif.

    « Tu vas goûter ce fromage et tu m’en diras des nouvelles » il me lance, tout en me tendant un morceau généreux.

    Dès la première mise en bouche, je découvre une saveur délicieuse.

    « Mais il est super bon ! ».

    « C’est du vache-brebis, il est un peu affiné » il m’explique, tout en découpant le pain avec un gros couteau « c’est un pote d’ici qui le fabrique, c’est le meilleur fromage du monde ! ».

    Le pain aussi a une saveur délicieuse : sa croute croustille, sa mie est dense, c’est du vrai pain de campagne. Et de montagne.

    Du fromage vache-brebis, avec ce vrai pain consistant et une gorgée de Jurançon, le tout dégusté en compagnie du gars que j’aime, il y a de quoi se damner !

    Le bogoss s’allume une cigarette et la fume devant le feu.

    « Pas d’électricité, pas de télé » fait le bogoss, le regard fixe vers le feu « pas de voisins, pas de bruit, pas de réseau, pas de téléphone, il n’y a pas beaucoup de confort ici, mais je me sens bien comme nulle part ailleurs au monde ».

    Je comprends parfaitement ses mots : c’est vrai qu’on se sent bien dans cette petite maison, dans ce refuge spartiate mais douillet. Pourtant, je me dis que la contrepartie à la tranquillité, ça doit être la solitude.

    « Mais depuis que tu es là, tu ne t’es pas senti seul ? ».

    « Seul ? Non, enfin, si tu veux, de toute façon, j’avais besoin d’être seul, j’avais besoin de faire le point, et puis, j’ai quelques potes ici, depuis que je suis là, j’ai souvent été invité manger ».

    « Alors, ici c’est la maison de tes grands-parents ? ».

    « Oui, du côté de ma mère, ils habitent Tarbes mais ils viennent ici l’été, du coup, jusqu’à mes quinze ans, je suis venu ici tous les étés, j’étais tellement bien ici, avec papi et mamie, tellement mieux qu’à Toulouse, chez mon père, mes grands-parents ont été très importants pour moi, surtout après le divorce de mes parents, ici, chez eux, c’était mon refuge, le cheval c’était mon refuge, je venais aussi pendant les vacances scolaires, mais comme mes grands-parents étaient à Tarbes, je créchais chez Charlène, une amie à eux qui tient un centre équestre pas loin d’ici, Charlène est comme une tante très rigolote, en fait, c’est presque une mère pour moi, dès que je pouvais, je venais ici, je faisais du cheval, je respirais, j’avais presque oublié à quel point c’est bon ».

    « Tu fais du cheval ? » je fais, surpris.

    « Je t’ai pas dit ? ».

    « Non, je ne sais rien de toi, Jérém ».

    « J’en fais depuis tout jeune, c’est mon grand-père qui m’a mis sur un shetland quand j’avais 5 ans, et j’ai kiffé, quand j’ai commencé à toucher des pieds par terre sur mon shetland, il m’a acheté une jument, Tequila, qu’on a fait pouliner, maintenant, je monte le fils de Tequila, Unico, un mâle entier ».

    « Mais ils sont où tous ces chevaux ? ».

    « Il sont chez Charlène. Elle fait pas mal de balades l’été, alors elle a besoin de chevaux, du coup, elle entretient mes chouchous sans me faire payer la pension, mais quand je suis là, je peux monter mon Unico quand je veux, ces derniers jours, j’ai bien profité de mon loulou ».

    Alors, ça, si je m’y étais attendu ! Jérém qui fait de l’équitation : c’est tellement inattendu, tellement original, exotique, imaginer Jérém à cheval, sans même l’avoir vu, ça sonne déjà méga sexy. Cavalier, c’est un nouveau monde de Jérém qui s’ouvre à moi : et cela m’émeut déjà.

    « Tu fais quoi à cheval ? Des courses ? Des obstacles ? Du dressage ? » je lui demande, laissant parler mon ignorance, tout en reprenant à mon compte le fameux précepte : « Toujours faire parler un bogoss de ce qu’il fait, et surtout de ce qui le rend fier et heureux ».

    « Naaaan, rien de tout ça, de la balade, juste de la balade de quelques heures, au plus de la rando de quelques jours, le cheval c’est une façon de me retrouver au calme, de me remettre les idées en place au milieu de la nature et de mes potes ».

    « Ton Unico, ça fait longtemps que tu le montes ? ».

    « Je l’ai débourré il y a deux ans ».

    « Tu l’as quoi ? ».

    « Débourré, c’est quand on apprend au cheval à être en contact avec l’homme, on lui apprend les trois allures, à réagir à la voix, à accepter une selle, un mors, des rênes et, surtout, un cavalier ».

    « Tu sais faire ça ? ».

    « Oui, c’est papi qui m’a appris, il a toujours eu des chevaux ».

    Qu’est-ce qu’il est touchant mon Jérém quand il parle de son papi : il y a dans son regard une expression à la fois d’admiration, d’affection, de douceur, comme celle d’un gosse impressionné par un adulte particulièrement cher. Et ce regard, me fait fondre. Je ne peux résister à la tentation de le serrer contre moi, et de lui faire des bisous.

    « Je n’aurai jamais imaginé que tu faisais du cheval ».

    « Ben, oui, et j’adore ça, d’ailleurs, j’aimerais bien en faire dimanche, et j’aimerais que tu viennes en faire avec moi ».

    « Mais je n’ai jamais fait du cheval, moi ».

    « Je vais t’apprendre ! ».

    « Mais je n’ai pas de cheval ».

    « Je vais t’en prêter un ».

    « Mais je ne vais jamais tenir dessus ! Je vais tomber au premier virage ! » je me marre, tout en trouvant excessivement touchante sa proposition.

    « Mais non, mais non, tu vas monter Tequila, elle est calme, posée, elle est parfaite pour un débutant, avec elle, tu ne risques rien ».

    « T’es sûr ? ».

    « Certain ».

    « J’adore l’idée de faire du cheval avec toi ».

    « Moi pareil, il faut juste qu’il arrête de pleuvoir, il faudrait juste que demain il fasse beau, pour que ça sèche un peu ».

    « Toi et moi à cheval » je considère, tout guilleret.

    « Ah, mais nous ne serons pas que tous les deux ».

    « Ah bon ? »

    « Il y aura Charlène, car c’est elle qui organise, la balade démarre de son centre équestre, et il y aura aussi quelques autres cavaliers de l’asso ».

    « Quelle asso ? ».

    « L’ABCR »

    « C’est quoi ça ? ».

    « L’association Bigourdane Cavaliers Randonneurs ».

    « Ah » je fais, surpris.

    « Tu verras, ce sont des gens super sympa, et très patients avec les débutants ».

    Ce disant, Jérém se lève, remet une bûche dans le feu, et me tend la main, je la saisis, il m’aide à me relever, en m’entraîne vers le lit.

    « On sera mieux allongés » il me lance, une petite étincelle coquine au fond de son regard brun.

    Sur le lit, nos corps s’attirent l’un l’autre comme des aimants, nos mains et nos lèvres son insatiables de câlins. Une fois de plus, l’odeur de propre de son t-shirt blanc, mélangé à celui de sa peau me percute, m’étourdit, m’assomme, me rend ivre.

    Je me retrouve allongé sur lui, nos bassins se pressent l’un contre l’autre, je sens son érection monter au travers le coton fin de son boxer. Je remonte son t-shirt blanc, j’agace ses tétons avec ma langue et le bout de mes doigts.

    « Tu vas encore faire monter la bête » il se marre, coquin et charmeur.

    « La bête » je me marre, en trouvant ce petit surnom bien rigolo.

    « Ouaisss, la bête ».

    « Laisse-la monter ».

    « Tu vas devoir assurer, après » il me taquine.

    « Tu sais bien que j’assure ».

    « Suce » il me lance, sur un ton de parfait petit con.

    « Avec plaisir ».

    Non, ce n’est pas grave qu’il n’y ait pas d’électricité, ni de télé, je dirais même que c’est un luxe : quand la télé est absente, c’est l’amour et la sensualité qui prennent la place. Toute la place.

    Un instant plus tard, je suis penché sur le bassin de mon beau mâle brun, après plusieurs jouissances, une odeur un peu forte mais délicieuse, s’échappe du coton fin et me rend fou. Je glisse mes doigts dans le boxer et j’en extrais sa queue à nouveau raide, magnifique, conquérante.

    Un instant plus tard, le boxer a volé, mais le t-shirt n’a pas quitté son torse de malade, j’ai tellement envie de le pomper jusqu’à le faire jouir !

    La cheminée flambe et chauffe, et je suis en train de sucer le garçon, l’homme que j’aime, dans cette tenue sexy à mort, ce t-shirt blanc qui est comme une deuxième peau, avec une manchette qui tombe pile au-dessus de son brassard tatoué, alors que l’autre s’amuse à jouer à cache-cache avec son nouveau tatouage, avec cette chaînette de jeune mâle posée sur le coton, et moi, je ne cesse de me répéter que c’est pas possible d’être sexy à ce point, et aussi que j’en ai de la chance, putain, de pouvoir connaître l’amour et le plaisir avec cette bombasse de mâle !

    Pendant que je m’emploie à lui procurer un maximum de plaisir, ses mains caressent mes épaules, mon cou, le bas de la nuque, ses doigts d’évertuent à agacer mes tétons, me poussant violemment vers le précipice de la folie.

    Mon Jérém frissonne, souffle très fort, fou de plaisir, sa queue bien raide me remplit la bouche et me remplit de bonheur, je sens que je ne vais pas tarder à lui offrir un nouvel orgasme, je devine que, dans pas longtemps, son jus de mâle va tapisser mon palais de ce goût enivrant qui me rend dingue.

    Je ne me trompe pas.

    « Je viens » je l’entends lâcher, comme à bout de souffle.

    Je kiffe à mort l’entendre m’annoncer l’arrivée de son plaisir ultime, j’adore l’entendre me l’annoncer sur ce ton, la voix cassée, débordée par le plaisir.

    Les giclées qui percutent mon palais sont nombreuses, puissantes : et qu’est-ce qu’elle est bonne sa semence de jeune mâle !

    « Tu veux ma peau » fait-il, essoufflé.

    « Non, juste te faire plaisir ».

    Je lui fais des bisous. Sa respiration est toujours très profonde, très rapide, elle ne semble pas vouloir se calmer. Le bogoss est en nage, il se débarrasse de son t-shirt blanc.

    « Ça va ? » je lui demande.

    « Oh, oui, c’est juste que quand j’enchaîne comme ça, à chaque fois c’est plus violent ».

    « Je veux te rendre fou de plaisir ».

    « T’as envie de jouir, toi ? » il me demande, le regard rivé sur mon boxer déformé par l’érection.

    « Plus tard, Jérém, y a le temps ».

    Si tu savais, mon Jérém, à quel point je suis bien là, j’ai adoré te sucer, sentir que tu prends ton pied, te faire jouir, recevoir tes giclées, les avaler : tu n’imagines même pas à quel point mon bonheur suprême réside dans le fait de te faire jouir, toi, à quel point ta jouissance est ma jouissance. T’as joui, ça me suffit, je n’ai besoin de rien de plus. Mon plaisir à moi commence et s’arrête avec celui de mon bomâle.

    « T’es tellement sexy, alors, tu vas devoir assurer ».

    « Tu vois bien que j’assure » il se marre, le coquin.

    Puis, il se lève, s’approche de la cheminée, il s’assoit sur la vieille couette en position de trois quarts par rapport à moi, et s’allume une cigarette.

    « Je croyais que tu voulais arrêter » je le taquine.

    « Je ralentis, mais il y a des cigarettes qui restent, obligées, après le café, après les repas, après le sexe ».

    « Dans ce cas, tu risques de fumer beaucoup ce week-end ».

    « J’ai été chercher une cartouche en Espagne, ça devrait aller » il se marre.

    Je le regarde en train de fumer en silence, assis devant la cheminée, les genoux repliés, le dos légèrement arrondi, ses pecs rebondis, son nouveau tatouage, courant depuis son biceps, glissant sur son épaule, remontant jusqu’à son cou, bien en vue, et je regarde, à la fois fasciné, subjugué et ravagé de désir, ses abdos qui restent saillants malgré la position vraiment pas apte à les mettre en valeur : et là, il ne me reste qu’à constater, une fois de plus, à quel point la perfection de sa plastique est éblouissante.

    Sur son visage, cet air un peu sonné, un air de mâle repu après l’amour, qui me rend fou. Le bogoss capte mon regard insistant et me sourit.

    « Qu’est-ce qu’il y a ? » fait-il, adorable.

    « Qu’est-ce que t’es beau » je lâche, comme une nécessité, une évidence « parfois je n’arrive pas à croire qu’un mec comme toi ait envie de moi ».

    « Mais tu rigoles ? Toi aussi t’es beau ! ».

    « Tu m’a jamais dit ça ».

    « Si je te l’ai dit ».

    « Non, jamais ».

    Le bogoss continue à fumer en silence.

    « Depuis quand ? » je reviens à la charge.

    « Depuis quand, quoi ? ».

    « Depuis quand tu me trouves beau ? ».

    « Je ne sais pas » il balance, l’air de rien.

    « Allez, dis-moi, je vais pas le répéter » je tente de l’amadouer.

    « Tu me pompes l’air » fait-il, tout autant amusé qu’agacé.

    « Je préfère te pomper tout court »

    « Ah, ça je sais » fait-il, avec un petit sourire coquin en pièce jointe, en expirant la dernière bouffée de fumée et en jetant son mégot dans le feu.

    Puis, il revient au lit, sa respiration s’est calmée, il repasse son t-shirt blanc, il s’allonge sur le dos, les coudes pliés, les mains croisées entre la nuque et l’oreiller, l’air songeur. Il est beau comme un Dieu.

    Je me glisse sur lui, je le serre fort contre moi, je lui fais plein de bisous dans le creux du cou, ses bras se déplient, m’enlacent, sa bouche cherche la mienne.

    Je relève la tête, je le regarde droit dans les yeux : nos visages sont à vingt centimètres l’un de l’autre.

    « Tu vas pas m’avoir comme ça, je veux savoir depuis quand tu me trouves beau ».

    « T’es rélou » il rigole.

    « Et toi, depuis quand tu savais que je te kiffais ? » je tente une autre approche.

    « Depuis le premier jour du lycée, je dirais » il me balance du tac-au-tac.

    Oui, quand la télé est absente, c’est l’amour qui prend la place, et quand l’amour est là, souvent après l’amour physique, sur l’oreiller, la conversation vient toute seule, inspirée par l’envie et le plaisir de découvrir l’autre. Ou de se laisser découvrir par l’autre.

    « Ah bon, je me suis fait gauler si vite ? ».

    Pour toute réponse, le bogoss m’assène un petit sourire malicieux, sexy à mourir. Avant d’enchaîner :

    « Je me souviens de quand tu t’es pointé au lycée avec ton t-shirt jaune fluo ».

    « Tu te souviens de mon t-shirt jaune ? ».

    « Oui, il était ridicule ».

    « C’est clair qu’il était ridicule, c’est la faute de ma mère, moi je ne voulais pas d’un truc pareil pour mon premier jour de lycée, mais elle m’a obligé à le porter ».

    « C’est de ton regard que je me souviens surtout ».

    « Mon regard ? ».

    « Tu me matais grave ».

    « Quand je t’ai vu dans la cour du lycée avec tes potes, j’ai cru que j’allais me liquéfier sur place, je n’avais jamais vu un mec aussi beau de ma vie ».

    « Là, j’ai su que tu me kiffais grave ».

    « Et ça t’a fait quoi ? ».

    « Sur le coup, ça m’a un peu énervé, mais ça m’a aussi flatté, c’était bizarre ».

    « Oui, je devais avoir l’air très con ».

    « Non…pas du tout, t’avais l’air tout timide, t’avais peur de te faire gauler ».

    « Dès l’instant où je t’ai vu, j’ai eu envie de tout savoir de toi, de te connaître, d’être avec toi, de te serrer dans mes bras ».

    « T’avais déjà envie de coucher avec moi ? ».

    « Je ne sais pas, je crois que ce jour-là, j’étais tellement sous le choc que je ne savais même pas ce qu’il m’arrivait, quand je t’ai vu, j’ai ressenti comme une décharge électrique, un truc que je n’avais jamais ressenti avant, j’étais tout sens dessus dessous, et, franchement, je crois qu’à cet instant précis, il n’y avait encore rien de sexuel dans mes envies, je crois que j’étais amoureux ».

    « Pourtant, tu t’es pas privé de me mater ».

    « Te croiser a été comme une révélation pour moi ».

    « A ce point ? Je suis bogoss, mais quand-même… » il se marre.

    « Avant de te rencontrer, je savais déjà que je regardais les mecs et pas les nanas, mais ça restait vague, je n’arrivais pas encore à réaliser, à comprendre, à mettre des mots sur ce que je ressentais, mais quand je t’ai vu, ça été une évidence, une révélation, quand je t’ai vu, j’ai compris que je n’aimerai jamais les nanas, car il n’y avait que les mecs qui me touchaient, et toi, par-dessus tous, j’étais heureux de découvrir qui j’étais, mais ça me faisait peur aussi, mais c’était plus fort que moi, et te regarder me faisait du bien, je me disais que si je ressentais tellement de bonheur à regarder un mec comme toi, être gay ça ne pouvait pas être mal ».

    « Je me souviens de comment tu me matais au premier cours de sport, pendant que je me changeais dans les vestiaires ».

    « T’avais remarqué ça ? ».

    « Bien sûr que j’avais remarqué, tu me matais de ouf, je t’ai gaulé, et tu étais si gêné, t’as vite baissé le regard, c’était mignon ».

    « J’avais tellement peur que tu te mettes en pétard, et encore plus que tu me traites de pd devant tout le monde ».

    « Je ne l’ai jamais fait ».

    « C’est vrai, mais les autres oui ».

    « Tu sais, il m’est arrivé de demander à certains potes d’arrêter de te faire chier ».

    « C’est vrai ? ».

    « Oui, ça me mettait en rogne de voir des crétins s’acharner sur toi ».

    « C’est gentil ça, mais je ne m’en suis jamais rendu compte ».

    « Je le faisais discrètement, et à un moment j’ai même dû arrêter, je commençais à entendre des camarades dire que je prenais ton parti, ils commençaient à se moquer de moi aussi, je regrette de ne pas avoir su leur tenir davantage tête ».

    « Je me souviens d’une fois où tu m’avais sorti d’une rogne avec un con qui me taxait des cigarettes ».

    « Le voyage en Espagne ».

    « Tu t’en souviens aussi ? ».

    « Bien sûr ».

    « T’as été super ».

    « Je ne supportais pas ce connard, il était trop rélou avec toi ».

    « C’est clair »

    « Mais rien ne t’obligeait à venir m’aider ».

    « J’avais envie de le faire, et j’avais aussi envie de t’impressionner au passage ».

    « C’était réussi, quand t’es réparti dans le couloir, j’avais tellement envie de toi ».

    Il me sourit, je lui fais des bisous.

    « J’ai un autre très bon souvenir de ce voyage » je relance, friand de cette « découverte de l’envers du décor » à laquelle j’ai enfin accès. Tant de questions se bousculent dans ma tête. Le train de souvenirs est lancé, ce serait dommage de ne pas profiter du voyage.

    « Je parie que je sais duquel il s’agit ».

    « Vas-y, raconte » je le mets au défi.

    « Le soir du retour ».

    « Bingo, alors, dis-moi, pourquoi t’es venu t’installer à côté de moi, alors que tu m’as ignoré pendant tout le voyage ? ».

    « Je ne sais pas, j’en avais envie, pendant tout le voyage, j’ai eu l’impression que tu m’évitais, alors, j’ai voulu savoir si tu étais vraiment fâché, alors, t’étais fâché ? ».

    « Non, enfin, si, quand-même un peu ».

    « Et pourquoi ? ».

    « Je t’en voulais d’avoir roulé des pelles à ma meilleure copine pendant tout le séjour ».

    « Ah, c’était ça ».

    « Oui, c’était ça, parce que je voulais être à sa place, je lui en voulais à elle aussi, c’est con, parce qu’elle ne pouvait pas savoir que j’étais fou de toi, mais pendant le voyage de retour, je t’avais déjà pardonné, e, fait, je t’avais pardonné à l’instant même où tu m’avais sauvé la mise avec l’autre connard, et surtout quand j’avais vu que t’avais arrêté de la peloter ».

    Il sourit, coquin.

    « J’ai adoré me réveiller et te retrouver allongé sur mes genoux, mais j’avais tellement peur que tu te réveilles et que tu te mettes en rogne » je continue.

    « J’étais bien sur tes genoux, en plus, t’avais posé ta main sur mon torse, tu ne t’en es peut-être pas rendu compte, mais je bandais ».

    « J’étais tellement gêné ».

    « J’ai vu »

    « Quand j’ai croisé ton regard, j’ai eu la trouille, mais t’as refermé les yeux ».

    « J’avais envie de te balancer un sourire pour te montrer que je kiffais, mais je n’ai pas osé, j’ai préféré faire comme si j’étais à moitié endormi ».

    « Moi je me suis branlé en rentrant à la maison ».

    « Moi aussi ».

    « Quel dommage ! » je m’insurge.

    « Pourquoi t’as été si froid en cours avec moi, après cette nuit ? ».

    « Parce que je n’assumais pas ce qui c’était passé »

    « Il ne s’était rien passé ».

    « Je sais, mais même ce « rien », c’était trop pour moi, après coup, je savais désormais à quel point tu me kiffais, et je savais aussi que j’avais kiffé ce « petit rien », j’avais bandé parce qu’un gars m’avait touché, j’avais honte, j’étais en colère contre moi, alors, je passais mes nerfs sur toi, je m’en voulais, et c’était plus simple de t’en vouloir à toi, alors, je jouais au con pour te tenir à distance, je voulais oublier ce que j’avais ressenti, et je ne voulais plus que ça arrive, quel con j’ai été ».

    « J’avais tellement envie de toi après ce moment, et ça a été la douche froide, après, en cours ».

    Son regard désolé est adorable et touchant, nous nous échangeons des bisous.

    « Une autre fois où j’ai failli te sauter dessus, c’est le jour du retour du voyage en Italie, quand on s’est arrêté déjeuner dans le Vaucluse ».

    « Il faisait une chaleur ce jour-là ».

    « Je me souviens de cette balade dans les vignes avec Nadia et Malik, je me souviens surtout quand ils sont partis se peloter et que je suis resté seul avec toi, je me souviens de toi, en train de fumer, appuyé à cet arbre, torse nu, et je me souviens de quand t’as ouvert les premiers boutons de ton jeans, je me souviens de l’élastique du boxer bien en vue, des poils en dessous de ton nombril humides de transpiration, je n’aime pas vraiment la chaleur, mais putain ! qu’est-ce que j’étais heureux qu’il fasse si chaud ce jour-là ! ».

    « Oui, il faisait chaud, mais le coup d’ouvrir le jeans, c’était surtout pour te tester, pour voir à quel point tu me kiffais, et je n’ai pas été déçu, pendant un moment, j’ai cru que t’allais vraiment te jeter sur ma braguette » fait-il souriant et coquin.

    « Et tu m’aurais laissé faire ? ».

    « Si on avait été que tous les deux, peut-être bien que oui ».

    « T’avais envie aussi, alors ».

    « C’est ton regard qui m’a donné envie, d’ailleurs, j’ai commencé à bander, c’est pour ça que j’avais voulu qu’on revienne vite au bus ».

    Nos souvenirs flottent sur quelques instants de silence, nous échangeons de nouveaux câlins.

    « Je me souviens d’une autre fois où ton simple regard a failli me faire bander » il relance. Ah, putain, qu’est-ce que j’aime cette conversation !

    « Quand, ça ? ».

    « Une fois, après le cours de sport, je t’ai gaulé pendant que tu me matais sous la douche ».

    « Ah putain, si je me souviens de ce jour-là, c’était la première fois que je te voyais à poil, j’étais trop gêné, j’avais toujours évité de prendre la douche en même temps que toi, et tu étais tellement beau, encore plus beau que ce que j’avais pu imaginer, je découvrais tes fesses d’enfer, j’avais tellement envie de voir comment tu étais monté ».

    « Tu voulais savoir si j’étais bien monté ? ».

    « Je voulais juste savoir à quoi elle ressemblait, je voulais juste voir comment t’étais foutu ».

    « J’ai kiffé te montrer ma queue, et de voir à quel point t’en avais envie, je savais que les nanas aimaient ma queue, mais toi, toi tu me regardais comme si j’étais un Dieu ».

    « J’ai cru que t’allais me taper sur la gueule, ou que t’allais te moquer de moi, pauvre pd qui n’avait aucune chance de coucher avec toi ».

    « En fait, je voulais juste t’allumer, mais t’as détalé comme un lapin ».

    « J’avais honte, je suis parti me changer, je voulais être parti avant que tu reviennes des douches, mais je n’ai pas été assez rapide, et quand t’es revenu, tu m’as balancé un regard de tueur, un regard, style, je sais que tu me kiffes, mais tu ne m’auras jamais ».

    « Je voulais juste t’allumer ».

    « T’avais vraiment envie ? ».

    « Je crois bien, oui ».

    Un nouveau silence s’installe, pendant lequel je ne me lasse pas de caresser son torse musclé, avec cette douce, virile pilosité naturelle.

    « Tu laisses pousser maintenant ? ».

    « Tu aimes ? ».

    « J’adore, ça me rend fou ! ».

    « J’en avais marre de raser ».

    « Ne coupe plus jamais, t’es si beau comme ça ».

    Je plonge mon nez dans ses poils et je couvre son torse de bisous.

    « J’ai aussi arrêté de couper parce que tu m’avais dit que tu kiffais ».

    « Je t’adore, Jérém ».

    « Tu te souviens de la soirée d’anniversaire chez Thomas ? » il me lance, de but en blanc.

    « Oh, que oui, pourquoi ? ».

    « Non, pour rien, laisse tomber ».

    « Allez, dis-moi ».

    « Laisse tomber, je te dis ».

    « T’étais vraiment jaloux que je matte Thomas ? ».

    « Non » fait-il, en rigolant sous la moustache.

    « Menteur ».

    « Peut-être ».

    « Pourquoi tu me parles de cette soirée ? ».

    « Parce que, parce queeee, parce que je crois, je crois que ce soir-là j’avais vraiment envie de coucher avec toi ».

    « Et pourquoi tu ne me l’as pas dit ? ».

    « J’ai essayé ».

    « Ah bon ? ».

    « Je t’ai posé une question ce soir-là, tu te souviens ? ».

    « Si j’avais été une nana, si j’aurais préféré sucer Thomas ou toi ».

    « Exactement ».

    « J’ai cru que tu voulais te payer ma tête »

    « Non, je voulais vraiment savoir ».

    « Et moi je croyais que tu voulais te moquer de moi, me faire marcher ».

    « Pas du tout, si t’avais répondu à la question ».

    Puis, il marque une pause, comme s’il n’osait pas arriver au bout de son propos.

    « Dis-moi » je le presse.

    « Si t’avais dit que tu préférais me sucer, j’allais te proposer de nous retrouver chez moi ».

    « T’avais bu ».

    « J’avais bu assez pour ne pas trop réfléchir mais je savais très bien ce que je faisais ».

    « Et on aurait commencé les révisions des mois plus tôt » je raisonne à haute voix, tout en réalisant le nombre d’occasions manquées de nous retrouver, tout le temps que nous avons perdu ».

    « Oui, je crois ».

    « Quel gâchis, quand je pense que c’est exactement le fantasme que je me suis payé en rentrant, lorsque je me suis branlé dans mon lit ».

    « Quel fantasme ? ».

    « Pendant que je me branlais, je me suis imaginé te dire que c’était toi que je voulais sucer, et que tu m’aurais proposé de te suivre chez toi ».

    Il sourit.

    « C’est dommage quand-même » je considère.

    « On s’est bien rattrapés depuis ».

    « C’est clair ».

    « Heureusement que t’as fait le premier pas, sinon on en serait encore à nous tourner autour » il me lance.

    « On se serait même perdus de vue déjà, après le bac »

    « C’est bien possible »

    « C’est l’approche du bac qui m’a poussé à faire ce premier pas, je trouvais horrible l’idée que la fin du lycée arrive, et qu’on parte chacun de notre côté, sans avoir tenté de t’approcher, après t’avoir kiffé comme un malade pendant trois ans ».

    « Moi aussi je trouvais ça dommage, mais je n’aurais pas eu le cran de te proposer de venir chez moi, comme ça, à jeun, même pour réviser les maths, et Dieu sait que j’en avais besoin ».

    « Si tu savais le nombre de branlettes que je me suis tapé en pensant à toi ».

    « Moi aussi je me suis branlé en pensant à toi ».

    « C’est vrai ? T’en avais pas assez de toutes les meufs que tu te tapais ? ».

    « Non » il fait, sur un ton sans ambiguïté, puis, après une petite pause, il continue : « tu sais, ton petit cul je l’ai maté souvent, bien plus souvent que tu ne l’imagines ».

    Ses mots m’excitent. Je bande. Je sens que lui aussi il bande, je sens la « bête » se raidir le temps d’un éclair.

    « Et tu lui ferais quoi, à mon petit cul, si tu l’avais là, à disposition, tout de suite ? ».

    « Pourquoi, il est à ma disposition, là, tout de suite ? » il me cherche, l’air fripon.

    « Il se pourrait bien ».

    « Tu veux vraiment savoir ? » fait-il, une étincelle très coquine dans le regard.

    « Je crois bien, oui ».

    « Alors tu vas savoir ».

    Et ce disant, le bogoss me fait basculer, je me retrouve allongé sur le ventre, son corps allongé sur le mien, son manche raide calé entre mes fesses.

    « Tu la veux, hein ? ».

    « Oh, que oui, je la veux, je te veux ».

    Ses mains empoignent mes fesses, les écartent, mettent mon petit trou en tension, le préparent à se faire envahir, je sens tout le poids et la chaleur de son corps sur mes jambes, mes cuisses, mes fesses, mon dos, son gland met mon trou en joue, sa queue glisse en moi, lentement, le mouvement est précis, nos corps s’emboîtent comme deux pièces de puzzle contiguës, comme s’ils avaient été conçus exprès l’un pour l’autre.

    Jérém me pilonne doucement, tout en caressant mon cou avec ses lèvres, tout en glissant ses mains entre le matelas et mon torse pour aller chatouiller mes tétons, je prends appui sur mes coudes, je relève le haut de mon torse pour lui faciliter la tâche.

    Mais déjà le bogoss pose ses mains à plat sur le matelas de part et d’autre de mes épaules, ses pieds crochètent mes chevilles, son corps est en suspension au-dessus du mien, ses coups de reins se font de plus en plus puissants et rapides, j’adore le sentir prendre son pied en moi, j’adore me sentir à lui.

    « Ah, putain, qu’est-ce que c’est bon » je l’entends chuchoter, la voix étouffée par l’excitation.

    « Tu fais ça comme un Dieu ».

    Ses coups de reins ralentissent, il se déboîte de moi, le petit con s’amuse à agacer mon trou avec son gland, il me fait languir : c’est à la fois un délice et une torture insupportable. Je frémis, je tremble d’excitation. Une excitation qui grimpe encore d’un cran lorsque je sens ses lèvres effleurer mon oreille, son souffle chaud chatouiller ma nuque, et sa voix excité me chuchoter :

    « Qu’est-ce qu’il y a, elle te manque déjà ? ».

    « Oh, putain, oui ».

    « Elle est bonne ma queue ? ».

    « Elle est plus que bonne, elle me fait tellement de bien ».

    « Elle te fait bien jouir, hein ? ».

    « C’est juste un truc de fou ».

    « T’as envie que je te défonce, hein ? ».

    J’adore quand mon Jérém me fait l’amour, quand il est tout doux, mais je kiffe tout autant quand son côté mâle dominant refait surface.

    « J’ai envie que tu me secoues comme tu sais si bien le faire ».

    « Je vais te le secouer, t’inquiètes ».

    Et, ce disant, il s’enfonce bien profondément en moi, d’une seule traite. Ce qui me fait sursauter et gémir de bonheur.

    « Qu’est-ce qu’il et bon ton cul ».

    « Tu l’aimes mon cul, hein ? » je le cherche à mon tour.

    « Quand je le regarde, j’ai qu’une envie ».

    « Quelle envie ? ».

    « De lui jouir dedans ».

    « Alors prends-le et remplis-le ».

    Et là, alors que je m’attends à que mon Jérém recommence à me pilonner direct avec un bouquet final de bons coups de reins, avant de me remplir de son jus brûlant, je sens sa queue me délaisser à nouveau, s’extirper de moi d’un geste rapide, je sens son corps se dérober.

    Instinctivement, je me retourne : qu’est-ce qu’il est sexy dans son t-shirt blanc, il me rend dingue !

    Je croise son regard, je comprends son envie, j’écarte mes jambes, il se glisse entre, ses mains saisissent un oreiller, je soulève mon bassin, il saisit mes fesses, j’ouvre un peu plus mes cuisses, son gland vise juste, mon trou s’ouvre à lui, sans opposer la moindre résistance.

    Oui, quand l’amour est là, les intentions des corps se comprennent sans mots, les gestes s’enchaînent avec une coordination parfaite, comme une chorégraphie millimétrée, dans le sexe et la tendresse, c’est le désir (et l’amour) qui fait l’adresse.

    Le feu crépite dans la cheminée et le bogoss revient en moi, il recommence à me faire l’amour, toujours habillé de son t-shirt blanc, j’allonge les bras pour aller agacer ses tétons par-dessus le coton fin, je suis fou de plaisir.

    « Qu’est-ce que t’es sexy ».

    « Tu me kiffes, hein ? ».

    Mon Jérém aussi est fou de plaisir.

    « Grave, j’ai tellement envie de toi ».

    « Tu la sens bien, là ? » fait-il, tout en cessant ses coups de reins et forçant avec son bassin pour s’enfoncer très loin en moi, pour me remplir, pour me posséder entièrement. Je suis assommé d’excitation et de plaisir.

    « Ah, oui, je la sens très bien, et c’est tellement bon ».

    Il recommence à me pilonner, je recommence à agacer ses tétons par-dessus le coton blanc. Mais très vite le bogoss a l’air d’avoir chaud : il l’attrape le t-shirt par le bas, le relève jusqu’à le coincer au-dessus de ses pecs, je suis toujours impressionné par cette rencontre magique, l’alchimie entre un t-shirt moulant et un torse sculpté : et puis, j’ai beau savoir pertinemment ce qui se cache sous le coton fin, à chaque fois c’est un choc.

    Mes doigts se délectent désormais du contact direct avec ses pecs d’acier et des tétons saillants garnis de petits poils, un contact fait à la fois de fermeté, de puissance et de douceur.

    Le bogoss continue de me pilonner, l’air d’avoir toujours aussi chaud : quelques instants plus tard, il remonte encore le t-shirt, il coince la partie avant derrière le cou, laissant juste ses épaules et ses biceps enveloppés par le coton blanc : geste qui me met carrément dans un état second. Je suis assommé par tant de sexytude.

    « J’ai trop envie que tu me gicles dedans » je ne peux m’empêcher de lâcher.

    « Mais je vais bien te fourrer, oui, t’inquiètes ».

    « T’es vraiment un bon mâle, mon bel étalon toulousain ! ».

    « J’ai chaud » fait le bogoss, tout en se libérant définitivement de son t-shirt blanc avec un geste très rapide, avant de le balancer nonchalamment quelque part dans la pièce, geste qui dévoile au passage toute l’envergure de son torse de malade, ses tatouages sexy, sa chaînette de jeune mâle posée entre des pecs.

    Puis, sans se déboîter, il s’allonge sur moi et me fait des bisous, à la fois fougueux et doux, il recommence à envoyer des petits coups de reins, ses abdos chatouillent mon gland, sa langue agace mes tétons, mon Jérém frissonne, il a l’air transporté comme jamais : mon Jérém est fou de plaisir, fou de moi !

    Je suis tout aussi fébrile, je lui rends ses bisous, mes lèvres gourmandes embrassent tout ce qui leur arrivé à portée, joues, lèvres, oreilles, cou, épaules.

    « C’est trop bon » je l’entends susurrer, alors qu’il s’abandonne sur moi de tout son poids et que son visage se laisse glisser dans le creux de mon épaule.

    « Pour moi aussi c’est trop bon ».

    Certes, le plaisir sexuel est à cet instant à son paroxysme, mais ce qui est trop bon par-dessus tout c’est de me retrouver à la fois emboîté avec mon Jérém et dans les bras de ce nouveau Jérém, d’être en train de mélanger mon plaisir avec ce Jérém qui a tout aussi bien envie de prendre son pied, de le prendre avec moi, de m’offrir du plaisir, me faire l’amour, de me baiser, et de m’offrir une immense tendresse.

    Soudainement, le bogoss arrête ses va-et-vient, son corps est secoué par des frissons qui ressemblent presque à des spasmes, il halète bruyamment.

    « Je ne vais pas tarder à venir ».

    « Vas-y, mon amour ».

    Un instant plus tard, Jérém se dresse devant moi, le torse bien en arrière, les pecs bien bombés, il attrape mes chevilles, il les pose sur ses épaules, et il recommence à me pilonner : vraiment, c’est beau un mâle qui s’envole vers son plaisir ultime.

    Mais le mâle ne pense pas qu’à son propre plaisir : et alors que ses va-et-vient l’approchent à grands pas de l’orgasme, sa main me branle de plus en plus vite. C’est tellement bon que je ne tarde pas à me sentir perdre pied.

    « Je viens » je lui lance alors que j’ai déjà perdu le contrôle de mon corps.

    « Moi aussi » je l’entends siffler, le souffle coupé par l’orgasme.

    Oui, quand l’amour est là, la jouissance de l’un entraîne souvent celle de l’autre.

    Mes giclées s’enchaînent, décorant mon torse de longues traînées brillantes.

    « Oh, Nico » je l’entends soupirer, alors que ses coups de reins s’espacent, son torse part encore un peu plus en arrière, ses pecs deviennent encore plus saillants, son visage se lève vers le ciel, sa bouche s’ouvre à la recherche d’air, sa pomme d’Adam s’agite nerveusement dans son cou faisant vibrer son grain de beauté et sa chainette sexy. Et alors que l’onde de choc de l’orgasme fait vibrer tout son être masculin, mon bel étalon brame son orgasme comme jamais je ne l’ai entendu faire auparavant.

    Jérém vient de jouir en moi, il respire très fort, il est en nage, il dégage lentement mes mollets de ses épaules, il a l’air vraiment épuisé. Pourtant, il me balance un sourire, un sourire de malade, de malade ! Qu’est-ce qu’il est beau et touchant ce sourire, juste après l’orgasme !

    Puis, il amorce le mouvement pour s’allonger sur moi.

    « Fais gaffe, j’en ai partout » je tente de le prévenir.

    « Je m’en fous » fait-il, tout en collant son torse contre le mien, en enfonçant son visage dans le creux de mon épaule et en posant quelques bisous légers sur ma peau. J’adore, après l’amour, le voir assommé par l’orgasme, j’adore me blottir entre les pattes chaudes, sentir le contact avec la toison douillette de mon mâle.

    « C’est tellement bon avec toi » je l’entends lâcher, alors que son souffle chaud caresse mon cou.

    « Je suis un bon coup, hein ? » je le cherche.

    « Grave, un super bon coup ».

    « Et toi, alors ».

    Comme à chaque fois que Jérém vient de gicler en moi, je suis ivre de lui, et j’ai envie de flatter son ego de mâle.

    « T’es vraiment fait pour ça ».

    « Je suis fait pour quoi ? » fait-il, en relevant sa tête et en plantant ses yeux dans les miens. Je lui fais un bisou, avant de lui répondre :

    « T’es un vrai mâle, t’es fait pour jouir et donner du plaisir avec ta queue ».

    « T’as vu comment tu me chauffes ? ».

    « Et toi, donc ? T’es tellement bon au pieu, et tellement mec dans ta façon de prendre ton pied, de me toucher, putain, comment tu me fais vibrer ».

    « Comment ça ? ».

    « Peut-être que tu ne t’en rends même pas compte, mais quand tu fais l’amour, t’as des gestes et des attitudes qui me rendent dingue, ton regard, tes mouvements, les positions de ton corps, ta respiration, ta transpiration, tout ce que tes muscles expriment, la façon dont tes mains me touchent, me guident, me parlent de tes envies, ta façon de foncer vers le plaisir, et aussi ta façon de me chauffer avec tes mots, j’adore quand t’es tellement excité que ton côté dominant ressort, je kiffe à mort, et j’aime jouir en même temps que toi. Et en plus tu enchaînes, t’as toujours la trique ! ».

    « Tu sais, il n’y a qu’avec toi ».

    « De quoi ? » je fais, intrigué.

    « Il n’y a qu’avec toi que j’enchaîne autant de fois dans une nuit ».

    « Avec personne d’autre ? ».

    « Non, personne, jamais ».

    « C’est vraiment fou comment on se fait du bien » je considère.

    « Oh, que oui ».

    « Et j’aime tout autant être dans tes bras, après, comme maintenant ».

    « Moi aussi » il lâche, après un instant de silence, en me regardant droit dans les yeux.

    Dans sa voix, dans son regard, je le sens si heureux.

    Son sourire doux et adorable, c’est le sourire d’un petit gars que se laisse enfin aller, le sourire d’un mec qui a un besoin immense de recevoir et de donner de l’amour.

    « J’en ai faites des conneries, mais si j’ai fait une bonne chose, c’est de t’appeler ».

    « Merci Maxime » je rigole.

    « Je crois que je t’aurais appelé même si le frérot ne m’avait pas botté le cul, je ne pouvais pas partir à Paris de cette façon, après m’être comporté comme un salaud ».

    A cet instant précis, j’ai envie de le caresser, de le serrer contre moi, de lui faire mille câlins, mille bisous. J’ai envie de ne plus jamais partir de cette maison, de ce lit, de cette étreinte avec mon adorable Jérém.

    Sa chaînette effleure la peau entre mes pecs, alors, je trouve marrant d’attraper quelques mailles pour l’attirer vers moi et lui faire un bisou.

    « Ça vient d’où cette chaînette ? » j’ai envie de lui demander.

    « C’est un cadeau ».

    « Un cadeau de qui ? ».

    « De ma mamie, elle me l’a offert à la rentrée de seconde, enfin, ma « première » seconde, j’y tiens beaucoup ».

    Qu’est-ce qu’il me touche, mon bel étalon, lorsqu’il redevient poulain en parlant de ses grands-parents.

    « J’ai chaud » il s’exclame, tout en relevant son torse et en se déboitant de moi.

    Il attrape du sopalin, il m’en passe un bout, je le regarde en train d’essuyer son torse, opération qui prend un certain temps, le relief de ses abdos ne facilitant pas les opérations de nettoyage…

    Un instant plus tard, il s’allonge à côté de moi, sur le dos, il pose une main par-dessus son nombril, il ferme les yeux, il prend une inspiration profonde, puis il émet une expiration tout aussi longue.

    « Ça va ? » je lui demande une nouvelle fois.

    « Si si, ça va très bien, c’est juste que, je ressens une chaleur de fou dans le ventre, comme s’il y avait du feu dedans, je crois que je n’ai jamais autant pris mon pied ».

    « Moi non plus je n’ai jamais autant pris mon pied ».

    Et, ce disant, je change de position, je m’allonge de façon à pouvoir poser ma tête sur ses abdos, je me laisser bercer par la chaleur de sa peau, par sa respiration – qui se calme enfin –, je m’enivre de cette petite odeur si particulière que dégage son corps après l’amour : une odeur à la fois forte et douce, une odeur de transpiration, de sexe, une odeur de petit mâle, comme si son corps tout entier sentait l’amour.

    La cheminée irradie sa chaleur rassurante, et la main puissante et chaude de Jérém vient se pose sur mes abdos, sur ce ventre que sa queue et sa semence viennent de chauffer à blanc.

    Je tourne la tête pour le regarder : le feu de la cheminée illumine son beau visage. Jérém dort déjà.

    Je le regarde longuement, inlassablement, jamais repu de sa beauté presque surnaturelle, tout, chez mon Jérém, respire une sensualité de chaque instant, une sexualité débordante, tout chez lui crie au sexe. Pourtant, à cet instant précis, une infinie tendresse se dégage de lui.

    Je me lève, je passe à la salle de bain, lorsque je reviens au lit, mon Jérém s’est glissé sous les draps, il est toujours allongé sur le dos, l’air endormi comme un bébé. Je me glisse à mon tour sous les draps et je m’allonge contre lui, et là, comme s’il avait ressenti ma présence et mon vœux le plus cher, il se tourne sur un flanc, dans la position idéale pour que je puisse le prendre dans mes bras : même dans le sommeil, les gestes et les intentions se combinent avec une perfection bouleversante.

    Mes jambes épousent ses jambes, mes cuisses les siennes, mon torse son dos puissant, mon visage, le creux de son épaule, mon bras enserrent sa taille.

    La chaleur de son corps contre le mien, son parfum léger qui enivre mes narines, sa respiration paisible, sa présence rassurante : je crois qu’il faudrait pouvoir capter tout mon ressenti à cet instant précis pour illustrer pleinement le mot « Bonheur ».

    « Bonne nuit, mon amour » je ne peux m’empêcher de lui chuchoter à l’oreille, tout en posant quelques bisous dans son cou.

    Pour toute réponse, je n’obtiendrai qu’un petit grognement, que je trouve pourtant tout mignon. Mais alors que je crois que mon bonheur est parfait, quelque chose vient me rappeler que tout degré d’émotion, même celui qu’on croirait d’une intensité ultime, est en réalité tout à fait relatif : ainsi, lorsqu’un instant plus tard, sa main saisit la mienne et la pose sur ses pecs, mon bonheur atteint des sommets dont je ne soupçonnais même pas l’existence.

    Oui, dans cette maison isolée au bout du monde, il s’est produit un petit miracle : entre ces quatre murs en pierre, j’ai trouvé le Jérém de mes rêves. Et il est pourtant bien réel. Je suis tellement heureux, que j’ai à nouveau envie de croire en l’amour, en Jérém et moi, en nous.

    Je sais que le temps nous est compté, que dans quelques jours (je ne sais même pas quand, nous n’en avons même pas parlé), mon Jérém partira à Paris, et moi à Bordeaux, mais depuis ce baiser sous la halle de Campan, voilà que ces montagnes, cette petite maison, cette cheminée qui dégage une chaleur douce et rassurante, sont le seul horizon dont j’ai besoin.

    Car dans ces montagnes, dans cette maison, dans ce lit, dans cette accolade avec mon Jérém après l’amour, je me sens terriblement bien, je me sens en sécurité, comme on se sent en sécurité quand on se sent aimés.

    Alors, je me refuse de penser à demain : j’ai envie de lâcher prise, de vivre l’instant, chaque instant de ces quelques jours et nuits qu’il nous sera donné de passer ensemble, j’ai envie de me laisser porter, de me laisser conduire vers l’inconnu, de perdre pied, si délicieusement, de découvrir autant que je le peux, ce nouveau, incroyable, adorable Jérém.

    La pluie a cessé de tomber, mais le vent souffle toujours, dehors, il doit faire froid, mais à l’abri dans cette petite maison, il fait chaud, il fait bon, il fait bonheur. Et cette masure sans électricité devient un château. Je voudrais que ce moment dure à tout jamais.

    Bercé par le bruit léger de sa respiration, enivré par la chaleur, la douceur, l’odeur délicieuse de sa peau, je m’endors.

    Commentaires

    ZurilHoros

    09/06/2020 13:12

    Après un épisode torride, celui-ci est romantique et douillet. Nico se retrouve en immersion dans la bulle de Jerem, sans qu’il n’y ait la moindre tension entre eux. Une ambiance « au coin du feu » .
    On découvre l’envers du décor du monde de Jeremie. Si on est un minimum sensible, on se doutait que le rôle qui était le sien n’était qu’un rôle de façade.
    Tout au long du chapitre, on fait connaissance avec un garçon débrouillard, affectueux envers ceux qu’il aime et qu’il admire. Un garçon qui n’est en confiance que lorsqu’il se sent entouré de bienveillance. On ne peut pas le qualifier de solitaire mais il plane sur lui un nuage de solitude. Peut être parce qu’il garde ses pensées et ses sentiments pour lui.
    Ce n’est peut être pas le chapitre le plus spectaculaire, mais c’est un chapitre qui rend heureux et ou on se dit que tout devient possible. 

    Commentaires

    moulbox

    03/02/2019 20:42

    Super texte, difficile de rester insensible, résultat: début demi-gaule pour finir avec poutre apparente. Une tuerie dans le boxer!!!

    Etienne

    07/01/2019 22:55

    Bonne année et plein de bonnes choses pour toi Fabien en cette nouvelle année, ainsi qu’à tous les lecteurs des aventures de J&N.
    Bravo Fabien pour cet épisode que je n’espérais plus: Jerem et Nico sont craquants.
    Mais comme d’autres, je redoute un peu l’aterrisage après ce WE à la montagne…
    Vite, Fabien, rassure nous !
    Etienne

    Yann

    07/01/2019 11:51

    C’est si beau et si émouvant. On a envie que ça dur toujours que ça ne finisse pas. Comme floretdenon la suite me fait un peu peur car quand on atteint de tels sommets il y a toujours le risque de dégringolade et de souffrance. Mais quoi qu’il arrive cette histoire est trop belle. Très bonne année à tous les lecteur de cette  histoire, bonne année à toi Fabien, merci de nous donner à partager ton talent pour l’écriture qui te teint tant à cœur.  

    florentdenon

    04/01/2019 17:45

    Merci pour ce nouvel episode sensible et erotique! La suite risque d’etre dechirante. Une belle lecture en perspective pour bientot j’espere. Bonne annee !

    Tiaganno

    02/01/2019 05:59

    Tellement beau tout ça. On peut dire qui sont en couple tellement qui sont chou :). Je veux trop la suite voir l’évolution du couple peut-être vivre ensemble mariage. J’espère qui vont plus jamais ce quitter et que avec thibault sa va s’arranger et que Nico découvre la famille de jérémie et l’inverse aussi. Je te souhaite une bonne année une belle santé que tes projets ce réalise que tu sois heureux en amour. Continue comme sa tes histoires sont magiques.

  • JN0204 Un nouveau, incroyable Jérémie.

    JN0204 Un nouveau, incroyable Jérémie.

    Vendredi 7 septembre 2001, au soir, il pleut à seau à Campan.

    « Je suis content que tu sois là » il me glisse à l’oreille, alors que la chaleur de son corps, la puissance de son étreinte, ses bisous dans le cou, son parfum m’étourdissent.

    « Tu veux toujours repartir à Toulouse ? » il me nargue, adorable.

    « Je crois que je vais attendre un peu ».

    Je ne peux résister à la tentation de chercher à nouveau le contact avec ses lèvres enfin accessibles, à l’envie brûlante de l’embrasser à nouveau, et de le serrer très fort contre moi. Nos baisers, nos caresses ont une intensité enflammée, fiévreuse : j’ai eu peur de le perdre à tout jamais et j’apprécie donc à sa juste valeur – immense valeur – le cadeau inouï de le retrouver. Et le plus beau dans tout ça, c’est que j’ai l’impression que c’est la même chose pour mon Jérém : que lui aussi a eu peur de me perdre, qu’il a eu peur que je ne vienne pas le rejoindre, malgré son invitation sincère, et qu’il est on ne peut plus heureux de me retrouver.

    Je ferme les yeux et dans ce déluge de baisers, je ressens la sensation de respirer enfin à pleins poumons, après avoir été en apnée pendant des semaines, depuis notre rupture, avec, en même temps, la sensation que la chape de plomb qui, depuis le début de nos révisions, empêchait Jérém de se dévoiler et à nos sentiments réciproques de se rencontrer, s’est évaporée.

    J’ai l’impression de me retrouver enfin face au (ou plutôt enlacé au) véritable Jérém, j’ai envie de croire que ses bras puissants vont m’enserrer et me protéger à tout jamais, j’ai envie de tout lui pardonner, j’ai envie de lui demander de tout me pardonner, j’ai envie de me jeter âme et corps dans ce bonheur enfin possible, envie de profiter de cet instant magique. J’ai juste envie d’être heureux. Avec lui.

    J’ai envie de pleurer et je pleure. Nos respirations profondes se mélangent, la chaleur de son corps réchauffe mon corps, mon cœur.

    Quelle longue route, sinueuse et accidentée, combien de questionnements, de peurs, de souffrances, d’erreur, de larmes, avant de connaître ce bonheur. La route a été rude, mais la destination en vaut largement la peine.

    Lorsque nos corps se séparent, nos regards se croisent, nos émotions respectives se découvrent, se comprennent. Mon bobrun aussi a les yeux humides. C’est beau et touchant un garçon qui se retient de justesse de pleurer de bonheur.

    « Tu es garé où ? ».

    « Sur, sur le, parking, de l’autre côté de la rue » je tente de lui répondre, en essayant péniblement de ne pas sangloter, face à ce bonheur insoutenable.

    Ses caresses, ses baisers – et, surtout, son tout premier, vrai baiser – m’ont mis ko : je suis comme lessivé, je me sens comme si un rouleau compresseur m’était passé dessus.

    Jérém me tend une main, et je la saisis, comme une évidence, nous traversons la halle, les doigts enlacés.

    Nous n’avons pas parcouru la moitié de sa longueur, et déjà je ressens le besoin irrépressible de tourner la tête pour regarder mon bobrun, comme pour me convaincre que je ne suis pas en train de rêver, la sienne se tourne au même instant, je rencontre son regard, son sourire ému, je lui souris à mon tour, et le bobrun m’attire une nouvelle fois contre lui. Qu’est-ce que j’aime le goût de ses lèvres et de sa langue, qu’est-ce que j’aime sa fougue, sa passion, son ardeur ! Qu’est-ce que j’aime ce nouveau Jérém !

    Nos lèvres sont toujours collées lorsque, du coin de l’œil, je capte une présence sous la halle : une femme avec un gros sac est en train de profiter de l’abri pour traverser la petite place. Elle nous voit, elle nous toise, elle écarquille grand les yeux, l’air visiblement offusqué par ce qu’elle voit.

    « Jérém, on est pas seuls » je le préviens.

    Quelques bisous plus tard, Jérém tourne la tête et capte la femme au gros sac et aux gros yeux qui n’arrête pas de nous mater, et, loin de se sentir mal à l’aise, mon bobrun la fixe à son tour de façon directe et insistante.

    « Qu’est-ce qu’il y a, t’as jamais embrassé personne ? » il la ramène, railleur.

    La femme presse le pas, l’air décontenancé.

    « On va y aller, Jérém, on peut nous voir ici ».

    « Je m’en bat les couilles », fait-il, en posant un dernier bisou sur mes lèvres.

    Nous arrivons sur le seuil de la halle, un pas de plus, et ce sont des trompes d’eau qui nous attendent. Jérém rabat la capuche de son pull, prêt à se jeter dans le déluge : je me prépare à lui enjamber le pas, lorsque son bras m’interdit d’avancer.

    Et là, je le vois rabattre à nouveau la capuche sur ses épaules, ouvrir le zip de son pull, avant de l’enlever carrément, dévoilant au passage le fameux maillot que je lui avais offert et qui lui va comme un gant – un gant sexy, redessinant à la perfection sa plastique de fou.

    Je ne me suis pas trompé, ni de maillot, ni de taille, ce bout de coton bien coupé, posé sur ses épaules, est un truc de fou : le V de son torse et ses biceps rebondis sont mis en valeur d’une façon qui donne le tournis, le col épouse son cou puissant à la peau mate, les trois petits boutons ouverts dévoilent la naissance de ses pecs à la pilosité naissante, pecs que le tissu souligne d’une façon scandaleuse, jusqu’à laisser pointer les tétons, chaînette, grain de beauté, brassard tatoué, le deuxième tatouage qui rentre par le biceps, ressort du col du maillot et remonte le long de son cou : chacun des ingrédients magiques de sa sexytude sont sublimés par ce maillot enchanté.

    Enchanté parce que, une fois encore, un simple bout de coton donne l’impression d’avoir été coupé sur mesure sur sa plastique de fou, enchanté, aussi, par ce que ce maillot représente – sa passion pour le rugby, son admiration pour un immense joueur – chose qui ajoute une aura, un supplément de sexytude à mon adorable Jérém.

    Un instant plus tard, le pull gris atterrit sur mes épaules.

    « Garde le, Jérém » je ne peux m’empêcher de m’exclamer, en comprenant ses intentions.

    Je suis profondément touché par son geste adorable, j’ai de plus en plus envie de pleurer.

    « Non ».

    « Tu vas te tremper ».

    « M’en fiche ».

    Je sais que je n’aurai pas gain de cause. Mon bonheur augmente encore d’un cran, à des sommets que je ne croyais même pas possibles. Non, je n’ai jamais été autant heureux de ma vie.

    Je passe le pull par-dessus mon blouson, et Jérém rabat la capuche sur ma tête : je suis immédiatement envahi par son odeur et par sa chaleur. Et je suis bien, tellement bien.

    Nos regards se croisent, nous sourires, nos bonheurs se mélangent : j’ai envie de le bouffer. Un clin d’œil de bobrun, et c’est le top départ : nous quittons la halle, nous fonçons sous la pluie en rigolant comme des gosses, j’ai envie de lui faire un million de bisous, de le prendre dans mes bras et de le serrer très fort contre moi, j’ai envie de faire l’amour avec lui, brûlante envie, la même envie que je vois dans ses yeux, aussi incandescente que la mienne.

    « Voilà ma voiture » je le préviens lorsque nous arrivons à proximité de ma caisse.

    « Tu m’amènes à la mienne ? ».

    « Bien sûr ».

    Bien sûr que je vais l’y amener : juste, il faudrait d’abord que j’arrive à ouvrir ma caisse. Mes mains tremblent, j’essaie d’ouvrir la porte, je n’y arrive pas, les clefs me tombent des mains, elles atterrissent dans un nid de poule rempli d’eau. Je les ramasse, elles sont glissantes, je tremble de plus en plus.

    Pendant que je galère, je capte mon bobrun en train de se mouiller à vue d’œil, les cheveux bruns ruisselants d’eau, l’air pourtant amusée, il est beau à en pleurer.

    Je ne sais pas comment, mais j’arrive enfin à ouvrir la porte conducteur.

    « Il était temps » il se marre.

    « Ne te moque pas ».

    Je rentre dans la voiture, j’ouvre la porte passager, le bogoss rentre comme une furie.

    « Si j’avais su, je n’aurais pas pris ma douche ».

    « Petit con » je lui balance, juste avant que nos lèvres s’attirent à nouveau. Nous nous embrassons longuement, pendant que les vitres dans le petit habitacle se couvrent de buée.

    Je me fais violence pour quitter ses lèvres et démarrer la voiture. Je mets le désembuage à fond, j’ouvre la fenêtre de mon côté. Je tente de reculer pour sortir de la place de parking : je suis un conducteur peu expérimenté, l’opération s’avère laborieuse.

    Je sens son regard sur moi, un brin taquin.

    « Ne te moque pas » j’insiste.

    « Je ne me moque pas ».

    « Je le sais que je suis nul ».

    « Tu viens d’avoir ton permis ».

    C’est la première fois que quelqu’un monte en voiture avec moi, et le hasard a voulu que ce soit mon Jérém, Jérém, qui a été parfois mon « chauffeur », Jérém par qui je me suis laissé conduire, complètement confiant, impressionné par son aisance – et parfois sa désinvolture – au volant, charmé par ce petit supplément de virilité que cette position peut conférer à un garçon.

    Le fait de le voir désormais à la place de conducteur me fait un drôle d’effet, et le voir me faire confiance avec un tel naturel me touche immensément. Pourtant, mon manque de confiance me joue des tours : sa présence m’impressionne, et me fait perdre mes moyens.

    « Respire un bon coup, ça va aller » il m’encourage, tout en passant sa main sur le parebrise et en baissant la vitre de son côté pour augmenter la visibilité.

    « Vas-y, recule, il n’y a personne, tu n’accroches rien » fait-il, en passant la tête dehors, malgré la pluie battante, tout en posant une main sur ma cuisse.

    Je suis son conseil, je respire un bon coup, aidé pas ses encouragements, j’arrive enfin à sortir de la place de parking.

    « Dis-donc, t’as une voiture de bourge » il se moque.

    « N’importe quoi, elle ne voulait même pas démarrer tout à l’heure ».

    « C’est pour ça que t’es grave à la bourre » il rigole.

    « J’ai essayé de t’appeler, mais je n’arrivais pas à te joindre ».

    « Le portable ne passe pas ici ».

    « Mais hier tu m’as appelé ».

    « Hier je suis descendu à Bagnères pour t’appeler ».

    « Ah ».

    « Deux minutes de plus et j’allais partir, tu te serais retrouvé seul comme un con ».

    « Je ne serais pas reparti avant d’avoir retourné le village pour te retrouver ».

    Jérém rigole, mais je le sens touché par mes mots.

    « Au stop, c’est à gauche ».

    « Ok ».

    « Vas-y doucement, c’est pas loin, la voilà, elle est garée là, cinquante mètres plus loin, sur la droite ».

    En voyant la 205 rouge, la voiture dans laquelle je suis plusieurs fois rentré de retour de boîte de nuit avec mon Jérém, direction les révisions nocturnes dans l’appart de la rue de la Colombette, je ressens un immense frisson dans le ventre.

    « C’est bon, arrête-toi ici, tu vas me suivre ».

    « C’est loin ? ».

    « Cinq petites minutes, au fait, si tu veux appeler chez toi, il faut le faire ici » fait-il en m’indiquant une cabine juste à côté « il n’y en a pas d’autres, et chez moi, le portable, c’est même pas la peine ».

    Submergé par le bonheur, je n’y pensais même plus : je trouve touchant qu’il y ait pensé à ma place.

    « Ah oui, je vais appeler ».

    Je sors de la voiture et je cours à la cabine pour appeler maman.

    Je lui explique que je suis bien arrivé, que le temps est pourri, que j’ai bien retrouvé Jérém. Elle me demande si tout se passe bien.

    « Oui, maman, tout se passe très bien ».

    Si tu savais, maman, à quel point tout se passe bien, et d’une façon que je n’aurais même pas pu imaginer.

    « Alors, elle est rassurée, ma-ma-n ? » fait-il, moqueur, lorsque je reviens à la voiture.

    « Oui ».

    Le bogoss me sourit et me fait un bisou derrière l’oreille. Je frissonne, comme parcouru par une décharge électrique.

    « Allez, on y va ».

    Jérém s’apprête à sortir de ma voiture, et l’idée de le quitter, ne serait-ce que le temps d’un court trajet, m’est insupportable, j’ai envie de monter dans la 205 avec lui, j’ai envie de me laisser conduire, n’importe où.

    Je ne peux m’empêcher de tâter son biceps pour me convaincre que tout cela est bien réel : lorsque mes doigts effleurent sa peau, j’ai l’impression que ce simple contact génère des étincelles. La peau est douce et soyeuse, et le muscle ferme et rebondi. Qu’est-ce qu’il est épais et ferme son biceps, un vrai biceps de beau mâle. Mon Jérém, ce magnifique animal.

    « Allez, à toute » fait-il, avant de claquer un dernier bisou sur mes lèvres et de quitter la voiture en vitesse.

    Je le regarde se précipiter dans la 205 rouge, démarrer et prendre la route. Je suis tellement impatient de découvrir où elle va m’amener.

    Le ciel est gris, lourd, le nuages très basses, opprimantes, le brouillard semble glisser le long des pentes, se nicher entre les reliefs, il n’est pas tard mais la lumière est très faible, le jour commence à mourir, le brouillard et le nuages se confondent, nous avançons dans un décor de sinistre grisaille dont on ne voit pas le but.

    Dans ce paysage terne et monotone, la 205 rouge de Jérém apparaît comme une note de couleur, unique et pourtant si intense : à cet instant précis, enveloppé dans la chaleur parfumée de son pull, la 205 rouge est mon Etoile Polaire.

    Nous quittons le village de Campan et nous empruntons une route sur la droite qui monte et part dans la montagne. La route est étroite et sinueuse, au fil des virages, nous traversons des endroits boisés, nous longeons des parois rocheuses. Le paysage se fait de plus en plus sauvages, le bois et la pierre sont partout autour de nous : la montagne nous entoure, avec son allure épurée, solennelle, immuable, elle force le respect, et elle nous rappelle sans cesse que nous ne sommes que ses invités d’un instant.

    Oui, tout, dans ce paysage sans couleur, semble parler de froid, d’humidité, d’hiver, de solitude, de tristesse : pourtant, lorsque je regarde la 205 rouge devant moi, voilà que ce décor devient pour moi la source d’une joie indescriptible. C’est incroyable comment un jour de pluie peut retrouver le soleil, et de si belles couleurs, grâce à un simple mot, à un simple baiser, à une simple présence. Quand la lumière est dans le cœur, toutes les choses semblent belles.

    Les virages sont de plus en plus étroits, Jérém avance de plus en plus lentement, et je l’entends même klaxonner pour annoncer sa présence avant de les emprunter. Puis, la 205 rouge ralentit encore, elle finit tourne une nouvelle fois à droite, elle emprunte une sorte de rampe conduisant dans une cour en pente, au bout de laquelle se trouve une petite maison en pierre avec le toit en ardoise.

    Posée dans un décor de nuages, de pluie et de brouillard, la petite maison semble installée au milieu de nulle part, au gré des vents, le rideau de grisaille se déchire par moments et par endroits, dévoilant les flancs de montagne sombres et boisés. Avec sa cheminée plutôt massive qui laisse échapper une fumée claire, on dirait une masure sortie tout droit d’un conte pour enfants.

    Jérém sort de sa voiture, et court se mettre à l’abri sous le petit auvent en façade de la petite maison, je le vois faire de grands signes pour me faire avancer et me garer au plus près.

    Lorsque j’ouvre la porte de la voiture, la pluie tombe violemment, le vent est fort et froid, encore plus qu’au village. La nature semble hostile, mais très vite, je suis charmé par un bouquet d’odeurs de sous-bois et de nature sauvage, auquel se mélange l’odeur du bois qui brûle, ça sent à la fois le froid de l’hiver et la chaleur d’une pièce chauffée par une grande cheminée : bref, ça sent la montagne.

    Je rejoins Jérém sous le petit auvent, alors qu’il est en train de passer et repasser sa main dans ses beaux cheveux bruns pour les rabattre en arrière et les essorer. Putain, qu’est-ce qu’il est sexy ! Avec ses cheveux mouillés et en bataille, son regard adouci, il me fait craquer comme jamais.

    J’ai envie de l’embrasser à nouveau, et lui aussi en a envie : nous nous précipitons pour chercher les lèvres de l’autre au même instant, comme une évidence : quand l’amour est là, les gestes viennent avec un naturel, une coordination, une harmonie, une complicité étourdissantes.

    Derrière la porte vitrée, les ombres du feu s’agitent dans la pièce sombre. Instinctivement, je sais qu’il suffit de passer cette porte, pour être au chaud, à l’abri, pour aller à la rencontre d’un bonheur magique. Et à ce bonheur, c’est Jérém qui va m’y amener.

    « Viens, on rentre, il fait meilleur dedans » fait le bobrun, tout en saisissant ma main, en ouvrant le battant porte et en m’entraînant à l’intérieur.

    A l’instant où je rentre dans la petite maison, je suis immédiatement saisi, enveloppé, comme foudroyé par la chaleur des flammes, une chaleur intense, douce et rassurante, et aussi par cette délicieuse odeur de bois, de feu, de rustique, de bonheur simple.

    Un pièce à peine plus grande que le studio de la rue de la Colombette s’ouvre devant moi, dans la pénombre dansant au gré des mouvements des flammes : elle est dominée par la présence d’une grande cheminée ouverte, à l’opposé de la cheminée, dans un coin, un petit lit, un peu plus loin, une table et des chaises en bois brut, une vieille crédence, et au milieu de ce petit espace sommairement équipé, le gars que j’aime comme un fou.

    « Je n’ai pas d’électricité » semble vouloir s’excuser le bogoss « mais il y a du bois, on ne va pas se les geler ».

    « C’est pas gra » je tente de lui répondre.

    Une tentative destinée à rester inaboutie, car, avant que je n’aie pu terminer ma phrase, Jérém me plaque contre le mur et m’embrasse à nouveau, comme affamé, insatiable, comme si ce contact lui faisait le même bien, lui offrait le même bonheur, le même frisson qu’il m’offre à moi. Ce qui doit vraiment être le cas.

    Lorsque nos lèvres se décollent, nos regards se croisent, et dans le sien, je vois le regard d’un petit gars plein de tendresse et de bonheur. Mais déjà Jérém me serre très fort contre lui, ses lèvres me font des bisous tout doux dans le cou, en remontant vers mon oreille.

    Le bobrun qui m’a dit un jour pas si lointain : « je fais pas de bisous, je baise », est en train de me couvrir de bisous. J’en suis ému, bouleversé.

    Dehors, la tempête ne donne pas signe de vouloir se calmer, le froid et l’humidité sont partout, la nuit va bientôt tomber, alors qu’à l’intérieur, le feu crépite dans la cheminée, et sa chaleur irradie sur mon visage, mes mains, dans mon cœur.

    « Enlève le pull, tu es trempé » fait-il, tout en me faisant pivoter pour m’en débarrasser par lui-même.

    Puis, avec un geste assuré et très mec, il attrape son maillot par le bas, il le retourne le long de son torse, comme un lever de rideau dévoilant une œuvre d’art tant attendue, le lever de maillot dévoile son magnifique torse musclé, ses abdos, ses pecs, ses tatouages en entier, et après le choc de retrouver cette plastique divine qui m’a été inaccessible depuis un mois, cela me permet d’apprécier toute la beauté de ses adorables poils bruns en train de repousser.

    « Qu’est-ce que c’est beau ».

    « Quoi, donc ? ».

    « T’as laissé repousser ».

    Le petit coquin se contente de sourire.

    Je ne peux m’empêcher de caresser sa peau et ses petits poils, et ce simple contact me donne des frissons géants, je ne peux pas non plus m’empêcher de poser des bisous entre ses pecs, de laisser traîner mon nez à la poursuite de l’odeur de sa peau mate, tout laissant mes mains affamées se balader un peu partout sur sa plastique de fou.

    C’est pendant ces errances que les bouts de mes doigts découvrent la surprise que me réserve sa demi-nudité.

    Intrigué, je fais à mon tour pivoter mon bobrun, non, je ne m’y suis pas trompé : un truc qui ressemble à un petit pansement est collé derrière son épaule.

    « C’est quoi, ça ? ».

    « C’est un patch ».

    « Un patch ? ».

    « Oui, j’essaie d’arrêter les conneries ».

    « Ah bon ».

    Là, je suis vraiment sur le cul. Naaaaan, mais ce n’est pas possible, je me suis trompé d’adresse, je me suis trompé de gars !

    « Tu veux arrêter la cigarette ? » je fais, encore incrédule, presque sonné.

    « Le médecin qui m’a fait passer la visite pour le Racing m’a dit que sans cigarette je jouerais mieux et plus longtemps ».

    « Il t’a pas dit que ce serait mieux pour ta santé, surtout ? ».

    Pour toute réponse, Jérém me plaque une nouvelle fois contre le mur, sa langue s’insinue entre mes lèvres, déchainée, insatiable. Puis, ses mains ouvrent le zip de mon blouson, se glissent sous mon t-shirt, ses doigts trouvent mes tétons, les caressent, les excitent. Je sens sa bosse raide contre la mienne, je sens l’envie de le sucer monter en flèche.

    Mais avant tout, j’ai envie de sentir ma peau contre la sienne, mon torse contre le sien. J’enlève mon blouson, que je laisse tomber par terre juste à côté, la chaleur de la cheminée irradie sur mes bras, mon cou. Jérém a ôté son short et ses baskets et il est désormais torse nu et boxer.

    J’enlève le t-shirt et la chaleur de la cheminée irradie désormais sur tout mon torse, m’offrant une sensation d’immense bonheur, un bonheur qui devient exponentiel lorsque Jérém vient coller son torse contre le mien, m’offrant une autre chaleur, une chaleur de mec, chaleur qui fait tellement, mais tellement, tellement de bien, au corps et au cœur, chaleur qui rend heureux.

    J’ai envie de lui, une envie si violente que ça me vrille les tripes, et pourtant, j’ai tout autant envie que ces câlins, ces bisous, cette fougue, cette passion, ce bonheur ne s’arrêtent jamais. Comment choisir entre les deux ?

    C’est Jérém qui va apporter la réponse à mon dilemme : nos langues se mélangent toujours et déjà ses mains défont ma ceinture, ma braguette, descendent mon pantalon et mon boxer, ses gestes transpirent le désir, l’impatience, l’urgence. Puis, alors que l’une de ses mains empoigne ma queue et entreprend de la branler doucement, l’autre agace mes tétons à tour de rôle, mon excitation devient insoutenable, je n’ai plus qu’une envie, celle de lui offrir du plaisir, de n’importe quelle façon il le souhaite.

    Je ne sais pas encore de quoi il a envie, la, tout de suite, mais ce que je sais, c’est que j’ai envie de lui offrir. S’il veut que je le suce, ce sera avec un immense bonheur, et s’il veut me prendre direct, tant pis pour mon envie de l’avoir dans la bouche, ça attendra, j’ai aussi grave envie de l’avoir en moi.

    Ce que j’ignore, c’est le fait que je me trompe lourdement quant à ses intentions : peu après, le bogoss cesse soudainement de me branler et d’agacer mes tétons.

    Comme dans une image au ralenti, je croise son regard une dernière fois, avant que ses lèvres atterrissent dans le creux de mon cou et qu’elles commencent à déposer des bisous en descendant le long de la ligne médiane de mon torse, peu à peu, ses épaules se dérobent lentement devant mes yeux, jusqu’à m’offrir une vue inédite, « aérienne », de ses beaux cheveux bruns en bataille.

    Ses lèvres contournent désormais mon nombril, et ne cessent de descendre, encore et encore, sa main a saisi ma queue une nouvelle fois, elle la branle doucement, ses lèvres ont atteint mon pubis.

    C’est là que l’impensable se produit : un frisson inattendu, bouleversant, affolant, troublant, me secoue de fond en comble, tout aussi bien dans le corps que dans l’esprit, lorsque je suis surpris, percuté, assommé par un bonheur sexuel que je n’ai pas éprouvé souvent encore dans ma vie, celui provoqué par deux lèvres qui enserrent ma queue et d’une langue qui s’enroule autour de mon gland.

    Je sens ses mains saisir fermement mes cuisses, je baisse mes yeux et je regarde ma queue disparaître partiellement dans sa bouche et réapparaitre au gré des va-et-vient de ses beaux cheveux bruns.

    L’étalon Jérémie Tommasi, qui ne prend son pied que par sa queue, est en train de me sucer, moi, le petit pd qui jusqu’à là n’avait que le droit de lui offrir ma bouche et mon cul pour son plaisir de mâle alpha.

    Une nouvelle fois, j’ai besoin de tâter ses épaules et ses biceps pour me convaincre que je ne suis pas en train de rêver : c’est bien ça, Jérém est en train de me sucer, moi debout contre le mur à côté de la porte d’entrée, lui à genoux devant moi, comme je l’ai tant de fois été devant lui.

    La chaleur de la cheminée réchauffe mon torse, mes bras, mon visage, sa bouche réchauffe ma queue, mon ventre. Je respire profondément, je sens l’air circuler dans me bronches, je sens le plaisir m’envahir, se diffuser dans chaque cellule de mon corps, envahir mon cerveau et mon esprit.

    J’ai eu beau me dire par le passé que mon plaisir « de mec » était secondaire face au plaisir d’offrir du plaisir à mon bel étalon : il n’empêche que je prends un plaisir fou à me faire sucer par le même étalon.

    Ce changement de position, de rôle, de plaisir, de point de vue, me bouleverse. Ce n’est pas la première fois que je me fais sucer : Stéphane m’a offert ce bonheur en premier, et Martin m’a fait une piqure de rappel le soir ou l’on a couché ensemble : mais là, là ça n’a rien à voir, car – putain ! – là, c’est mon Jérém qui est en train de me sucer, mon Jérém, mon Jérém, mon Jérém !!! Et le bonheur est autant dans le plaisir purement sexuel que dans le fait que ce soit le gars que j’aime à le faire, tout en semblant prendre du plaisir à ce geste que je pensais impossible.

    Certes, pendant la semaine magique, j’avais eu l’impression que déjà il avait voulu s’y lancer, avant de faire marche arrière, surpris et indisposé par mon regard : j’en étais même venu à penser que ce petit « incident » avait été le début de la fin de cette semaine magique, mais là, j’ai vraiment l’impression que nos seulement il a vraiment envie de me faire plaisir, mais qu’il se laisse aller à ses envies, qu’il les assume, qu’il assume qui il est, enfin.

    Ses va-et-vient, d’abord lentes, et d’une ampleur limitée, se font de plus en plus rapides, de plus en plus affirmés, ma queue disparaît désormais complètement dans sa bouche et mon plaisir monte à grand pas, un plaisir qui franchit un palier dangereux lorsque ses doigts viennent chercher mes tétons et les titillent de façon appuyée.

    Submergé par le bonheur sexuel, j’ai envie de lui faire plaisir à mon tour, d’encourager son geste, de lui montrer à quel point ça me fait du bien. Mes doigts s’enfoncent dans ses cheveux bruns et humides, ils caressent son visage, son cou, arpentent ses épaules, ses pecs, jouent avec ses tétons, je courbe le dos pour poser des bisous, en plus des caresses, sur ses beaux cheveux bruns.

    Jérém me suce avec entrain, et c’est sacrement bon, tellement bon que, pendant un court instant, je me surprends à me demander si ce talent est complètement inné ou bien s’il est le fruit d’une certaine pratique. Au fond, je sais qu’il a couché avec Thibault et il aurait bien pu découvrir ça avec son meilleur pote, et puis, il y a les autres mecs, les inconnus qu’il a fait « couiner », comme il me l’a balancé lors de la dernière fois qu’il est venu chez moi, avant que je lui mette mon poing dans la gueule.

    Est-ce que, entre une pipe et une baise avec l’un ou l’autre des bomecs qu’il a pu se taper, il aurait eu envie de goûter à cela, de découvrir la sensation de tenir le plaisir d’un gars dans la bouche ?

    L’idée qu’il ait pu coucher avec un autre garçon, qu’il ait pu faire ça avec un autre garçon, m’est particulièrement insupportable, bien plus insupportable que l’idée de l’imaginer avec une fille.

    Mais le plaisir que mon bobrun est en train de m’offrir est si bouleversant que j’oublie très vite mes états d’âme, j’enferme ma jalousie dans une pièce de mon cerveau pour profiter du bonheur présent, tout en me disant que j’aurai le temps plus tard pour me poser des questions et pour poser des questions.

    Mais pour l’instant, je décide – car, de toute façon, je ne peux faire autrement – de m’abandonner pleinement au bonheur des sens. Et mon abandon est si total que je sens très vite monter les signes annonciateurs de l’orgasme.

    « Attend, Jérém » je tente de le prévenir.

    « Tu aimes ? » fait-il en se dégageant de ma queue. Je capte son regard, le bobrun a l’air bien émoustillé.

    « Grave, et, toi ? » je balance, fou d’excitation.

    Décidemment, le fait de voir mon Jérém à genoux devant moi, en train de me branler, est quelque chose qui me fait halluciner.

    Pour toute réponse, le bobrun recommence à me sucer de plus belle.

    « Attend, Jérém, si tu continues, je vais jouir ».

    Mais le bobrun ne semble pas faire cas de mes mots, il continue à me pomper comme s’il voulait que ça arrive. Mon corps a envie de jouir, mais me tête s’y oppose, j’ai envie de le sucer à mon tour, j’ai trop envie de le sucer. Mais en même temps, j’ai tellement envie de jouir : sacré nouveau dilemme,

    Finalement, l’envie de l’avoir en bouche se révèle plus violente que celle de jouir dans la sienne, aussi, même si mon Jérém semble tout à fait devenu un autre Jérém, au fond de moi j’ai toujours peur qu’il n’assume pas à postériori ce que, dans l’excitation d’un instant, il semble pourtant prêt à s’autoriser. Mais avant tout, le fait est que j’ai rudement envie de l’avoir dans ma bouche,

    Je glisse mes mains sous ses aisselles et j’amorce le mouvement pour le faire relever. Le bogoss oppose d’abord une petite résistance, mais finit par céder face à ma détermination. Il se relève, il me regarde droit dans les yeux, je l’embrasse, avide de profiter de ce bonheur, alors que j’ai toujours du mal à croire que cela soit enfin possible.

    Un instant plus tard, je l’attrape par la main, je l’entraine en direction du lit, d’un simple geste de la main, je l’invite à s’y allonger : le bogoss se laisse tomber lourdement sur le matelas, le regard fripon, canaille. Il est beau à en perdre la raison.

    Un mois, un mois entier que je n’ai pas eu mon Jérém dans la bouche, et ce Jérém, à fortiori ce nouveau Jérém qui me montre à quel point je compte pour lui, j’ai besoin de le pomper pour le faire jouir : c’est un besoin impérieux, presque vital.

    Je monte sur le lit à mon tour, je m’allonge sur lui, le contact avec son corps – torse contre torse, bassin contre bassin, sexe contre sexe – me fait un bien fou : je sens sa queue frémir au contact avec la mienne à travers le tissu fin de son boxer, je tente de glisser le long de son torse pour aller honorer sa virilité,  mais ses mains m’en empêchent, elles attrapent mes hanches, me font basculer sur le flanc : et je me retrouve ainsi allongé sur le matelas à la place de Jérém.

    Le bogoss est désormais allongé sur moi, nos visages sont à tout juste dix centimètres l’un de l’autre, je sens son souffle sur mes joues, sur mes yeux, Jérém ne parle pas, je ne parle pas non plus, il me regarde et je le regarde, son désir est palpable, le mien est brûlant. Sa beauté masculine et son parfum me font vaciller. J’ai envie de l’embrasser. Je plie mon cou, j’avance mon visage pour approcher mes lèvres des siens, mais le bogoss me plaque contre le matelas, il relève sa tête, il sourit, il se dérobe. Petit con, va ! Sexy, adorable, amoureux, joueur, petit con !

    Ma respiration est de plus en plus rapide, mon excitation de plus en plus insoutenable, mon désir ravageur : j’ai envie de lui, et plus rien d’autre ne compte.

    Jérém baisse lentement la tête, jusqu’à ce que sa chaînette effleure la peau de mon cou, je ne peux résister à la tentation d’attraper quelques mailles et de m’en servir pour l’attirer vers moi, pour rapprocher nos visages. Le bobrun se laisse faire et lorsque nos lèvres se rencontrent, il m’embrasse comme fou, comme ivre, ivre de moi, tout comme je le suis, ivre de lui.

    Ses bras m’enlacent et m’enserrent très fort contre lui, je l’enlace et l’enserre très fort à mon tour, enivré par son parfum, fou de lui. Plus rien n’a d’importance à présent, ni la frustration de quatre mois de révision où souvent je me suis senti rien de plus que son vide-couilles, ni la violence de ses mots et de ses actes des dernières fois qu’on s’est vus avant l’accident, ni ma souffrance depuis un mois, ni ma peur panique de le perdre pour de bon lorsqu’il était dans le coma. Définitivement, je n’ai jamais été si heureux de ma vie.

    Voir un petit macho comme Jérém, jusque-là si retranché derrière ses tabous, ses interdits, ses conditionnements, le voir laisser enfin tomber ses barrières, se débarrasser de sa carapace, le voir faire non pas un pas, mais des dizaines de pas vers moi, et tous en même temps, le voir faire ces pas après m’avoir laissé désespérer que cela puisse arriver un jour : à mes yeux, cela ressemble à un miracle, à un bonheur qui n’a pas d’égal.

    Lorsque Jérém relâche son étreinte, j’arrive à le faire basculer sur le flanc à mon tour, et à me retrouver à nouveau allongé sur lui. Je suce ses tétons, je lèche chaque millimètre carré de la peau de son torse, je descends vers ses abdos, je trace en direction de sa queue, son bassin est toujours habillé de ce magnifique boxer rouge et blanc, boxer outrageusement déformé par une érection imposante, je glisse mon nez sur le coton tendu et je retrouve cette odeur délicieuse et familière, son odeur de jeune mâle.

    Jérém est désormais installé dans cette position que je trouve sexy par-dessus toutes, la position accoudée, le buste légèrement relevé, le bogoss est en train de mater mes mouvements, l’air visiblement impatient de me mater en train de le sucer.

    Un instant plus tard, mes lèvres, ma langue se relaient pour agacer son gland par-dessus le coton fin du boxer. Un mois, que je ne l’ai pas dans la bouche, alors, c’est presque une nouvelle, première fois. Ainsi, j’ai à la fois envie de découvrir au plus vite sa queue magnifique et de prolonger cet instant le plus longtemps possible.

    Le bobrun frissonne d’excitation. C’est à la fois avec impatience et avec une douceur extrême que je libère la bête tapie sous le coton doux.

    Putain, qu’est-ce qu’elle est belle ! Ces retrouvailles sont d’autant plus intenses que, pendant un mois, et jusqu’à encore 24 heures plus tôt, j’avais désespéré qu’elles arriveraient un jour.

    Alors, je commence à le pomper avec un bonheur indescriptible. Sous les assauts de ma langue et de mes lèvres, je sens mon Jérém vibrer de plaisir.

    J’ai envie de lui faire plaisir comme jamais, j’ai envie de marquer le coup pour fêter nos retrouvailles, et pour fêter ce nouveau, merveilleux Jérém : j’avale sa queue bien au fond de ma gorge, car je sais à quel point il aime ça. Je l’entends respirer de plus en plus profondément, je veux le faire jouir, j’ai envie de sentir se giclées puissantes et chaudes dans ma bouche.

    Pourquoi ce mec m’inspire cette furieuse et violente envie de le pomper jusqu’à le faire jouir dans ma bouche ? Peut-être parce que c’est une bombasse de chez bombasse, un petit con sexy à mourir, ou bien parce que je l’aime, et que le fait de le faire jouir, est désormais moins une façon de jouir moi-même qu’une façon de penser à son bonheur à lui.

    Très vite, je sens que je ne vais pas tarder à avoir son jus de mâle dans ma bouche. Mais le bogoss a d’autres projets en tête : ses mains saisissent mes épaules, m’invitent à changer de position, je me laisse faire, impatient de découvrir ce dont il a envie.

    Oui, quand l’amour est là, les gestes s’enchainent avec un naturel, une coordination, une harmonie, une complicité étourdissantes.

    C’est ainsi que je me retrouve tête bêche avec mon bobrun. A nouveau il me prend dans sa bouche et il entreprend de me sucer, alors, c’est tout naturellement que je recommence à la pomper à mon tour.

    La pluie tombe dehors, le feu crépite dans la cheminée, et je suis en train de faire un 69 avec mon Jérém, notre premier 69 : à cet instant précis, il n’y a plus d’actif ou de passif, de soumis ou du dominant, il n’y a que deux mecs qui ont envie de faire plaisir à l’autre, de se faire du bien, parce que le plaisir de l’autre décuple leurs plaisirs respectifs.

    Là encore, c’est tellement bon que, très vite, je sens approcher le point de non-retour de ma jouissance.

    « Attends Jérém ».

    « Tu aimes ? ».

    Qu’est-ce que j’aime cette façon de me demander si j’aime, comme pour se rassurer.

    « Oh, que oui ».

    Et le bogoss recommence à me pomper.

    Mais qui est donc ce beau garçon déguisé en Jérémie ? C’est qui cet inconnu qui s’est glissé dans sa peau et qui est en train de me faire un truc de dingue, un truc que le Jérém que je connaissais auparavant serait bien incapable de me faire ?

    « Je vais pas pouvoir me retenir longtemps ».

    « Moi non plus ».

    « T’as pas fait le con depuis un mois ? » je ne peux m’empêcher de lui demander, tout en continuant à le branler.

    « Non, pas du tout » fait-il, tout en continuant à me branler.

    Je me sens rassuré, et j’ai envie. J’ai envie d’aller au bout et j’ai envie qu’il aille au bout aussi, puisqu’il en a envie.

    Je recommence à le pomper, et le bogoss en fait de même. Très vite, alors que je me sens perdre pied, j’ai l’impression d’être sur le point de partir vers des sommets de jouissance dont jusque-là je n’avais même pas soupçonné l’existence.

    « Ah, ça vient » je le préviens une dernière fois, moins pour le retenir que pour le prévenir, alors que ma jouissance échappe désormais à mon contrôle.

    Lorsque mon orgasme explose, c’est tellement intense que ça en est presque douloureux, et mon bonheur sensuel va s’envoler encore, pour atteindre des summums vertigineux, lorsque je ressens des giclées bien lourdes, chaudes, denses, nombreuses percuter ma langue, lorsque son jus remplit copieusement ma bouche, lorsque je ressens son goût de jeune mâle se répandre dans mon palais.

    C’est une sensation qui me rend raide dingue, ce bonheur indescriptible de sentir qu’un peu de lui vient en moi, la sensation d’être envahi, fécondé par sa virilité, le bonheur de pouvoir goûter au nectar de sa jouissance, ce nectar exquis que j’avale par toutes petites gorgés, le savourant comme la plus précieuse des boissons. Qu’est-ce qu’il est bon ce jus de petit mâle, surtout après en avoir été privé pendant un mois !

    Je n’arrive toujours pas à réaliser que Jérém vient de jouir dans ma bouche en même temps que je viens de gicler dans la sienne. Mais alors que je continue de lécher son gland pour capter la moindre trace de son goût de mec, Jérém se penche per dessus le bord du lit, il attrape un t-shirt qui traîne, le porte à la bouche et s’empresse de recracher mon jus.

    Mais alors que je continue de lécher son gland pour capter la moindre trace de son goût de mec, Jérém se penche per dessus le bord du lit, il attrape un t-shirt qui traîne, le porte à la bouche et s’empresse de recracher mon jus.

    Lorsque je me résous enfin à lâcher sa queue, Jérém s’allonge sur le lit, les bras pliés, les mains croisées entre sa nuque et l’oreiller, position dévoilant ses aisselles légèrement poilues, des aisselles dégageant désormais, après l’orgasme, un bonne, intense odeur de mâle.

    Je m’enivre des bonnes odeurs que dégage sa peau et je me blottis contre lui, je lui fais des bisous dans le cou, sur l’oreille. Sa main se pose sur mon torse et elle le caresse tout doucement, par moments, nos lèvres se rencontrent, des bisous s’échangent.

    Nous restons ainsi en silence pendant un petit moment, en train de récupérer de nos émotions.

    « T’as aimé ? » fait Jérém à un moment.

    « Oh oui, grave, et toi ? ».

    « C’est fort » il lâche spontanément. Visiblement, c’est une première fois pour lui. Ça me touche.

    « Le tien aussi, tu sais » je fais, en rigolant.

    Dans la cheminée, le feu a perdu d’intensité. Sans ajouter un mot, Jérém se lève et, dans son plus simple appareil, il part rajouter une bûche dans l’âtre. Puis, il s’accroupit devant le feu, il allume une cigarette, qu’il entreprend de fumer en silence.

    Je ne peux résister à la tentation de le rejoindre, de m’accroupir à mon tour et de le serrer très fort dans mes bras.

    « Ça faisait un moment que j’en avais envie » il finit par lâcher entre deux taffes « pendant cette semaine où l’on se voyait chez toi, une fois j’ai failli ».

    « Je sais »

    « Quand j’ai croisé ton regard, je n’ai pas pu ».

    « Putain, j’aurais dû regarder ailleurs » je tente de rigoler.

    Mais le bogoss continue tout droit sur sa lancée :

    « J’avais envie de savoir ce que ça fait, tu sembles prendre tellement de plaisir ».

    « Ah, oui, je prends un plaisir de fou ».

    « J’avais aussi envie de te faire plaisir ».

    Je suis touché, je le serre un peu plus fort dans mes bras.

    « Et du coup, t’as aimé ? ».

    « Je, je crois, oui, je crois que oui » et, il ajoute : « c’est la première fois, tu sais ».

    Le feu commence à mordre dans la bûche que Jérém vient de rajouter, les flammes reprennent de la vigueur. Je ressens la respiration de Jérém par ma peau, elle est ample et régulière.

    Il balance son mégot de cigarette dans le feu, il se retourne, il me prend dans ses bras, il pose de tendres bisous dans mon cou, avant d’envoyer ses lèvres à la recherche de miennes. Nous nous échangeons des de bisous doux et pleins de promesses.

    « Je vais chercher du bois » fait le bogoss, en se levant après m’avoir fait un dernier bisou.

    Pendant que je le regarde s’habiller – passer le maillot des Falcons, le boxer, le short, le pull gris à capuche, les chaussures – sa dernière phrase retentit dans ma tête : « je vais chercher du bois », je le regarde sortir dans la nuit tombante, sous la pluie, et j’ai l’impression de vivre un instant dans la vie d’un couple qui serait le mien, le nôtre, avec un mec qui s’occupe de moi, de mon confort, un mec dont je pourrais m’occuper à mon tour.

    Jérém revient avec les bras chargés de bûches fendues qu’il dépose dans un coin de la cheminée pour le faire sécher, puis, dans la foulée, il ôte ses chaussures, se déshabille à nouveau, sa plastique de fou se dévoile ainsi comme un nouveau et assommant coup de gifle. Il me rejoint au lit, me prend dans ses bras, et me fait plein de bisous dans le cou. Sa barbe me chatouille un peu, mais c’est tellement bon.

    « Tu as dit quoi chez toi, pour venir ici ? » il me lance, de but en blanc.

    « Que je venais te voir ».

    « Ils, savent, ? ».

    « Oui, ma mère sait tout, le soir où elle t’a vu, je lui ai tout dit ».

    « Je n’ai pas dû faire une très bonne impression l’autre jour ».

    « Elle se souvenait de toi ».

    « Ah, oui, du mec à moitié à poil qui a mis du sang partout sur son carrelage ».

    « C’est clair que c’est pas vraiment de cette façon que j’avais imaginé mon coming out, mais peu importe, c’est fait, et c’est une bonne chose, en plus, ça s’est très bien passé ».

    « T’as de la chance ».

    « Oui, j’ai une mère géniale ».

    « Moi, la mienne, je ne sais même pas où elle est ».

    Ses mots, et encore plus l’écho de la note de tristesse avec laquelle il vient de les prononcer, résonnent en moi et me rendent triste pour lui.

    « Ça fait longtemps que tu ne l’as pas vue ? ».

    « Oui, très longtemps, ni vue, ni même des nouvelles, je pense qu’elle a oublié qu’elle a deux fils ».

    « Et ton père ? ».

    « Je crois qu’il me cracherait dessus s’il savait ».

    « T’es vraiment sûr ? ».

    « Oh, oui, sûr et certain, déjà que rien de ce que je fais trouve grâce à ses yeux ».

    « Mais quand-même, tu es un champion au rugby, tu as eu ton bac, tu as commencé à bosser ».

    « Il s’en tape, on s’est tellement pris la tête à cause de sa pouffe, on n’a plus rien à se dire ».

    « Il doit quand même être fier de toi maintenant que tu pars à Paris en pro ».

    « Je ne sais pas ».

    « Moi je crois que oui ».

    « Pourquoi tu dis ça ? ».

    « Le jour de l’accident, je suis venu à l’hôpital ».

    « Tu es venu le dimanche ? ».

    « Oui, Thibault m’a appelé ».

    « Ah, ok ».

    « Et ton père parlait de ta future carrière à Paris, il disait que tu avais tout pour être heureux ».

    « Il n’en sait rien de ce qui me rend heureux, je n’ai pas eu le moindre coup de fil ou le moindre sms avant l’accident, et même à l’hôpital, il ne m’en a pas parlé, par contre, il ne s’est pas privé de me balancer dans la tronche des réflexions sur le fait que je me suis fait taper sur la gueule et que je n’ai pas su me défendre ».

    « Ah, bon ».

    « Mon père est quelqu’un de très rude ».

    « Et ton frère ? ».

    « Maxime est un petit gars génial ».

    « Il faut que je te dise un truc, Jérém ».

    « De quoi ? ».

    « A propos de Maxime ».

    « C’est-à-dire ? ».

    « Je suis revenu à l’hôpital dans la semaine, j’étais tellement mal de te voir sur ce lit, branché de partout, j’avais la peur au ventre que tu ne te réveilles pas, je me suis assis à côté de toi, j’ai attrapé ta main et j’ai commencé à te parler ».

    « Je crois que je me suis rendu compte que tu étais là ».

    « Tu as entendu ce que je t’ai dit ? ».

    « Je ne sais pas, je n’ai pas de souvenirs précis, juste des sensations, mais je sais que tu es venu, je le savais dès mon réveil ».

    « Ce jour-là, ton frère est arrivé lui aussi dans la chambre, mais avant que je me rende compte qu’il était là, je crois bien qu’il a eu le temps de voir que je tenais ta main, et même d’entendre ce que je te disais, il a vu que j’étais vraiment pas bien, et il été super gentil, après, il m’a posé des questions, je crois qu’il sait, pour nous ».

    « Oui, il sait » fait Jérém, l’air sûr de lui.

    « Il sait ? ».

    « Après t’avoir quitté, j’ai tout foiré, j’allais mal, je déconnais méchamment, un soir, Maxime est venu me voir à la brasserie, à la fermeture, nous avons passé la nuit à discuter ».

    « Tu lui as dit quoi ? ».

    « Je lui ai dit que j’étais perdu, que je ne savais plus où j’en étais, il a insisté pour savoir ce qui se passait, je lui ai dit que depuis quelques mois il se passait un truc avec un camarade de classe, mais que je n’arrivais pas à l’assumer, alors, quand il t’a vu à l’hôpital, il a dû faire le lien, et il a compris que ce camarade, c’était toi ».

    « Il t’en a parlé, après ? ».

    « Oui, quand je suis sorti de l’hôpital, il m’a dit « texto » que si je t’appelais pas, j’étais vraiment très con ».

    « Ah, oui, il est vraiment génial ton frérot ».

    « Je te le fais pas dire, parfois, j’ai l’impression que c’est lui l’ainé, il est tellement cool ».

    « Pas tout le temps, quand-même ».

    « Pourquoi tu dis ça ? ».

    « Si tu l’avais vu comment il était inquiet pour toi, le dimanche à Purpan ».

    « Mon petit frérot, il a dû avoir la trouille de sa vie ».

    « On avait tous très peur, mais Maxime était au bout de sa vie ».

    « Il est vraiment adorable, ce qui me fait chier dans le fait de partir à Paris, c’est que je le verrai beaucoup moins ».

    « Ce qui me fait chier, dans le fait que tu pars à Paris, c’est que je te verrai beaucoup moins ».

    « Je sais, moi c’est pareil ».

    Je suis touché, je ne peux résister à la tentation de lui faire à nouveau des bisous.

    « Je suis désolé pour tout le mal que je t’ai fait ».

    « Si c’était le prix pour se retrouver ici, de cette façon, ça en valait le coup ».

    « Je me suis vraiment, vraiment comporté comme un con ».

    « Peut-être un peu, oui » je tente de rigoler.

    « Je suis désolé de t’avoir cogné » il continue sur sa lancée, me faisant plein de bisous sur le visage.

    « Je t’ai cogné en premier ».

    « Mais moi, je l’ai bien mérité ».

    « Je suis désolé quand-même ».

    « Tu peux » fait-il, en changeant radicalement de ton, en devenant soudainement taquin « et tu m’as pas raté, tu m’as décroché un putain de droit, je ne te raconte même pas ».

    « J’ai été nul ».

    « Ah, non, justement, je me suis battu quelque fois, j’ai donnée des coups et j’en ai reçus, mais putain, le tien c’était pas un droit de pd, enfin, si, mais c’était vraiment puissant ! Je ne pensais pas que tu avais tant de force, et surtout, je ne croyais pas que tu aurais le cran ».

    « J’aurais dû me maitriser ».

    « Non, au contraire, je crois que j’avais envie de te pousser au bout, de voir ce que tu avais dans le ventre, et je n’ai pas été déçu ».

    « T’es vraiment qu’un petit con ! ».

    Pour toute réponse, il me balance l’un de ses sourires incendiaires au charme incandescent, un instant plus tard, il se glisse sous les draps, il me fait plein de bisous sur le torse.

    Lorsqu’il en ressort, il est tout ébouriffé, souriant, heureux, il est beau, il est adorable, il a l’air d’un chiot qui a envie de jouer, de câlins, de tendresse, d’un petit gars avec un immense besoin de douceur.

    Mais, très vite, je me rends compte que le petit gars bande, tout comme je bande : nos désirs, nos corps et nos regards font des étincelles, lorsqu’il se frôlent, tout simplement. Alors, faire plaisir à mon bomâle brun devient un besoin presque vital.

    Un instant plus tard, Jérém est allongé sur le dos, et pendant que je le suce à nouveau, ses mains saisissent et caressent tour à tour mes bras, mes épaules, mes cheveux, ses doigts chatouillent mes tétons, et ça m’excite à mort. Plus je lui fais plaisir, plus il me fait plaisir, plus il me fait plaisir, plus j’ai envie de lui faire encore davantage plaisir. Je me fais violence pour quitter sa queue, mais je retrouve un nouveau bonheur en allant lécher ses couilles, une petite digression que le bogoss semble toujours autant apprécier, si je m’en tiens à la façon dont il me demande de continuer, d’insister, tout en se branlant.

    Jérém frissonne de plaisir, il kiffe à mort, il se branle de plus en plus vite et je suis fou à l’idée qu’il ne va pas tarder à jouir, et que sa jouissance va être délirante.

    Mais là encore, le bogoss a d’autres projets : un instant plus tard, nos corps se remélangent, nos envies se recombinent, nos gestes s’enchaînent comme dans une sorte de ballet d’amour.

    Notre complicité sensuelle est totale : les gestes, la joie des corps et des esprits, le plaisir, le bonheur, tout est si naturel, en harmonie parfaite, lorsque l’amour est là.

    Me voilà allongé sur le ventre, vibrant sous l’effet de ses mains qui empoignent et écartent mes fesses, me voilà frémissant sous les assauts pleins de fougue que sa langue donne à ma rondelle.

    Et lorsque cette même langue remonte le long de ma colonne vertebrale, et que ses baisers dessinent un lent chemin de plaisir depuis mes reins jusqu’à mon cou, puis à mes oreilles, voilà que ma peau devient la source de mille frissons qui font vibrer mon corps et mon esprit à l’unisson.

    Jérém est désormais complètement allongé sur moi : son corps chaud et musclé m’enveloppe, sa queue raide se cale entre mes fesses, son gland envahit ma raie, comble mon trou excité, ses lèvres, sa langue chatouillent mon oreille, je ressens son souffle brûlant sur ma peau, chargé de testostérone et d’envies de mâle.

    Ses doigts se sont glissés sous mon torse pour aller exciter mes tétons. Le bogoss connaît toutes les touches de plaisir de mon corps, et il s’en sert pour jouer une mélodie du plaisir envoutante.

    Je suis dans un état d’excitation dément, j’ai l’impression que je pourrais jouir d’un moment à l’autre. Mais je ne le veux pas : ce que je veux, c’est qu’il vienne en moi, ce que je veux, c’est de le voir, le sentir, l’entendre prendre son pied en moi, ce que je veux, c’est le savoir jouir en moi.

    J’ai envie, j’ai besoin qu’il me remplisse de son jus de mâle, c’est une envie qui n’a jamais été aussi intense qu’à cet instant précis, car, si j’ai longtemps eu envie que le « petit con Jérém » me remplisse de sa semence, aujourd’hui, j’ai 100, 1000 fois plus envie encore de m’offrir à ce nouveau Jérém, si adorable, si touchant.

    « T’en veux encore ? ».

    Je ne sais pas exactement de quoi il parle, lorsqu’il le demande si j’en veux encore, mais je suis prêt à lui signer un chèque en blanc, tant tout ce qu’il vient de me faire, alors qu’il n’est même pas encore venu en moi, est délirant :

    « Oui, oh, oui ».

    Un instant plus tard, je sens ses pecs glisser lentement et délicatement le long de mon dos, ses lèvres et sa langue redescendre le long de ma colonne vertébrale, ses mains puissantes empoigner et écarter à nouveau mes fesses. Sa langue retourne titiller mon entrée du bonheur, elle alterne des assauts pleins de fougue et d’autres plus en douceur, il me fait languir, il me rend fou.

    Jusqu’à ce que, brûlant à la fois de plaisir et de désir encore inassouvi, j’entende chacune de mes fibres, chacune de mes pensées crier :

    « J’ai envie de toi, Jérém, prends-moi ! ».

    Un cri qui est au bout de mes lèvres, mais que le bogoss ne me laisse pas le loisir de lancer : soudain, il cesse de lécher, il s’allonge à nouveau sur moi de tout son poids, et il cale à nouveau sa queue raide entre mes fesses.

    « J’ai envie de toi aussi » je l’entends chuchoter dans un état second, la voix saturée d’excitation et de désir.

    C’est la première fois que je l’entends me dire ces mots. J’ai envie de pleurer de bonheur, bonheur des sens, du corps, de l’esprit, de l’amour.

    « Moi aussi j’ai envie de toi ! » je ne peux plus m’empêcher de lui lancer, ivre de lui.

    Lorsque je le sens glisser lentement en moi, me pénétrer tout en douceur, tout en me faisant des bisous dans le cou et en caressant mes tétons, je perds ma raison.

    Car je me sens rempli, comblé, possédé. Et aimé.

    « Ce petit cul » je l’entends chuchoter, la voix frémissante d’excitation et de bonheur palpable.

    « Cette queue d’enfer, tu me fais un effet de fou ».

    « Toi aussi tu me fais un effet de dingue ».

    Et, ce disant, le bogoss commence à coulisser en moi, tout en douceur. Peu à peu, ses va-et-vient gagnent en puissance, sans pour autant perdre en douceur, tour à tour, il saisit hanches, puis mes épaules, son torse enveloppe mon dos, ses doigts agacent mes tétons.

    Jérém respire fort, il ahane de plaisir, je couine mon plaisir, sans ménagement. Nous n’avons pas de voisins, nous pouvons nous lâcher.

    « Tu prends ton pied ? ».

    « Oh, oui, Jérém, je prends mon pied, j’adore ce que tu me fais, tu me rends dingue ».

    « Toi aussi tu me rends dingue » il chuchote, la voix déformée par le plaisir montant.

    Et là, il arrête net ses va-et-vient, il se déboite doucement de moi, ses mains saisissent mes hanches, elles amorcent le mouvement pour me retourner, je me laisse faire, je seconde son intention, impatient de le suivre n’importe où ses envies veuillent bien m’amener.

    Jérém s’allonge sur moi, il me regarde dans les yeux, le regard tendre, adorable, et il me balance, la voix calme, douce :

    « J’ai envie de te regarder pendant que je te fais l’amour ».

    J’ai envie de pleurer tellement ce qu’il vient de dire est beau.

    « Moi aussi j’ai envie de te regarder pendant que tu me fais l’amour, j’en ai eu envie le premier jour où je t’ai vu ».

    Jérém me fait un bisou, puis il relève son buste, son torse – pecs saillants, abdos sculptés, carrure, musculature – se dresse devant moi dans toute sa puissance, et me donne le tournis.

    A chaque fois que j’ai eu la chance de coucher avec cette méga bombasse, je me suis toujours demandé comment je pouvais avoir une telle chance, et cette sensation je la retrouve aujourd’hui, plus forte que jamais, après un mois où je n’ai pas pu l’avoir en moi, après que j’aie cru que plus jamais je ne l’aurai en moi.

    Jérém glisse un oreiller sous mes fesses, puis, il saisit mes cuisses, il m’attire contre son manche tendu, et il revient doucement mais inexorablement en moi. Lorsqu’il reprend ses va-et-vient, mon plaisir devient délirant.

    Le plaisir de le sentir coulisser entre mes fesses se combine avec le plaisir de l’odorat – l’odeur de sa peau et de son déo, l’odeur de sa virilité.

    Mais il a aussi avec le plaisir de la vue : mon regard tente d’absorber chaque détail de cette bogossitude renversante qui est la sienne – cheveux bruns en bataille et encore humides, peau mate, traits beaux et virils, brassard tatoué, motif tribal le long de l’épaule remontant le long de son cou jusqu’à son oreille, chaînette de mâle ondulant au gré de ses coups de rein, petit grain de beauté dans la creux de son cou puissant, je le regarde, les yeux aimantés sur les abdos animés par ses coups de reins puissants, la tête et les épaules légèrement en arriéré, la position, les mouvements, combinés à la lumière mouvante de la flamme, font ressortir d’une façon encore plus spectaculaire le relief de ses pecs, l’envergure de ses épaules, le dessin de sa carrure, la puissance de sa musculature.

    Oui, pendant qu’il me fait l’amour, sa plastique, tout comme sa virilité, sont plus impressionnant que jamais, je suis en train de faire l’amour avec un mâle à la fois doux et viril, c’est un mélange explosif, un mélange qui va me rendre dingue. Un mélange qui me rappelle Stéphane. Et Thibault. Pourtant, c’est mon Jérém à moi,

    Combien de chemin parcouru depuis la première « révision » en mode macho qui veut juste se vider les couilles, qui ne pense qu’à son plaisir – une attitude de petit macho certes hyper excitante – mais qui n’est pas grand-chose au final en comparaison avec celle du nouveau Jérém qui ne veut plus juste prendre son pied en moi, mais prendre son pied avec moi.

    Le bogoss ahane de plus en plus fort, son regard semble se perdre de plus en plus loin dans cette dimension à part qu’est la montée du plaisir masculin. Je sens, je sais qu’il ne va pas tarder à jouir, en moi.

    Pourtant, à un moment, contre toute attente Jérém arrête net ses va-et-vient et, sans se dégager de moi, il s’allonge sur mon torse, la respiration profonde, bruyante, le corps frissonnant, presque tremblant.

    « T’as joui ? ».

    « Non, je me retiens ».

    « Tu veux pas jouir ? ».

    « Je veux te faire plaisir, encore un peu ».

    « Si tu savais à quel point tu m’as déjà fait plaisir, tu m’as jamais fait l’amour comme ça, jamais, lâche-toi, Jérém, fais-toi plaisir ».

    « C’est tellement bon » il susurre.

    « Ah, oui, grave ! ».

    Puis, le bogoss soulève son torse, il me regarde dans les yeux, il passe sa main dans mes cheveux, il revient me faire un dernier bisou, juste avant de se relever, d’offrir une nouvelle fois à mon regard ébahi la vision spectaculaire de son torse de malade, la vision d’un jeune mâle s’envolant tout seul, vers les sommets de son plaisir de mec. Jérém recommence à envoyer ses coups de reins, tout en me branlant en même temps. Je vibre de plaisir et de bonheur, je vibre avec mon Jérém. Je voudrais que cet instant ne s’arrête jamais.

    Mais mon corps n’est pas aussi fort que mon esprit.

    « Je vais jouir » je le préviens en sentant arriver le point de non-retour.

    « Moi aussi » fait-il, la voix et sa belle petite gueule déjà déformées par la montée de l’orgasme.

    Un instant plus tard, je jouis, une première giclée atterrit dans le creux de mon cou, et pendant que mes jets s’enchaînent, atterrissent partout sur mon torse, et même à côté, je vois ses abdos se contracter, je vois tout son corps secoué par la vague de plaisir. Se coups de reins ralentissent, et à chaque fois il s’enfonce en moi jusqu’à la garde, sa bouche entrouverte émet une succession de râles puissant de mâle, chacun d’entre eux étant la notification d’une giclée brûlante qu’il est en train d’envoyer en moi.

    Nous venons de faire l’amour et de jouir ensemble, ainsi, nos jouissances s’éteignent au même moment. Jérém s’abandonne sur moi, tremblant, la respiration agitée. Quant à moi, j’ai l’impression que je n’ai jamais joui aussi fort.

    Depuis que j’ai commencé à réviser avec Jérém, j’ai toujours considéré que la jouissance de ma queue était un détail insignifiant de nos rencontres sexuelles, un détail tellement insignifiant qu’on pouvait très bien ne pas le prendre en compte, le peu de fois que j’ai joui avec ma queue en me faisant baiser par Jérém, j’ai toujours considéré que ma vraie jouissance avait été avant, dans le fait de l’avoir en moi, de le voir et de le sentir jouir en moi. Son plaisir à lui devenait mon plaisir à moi, il jouissait comme un mec, je me donnais à lui pour qu’il puisse exprimer toute la puissance de sa virilité, car j’avais envie de voir s’exprimer le mâle, le lion qui était en lui. Je voulais qu’il se rende compte à quel point il me faisait jouir avec sa queue, juste en visant son propre plaisir de mec, je voulais le savoir fier de me faire jouir ainsi, fier de sa queue.

    Mais cette nuit, dans cette petite maison en pierre nichée dans les montagnes, tout cela a changé : mon Jérém m’a fait l’amour comme jamais, nos plaisirs se sont mélangés, enlacés, et ils ne sont devenus qu’un seul, un but commun que nous poursuivions « main dans la main ». J’ai pris du plaisir à lui faire plaisir, mais lui aussi il a pris du plaisir à me faire plaisir.

    Jérém se retire de moi, se penche sur le bord du lit, il attrape un t-shirt, le même que tout à l’heure, et m’essuie le torse, puis, il me fait un bisou, il balance le t-shirt et se glisse sous les draps, j’en fais de même, le bobrun s’approche pour me prendre dans ses bras, je me retourne sur le flanc, de façon à ce que son corps puisse envelopper le mien, nos corps se calent l’un contre l’autre, à la perfection. Jérém passe ses bras autour de mon torse, me serre très fort contre lui, il enfonce son visage dans le creux de mon épaule, il pose d’innombrables bisous tout doux et tout fous dans mon cou, dans le bas de ma nuque, sur mes épaules.

    Dehors, il fait froid, il pleut toujours, le vent ronfle sur le toit, mais dans la petite maison en pierre, le feu crépite bruyamment dans la grande cheminée, et sous ces draps doux qui sentent bon la lessive, son corps irradie une douce chaleur, et il dégage une délicieuse odeur de jeune mâle, un énivrant mélange d’odeur de gel douche, de déo, de sexe, mais pas que : car, ce soir, son corps sent également l’amour.

    Son goût persistant dans ma bouche, mon ventre et mon entrejambe retentissant de l’écho des coups de reins puissants de mon mâle, je me sens envahi par une intense sensation de bien-être. Son jus en moi me fait du bien, je suis groggy de sa testostérone, de sa virilité.

    Dans ces draps, je ressens un doux apaisement du corps et de l’esprit : c’est un bien-être absolu, fait de chaleur, de douceur, de complicité, de sensation que rien ne peut m’arriver dans les bras musclés du garçon que j’aime.

    Oui, la maison est petite, le lit n’est pas grand, mais mon bonheur, notre bonheur, est tellement immense que ça en donne le tournis.

    Jérém me serre un peu plus fort contre lui, me fait un dernier bisou dans le cou, et alors qu’une petite larme de bonheur glisse sur ma joue, je m’assoupis comme un bébé.

    Commentaires

    ZurilHoros

    10/06/2020 07:25

    J’ai été très fan de la saison 1, qui renouvelle le fantasme du dominé et du dominant avec inventivité et une bonne dose de réalisme. C’était sexy et dans le canon gay, mais comme lecteur,  je pense que les 10 épisodes qui précèdent mettent la barre plus haut. 
    La confrontation Jérém Nico ne pouvait plus en rester au même point, sauf à devenir une éternelle répétition du même « Je t’aime, moi non plus ». Le risque était de devenir comme les films de Cité Beur, qui déclinent le même scénario a l’infini. 
    On retrouve les deux ados sous une pluie battante. Jérém guide son Nico jusqu’à la maison ou il s’est réfugié pour se retrouver avec lui-même.
    Quand la porte se referme derrière eux, Jérém embrasse Nico avec fougue.  Cela fait 10 épisodes qu’ils ne se sont pas retrouvés seul à seul.  Dès cet instant, dans ce que Jerem accomplit sur Nico, on sait que la nature de leur rapport à changé.
    C’est même touchant de sentir que Jérém veut prouver quelque chose à Nico, comme si il voulait donner des gages de bonne volonté. Après cette première étreinte, ils se parlent simplement. C’est peut être bizarre de le préciser, mais, Je crois que c’est la première fois. 
    On apprend que Jérém entretient des rapports désastreux avec ses parents, mais que son petit frère Maxime à de l’influence sur lui. 
    A cet instant, il ne se lache pas vraiment, Il sait qu’il n’aura pas d’autre choix que d’en passer par quelques contritions. Il est sincère mais retenu. Il voudrait partir sur de nouvelles bases. 
     « Je suis désolé pour tout le mal que je t’ai fait… ».
    Nico est cool, il n’est pas là pour faire du mélodrame. Toute sa méfiance semble s’etre évanouie. Leur entente sexuelle est toujours forte et inchangée. 
    Jerem est réservé en parole mais il fait parler sa bite sur un nouveau tempo. 
    On sait qu’on va aller vers de nouveaux horizons et on est curieux de savoir si il est possible que leur relation évolue, et vers quoi. 

    fab75du31Auteur

    23/01/2019 00:57

    Tous vos messages me font un bien fou

    Praetorian

    22/01/2019 01:40

    Hello. Je viens de parcourir en quelques jours l ensemble de la saison 1 sur hds et la saison deux que tu as écrite. Je dois juste te remercier car je pleur. Je pleur de joie car cela me touche. J ai vécu cela avec un beau et doux hétéro. Je suis captivé par temps de détails que j en vois une Film dans ma tête un doux rêve qui me laisse songeur. Je ne peux que t encourager à continuer à écrire. Tu as ce que l on appelle une plume en or. Je ne sais pas si tu as vécu cela pour ma part, tu m as fait retourner en arrière et ma fait comprendre bien des choses sur cette amour qui m a fait grandir. Merci

    GEBL

    26/12/2018 10:49

    beau cadeaux  de fin d’année, 
    je suis toujours  bluffer de ton aptitude a décrire les sensations que chacun ressent, chaque geste .
    reste à perfectionner « le titiller les tétons » 

    Perock

    25/12/2018 21:38

    Tellement magnifique, j’ai failli en pleurer tant je désespérais de voir cela se produire.Jerem est enfin un homme, il s’assume et plus que tout il se rend compte que son bonheur peut dépendre en parti de celui de nico. Très joyeux Noël à toi Fabien

    Yann

    25/12/2018 10:35

    Chaque épisode est un cadeau, mais celui-ci plus que tous les autres.
    Que d’émotions ! Toutes les digues ont cédées chez Jerem qui laisse enfin parler son cœur. Quoi de plus beau et de plus touchant que cet amour sincère et sans retenue entre ces deux garçons ? Magnifique, sublime. On a peur que ça s’arrête que ce soit un rêve, l’amour porté à cette intensité est si fragile.
    Merci Fabien, bonnes fêtes à tous.
    Yann

    florentdenon

    24/12/2018 16:20

    Cela valait la peine d’attendre !Passe de bonnes fêtes

    Bebz

    24/12/2018 14:49

    Magnifique retrouvailles, enfin leur histoire commence et c’est beau
    j’espere Juste que ce n’est pas encore une fois un simple rêve 

    Virginie-aux-accents

    24/12/2018 06:33

    Il y avait eu « la semaine magique », mais je ne sais pas comment qualifier ces retrouvailles car elles vont bien au-delà… Un Jérém câlin et AMOUREUX c’est magnifique, touchant, bouleversant, renversant et follement excitant.
    Merci Fabien pour ce cadeau de Noël.

  • JN0203 Une route longue et sinueuse.

    JN0203 Une route longue et sinueuse.

    Samedi 8 septembre 2001, 20h17.

    « Hey, mon pote, comment vas-tu ? ».

    Le sms de Julien arrive à point nommé : peu après le coup de fil de Jérém, alors que je marche sur les Berges de Garonne, la tête et le cœur en vrac, incapable de trouver le chemin de la maison.

    Inattendu. Bouleversant. Ce coup de fil m’a fait l’effet d’une bombe ayant explosé dans ma poitrine. Mon cœur s’est emballé dès l’instant où j’ai vu son numéro s’afficher à l’écran, pendant la durée de nos échanges, j’ai été comme en apnée, les jambes tremblantes, une sorte de vertige altérant mes sens et mes perceptions.

    Je viens de raccrocher et je me sens secoué, assommé, retourné comme une chaussette. J’ai chaud, j’ai froid, j’ai des sueurs, j’ai des frissons, j’ai l’impression de trembler, de flotter. J’ai beau marcher, je n’arrive pas à me calmer : sa voix, ses mots me suivent où que j’aille, ils me hantent.

    Car chacun de ses mots m’a fait vibrer, la vibration masculine et sensuelle de sa voix a fait remonter des souvenirs, des ressentis, des émotions, des sentiments, des images, des odeurs, des sensations : ce coup de fil a fait rejaillir en moi toutes les couleurs dont étaient composés mes espoirs de bonheur, tout un monde, un Paradis perdu.

    Alors, oui, le sms de Julien est plus que bienvenu : un sms auquel je m’empresse de répondre, comme une bouée de sauvetage à laquelle je m’empresse de m’accrocher :

    « Salut, dispo pour un verre maintenant ? ».

    « Ds 15 min au Quinquina ».

    Un quart d’heure plus tard, je suis installé à une table du Quinquina, et je viens de réaliser que le Quinquina, c’est un bar gay. Je me demande si Julien est au courant de ce petit détail. Je regarde à nouveau son sms, et c’est bien marqué « au Quinquina ».

    C’est la première fois que je mets les pieds dans un bar gay après la soirée au B-Machine. Définitivement, je ne suis toujours pas à l’aise avec ce genre d’endroit : j’ai toujours l’impression de ne pas être à ma place, l’impression qu’on me regarde comme un OVNI, l’impression de ne pas être « assez » : assez bien sapé (d’autant plus ce soir, où je n’avais pas du tout prévu de « sortir »), assez stylé, assez pd tout court. J’ai à la fois l’impression qu’on m’observe comme une bête rare, mais sans intérêt, ou qu’on me matte comme un nouveau gibier tout fraîchement découvert, je redoute à la fois qu’on puisse m’ignorer, se moquer de moi, ou bien qu’on me propose un plan « à la Mourad », un coup sans lendemain, merci et « au revoir ». Je ne veux pas revivre ça.

    Je croise quelques regards, mais je n’essaie pas de les accrocher. Je n’ai pas envie de tenter de savoir ce que ma présence inspire : c’est suffisamment le bordel dans ma tête, à cause du coup de fil de Jérém.

    De toute façon je ne suis pas là pour tenter de draguer, je suis là pour prendre un verre avec un pote, et pour me confier à lui. Mais qu’est-ce qu’il fiche Julien ?

    C’est moins pour étancher ma soif que pour tenter de me donner une contenance, que je commande une bière blanche, en attendant Julien, je commence à feuilleter une publication posée sur la table, une sorte de brochure détaillant le Toulouse Gay, page après page, elle recense les lieux où sortir, les évènements gay friendly du moment ou à venir, on y trouve également des appels à la sensibilisation pour la prévention de MST, avec les lieux où se faire dépister, ainsi que des petites annonces de rencontre entre garçons.

    Quelques instants plus tard, l’arrivée de Julien ne passe pas inaperçue, pas du tout, car elle a des allures d’entrée en scène de rockstar : le boblond est habillé d’un t-shirt blanc de marque, un petit bout de coton fin bien ajusté à son torse musclé, il porte un short bleu mettant en valeur son magnifique fessier, il arbore un brushing canaille, les cheveux courts autour de la nuque, beaucoup plus longs au-dessus, rabattus vers l’arrière et fixés avec une profusion de gel, une barbe blonde de plusieurs jours, et, touche de maître, il porte l’accessoire qui tue et qui séduit : des grandes lunettes de soleil (il faut un sacré culot pour oser les lunettes noires, alors qu’il fait nuit).

    Mais aussi, et surtout, il débarque, il avance, il fonce vers moi avec sa dégaine, sa démarche, son allure, son attitude de mec très sûr de lui et de son charme, il fonce en mode conquérant, se mouvant avec aisance dans l’épais faisceaux de regards et de désirs qui essaient de le retenir comme autant de fils invisibles.

    Oui, l’arrivée de Julien au Quinquina est du genre plutôt remarquée, car le bogoss dégage un charme et une sexytude presque palpables : sa présence attire et aimante les regards, et les têtes se tournent sur son passage. L’arrivée de Julien me fait penser à l’arrivée de Jérém au On Off, le soir où il m’y avait embarqué, le même soir où il avait également embarqué le bobarbu Romain.

    Lorsqu’il arrive près de moi, il relève les lunettes au-dessus de la tête, il dégaine un sourire à faire fondre la banquise en 10 secondes chrono, et se penche pour me faire la bise. Son parfum de mec percute mes narines comme un coup de fouet : ah, putain, qu’est-ce qu’il sent bon ! Quand je pense que j’ai fait toutes mes leçons de conduite assommé par ce parfum, et par ce sourire : je ne sais pas vraiment comment j’ai réussi à me concentrer sur les cours.

    « Alors, c’était quoi cette urgence de prendre un verre ? » il me lance à la cantonade.

    « T’es au courant qu’ici c’est un bar gay ? ».

    « Oui, monsieur ».

    « Tu vas attirer l’attention ».

    « C’est déjà le cas ».

    « C’est la première fois que tu viens dans un bar gay ? ».

    « Non, je viens trois fois par semaine » il se moque.

    « Je croyais que t’étais hétéro ».

    « Et tu as raison de continuer à le croire, mais oui, c’est la première fois, j’avais envie d’avoir un nouveau public ».

    « Bon, si tu me racontais ce qui t’arrive ? ».

    En quelques mots, je lui raconte le coup de fil de Jérém, ses « presque excuses » vis-à-vis de son comportement à mon égard, son invitation à le rejoindre dans les Pyrénées, dès le lendemain, et aussi mes réticences à envisager ces retrouvailles, après tout ce qui s’est passé, ma peur d’entendre ce qu’il a à m’annoncer, la peur de souffrir encore, la peur de rouvrir une plaie qui a déjà tant de mal à cicatriser.

    Julien me laisse parler, sans m’interrompre, impassible, ses yeux coquins plantés dans les miens, puis, après avoir bu une bonne gorgée de la bière qu’on vient de lui apporter, il me balance, les yeux dans les yeux :

    « Mais ta gueule, Nico ! ».

    « Quoi, ma gueule ? ».

    « Mais putain, tu meurs d’envie d’y aller, ça crève les yeux ! ».

    « C’est vrai ».

    « Alors, vas-y, putain ! Fonce ! ».

    « Je ne peux pas, j’ai la visite pour l’appart à Bordeaux ce week-end ».

    « Tu t’en bats les couilles, tu appelles le proprio, tu inventes un bobard, et tu files voir ton rugbyman ».

    « Je ne peux pas faire ça ».

    « Putain, Nico, bien sûr que tu peux faire ça ! Si tu es fou de ce mec comme tu le prétends, tu peux faire ça ! Tu dois y aller, tu DOIS y ALLER !  La vie, t’offre une occasion unique, ton mec te tend une perche monumentale, tu ne peux pas la laisser passer ! Parfois, il faut savoir forcer le destin, bon sang ! ».

    Je sais que Julien a raison. Je savais ce qu’il allait me dire avant même qu’il ne débarque. Mais ça fait du bien de l’entendre.

    « Nico, promets-moi d’aller voir ton rugbyman » il insiste « tu crèves d’envie d’y aller et tu as surtout besoin d’entendre ce qu’il a à te dire ».

    Définitivement, avec Julien, j’ai gagné un pote. Ses mots me portent pendant le trajet de retour vers la maison, alors que le vent d’Autan a repris à souffler de plus belle, secouant les cimes des arbres, brassant les feuilles mortes au sol.

    Je me sens léger, j’ai envie d’envoyer un sms à Jérém pour lui confirmer ma venue, pourtant, quelque chose m’en empêche : car, au fur et à mesure que je m’éloigne de Julien, une sorte de bataille commence à faire rage dans mon cœur.

    D’un côté, il y a mon amour, cet amour qui fait que j’ai une envie folle de le revoir, de croire à la sincérité de ses mots, de croire aux promesses de cette voix privée de toute arrogance, de cette attitude si différente de celle que je lui connais, ponctuée par de touchantes  hésitations, de l’autre côté, il y a mon amour propre, celui qui a peur de replonger, celui qui ne veut retomber dans le piège de se créer de nouveaux espoirs, de nouvelles attentes que Jérém pourrait briser à la première occasion, cet amour propre qui veut me protéger.

    Lorsque je me réveille le lendemain matin, vendredi, le tiraillement entre mon amour et mon amour propre est toujours là, je ne sais toujours pas si je vais partir.

    Il est 7h30 lorsque j’ouvre les yeux, puis les volets, et je découvre une journée grise et froide, un ciel de plomb d’où tombent des cordes.

    Je reste longuement à regarder la pluie incessante, je passe la matinée à ressasser les mots de Julien, ainsi que les échanges, les émotions et les frissons provoqués par le coup de fil de Jérém.

    Il est 11h37, lorsque la seule décision possible s’impose à mon esprit : je passe un coup de fil à Bordeaux, j’invente un bobard, lorsque je raccroche, je prends mon courage à deux mains et je vais voir maman.

    « Un pote m’a invité à aller le rejoindre chez lui ce week-end » j’attaque droit au but.

    « Mais il y a la visite de ton appart demain matin ! ».

    « Je n’ai pas oublié, maman, j’ai appelé le proprio, et il accepte de me rencontrer vendredi prochain ».

    « Vendredi prochain, je ne sais pas si je pourrai t’amener ».

    « C’est pas grave, j’irai en train ».

    « C’est qui ce pote ? ».

    « Un camarade de lycée ».

    « C’est celui que j’ai vu l’autre jour ? ».

    « Oui, c’est lui ».

    « Jérémie, c’est ça ? ».

    « Oui, c’est ça ».

     « Vous n’allez pas encore vous battre ? ».

    « Non, j’espère pas ».

    « Et il est où ton pote ? ».

    « A Campan, dans les Pyrénées ».

    « Je sais bien où est Campan, et c’est loin, et en plus, t’as vu le temps qu’il fait ? ».

    « Je sais, je sais, mais je dois y aller ».

    « Tu n’as le permis que depuis quelques jours, tu te vois rouler pendant des heures sous la flotte ? ».

    « Je roulerai doucement, je ferai attention ».

    « Tu es vraiment le fils de ton père, tu as le gène de l’imprudence bien développé quand il s’agit d’amour ! Mais tu as raison, tu dois y aller, autrement tu vas le regretter, tu pars quand ? ».

    « Tout à l’heure, vers 15 h, je prévois large ».

    « On a bien fait de changer les pneus à ta voiture ! ».

    « Merci maman, tu le diras à papa ? ».

    « Oui, oui, je lui dirai ».

    « Merci ! ».

    « Tu es vraiment fou de ce garçon, n’est-ce pas ? ».

    « Oui, je crois ».

    « C’est un beau garçon ».

    « Oui ».

    Ma décision est prise, j’ai la bénédiction de maman, et dans 6 heures je vais retrouver Jérém, je me sens soulagé, je me sens tellement « léger » que j’ai l’impression de flotter à un mètre au-dessus du sol.

    Une heure plus tard, maman part travailler. Il est 13 heures, j’ai deux heures pour décider comment m’habiller pour aller retrouver le gars qui me fait tourner la tête et que je n’ai pas vu depuis un mois.

    Je frémis, je bouillonne, je tremble, je ne tiens plus en place, j’ai le ventre comme un tambour de machine en mode essorage, j’ai l’impression que tous mes sens sont en état d’hyper-sensibilité. Mon corps tout entier est parcouru par une sorte d’excitation insoutenable qui me donne des ailes et m’assomme tout à la fois.

    Je me douche et je me rase, je passe un t-shirt blanc, puis une veste que j’ai achetée quelques jours plus tôt : c’est un blouson d’étudiant américain bleu foncé, avec les manches blanches, je passe mon plus beau jeans, ainsi que des baskets noires qui remontent bien sur la cheville, et je mets du gel dans les cheveux, comme ma cousine m’a appris à le faire.

    Je me regarde dans le miroir, habillé sur mon 31, le brushing soigné, et je me trouve presque pas mal.

    Je mets quelques affaires dans un sac et je descends dans le séjour : il est tout juste 14h30, j’attrape mon téléphone et j’envoie un sms à Jérém pour lui confirmer ma venue :

    « Salut, c’est ok pour le week-end, je serai à Campan à 18h ».

    Je n’arrive pas encore à croire que je vais rejoindre Jérém à 200 bornes de là, car il m’y a invité.

    Mais les minutes passent et mon sms reste sans réponse. Est-ce qu’il capte, là-haut ?

    15 heures : il est temps de partir. Je ferme la maison, je glisse mon sac dans la voiture, je m’installe devant le volant et je tourne la clef. Et là…

    Et là, le bruit étouffé du démarreur envoie un message très clair : la batterie est à plat.

    Ah, non, je ne vais pas louper mon Jérém à cause d’une putain de batterie déchargée !

    Et alors que la panique commence à s’emparer de moi, j’essaie de réfléchir pour trouver une solution : papa, maman sont au travail, je ne peux pas les déranger, la voisine non plus n’est pas là, je ne peux appeler personne, je retourne dans la maison pour chercher le numéro d’un dépanneur.

    Je suis en train de feuilleter nerveusement l’annuaire, lorsque je reçois un sms.

    « Alors, t’es parti ? ».

    Non, ce n’est pas le sms que j’attends, celui de Jérém, mais c’est le sms qu’il me faut à ce moment précis, celui de Julien.

    « Non, la voiture démarre pas ! » je m’empresse de lui répondre.

    « Batterie à plat ? ».

    « Oui ».

    « Bouge pas, j’arrive dans 10 minutes »

    C’est exactement ce que j’avais besoin de m’entendre dire à cet instant précis.

    « Tu veux que j’aille où avec la batterie à plat ? » je fais de l’humour, soudainement soulagé de mon angoisse de ne pas pouvoir partir.

    « Ah oui, bien vu lol ».

    L’attente me paraît interminable : à chaque minute qui passe, je vois mon retard se cumuler. Je regarde mon portable trois fois par minute, toujours pas de nouvelles de Jérém, toujours pas de réponse à mon message.

    Je décide de l’appeler pour le prévenir que j’aurai un peu de retard, mais je tombe direct sur son répondeur :

    « Vous êtes sur le répondeur de Jérémie, vous pouvez me laisser un message, mais il se peut que je ne l’écoute pas tout de suite, car je suis dans un bled où ça ne passe pas partout, pas toujours ! ».

    Je m’en doutais, je n’ai aucun moyen de le joindre. Donc, je n’ai pas de droit à l’erreur : si je n’arrive pas à l’heure, il sera reparti et je l’aurai loupé.

    Julien débarque 20 minutes plus tard : il est 15h35 et il pleut toujours. Il débarque en dégainant son plus beau sourire, un véritable rayon de soleil dans cette journée maussade.

    « Dis-donc, tu t’es fait beau mon salop, t’as envie qu’il te fasse ta fête, hein ? ».

    « Arrête de te moquer ! ».

    « Je ne me moque pas, tu es tout en beauté, Nico ».

    « Merci Julien ».

    « Je croyais que tu n’avais pas envie d’aller voir ce mec, et patati et patata » il se moque vraiment, ce coup-ci.

    « La ferme, Julien et aide-moi à démarrer ! ».

    « Allez, rigole un peu, détends-toi, t’es tendu comme un string ».

    « Alleeeeeez, je suis pressé, on va rigoler une autre fois ».

    Pendant un instant, le bogoss me regarde fixement, sans prêter attention à la pluie qui tombe sans discontinuer, qui défait peu à peu son brushing de bogoss, qui mouille son t-shirt noir, puis, avec des gestes bien assurés, très « mec », il ouvre le capot de sa voiture, puis celui de la mienne, il ouvre sa malle, il en extrait deux câbles épais, l’un rouge, l’autre noir, avec des grosses pinces au bout et il les branche sans hésiter.

    Le bogoss revient à son volant et me lance :

    « Allez, vas-y, essaie de démarrer ».

    Je reviens devant mon volant, je tourne la clef, et alors que Julien appuie sur l’accélérateur pour envoyer le jus, ma voiture démarre comme par enchantement.

    « Ne cale pas au premier stop comme tu faisais pendant les cours, tu ne repartirais pas » il se paie ma tête une fois de plus, pendant qu’il range les câbles de démarrage.

    « J’ai eu mon permis depuis ».

    « On se demande comment ».

    « C’est clair, avec un instructeur aussi naze ».

    « Allez, casse-toi et fais gaffe sur la route ! ».

    « Merci pour tout Julien ».

    « Merci de quoi ? C’est à ça que servent les amis ! ».

    « Alors merci d’être mon ami ! ».

    « Tu es un bon gars, Nico ».

    « Toi aussi tu es en bon gars ».

    « Non, moi je suis une bombasse ».

    « Aussi » j’admets sans difficulté.

    Julien me prend dans ses bras, il me serre contre lui. Lorsqu’il relâche son accolade, je le sens touché, moi aussi je suis touché.

    « J’y vais, alors ».

    « Attends une seconde ».

    Le boblond plonge dans la voiture, il trifouille dans le vide poches, un instant plus tard, il en ressort avec une petite bouteille de parfum à la main, il s’approche de moi et il m’asperge plusieurs fois dans le cou.

    « C’est quoi ça ? » je feins de m’étonner, en reconnaissant illico la fragrance de bogoss qui a failli m’étourdir à chaque fois dans le petit espace de l’habitacle pendant les cours de conduite. Ah, putain, qu’est-ce que ça sent bon son parfum !

    « C’est ton assurance-baise…» il me balance, tout en approchant le nez de mon cou, avant de continuer, railleur : « hummmmm, tu sens bon, comment il va te démonter le gars ! ».

    « Mais la ferme ! ».

    « Tu m’en donneras des nouvelles ! ».

    « Tu m’énerves ».

    « Allez, file, Nico ! » il lâche, en m’adressant un petit clin d’œil en guise d’encouragement.

    Lorsque je « décolle », il est 15h45, je viens de quitter ma rue pour affronter un voyage somme toute assez long, sous un pluie battante, vers une destination que je ne connais pas, je viens de quitter Julien et sa présence rassurante : je n’ai pas encore quitté la ville que je suis à nouveau assailli par l’angoisse, le doute, la peur, je ressens à la fois l’envie d’appuyer sur un bouton pour arriver à destination dans la seconde et la peur au ventre d’y être trop vite.

    Comme tous les vendredi en fin d’après-midi, il y a de la circulation en ville, et également sur le périphérique, la pluie ralentit encore le mouvement : résultat de courses, je ne serai jamais à Campan à 18h00, si tout va bien, j’aurai au moins une demi-heure de retard.

    Je profite de l’arrêt à un feu rouge pour tenter d’appeler Jérém une nouvelle fois, mais je tombe à nouveau sur son répondeur, rien que le fait d’entendre sa voix enregistrée me fait frissonner. Qu’est-ce que ça va être de me retrouver devant lui !

    Je retente au feu suivant, et au suivant encore, puis lorsque je suis dans la file d’attente au péage de Muret : et je retombe toujours et encore sur son répondeur.

    A hauteur de Cazères, après plusieurs tentatives, je me dis que je ne vais jamais pouvoir le joindre : je me dis également que, s’il le faut, j’arriverai trop tard, lorsqu’il sera déjà parti, et que je vais faire toute cette route sous la pluie pour rien. Mais désormais je suis parti, et je ne peux plus faire marche arrière.

    Je prends sur moi et je continue à rouler, je viens de passer le péage et je repense au coup de fil de Jérém de la veille, au frisson inouï qui m’a foudroyé lorsque j’ai vu son numéro s’afficher sur mon portable.

    Jamais je n’aurais imaginé qu’il fasse ce pas, jamais je n’aurais imaginé entendre à nouveau sa voix, cette vibration sensuelle et virile. Et encore moins, j’aurais cru que cette voix, d’habitude si assurée, puisse être traversée par une sorte d’hésitation, presque un malaise : comme s’il avait vraiment pris conscience de s’être mal comporté avec moi, comme s’il avait peur que ça puisse être « trop tard » pour rattraper le coup, comme s’il craignait que je l’envoie balader.

    « Je voulais savoir comment tu allais ».

    Je n’ai pas été commode avec lui, je suis resté tout le temps sur la défensive : pourtant, ça m’a pas drôlement fait plaisir de l’entendre demander de mes nouvelles.

    Le mauvais temps rend la circulation difficile : la pluie tombe à seau, et le vent s’en mêle lui aussi, l’eau réduit la visibilité, les rafales me surprennent, me déstabilisent, je roule doucement, vraiment doucement, je ne quitte pas la voie de droite, tout le monde me double, y compris les poids lourds, ces derniers projettent d’importantes quantités d’eau, ce qui rend la conduite encore plus pénible, ils provoquent également des appels d’air qui se combinent avec le vent et semblent aspirer ma voiture, j’ai du mal à garder le contrôle du volant, j’ai l’impression de déraper, c’est stressant, c’est fatiguant.

    Je ne peux pas continuer à rouler comme ça, la peur au ventre : alors, même si je sais que ça va me mettre encore plus en retard, tant pis, je vais quitter l’autoroute.

    La sortie de Martres Tolosane ne tarde pas à se dresser devant mes yeux. Je l’emprunte et je m’arrête sur le bas-côté pour regarder mon plan. Verdict : il faut suivre la direction St Gaudens.

    J’ai toujours autant de mal à me dire que je suis en train de rouler pour aller voir mon Jérém. Son coup de fil, son invitation, mon départ, tout arrive si vite. C’est tellement inespéré, tellement soudain, alors que je m’étais tellement fait à l’idée que je ne le reverrai jamais !

    Et à chaque fois que j’essaie d’imaginer nos retrouvailles de plus en plus proches, un frisson géant surgit de mon ventre, se propage dans mon corps, sur ma peau toute entière, tout mon être frémit, des pieds jusqu’au cuir chevelu, tous mes poils se dressent.

    J’arrive à Martres Tolosane depuis l’autoroute et je rentre directement sur son « périphérique intérieur » : en effet, le village n’est pas structuré le long d’un axe principal, mais plutôt en forme de bastide circulaire, l’« hypercentre », avec son église et ses vieilles bâtisses, constitue une sorte d’immense rond-point situé à l’intérieur de la boucle de circulation.

    A partir de cette dernière, un certain nombre de routes partent dans différentes directions, l’ensemble dessinant autant de points d’interrogation géants posés à plat : une structure urbaine qui semble faire écho à mon état d’esprit, rempli d’interrogations.

    « Je me disais que si tu avais ton permis, et une voiture ».

    J’ai été très touché par sa façon d’essayer de me tirer les vers du nez, tout en douceur, comme s’il « avait peur » de ma réaction.

    « Ça me ferait plaisir de, de te voir ce week-end ».

    « T’es sérieux ? ».

    « Oui, Nico ».

    Mon prénom paraît si beau, lorsqu’il sort de la bouche de Jérém.

    « T’es où ? ».

    « A Campan, dans la maison de mon papi ».

    Dans sa façon de dire « mon papi », j’ai ressenti chez mon Jérém un côté choupinou qui le rend à mes yeux terriblement touchant, et j’ai réalisé que le serial baiseur musclé et viril a conservé une âme d’enfant : j’ai eu envie de le serrer dans mes bras et de le couvrir de bisous.

    « Viens me rejoindre, Nico ».

    L’entendre insister m’a fait un drôle d’effet, c’est la première fois qu’il me montre qu’il a vraiment envie de me voir, et son attitude semble bien loin de celle du petit con qui encore il y a pas longtemps m’envoyait des sms bourrés de fautes lorsque l’envie de me baiser lui prenait.

    « Je ne t’ai jamais remercié de m’avoir aidé à avoir mon bac ».

    C’est gentil quand même…

    « Nico ».

    « When you call my name, it’s like a little prayer »

    « Je t’attendrai sur la place du village demain à 18 heures ».

    Il m’a vraiment ému ce petit con…

    « Je sais que je me suis comporté comme un con avec toi ».

    , ému aux larmes, même si je luttais pour ne pas pleurer.

    « Les chanceux c’est nous, c’est toi qui me l’as dit une fois ».

    Il s’est même souvenu de cette phrase que je lui avais lancée, comme un cri de désespoir, comme une façon de le supplier de ne pas me quitter, la dernière fois qu’il était venu chez moi.

    « Si tu viens, fais gaffe sur la route, ils annoncent de la flotte dans les heures à venir »

    Il s’inquiète pour moi…

    « Salut Nico ».

    J’ai ressenti beaucoup de tendresse dans ses dernier mots, et notamment dans sa façon de prononcer « Nico » : définitivement, mon prénom est musique pure lorsque c’est Jérém qui le prononce.

    En arrivant à St Martory, je me fais la réflexion qu’au fil des kilomètres la typologie constructive du bâti change de façon perceptible : la brique et la tuile toulousaines cèdent la place à la pierre et l’ardoise, la chaleur des bâtisses de la plaine cède la place à la sobriété des constructions de la montagne.

    Je regarde ces façades grises, ces rues sans couleurs, et j’ai l’impression que l’hiver est déjà là, alors que nous ne sommes qu’en septembre, et qu’il va commencer à neiger d’un moment à l’autre, et là, je suis saisi par une intense envie de me calfeutrer bien au chaud, devant un bon feu de cheminée, avec mon Jérém à moi.

    Désormais, la montagne s’annonce aussi par le changement des cultures : le maïs de la plaine de Garonne laisse la place aux prairies posées sur des pente de plus en plus prononcées, par endroits, des vaches ou des brebis paissent sans même calculer la pluie qui ne cesse de tomber.

    Plus j’approche de ma destination, plus je me sens agité, fiévreux, tendu : heureusement, les souvenirs occupent mon esprit.

    Je repense à ce fameux soir à où, une fois encore, Jérém était venu à mon secours, alors qu’un type bourré dans les chiottes exigeait une pipe, sans quoi il allait certainement me frapper. Jérém avait débarqué et avait joué de ses gros bras pour faire dégager le type. Putain, qu’est-ce qu’il était furieusement sexy !

    Cette nuit-là avait été la nuit des « premières fois » : la première fois que j’avais ressenti sa jalousie, la première fois que j’avais eu l’impression qu’il m’avait fait l’amour, mais aussi la première fois qu’il m’avait demandé de rester dormir chez lui, la première fois que j’avais pu le prendre dans mes bras, la première fois que je m’étais retrouvé dans les siens, bien au chaud, la première fois que j’avais ressenti cette sensation qui m’avait submergé de bonheur, la sensation que rien ne puisse m’arriver, une sensation de bonheur intense et ultime.

    En arrivant à Montréjeau, c’est le souvenir d’une autre nuit magique qui remonte à mon esprit : celle qui avait suivi le plan avec Romain, le bobarbu que Jérém avait levé au On Off, cette nuit-là, alors que Jérém essayait de jouer au mec détaché, en baisant avec le bobarbu et en me laissant baiser avec lui, sa jalousie s’était manifestée une nouvelle fois, cette nuit-là aussi, il m’avait demandé de rester dormir. Et ça avait été une nouvelle nuit de bonheur.

    A l’approche de Lannemezan, je repense à cette semaine magique, un mois plus tôt, je repense à tous ces après-midi chez moi, à faire l’amour avec un bobrun souriant, ouvert, bien dans sa peau, je repense à la complicité qu’il y avait entre nous à ce moment-là, au bonheur de notre entente, sexuelle mais aussi sur tous les autres plans, je repense aux câlins, et je repense aux attentes que cette semaine avait fait naître en moi : l’espoir que notre relation était en train évoluer, que l’on puisse surmonter la distance et n’importe quel obstacle qui se dresserait entre nous, parce que nous le voudrions tous les deux.

    Puis, je repense à Thibault, Thibault qui avait l’air si fuyant lorsque je l’ai eu au téléphone la veille, Thibault que je dois recontacter et essayer d’aller voir dès mon retour sur Toulouse, Thibault, que je regrette de ne pas avoir été voir plus tôt, pour lui permette de s’expliquer, pour savoir ce qui s’était vraiment passé, et pour quelles raisons ça s’était passé, entre Jérém et lui. Et pour savoir comment il le vivait, ce qui se passait dans sa tête, dans son cœur.

    Pourtant, si quelqu’un est bien placé pour comprendre ce qu’a pu vivre Thibault, c’est bien moi. Probablement j’aurais agi de la même façon à sa place.

    Quand je repense à cette nuit que nous avions passée tous les trois chez Jérém, j’y repense souvent comme à une erreur : pendant cette nuit, j’avais cru déceler une sorte d’attirance entre les deux potes, attirance à laquelle eux-mêmes avaient été confrontés peut-être pour la première fois, et qui pourrait réveiller des désirs et des envies jusque-là latents. Dès le lendemain, je m’étais dit que cette nuit pouvait faire des dégâts dans les relations entre nous trois, et dans chacun de nous.

    Erreur ou pas, cette nuit a eu des conséquences sur tous les trois.

    Sur Jérém, car il a été une fois de plus déstabilisé et jaloux de me voir coucher avec un autre gars, même si c’est lui qui avait provoqué ce plan pour me prouver, pour se prouver qu’il n’en avait rien à faire de moi, jaloux de le même façon que lors du plan avec le bobarbu Romain, jaloux de me voir coucher avec son pote de toujours, alors qu’il l’avait lui-même invité à participer à nos ébats.

    Cette nuit a eu des conséquences sur moi, car j’ai découvert la rassurance douceur de Thibault, une découverte qui a contribué à me faire prendre conscience que je ne devais pas tout accepter de Jérém.

    Et sur Thibault aussi, car cette nuit l’a certainement remué profondément, cette nuit a certainement réveillé en lui des désirs qu’il essayait de maîtriser, non sans peine, cette nuit a été l’étincelle qui les a fait flamber jusqu’à les rendre insupportables.

    Dès lors, ces désirs ne l’ont plus quitté, et lui ont échappé des mains : jusqu’à ce fameux soir où il a fini par coucher avec Jérém.

    En arrivant à Bagnères de Bigorre, je me sens comme une cocotte-minute prête à exploser : les retrouvailles approchent à grand pas, j’en ai mal au ventre.

    « Tu pars quand à Paris ? ».

    « Quand le médecin me donnera le feu vert, je dois passer des visites médicales à la fin du mois ».

    Il va partir de toute façon, il va partir bientôt : alors, à quoi ça rime son initiative de reprendre contact avec moi ? A quoi ça rime cette invitation ? Est-ce qu’il veut me voir pour me dire « adieu » ? Mais à quoi bon se revoir, si c’est pour se quitter à nouveau de suite après ? Pourquoi ne pas laisser les choses se tasser, laisser au Temps le temps de faire le deuil, le temps de nous oublier ?

    Comment ça va se passer cette rencontre ? Je marche vers l’inconnu, et cet inconnu me fait peur.

    En sortant de Bagnères, la montagne est là, devant moi, tout autour de moi, le ciel est très gris, très lourd, il pleut de façon insistante et l’humidité remonte les pentes sous forme de brouillard, jusqu’à cacher les sommets.

    Un panneau routier indique : « Campan 10 km ».

    Dix kilomètres, dix minutes. Dans dix minutes, je serai arrivé à destination, dans dix minutes, je saurai s’il m’a attendu, malgré ma demi-heure de retard : s’il n’est plus là, j’aurai fait toute cette route, longue, sinueuse et difficile, pour rien, une route qui m’a amené de Toulouse à Campan, une route qui démarre le premier jour de lycée et qui me mène ici, dans les Pyrénées, le cœur en vrac.

    Mais s’il est là, et j’espère encore et malgré tout qu’il est là, je vais devoir affronter son regard, endurer sa présence, maîtriser les battements de mon cœur qui, je le sens, vont encore s’accélérer, qui vont taper tellement fort dans ma poitrine que j’aurai du mal à tenir debout, s’il est là, et lorsque je serai devant lui, je vais devoir essayer de maîtriser mes émotions, garder mes moyens, ne pas pleurer, ne pas m’énerver. Et ne pas céder au désir brûlant, à cette envie de lui, de son corps, de son odeur, de sa proximité, de cette sensualité qui va me happer à coup sûr.

    Je ne sais pas comment je vais faire, je ressens tellement d’émotions à la fois puissantes et contrastantes vis-à-vis de ce mec…

    Quelle attitude adopter ? Comment me comporter avec lui ? Comment ne pas craquer ?

    Un panneau routier indique : « Campan 3 km ».

    A l’approche de Campan, je repense au moment où j’ai appris pour son accident, à ces trois jour pendant lesquels j’ai eu la peur de ma vie : la peur qu’il ne se réveille pas, la peur de le perdre, pour toujours, et quand je pense au soulagement que j’ai ressenti lorsque Thibault m’a annoncé qu’il s’était réveillé de son coma, je me sens prêt à tout lui pardonner, je crois que de toute façon, rien qu’en le revoyant, je vais fondre.

    Je ressens une soudaine et folle envie de le serrer contre moi, de le couvrir de bisous, je me sens prêt à tout recommencer, à prendre tous les risques, à lui dire et lui redire clairement qu’il est la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie, que je ne peux pas renoncer à le voir, que je ferai tout ce qu’il faut pour continuer à le voir, que j’irai le voir à Paris, que je serai discret, que je ne lui demanderai pas plus qu’il ne peut me donner.

    Ma playlist sur cassette accompagne mes pensées, avec l’une des dernières chansons, et certainement l’une des plus poignantes, signées Beatles :

    The long and winding road that leads to your door/La longue et sinueuse route qui mène à ta porte

    Will never disappear, I’ve seen that road before/Ne disparaîtra jamais, j’ai déjà vu cette route.

    It always leads me here/Elle me conduit toujours ici,

    Leads me to your door/Elle me conduit à ta porte.

    L’instant « T » approche à grand pas, tout se bouscule dans ma tête, je n’arrive plus à me focaliser sur quoique ce soit, et encore moins à me fixer sur l’attitude à adopter vis-à-vis de Jérém : désormais il n’est plus temps de prendre des résolutions.

    Alors, ma seule « résolution », ce sera celle de me laisser porter par les évènements, d’écouter ce qu’il a à me dire et de me comporter en fonction, inutile de prévoir ce que je vais lui dire, ou de me fixer une attitude plutôt qu’une autre, inutile d’envisager qu’il va se comporter de telle ou telle façon, qu’il va dire ceci ou cela : de toute façon, rien ne se passera comme je pourrais l’imaginer. Et surtout pas avec Jérém. Et, au fond, c’est bien ainsi : c’est cet inconnu qui fait battre si fort mon cœur : ça fait mal parfois, mais ça me fait me sentir tellement, tellement, tellement vivant.

    « CAMPAN ».

    Lorsque le panneau d’entrée d’agglomération rentre dans mon champ de vision, les six lettres me percutent comme une gifle puissante : je ressens une intense chaleur se propager dans mon ventre, tout se brouille dans ma tête, j’ai l’impression de planer.

    Le ciel lourd se combine à merveille avec les nuances de gris de la pierre des murs, de l’ardoise des toitures pentues, je suis sous le charme de cet environnement tout en pierre et sobriété, de ce paysage comme en « noir et blanc », qui semble tout droit sorti d’une ancienne carte postale, le village a l’air d’un bijou posé sur un coussin de nuages gris, et tout autour de moi semble parler de l’hiver, de journées froides, humides, d’une nature hostile jusqu’au printemps.

    Voilà la halle en pierre, avec ses pentes très inclinées couvertes d’ardoises, ses piliers en pierre, ronds et massifs mais pas très hauts, empêchant la lumière de pénétrer à l’intérieur, notamment par une journée aussi grise, je ralentis, et je regarde vite fait si je vois mon Jérém quelque part dans la pénombre, mais je ne vois rien. Pourvu qu’il soit encore là.

    Je m’engage dans le petit boulevard juste en face, là où il semble y avoir des parkings.

    18h38. Presque 40 minutes de retard. Je sors de la voiture sans attendre, alors qu’il tombe toujours des cordes. Pourvu qu’il ne soit pas déjà reparti ! Car, s’il n’est plus là, et comme je n’arrive pas à le joindre, je vais devoir le retrouver : non, je ne repartirai pas à Toulouse sans l’avoir vu, ou sans avoir retourné le village tout entier pour le débusquer.

    Je remonte le petit boulevard, je me hâte en direction de la halle en pierre : je me « hâte » comme je peux, alors que j’ai les jambes en coton, le souffle coupé, le cœur dans la gorge, les mains moites, la tête qui tourne.

    Je n’ai plus que la route à traverser pour atteindre mon but : et c’est là que j’aperçois une présence dans la pénombre, une carrure et une attitude de mec qui pourraient bien être les siennes. Je vois un mec de dos, l’épaule appuyée contre le pilier d’angle du bâtiment, habillé d’un pull gris dont la capuche est remontée sur la tête, et d’un short en jeans assez long. Le mec semble regarder la pluie tomber, mais dans la direction opposée.

    C’est lui, je suis sûr et certain que c’est lui.

    J’ai le tournis, puis le vertige, ma vue se brouille, je traverse la route mais je ne me sens pas le courage d’aller directement vers lui : alors, je me cache derrière l’angle de la maison jouxtant la halle.

    Je viens tout juste de l’apercevoir, et tellement de choses remontent en moi, c’est insoutenable, insupportable, j’ai envie de pleurer, j’ai envie de faire demi-tour et de repartir.

    Je reste ainsi, comme tétanisé, mes larmes se mélangeant à la flotte qui tombe sur ma tête et sur mes épaules, pendant quelques longs instants.

    Jusqu’à ce qu’une voix au fond de moi se lève pour crier :

    « VAS-Y ! ».

    Je reconnais cette voix, c’est la même qui s’était levée le jour de la première révision, pendant mon trajet à pied vers l’appart de la rue de la Colombette, elle s’était fait entendre alors que je traversais le Grand Rond à Toulouse, et que j’hésitais à faire demi-tour, là aussi. Malgré tout, je me dis que cette voix avait eu raison, et que j’avais eu raison de l’écouter. Et si cette voix a eu raison hier, je ne vois pas pourquoi il n’en serait pas de même aujourd’hui.

    J’essuie mes larmes, je prends une profonde inspiration et je franchis le seuil de la halle, laissant à nouveau le garçon que j’aime pénétrer à son insu dans mon champ de vision, dans ma tête, dans mon cœur, dans mes tripes.

    J’avance doucement et j’ai vraiment l’impression de planer, le bruit de mes pas est couvert par le son de la pluie qui tombe sur les ardoises et qui résonne dans le grand espace à la lourde charpente de bois.

    Et à chaque pas, j’ai l’impression de sentir un peu plus fort sa présence, comme une radiation qui se dégage de lui, comme quelque chose de palpable, comme une sorte de brouillard épais qui m’enveloppe, comme quelque chose d’électrique qui perturbe toutes les fibres de mon corps et de mon cœur.

    Alors même qu’il n’est que de dos, qu’il ne s’est même pas rendu compte de ma présence.

    Sa présence irradie, mon amour et mon désir amplifie. Ce mec me fait un effet de dingue.

    J’ai envie de faire durer cet instant le plus longtemps possible, cet instant où tout est possible, où je ne connais pas encore ses intentions, où je n’ai pas encore croisé son regard de braise, où je n’ai pas encore entendu sa voix, ni ses mots, cet instant où il m’attend encore, où il se demande peut-être si je vais venir ou pas, où il est peut-être déçu de ne pas me voir, oui, j’ai envie de faire durer le plus longtemps possible la perfection de cet instant où tous les espoirs sont encore possibles.

    Le pull à capuche souligne le V de son dos, le short laisse dépasser ses mollets, c’est sexy à tomber. Il est en train de fumer.

    Je ne suis désormais qu’à cinq mètres de lui, et alors que le bruit de la pluie couvre toujours le bruit de mes pas, le bogoss se retourne soudainement, comme si je l’avais appelé.

    Sous l’ample capuche, les traits et le regard de mon Jérém me frappent comme un poing en plein ventre.

    Il écrase son mégot contre le pilier, il le glisse dans sa poche et il bascule sa capuche : ses cheveux bruns apparaissent et, surprise, ils sont laissés en bataille, sans aucune fixation, ils sont même un peu plus longs que d’habitude, magnifique crinière virile de beau mâle brun, sa barbe aussi est plus longue que d’habitude, d’une semaine je dirais, et elle habille à merveille la peau mate de son visage, visage qui porte des marques de coups, qui ne sont pas celles provoquées par ma main, mais certainement les suites de la bagarre qui l’a conduit dans le coma pendant trois jours. Je fonds.

    « Salut » il me lance en s’efforçant d’afficher un beau sourire.

    « Salut » je lui réponds, en m’efforçant de ne pas bégayer, en prenant sur moi pour le regarder dans les yeux.

    « Ça va ? » il enchaîne.

    « Oui, et toi ? ».

    « Ça va ».

    Et là, au bout de deux échanges de politesses, le silence s’installe entre nous. Je suis mal à l’aise et j’ai l’impression que Jérém n’est pas plus à l’aise que moi, comme si son assurance de petit con qui n’a peur de rien s’était soudainement envolée.

    J’aurais envie de trouver un moyen de briser la glace, je n’y arrive pas. Je suis perdu, troublé par sa présence : je ne sais pas où nous en sommes vraiment, j’ai l’impression qu’après tout ce qui s’est passé, après un mois sans se voir, une nouvelle distance s’est glissée entre nous. Comme si nos existences jadis synchronisées étaient désormais en décalage.

    Les secondes s’enchaînent et le bruit de la pluie devient presque assourdissant.

    « T’es beau, dis-donc » il finit par me balancer, après avoir allumé une nouvelle clope.

    C’est la première fois que Jérém me fait un vrai compliment. Je suis à la fois flatté et déstabilisé.

    « Tu parles ».

    « Si, si, tu es très beau, t’es très bien sapé ».

    « Oui, ce sont les fringues qui font tout ».

    « Oui, enfin, non, c’est pas ce que je voulais dire, euh, t’es vraiment pas mal, Nico ».

    « Arrête ton baratin ».

    « C’est pas du baratin ».

    « Si ».

    « T’as mis un parfum ».

    « Non, enfin, si ».

    « Tu sens bon ».

    « Merci ».

    Nos regards se croisent, nos silences s’additionnent, nos malaises s’amplifient mutuellement.

    Puis, un détail attire mon attention : le zip du pull à capuche est légèrement ouvert et un bout de tissu plié dépasse, on dirait un col de maillot de rugby, mais pas n’importe lequel. Du blanc, du rouge : on dirait bien le maillot que je lui avais acheté à Londres et qui avait désormais une longue histoire : ce maillot que j’avais gardé longtemps chez moi avant de me décider à lui offrir, ce maillot qu’il m’avait balancé à la figure lorsque j’avais enfin voulu le lui donner, ce maillot que j’avais laissé à son patron, à la brasserie, ce même maillot qu’il m’avait crié avoir jeté à la poubelle : c’était la nuit avant son accident, lors de cette rencontre houleuse en présence de Martin.

    Sans vraiment réfléchir, je m’approche de lui, j’ouvre un peu plus le zip. Mes gestes sont déterminés, et le bogoss se laisse faire : oui, c’est bien le maillot que je lui avais offert. Mes doigts effleurent au passage sa peau mate, douce et tiède, mille frissons se dégagent de ce simple contact, comme des étincelles qui se propagent dans tout mon corps, m’approchant dangereusement de la surcharge et du court-circuit émotionnel.

    « Je croyais que tu l’avais jeté ».

    « Tu crois que je pourrais jeter le maillot de Johnny ? ».

    « Non, bien sûr, le maillot de Johnny ».

    « Et puis, c’était un beau cadeau ».

    « Je voulais te faire plaisir ».

    « Et c’est réussi »

    Le silence s’installe à nouveau entre nous, le bruit incessant de la pluie a quelque chose d’hypnotique, et j’ai l’impression de perdre pied.

    « Tu es vraiment un gars adorable » il me lance.

    « Si tu le dis ».

    « Zt je me suis vraiment comporté comme un con avec toi ».

    « Tu m’as fait trop mal ».

    « Je sais ».

    Je pleure.

    Jérém s’approche de moi et il me prend dans ses bras.

    « Je suis vraiment, vraiment désolé ».

    Je me dégage de son étreinte, je lui fais face, je plante mon regard dans le sien.

    « Je t’aime, Jérém, je t’aime comme un fou, je n’ai pas arrêté de penser à toi un seul instant depuis le premier jour du lycée, quand j’ai su pour ton accident, j’ai eu tellement peur de ne plus jamais te revoir ! J’ai réalisé à quel point tout est si fragile, et que tout peut finir sans prévenir, j’ai envie qu’on soit ensemble, j’ai envie de passer du temps avec toi, pas seulement pour le sexe, même si c’est génial avec toi comme avec personne d’autre, j’ai envie d’être là pour toi, et que tu sois là pour moi, j’ai envie de te dire à quel point tu es quelqu’un de spécial pour moi ».

    Silence de sa part, il fume. Les secondes s’enchaînent.

    « Tu ne dis rien, Jérém ? ».

    « Nico, je te l’ai déjà dit, je ne peux pas t’offrir une vie de couple comme tu le voudrais, c’est très dur pour moi ».

    « Qu’est-ce qui est trop dur ? ».

    « De vivre « ce truc » qu’il y a entre nous, toi t’as envie de le vivre à fond, moi ça me fait peur ».

    « Pourquoi ? ».

    « Je ne peux pas t’expliquer pourquoi, je n’y arrive pas, c’est tout ».

    « C’est pour ça que tu m’as fait venir ? Je viens de me taper 200 bornes sous la flotte et tout ce que t’as à me dire que tu n’as pas les couilles pour nous donner une chance ? ».

    « Non, je t’ai demandé de venir parce que j’avais envie de te voir, et parce que je te devais des explications ».

    « Elles sont nulles tes explications ».

    Jérém se tait à nouveau, il se réfugie derrière sa cigarette.

    « Alors on fait quoi, maintenant ? On reste potes ? » je tente de le secouer.

    « J’aimerais qu’on y arrive ».

    « Et ça te suffirait, à toi, qu’on reste potes ? ».

    « Il va falloir ».

    « Je m’en fiche de ce qu’il faut, je veux savoir si à toi ça te suffirait ».

    « Je n’ai pas le choix, Nico, Paris c’est loin, et là-bas ça va être impossible de vivre ça ».

    « Oui ou non ? Réponds à ma question ! » je m’emporte.

    « Il n’y a pas de solution ».

    « OUI ou NON ??? ».

    « Non ! » il finit par lâcher, un « NON ! » claquant, définitif.

    Un nouveau silence suit ce petit coup de tonnerre, cet éclair qui vient de me foudroyer.

    « Non, ça me suffit pas » il reprend, le regard fuyant, l’air remué comme jamais « mais c’est comme ça, je n’y peux rien, Nico ».

    « En gros, tu m’as fait venir pour me dire adieu ».

    « Je voulais m’excuser pour mes mots et mon comportement des dernières fois qu’on s’est vus, je suis désolé de t’avoir frappé ».

    « Je t’ai frappé en premier ».

    « Je l’avais bien cherché, je suis aussi désolé de t’avoir foutu la honte avec ce gars la dernière fois, tu as le droit de voir qui tu veux, bien sûr, et je n’ai pas le droit de te demander des comptes ».

    « Ce gars n’est personne pour moi ! Si je suis sorti ce soir-là, si je me suis laissé embarquer par ce mec, c’était pour ne pas rester seul, pour essayer d’arrêter de ressasser ce qui s’était passé entre nous, j’étais tellement malade quand tu m’as quitté, je pensais que tu étais passé à autre chose, je croyais que je ne te reverrais jamais, et pourtant, quand je t’ai croisé sur les allées, je n’avais qu’une envie ».

    Je suis à nouveau submergé par l’émotion, mes mots se coincent dans ma gorge.

    « Quelle envie ? ».

    « Celle de laisser tomber Martin et de repartir avec toi, mais t’as été tellement relou, tellement mauvais ».

    « J’ai été nul ».

    Ses excuses tardives, ce sentiment de gâchis, de nous être ratés tant de fois, sa façon de baisser les bras face aux obstacles que la vie est en train de mettre entre nous : je suis dégoûté, j’ai envie de pleurer et de m’enfuir, je ne sais plus quoi lui retorquer, je me sens désemparé, aucun mot me vient à l’esprit : j’ai juste envie de repartir et de m’enfermer dans ma chambre pour pleurer.

    Je regarde Jérém et j’ai impression qu’il est dégoûté tout autant que moi : il respire bruyamment, il ne tient pas en place, il semble trépigner, on dirait qu’il tape du sabot comme un petit taureau dans l’arène, mais un petit taureau plutôt nerveux qu’énervé, comme s’il avait des trucs à me dire et qu’il se faisait violence pour ne pas les lâcher.

    J’ai terriblement envie de l’embrasser : alors, sans plus réfléchir, j’avance vers lui et je l’embrasse. Et à l’instant même où je retrouve la chaleur et la douceur de ses lèvres, une décharge électrique parcourt ma colonne vertébrale, j’ai l’impression de changer de dimension, d’être soudainement projeté dans un monde de bonheur absolu où nous serions plus que tous les deux, où tout serait simple et beau.

    Hélas, la décharge de bonheur est de courte durée : elle est stoppée net par l’attitude de Jérém, qui fait un pas en arrière pour se dérober à mes lèvres.

    Je sens ma colère monter, colère fille de frustration face à cette barrière invisible infranchissable qui nous sépare.

    « On n’y arrivera vraiment jamais, alors ».

    « Je ne peux pas Nico, je ne peux pas ».

    « Tu m’énerves Jérém » je finis par lui balancer « je n’aurais pas dû venir ».

    « Ne dis pas ça ».

    « Tu ne veux pas d’une relation, mais je crois surtout que tu n’es pas prêt à assumer qui tu es et ce dont tu as envie, alors, ça rime à quoi tout ça ? Tu ne m’as pas fait assez de mal ?!?! ».

    Nouveau silence de sa part. J’ai envie de lui dire tant de choses et pourtant tous les mots du monde me semblent impuissants à le toucher, à le convaincre à vaincre ses peurs, à lui donner confiance en « nous ».

    « Ça veut dire quoi MonNico ? » je lui balance de but en blanc, sans réfléchir.

    « De quoi ? ».

    « La fois où je t’ai appelé, quelques jours avant ton accident, j’ai entendu cette nana te demander : « C’est qui MonNico ? », alors, je te demande ce que ça veut dire MonNico, si toutefois ça veut dire quelque chose ».

    Jérém ne répond pas, il continue de fumer sa cigarette. C’en est trop pour moi.

    « Va te faire voir, Jérém, je me tire ! » je lui balance, tout en me retournant pour repartir, en essayant de retenir mes larmes.

    Je n’ai pas fait un pas que je sens sa main attraper mon avant-bras, m’obligeant à me retourner.

    « Attends, Nico ».

    « Lâche-moi ! » je lui lance sèchement, tout en me dégageant de sa prise et en repartant vers la voiture.

    Et là, Jérém m’attrape une nouvelle fois par l’avant-bras, la puissance de sa prise traduisant sa détermination, une nouvelle fois, il m’oblige à m’arrêter, à me retourner, et cette fois-ci, son mouvement m’attire vers lui.

    Je me retrouve les épaules collées contre le mur en pierre, enveloppé par son parfum qui me met en orbite, ses yeux noirs pleins de feu plantés dans les miens, nos nez à vingt centimètres l’un de l’autre.

    Sa pomme d’Adam s’agite nerveusement, dans son regard, une étincelle que je lui connais bien, une flamme incandescente qui ressemble et tout et pour tout à celle qui brûlait dans son regard pendant la semaine magique, la même, mais avec plus d’intensité, car mélangée à une sorte d’angoisse, de peur.

    Le temps est comme suspendu, figé, comme si plus rien n’existait au monde, à part nos regards qui se cherchent, s’aimantent.

    Un grand homme disparu a dit : il y a des jours, des mois, des années interminables où il ne se passe presque rien, et puis il y a des minutes et des secondes qui contiennent tout un monde.

    Et ce monde, ce nouveau monde, je l’ai vu, à cet instant précis, dans son regard.

    Sa main glisse doucement derrière ma nuque, sa paume est si chaude, si délicate, elle fait plier légèrement mon cou, le sien se plie aussi, et nos visages se rapprochent : jusqu’à ce que ses lèvres tremblantes se posent sur les miennes. Puis, très vite, son baiser se fait plus appuyé, et sa langue s’insinue entre mes lèvres.

    Jérém m’embrasse et dans ma tête c’est le blackout, je l’embrasse à mon tour, heureux, en larmes.

    Dans un coin de la halle de Campan, pendant que la pluie tombe dehors, voilà enfin le premier vrai baiser de Jérém, à la fois fougueux et presque désespéré.

    Jérém m’embrasse longuement, le goût de ses lèvres est délicieux. Un instant plus tard, son nez, son souffle et ses lèvres effleurent la peau de mon cou : je vais devenir dingue.

    « Ça te convient comme réponse ? ».

    « Quelle réponse ? » je fais, perdu, désorienté.

    « Tu voulais savoir ce que ça veut dire MonNico »

    « Ah, oui, c’est un bon début ».

    « Tu m’as manqué » il me chuchote.

    « Toi aussi tu m’as manqué »

    Je pleure.

    « Ne pleure pas Nico ».

    Je le sens lui aussi au bord des larmes.

    « J’ai eu tellement peur ».

    « Je suis là, je suis là ».

    « Je suis content que tu sois là » il me glisse à l’oreille, alors que la chaleur de son corps, la puissance de son étreinte, ses bisous dans le cou, son parfum m’étourdissent.

    « Tu veux toujours repartir à Toulouse ? » il me nargue, adorable.

    « Je crois que je vais attendre un peu ».

    The long and winding road that leads to your door/La longue et sinueuse route qui mène à ta porte

    Will never disappear, I’ve seen that road before/Ne disparaîtra jamais, j’ai déjà vu cette route.

    It always leads me here/Elle me conduit toujours ici,

    Leads me to your door/Elle me conduit à ta porte.

    Commentaires.

    ZurilHoros

    05/06/2020 20:14

    On a quitté Nico qui reçoit un appel de Jérém, et pas n’importe quel appel. Jérémie le pti con, ou bien le gros connard, selon le moment, qui demande timidement mais humblement à Nico de venir le rejoindre. 

    On sait donc que ce qui va suivre constituera un épisode charnière  de cette histoire dont on ne connait pas encore la fin. Autant dire que les attentes sont élevées et que l’appréhension d’un récit qui serait sans surprises est aussi forte que celle d’en connaitre le dénouement au plus vite. 

    Je savais donc ou j’allais, mais je n’y suis pas allé par le chemin que je pensais suivre. 

    Le récit prend son temps. Bien qu’il ne se passe aucun événement pour contrarier Nico, je trouve qu’il n’est pas des plus pressés. A t-il tant de temps que ça devant lui pour être au RV, à 18:00 à 200 bornes de Toulouse ou Jérémie l’attend. Et si il est en retard?
    Comme il traine, il ne faudrait pas qu’il y ait une tuile. 
    Le lecteur s’impatiente, il veut sa scène de retrouvaille. 
    Et voilà la tuile. Pas un grand contre temps, mais il a tellement trainé qu’on se demande comment il sera à l’heure. Comment ne pas arriver à l’heure à un RV fixé par Jerem, le mec qui faisait de lui ce qu’il voulait, arrogant, méprisant, capricieux. Est ce qu’il attendrait, ce Jérém qu’on a appris à connaitre? 
    Et si Nico ne trouve pas tout de suite, ça ne va rien arranger. 
    Le temps de la route sera ponctué par des flash back, qui recompose le paysage du désir de Nico. Des espoirs, des attentes, des déceptions. Et le paysage qui défile à travers les vitres de la voiture. 

    Il arrive bien tard, pas en retard comme une Diva qui fait son entrée, mais en retard comme un type qui n’a pas trouvé sa route. 

    Alors? Maintenant c’est la grande scène, celle qu’on attend et qu’il ne faut pas rater. 

    Et bien, en ce qui me concerne, elle est bien plus belle que je l’attendais. 
    Pas de scènes au ralenti, pas de fébrilité, de paroles haletante ni de regards éperdues. 

    Le style de l’auteur permet de visualiser la scène, et les mots sont tellement justes dans leurs bouches, à l’un et à l’autre qu’on entend leur timbres de voix. 
    Il y a de la méfiance, de la colère rentrée, voir pas rentrée, de la franchise, pas de chantage affectif, mais des questions précises qui attendent des réponses. C’est la vérité de Nico face à un Jérémie qui ne fait plus semblant, un Jérémie qui a peur et qui le cache pas. Nico est plus adolescent, plus enfantin, mais il sait ce qu’il veut. Jérémie est pudique, honnête, doux. Au fond, il n’est peut être pas un tricheur, et il sait que si il fait un pas, il ne pourra plus faire marche arrière. 
    Alors, que va t-il faire?

    Ca fait beaucoup de chapitres qui se suivent avec le même bonheur, tous très aboutis. Je me plais à les relire, pour y découvrir des subtilités, des détails cachés. 

    Un épisode qui était condamné à être réussi et qui l’est.0

    Twini

    20/12/2018 14:03

    Un épisode avant les fêtes ? Je n’en peux plus d’attendre. Je me mets à relire encore et encore ce chapitre, si beau. Merci pour ces émotions0

    Florentdenon

    09/12/2018 14:10

    Vraiment bravo ! A quand la suite ? Pourvu que le bobrun ne soit pas decevant..0

    fab75du31Auteur

    28/11/2018 23:49

    Merci merci merci, vos commentaires me vont droit au cœur. C’est un bonheur de partager ces émotions avec vous. Fabien0

    gebl

    28/11/2018 16:26

    Comment au départ d’une simple recherche d’une histoire de sexe, avec ce que cela implique,  on en arrive à aimer ce roman, à être ému, où la recherche de d’excitation physique est remplacée par des émotions captivantes , au regard de sentiments amoureux  aussi bien  écrits.
    Merci   0

    moulbox

    23/11/2018 18:20

    Super texte comme d’ab, cela de voir dans  le récit  le nom de Saint-Martory surtout quand on y habite.
    Ps: Martres-Tolosane n’est pas une bastide, mon amie la présidente de région Carole Delga c’est trop précipitée pour faire imprimer les panneaux à l’entrée de la ville.0

    Etienne

    21/11/2018 00:29

    Magnifique épisode, touchant.
    Mais…, j’espère que Jerem ne retient pas Nico uniquement parce que les hormones sont en ébullition…0

    Perock

    19/11/2018 11:28

    Enfin, il se sort la tête du c**. J’ai eu envie de baffer jerem tant il ne voulait pas s’ouvrir à ses sentiments. C’est enfin le début de quelque chose :D0

    Momo

    18/11/2018 09:10

    Magnifique histoire, très touchante j’ai pleuré tellement elle est émouvante vraiment je suis très émue j’arrive même pas à écrire. 0

    Yann

    17/11/2018 15:15

    Sublimes et émouvantes ces retrouvailles entre Jerem et Nico. Leur timidité, on croirait presque que c’est leur première rencontre. En tout cas Jerem n’est plus le même. Enfin il parle et se dévoile avec tellement de sincérité ; c’est si touchant et inattendu de sa part cette façon de lui dire combien il compte pour lui. Va-t-il continuer ainsi ? En tout cas c’est un bon début et Nico semble apprécier ; il sait enfin qu’il y a une  place pour lui dans le cœur de Jerem. Va-t-il le convaincre pour qu’ils fassent un bout de chemin ensemble ? Lui proposer de l’aider à y voir clair sur lui-même.
    Magnifique épisode Fabien, j’ai adoré.
    Yann0

    Virginie-aux-accents

    16/11/2018 22:35

    waouh!!!
    C’est intense, touchant, inédit et je suis émue aux larmes. Il faut que Jérém se lâche vraiment, et ce baiser est un premier pas encourageant…

    PS : je suis très alléchée par les récits inédits annoncés…

  • JN0202 Colère, regrets, remords, coup de fil et vent d’Autan.

    JN0202 Colère, regrets, remords, coup de fil et vent d’Autan.

    Jeudi 6 septembre 2001.

    Des abdos, des pectoraux qui se frôlent, des lèvres qui se touchent, des langues qui se mélangent. Les corps nus s’attirent, s’enlacent. Une main enserre les deux sexes tendus dans la même étreinte, puis elle démarre des mouvements de va-et-vient, deux garçons frissonnent à l’unisson.

    Le plaisir monte, un premier jet s’envole et atterrit sur un relief de pectoraux bien dessiné.

    C’est la main de qui ? C’est le jus de qui ? Ce sont les pectoraux de qui ?

    Un autre jet fuse, c’est l’autre garçon qui jouit. Et ça continue ainsi, giclée après giclée, jusqu’à ce que les deux potes, repus de plaisir, libérés de leurs tensions sexuelles, le bas ventre irradiant cette chaleur qui est l’arrière-goût d’un orgasme intense, s’abandonnent l’un dans les bras de l’autre, trouvant doux et rassurant ce contact avec le corps de l’autre, semblable au sien.

    Depuis presque deux semaines, depuis que Thibault m’a raconté ce qui s’est passé avec Jérém, il ne s’est écoulé une heure sans que ce genre d’images viennent me hanter, à la fois excitantes et blessantes, piquant ma jalousie à vif, pas une heure sans que j’essaie d’imaginer Jérém et Thibault dans un lit, en train de se donner du plaisir.

    Pas une heure, sans que je ne me pose les mêmes questions : comment se donnent du plaisir deux mecs comme Jérém et Thibault ? Jusqu’où sont-ils allés ? Qui a sucé l’autre ? Est-ce cette nuit-là ils se sont arrêtés à une pipe, ou est-ce qu’ils ont été plus loin ? Est-ce qu’il y a eu pénétration ? Qui a pris l’autre ? Est-ce qu’ils ont recommencé depuis ? Jusqu’où vont-ils aller ?

    Et presqu’à chaque fois, je remonte jusqu’à cette nuit où nous étions faits du bien tous les trois ensemble, je repense à cette attirance que j’avais cru deviner entre eux, à cette ambigüité qui m’avait pas mal inquiété à ce moment-là, et je me dis que je pouvais m’attendre à ce qui s’est passé entre Jérém et Thibault se produise un jour, qu’au fond de moi, je m’y attendais.

    Mais ce n’est pas pour autant que cela est plus facile à accepter.

    J’essaie de ne pas y penser, mais plus j’essaie, plus j’échoue, plus j’y pense. Et à chaque fois, je suis happé par une nouvelle flambée de jalousie, tout aussi violente que la précédente : les jours s’enchaînent, et ma jalousie ne s’apaise pas.

    Ce samedi, la météo est grise sur Toulouse, tout comme elle l’est dans mon cœur : lorsque j’ouvre la fenêtre de ma chambre, je suis surpris par la caresse du vent d’Autan, cette caresse désormais fraîche, qui glisse sur ma peau et m’apporte des frissons qui annoncent les prémices de l’automne.

    La fin de l’été nous surprend toujours : depuis des mois, on s’est habitué à vivre avec la chaleur de l’été, avec des journées interminables, et puis on se réveille un matin, on ouvre la fenêtre, il fait gris, humide, la pluie menace, et dans la fraîcheur du vent qui fait frissonner la peau, on sent l’odeur des feuilles mortes et de sous-bois, cette odeur qui nous rappelle à la conscience du temps qui passe, qui nous parle des choses laissées derrière nous, des souvenirs déjà lointains, et de l’inconnu qui s’ouvre devant nous.

    Oui, on a beau s’être plaints pendant des mois des affres de la chaleur, lorsque l’automne se manifeste, on regrette instantanément ce qu’on a déploré quelques semaines plus tôt. Ou même juste la veille.

    L’estate sta finendo, lo sai che non mi va/L’été est en train de mourir, et tu sais que je n’aime pas ça

    C’est le refrain d’un vieux 45 tours italien qu’écoutait maman quand j’étais enfant et dans lequel je retrouve toute la morosité de ces premiers jours de septembre.

    L’été est en train de partir et l’automne arrive, une page se tourne, en emportant avec elle les souvenirs d’un été déjà lointain dans mon esprit, les souvenirs de ce qui était et qui n’est plus, de ce qui est désormais – et à tout jamais – derrière moi.

    Et le souvenir que je regrette par-dessous tout de laisser derrière moi est bien évidemment celui de cette semaine magique où, chaque jour pendant sa pause, Jérém était venu chez moi, cette semaine où il semblait si détendu, si touchant, si différent, cette semaine où il avait enfin accepté un peu de tendresse, quelques caresses, quelques bisous, cette semaine où il m’avait fait l’amour et non pas juste la baise, cette semaine où j’avais cru qu’un lien spécial était enfin en train de se tisser entre nous, un lien qui aurait résisté à la distance et au temps.

    Pendant une poignée de jours, j’ai cru que quelque chose était possible avec Jérém, quelque chose au-delà du sexe, à condition que je sache attendre, j’ai cru qu’on trouverait le moyen, car on l’aurait voulu tous les deux, de continuer à se voir, à s’aimer malgré la distance qu’allait s’installer entre nous. J’ai cru que notre relation allait évoluer, parce que Jérém était en train de réaliser que j’étais spécial à ses yeux. Désormais, je sais que ce ne sera pas le cas.

    Lorsque je pense à cette semaine magique et aux espoirs qu’elle avait fait naître en moi, avant qu’ils ne soient anéantis, je me sens perdu, malheureux, plein de désespoir, j’ai l’impression que je ne pourrai plus jamais ressentir des sensations positives. Je voudrais trouver le moyen d’aller de l’avant, de me ressaisir, de me soustraire à cette dérive vers une tristesse sans fin : je n’y arrive pas.

    Il y a bien une chose à laquelle je m’accroche pour essayer de relativiser mon chagrin, toujours la même, comme le seul pansement possible sur une blessure qui ne guérit pas : Jérém s’est réveillé du coma, il est vivant, et c’est le plus important.

    Oui, Jérém est vivant, mais je l’ai perdu à tout jamais. C’est dur de l’accepter, mais je dois m’y faire.

    J’essaie de me convaincre que c’était mon destin, que je ne peux rien contre ce destin, que nous n’étions pas faits pour être ensemble, car nous sommes très différents, trop différents, que, de toute façon, désormais nos planètes nous séparent, qu’au fond, c’est une bonne chose que Jérém n’ait plus à se prendre la tête avec moi et avec ce côté de lui qu’il n’arrive pas à assumer, surtout en ce moment où il a besoin de toute son énergie pour se lancer dans l’aventure du rugby pro parisien.

    Renoncer à celui qu’on aime, c’est très dur : pourtant, il y a dans le renoncement comme une forme de soulagement, comme un dernier rempart contre une souffrance insupportable, pour l’empêcher de nous rendre fous.

    Ce matin, contrairement aux jours précédents, j’ai envie d’aller courir sur le Canal. Non pas que mon humeur se soit vraiment améliorée, c’est surtout que je n’en peux plus de rester enfermé entre les quatre murs de ma chambre, allongé sur mon lit : mon corps étouffe, il réclame, exige de l’activité physique.

    « Nico, tu penses à rassembler les papiers pour la visite de samedi ? ».

    « Oui maman, j’y pense ».

    Comment je pourrais oublier ces quelques papiers à réunir, ce premier pas vers ma nouvelle vie, cette virée à Bordeaux pour visiter mon futur studio ?

    Maman me demande à quelle heure je vais rentrer. Je regarde mon téléphone, il affiche 10h13. Je lui réponds que je serai de retour avant midi.

    A cet instant précis, j’ignore encore à quel point cette journée va être riche en événements, qu’avant la fin de l’après-midi, mon état d’esprit va changer de façon plutôt radicale, et, surtout, à cet instant précis, je suis à mille années-lumière d’imaginer que, dans 8 heures et 12 minutes exactement, à 18h25, un événement inattendu et bouleversant va définitivement me secouer de ma torpeur, de ma morosité, de ma rancœur.

    Mais revenons aux faits, dans l’ordre naturel où ils se sont déroulés en cette journée si particulière du jeudi 06 septembre 2001.

    Sur le Canal, il n’y a pas grand monde : la rentrée est bien là, la plupart des Toulousains ont repris le travail. Pendant de longs moments, j’ai carrément l’impression d’être seul avec les platanes, seul avec l’eau en contrebas, et avec les quelques péniches, une sensation qui s’accentue encore lorsque les immeubles de la ville laissent progressivement la place aux résidences, puis à des maisons, puis à un paysage plus campagnard, lorsque le bruit de la circulation se fait de plus en plus faible, de plus en plus éloigné, et que peu à peu le bruit des feuillages caressés par le vent devient le seul à accompagner mes foulées.

    Ce matin, je n’ai même pas pris mon baladeur mp3 : je suis parti dans la précipitation, comme si j’avais été longtemps la tête sous l’eau et qu’il y avait urgence vitale à remonter au plus vite à la surface.

    Au fil de l’activité physique, je sens que le mouvement procure une sensation de bien-être d’abord dans le corps, puis dans l’esprit.

    Platane après platane, je sens mes poumons se remplir et se vider, de plus en plus profondément, comme si mon corps était en train de se nettoyer, de se réveiller d’une longue léthargie, peu à peu, je sens mes muscles s’échauffer, certaines tensions se libérer, ma tête se vider. L’exercice physique éclaircit l’esprit.

    Plus j’avance, plus je me sens apaisé : jusqu’au moment où je me sens comme un tableau enfin nettoyé de toute inscription et rature enchevêtrées et désormais incompréhensibles, je me sens comme libéré des pensées qui m’oppressaient depuis trop de temps.

    Oui, pour la première fois depuis des semaines, je ressens l’envie de tout reprendre depuis le début, tout ce qui s’est passé depuis la rupture avec Jérém, de l’afficher dans mon esprit comme sur une page blanche, et d’essayer d’y jeter un nouveau regard.

    Constat : il s’est déjà écoulé presque quatre semaines, presqu’un mois depuis ce vendredi noir, depuis cette triste date du 10 août, cette date qui me hante, ce jour où j’ai dit « je t’aime » à Jérém, le jour où il m’a quitté, en me balançant que je n’étais pas le seul mec avec qui il avait couché et que je ne représentais rien de plus à ses yeux qu’un cul à baiser, le jour où je lui ai mis mon poing dans la gueule, avant qu’il ne me mette le sien dans la mienne, le jour où maman nous a surpris le nez en sang, le jour où elle a su pour moi.

    Bientôt deux semaines depuis la dernière fois que je l’ai croisé, alors que j’étais en compagnie de Martin, bientôt deux semaines depuis son accident, depuis l’« aveu » de Thibault, cet aveu qui m’a projeté dans un nouvel univers de souffrance, s’ajoutant et dépassant même la souffrance de la séparation de Jérém.

    Oui, dans les ruptures, le plus dur à supporter ce sont les « anniversaires » : le plus dur c’est de se dire « il y a une semaine, un mois, j’étais avec lui, on faisait ceci et cela, j’étais heureux avec lui, et c’est fini ».

    Pourtant, au fur et à mesure que mon corps s’échauffe et que je m’éloigne de la ville, je sens quelque chose d’inattendu se produire en moi, j’ai l’impression de prendre de la distance et du recul, de la hauteur par rapport au brouillard qui me bouchait la vue depuis des semaines.

    Soudainement, je me rends compte que je suis trop longtemps resté bloqué sur une série d’équations qui m’avaient jusque-là parues imparables, mais dont les enchaînements m’apparaissaient désormais comme étant grossièrement inexacts.

    Mes équations étaient les suivantes :

    (Je dis « je t’aime » à Jérém) + (Il me quitte) + (Il me dit qu’il baise ailleurs, et pas qu’avec des filles, et que je ne suis rien pour lui) =

    = (je lui tape sur la gueule) + (il me tape sur la gueule à son tour) =

    = (je me dis que rien n’est possible avec lui, qu’il m’a fait trop mal) + (Je sors dans une boîte gay, je tente de l’oublier en cédant à la proposition de Martin de le suivre chez lui) + (Je le croise sur les boulevards, je m’éloigne avec Martin) =

    = (Il y a l’accident, le coma, la peur qu’il ne se réveille pas) + (Thibault m’avoue ce qui s’est passé entre eux) = (J’ai peur, pourvu que Jérém se réveille…).

    (Jérém se réveille) = (La peur laisse la place à la jalousie, à la rancœur envers Jérém et Thibault) + (Je veux tout oublier, tout laisser derrière moi).

    Une succession d’équations qui m’a semblé évidente et limpide jusqu’à ce matin, au réveil, mais qui, foulée après foulée, semble désormais montrer de sérieux problèmes de structuration. Mes certitudes vacillent. Ma jalousie est-elle vraiment totalement justifiée ? Et ma colère ?

    Je suis perdu, j’ai besoin d’aide pour y voir clair.

    Par chance, ma cousine Elodie est libre entre midi et deux, je lui propose de déjeuner en ville.

    « Comment ça va mon cousin ? ».

    « Bof ».

    « Tu as des nouvelles de ton bobrun ? ».

    Son uppercut est franc, direct, à brûle pourpoint.

    « Non ».

    « T’as essayé de l’appeler ? ».

    « Pour quoi faire ? ».

    « Pour savoir comment il va, pour lui dire que ça a été une connerie de ta part de te casser avec l’autre mec, pour lui dire que tu as eu la trouille de ta vie après son accident, et pour lui dire aussi que tu l’aimes ».

    « Je lui ai dit, et il m’a quitté ! ».

    « On s’en fout de ça, il ne sait pas ce qu’il veut, il attend que tu lui dises ».

    « Que je lui dise quoi ».

    « Ce que tu veux, toi ».

    « C’est tellement simple à dire, essaie, toi, de parler avec un mur ».

    « Essai encore, ça pourrait le devenir, il ne faut pas avoir peur de l’échec, il faut partir confiant ».

    « Si seulement je savais pourquoi Jérém avait autant du mal à assumer ce qu’il y avait entre nous, si seulement je connaissais la raison de ce refus si violent de s’accepter ».

    « Tu sais, même s’il se la joue kéké très sûr de lui, au fond Jérém n’a que 19 ans, ce qui pourrait expliquer qu’il n’agit pas forcément « logiquement », car au plus profond de lui, il a peur, souvent, la violence n’est que la réaction visible et virilement acceptable de la peur ».

    Je me tais, pensif.

    « Tu tournes encore en rond sur ce qui s’est passé entre lui et son pote ? » elle enchaîne, de but en blanc. Elodie ou l’art de mettre les pieds dans le plat.

    « Oui, toujours ».

    « Tu ne m’enlèveras pas de la tête que tout irait mieux pour toi si tu ne leur en tenais pas autant rigueur ».

    « Ah ouaisss, tu crois, comment tu te sentirais si le mec que tu kiffes, avec qui tu couches, qui te rabâche sans cesse qu’il n’est pas pd, couchait avec son meilleur pote, qui est aussi ton pote, et qui semblait jusque-là vouloir t’aider à te rapprocher de son pote à lui, c’est-à-dire le mec que tu kiffes ? Tu ne serais pas en colère ? Tu ne te sentirais pas trahie ? ».

    « A mon sens, ce qui s’est passé entre eux n’est qu’un dérapage entre deux mecs perdus, ton Jérém était au bout du rouleau, et il a trouvé réconfortant de se laisser aller dans les bras de la personne qui le connaît et le comprend le plus que toute autre au monde, quant à Thibault, s’il est amoureux de son pote depuis longtemps, comment aurait-il pu résister ? Tu ne t’es jamais demandé comment tu aurais réagi à sa place ? ».

    « Non, pas vraiment, » je réalise à haute voix.

    « Moi je trouve que cette situation est très dure pour lui, » enchaîne Elodie « et je trouve que tu es assez dur avec lui, Thibault est un garçon exceptionnel, qui a toujours été adorable avec toi, tu me l’as dit plein de fois. Je ne pense pas que Thibault ait voulu profiter de la détresse de son pote. Thibault n’est pas un mec à te planter un couteau dans le dos, c’est pour ça que je crois que ce qui s’est passé avec ton bobrun ce n’est pas une tromperie « ordinaire » ».

    « Alors, tu réagirais comment à ma place ? ».

    « Je pense que je serai un peu secouée c’est certain, mais je pense aussi que je n’aurais pas pu refuser d’entendre les raisons de Thibault, je crois que je n’aurais pas pu rester insensible à la détresse d’un garçon comme lui au moment où il avoue ce qui s’est passé, je serai peut-être en colère, oui, mais je ne refuserai pas de dialoguer avec lui, je pense que je voudrais comprendre, je pense que tu devrais laisser une chance à Thibault de s’expliquer ».

    « Je n’ai pas envie de reparler de cette histoire avec lui ».

    « Alors tu vas renoncer à son amitié ? ».

    Je ne sais pas vraiment quoi répondre à cette question.

    « Mais merde, c’est Thibault quand même ! » enchaîne Elodie « le même mec que tu admirais quelques minutes à peine avant ses aveux, en qui tu voyais un modèle de droiture, un roc solide sur lequel t’appuyer ».

    « C’est justement ça qui fait le plus mal, lui avoir fait confiance et apprendre ce qui s’est passé ».

    « J’imagine ce que tu peux ressentir, et je crois que c’est pour ça aussi que tu es si choqué. Mais en même temps, je me dis que pour qu’un garçon comme Thibault agisse ainsi, il y a forcément une raison, d’autant plus qu’il t’a lui-même avoué ce qui s’est passé, alors qu’il aurait pu se taire.

    Je ne dis pas que je pardonnerai sans hésitation, je dis juste que je ne serai pas aussi distant que tu l’as été, d’autant plus que, dans l’histoire, c’est lui à mon sens le grand perdant, oui, il a couché avec son pote, mais qu’est-il arrivé par la suite ? Jérém est parti de chez lui, et il ne l’a plus revu, jusqu’à l’accident, ce mec doit se sentir très mal, et, en plus, toi non plus tu ne lui parles plus ».

    « Je ne sais vraiment pas quoi penser, et encore moins quoi faire ».

    « Je suis sûre que tu sais parfaitement ».

    En marchant vers la maison, après avoir quitté Elodie, je reprends une fois de plus la série d’équations avec lesquelles j’ai tenté de gérer les événements récents.

    Et là, soudainement, la réponse à mes doutes au sujet de leur pertinence se présente à moi comme une évidence. Le problème est là, devant mes yeux : l’« aveu » de Thibault, dernière variable arrivée dans l’équation, accapare toute mon attention, et fausse le résultat final, mon jugement, elle génère des perturbations – une insupportable jalousie, un sentiment de trahison – qui invalident tout le process.

    La solution est tout aussi évidente : il faut à tout prix sortir cette dernière variable de l’équation.

    Allons-y.

    Ainsi, dès que j’essaie à mettre de côté ce qui s’est passé entre Jérém et Thibault, je retrouve presque instantanément mon état d’esprit juste avant l’accident : un état d’esprit rempli de regrets et de remords.

    Le remord de lui avoir proposé les révisions, l’entraînant de fait dans un énorme problème d’acceptation de soi, l’entraînant dans cette spirale destructrice, peut-être qu’un jour il aurait de toute façon « révisé » avec un autre mec, mais je n’aurais pas été responsable de l’enchaînement d’évènements, d’états d’esprit négatifs et destructeurs qui ont mené à cet accident.

    Le regret de ne pas avoir su (ou voulu) voir son immense solitude et son désespoir derrière la violence de ses propos, de ses agissements, de ses attitudes.

    Le remord de ne pas avoir écouté les personnes qui m’entouraient, Thibault en premier, m’encourageant à tenir bon, à être persévérant mais patient avec Jérém.

    Le remord de ne pas avoir su veiller sur Jérém alors qu’il était en danger, et alors que, là aussi, j’en avais été alerté par Thibault.

    Le regret de ne pas avoir planté Martin une fois de plus – et qu’importe s’il en aurait été vexé – pour montrer à Jérém à quel point non, je n’étais pas « à nouveau amoureux », car je l’étais toujours de lui, et de lui seulement, comme un fou.

    Le regret de ne pas avoir su lui dire à quel point il était la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie, à quel point mon cœur n’aspirait qu’à le retrouver, lui, le regret de ne pas avoir su le prendre dans mes bras, le serrer très fort contre moi, et lui dire et lui redire à quel point je l’aimais comme un fou.

    Le regret de ne pas lui avoir proposé de rentrer avec lui.

    (Est-ce qu’il se serait laissé faire ? Ça, malheureusement, je ne le saurai jamais : mais qui ne tente rien…).

    Le remord d’avoir montré à Jérém que je m’éloignais de lui, le regret de ne pas m’être assez battu pour le garçon que j’aime.

    Au fond, je ne lui ai dit qu’une seule fois « Je t’aime ». Certes, sa réaction a été tout l’inverse de ce qu’on s’attendrait lorsqu’on se met autant à nu devant la personne aimée : me faire quitter, voir une capote voler de son jeans, m’entendre dire que je ne suis pour lui qu’un coup parmi tant d’autres, avec des nanas et des mec, se taper sur la gueule : vivre tout cela à la suite d’un « je t’aime », c’est horrible.

    Mais peut-être que je me suis mal pris depuis le début avec lui : peut-être que je l’ai trop facilement cru lorsqu’il me certifiait qu’entre nous ce n’était que de la baise, peut-être que je n’ai pas su lire entre les lignes et autour des signes qu’il m’a parfois envoyés, je n’ai pas fait assez confiance aux conseils avisés de Thibault, me certifiant que, malgré ses attitudes et ses mauvais mots, j’étais quelqu’un de spécial à ses yeux.

    Je voulais que les choses évoluent avec Jérém, je voulais que notre relation avance, j’ai voulu forcer les choses avec mon « je t’aime », tombé peut-être au mauvais moment. Oui, je voulais que les choses évoluent entre nous : mais est-ce que je me suis vraiment demandé comment il envisageait lui, vraiment, notre relation ? Je n’ai pas vraiment le souvenir de lui avoir posé calmement la question. Je me suis contenté d’imaginer ce qui se passait dans sa tête, sans jamais essayer de savoir vraiment. J’avais certainement peur de savoir.

    Est-ce aimer, que de se contenter d’attendre que l’autre soit tel qu’on le voudrait ? Aimer n’est pas plutôt savoir comprendre ce que rend l’autre heureux, où se situe son bonheur, avant de tout faire pour lui apporter ce bonheur ?

    Peut-être qu’il y a davantage d’amour dans l’abnégation et la bienveillance sans faille de Thibault que dans tous mes efforts de construire une relation avec Jérém, y compris dans mon « je t’aime », car le véritable amour est davantage dans l’écoute, dans nos mots et dans nos actes que dans l’attente des mots et des actes de l’autre. Aussi, l’amour, est dans la persévérance.

    Oui, je ne lui ai dit « je t’aime » qu’une seule et unique fois, et même si cela s’est mal passé, est-ce que je n’ai pas renoncé un peu trop vite à me battre pour, nous ?

    Pourquoi je n’ai pas su aller plus loin, pourquoi je n’ai pas su tenter autre chose ?

    Pour me protéger, certainement : et d’un autre côté, aurait-il été utile et raisonnable de ramper une nouvelle fois à ses pieds en espérant le toucher, alors que j’avais échoué tant de fois ?

    Mais quand on est vraiment amoureux, vraiment fou amoureux, on est prêt à tout, même à l’irraisonnable.

    Suis-je donc véritablement amoureux ? Où se situe la frontière entre aimer sans conditions, se laisser happer par une relation destructrice et le besoin de se protéger ?

    Je ne le sais pas vraiment, mais est-ce que je n’aurais pas dû tenter autre chose avant de baisser les bras ?

    Car même si le « je t’aime » avait été balayé par un revers de main (ou plutôt par un coup de poing), il avait été dit et entendu. Et peut-être il avait fait du chemin dans sa tête.

    Soudainement, je repense au petit échange avec Maxime, lorsqu’il m’avait surpris en train de tenir la main de son frérot inconscient sur le lit d’hôpital.

    « Tu kiffes mon frangin ? ». « Je crois qu’il te kiffe aussi ».

    Deux phrases, comme la story d’une prise de conscience qui venait peut-être tout juste de lui sauter aux yeux, le jeune Maxime venait peut-être tout simplement de faire le lien entre le malaise de son frère dont il avait été témoin pendant la semaine avant l’accident, et ma présence, mon attitude, ma tristesse.

    Même son jeune frère, celui qui doit le connaître le mieux en dehors de Thibault, semble avoir compris que Jérém m’a dans la peau, mais putain, Nico, qu’est-ce qu’il te faut de plus ?

    Et je repense à « MonNico », « C’est qui, « MonNico » ? » avait demandé une greluche la dernière fois que j’avais composé son numéro, « C’est personne, » avait répondu Jérém, sur le coup de la colère, juste avant de me raccrocher au nez. Pourtant, ce n’est pas rien, « MonNico »…

    Est-ce que je suis encore dans les temps pour tenter de le retrouver, de le rattraper ? Si seulement je savais où il est en ce moment…si seulement je n’avais pas si peur de composer les dix chiffres de son portable…

    Et alors que je traverse le pont St Michel, un autre sujet me tracasse : mon attitude vis-à-vis de Thibault après l’accident de Jérém, après ses « aveux ».

    Car, si j’enlève cette fameuse variable, ce qui s’est passé entre Jérém et lui, de l’équation de mon état d’esprit, je n’ai aucun mal à retrouver ce que représentait Thibault à mes yeux auparavant : un gars pour qui j’avais une immense admiration et un estime sans failles, un gars adorable sous tout point de vue, le mec le plus droit, honnête et irréprochable que je connaisse, un gars pour lequel je ressentais une profonde amitié, réciproque qui plus est. Oui, Thibault était un véritable ami, dont le soutien a été précieux.

    Alors, est-ce que ce qui s’est passé entre les deux potes est si grave au point de lui en vouloir autant ? Est-ce que je n’ai pas été trop dur avec lui ? Est-ce que je n’ai pas coupé les ponts trop vite ? Est-ce que j’aurais dû lui laisser une chance de s’expliquer ?

    Je crois qu’Elodie a raison, une fois de plus. Je me rends compte que je n’ai pas été cool du tout avec le bomécano : au lieu de le réconforter comme lui l’a toujours fait avec moi, j’ai laissé ma colère et ma jalousie dévorantes m’envahir, je me suis éloigné de lui, je lui ai laissé entrevoir ma colère, le laissant seul avec son fardeau, en lui rajoutant même le poids de ma rancœur à son égard.

    Le pire, c’est que j’avais été profondément touché par la détresse de Thibault, d’abord au téléphone, puis, lorsque je l’avais retrouvé à l’hôpital, jusqu’à ses « aveux » à la cafétéria.

    Je repense à ce moment, à ses mots me racontent ce qui s’était passé avec Jérém, et je revois un Thibault plus que jamais effondré, lui aussi submergé par les remords et les regrets, cherchant désespérément à me faire comprendre qu’il s’en voulait pour ce qui s’était passé, parce que cela avait éloigné son pote de lui, parce qu’il savait qu’il m’avait fait du mal.

    C’était un Thibault en détresse, et je n’ai pas su lui tendre une main pour l’aider à se relever. Je m’en veux horriblement.

    Je me rends compte que dans cette histoire, Thibault a peut-être encore plus perdu que moi.

    Je réalise que, au fond, ma colère est moins dans le fait que les deux potes aient couché ensemble, que dans le fait de ne pas avoir su retenir Jérém, d’avoir capitulé devant la difficulté, d’avoir baissé les bras trop tôt. C’est à moi que j’en veux, et c’est contre Thibault que je reporte ma colère.

    Alors, non je ne peux pas lui en vouloir éternellement à cause d’un moment de faiblesse, surtout en sachant ce qu’il a enduré pendant toutes ces années de complicité, de proximité, d’attirance latente, vis-à-vis de Jérém.

    D’autant plus que je devine très bien sa frustration, car j’ai connu la même pendant les trois années du lycée, une frustration qui a été encore plus importante que la mienne, car elle s’est étirée sur tant d’années, une frustration encore plus dure à supporter, en raison du fait que Thibault a été amené à côtoyer régulièrement, et dans tant de situations, ce pote dont il était amoureux et à qui il ne pouvait pas avouer ses sentiments.

    Thibault est tout simplement un garçon amoureux qui s’est trouvé dans la plus inconfortable des positions : à la fois meilleur pote de celui qu’il a aimé depuis toujours, Jérém, et confident de celui, moi qui partage l’amour physique et le cœur de son meilleur pote.

    Oui, la cousine a raison : qu’est-ce que j’aurais fait, moi, à la place de Thibault ?

    Soudain, je me rends compte qu’en l’espace de quelques heures, en reprenant toutes mes équations, je suis passé de l’ancien résultat : (Tout oublier, tout laisser derrière moi) au nouveau résultat : (Maîtriser ma colère au plus vite et faire un pas vers Thibault + et un autre vers Jérém).

    Je réalise que, s’il est vrai qu’il y a dans le renoncement une forme de soulagement, il est tout aussi vrai que renoncer c’est aussi la voie de la facilité, de la faiblesse, renoncer, c’est se rendre devant quelque chose qui est hors de notre portée. Et qu’il le sera d’autant plus du fait de notre renoncement.

    Quand on aime vraiment, on tente tout, vraiment : on essaie, on échoue, on essaie encore, et encore, et encore, quand on aime vraiment, il n’y a pas d’obstacles insurmontables, « no mountains too high, no river too wide ».

    Jérém n’est pas hors de ma portée. Je peux rattraper le coup. La tâche peut paraître dure, elle peut sembler démentielle. Les mots d’un prof de philo me reviennent à l’esprit : lorsque la montagne parait trop haute, il ne faut pas regarder le sommet, il faut regarder le bosquet qui se situe à quelques heures de marche, il faut avancer vers lui, comme si c’était le but ultime, une fois atteint ce but, il faut se féliciter du chemin parcouru, le lendemain, il faut chercher un autre bosquet, une roche, un pont : bref, un nouvel objectif réalisable, le poursuivre, l’atteindre, se féliciter à nouveau, ainsi le lendemain et le sur lendemain. Au bout de quelques jours, lorsqu’on se retournera pour contempler le chemin parcouru, on sera étonnés et fiers de nos efforts, et le sommet ne semblera plus si lointain, il sera à notre portée.

    17h38 ce jeudi 6 septembre

    Le renoncement que j’avais envisagé une fois encore le matin même, n’est plus à l’ordre du jour. D’autres objectifs ont pris sa place.

    Premier objectif, le « bosquet » : chercher à contacter Thibault.

    Je reviens sur mes pas, je traverse la moitié de la ville pour me rendre au garage à côté de la gare Matabiau, je traîne à proximité pendant un petit moment en faisant mine d’être au téléphone : mais le bomécano n’est pas là. Sur le coup, je trouve cela étonnant, du moins jusqu’à ce que je réalise que très probablement Thibault a commencé sa préparation physique et les entraînements au Stade et qu’il ne travaille plus au garage.

    Je sors mon téléphone de ma poche, mais mon élan s’arrête vite, s’arrête net : j’ai à la fois envie de l’appeler et peur de le déranger, car je l’imagine bien occupé, aussi, j’ai à la fois envie de l’appeler et peur de le faire, peur d’avoir trop attendu avant de revenir vers lui, oui, au fond de moi, j’ai peur qu’il n’ait plus envie de me parler.

    Appelle, Nico ! Demande-lui comment il va, pour commencer, ça ne pourra que lui faire plaisir. Appelle, ne te pose pas plus de questions : quand on s’inquiète pour un ami, il n’y a pas d’heure, il n’y a pas d’excuse, il n’y a pas de peur qui tienne pour ne pas prendre de ses nouvelles.

    Un instant plus tard, je compose son numéro, ça sonne une, deux, trois, quatre fois : j’ai le cœur qui tape à mille à l’heure, j’ai peur de ne pas trouver les mots…

    J’éprouve un certain soulagement en me disant que je vais tomber sur le répondeur, que je vais pouvoir lui laisser un message sans avoir besoin de lui parler directement, sans avoir besoin de connaître son état d’esprit vis-à-vis de moi.

    Mais ça finit par décrocher.

    « Salut, Nico ».

    Le ton est calme, neutre, mais il n’y a pas l’emphase que je lui connais d’habitude.

    « Salut Thibault, comment ça va ? ».

    « Ca va, ça va, et toi ? ».

    « Ca va aussi ».

    Thibault n’enchaîne pas tout de suite, je cherche mes mots aussi. Il y a visiblement un malaise.

    « Tu as commencé les entraînements au Stade ? » je trouve enfin.

    « Oui, il y a deux semaines ».

    « Ça se passe bien ? ».

    « Nico ».

    « Oui, ? ».

    « Je ne peux pas te parler là, je pars en mission ».

    « Tu es toujours pompier ».

    « Oui, bien sûr ».

    « Tu es un gars incroyable ».

    Silence de sa part.

    « Je dois y aller, » il finit par lâcher.

     « Thibault ».

    « Oui ? ».

    « Je suis deso ».

    « Non, Nico » il me coupe net « c’est pas toi qui dois l’être ».

    « Je peux te rappeler demain ? ».

    « Je ne sais pas trop, j’ai plein de trucs à régler, je te rappellerai moi, un de ces quatre ».

    « Ok, Thibault ».

    « Salut, Nico ».

    « Salut, Thibault ».

    Je raccroche, les larmes aux yeux. Vraiment, ce mec me touche profondément, j’ai senti de la tristesse dans sa voix, j’ai senti du malaise, de la distance entre nous : et ça m’arrache le cœur.

    Thibault a coupé court à mon coup de fil et je ne peux m’empêcher de me demander s’il était juste pressé, ou s’il n’y a pas autre chose à retenir dans sa façon de m’expédier.

    Est-ce qu’il essaie de se protéger de tout ce qui le ramène aux événements récents et douloureux, est-ce qu’il essaie de prendre de la distance et d’oublier comme j’ai voulu le faire moi aussi encore il y a quelques heures ?

    Ou bien, est-ce qu’il m’en veut ? Est-ce que j’ai vraiment trop attendu longtemps pour revenir vers lui ?

    Est-ce qu’il va vraiment me rappeler ? « Un de ces quatre », il a dit : une formule qui est souvent synonyme de « probablement jamais ».

    18h01.

    Lorsque je rentre à la maison, maman me demande comment je vais. Elle me demande si j’avais eu des nouvelles de mon camarade après qu’il était sorti de l’hôpital. Lorsque je lui réponds que non, sa question est la même que celle d’Elodie :

    « Tu as essayé de l’appeler ? ».

    Une fois de plus, je me rends compte de la chance que j’ai d’être aussi bien entouré.

    « Non ».

    « Il compte vraiment beaucoup pour toi, ce garçon ? ».

    « Oui, beaucoup ».

    « Alors tu devrais essayer de l’appeler ».

    18h19.

    Je monte dans ma chambre, bien décidé à envisager une nouvelle étape vers le sommet, une étape qui me fait particulièrement peur, celle du « pont suspendu sur la falaise » : appeler Jérém pour lui demander aussi « comment il va ».

    Je m’allonge sur le lit, les yeux fermés, le cœur qui tape dans ma poitrine comme s’il voulait la défoncer.

    Envie dévorante de le faire, d’entendre sa voix, mais aussi peur de le faire, peur qu’il soit encore en colère contre moi, qu’il m’en veuille toujours d’être parti avec Martin, devant ses yeux, peur de me faire jeter comme un malpropre, peur qu’il me balance de nouvelles horreurs, peur qu’il décroche, et qu’il soit froid, distant, peur qu’il décroche et qu’il me dise de lui foutre la paix, peur que ça décroche et de tomber une fois de plus sur une pouffe, peur qu’il me raccroche au nez, comme la dernière fois, peur qu’il ne décroche même pas.

    Tant de peurs et quelques espoirs également : l’espoir que, depuis le soir de l’accident, les choses se soient tassées, que sa colère se soit apaisée, l’espoir que, depuis le jour de notre rupture, il ait entendu mon « je t’aime » et que vraiment cela ait fait son chemin dans sa tête.

    Où est-il, Jérém à cet instant précis ? Que fait-il ? De quoi et de qui sont remplies ses journées ? Quel est le bon moment pour l’appeler sans le déranger ?

    18h24.

    J’ai décidé que la bonne heure, c’est maintenant. J’attrape mon portable, je le passe nerveusement, fébrilement d’une main à l’autre, cherchant le courage pour composer son numéro. Je le pose sur le lit, je respire profondément. Je n’ai encore rien fait et je suis déjà ko.

    18h25.

    La sonnerie du téléphone retentit dans la chambre, un peu étouffée par le contact avec les draps. C’est certainement Elodie qui veut savoir comment je vais depuis tout à l’heure.

    J’attrape l’appareil, plutôt sûr de mon intuition, une intuition pourtant destinée à être démentie, car le petit écran n’affiche pas du tout ce à quoi je m’attendais : il n’y a pas de nom, ce n’est qu’une succession de dix chiffres, c’est un numéro qui n’est pas dans mon répertoire.

    Enfin, il ne l’est plus, oui, mon cœur a des ratés lorsque je reconnais le contact que j’avais effacé de la mémoire du tel quelques semaines plus tôt (avec tous les SMS liés), mais certainement pas effacé de la mienne, de mémoire.

    Dix chiffres si familiers, dix chiffres qui m’assomment comme un coup de massue, qui ravivent un chagrin toujours si vif.

    Je reconnais le numéro de Jérém et tout remonte en moi, un désir violent de le revoir, accompagné d’une nouvelle flambée de colère et de jalousie tout aussi violente.

    J’ai envie de répondre, mais je n’ai pas le cran de répondre. Je suis comme tétanisé.

    La sonnerie finit par s’arrêter. J’ai l’impression que je vais faire un malaise. Que mon cœur va exploser, et mes poumons avec. Je suis en nage, j’ai du mal à respirer. Je reste allongé, immobile pendant un long moment. J’attends de voir s’il laisse un message, partagé entre l’envie et la crainte d’entendre sa voix. J’attends une minute, deux minutes dix minutes : aucun message ne vient.

    J’ai besoin d’ouvrir la liste des appels récents pour me convaincre que je n’ai pas rêvé : non, je n’ai pas rêvé, c’est bien son numéro.

    Pendant un instant, j’envisage la possibilité de le rappeler. Je n’y arrive pas.

    Pourquoi il m’appelle ?

    Après le dîner, je sors faire un tour en ville pour me changer les idées. J’ai envie de le rappeler, mais je n’y arrive toujours pas.

    20h15.

    Je marche sur les quais du côté de la Daurade, lorsque le portable vibre dans ma poche. J’ai des sueurs froides à l’idée de lire le message qui vient d’arriver.

    « Coucou mon cousin, je pense très fort à toi ! ».

    Si Elodie n’existait pas, il faudrait l’inventer.

    « Merci ma cousine, tu es adorable ».

    Je range mon téléphone dans ma poche et je reprends ma respiration.

    Je descends à la Garonne et je marche au bord de l’eau. L’automne est bien là, il n’est même pas 20h30 et le jour commence à décliner, l’air est frais, et il y a beaucoup moins de monde sur les quais que pendant les chaudes soirées estivales.

    Je n’ai pas fait cent mètres, que je sens à nouveau mon téléphone vibrer dans ma poche. C’est une vibration répétée, c’est le signal d’un coup de fil.

    Je prends une bonne inspiration et je me saisis de l’appareil. Je regarde le petit écran et je suis assommé. La même séquence de chiffres que deux heures plus tôt, la même panique dans ma tête et dans mon cœur. Je laisse vibrer. J’ai l’impression que tout mon corps vibre avec.

    Puis, certainement à la toute dernière secousse, je finis par décrocher, le cœur dans la gorge, le souffle coupé.

    « A, a, allo ? » je bégaie, dans un état presque second.

    « Nico ».

    Sa voix. Sa voix de mec. Cette vibration sensuelle et virile. Accompagné d’un petite hésitation inédite.

    « Oui, » je lui réponds.

    « C’est moi ».

    C’est la première fois qu’il m’appelle, et je crois que je ne vais pas survivre à cela.

    « Je sais ».

    J’ai envie de pleurer. Pourtant, même si le geste de Jérém me touche infiniment, je ne peux m’empêcher de me montrer distant. Je suis heureux d’entendre sa voix, mais sa voix me renvoie aussi à de mauvais souvenirs, une capote qui vole, un poing dans la gueule, des mots blessants comme des lames.

    J’entends sa voix et tout remonte, le bon et le mauvais. Et le mauvais, ça fait un mal de chien.

    « Tu vas bien ? ».

    « Oui, » je lâche, le cœur qui secoue ma poitrine de fond en comble.

    « Ça me fait plaisir ».

    Silence assourdissant. Je regarde la silhouette massive du Pont Neuf qui se dresse devant moi, et je me demande si j’ai bien fait à décrocher. Je me sens comme en apnée, dans ma tête tout se bouscule, c’est un bazar monstre.

    « Je voulais savoir comment tu allais…

    « Je vais bien, je vais bien, et toi ? ».

    « Je vais bien moi aussi ».

    Nouveau silence de part et d’autre.

    C’est désormais sur l’ancien Hôpital Militaire de la Grave avec son dôme imposant que je laisse de poser mon regard, tout en me demandant si je vais craquer ou pas.

    « T’as eu ton permis ? » il me lance de but en blanc.

    « Oui, je l’ai eu la semaine dernière ».

    « T’as une voiture ? ».

    « Pourquoi ? ».

    Décidemment, je n’arrive pas à me sortir de cette attitude sur la défensive.

    « Je me disais que si tu avais ton permis, et une voiture, » il hésite.

    « Quoi ? » je m’impatiente.

    « Ça me ferait plaisir de, » il hésite à nouveau.

    « De quoi ? ».

    « De te voir ce week-end ».

    « T’es sérieux ? ».

    « Oui, Nico ».

    « T’es où ? ».

    « A Campan, dans la maison de mon papi ».

    Silence de ma part, le cœur va exploser. Ou alors, il a déjà explosé. Je marche sur le bord du quai, je regarde l’eau du fleuve dans lesquelles les lumières du soir commencent à se réfléchir. J’ai besoin de m’arrêter, de m’asseoir.

    Ce coup de fil est tellement soudain, inattendu que j’en tremble, j’en perds tous mes moyens, et cette proposition est, elle aussi, trop soudaine, trop rapide : je n’ai pas le temps de réaliser ce que je suis en train de vivre, je me sens comme un lapin pris dans les phares d’une voiture.

    « Nico ».

    « C’est où ça ? » j’essaie de gagner du temps.

    « Dans les Hautes-Pyrénées, à côté de Bagnères-de-Bigorre ».

    « Qu’est-ce que tu fous là-bas ? ».

    « Je traîne, je récupère ».

    « Tu t’es remis de ton accident ? ».

    « Moi je pense que oui ».

    « Tu pars quand à Paris ? ».

    « Quand le médecin me donnera le feu vert, je dois passer des visites médicales à la fin du mois ».

    Nouveau silence.

    « Tu es toujours sur Toulouse ? » il finit par me relancer.

    « Oui ».

    « Tu pars quand à Bordeaux ? ».

    « Dans 10 jours ».

    « Tu as une voiture, alors ? » il revient à la charge.

    « J’ai une vieille Clio ».

    « Alors viens me rejoindre, Nico ».

    « Je ne peux pas ce week-end, » je lui réponds, en pensant à la visite de mon futur studio à Bordeaux.

    Encore un blanc dans la conversation.

    « Viens me rejoindre, Nico, c’est certainement le dernier week-end que je passe ici ».

    « Pourquoi tu veux me voir ? ».

    « Je ne t’ai jamais remercié de m’avoir aidé à avoir mon bac ».

    « Je n’ai rien fait ».

    « Allez, Nico, viens passer le week-end avec moi ».

    Je suis de plus en plus submergé par l’émotion, je n’arrive toujours pas à décrocher un mot.

    « Si tu ne te sens pas bien, tu repars aussitôt, » il essaie de me mettre à l’aise.

    « J’ai un truc de prévu ce week-end ».

    « Nico ».

    « Quoi ? ».

    « Je t’attendrai sur la place du village demain à 18 heures ».

    Je commence vraiment à être ému.

    « Je ne viendrai pas, je ne peux pas ».

    « Je sais que je me suis comporté comme un con avec toi ».

    Là, je suis ému aux larmes.

    « Demain à 18 heures, je serai sur la place à Campan, » il continue « et j’espère que tu y seras aussi ».

    « Je dois y aller, » je coupe court, tout en essayant de maîtriser et de dissimuler mon émotion.

    Un nouveau silence s’installe dans la conversation.

    « Les chanceux c’est nous, » fait Jérém au bout d’un moment.

    « De quoi ? ».

    « Les chanceux c’est nous, c’est toi qui me l’as dit une fois ».

    « Je dois vraiment y aller, » j’insiste, comme un réflexe de survie, je suis tellement assommé par son coup de fil que je n’arrive même plus à respirer.

    « Si tu viens, fais gaffe sur la route, ils annoncent de la flotte dans les heures à venir, salut Nico ».

    « Salut ».

    Commentaires

    ZurilHoros

    04/06/2020 07:21

    Ca a été une expérience de relire ce chapitre, maintenant que j’ai une meilleure idée de ce qui précède. C’est certainement, celui que je trouve le plus important pour tout un tas de raisons. C’était déjà le cas à la première lecture puisque je l’avais fait lire à plusieurs personnes pour faire découvrir Jerem & Nico autour de moi. 

    En tant que lecteur, lire à livre ouvert les pensées qui accompagnent Nico dans ce qu’on appelle horriblement un « travail de deuil », créer une proximité avec lui, et on lui donne l’absolution pour tout ce qu’il dit ou fait. Il est parfois agaçant mais il est tellement positif, lumineux, même dans sa tristesse, que ce n’est pas bien difficile de vouloir le prendre par la main et le soutenir. 

    Il faudrait avoir ce chapitre en tête, pour se rappeler que ce que l’on vit ou ce que l’on pense, dépend le plus souvent d’un point de vue orienté et que, si on déplace l’orientation du regard, on change le point de vue. 

    Qu’est ce qui permet de changer? Un regard extérieur, un événement? le plus souvent un espoir qui ne nous quitte pas.
    Est ce que Elodie est responsable du changement de cap de Nico, est-ce son footing? Ce qui était définitif dans son esprit le matin, ne l’est déjà plus à midi, et encore moins le soir. 


    ZurilHoros

    27/05/2020 13:41

    C’est assez rasserenant de trouver de quoi réfléchir à soi-même et par delà ça, à la vie en général. L’esprit de Nico doit être éprouvé. Forcément quand on est soumis par cette vague d’émotions opposées qui soumet son coeur au rythme des montagnes russes. Quand on est comme ça, on a l’impression de vivre intensément d’autant plus qu’on ne peut pas gérer. 
    Quant au beau Jérèm, c’est terrible quand on a des rêves de gloire, de savoir que sa sexualité va être un obstacle. Le moment n’est pas encore arrivé pour qu’un futur rugbyman se pointer avec un mec. Il lui faudrait être trois fois plus fort que les autres. Un jour peut être. 
    Je pense qu’un mec cérébral comme Nico, doit être très fascinant pour un instinctif comme Jérèm, mais également très angoissant. 

    izzyyuki

    03/11/2018 22:45

    le 2eme est encore mieux que le 1er, ca va être dure d’attendre le 3eme…

    Etienne

    19/10/2018 23:29

    Épisode très émouvant. Bravo Fabien

    Gripsou22

    17/10/2018 17:27

    Merci Fabien pour ces deux (excellents) premiers épisodes de la saison 2 !
    J’ai beaucoup aimé le moment du SMS d’Elodie être en attente insupportable d’un message et recevoir celui d’un(e) ami(e) à la place c’est vraiment frustrant.
    L’appel de Jerem est vraiment bouleversant, il appelle Nico pour la 1ère fois s’excuse et l’invite à passer le weekend.
    J’ai vraiment hâte de lire la suite en espérant que Nico fasse le bon choix.

    Yann

    17/10/2018 10:41

    La cousine Elodie est de bons conseils et Nico devrait l’écouter. Peut être que le beau brun, après son accident, a réfléchi et fait le point sur lui même, ce qu’il est, ses sentiments. C’est en tout cas ce que son coup de fil à Nico laisse penser. Ce serait dommage que Nico ne saisisse pas cette main tendue ne serait-ce que pour discuter et faire la paix avec Jerem même si leur relation doit changer.
    Merci Fabien pour ce bel épisode.
    Yann

    sookalh

    16/10/2018 14:57

    Très beau chapitre encore un :).
    J’aimerai pourvoir faire un geste mais pas sur tipee. Est-ce que tu as un Utip par hasard ?
    Charline

  • Chat du 27 septembre 2018 (transcription).

    Chat du 27 septembre 2018 (transcription).

    Soirée chat de jeudi 27 septembre 2018

    (encore un grand merci à tous ceux qui ont participé)

    Fabien de Toulouse: Bonsoir à tous ! 

    Gripsou22 a rejoint la discussion 

    Gripsou22: bonsoir 

    Fabien de Toulouse: salut gripsou 

    Fabien de Toulouse: tu vas bien? 

    Gripsou22: oui ça va bien et toi ? 

    Fabien de Toulouse: Pas mal, pas mal. Tu as passé un bon été? 

    Gripsou22: oui ça a été tranquillement 

    Fabien de Toulouse: Est ce que tu as lu les versions livre des premiers épisodes de Jérém&Nico? 

    Gripsou22: j’ai commencé mais pas tout lu….après disons que j’aimerais tout lire en « papier »… 

    Fabien de Toulouse: ah, ok, il faudra patienter jusqu’à décembre lol 

    Fabien de Toulouse: tu as lu quoi? 

    Gripsou22: les 4 premiers 

    Gripsou22: j’ai bien aimé on retrouve un peu des anciens mais des différences aussi 

    Fabien de Toulouse: quelles differences t’ont le plus marqué? 

    Gripsou22: le plus marqué je dirais c’est le préservatif ! 

    Fabien de Toulouse: ah, lol, ça change tout? 

    Gripsou22: non pas tout ça amène plus de « sérieux » au récit au sens de responsabilité 

    Fabien de Toulouse: et tu preferes quelle version? 

    Gripsou22: je dirais celle sans est plus excitante….mais rajouter une capote ça peut rendre plus crédible 

    Fabien de Toulouse: la capote ne va pas durer longtemps, lol… pas au dela de l’épisode 6 lol 

    Gripsou22: et du coup pourquoi as tu voulu la rajouter ? 

    Fabien de Toulouse: bonne question, peut etre pour montrer ce qu’il faut faire avec un mec qu’on ne connait pas. Nico est puceau, il est tiraillé entre le coté excitant de faire sans et la peur des mst. Jérém, c’est lui qui impose les regles du jeu, et c’est peut etre sa première sodo avec un mec 

    Fabien de Toulouse: mais jerem a certainement envie de faire sans, tout comme Nico 

    Gripsou22: d’ailleurs au tout début il a l’air de commencer sans ça fait plus responsable c vrai 

    Fabien de Toulouse: d’autres différences marquantes avec les premieres versions? 

    Gripsou22: le style je dirais il a évolué avec les années du coup il est un peu meilleur 

    Gripsou22: même s’il était déja très bien au départ   

    Fabien de Toulouse: oui, d’ailleurs dans le livre numerique que je vais envoyer demain par mail, je vais mettre en bonus la toute première version des trois premiers épisodes, sans aucune retouche : l’évolution du style est bien visible 

    Fabien de Toulouse: j’en reviens à la capote: cet element introduit aussi une petite frustration, pour les protagonistes et pour les lecteurs, ça crée l’attente de voir les faire sans 

    Gripsou22: une petite frustration comme pour les protagonistes 

    Fabien de Toulouse: quelles sont tes attentes pour la saison 2 

    Gripsou22: en fait j’ai beaucoup de mal à imaginer ce qui va ou peut se passer …. 

    Fabien de Toulouse: mais en partant des evenements de la fin de la saison 1, qu’est ce que tu voudrais qu’il se passe? 

    Gripsou22: en savoir plus sur Jerem 

    Gripsou22: disons sa vie ses souffrances ce qui explique son geste: Nico, Thibault mais aussi le reste 

    Fabien de Toulouse: le geste de quitter Nico 

    Fabien de Toulouse: ? 

    Gripsou22: pas son geste mais plutôt son etat d’esprit qui précède son accident 

    Fabien de Toulouse: je comprends 

    Fabien de Toulouse: le reste dont tu parles, c’est quoi exactement? 

    Gripsou22: sa vie familiale difficile 

    Fabien de Toulouse: Il faudrait des épisodes « dans la tete de » ou bien des flash back, si je comprends bien… 

    Gripsou22: oui c’est ça les flash back ça peut être bien aussi 

    Gripsou22: un truc que je me demande si c’est prévu c’est une rencontre élodie et jérémie ? 

    Fabien de Toulouse: est ce que tu as regardé la video trailer? 

    Fabien de Toulouse: de la ssison2? 

    Fabien de Toulouse: saison 

    Gripsou22: oui j’ai regardé 

    Fabien de Toulouse: tu as trouvé l’indice pour le developpement de la saison 2? 

    Gripsou22: je ne pense pas avoir trouvé non 

    Fabien de Toulouse: lol 

    Fabien de Toulouse: alors tu saura dans quelques épisodes lol 

    Gripsou22: oui je regarderai tt à l’heure à nouveau pour voir 

    Fabien de Toulouse: ok, d’accord 

    Fabien de Toulouse: pour le livre numerique, tu as une appli liseuse? 

    Gripsou22: non mais j’aurais d’ici la 

    titou a rejoint la discussion 

    titou: salut 

    Gripsou22: salut 

    Fabien de Toulouse: hey titou 

    Fabien de Toulouse: ok gripsou 

    titou: sa va 

    Fabien de Toulouse: oui, ça va, toi aussi? titou, tu as lu les nouvelles versions des premiers épisodes de Jerem&Nico? 

    titou: oui sa va super. oui j’ai commencer mais j’attends d’avoir la version pdf et livre 

    Fabien de Toulouse: demain alors, lol 

    Fabien de Toulouse: quelles differences avec les anciennes versions t’ont le plus marqué? 

    titou: oui vite j’attend que sa avec un colis je pense sa sera bien manquera plus mon homme pour voila quoi et sa sera parfait 

    Fabien de Toulouse: titou, tu attends quoi de la saison 2? 

    Fabien de Toulouse: gripsou reste avec nous, à 22 h, le premier épisode de la S2 va etre publié, lol 

    titou: a un mariage non je rigole 

    Gripsou22: ok je reste 7 min alors ^^1

    Fabien de Toulouse: je n’avais pas vu ta question pour elodie et jerem : ça te plairait comme situation? qu’elodie lui fasse bien la morale à ce petit con? 

    Gripsou22: oui un truc du genre lol ou sinon juste qu’elle lui parle pour le cerner depuis le temps qu’elle en entend parler ! 

    titou: d’apres ce que j’ai compris jerem a eut un grave accident mais j’aurais preferais que sa sois le contraire 

    Fabien de Toulouse: titou, c’est à dire le contraire? 

    titou: ben j’aurais preferais que sa sois nico qui est un accident ( comme sa surement jerem aurais pus realiser que il tien vraiment a nico 

    titou: genre un coma pour nico 

    Valer est entré(e) pour la première fois 

    Gripsou22: pour que jerem soit dévasté titou ? 

    Fabien de Toulouse: salut valer ! 

    Fabien de Toulouse: ah, ok titou, j’avais bien saisii 

    Valer: Salut 

    Gripsou22: salut 

    Fabien de Toulouse: en effet, ça aurait aussi fait un bon developpement; j’avoue que j’y avais pensé à un moment 

    titou: oui et qu’il ce rende compte que nico et important pour lui et que genre face un black out total de peur pour nico 

    Mat a rejoint la discussion 

    Fabien de Toulouse: mais j’ai preferé cette version; d’autant plus que Nico n’est pas le genre à chercher la bagarre; alors, il ne restait qu’une traversée de route sans regarder ou un kidnapping par les extraterrestres lol 

    Fabien de Toulouse: salut mat 

    Fabien de Toulouse: mat, tu es deja venu sur ce chat? 

    titou: j’aurais pus d’aider a faire un truc crédible 

    titou: sans dire que ce que tu fait et pas credible bien sur au contraire 

    Fabien de Toulouse: je te promets que ça va etre plus efficace dans ce sens, lol; tu verras à partir de l’épisode 2 et 3 

    Fabien de Toulouse: mat, tu es là? 

    titou: il sort quand le 1 er 

    Fabien de Toulouse: dans 5 minutes 

    Fabien de Toulouse: titou, tu attends un mariage, alors? rien de moins? 

    Fabien de Toulouse: allez, voici le lien du premier épisode : 

    Gripsou22: moi j’attends un mariage mais pour la saison 3 sinon pas de saison 3 s’il y a un mariage dans la saison 2 

    Fabien de Toulousehttp://www.jerem-nico.com/jerem-nico-sai… 

    Fabien de Toulouse: j’attends vos reactions… 

    titou: ben surtout qu’il ce rende compte que nico et vraiment improtant pour jerem et qu’il peut pas ce passer de lui 

    Valer a rejoint la discussion 

    titou: je le lit plus tard 

    Gripsou22: je lirai plus tard ausis 

    Fabien de Toulouse: ah mince, j’attendais ta reaction 

    Fabien de Toulouse: vos reactions 

    Fabien de Toulouse: il n’y a qu’un petit bout pour l’instant, deux minutes de lecture… 

    Fabien de Toulouse: allez, je publie le premier épisode dans son integralité : j’attends vos réactions ! 

    Fabien de Toulouse: bonsoir Elodie ou Lucas 

    Gripsou22: Thibault mort ???????!!!! 

    Fabien de Toulouse: continue à lire 

    Fabien de Toulouse: j’ai mis l’épisode entier 

    Julien a rejoint la discussion 

    Fabien de Toulouse: bonsoir Julien 

    Gripsou22: je vais devoir partir je me leve tot demain 

    Gripsou22: bonne soirée à tous 

    Fabien de Toulouse: bonne soirée gripsou : et merci d’etre venu sur le chat 

    Fabien de Toulouse: j’attends tes impressions sur ce nouvel épisode ! 

    Fabien de Toulouse: merci encore 

    Fabien de Toulouse: je vais rester encore 10 minutes pour voir si quelqu’un reagit, après je vais au lit, longue journée demain 

    Fabien de Toulouse: merci beaucoup, et j’espere que tu vas aimer la suite aussi 

    Fabien de Toulouse: bonne soirée à tous et bonne lecture ! Merci d’avoir participé au chat ! 

    titou: je vais me mettre a lire dsl j’etais au tel 

    Fabien de Toulouse: bonne soirée Titou et merci d’avoir participé 

    Fabien de Toulouse: j’attends tes impressions 

    Perock a rejoint la discussion 

    Fabien de Toulouse: bonne nuit 

    titou: bonne nuit 

    Fabien de Toulouse: et encore merci 

    titou: je te dis demain ce que j’en est pense 

    Fabien de Toulouse: il me tarde 

    titou: tkt pas 

  • JN0201 Recommencer sans lui.

    JN0201 Recommencer sans lui.

    Résumé saison 1 de Jérém&Nico

    Précédemment, dans Jérém&Nico.

    Nico, c’est moi : j’ai 18 ans, j’habite Toulouse, et je viens de passer mon bac.

    Jérém, c’est le garçon dont je suis fou depuis le premier jour du lycée. Brun, gaulé comme un dieu, avec une petite gueule à faire jouir d’urgence ; rugbyman et coureur de nanas, depuis trois ans il occupe toutes mes pensées et toutes mes branlettes.

    C’est par une belle journée de mai que j’ai trouvé le courage de lui proposer de réviser les maths chez lui. Il a dit oui.

    Mais au lieu de réviser, il a voulu que je le suce ; alors, je l’ai sucé. Il a aussi voulu me baiser : là non plus, je n’ai pas dit non. Je n’ai pas pu dire non. J’en avais tellement envie.

    Depuis ce jour, on s’est vus régulièrement pour de très plaisantes « révisions » : chez lui, dans les chiottes du lycée, dans les vestiaires du terrain de rugby, chez moi.

    Le sexe avec Jérém, c’est explosif. Il fait ça comme un Dieu. Il fait ça plusieurs fois dans une nuit ou dans un après-midi. Un jeune mâle inépuisable.

    Le sexe, c’est le moteur de notre « relation » : et Jérém, n’en demande pas plus.

    Mais pour moi, c’est différent : car moi, je suis amoureux de lui.

    Pendant des mois, avant le bac, notre relation a connu des hauts et des bas, principalement à cause du fait que le bobrun n’assume pas nos coucheries et le plaisir qu’il prend avec moi ; une relation houleuse qui aurait pu se compliquer encore lorsque, le lendemain du bac, Jérém a commencé à travailler comme serveur dans une brasserie à Esquirol, ce qui ne justifiait plus non « révisions » ; et encore plus, lorsqu’il a été expulsé de son appart rue de la Colombette et qu’il a emménagé chez son pote Thibault.

    Pourtant, contre tout attente, ces deux évènements ont semblé ouvrir de nouvelles perspectives pour notre relation : ainsi, pendant une semaine que j’ai appelée « magique », le bobrun est venu me voir chez moi chaque jour pendant sa pause ; une semaine pendant laquelle notre complicité semblait se faire de plus en plus forte ; une semaine où sa carapace de serial baiseur dénoué de tout sentiment (notamment « pour un pd ») semblait en train de tomber pour révéler un être sensible et passionnel.

    Une semaine pendant laquelle j’avais vraiment commencé à croire que tout devenait possible avec le gars que j’aimais.

    Puis, la nouvelle de son probable recrutement par un club de rugby de la capitale était tombée ; Jérém avait alors aussitôt remonté toute sa carapace, et il avait fini par me quitter. Brutalement.

    Après le clash chez moi en août 2001, je pensais avoir perdu Jérém à tout jamais. Après deux semaines de tristesse, de manque, de souffrance, deux semaines qui ont été les pires de ma vie, je l’avais recroisé une nuit, fin août : je n’étais pas seul, j’étais avec Martin, un moniteur d’auto-école que j’avais croisé dans une boite gay aux Carmes.

    Jérém était en terrasse d’un café avec son frère et deux nanas. Son regard surpris, triste, désolé m’avait fendu le cœur.

    Deux heures plus tard, lors d’une bagarre, il avait cogné la tête contre un mur et il avait perdu connaissance. Jérém était resté plusieurs jours dans le coma.

    J’avais eu tellement peur. S’il ne s’en était pas sorti, ça m’aurait détruit.

    Je m’en étais voulu de ne pas avoir su trouver les mots et les gestes pour le retenir, pour le mettre en confiance, pour lui montrer mon amour sans l’étouffer. Et j’avais fini par me dire que je n’aurais jamais dû lui proposer de réviser pour le bac, que j’aurais dû le laisser tranquille, le laisser vivre pénard, sans foutre le bordel dans son existence d’hétéro bien dans ses baskets.

    Et pourtant, dès notre première révision, cet « hétéro bien dans ses baskets » m’avait montré qu’il kiffait baiser avec moi. Et pas qu’un peu. Et même, parfois, bien qu’il rejetât le plus souvent tout geste de tendresse et d’affection venant de ma part et qu’il refusait d’assumer ce qu’il y avait entre nous, il m’avait aussi montré qu’il était bien avec moi, et qu’il ne pouvait pas se passer de ma présence dans sa vie.

    Dimanche 26 août 2001.

    7h12 : c’est ce qu’affiche mon radio réveil alors que mon portable vient de sonner et de me réveiller. Enfin : « réveiller » c’est un bien grand mot pour l’état dans lequel je me trouve après un sommeil d’à peine deux heures. Je suis complètement dans les vapes : le temps que je réalise que c’est bien la sonnerie du téléphone, le silence est revenu dans ma chambre.

    7h13 : mon cerveau rame sérieux ; les logiciels en démarrage automatique se lancent et buggent l’un après l’autre. Première notification de système : « C’est dimanche, c’est tôt : veuillez vérifier vos paramètres et redémarrer à une heure plus convenable ».

    Deuxième notification de système : « C’est bizarre que quelqu’un m’appelle à cette heure-ci, surtout un dimanche ».

    Je respire un bon coup, je fais appel aux dernières ressources de mes batteries presque à plat, j’attrape mon portable.

    « Appel en absence Thibault ».

    Soudain, un mauvais pressentiment prend violemment forme en moi ; très vite, l’interpolation des données (sortie au B-Machine la veille, rencontre avec Martin, retour avec Martin, le regard triste, perdu et ahuri de Jérém) aboutit à seul match possible.

    Mon cœur fait une accélération de 0 à 1000 en un temps record. J’ai les mains qui tremblent, je n’arrive même pas à afficher la liste des appels récents.

    Sans encore avoir la moindre idée de ce qui s’est passé, je sens les larmes monter aux yeux. Car dans ma tête le pressentiment s’est déjà mué en certitude : quelque chose de grave est arrivé à Jérém.

    Avant que j’arrive à rappeler, l’icône du message vocal apparaît en haut de l’écran.

    Je lance le répondeur.

    « Nico, c’est Thibault, rappelle-moi, dès que tu peux, s’il te plaît, Nico ».

    Ses mots, ses pauses, ses hésitations, la désolation et l’inquiétude que je perçois dans le ton de sa voix, sa respiration angoissée : tout participe à confirmer mes craintes.

    Je rappelle, la mort dans le cœur :

    « Nico » fait-il en décrochant. Un « Nico » qui est à la fois :« merci d’avoir appelé », « j’avais besoin de t’avoir au téléphone », « j’ai un truc grave à t’annoncer ».

    Un silence suit, un silence que ni lui ni moi n’avons envie de briser, dernier rempart avant la rencontre avec la dure réalité.

    « Il est arrivé quelque chose à Jérém ? » je vais droit au but.

    « Oui, oui, comment tu sais ? » fait-il, la voix faible et émue.

    « Il est vivant ? ».

    « Oui, oui ! Mais il est inconscient, depuis trois heures maintenant ».

    J’ai la tête qui tourne, je ne me sens partir. La fatigue, le stress, la peur : je sens la migraine monter à grand pas, j’ai du mal à respirer.

    « Il est où ? ».

    « A Purpan, en neurologie ».

    « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Un accident de voiture ? ».

    « Non, il y a eu une bagarre ».

    « Une bagarre ? ».

    « Apparemment, il était saoul, il s’est pris le bec avec un mec dans la rue, ils se sont battus, il a trébuché, et sa tête a heurté violemment contre un mur, et il a perdu connaissance ».

    « Tu es avec lui ? » je tente de me rassurer, comme si la présence de Super Thibault à ses côtés était un gage du fait que les choses ne puissent pas tourner au pire.

    « Oui, j’y suis depuis deux heures, depuis qu’un pote pompier m’a appelé ».

    « Pourquoi tu ne m’as pas appelé plus tôt ? ».

    « Je voulais avoir des infos plus précises avant, je ne voulais pas t’inquiéter pour rien, j’espérais qu’il se réveillerait rapidement ».

    « Qu’est-ce que disent les médecins ? ».

    « Il est en train de passer un scanner en ce moment même, ils ne peuvent pas se prononcer sans examens ».

    Je pleure en silence. Les secondes s’enchaînent, je n’arrive plus à décrocher un mot, j’ai l’impression que le monde s’effondre autour de moi.

    « S’il te plait, Nico, viens vite » j’entends Thibault chuchoter en pleurant.

    « Tu crois qu’il pourrait ».

    « Je n’en sais rien, je me refuse de penser au pire, mais viens, viens, Nico ».

    Sentir un mec aussi solide que Thibault complètement anéanti, c’est insoutenable. Même par téléphone interposé.

    « J’arrive ».

    Je prononce ces mots mécaniquement, comme dans un état second. Je n’arrive même pas à réaliser ce qui en train de se passer ; je n’arrive pas à me dire que Jérém pourrait ne pas s’en sortir ; à me dire que je pourrais perdre Jérém non seulement à cause de nos différences ; mais carrément parce qu’il ne pourrait plus être là, demain.

    Je m’habille en catastrophe, en sanglotant ; je laisse un mot pour maman sur la table de la cuisine : « Je vais courir sur le Canal ».

    Et je sors. Dans la rue, je suis confronté à la fraîcheur du matin, plutôt mordante ; au vent d’Autan, toujours présent, toujours aussi puissant.

    Mais aussi à l’odeur de pain chaud et de croissant sortant d’une boulangerie, à la bonne humeur de deux passants qui se croisent, se lancent des sourires, se disent bonjour, s’arrêtent pour discuter ; à la fleuriste en train de rigoler avec le gars du kiosque à journaux ; à un beau garçon qui promène son Spitz sur le trottoir d’en face.

    Bref, la ville se réveille peu à peu, une nouvelle journée commence. Une journée comme toutes les autres, pour tous les autres : mais pas pour moi.

    Car pour moi, accablé par cette horrible nouvelle, assommé par un état de fatigue extrême, tenaillé par la migraine, le mot bonheur n’a plus de sens : car tout me semble désormais tristesse et désespoir.

    Je prends le bus direction l’Hôpital de Purpan, les larmes aux yeux.

    Deux arrêts plus loin, un mec monte et s’installe pile en face de moi. C’est un mec très brun, autour de vingt ans, un mètre quatre-vingts, des épaules bien redessinées par un t-shirt gris, col en V, duquel dépassent un triangle de peau finement velue ; un t-shirt qui porte le logo d’une équipe de foot amateur, sur lequel est posé une solide chaînette de mec, et qui retombe sur un short noir ; des baskets aux pieds, un sac de sport à la main, une jolie gueule d’ange brun sur un beau corps de footeux.

    Le mec tient une cigarette entre les lèvres, et la « Dépêche » dans une main, dont il commence aussitôt à feuilleter l’annexe sport. Je le regarde jongler entre le journal à tenir, les pages à tourner, la lecture et la cigarette maintenue entre ses lèvres et qui se consume plus que de raison.

    Très joli garçon, en route vers un dimanche partagé avec ses potes, autour de la passion commune ; très joli garçon, si beau et si brun qu’il me fait penser direct à mon Jérém.

    Mais à une différence près. Le regard de cet inconnu est serein, apaisé, un regard de mec bien dans ses baskets : alors que celui de mon Jérém, notamment les trois dernières fois où je l’ai vu, était torturé, en colère, plein de sentiments négatifs.

    Peut-être qu’à ce bobrun inconnu aucun camarade n’a jamais demandé de « réviser » ; peut-être qu’il n’a pas été confronté à des envies et à des sentiments qu’il ne saurait pas comment gérer ; peut-être que sa vie suit son cours, sans qu’aucun élément perturbateur ne soit venu la troubler.

    Peut-être qu’il n’a jamais été exposé à la tentation, peut-être tout simplement qu’il n’est pas sensible à ce genre de tentation ; ou bien il l’a été avec un pote, à un moment, mais cela ne l’a pas perturbé plus que ça : tout simplement, c’est arrivé, il a aimé, il a assumé, il ne s’est pas pris la tête.

    Au fond, avec Jérém, ça aurait aussi pu se passer comme ça. Pourquoi ça n’a pas été le cas ? Je sais qu’il a bien kiffé coucher avec moi : pourtant, il ne l’a jamais assumé. Pourquoi ?

    Peut-être que si je ne lui avais pas proposé de réviser, il aurait été mieux dans ses baskets ; il ne se serait pas posé tant de questions, il ne se serait pas pris autant la tête ; la nuit dernière nous ne nous serions pas croisés comme des étrangers, et nous ne nous serions pas quittés en colère l’un vers l’autre ; peut-être alors que ce qui est arrivé cette nuit n’aurait jamais eu lieu…

    Pourquoi il a fallu que le destin provoque cette rencontre ? Pourquoi il a fallu que je sois avec Martin ? Pourquoi ne nous sommes-nous pas rencontrés seul à seul ? Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

    Je revois son regard vide, désemparé, perdu, empli de désolation, le même que j’ai vu dans ses yeux la dernière fois qu’il était venu chez moi, juste avant qu’il ne passe la porte d’entrée pour partir. Le regard d’un gars paumé.

    Je me suis souvent demandé quel était le vrai Jérém, celui de ses actes et de ses mots, impulsifs, virulents, dictés par ses craintes, par son ego ; ou bien celui de ses regards, des regards qui ne mentent pas.

    Maintenant, je sais ; maintenant, j’en suis certain, Thibault avait raison : au fond, Jérém, n’est qu’un animal blessé qui se débat, qui réagit à sa souffrance par la violence.

    Thibault avait pris la mesure du danger bien avant et bien mieux que je ne l’avais fait ; il m’avait prévenu que Jérém n’était pas bien, et qu’il risquait de partir en vrille au moindre grain de sable.

    On ne peut rien contre le destin : pourtant, dans des moments comme celui-ci, cette évidence ne nous est d’aucun secours.

    Ce matin, je regrette profondément l’impression que j’ai donnée à Jérém la nuit dernière : l’impression que, pour la première fois, c’était moi qui m’éloignais de lui.

    Je m’en veux à mort de ne par avoir laissé tomber Martin une fois encore, de ne pas avoir traversé la rue et de ne pas être allé le rejoindre. Quitte à me faire jeter.

    Si seulement j’avais su trouver les bons mots pour le retenir, la soirée aurait pu être différente. Et à l’heure qu’il est, il ne serait pas inconscient dans un lit d’hôpital.

    Mais est-ce que les bons mots pour retenir quelqu’un d’aussi paumé que Jérém, existent seulement ?

    Ce matin, je me dis que oui, ils existent.

    J’aurais pu aller le voir, lui demander de me suivre car j’avais des choses à lui dire. Je suis certain que Maxime aurait trouvé les mots pour m’aider. Une fois seuls, j’aurais pu commencer par m’excuser de l’avoir frappé, par lui dire qu’il est la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie.

    Je lui aurais expliqué que Martin n’avait pas pris sa place, qu’il était juste là pour me faire oublier ma tristesse de ne pouvoir être avec lui ; j’aurais dû lui dire que mon cœur n’aspirait qu’à le retrouver, lui ; j’aurais dû le prendre dans mes bras, le serrer très fort contre moi, et me laisser aller, lui dire et lui redire à quel point je l’aime comme un fou, lui en donner la preuve en laissant partir Martin une nouvelle fois.

    Et j’aurais dû lui proposer de rentrer avec lui. Je n’aurais jamais dû le laisser seul, dans l’état où il était. Rentrer où, d’ailleurs ? Il n’a plus de chez lui, il est parti de chez Thibault : je n’allais pas quand même l’accompagner chez sa pouffe.

    J’aurais pu l’inviter dormir à la maison : bien sûr, maman et papa n’auraient rien compris. Mais qu’importe ?

    Ou alors, on aurait pu prendre une chambre à l’hôtel, passer la nuit ensemble en terrain neutre. Recommencer à zéro. Passer la nuit à faire l’amour, à discuter. L’hôtel : tellement évident, tellement limpide comme solution !

    Mais est-ce qu’il se serait laissé faire ?

    Après que nous ayons couché ensemble, Martin s’était endormi. J’étais sorti sur son balcon prendre l’air : je regrettais déjà ce qui venait de se passer, bien qu’il avait été adorable. Le fait est que Martin n’est pas le gars que j’aime.

    J’avais regardé en direction de la rue de la Colombette et je m’étais dit que je ne pouvais pas me résigner à perdre Jérém de cette façon, sans tenter une dernière fois de lui faire comprendre à quel point on pourrait être bien ensemble ; je m’étais rassuré en me disant que, dès le lendemain, j’allais l’appeler, et le convaincre de se voir pour discuter calmement ; je m’étais dit que oui, le lendemain je trouverais les mots.

    C’est horrible de me dire que Jérém s’est peut-être bagarré pendant que je couchais avec Martin, ou pendant que je regrettais de l’avoir fait.

    Le bus arrive à l’arrêt de Purpan ; je n’ai pas envie de descendre, j’ai peur de ce que je vais apprendre dans les minutes à venir.

    Je me fais violence pour me lever de mon siège. Je me sens épuisé, oppressé, la migraine est de plus en plus forte, ma respiration de plus en plus difficile ; j’ai le vertige, ma vue se brouille, le cœur tape dans ma gorge ; j’ai une boule incandescente dans le ventre, j’ai envie de crier, j’ai envie de mourir.

    Je suis tellement HS que, lorsque je me lève enfin, je heurte violemment le genou du beau footballeur. Je trébuche et le mec m’attrape par l’avant-bras, il m’aide à me remettre.

    « Je suis désolé » je me morfonds.

    « T’inquiète » fait-il, tout en ajoutant : « ça va ? ».

    « Pas vraiment ».

    « Qu’est-ce qui t’arrive ? »

    « Je viens voir un pote qui a eu un accident cette nuit ».

    « C’est grave ? ».

    « Je ne sais pas encore ».

    « Courage, ça va aller » fait-il en accompagnant ses mots par un sourire beau et doux, en prenant ses mains dans les siennes et en les serrant pendant une poignée de secondes.

    J’espère que ça va aller. Adieu et merci bobrun inconnu, merci pour ta gentillesse et ton empathie.

    Lorsque j’arrive en neurologie, Thibault n’est pas seul ; il est avec Maxime, le frère de Jérém et d’un homme d’une quarantaine d’années, brun lui aussi, que je devine être le père de Jérém et de Maxime.

    Je sens les larmes me monter aux yeux. Je suis tétanisé, j’ai peur de savoir ; j’ai aussi peur de ne pas avoir ma place dans cette petite réunion de famille et de très proches.

    Me voyant arriver en larmes, Thibault se lève, vient à ma rencontre et me serre dans ses bras.

    « Ça va aller, ça va aller » il tente de me rassurer.

    Un instant plus tard, le jeune pompier fait les présentations.

    « Mr Tommasi, Maxime, voilà Nico, un camarade de lycée de Jérémie, Nico, voilà Mr Tommasi et Maxime, le papa et le frère de Jérémie ».

    Serrer la main au petit frère et au père de mon Jérém, voilà une étrange sensation : en me laissant me présenter comme « un camarade » de Jérém, j’ai l’impression de les tromper, de mentir.

    Cependant, ce n’est ni le lieu ni le moment pour avoir des états d’âme : alors, je me laisse porter par la situation.

    « Il y a du nouveau ? » je demande, sans bien savoir à qui m’adresser.

    « Non, il est toujours au scanner » fait Mr Tommasi.

    « Ils devraient venir nous dire ce qui se passe ! » fait le jeune Tommasi, dont l’angoisse s’exprime sous forme de colère. Comme il me fait penser à son frère, en cela également !

    « Patience, ils vont bientôt venir nous parler » fait Thibault, toujours aussi rassurant et adorable.

    Nous allons nous asseoir. Thibault me raconte brièvement ce qu’il a appris sur les circonstances de l’accident ; pendant ce temps, mon regard se fige sur le genou de Maxime en train de sautiller nerveusement : le petit mec se fait visiblement violence pour réussir à tenir en place ; ses yeux noirs ont l’air d’avoir versé beaucoup de larmes ; il est mignon et touchant, j’ai envie de le serrer dans mes bras et de le réconforter. Il est aussi beau que son frère, et il sent aussi bon.

    Mr Tommasi a un regard très brun, très sombre ; un regard qui, lui aussi, me rappelle celui de Jérém, parfois.

    « Mais qu’est-ce qui lui a pris de se battre ? » fait-il, de but en blanc.

    « Je pense qu’il avait pas mal bu, des fois il suffit de pas grand-chose pour que ça parte en vrille » tente d’expliquer Thibault.

    « Il n’allait pas bien » fait Maxime.

    « Pourquoi tu dis ça ? » s’insurge Mr Tommasi « il allait partir à Paris, avec une carrière dans le rugby toute tracée, il est jeune et beau et les nanas se battent pour lui, pourquoi il n’irait pas bien ? ».

    « Tu l’as laissé tomber ».

    « Arrête, Maxime, ça lui a fait le plus grand bien de commencer à s’assumer ! ».

    « Je te jure qu’il n’allait pas bien depuis quelques jours » insiste Maxime « je l’ai vu la semaine dernière et je l’ai trouvé bizarre, il était fatigué, il ne parlait pas, il faisait la tête ».

    « C’est peut-être à cause d’une nana » fait Mr Tommasi.

    Sur ce, un infirmier approche.

    « Comment il va ? » fait Maxime, impatient et inquiet, en bondissant de son siège.

    « On vient de terminer le scanner ».

    « Il s’est réveillé ? » enchaîne Maxime, sans presque respirer.

    « Non, pas encore ».

    Je vois les larmes remplir ses beaux yeux bruns, je vois les larmes aux yeux marron-tirant-sur-le vert de Thibault, alors que la main de ce dernier se pose sur l’épaule du premier pour tenter de le calmer ; je vois le front de Mr Tommasi se froncer un peu plus. Et je sens mes larmes monter à nouveau.

    « Le médecin veut voir la famille, vous Monsieur Tommasi, qui d’autre est de la famille ? ».

    « Moi ! » fait Maxime, impatient.

    « Venez avec moi ».

    Nous restons là, Thibault et moi, plantés dans le hall, à regarder l’infirmier, Mr Tommasi et Maxime disparaître derrière la porte du service.

    Le bomécano s’assoit. Je m’assois à mon tour. Je l’entends pousser un grand soupir. Un instant plus tard, Thibault s’effondre, sa détresse se révèle au grand jour ; ses larmes coulent à flots sur son visage.

    « Thibault » j’essaie de le consoler, le serrant contre moi.

    Nous pleurons l’un dans les bras de l’autre.

    « Merci d’être venu, j’avais besoin que tu sois là ».

    « Je suis là »

    « Je ne sais pas ce que je vais devenir si jamais » fait-il.

    « Il n’y a pas de « si jamais », il va être vite remis sur pattes, c’est obligé ».

    On se découvre parfois une force insoupçonnée lorsqu’il s’agit de réconforter les autres.

    « Je le savais, je savais que ça allait lui arriver un truc ».

    « Tu savais qu’il n’allait pas bien, mais tu ne pouvais pas deviner qu’il allait se battre ».

    « Je le connais, quand il n’est pas bien, il cherche la bagarre, comme s’il cherchait le danger, comme s’il cherchait à se foutre en l’air, j’aurais dû être là pour lui, j’y ai pensé toute la nuit en plus, j’avais prévu de l’appeler aujourd’hui ».

    Je suis ému de savoir que pour Thibault aussi le temps s’est dérobé sous ses pieds.

    Thibault prend son visage dans ses mains tremblantes et je l’entends sangloter en silence.

    Il est tellement touchant.

    « C’est de ma faute tout ça » il insiste.

    « C’est de ma faute aussi, je l’ai croisé cette nuit ».

    « Ah oui ? Et il était comment ? ».

    « Il était saoul et il avait fumé ».

    « Il t’a dit quoi ? ».

    « Il m’a jeté, j’étais avec un gars ».

    « Un gars ? ».

    « Oui, un mec que j’ai rencontré en boîte ».

    Thibault se tait, pensif.

    « Jérém m’a quitté » j’ai le réflexe de me justifier.

    « Je sais, je sais, je sais ».

    « Ca s’est mal passé, il m’a mis plus bas que terre et il est parti super vénér ».

    « J’aurais dû l’appeler cette nuit, mais pourquoi j’ai attendu ? » il souffle « qu’est-ce qui m’en a empêché ? ».

    « Ce sont les mêmes questions que je me pose aussi, j’ai eu envie de l’appeler toute la nuit, mais même si on l’avait appelé, qu’est-ce qu’on aurait pu faire pour lui ? ».

    « On aurait pu lui empêcher de se faire tabasser ».

    « Est-ce qu’il nous aurait écoutés ? C’est lui qui s’est éloigné de toi, de moi, il m’a largué parce qu’il n’assume pas notre relation, il s’est éloigné de toi à cause du recrutement du Stade ».

    « Je me sens tellement mal » fait Thibault, l’air démuni devant son immense chagrin.

    « Ce n’est pas de ta faute s’il n’a pas été retenu par le Stade ».

    « Mais je le suis pour ce qui s’est passé le dernier soir ».

    « Quel soir ? Qu’est ce qui s’est passé ? ».

    Thibault se tait, le regard perdu, fuyant, rempli d’angoisse : un regard dans lequel je retrouve la même sensation que j’avais ressentie la veille, lorsque j’avais été le voir au garage : la sensation que le bomécano ne m’a pas tout dit au sujet de cette dernière fois où il a vu son Jéjé ; et à cet instant précis, j’ai soudainement peur d’entendre ce qu’il va me raconter.

    « Qu’est-ce qui s’est passé, dis-moi » je répète, presque mécaniquement.

    Maxime et son père sortent des urgences ; ce dernier tient son bras autour du cou de son fils cadet ; Maxime a l’air d’un enfant qui a besoin d’être rassuré ; il est terriblement émouvant.

    « Alors ? » fait Thibault soudainement ranimé.

    « Il a un traumatisme crânien plutôt grave » explique Mr Tommasi « pour l’instant le médecin ne veut pas s’avancer ».

    « Il ne savent même pas s’il va se réveiller ! » fait Maxime, dans un cri de désespoir.

    « Si, il va se réveiller » fait le bomécano en endossant à nouveau sa cape de Super Thibault, tout en posant à son tour la main sur l’épaule du jeune loup à la crinière en bataille « il va se réveiller, c’est obligé, il a tellement de Brennus à gagner ! ».

    Maxime se dégage et s’éloigne, en pleurs.

    « C’est vrai » fait Mr Tommasi en baissant le ton de la voix « ils ne savent ni quand et ni s’il va se réveiller, ni comment, le traumatisme est grave et il pourrait y avoir des séquelles ».

    « Du genre ? » je fais.

    « Perte de la mémoire, ou pire encore, troubles moteurs, du langage, de l’épilepsie, les 24-48 prochaines heures vont être décisives ».

    Un silence chargé d’angoisse s’installe dans le sillage de ses mots.

    « Allez prendre un café, les gars, je vais rester là » finit par nous suggérer Mr Tommasi.

    « Vous avez besoin de quelque chose ? Vous voulez que je ramène Maxime ? » fait Thibault.

    « Non, ma compagne va venir le chercher ».

    « Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous, alors ? » insiste Thibault, serviable au possible.

    « Rien, il n’y a qu’à attendre et espérer, si vous êtes croyants, prier ».

    Dans ma tête, une seule prière s’affiche instantanément : je donnerais tout, pourvu qu’il s’en sorte ; tout, y compris renoncer à lui, si c’est ce qu’il souhaite vraiment.

    Je repars avec Thibault, nous marchons en silence. Pas après pas, la question que je lui ai posée par deux fois – et qui est restée sans réponse – résonne dans ma tête de façon de plus en plus obsédante.

    Dans l’ascenseur, le malaise est palpable. Thibault n’est pas bien : je ne veux pas lui prendre la tête mais j’ai besoin de savoir.

    L’ascenseur vient de s’arrêter au rez-de-chaussée, les portes s’ouvrent. C’est là que je me lance :

    « Thibault ».

    « Viens avec moi, Nico, on va prendre un truc à la cafet’ ».

    A la cafet’, nous nous sommes installés dans un coin, l’un face à l’autre.

    Je n’ai pas eu besoin de répéter la question qui me brûlait les lèvres ; après avoir avalé une gorgée de café, Thibault m’a tout raconté.

    Il m’a raconté que la dernière fois que Jérém avait dormi chez lui, dix jours plus tôt, il n’était pas bien ; qu’il stressait à cause de son départ à Paris ; qu’il était miné par sa peur de devenir pédé ; mais, surtout, à son dire, qu’il était peiné par l’idée de s’éloigner de moi, même s’il ne voulait pas l’admettre.

    Il m’a parlé de ses tentatives de le réconforter, de le rassurer ; il m’a raconté de comment il s’était trouvé allongé sur le clic clac, avec son pote dans les bras ; et il m’a raconté de comment la proximité et l’affection avaient dérapé à un moment ; il m’a avoué que cette nuit-là lui et son Jéjé s’étaient donnés du plaisir.

    Il m’a raconté que Jérém était parti de chez lui au petit matin, sans un mot.

    Il m’a raconté comment ce moment de faiblesse avait mis un grand coup à leur amitié ; il m’a raconté à quel point il le regrettait : par rapport à Jérém, par rapport à moi.

    Je l’ai laissé parler, le cœur un peu plus meurtri à chacun de ses mots.

    Depuis quelques heures, au gré de récits de ses proches, je découvrais un nouveau Jérém ; et ça continuait avec Thibault ; au point où j’en étais, autant aller au bout des choses et tout savoir, tout connaître de cette énigme qu’est le gars que j’aimais.

    Je lui ai demandé si c’était la première fois que cela arrivait.

    Thibault m’a alors parlé de cette nuit, sous une tente, en camping, l’été de leurs 13 ans ; il m’a raconté qu’ils s’étaient faits du bien comme le font parfois les ados, mais que ça n’avait été qu’une fois et qu’ils n’en avaient jamais reparlé depuis.

    Il m’a aussi raconté qu’il avaient déjà craqué ensemble la semaine avant la finale du tournoi de rugby.

    « C’est pour ça que tu étais si distant quand je suis venu te voir à mon retour de Londres ».

    « Je n’étais pas fier, je regrettais ce qui s’était passé, je voulais l’oublier, je voulais faire en sorte que ça ne se reproduise pas ».

    Il m’a raconté comment ça avait pourtant à nouveau failli déraper, d’autres fois, par la suite.

    Il m’a raconté comment, à chaque fois, il avait eu le cœur lourd, et s’était senti de plus en plus perdu.

    Il m’a dit et redit qu’il regrettait ce qui s’était passé avec Jérém ; car il savait que c’était ça, bien plus que la jalousie par rapport à son recrutement par le Stade Toulousain, qui avait éloigné son pote de lui.

    Il m’a dit qu’il regrettait de ne pas m’avoir tout dit la veille, quand j’avais été le voir au garage.

    J’ai laissé Thibault parler, abasourdi par son récit. J’ai encaissé, encaissé et encaissé, sans vraiment arriver à ressentir grand-chose ; toutes mes émotions semblaient planer sur le brouillard épais de ma fatigue extrême ; ma conscience harassée a traité toutes ces informations avec distance, en mode « auto préservation ».

    J’étais juste sonné, comme si je venais de recevoir un coup de massue sur la tête et que tout était devenu noir.

    La détresse de Thibault aurait dû me toucher. Ça n’a pas été le cas. J’avais l’impression de ne rien ressentir, de regarder ma vie partir en sucette, mais de la regarder de l’extérieur, comme si j’étais sorti de mon corps et que j’observais la scène depuis le plafond.

    Après que Thibault a vidé son sac à la cafétéria de l’hôpital, je me suis levé et je suis parti. Je l’ai entendu me promettre qu’il me tiendrait au courant quand il y aurait du nouveau. Je n’ai pas le souvenir de l’avoir remercié, je crois que je ne lui ai même pas dit au revoir. Je crois que j’étais en mode zombie, et que je n’avais même pas l’énergie pour réagir.

    Je ne sais même pas comment je suis rentré chez moi ; je n’ai aucun souvenir de ce triste voyage de retour en ville ; je me souviens être rentré, et que maman était en train de préparer des lasagnes. Elle m’a demandé si je pouvais l’aider, j’ai fondu en larmes. Par chance, papa n’était pas là. Je n’ose pas pleurer devant papa ; et là, j’ai vraiment besoin de pleurer, plus encore que le jour où Jérém m’a quitté.

    Maman m’a fait m’asseoir, elle m’a demandé ce qui se passait. Je lui ai raconté que le gars qu’elle avait croisé quelques semaines plus tôt à la maison avait eu un grave accident. Maman a immédiatement saisi ma souffrance, et elle a su trouver les mots pour calmer mes larmes. Vraiment, j’ai de la chance d’avoir une maman si formidable.

    Le lendemain, lundi 27 aout, Julien m’a appelé pour m’annoncer qu’il y aurait une place pour passer la conduite le lundi 3 septembre ; rien qu’au téléphone, il a décelé que je n’allais pas bien ; il a insisté pour qu’on se voit pour prendre un café. J’ai été chez lui le soir même, et je lui ai tout raconté : lui aussi a su trouver des mots qui m’ont fait chaud au cœur, il a été adorable. Définitivement, le petit con coureur de nanas a vraiment un bon fond, c’est un bon gars.

    Martin a pris des nouvelles, mais je n’ai pas eu envie de lui parler de l’accident de Jérém ; il a fini par me proposer de passer chez lui, à l’occasion : je n’ai pas eu envie de le revoir non plus.

    Mardi 28 aout, je suis revenu à Purpan revoir Jérém. Voir ce beau garçon, musclé et d’habitude si vigoureux, dans une chambre d’hôpital, inanimé, allongé sur un lit, sous perfusion, branché à un respirateur : ça m’a arraché le cœur.

    Je me suis senti tellement impuissant. J’aurais donné tout ce que je possède pour l’aider à se réveiller. J’ai réitéré la prière que j’avais fait le dimanche matin : pourvu qu’il se réveille !

    Une fois ce vœu prononcé, je me suis senti un peu soulagé ; puis, j’ai regardé ses yeux fermés, et je n’ai pas pu résister à l’envie de passer mes doigts dans ses cheveux bruns.

    J’ai repensé à un truc que j’avais lu ou entendu à propos des personnes qui sont dans le coma : comme quoi, dans certains cas, elles entendent les mots qui leur sont adressés, et que le fait de leur parler pourrait les aider à revenir.

    Je me suis accroche à cet espoir, j’ai attrapé une chaise, je me suis assis à côté du lit, et je lui ai pris la main. Elle était chaude, lourde, une belle main de mec : mais elle était inanimée.

    J’ai commencé à lui parler. Je lui ai parlé du frisson que j’avais ressenti le premier jour du lycée lorsque je l’avais vu dans la cour ; je lui ai raconté mon bonheur de le côtoyer depuis trois ans ; je lui ai raconté de comment il avait bouleversé ma vie ; je lui ai dit et redit de comment il était important pour moi, tout comme pour tant de personnes, qu’il revienne et qu’il accomplisse son destin.

    Sans jamais cesser de tenir sa main entre les miennes, je me suis lancé dans un long monologue ; les yeux fermés, je guettais la moindre réaction de sa part. Par moments, j’avais l’impression qu’il m’écoutait, et que d’un moment à l’autre il me parlerait à son tour.

    Je n’ai pas entendu la porte de la chambre s’ouvrir ; et je n’ai entendu Maxime approcher que lorsqu’il m’a demandé :

    « Tu kiffes mon frangin, c’est ça ? ».

    « Oui ».

    « Je crois qu’il te kiffe, lui aussi ».

    Si tu savais, Maxime, à quel point c’était compliqué entre ton frangin et moi !

    Mercredi 29 aout, j’ai passé l’après-midi avec Elodie, et ça m’a fait le plus grand bien. J’étais toujours avec elle, il était est 18h15, lorsque j’avais reçu un coup de fil de Thibault : Jérém s’était enfin réveillé, et tout semblait normal ; à première vue, il semblait pouvoir bouger chaque partie de son corps, et se souvenir de tout.

    La chape de plomb qui pesait sur mon esprit depuis quatre interminables journées s’était enfin dissipée : j’ai pleuré et Elodie a été adorable. Vraiment, j’ai une chance inouïe de l’avoir, elle aussi.

    Samedi 1er septembre midi, nouveau coup de fil de Thibault pour m’annoncer que Jérém allait quitter l’hôpital dans le week-end. Je crois que j’ai été plutôt distant avec lui. J’ai senti qu’il a senti cette distance. J’ai senti que ça lui faisait mal. D’une certaine façon, dans une certaine mesure, j’ai eu mal pour lui. Mais sur le coup, je n’ai pas su faire autrement. La conversation a tourné court.

    Je n’ai rien foutu du week-end ; je ne suis pas sorti, je n’ai pas été courir, j’ai ruminé sur tout ce qui s’était passé depuis la rupture avec Jérém, je me suis enfoncé dans un abyme de tristesse.

    Pour tenter de refaire surface, j’ai essayé de me souvenir de la dernière fois où j’ai été heureux : pour ce faire, j’ai dû remonter jusqu’à cette semaine magique, un mois plus tôt, où tout était si beau. J’ai repensé aux fois où j’avais fait l’amour avec le garçon que j’aimais, j’ai repensé à ces bisous que j’avais pu lui faire, qu’il s’était laissé faire, enfin ; je me suis dit que je donnerais une fortune, ma vie toute entière, pour revivre ne serait qu’un après-midi de la semaine magique, de ces après-midis fabuleux chez moi, avant le clash fini à coups de poings dans la gueule.

    Du coup, j’étais encore plus mal : car le fait de repenser aux bons moments m’a donné la mesure de tout ce que j’ai perdu depuis.

    J’ai essayé de m’accrocher au fait que le plus important est là, Jérém est vivant, et c’est tout ce qui compte.

    J’ai également pensé à Thibault ; j’ai repensé à ce qui m’avait raconté, à ce qui s’était passé entre Jérém et lui. J’ai repensé avec tristesse aux bons moments qu’on avait passé ensemble, à cette belle amitié que j’ai perdue aussi : car j’ai l’impression que quelque chose a cassé en moi, et je n’arrive pas à imaginer qu’un jour on puisse retrouver la relation qu’on avait avant.

    Pendant ce week-end, il n’y a pas eu une heure sans que j’aie eu envie de hurler : « Vivement que je me casse de cette chambre, de cette ville, que je m’éloigne des souvenirs qu’elles contiennent, des espoirs meurtris accrochés à chaque objet, à chaque endroit ».

    J’ai envie de tourner la page. Quitter Toulouse, partir loin.

    Lundi 3 septembre 2001

    J’ai passé ma conduite avec succès ; Julien m’a longuement félicité. Il m’a même payé un verre. Pourtant, je n’ai pas pu me réjouir d’avoir franchi cette petite, grande étape de ma vie. Car je m’étais souvent dit que je fêterais ça avec Jérém. Et ce ne sera pas le cas.

    C’est avec ma cousine et son charmant Philippe que j’ai fêté mon permis hier soir. Mais je n’avais vraiment pas le cœur à faire la fête.

    Mercredi 5 septembre 2001

    Je me lève triste et abattu, pire encore que les jours précédents. La météo est grise sur Toulouse, tout comme elle l’est dans mon cœur ; le ciel de plomb et le vent frais annoncent les prémices de l’automne.

    Je ne sais pas comment me secouer la morosité qui me plombe en cette interminable attente de la rentrée à la fac.

    Je pense à Thibault. Son amitié me manque. Pourtant, je n’ai pas envie de le revoir non plus. J’ai encore trop mal : aveuglé par ma jalousie et par ma colère, embourbé dans ce sentiment de trahison de la part des deux potes dont je n’arrive pas à me défaire, je ne réalise pas encore, comme je le ferai plus tard, à quel point j’étais dur et injuste avec Thibault. Thibault qui souffrait lui aussi : car, tout comme moi, et bien plus encore, il culpabilisait pour ce qui était arrivé à son pote ; Thibault qui s’en voulait sincèrement pour ce qui s’était passé ce soir-là, sur le clic clac, avec son Jéjé ; Thibault qui, après ce soir-là, avait tant perdu, et son meilleur pote avant toute chose.

    Oui, il me faudra encore un peu de temps pour arriver à comprendre que je n’avais pas le droit de laisser le bomécano seul avec ce fardeau, lui qui avait toujours été si adorable avec moi. Car, malgré ce qui s’était passé, il n’avait jamais eu l’intention de me faire du mal.

    Aujourd’hui, Jérém me manque horriblement, plus encore que les autres jours : pourtant, je me suis martelé que je ne chercherais pas à le revoir. De toute façon, je l’ai perdu, à tout jamais. Et lorsqu’il sera à Paris, il ne pensera plus à moi.

    Il va falloir que j’apprenne à vivre sans lui. Il va falloir que je trouve la force pour tourner la page.

    Comment faire pour recommencer sans lui ? Jérém, mon amour perdu, où es-tu mon Jérém ?

    Commentaires.

    ZurilHoros

    03/06/2020 19:03

    Puisque je connais mieux la saison 1, j’ai relu cet épisode avec plus de recul. Il est très réussi, et tout indique que la saison 2 ne sera pas la répétition de la saison 1. Cette fois, je crois que Nico a vraiment changé. Bien sûr ses sentiments sont resté les mêmes, mais il est moins égocentrique. Il a compris que tout ne dépendait pas que de lui, et qu’il ne pouvait pas changer Jérèm si celui-ci ne le veut pas. Il est devenu plus adulte, d’ou son silence comme réponse à la question de Maxime, le frère de Jérèm. Il a sans doute trop souffert, et il est fatigué. Le texte traduit particulièrement bien sa mise à distance vis à vis de ce qu’il ressent ou ce qu’on lui dit. Il en est même à ne plus boire les paroles de Thibaut. Je crois que d’admettre que Jérèm a vu d’autres mec que lui, est un rude coup porté à son narcissisme. Les révélations l’ont sonné et il a l’air de s’être déconnecté de tout. Qu’est ce que les dialogues sont réussis, c’est ce qui me plait le plus. Le père de Jérèm est là, mais sa mère? Et Thibault,  une fois encore, je vais le trouver « sacrifié ». Mais pourquoi donc, personne ne l’aime d’amour? C’est pas le meilleur rôle que d’être l’ami parfait, il ne faut pas décevoir. Lui a fait ce qu’il pouvait, et je trouve qu’il n’a rien fait de mal. 

    ZurilHoros

    31/05/2020 08:35

    L’apparition final du beau cavalier (chevalier?) est très cinématographique. Une nouvelle saison commence, le lecteur recommence a espérer 

    Etienne

    04/10/2018 23:48

    Moi aussi j’ai cru lire la saison 7 quand Nico et Jerem enterraient Thibaud…puis je me suis réveillé ! Non mais ça va pas Fabien, nous faire un coup pareil ! Au fil de la lecture de cet épisode toujours aussi bien écrit, j’ai relevé la séquence: « Tu kiffes mon frangin, c’est ça ? ».« Oui… ».« Et lui, il te kiffe aussi ? ».Je n’ai pas sur quoi lui répondre.« Je crois qu’il te kiffe, lui aussi… ». … je me demande s’il n’y a pas là la possibilité que MAxime facilite certaines choses ? … on verra bien…

    Florentdenon

    03/10/2018 21:44

    Bonsoir Fabien ! Une seule question : a quand la suite ?

    Nico 7639

    28/09/2018 18:30

    Bonjour Fabien. Je viens de lire le premier épisode de la saison 2. C’est un véritable plaisir de retrouver Jérém, Nico et Thibaud. A la lecture de cet épisode cela présage d’une très bonne deuxième saison. Je me laisse à imaginer les differents scenarii possibles. Et j’espère que tu en auras choisis un que je n’aurai pas prévu (oui, j’aime bien que l’on me surprenne). Concernant cet épisode, j’ai cru décelé dans les 3 cauchemars, la description de l’état d’esprit de Nico, la jalousie, l’envie, l’espoir, la désilution après les événements de l’episode. Ce qui inconsciemment m’a mis dans l’esprit de cet épisode. Bien joué (si j’ai raison) J’espere que Nico n’en voudras pas trop longtemps à  Thibaud. Car même si je comprend la réaction de Nico, Thibaud a besoins d’être soutenue car il est en conflit avec lui même, il est sur le fil du rasoir. J’ai hâte de lire la suite.  

  • Jérém&Nico résumé saison 1

    Jérém&Nico résumé saison 1

    Précédemment, dans Jérém&Nico.

    Résumé Jérém&Nico Saison 1

    Nico, c’est moi : j’ai 18 ans, j’habite Toulouse, et je viens de passer mon bac.

    Jérém, c’est le garçon dont je suis fou depuis le premier jour du lycée. Brun, gaulé comme un dieu, avec une petite gueule à faire jouir d’urgence ; rugbyman et coureur de nanas, depuis trois ans il occupe toutes mes pensées et toutes mes branlettes.

    C’est par une belle journée de mai que j’ai trouvé le courage de lui proposer de réviser les maths chez lui. Il a dit oui.

    Mais au lieu de réviser, il a voulu que je le suce ; alors, je l’ai sucé. Il a aussi voulu me baiser : là non plus, je n’ai pas dit non. Je n’ai pas pu dire non. J’en avais tellement envie.

    Depuis ce jour, on s’est vus régulièrement pour de très plaisantes « révisions » : chez lui, dans les chiottes du lycée, dans les vestiaires du terrain de rugby, chez moi.

    Le sexe avec Jérém, c’est explosif. Il fait ça comme un Dieu. Il fait ça plusieurs fois dans une nuit ou dans un après-midi. Un jeune mâle inépuisable.

    Le sexe, c’est le moteur de notre « relation » : et Jérém, n’en demande pas plus.

    Mais pour moi, c’est différent : car moi, je suis amoureux de lui.

    Pendant des mois, avant le bac, notre relation a connu des hauts et des bas, principalement à cause du fait que le bobrun n’assume pas nos coucheries et le plaisir qu’il prend avec moi ; une relation houleuse qui aurait pu se compliquer encore lorsque, le lendemain du bac, Jérém a commencé à travailler comme serveur dans une brasserie à Esquirol, ce qui ne justifiait plus non « révisions » ; et encore plus, lorsqu’il a été expulsé de son appart rue de la Colombette et qu’il a emménagé chez son pote Thibault.

    Pourtant, contre tout attente, ces deux évènements ont semblé ouvrir de nouvelles perspectives pour notre relation : ainsi, pendant une semaine que j’ai appelée « magique », le bobrun est venu me voir chez moi chaque jour pendant sa pause ; une semaine pendant laquelle notre complicité semblait se faire de plus en plus forte ; une semaine où sa carapace de serial baiseur dénoué de tout sentiment (notamment « pour un pd ») semblait en train de tomber pour révéler un être sensible et passionnel.

    Une semaine pendant laquelle j’avais vraiment commencé à croire que tout devenait possible avec le gars que j’aimais.

    Puis, la nouvelle de son probable recrutement par un club de rugby de la capitale était tombée ; Jérém avait alors aussitôt remonté toute sa carapace, et il avait fini par me quitter. Brutalement.

    Après le clash chez moi en août 2001, je pensais avoir perdu Jérém à tout jamais. Après deux semaines de tristesse, de manque, de souffrance, deux semaines qui ont été les pires de ma vie, je l’avais recroisé une nuit, fin août : je n’étais pas seul, j’étais avec Martin, un moniteur d’auto-école que j’avais croisé dans une boite gay aux Carmes.

    Jérém était en terrasse d’un café avec son frère et deux nanas. Son regard surpris, triste, désolé m’avait fendu le cœur.

    Deux heures plus tard, lors d’une bagarre, il avait cogné la tête contre un mur et il avait perdu connaissance. Jérém était resté plusieurs jours dans le coma.

    J’avais eu tellement peur. S’il ne s’en était pas sorti, ça m’aurait détruit.

    Je m’en étais voulu de ne pas avoir su trouver les mots et les gestes pour le retenir, pour le mettre en confiance, pour lui montrer mon amour sans l’étouffer. Et j’avais fini par me dire que je n’aurais jamais dû lui proposer de réviser pour le bac, que j’aurais dû le laisser tranquille, le laisser vivre pénard, sans foutre le bordel dans son existence d’hétéro bien dans ses baskets.

    Et pourtant, dès notre première révision, cet « hétéro bien dans ses baskets » m’avait montré qu’il kiffait baiser avec moi. Et pas qu’un peu. Et même, parfois, bien qu’il rejetât le plus souvent tout geste de tendresse et d’affection venant de ma part et qu’il refusait d’assumer ce qu’il y avait entre nous, il m’avait aussi montré qu’il était bien avec moi, et qu’il ne pouvait pas se passer de ma présence dans sa vie.

  • Chat du 31 mai 2018 (transcription).

    Chat du 31 mai 2018 (transcription).

    Hello tout le monde,

    vous trouverez ici la transcription (avec quelques ajustements pour remettre les différentes conversations dans un ordre cohérent) de la soirée chat du 31 mai 2018, soirée très intéressante et sympathique.

    Merci à tous ceux qui ont été présents à cette soirée.

    Vous pouvez continuer à vous exprimer en réagissant aux questions posées et aux sujets abordées pendant la soirée en cliquant sur ce lien,

    Page de chat Jérém&Nico

     en entrant un pseudo de votre choix et en cliquant sur ENTER ROOM.

    Bonne lecture et bons commentaires !

    Fabien de Toulouse: Bonsoir à tous !

    Outsider: Bonsoir

    Perock: salut

    Fabien de Toulouse: Bonsoir outsider

    Outsider: Salut Fabien!

    Outsider: Vous allez bien?

    Perock: bien et toi ?

    Outsider: Très bien

    Perock: on attend encore un peu de monde pour commencer donc mets toi a l’aise

    Outsider: Tu suis l’histoire depuis le début?

    Perock: presque, depuis l’episode huit 8 ou 96

    Perock: et toi ?

    Outsider: Depuis l’épisode dix si je me souviens bien

    Fabien de Toulouse: ah cool 

    Fabien de Toulouse: et tu as lu les premiers?

    Outsider: Oui j’ai tout lu bien entendu 

    Fabien de Toulouse: cool 

    Outsider: En tout cas, félicitations pour la fin de la saison 1

    Outsider: J’ai déjà hâte de connaître la suite 

    Perock: felicitation je ne suis pas sur, j’en ai pleure moi la fin de la saison 

    Outsider: En ce qui concerne le travail fourni, on ne peut que dire félicitation 

    Outsider: Après on sait très bien que nos deux tourtereaux vont bientôt se retrouver 

    Fabien de Toulouse: qu’est ce qui te fait dire qu’ils vont se retrouver? 

    Fabien de Toulouse: Outsider, tu es dans quelle tranche d’age? 

    Outsider: 25 

    Outsider: Et toi Perock? 

    Perock: 22 

    Fabien de Toulouse: bonsoir marc 

    Marc: Et bonsoir 

    Perock: salut marc 

    Outsider: Salut Marc

    Fabien de Toulouse: marc, tu es dans quelle region et dans quelle tranche d’age? 

    Marc: Je suis d’occitanie et j’ai 18 ans 

    Outsider: Moi je suis très loin de vous, à l’île Maurice, bien que j’ai fait mes études à Toulouse. J’y suis retourné il y a un an.

    Fabien de Toulouse: Marc, tu suis Jerem et Nico depuis longtemps?

    Marc: Ça fait à peu près un an 

    Fabien de Toulouse: et tu as tout lu? 

    Marc: Absolument tout 

    Fabien de Toulouse: Merci Marc, ça fait beaucoup de pages quand meme

    Marc: Pas assez à mon goût 

    Perock: je suis bien d’accord avec toi marc

    Fabien de Toulouse: Marc, il y en aura d’autres pages, en septembre, lol 

    Fabien de Toulouse: beaucoup de pages en chantier 

    Fabien de Toulouse: Merci Perrok et Marc, mais il faudra attendre un peu 

    Marc: Tu disais qu’il y aurait de quoi s’occuper pendant l’été non ? 

    Fabien de Toulouse: moi je serai très occupé, oui, entre l’édition du livre et le début de la saison 2, et mon taf en plus, je ne vais pas chomer, lol 

    Fabien de Toulouse: Il y aura peut être un texte inédit à un moment 

    Fabien de Toulouse: et surtout le trailer video de la saison 2 

    Marc: Ça fait plaisir ça 

    Perock: Au fait, tu as fait quoi comme pub pour ton livre ?

    Fabien de Toulouse: Je n’ai pas fait de pub, à part sur mon site 

    Fabien de Toulouse: Si vous avez des idées pour promouvoir mon travail, je suis preneur 

    Perock: si tu m’envoie de quoi faire, je passe mon temps sur un site qui reference les livres et qui en recherche toujours de nouveau a partager

    Perock: le site : booknode.com

    Outsider: Tu as déjà pensé à faire traduire ton histoire en anglais, Fabien? 

    Marc: Tu sais à peu près combien de personnes suivent ton histoire ?

    Fabien de Toulouse: Non, outsider, je pense qu’elle est trop longue en l’état, il faut d’abord que je la reprenne et faire un texte plus court

    Fabien de Toulouse: Bonsoir virginie

    Perock: salut virginie 

    Marc: Bonsoir virginie

    Outsider: Salut virginie

    Virginie-aux-accents: Salut à tous, je vais essayer de rattraper mon retard 

    Fabien de Toulouse: Marc, sur 130 épisodes, je suis à 2 millions de vues 

    Outsider: Oui, Fabien si par la suite tu retravailles dessus et que tu condenses tout ça, tu pourrais l’envisager 

    Fabien de Toulouse: Il y a environ 12.000 vues par épisode si on enleve les doublons

    Perock: juste trois questions a repondre virginie, Tu as quel age ? depuis Quand tu lis l’histoire? et d’ou viens tu ?

    Virginie-aux-accents: j’ai 44 ans!! je lis l’histoire de j&N depuis 2 ans. Je suis en région Centre 

    Virginie-aux-accents: Tu fais des stats?

    Fabien de Toulouse: le site jerem et nico + histoires de sexe fournissent des stats oui, chuchote moi aussi

    Virginie-aux-accents: On est tous fichés!! 

    Perock: on as toujours besoin d’un doyen 

    Virginie-aux-accents: Une doyenne (même si je suis contre l’écriture inclusive)

    Fabien de Toulouse: MDR Virginie

    Outsider: Fabien: si je me souviens bien, tu as déjà précisé qu’ils seront à nouveau ensemble par la suite 

    Perock: il a dit qu’il se reverrait c’est tout 

    Fabien de Toulouse: J’ai dit ça, moi??? lol

    Perock: en reponse a un de mes commentaires il me semble 

    Fabien de Toulouse: Alors, dites moi dites moi… comment avec vous perçu la rupture entre Jérém et Nico?

    Virginie-aux-accents: On le savait, mais quel déchirement…

    Perock: inevitable malheureusement mais tellement superbe par sa tristesse

    Marc: Comme une grave erreur mais ça peut permettre de repartir sur de nouvelles bases

    Outsider: C’était frustrant car on sentait que Jerem ne voulait pas laisser partir Nico

    Virginie-aux-accents: Et puis Jerèm semble si perdu

    Fabien de Toulouse: Ah, tu as ressenti ça, outsider?

    Outsider: Mais c’était comme au-delà de ses limites de se l’admettre à lui même

    Outsider: Oui surtout quand il y a eu la confrontation avec Martin, Jerem et Nico

    Perock: je pense qu’il lui fallait se rendre compte de ce qu’il perdait pour qu’ils puissent tout deux evoluer

    Virginie-aux-accents: Jerem semble ne pas croire être capable d’aimer et d’être aimé

    Fabien de Toulouse: Dans un commentaire, un lecteur m’a dit qu’il aurait preferé que Nico laisse tomber Martin une fois de plus et qu’il reparte avec Jérém

    Outsider: Bien sur que c’est ce qu’on aurait tous préféré

    Virginie-aux-accents: Jerem ne lui a pas demandé cette fois-ci…

    Perock: non surtout pas ça n’aurait ete que reculé pour mieux sauter

    Fabien de Toulouse: voilà, Jérém ne lui a pas demandé… mais est ce qu’il aurait accepté si Nico lui avait proposé?

    Virginie-aux-accents: C’est Jérém qui a besoin de temps pour évoluer

    Perock: mais c’est toujours la le couer du problem , Jerem n’ose pas

    Outsider: Mais pour l’évolution du personnage de Nico, je pense qu’il fallait qu’il refuse de repartir avec Jerem

    Fabien de Toulouse: il fallait qu’il lui mette une claque

    Fabien de Toulouse: au sens figuré, lol

    Fabien de Toulouse: comment a été perçu la violence de Nico vis à vis de Jérém le jour du clash?

    Virginie-aux-accents: Le prendre dans ses bras, aurait été aussi une claque…

    Outsider: On comprend très bien dans le dernier épisode, que Jerem est parti se foutre en l’air juste après cette confrontation

    Virginie-aux-accents: Parfois, on craque

    Fabien de Toulouse: alors qu’il était infecte?

    Outsider: Comme s’il avait besoin de se faire du mal, de se détruire parce qu’il sait qu’il agit comme un con

    Marc: Il aurait été violent de toute façon

    Perock: parfois il est preferable de laisser parler le corps meme si c’est au travers de coup

    Virginie-aux-accents: Jerem est sur le point de s’écrouler, il est en mode auto-destruction

    Perock: au moins il a compris que Nico existait et n’etait pas juste un meuble

    Virginie-aux-accents: Il le savait depuis 15 jours, depuis la semaine magique

    Outsider: Oui je pense comme toi Marc, Jerem n’était pas prêt à ce moment là. La violence aurait été sa seule réponse pour quelque chose qu’il ne comprend surement pas lui même

    Virginie-aux-accents: Je crois même que Jerèm a provoqué la violence de Nico, parce que la sienne bouillonne en lui. J’ai plus d’une fois pensé qu’il pourrait être violent. Le rugby est un moyen de se défouler

    Fabien de Toulouse: comment a été perçue l’évolution du personnage de Nico depuis le début de l’histoire?

    Perock: perso sa faisait longtemps que j’attendais cette rebellion de la part de Nico car malheureusement l’amour ne suffit pas toujours

    Virginie-aux-accents: Nico a pris confiance, même s’il souffre. Il est aussi plus ouvert aux autres (comme avec Elodie ou Thib’)

    Marc: Je pense que ses expériences avec d’autres personnes que Jerem lui ont ouvert les yeux sur sa relation et lui ont permis de mieux s’imposer face à Jerem au point de le frapper

    Fabien de Toulouse: Nico n’en pouvait peut etre plus de subir et de toujours aller dans le sens de Jérém; il avait besoin d’être rassuré…

    Virginie-aux-accents: Même si Jerem est son premier (et son grand) amour, il reste un « amoureux des hommes ». Il y croit encore. Il va pouvoir avancer.

    Outsider: J’ai toujours également pensé que Jerem finirait par être violent envers Nico. En tout cas, je ne m’attendais pas à ce que Nico porte le premier coup

    Fabien de Toulouse: Jérém a de la violence en lui, c’est clair, il a de la rage, de la frustration, de la peur

    Fabien de Toulouse: mais il n’a pas porté le premier coup… même sur le lit, alors que Nico l’a provoqué avec Thibault, il l’a menacé mais il s’est retenu 

    Perock: je peux savoir, parmis touts les chapitres deja sortis, lequel vous a le plus marqué ?

    Fabien de Toulouse: et toi perock, lequel il t’a le plus marqué?

    Perock: moi sa reste la rencontre avec un certain Labranoir

    Fabien de Toulouse: ah oui, perock, c’est Stephane et Gabin?

    Marc: Je pense que l’épisode le plus marquant à mes yeux reste celui de la première fois que Jerem s’est ouvert à Nico

    Fabien de Toulouse: Pour la petite histoire, ce developpement est venu dans l’écriture, sans être prévu au depart

    Perock: car je pense que si nico ne s’etait pas rendu compte de ce qu’il pourrait avoir avec d’autre il n’aurait pas ete plus exigeant par la suite 

    Outsider: Celui qui m’a le plus marqué, c’est le chapitre où Jerem empêche Nico de partir avec Martin, et tout ce qui s’ensuit ensuite…

    Virginie-aux-accents: L’un des épisodes les plus marquants pour moi a été un épisode « dans la tête de Jerem » (j’ai pris l’histoire au milieu avant de tout lire). Ce fut mon premier contact, un peu hors norme, avec l’histoire de J&N. De nombreux autres m’ont bouleversée.

    Virginie-aux-accents: J’ai aussi beaucoup aimé l’épisode du « kiff de Nico » 

    Fabien de Toulouse: Quand je pense que en juillet 2014 en commençant à écrire, j’avais prévu de faire que 3-4 épisodes de sexe…

    Perock: haha les chose on bien evoluer Fabien 

    Virginie-aux-accents: Ce qui est sympa, c’est qu’il y a une vraie histoire et des personnages attachants, en plus des scène super chaudes

    Fabien de Toulouse: merci Virginie; je pense vraiment que si l’histoire a pris cette direction, c’est un peu grace aux lecteurs et à certains commentairesq ui m’ont vraint encoragé

    Fabien de Toulouse: qui m’ont vraiment encouragé à aller plus loin

    Virginie-aux-accents: Tu avais cette histoire en toi, de toute façon

    Fabien de Toulouse: et aussi parce que l’écriture m’a beaucoup apporté

    Fabien de Toulouse: Outsider, en quoi l’épisode ou Nico plante Martin pour partir avec Jérém t’as marqué?

    Fabien de Toulouse: Perock, pourquoi la rencontre avec le labranoir?

    Outsider: Parce que Jerem a mis sa fierté de côté pour la première fois, et n’a pas hésité à s’avancer pour retenir Nico

    Perock: comme je disait, Nico s’est rendu compte de ce que sa pouvait donner l’amour entre hommes et je pense que sa l’as rendu un peu plus exigeant vis a vis de Jerem, il c’est petit à petit affirmé

    Fabien de Toulouse: Il a montré sa jalousie , qui pouvait n’être que de l’ego malmené

    Perock: perso sa reaction face a Martin sa m’as fait pensé aux enfants a qui on retire un jouet qu’il n’aime pas, tempis si c’est nul, c’est a eux7

    Fabien de Toulouse: Comment avez vous perçu l’épisode dans la tête et dans le coeur de Thibault?

    Virginie-aux-accents: L’épisode dans la tête de Thibault confirme les sentiments profonds qu’il a en lui (et qu’il accepte). C’est aussi un ami formidable.

    Perock: Thibaut reste mon personnage préféré, et cet épisode lui as apporté encore plus de profondeur, je ne peux que t’en remercier

    Virginie-aux-accents: Entièrement OK avec Perock

    Fabien de Toulouse: Virginie, un autre lecteur demande que tu developpes ce commentaire laissé sur le site : »Et cette dernière nuit où il se laisse enfin aller, Jérèm’ lui fait le même coup qu’à Nico : il se barre! » : comment ça aurait pu se passer autrement?

    Perock: si Vraiment quelqu’un mérite sa Happy end c’est lui, il est pres a sacrifier son bonheur pour ses amis quitte a rester dans son coin

    Fabien de Toulouse: Thibault est un personnage « dangereux », lol, il pourrait voler la vedette aux personnages principaux

    Virginie-aux-accents: Je ne sais pas, mais Jérèm a parfois été « câlin » avec Nico, pourquoi pas avec Thib?

    Fabien de Toulouse: Thibault non plus n’était pas prévu au tableau, il est apparu au fil de l’écriture

    Virginie-aux-accents: Thib est un autre perso qu’on voit souffrir alors qu’on rêve de le voir heureux

    Fabien de Toulouse: Le problème c’est qu’en se laissant aller avec Thibault, Jérém a encore compliqué les choses pour tout le monde : un lecteur m’a demandé : mais pourquoi ils ont fini pas coucher ensemble les deux potes?

    Virginie-aux-accents: Jerem ne s’est que rarement laissé aller avec Nico car il est toujours sur la défensive. Avec Thibault, il est en confiance. Pourquoi ne pas aller beaucoup plus loin?

    Perock: je dirais que Jerem mrtd Thib dans une case bien precise de sa tete et ne veut pas prendre le risque que son univers s’ecroule en cas de probleme, alors que Nico est un Outsider, personne ne le connait

    Fabien de Toulouse: perock, je n’ai pas compris, lol

    Perock: et bien, Jerem ne veut pas prendre le risque de coucher avec Thibaut car celui ci est au centre de son monde

    Marc: Et pourtant…

    Fabien de Toulouse: Mais Jérém et Thibault ont couché ensemble dans l’épisode dans la tete de thibault

    Virginie-aux-accents: Visiblement, Jerem ne peut accepter sa bisexualité (ou son homosexualité). Il vaut tracer une ligne, voire construire un mur, autour de « cette connerie ». Partir à Paris c’est mettre tout ça derrière lui. Mais ce n’est pas une solution.

    Perock: ouais c’est la qu’est le probleme Jerem se rend compte trop tard de ce qu’il y a a perdre

    Virginie-aux-accents: C’est le paradoxe. Pour ne pas perdre Thibault et Nico, il doit s’en éloigner.

    Perock: et pour l’episode dans la tete de thibaut je pense qu’il s’agit surtout d’un acte de désespoir

    Fabien de Toulouse: Une erreur, alors? 

    Perock: de son point de vue probablement 

    Fabien de Toulouse: et du point de vue de Thibault?

    Fabien de Toulouse: Outsider, Marc? votre opinion, lol?

    Virginie-aux-accents: En fait, Jerem est un grand malade dans sa tête

    Fabien de Toulouse: Pourquoi un grand malade?

    Virginie-aux-accents: Parce qu’il ne sait pas ce qu’il veut, surtout quand il l’a…

    Perock: la sa devient plus compliqué, du point de vue de thibaut sa a l’air mitigé, il le voulait mais a peur des répercussions

    Perock: Virginie c’est malheureusement le cas de beaucoup de gens ça

    Virginie-aux-accents: Thibault va souffrir, Nico va souffrir, et Jerem aussi. C’est pas du gâchis?

    Perock: Les hommes sont souvent tres con

    Fabien de Toulouse: Oui, c’est clair; mais la vie est cruelle, surtout quand on ne l’accepte pas pour ce qu’elle est

    Virginie-aux-accents: Je sais que l’amour c’est compliqué, mais Jérèm fait fort!

    Perock: il a beau etre fort il est encore fort jeune

    Fabien de Toulouse: Il a mal agi, Jérém?

    Marc: Il s’empoisonne lui-même la vie

    Marc: Et par la même occasion celles de nico et de Thibault

    Perock: il a mal agi envers nico mais pour lui meme il en avait besoin

    Fabien de Toulouse: qu’est ce que Jérém cherchait dans ce moment de tendresse et de plaisir avec Thib?

    Perock: du réconfort ? et peut etre la possibilité de se dire que si Thibaut aime aussi alors ce n’est peut etre pas « mal »

    Virginie-aux-accents: Bien vu Perock8:06

    Fabien de Toulouse: eh bien, perock, tu mets le doigt sur un aspect auquel j’ai pensé sans vraiment l’expliciter

    Fabien de Toulouse: mais ça me fait plaisir que tu l’aies relevé

    Perock: haha comme quoi les cours de psycho ça aide

    Virginie-aux-accents: Pour Jérèm, Nico a toujours été le « petit pédé », mais C’est différent avec Thibault. S’il accepte l’amour entre garçons, alors c’est peut-être finalement « normal »

    Fabien de Toulouse: dans ma tête, c’était cette idée une des raisons qui a poussé Jérém à vouloir cette nuit avec Nico et Thibault

    Fabien de Toulouse: Comment vous imaginez les premiers developpements de la Saison 2 ?

    Virginie-aux-accents: Je ne veux pas imaginer la suite, je préfère la surprise. J’espère qu’ils vont tous pouvoir avancer dans la vie, même s’ils sont (momentanément?) séparés. En fait, il vaut peut-être mieux qu’il y ait de la distance entre eux. Si Nico apprend pour Thib et Jerem, ça va le ravager.

    Fabien de Toulouse: ça va sinon, je ne fais pas trop de fautes dans les textes? lol

    Virginie-aux-accents: Fabien, ton français est remarquable, crois-moi, tu es bien meilleur que mes élèves

    Marc: Franchement non tu es vraiment très agréable à lire. Que ce soit dans le style ou l’orthographe

    Perock: nickel

    Fabien de Toulouse: Merci vous êtes sympa

    Virginie-aux-accents: En fait, on te flatte pour que tu n’arrêtes pas d’écrire

    Fabien de Toulouse: Je ne vais pas arreter, si je pouvais, je ne ferais que ça ! 

    Perock: chut faut pas lui dire

    Virginie-aux-accents: Je suis pour la franchise

    Fabien de Toulouse: Mais j’ai un corrécteur officiel que je remercie d’ailleurs, Fred qui n’est pas là ce soir

    Virginie-aux-accents: Merci à lui, alors. Mais sinon, sérieusement, tu écris super bien. 

    Perock: l’air de rien au fur et à mesure des épisodes tu t’es crées une bonne petite équipe

    Fabien de Toulouse: j’ai pris toutes les bonnes volontés

    Fabien de Toulouse: bon, après les flatteries, maintenant, les critiques ! allez, lachez vos critiques sur l’histoire, il doit bien y en avoir ! lol

    Perock: c’est trop long entre chaque épisode

    Marc: Je rejoins perock

    Fabien de Toulouse: Ah, j’adore ce genre de critique. lol

    Virginie-aux-accents: C’est vrai (même si tu ne peux faire autrement)

    Perock: sinon la seule chose qui m’ennui c’est que parfois tu prends beaucoup (trop ?) de temps a decrire des chose, mais je suis une personne bizarre avec un cerveau non visuel donc je suis un cas a part

    Fabien de Toulouse: oui, le projet est de faire beaucoup plus succinct dans le livre et aussi dans la saison 2 je pense 

    Fabien de Toulouse: Marc, toi qui est le plus jeune ici je pense, qu’est ce qui t’a touché dans cette histoire au point de te donner l’envie de tout lire?

    Marc: Je m’identifie beaucoup au personnage de nico, j’ai moi aussi mon Jerem, (bien que je n’aie pas dépassé le stade des regards furtifs en classe) et le fait que j’aie le même âge qu’eux

    Fabien de Toulouse: lou, depuis quand tu suis J&N?

    Virginie-aux-accents: J’ai passé la première moitié de l’histoire à détester Jérèm (alors qu’il avait été mon premier contact avec l’histoire), et en fait il est super attachant. 

    Perock: @Marc c’est pour sa que j’aime Thibaut car c’est a lui que je m’identifie perso 

    lou134: Depuis très longtemps, au début sur HDS puis maintenant ici

    Fabien de Toulouse: Tu t’identifie à l’ami bienveillant pret à sacrifier son propre bonheur pour celui des autres?

    Perock: malheureusement pour moi oui

    Fabien de Toulouse: lou, chacun a parlé de l’épisode qui l’a le plus marqué? ce serait lequel pour toi?

    Virginie-aux-accents: Je suis admirative, Perock.

    Fabien de Toulouse: moi aussi perock

    Perock: mouais malheureusement dans ce cas on se retrouve souvent seul a voir le bonheur des autres, c’est pour sa que j’aime tant Thibaut je vois comment il se sent

    lou134: J’imagine que ce serait l’épisode où Nico et Jerem ont passé leur « premiere » nuit ensemble avec de l’affection. Je ne me rappelle plus quel épisode c’était

    Marc: Ah je suis tout à fait d’accord avec toi Lou

    Virginie-aux-accents: Bonsoir Lou. Oui, c’est un épisode touchant. La première fois que Jérèm montre de la tendresse

    Fabien de Toulouse: après le retour de boite, après que Jérém soit venu au secours de Nico qui était aux prises avec un type bourré dans les chiottes de la boite de nuit?

    lou134: Oui ça doit etre ça. Je ne sais pas si c’est ce qui va arriver mais au fil des épisodes, tu as donné des indices sur le fait que l’histoire de Jerem et Nico ne se finirait pas forcément bien (ou alors juste la fin de la saison 1)

    Fabien de Toulouse: ou bien la fois après le plan à trois avec Romain croisé au On Off?

    lou134: Je ne me rappelle pas exactement, mais c’est l’épisode où Jerem montre de la tendresse pour la première fois comme a dit Virginie

    Virginie-aux-accents: quand il demande à Nico de rester?

    Fabien de Toulouse: les deux fois il demande à Nico de rester et les deux fois c’es une nuit magique

    lou134: Quand Jerem est affectueux, c’est toujours de très bons épisodes

    Virginie-aux-accents: C’est toujours magique quand Jérèm se laisse aller

    lou134: Alors qu’au contraire quand il est de mauvais poil, je redoute de lire chaque ligne par peur de ce qui pourrait arriver

    Fabien de Toulouse: lou, un final est écrit depuis un bon moment, dans ses grandes lignes; mais rien n’est figé aujourd’hui; je me laisse porter par l’histoire, comme vous

    lou134: On se met à la place de Nico et c’est comme si c’est nous qui nous prenions tout ça dans la tête (c’est l’impression que j’en ai)

    lou134: D’accord

    Virginie-aux-accents: ça fait aussi partie du personnage de Jerem d’être dur et injuste

    Perock: ça n’en reste pas moins de bons épisodes quand il est en rogne car parfois ça fait évoluer sa façon d’etre

    Fabien de Toulouse: bien vu perock

    Fabien de Toulouse: c’est le but de la manoeuvre lol, le fait de mettre le lecteur dans la peau des personnages

    lou134: Tu as très bien réussi dans ce cas

    Fabien de Toulouse: merci lou ! Alors, question : qui veut des « dans la tete de jerem »? est ce qu’ils sont utiles ou pas?

    Virginie-aux-accents: MOI!!!!!!!!!!!!! mais il ne faut pas en abuser

    Marc: Moi

    Marc: Il faut garder ce côté mystérieux qui fait le charme de Jerem

    Perock: je ne sait pas, je trouve que c’est trop en devoiler sur jerem, j’aime bien devoir arracher chaque details un a un en fonction de ses gestes, de ses paroles

    lou134: Cela pourrait être intéressant. Une évolution des pensées dans la tête de Jerem de la toute première fois qu’il a vu Nico, pendant les grands moments qu’ils ont vécu ensemble jusqu’à la dispute finale devant la maman de Nico

    Fabien de Toulouse: je pense perso qu’on arrive assez bien à cerner Jérém de par ses comportements, ses contradictions, ses attitudes, non? chacun peut se faire son idée

    Marc: Il faudrait juste de courts passages de temps à autres

    Virginie-aux-accents: OK avec Marc

    Fabien de Toulouse: marc, qu’est ce que tu voudrais savoir à ce stade par une reflexion de jérém?

    Fabien de Toulouse: même question à virginie alors

    Marc: Difficile à dire

    Virginie-aux-accents: Qu’est-ce qu’il a pensé de sa nuit avec Thib par ex.

    Virginie-aux-accents: que ressent-il quand il lance son dernier regard à Nico après le coup de poing, quand il quitte la maison 

    lou134: Moi j’aimerais bien savoir ce qu’il y a dans sa tête dans les moments où on sent qu’il a envie d’embrasser Nico ou autre mais qu’il se ravise au dernier moment…

    lou134: Car il a envie, mais honte, il est perdu et a la fin frustré

    Fabien de Toulouse: Je note, lou

    Fabien de Toulouse: Marc, maintenant tu craches le morceau, lol !

    Marc: Je voudrais en savoir plus sur son passé

    Virginie-aux-accents: Marc, ça c’est du lourd…

    lou134: Oui l’enfance de Jerem ! Ses parents… son role de grand frere, il a du voir des choses pas faciles qui ont forgé son caractère

    Fabien de Toulouse: Marc, on connait de Jérém son amitié avec Thibault, son passé de coureur, sa blessure suite au départ de sa mère

    Marc: Je suis d’accord avec Virginie pour le regard de Jerem

    Marc: On évoque surtout son enfance avec Thibault mais très rarement le reste

    lou134: Genre un épisode au début de saison 2 ou Jerem est dans le coma et on est dans sa tete et on assiste à toutes ses pensées de l’enfance, ses pensées avec Nico … il se remémore pleins de choses pendant son coma

    Fabien de Toulouse: j’aime bien l’idée lou, mais elle a deja eté exploitée tant de fois 

    Fabien de Toulouse: Jérém a un petit frère, Maxime; il va revenir dans la saison 2 

    Virginie-aux-accents: Il est mignon le petit frère, dans mon souvenir… 

    Fabien de Toulouse: bah, oui, virginie, il est mignon, c’est le frérot de Jérém ! 

    Marc: Haha

    lou134: Oui c’est vrai 

    Fabien de Toulouse: mais il est hetero, tout comme Julien

    Fabien de Toulouse: il fallait bien quelques heteros pour rendre l’histoire credible lol

    Virginie-aux-accents: Chouette! c’est bien aussi

    lou134: Oh reverra t-on le petit Julien par la suite ?

    Fabien de Toulouse: je ne sais pas, on verra

    lou134: Nico n’a pas encore le permis?

    Fabien de Toulouse: IL va le passer bientot le permis 

    Fabien de Toulouse: alors, qu’est ce que vous en avec pensé de ce petit con de Julien?

    Virginie-aux-accents: Il a l’air de vraiment vouloir être ami avec Nico.

    Perock: sa a l’air d’etre un gars sympa le genre de pote qui vous soutient toujours 

    Fabien de Toulouse: un coureur mais un bon gars au fond

    lou134: Oui il a l’air de vouloir le protéger

    Fabien de Toulouse: mais il a quand meme voulu tester son charme sur Nico

    Virginie-aux-accents: Il teste tout le monde. C’est Martin qui est le plus susceptible de souffrir

    lou134: La saison 2 va continuer directement à la suite des événements ou plusieurs mois après (avec des épisodes flash back?)?

    Fabien de Toulouse: Lou, j’y travaille à la saison 2

    lou134: Est-ce que la relation Nico Thibault va être touchée lorsque Nico apprendra ce qu’il s’est passé entre Jérém & Thibault ?

    Fabien de Toulouse: lou, la reponse dans la saison 2

    Fabien de Toulouse: SI, je dis SI Nico l’apprend, ça va pas lui plaire des masses je pense 

    lou134: ah bah ça c’est sur …. peut-être va il se sentir trahi … 

    lou134: N’empeche que je me demande ce qu’il s’est passé pendant la nuit de Jérém & Thibault !!! ahah

    Fabien de Toulouse: lou! je le savais !!!

    Fabien de Toulouse: à l’origine, cette scène était très détaillées, comme les autres scènes de sexe

    Virginie-aux-accents: pourquoi ne pas l’avoir publiée??

    Fabien de Toulouse: après je me suis dit qu’il valait mieux laisser les lecteurs imaginer et fantasmer lol

    lou134: Peut être sera elle détaillée en flash back dans la saison 2 ?

    Fabien de Toulouse: Franchement, je ne pense pas

    Virginie-aux-accents: Frustration!

    lou134: oh non !!!! j’aurais trop voulu savoir lol

    Perock: j’aurais prefere la description

    Marc: Moi aussi

    Fabien de Toulouse: MDR

    Virginie-aux-accents: ça se dit « frustrateur »? Si oui, Tu n’est qu’un frustrateur, Fabien

    Fabien de Toulouse: mais dans la saison 2 vous allez en avoir pour vos sous coté sexe lol 

    Fabien de Toulouse: le fait est que pour Jérém&Nico j’avais du mal à choisir … les roles…

    lou134: Je suis un peu frustré que Jerem se soit vraiment donné à un garçon à Thibault pour la première fois et pas Nico

    Perock: Ne nous mentons pas, l’histoire est tres sympa mais ce qui nous as chacun amené a la lire c’est bien ce genre de chose

    Fabien de Toulouse: alors, chacun se fait son film ; oui, je suis un frustrateur

    Marc: Mais tu dois bien avoir une vision de la scène

    Fabien de Toulouse: marc, j’ai plus qu’une vision de la scène, j’ai des notes, lol

    lou134: Moi je pense que c’est Thibault qui s’est « offert » à Jerem , on peut pas changer Jerem d’un coup non plus et le faire devenir passif en une nuit lol

    Marc: Mais sont-ils allé jusque là ce soir là ?

    lou134: Je pense qu’ils ont franchi des barrières quand même 

    Marc: Au point de « s’offrir » comme dit lou ?

    Fabien de Toulouse: on saura peut etre ce qui s’est passé, mais indirectement

    lou134: Je ne me souviens plus, est ce que les deux garçons étaient alcoolisés quand cela s’est produit ?

    Marc: Jerem seulement je crois

    Fabien de Toulouse: oui, jerem seulement

    lou134: d’accord

    Marc: Comme toujours

    lou134: c’est pas faux

    Virginie-aux-accents: et fumé…

    Fabien de Toulouse: Thibault était touche, attendri, emu, attiré

    Perock: en meme temps c’est souvent l’alcool ou la drogue pour jerem, dommage qu’il n’ose pas au naturel

    Fabien de Toulouse: ah oui, dites moi… comment vous voyez le role de l’alcool et du joint dans les agissements de jerem? Vous considerez que c’est dommage qu’il ait besoin de ça?

    lou134: je pense qu’il en a besoin pour se désinhiber pour l’instant

    Virginie-aux-accents: Je crois que ça lui sert aussi d’excuse

    Marc: Je pense que c’est l’alcool qui lui fait faire le plus de bêtises

    Marc: Il a bien fini à l’hôpital pour ca

    Fabien de Toulouse: c’est vrai marc, c’est vrai

    Marc: Ça le rend plus violent qu’il ne l’est déjà

    lou134: La saison 2 aura lieu a Toulouse ?

    Fabien de Toulouse: la saison 2 ne démarrera pas à Toulouse

    Virginie-aux-accents: à Bordeaux?

    Marc: Bordeaux avec Nico ?

    Marc: Paris ?

    Perock: ou as Paris pres de jerem ?

    lou134: va falloir qu’ils se trouvent un nouveau QG maintenant que Jerem n’a plus d’appart

    lou134: parce que oui, j’y crois ils vont se retrouver :p)

    Perock: la chambre de nico c’etait parfait, beaucoup plus intime dommage que jerem ait encore tout gaché

    Fabien de Toulouse: la s2 se passera entre les Pyrénées, Bordeaux, Toulouse et Paris si Jérém pourra toujours jouer après son accident

    lou134: Les Pyrénées?

    Fabien de Toulouse: oui, les Pyrénées, c’est là que va démarrer la saison 2

    lou134: d’accord

    Virginie-aux-accents: Un peu de ski?

    lou134: en septembre ???

    Marc: Pourquoi pas un épisode spécial à Narbonne ?

    Perock: aurais tu un petit spoil en avant premiere pour nous qui sommes la ce soir ? 

    Marc: D’ailleurs on ne sait pas à quel point Jerem a été amoché

    Fabien de Toulouse: pourquoi Narbonne, Marc, parce que tu y vis?

    Marc: Je l’admet

    Marc: En plus c’est pas bien loin de Gruissan

    Perock: oui, moi je suis belge c’est pire

    Fabien de Toulouse: Le problème c’est que je n’ai été qu’une fois à Narbonne et je ne connais pas bien la ville; de plus, la structure narrative de la S2 est deja bien avancée

    Virginie-aux-accents: Au fait, je suis prête à signer une pétition avec Perock pour avoir un spoiler

    lou134: (+1 pour le spoiler)

    Perock approuve Virginie

    Fabien de Toulouse: euh, un spoiler?

    Marc: Je ne vais pas te forcer la main ^^

    Fabien de Toulouse: je n’y avais pas pensé

    Fabien de Toulouse: je reflechis

    Marc: Je vote pour le spoiler9

    Perock a posé une question: Un spoilers ?

    Fabien de Toulouse c’est une pétition?

    lou134: ouiiiii

    Perock: oui

    Fabien de Toulouse: depuis quand tu lis jerem & Nico, Julien ?

    Julien: Oula, ça commence à faire quelques mois maintenant, j’ai pris l’histoire en cours mais je compte profiter de la pause estivale pour remédier à ça !

    Fabien de Toulouse: tu es dans quelle tranche d’age, Julien

    Julien: 25 pour la tranche d’âge

    Perock a affiché les réponses après 6 réponses: 

    Un spoilers ?

    oui5 Julien, Perock, Marc, 
    c’est une pétition?1 Fabien de Toulouse
    non0  

    Fabien de Toulouse: perock, tu m’emm! lol

    Perock: moi aussi je t’aime :p

    Fabien de Toulouse: alors, dans la S2, Nico aura de quoi s’inquieter serieusement pour Jérém et Thibault; ce sera à la suite d’un evenement majeur, un evenement reel qui s’est passé en 2001

    Perock: le 11 septembre ? Tu ne vas quand meme pas les envoye au etats unis ?

    Virginie-aux-accents: le 21 septembre 2001?

    lou134: inquiéter au niveau relationnel ? par peur de perdre Jerem? 

    Fabien de Toulouse: virginie a tout bon

    Virginie-aux-accents: AZF… 

    Julien: L’usine qui avait explosé

    Marc: Tu me fais peur…

    lou134: j’avais 7 ans moi

    Fabien de Toulouse: Julien, tu es dans quelle region?

    Fabien de Toulouse: Julien, toujours, quel épisode t’a touché le plus ?

    Virginie-aux-accents: Lance-toi, Julien, on y est tous passés…

    Fabien de Toulouse: Juliiiiiiiiiiiiiiiiieeeeeeeeeeeen ! lol

    Perock: est il toujours la ?

    Fabien de Toulouse: n’aies pas peur

    Julien: Toujours là mais je regardais plus en détail ce qu’il s’était passé au moment de l’explosion

    Julien: Franc comtois d’origine, Ex alsacien et héraultais depuis un an ! Et pour l’épisode, j’ai eu beaucoup de mal à lire celui de la bagarre entre Jerem et Nico, particulièrement la fin vu que je me suis retrouvé dans la même situation

    Virginie-aux-accents: dur…

    lou134: elle est trop triste cette scène

    Julien: Mais bravo en tout cas

    Fabien de Toulouse: mais realiste j’espère 

    lou134: oui

    Perock: et malheureusement c’est le genre de chose qui arrive a beaucoup…

    Julien: Très triste mais vraiment bien écrite j’ai trouvé

    Virginie-aux-accents: Scène triste, mais qui révèle toute la tension qui s’est accumulée

    lou134: ainsi que la période suite à ça ou Nico est complètement déboussolé, perdu … et reçoit l’aide et l’amour de sa maman

    Fabien de Toulouse: oui, il fallait que Nico evacue toute la tension, l’amertume, la frustration

    Virginie-aux-accents: La mère de Nico a vraiment été formidable

    Perock: oui elle as ete si comprehensive et patiente

    Fabien de Toulouse: oui, la mere a été geniale

    lou134: Dans la saison 2, Nico parlera il a son père ?

    Julien: J’allais demander la même chose pour le père

    Fabien de Toulouse: pour le père, je ne me suis pas vraiment posé la question, dans la mésure ou nico va vivre à Bordeaux

    Perock: mais justement, n’aurait il pas plus simple a lui en parler en sachant qu’il va s’en eloigner ?

    Fabien de Toulouse: je pense que Nico va lui en parler si un jour il est heureux avec un gars

    Marc: Si seulement ce gars pouvait être Jerem

    Fabien de Toulouse: bipuce, question que j’ai posé à tout le monde : quel serait ton épisode preferé parmi ceux que tu as lus?

    bipuce: pas simple j’ai adoré et devore toute les scenes

    bipuce: mais ptet celle juste avant que ca se passe mal entre jerem et nico 

    bipuce: quand jerem fait l’amour a nico et ne le baise pas comme souvent

    lou134: Les épisodes ou Jerem venait tous les aprèms chez Nico et était affectueux étaient vraiment un régal à lire !!

    Virginie-aux-accents: Bipuce, je suis OK. Les épisodes sont super à ce moment-là, chez Nico

    bipuce: quand il a assouvi les fantasmes de nico

    Fabien de Toulouse: oui, la semaine des kifs de chacun, ou Jérém était détendu et souriant

    bipuce: la scene dans le noir

    Fabien de Toulouse: quand je pense que cette semaine devait à l’origine faire un seul épisode

    Fabien de Toulouse: une fois de plus, l’écriture m’a happé

    Fabien de Toulouse: lol

    lou134: Quand Jerem se laisse faire et qu’il rigole face à Nico, il est tellement mignon et adorable ! C’est un autre personnage

    bipuce: lol

    Virginie-aux-accents: Merci d’avoir détaillé!

    Perock: et sa valait le coup de se laisser happer

    Fabien de Toulouse: avec plaisir virginie

    Fabien de Toulouse: c’était un bonheur d’écrire ce bonheur entre les deux loulous

    lou134: un bonheur de le lire aussi

    Virginie-aux-accents: c’était tendre et torride… parfait!

    Fabien de Toulouse: est ce que vous avez trouvé des passages trop sombres dans cette saison?

    Perock: trop non, juste ce qu’il fallait pour bien ressentir

    Marc: Peut-être la partie où nico va seul au on off

    Marc: Enfin qu’il passe devant

    Virginie-aux-accents: On sent Nico parfois opprimé (voire déprimé), mais c’est logique avec l’histoire

    Fabien de Toulouse: ah, je m’y attendais un peu à cette remarque, car on me l’a deja faite

    Marc: Avec Mourad c’est ça?

    Fabien de Toulouse: oui, Mourad

    Virginie-aux-accents: Avec Mourad, c’est un peu glauque, c’est vrai 

    Fabien de Toulouse: oui, c’est glauque, mais des Mourad, il y en a plein

    Fabien de Toulouse: Est-ce que je suis trop méchant avec mes personnages?

    Perock: oui, ce pauvre thibaut

    Marc: Il faudrait lui trouver quelqu’un à ce pauvre Thibault

    Marc: De quoi lui changer les idées

    Fabien de Toulouse: alors, pour Thibault, il va trouver son équilibre dans la saison 2; c’est un garçon plein de ressources

    Julien: Trop méchant on dira ça quand on saura l’état de Jerem à la reprise

    Perock: non thibaut et nico sont trop similaire sur certains point pour etre plus que des amis

    lou134: Sans Jerem y’a pas d’histoire donc j’espère qu’il va survivre

    lou134: Peut être que Nico sera heureux avec un nouveau garçon a Bordeaux avant de retrouver Jerem

    Perock: et sinon pour thibaut, je pense qu’une petite rencontre avec Stephane lui ferait également du bien

    Fabien de Toulouse: je note l’idée Perock, lol

    lou134: mdr Stéphane c’est un médicament il répare tout les coeurs brisés

    Virginie-aux-accents: Stéphane et Thibault = génial!!

    Marc: Mais il est bien trop loin

    Virginie-aux-accents: Il faut choisir les Alpes suisses plutôt que les Pyrénées

    Perock: profiter des vacances pour skier

    Fabien de Toulouse: Stéphane risque de jouer un role dans la saison 2 également 

    Fabien de Toulouse: mais peut etre pas au debut

    Virginie-aux-accents: ce n’est pas un risque, c’est une bonne nouvelle

    Fabien de Toulouse: A part Virginie, dont je connais l’opinion, est ce que vous avez aimé les trois épisodes dans la tete de Jérém à la façon de Viceversa, avec les petites voix correspondantes aux differentes émotions?

    Fabien de Toulouse: si virginie, tu peux t’exprimer aussi si tu veux lol

    lou134: je crois me souvenir que ca faisait bcp de petits personnages qui parlaient et c’était un peu compliqué de suivre9:33

    Perock: bien sur la façon dont c’etait raconté etait tres sympa et on en apprennait tellement d’un coup

    Perock: mais comme je disait plutot sa en as un peu trop devoilé selon moi, j’aime l’énigme que jerem représente 

    Fabien de Toulouse: donc tu n’es pas pour les épisodes dans la tete de jerem

    Perock: pas pour un episode entier

    Fabien de Toulouse: ça tombe bien, j’ai prévu de ne plus en faire pour l’instant

    Fabien de Toulouse: bonsoir phil

    Fabien de Toulouse: depuis combien de temps tu lis Jérém&Nico?

    Phil292: Salut Je sais plus depuis le début sur hds

    Fabien de Toulouse: titou, phil, je peux vous demander s’il y a un épisode que vous avez aimé en particulier ou un que vous avez aimé moins que les autres?

    Phil292: J adore les interventions de notre mécano pompier

    Fabien de Toulouse: ah, le thibault national

    Fabien de Toulouse: phil, Jérémie, comment avez vous trouvé les derniers épisodes?

    titou: je sais sa fait longtemps que je te lis

    Fabien de Toulouse: on se rechoppe sur fbook ou par mail et encore merci pour ton tip pour le bouquin

    titou: ok bonne soirée a toi fabien. je t’enverai un mail pour te donnez mon adresser pour que quand tu m’enverras le livre

    titou: et j’espere que tu en refera des conversation comme ça

    Phil292: Fabien merci beaucoup de sensations à lire ce récit alimentant souvenir et phantasmes

    titou: la reprise ce fera quand au mois de septembre ?

    Fabien de Toulouse: je sais pas encore, mais je pense vers le 5

    titou: cool toujours avec jerem et nico ou d’autre personnage

    Fabien de Toulouse: je ne vais pas tout te dire, lol

    Fabien de Toulouse: il y aura certainement de nouveaux personnages

    Virginie-aux-accents: Bon les jeunes, l’ancêtre que je suis va vous quitter car j’ai école demain. Bonne fin de discussion et à bientôt à tous. Si vous êtes comme moi, vous allez profiter de l’été pour relire les épisodes de la saison 1 en attendant la saison 2. Bonne nuit.

    Fabien de Toulouse: bonne nuit virginie et merci d’avoir participé 

    Perock: bonne nuit chere doyenne 

    lou134: bonne nuit

    Fabien de Toulouse: si vous n’êtes pas contre, je voudrais publier cette discussion sur mon site demain

    Perock: pas de soucis pour moi

    lou134: pareil

    Julien: Pareil no pb

    Fabien de Toulouse: est ce que vous avez d’autres remarques ou des questions?

    Fabien de Toulouse: je ne prendrai pas de joker promis lol

    Julien: Là de suite non, juste encore bravo pour ce que tu fais ☺

    Fabien de Toulouse: merci à vous tous d’avoir participé à cette belle soirée sympatique

    Perock: ce fut avec plaisir comme toujours

    Fabien de Toulouse: si vous voulez garder contact, vous pouvez m’écrire par mail 

    Fabien de Toulouse: le plaisir est pour moi

    Perock: et juste pas trop longtemps sans nouvelles

    Fabien de Toulouse PROMIS ! et encore merci à vous tous ! Passez un bon été.

  • JN01132 Dans la tête et dans le coeur de Thibault

    JN01132 Dans la tête et dans le coeur de Thibault

    Dimanche 26 août 2001, 4h08.

    La nuit va bientôt se terminer et le vent d’Autan n’a rien perdu de sa vigueur : il souffle auprès de Nico, sur le balcon de l’appart de Martin, il caresse sa peau, s’engouffre dans ses cheveux, essuie ses larmes, encourage ses bonnes résolutions d’aller une dernière fois vers son Jérém, dès le lendemain.
    C’est le même vent d’Autan qui souffle sur une terrasse à l’autre bout de la ville, et qui caresse le torse dénudé de Thibault.
    Il est tard, mais le jeune mécano n’arrive pas à dormir : quelque chose le tracasse. Ça fait un certain temps qu’il a du mal à dormir : mais cette nuit, le sommeil ne veut vraiment pas venir.
    Ça fait plus d’une semaine que Thibault n’a pas vraiment de nouvelles de son pote Jéjé : et ça l’inquiète de plus en plus.
    Après la façon dont ils se sont « quittés » la dernière fois qu’ils se sont vus, il n’y a pas eu une heure, pas une minute où il n’ait pas pensé à son pote, loin de lui ; pas une minute où il n’ait pas ressenti en lui la déception de son pote face à son « exclusion » des poteaux du rugby toulousain ; pas une minute où il n’ait pas imaginé son Jéjé, malheureux, après cette bêtise de quitter Nico et de se priver ainsi de sa présence bénéfique ; pas un instant où il n’ait pas ressenti l’inquiétude que son Jéjé, désormais seul et désorienté, puisse se mettre en danger.
    Depuis plus d’une semaine, Thibault n’a pas vécu un instant sans que tout cela ne lui noue la gorge, ne lui vrille les tripes.
    Alors, non, cette nuit le jeune pompier n’arrive pas à trouver le sommeil : il cogite, il ressasse sans cesse ses inquiétudes, il se laisse envahir par la nostalgie de cette époque où son Jéjé et lui étaient comme des frères, où leur complicité était parfaite, sans zones d’ombre ; et il ressent une immense tristesse en pensant que cette époque est désormais bel et bien révolue.
    Seul sur sa terrasse, Thibault remonte le temps, de souvenir en souvenir, à la recherche d’un bonheur perdu : un voyage dans le passé qui l’amène jusqu’aux racines de cette amitié née dix ans plus tôt.
    Le premier souvenir de son Jéjé qui se présente à lui, c’est l’image d’un garçonnet effacé, complexé et malmené, qui souffrait en silence, à la récré, dans la cour du collège.
    Touché par ce petit bonhomme, Thibault lui avait offert son amitié ; et, presque dans la foulée, le rugby. Leur amitié était née.
    Thibault repense aux innombrables moments, aux souvenirs, aux rires partagés en dix ans d’amitié ; mais aussi aux embrouilles, aux prises de tête, à chaque fois réglées autour d’une bière, ou sur le terrain de rugby.
    Il repense au bonheur immense qu’il avait ressenti lors d’une soirée de confidences d’adolescents, une nuit où son Jéjé lui avait dit : « Tu es important pour moi… » ; des mots qui l’avaient touché comme aucun autre et auxquels il s’était empressé de répondre ce qu’il ressentait si fort au fond de lui : « Toi aussi tu es important pour moi… ».
    Il repense à la joie sans limites du jour où ils avaient gagné leur premier tournoi de rugby ; au bonheur de l’avoir gagné ensemble.
    Jour après jour, le garçonnet effacé s’était transformé en un très très beau garçon remarqué, admiré, convoité : en un souffle, presque du jour au lendemain.
    Thibault retrouve le souvenir, troublant, bouleversant, d’un vestiaire d’après match, vers l’âge de 12-13 ans : ce jour-là, en regardant son pote se doucher, il s’était attardé à le regarder. Et il l’avait trouvé beau.
    Match après match, vestiaire après vestiaire, douche après douche, Thibault n’avait jamais pu arrêter de regarder son pote ; il arrivait presque toujours à s’arranger pour se doucher en même temps que lui. Parfois, il lui était arrivé de croiser son regard, souvent accompagné d’un petit sourire, un sourire qu’il n’avait jamais su interpréter. Complice ? Amusé ? Flatté ?
    Au fil du temps, il avait même appris à garder un sujet de conversation à lancer sous la douche, astuce qui lui permettait de regarder son pote, de détailler son anatomie, toute son anatomie, sans que cela paraisse inapproprié.
    De plus en plus, Thibault avait « besoin » de regarder son pote : car, le regarder, le faisait sentir bien.
    Un jour, il avait fait exprès de chercher son pote, de le narguer, de provoquer une réaction physique de sa part ; un autre jour, il l’avait éclaboussé pendant qu’il prenait sa douche (ce jour-là, attirés par leur petite chamaillerie sous l’eau, d’autres gars étaient venus jouer avec eux sous les douches, tels des labradors voyant d’autres labradors nager dans une rivière ; au bout de quelques minutes, le sol du vestiaire était recouvert d’une épaisse couche d’eau et de mousse, bêtise qui leur avait valu un bon savon, sans jeux de mots, de la part de l’entraîneur).
    A chaque fois, Thibault avait été heureux que son pote fasse semblant de le bousculer, qu’il essaie de le maitriser, qu’il l’attrape par les bras, les épaules, par le cou, tout en rigolant : et à chaque fois, il avait été heureux de sentir le contact avec ce corps, avec cette peau mate et douce qui lui faisait de plus en plus envie.
    Et puis, il y avait eu cette nuit, sous une tente, en camping, l’été de leurs 13 ans : ce moment sensuel et Puis, très vite, son Jéjé avait été accaparé par les nanas. Et ils n’avaient jamais reparlé de cette nuit, comme si elle n’avait jamais existé.
    Ce qui n’avait pas empêché les échanges de regards avec son pote (dans les vestiaires, sous les douches) de continuer comme avant ; ce qui n’avait pas empêché les désirs du jeune pompier de continuer à le hanter.
    Parfois, lors des déplacements pour les matchs de rugby, Thibault s’était parfois retrouvé à dormir dans la même chambre, et parfois dans le même lit que son Jéjé.
    Délice et torture, de redécouvrir et devoir maîtriser à chaque fois la brûlante envie de retrouver cette complicité des esprits, des corps et des plaisirs qu’il avait ressenti cette fameuse nuit sous la tente.
    A chaque fois, l’envie était un peu plus violente, et la frustration un peu plus insupportable. Pourtant, le respect de leur amitié avait toujours freiné tout dérapage.
    Thibault considérait Jéjé comme son petit frère, il avait pour lui une affection infinie : leur complicité de potes et de coéquipiers était si importante à ses yeux que jamais il n’aurait pris le risque de laisser ses sentiments et ses désirs gâcher cette si belle amitié.
    Thibault avait fini par se dire que ce qui s’était passé sous la tente n’était qu’une bêtise d’ados, une bêtise qu’il fallait oublier, tout comme semblait l’avoir fait son pote.
    Pourtant, Thibault s’était parfois demandé si son Jéjé repensait parfois à cette nuit, et s’il lui arrivait d’avoir lui aussi envie de retrouver le bonheur de ce moment magique.
    Parfois, lors de ces fins de soirée très tardives, Jéjé avait parfois eu de gestes un peu ambigus à son égard, des gestes qu’ils lui avaient valu pas mal de frissons et pas mal de questions.
    C’était lors de ces moments où l’alcool, la fatigue et le joint rendent possibles certaines attitudes inconcevables « à jeun » ; des attitudes dans lesquelles on ne saura vraiment jamais quel rôle ont joué l’alcool ou le joint.
    Thibault repensait par exemple à ce geste qu’avait parfois son pote, après une discussion houleuse, celui de passer sa main sur ses cheveux, de le caresser, tout en rigolant : peut-être une façon de s’excuser pour la virulence de ses propos, peut-être une façon d’admettre qu’il avait tort
    Thibault repensait à cette autre habitude de son Jéjé, avant un match important, ou après une victoire, celle de le serrer contre lui et de glisser ses mains entre son t-shirt et son dos ; il repensait à sa façon de passer un bras autour de son cou, ou d’appuyer sa tête à son épaule lorsqu’ils n’étaient que tous les deux sur le canapé, devant un match de rugby.
    Des gestes, amicaux, certes, mais pleins de douceur, presque de tendresse, des gestes qui lui procuraient à la fois de doux frissons et une violente frustration.
    Fidèle à sa résolution de faire passer leur amitié avant tout le reste, , Thibault avait à chaque fois accepté ces gestes de son Jéjé, sans chercher à creuser plus loin, sans tenter d’aller plus loin.
    Pourtant, c’était de plus en plus difficile pour lui de faire semblant.
    « Est-ce que j’aime les mecs ? » s’était parfois demandé Thibault.
    Depuis son adolescence, Thibault avait toujours aimé fréquenter les nanas. Son genre à lui c’était les filles naturelles et douces, avec de la conversation ; et surtout pas les trop précieuses, les bimbos, les affriolantes, celles dont le maquillage pèse plus lourd que leur cerveau ; les « cagoles » comme les appelait son pote marseillais Thierry.
    Thibault n’avait pas eu beaucoup de nanas dans sa vie : deux histoires qui avaient duré quelques mois, plus quelques aventures d’un soir, mais pas très nombreuses. Il aurait pu en avoir plus, mais ça ne l’avait jamais vraiment intéressé de remplir un tableau de chasse.
    Malgré quelques déceptions, Thibault s’était toujours imaginé fonder une famille avec une femme et des enfants.
    Mais à côté de ça, il avait toujours aimé regarder un beau garçon : au rugby, sous les douches, dans les vestiaires, au KL, au garage, dans la rue, dans le bus.
    Pourtant, même si la présence d’un beau mec attirait son regard et lui apportait une sorte de sensation de bienêtre, jamais il ne s’était imaginé aller plus loin avec aucun gars.
    Thibault ne savait pas vraiment comment l’expliquer : avec son Jéjé, c’était différent, point. Il n’avait jamais ressenti ce truc pour un autre gars : cette envie de le faire rire, l’envie de l’aider quand il avait besoin de lui, l’envie de le rassurer, de le serrer dans ses bras quand il n’était pas bien ; l’envie de le protéger, de le caresser pour qu’il soit bien : cette empathie totale qui faisait que quand son pote Jéjé était bien, Thibault était bien lui aussi.
    Non, aucun gars ne lui avait jamais fait l’effet qui lui faisait son Jéjé ; pour aucun autre gars il avait ressenti ce « truc » qui lui vrillait les tripes lorsqu’il regardait son pote sous la douche.
    Car c’était bien là le « problème », cette foutue envie qui allait au-delà du simple lui « faire » plaisir : c’était l’envie, inavouable, de lui « offrir » du plaisir.
    Une envie que Thibault avait tout fait pour essayer de maîtriser, d’étouffer, d’oublier.
    Une envie qui lui était pourtant revenue à la figure comme un boomerang une nuit d’été, un an plus tôt, dans un camping à Gruissan, une nuit où son pote s’était éclipsé en prétextant une coucherie avec une nana ; cette même nuit où il avait vu son Jéjé sortir d’un mobil home, suivi d’un garçon inconnu, un garçon qui lui avait rapporté sa montre, et qui avait posé un bisou dans son cou.
    Cette nuit-là, le cœur de Thibault en avait pris un gros coup.
    Ça avait été très dur pour lui de réaliser que son pote avait les mêmes envies que lui, des envies qu’il n’avait pas su voir, malgré tout le temps passé ensemble ; ou bien « à cause » de tout le temps passé ensemble, « à cause » de leur amitié, cette amitié qui avait empêché leurs désirs similaires de se reconnaître et de se rencontrer.
    L’amitié, mais quelle amitié ?
    Parfois, Thibault se disait qu’il n’était pas vraiment honnête avec son pote, qu’il n’était pas l’ami qu’il prétendait être. Depuis longtemps, il lui cachait son attirance et ses sentiments ; et, désormais, il lui cachait également qu’il savait des choses sur lui qu’il était censé ignorer.
    S’il avait facilement oublié l’épisode du mobil home en voyant son pote revenir aux filles dès le retour sur Toulouse, un autre épisode était venu troubler le jeune mécano au cours de l’hiver qui avait suivi ; c’était l’« épisode Guillaume ».
    Pendant une période, le cousin de son Jéjé était sorti le week-end avec eux. Thibault avait ainsi eu l’occasion de remarquer comment ce Guillaume dévorait son cousin des yeux, le regard plein de désir.
    Et au fond de lui, il avait toujours pensé qu’il se passait des choses entre son pote et ce Guillaume, lorsque ce dernier restait dormir à l’appart rue de la Colombette.
    C’était pendant l’« épisode Guillaume », à l’automne 2000, que Thibault avait commencé à ressentir un sentiment inattendu poindre dans son esprit : ce sentiment, c’était la jalousie.
    Un sentiment qui s’était d’abord emparé de lui de façon sournoise, avant de lui éclater à la figure d’une façon extrêmement violente en une autre occasion, à la fin de cette même année.
    C’était arrivé un week-end de décembre, lors du dernier match avant la pause du tournoi pour les fêtes de fin d’année, un match qu’ils avaient remporté de justesse face à une Section Paloise plutôt aguerrie.
    Parmi les joueurs de l’équipe paloise, il y avait ce Patxi, le demi de mêlée originaire de Saint-Jean de Luz. Un demi de mêlée, tout comme lui, Thibault.
    Patxi n’était pas très grand, mais bien musclé ; il était brun, les cheveux assez courts et frisés, plutôt typé basque, avec des petits yeux très noirs, très vifs, un regard très brun, profond, pénétrant ; il portait un petit piercing à l’arcade sourcilière qui ajoutait un petit côté « soigné » à sa sexytude naturelle. Avec son sourire magnifique, tour à tour doux, fripon, charmant et charmeur ; avec son rire sonore, franc, spontanée, généreux, contagieux, avec un je-ne-sais-quoi d’enfantin ci et là, Patxi était le genre de garçon qui dégage une joie de vivre exubérante.
    Comme certains de ses co-équipiers, et malgré la défaite, le p’tit brun basco-béarnais était resté sur Toulouse pour faire la fête.
    Au cours de la soirée, Patxi avait très vite et très bien sympathisé avec lui, Thibault, et avec son Jéjé ; et ils avaient fini par se retrouver tous les trois, tard dans la nuit, à boire une dernière bière dans l’appart de la rue de la Colombette.
    C’est à ce moment là que Thibault avait ressenti ce sentiment étrange monter en lui, lui serrer la gorge et lui vriller les tripes. C’était lorsqu’il avait été frappé par la nette impression que ce Patxi s’employait à flatter l’égo de son Jéjé, qu’il tentait de l’impressionner, presque de le « draguer » ; et que son pote, porté par la progression de son degré d’ivresse, semblait de plus en plus admiratif de la personnalité de ce petit basque.
    Plus les minutes passaient, plus il avait l’impression que son pote Jéjé était conquis par les mots et par la présence de ce tchatcheur intarissable (mais, il fallait bien l’admettre, intéressant, sympathique, fûté et plutôt drôle) ; plus ça allait, plus il sentait que son pote buvait les mots de ce Patxi, qu’il posait sur lui ce regard attentif et admiratif qu’il ne lâchait pas si facilement ; ce regard dont lui, Thibault, avait été assez souvent l’objet par le passé.
    Comment ça lui manquait, ce regard, depuis quelques temps !
    Cette nuit-là, Thibault avait presque l’impression qu’en quelques heures, entre son pote et ce gars s’était créé une complicité aussi forte, voire plus forte encore, que celle qu’ils avaient tous les deux depuis tant d’années.
    « Là, j’ai du respect, mec ! » avait lâché Jéjé, lorsque le petit basco-béarnais avait sorti un joint de sa poche. Sa voix était chargée de cette allégresse fille d’ivresse, son regard dégageait ce sourire un peu « hébété » qu’il avait toujours trouvé adorables et touchants chez son pote lorsqu’il était saoul ou stone.
    Après avoir partagé le joint à tous les trois, Jéjé avait proposé à Patxi de rester dormir chez lui.
    « Si ça te fait pas peur de dormir avec un gars… » lui avait lancé ce dernier, taquin.
    « Si tu me touches, je te défonce… » lui avait retorqué Jéjé, en rigolant.
    « On se voit demain » avait alors pris congé Thibault, la mort dans l’âme en regardant son Jéjé et Patxi en train de se dessaper.
    Thibault était rentré chez lui le cœur lourd, très lourd : la jalousie le dévorait de l’intérieur comme un incendie de forêt en plein mois d’août.
    Il n’avait jamais su s’il s’était passé quelque chose entre son pote et le demi de mêlée palois. Pourtant, plus encore que l’« épisode Gruissan », plus encore que l’« épisode Guillaume », l’« épisode Patxi » avait fait prendre conscience à Thibault de l’existence et de l’importance de sa jalousie : car, contrairement à l’inconnu de Gruissan ou à Guillaume, Patxi était un gars « comme eux », un rugbyman, un mec qu’il n’aurait jamais pu imaginer être « de ceux qui s’intéressent à d’autres gars » ; pourtant, Patxi, « un gars comme eux », semblait vraiment s’intéresser à son pote.
    Pourtant, la plus grosse claque restait à venir. Elle avait percuté le jeune mécano de plein fouet quelques mois plus tard, assenée à son insu par un gars sorti de nulle part, un redoutable « outsider », le charmant et adorable Nico.
    Oui, ça avait été très dur pour Thibault de voir ce petit mec débarquer dans la vie de son Jéjé ; car, en plus d’être attiré par son pote, il était vraiment amoureux ; un petit gars qui, malgré ce que son pote voulait croire lui-même et faire croire, avait réussi l’exploit d’arriver à représenter quelque chose d’important à ses yeux.
    Thibault repense à ce jour où son pote Jéjé l’avait carrément foutu à la porte à l’heure de l’apéro parce qu’il devait « réviser » avec son camarade Nico : un comportement qui ne lui ressemblait tellement pas, et qui avait éveillé sa curiosité. En partant, il avait croisé Nico sur le palier. Et là, c’était flagrant : ce petit gars semblait si heureux de retrouver son camarade ! C’était beau à voir…
    Très vite, l’arrivée de ce petit Nico avait remué bien des choses : assez vite, son pote avait mis un coup de frein aux aventures avec les nanas ; puis, presque du jour au lendemain, Thibault avait été confronté à un Jéjé moins disponible, et surtout un Jéjé qui avait cessé de se confier à lui sur tout un pan de sa vie.
    Mais autre chose perturbait également le jeune pompier depuis l’arrivée de Nico dans la vie de son pote : si par le passé Thibault avait ressenti un pincement au cœur en imaginant son Jéjé en train de prendre son pied loin de lui, cela était resté supportable tant qu’il avait été persuadé que son pote ne faisait que coucher.
    Mais depuis l’arrivée de Nico, Thibault s’était retrouvé confronté à une situation d’un tout autre genre : son pote désormais « engagé » dans une sorte de relation suivie, même si conflictuelle, une relation qu’il n’avait jamais eue avec une nana ; avec la possibilité que son Jéjé pourrait tôt ou tard ressentir des sentiments à son tour.
    Sa frustration était devenue insupportable lorsqu’il avait réalisé que, malgré son penchant pour les garçons, son Jéjé ne s’intéresserait jamais pour autant à lui autrement que comme à son pote.
    Ainsi, cette nouvelle relation lui avait claqué brutalement et définitivement à la figure l’impossibilité d’envisager quoique ce soit avec son Jéjé, la douloureuse conscience de se heurter à tout jamais à la « barrière » de leur amitié.
    Thibault avait cru pouvoir faire un transfert de ce qu’il ressentait pour son pote en encourageant Nico à se confier à lui, en encourageant sincèrement cette relation, en le sachant heureux avec un autre, avec ce petit Nico qui lui inspirait confiance, car il trouvait sincère et touchant : il l’avait cru, il avait essayé de toutes ses forces ; mais il n’avait pas réussi, bien au contraire.
    Ainsi, les sentiments que Nico lui avait avoué ressentir pour son pote, avaient fait écho à ses propres sentiments, les rendant encore plus vifs et brûlants : en devenant le confident de Nico, Thibault s’était retrouvé témoin privilégié d’un bonheur qui lui était interdit.
    Aussi, en plus de devoir cacher à son Jéjé les sentiments qu’il avait pour lui, il s’était également retrouvé à devoir cacher ces sentiments à Nico, à proposer son amitié, pourtant sincère, au gars qui avait pris une place dans le cœur de son pote, cette place qu’il avait toujours rêvé d’avoir, lui.
    Une situation intenable pour le jeune mécano, une situation qui le faisait sentir de plus en plus dans cette position du « cul entre deux chaises » qui n’avait jamais été son genre, lui d’habitude si franc, si soucieux d’être droit et juste.
    Amour, désir, frustration, jalousie : voilà les ingrédients du cocktail explosif qui s’agitait dans la tête et dans le cœur de Thibault. Un cocktail qui était devenu de plus en plus instable au cours des dernières semaines, lorsque la sensualité s’était peu à peu invitée entre son pote et lui.
    Un soir, en boîte, son Jéjé lui avait proposé ce plan avec les deux nanas : sur le coup il avait été surpris et troublé par l’idée (à cause de la promiscuité que cela allait amener avec son pote et aux désirs qu’elle allait enflammer ; mais aussi à cause du questionnement qui lui trottait dans la tête, de savoir comment Nico, également présent ce soir-là dans la boîte, allait réagir en les voyant partir tous les quatre) ; le jeune mécano avait pourtant fini par accepter.
    Il l’avait fait pour faire plaisir à son pote ; mais aussi, et surtout, pour partager ce moment avec lui. Thibault s’était dit que, de toute façon, avec lui ou sans lui, son pote finirait sa soirée au pieu avec une nana ou deux ; et puis, si vraiment son pote allait partir à la rentrée, il n’aurait jamais d’autres occasions pour vivre ce genre d’expérience avec son pote.
    Sur la route vers l’appart rue de la Colombette, Thibault s’était dit ce soir-là, que son pote était vraiment génial d’avoir eu cette idée ; tous en se demandant si, en imaginant ce plan, il avait une idée derrière la tête, une idée qui ressemblerait à la sienne, celle de « partager » leur plaisir, l’envie de proximité, de promiscuité : avec la présence des deux nanas comme caution.
    Thibault avait adoré partager ce moment avec son pote ; les regards, les odeurs, les contacts d’épaule, les gestes et l’intense beauté de son corps vibrant au rythme de l’ivresse des sens, tendu vers la jouissance.
    Mais ce qu’il avait adoré par-dessus tout, c’étaient ces regards de plus en plus désinhibés entre son pote et lui échangés « dans le dos des nanas » ; c’était ce bras que son pote avait posé sur son épaule ; c’était cette main, cette caresse qu’il avait posées sur son cou, ce geste à la fois touchant et excitant et que le jeune mécano avait rendu à l’identique, geste qui avait précipité et synchronisé leurs orgasmes respectifs.
    Un moment sensuel qui non seulement lui avait laissé un petit goût de reviens-y, mais qui l’avait également laissé un peu sur sa faim : car, si Thibault avait bien trouvé dans ce plan une réponse à ses questions, c’était qu’il avait bien envie d’aller plus loin dans le partage du plaisir avec son pote.
    Alors, quand son Jéjé, quelques temps plus tard, lui avait proposé de passer nuit avec Nico et lui, la perspective de retrouver cette complicité sensuelle avec son pote l’avait poussé à accepter sans trop penser aux conséquences.
    Thibault s’était dit qu’entre mecs, il pourrait peut-être oser des choses avec son pote qu’il n’avait pas osé en présence des filles ; et qu’il en serait peut-être de même pour son Jéjé.
    Mais aussi, il était curieux de découvrir le plaisir entre garçons ; curieux de savoir ce que son pote aimait, et pourquoi il n’arrivait pas à l’assumer.
    Mais cette nuit-là, tout comme ça avait été le cas pour son pote, elle lui avait échappé des mains.
    Cette nuit-là Thibault avait retrouvé le bonheur de regarder son pote prendre son pied, d’approcher son intimité, sa virilité ; et il avait ressenti une promiscuité encore plus forte, encore plus intense.
    Cette nuit-là, Thibault avait aussi découvert un plaisir inattendu et délirant avec Nico, le même qu’il offrait à son pote ; cette nuit-là, Thibault avait découvert que le sexe entre garçons était génial. Tout ce qui s’était passé avec Nico, tout ce que lui avait fait découvrir Nico avait été génial : le plaisir, la douceur, la tendresse.
    Dans le feu de l’action, il aurait voulu aller encore plus loin, tout autant avec son Jéjé, qu’avec Nico ; cette nuit-là, Thibault avait eu envie de prendre son pote en bouche ; tout comme il avait eu envie de prendre Nico en bouche : mais il n’avait pas osé.
    Il y avait plein de choses qu’il n’avait pas osé cette nuit-là ; parce que c’était sa première fois avec des mecs, parce que certains de ses tabous l’avaient bridé ; et aussi, et surtout, parce que cette première expérience se déroulait avec ses deux meilleurs potes, deux potes qui n’étaient pas n’importe qui l’un pour l’autre, mais entre lesquels il y avait un truc bien plus fort que son Jéjé avait semblé vouloir lui faire croire en lui proposant de se joindre à eux.
    Thibault avait également ressenti un gros malaise vis-à-vis de l’attitude méprisante et irrespectueuse de son pote à l’égard de Nico ; et il s’en était voulu de ne pas avoir été plus ferme face à son comportement.
    Car cette nuit-là, Thibault avait ressenti plein de trucs pour ce petit Nico : l’envie de le protéger, de le rassurer, de le soutenir.
    C’était troublant, cette somme et l’amplitude de la gamme des sensations et des émotions que Thibault avait ressenties en une seule nuit.
    Cette nuit-là, Thibault avait ressenti l’amour que Nico portait à Jérém : cet amour qu’il connaissait de par ses confidences, mais qu’il avait désormais sous les yeux, vibrant, touchant ; et il avait aussi ressenti la jalousie de son pote Jéjé vis-à-vis de la façon dont le plaisir s’était échangé entre lui, Thibault, et Nico, cette jalousie qui était un peu sa façon d’aimer Nico : une façon inavouée, certes, mais bien présente.
    Oui, cette nuit-là avait remué bien de choses dans la tête et dans le cœur du jeune mécano.
    Le corps de Nico, le souvenir du plaisir partagé avec lui, sa douceur, sa tendresse, sa sensualité, le troublaient ; dans sa tête et dans son cœur, l’absence de Nico le hantait désormais tout autant que celle de son pote Jéjé.
    Après cette nuit, c’était devenu très très dur pour Thibault de côtoyer l’un et l’autre ; ses anciens désirs, ses anciens démons ne le quittaient plus, alors que des nouveaux étaient venu s’y ajouter.
    Après cette nuit, tout était parti en vrille.
    Il y avait eu d’abord cette branlette qu’il n’avait pas pu se retenir d’offrir à son pote Jéjé, blessé à l’épaule, une nuit dans la semaine avant la finale du tournoi de rugby ; une branlette qui avait failli aller bien plus loin, si Jéjé n’avait pas appuyé sur le bouton STOP, juste à temps.
    Puis, quelques jours plus tard, le soir après la finale du tournoi, ça avait à nouveau failli déraper entre son pote et lui : cette fois-là, c’était lui, Thibault, qui avait appuyé sur le bouton STOP, face à son Jéjé saoul à tomber lui réclamant carrément une gâterie, et le jetant méchamment devant son refus.
    Une autre fois, la nuit après l’appel du Racing, voulant empêcher son Jéjé de repartir de chez lui en pleine nuit suite à un accrochage – dont Nico était l’objet – Thibault s’était à nouveau retrouvé confronté à l’attirance, à la tension érotique vis-à-vis de son pote : leurs fronts, leurs nez s’étaient retrouvés collés, leurs désirs, confrontés ; cette nuit-là, il s’en était manqué de peu, de très peu, pour que leurs lèvres se rencontrent.
    Ainsi, après chaque incursion plus ou moins manquée dans l’intimité de son Jéjé, Thibault avait eu le cœur lourd, et s’était senti de plus en plus perdu : vis-à-vis de son pote, vis-à-vis de Nico ; et, surtout, de lui-même.
    Thibault n’arrivait plus à maîtriser ses sentiments, ses envies ; il avait l’impression que de plus en plus les choses lui échappaient des mains ; l’impression qu’en continuant sur cette pente, le risque qu’un accident se produise était dangereusement élevé.
    Thibault avait conscience qu’il jouait avec le feu. En tant que pompier, il savait que la meilleure façon de prévenir le feu est d’éloigner les éléments inflammables des sources de départ de feu potentielles. Le jeune pompier était réputé pour être redoutablement efficace lors des mises en sécurité des scènes d’accident, et notamment dans la maîtrise des risques. Pourtant, dans ce cas précis, face au risque potentiel, il se sentait incapable de prendre les décisions nécessaires pour annuler le risque.
    Thibault l’avait prévu, mais il n’avait pas pu l’éviter pour autant : et l’« accident » s’était produit la dernière fois qu’il avait vu son pote.
    Le vent d’Autan souffle sur la terrasse de l’appart des Minimes, caresse les bras, les épaules, le torse nu du futur joueur du Stade Toulousain.
    Depuis des années, Thibault avait parfois eu le cœur lourd : c’était à cause de ce dont il avait envie avec son pote, à cause de ce qui ne s’était pas passé, si ce n’est s’en approcher parfois, en rendant sa frustration d’autant plus insupportable.
    Mais si depuis quelques jours le cœur de Thibault est 10, 100, 1000 fois plus lourd encore, c’est à cause de ce qui s’est passé avec son pote, la dernière fois qu’il a dormi chez lui.
    Et si depuis dix jours, le cœur de Thibault est très lourd, il s’est chargé un peu plus quelques heures plus tôt, lorsque Nico est venu lui parler.
    Le bomécano ressent un nouveau malaise depuis cette rencontre, le malaise d’avoir menti à Nico ; ou du moins de ne pas lui avoir tout dit, comme c’était le cas déjà l’avant dernière fois qu’ils s’étaient vus.
    Depuis quelques temps, Thibault ne se reconnaît plus. Ne pas oser dire les choses, ne pas oser regarder la réalité en face, de ne pas savoir l’affronter : tout ça, ce n’est tellement pas lui !
    Et même si son intention n’était que de préserver, de ne pas faire souffrir, il culpabilise d’avoir caché des choses à Nico, des choses qui n’auraient jamais dû se produire.
    Car Thibault ressent une profonde tendresse pour ce petit Nico, cet adorable Nico qui a su chambouler la vie de son Jéjé, lui apporter quelque chose dont il avait besoin, quelque chose que personne d’autre n’a su lui apporter jusque-là.
    Thibault repense à la façon dont le regard de Nico s’illumine quand il parle de son Jérém : c’est le genre de regard qui te fait sentir « important » pour quelqu’un, vraiment important.
    Thibault a le sentiment qu’il n’y aurait rien de plus doux que de sentir ce regard sur soi ; il se dit qu’il serait heureux, qu’il aurait de la chance si un jour, une nana, ou même un garçon, pouvait poser sur lui le regard plein d’admiration et d’amour que Nico porte sur son pote Jéjé.
    Thibault comprend désormais comment sa douceur, son côté attachant ont pu toucher son pote Jéjé ; car, à cette douceur et à ce côté attachant, il y est sensible lui aussi. Nico est un garçon spontané, à fleur de peau, il est touchant, très touchant ; c’est un garçon qu’on a envie de protéger, de câliner, d’aimer. Sans compter que c’est aussi un garçon très sensuel ; et qu’au lit, c’est un feu d’artifice.
    Thibault sait désormais que le cœur de son pote est pris : car, même s’il se comporte mal avec Nico, c’est bien lui qu’il aime, et il l’aime vraiment ; s’il souffre de partir à Paris, c’est parce qu’il souffre de s’éloigner de lui ; s’il souffre, c’est de ne pas être capable de l’aimer.
    Thibault est confiant quant au fait qu’un jour ses deux potes vont se retrouver ; et il ne veut plus être un obstacle entre eux, un obstacle pour leur bonheur.
    Et il ne veut plus continuer à souffrir non plus.
    Jusque-là, Thibault a essayé d’oublier ses envies et ses besoins à lui, de pousser ses deux potes l’un dans les bras de l’autre : ça lui a pris toute son énergie et il a échoué.
    Depuis longtemps, il s’est toujours dit qu’à force, il finirait par y arriver. Mais il n’y arrive pas, il n’y arrive plus : il n’arrive plus à prendre sur lui, il a trop mal.
    Thibault n’en peut plus de se battre contre lui-même : il a besoin de décrocher ; il a besoin de prendre de la distance pour oublier tout ça, pour tourner la page.
    Thibault se dit que finalement le départ de son pote Jéjé à Paris est une bonne chose ; c’est l’occasion de prendre de la distance de tout « ça » ; l’occasion pour oublier, comme si ça n’avait jamais existé.
    D’ailleurs, il se dit que tout irait mieux s’il n’avait jamais ressenti ce « truc » pour son pote Jéjé.
    Mais « ça », ça ne se commande pas. Lorsque l’amour nous tombe dessus, c’est par surprise, toujours par surprise ; il débarque de nulle part et il bouleverse l’horizon de notre cœur. Il est imprévisible, insaisissable, incontrôlable : et c’est justement ça qui en fait sa beauté unique, cette beauté simple et intense qui est l’essence même du bonheur.
    Mais face à cet amour impossible, Thibaut n’a plus la force de se battre : alors, cette nuit Thibault dépose ses armes. Il a besoin de toutes ses énergies pour se consacrer corps et âme dans son projet sportif. Il a besoin de jouer pour oublier. Et il a besoin d’oublier pour jouer.
    Cette nuit, sur sa terrasse, Thibault est en train de lâcher prise. Cette nuit, le jeune pompier « dépose les armes ».
    En lâchant prise, tout devient plus clair dans sa tête.
    Peut-être qu’« Aimer » c’est aussi arriver à souhaiter le bonheur de l’autre, même si de ce bonheur nous n’en faisons plus partie… peut- être qu’« Aimer » c’est aussi accepter qu’il puisse être heureux sans nous…
    « Cher Nico, tu m’as « pris » mon Jéjé mais je ne t’en veux pas : un garçon amoureux, ça se respecte. Alors, prends bien soin de lui : mon plus grand souhait, c’est qu’il retrouve ce sourire, cette joie de vivre, ce bonheur intense et beau qu’il a eu parfois grâce à notre amitié.
    Je serais heureux de le savoir bien avec toi, même si parfois il me manquera. Son amitié me manque déjà. Notre complicité me manque.
    Mais ça me rassurerait vraiment, maintenant que mon Jéjé s’est éloigné de moi, de le savoir heureux dans tes bras. Garde un œil sur lui, comme je l’ai fait jusque-là, comme je ne pourrais plus le faire, garde le pour moi…
    Je te fais confiance Nico, parce que tu es sincèrement amoureux, et je sais que tu ferais tout ce que tu peux pour le rendre heureux… ».
    « Quant à toi, mon Jéjé : vas-y, mon pote, mon grand, prends ton envol, va vivre ta vie à l’autre bout du pays : fais tes preuves, amuse-toi, et vis ce que tu as à vivre.
    Vas-y, mon pote, va chercher ailleurs ce « tu-ne-sais-pas-quoi », ce « tu-ne-sais-pas-où », ce « tu-ne-sais-même-pas-si-cela-existe » qui t’apportera ce bonheur que tu n’as pas en toi ; va donc chercher ailleurs, ce calme de l’esprit que je te souhaite de trouver mais que tu ne pourras garder en toi tant que ton cœur pleurera les blessures anciennes qui te hantent toujours ».
    « Peut-être qu’un jour tu arriveras à oublier ta colère pour ne pas avoir été retenu par le rugby toulousain ; de toute façon, j’en suis sûr, tu vas très vite te révéler en tant qu’immense joueur ; tu vas prendre ta revanche sur la vie et ses injustices.
    Et peut-être qu’un jour tu auras envie de revenir me voir.
    Nous nous retrouverons un jour, qui sait… ».
    Mais avant cela, Thibault se sent prêt et déterminé à rappeler son Jéjé, dès le lendemain, à trouver les bons mots pour désamorcer sa colère, son mal-être, ses pulsions autodestructrices ; les mots justes pour tout arranger, les bons mots pour apaiser son pote, pour lui dire au revoir. Avant de le « confier » à Nico.
    La nuit va bientôt se terminer et le vent d’Autan n’a rien perdu de sa vigueur ; il caresse le torse dénudé de Thibault, fait écho à sa tristesse, ravive sa nostalgie, appuie sur ses remords, tout en encourageant ses résolutions, si dures à assumer ; c’est le même vent d’Autan qui souffle auprès de Nico sur le balcon de l’appart de Martin, qui s’engouffre dans ses cheveux, essuie ses larmes, encourage ses bonnes résolutions à lui.
    C’est encore le vent d’Autan qui balaie la place du Capitole, la place Wilson, le boulevard Carnot, la rue de la Colombette, jusqu’à cette rue du centre-ville où une petite foule s’est amassée autour d’un gars à terre, inconscient, à la suite d’une bagarre entre mecs bourrés.
    C’est le même vent d’Autan qui caresse la peau du jeune pompier, toujours réveillé, se retournant sans cesse dans son lit, cherchant sans cesse dans ses draps l’odeur persistante de son Jéjé.

    Dimanche 26 août 2001, 5h41

    En apprenant au petit matin, par un coup de fil d’un collègue pompier, que son pote Jéjé avait été secouru, inconscient, à la suite d’une bagarre, Thibault avait ressenti une terrible souffrance s’emparer de lui.
    Depuis un bon moment, il savait que son pote n’allait pas bien ; et il avait pressenti le risque que quelque chose puisse lui arriver. Et quelque chose de grave venait de lui arriver.
    Alors, ce matin, Thibault s’en veut de ne pas avoir pu, de ne pas avoir su l’empêcher : il s’en veut à mort.
    Le jeune pompier est tenaillé par les regrets de ne pas avoir été capable de soutenir son meilleur pote dans ce moment délicat, de ne pas avoir su lui rester proche ; mais aussi par les remords de ce qu’il a laissé s’immiscer dans leur amitié, et qui a fini par en miner les fondements.
    Thibault avait tant rêvé d’avoir un avenir dans le rugby professionnel ; mais il n’aurait jamais imaginé que le prix à payer ce serait de blesser son pote de toujours.
    Pourtant, au fond de lui, il sait bien que si son recrutement au Stade Toulousain a joué un rôle, d’autres raisons sont à la base de l’éloignement de son pote.
    Et dans ces raisons, il a le sentiment d’être le seul fautif.
    En roulant vers les urgences de l’hôpital de Purpan, les yeux embués de larmes, il repense à la dernière fois que son pote est passé chez lui, dix jours plus tôt ; il repense à sa détresse, à ses idées noires ; et il repense à cette faiblesse, sa propre faiblesse, à cette maudite erreur qui a définitivement éloigné son pote de lui.
    Oui, au petit matin de ce dernier dimanche d’août, Thibault a le cœur lourd, très lourd…

    10 jours plus tôt, le mercredi 15 août 2001, 23h49, chez Thibault.

    En mode « torse nu et boxer », en attendant la fraîcheur de la nuit pour se décider à aller au lit, le bomécano est installé devant la télé, sur le clic clac du salon : ce clic clac qu’il n’a pas fermé, même si depuis plusieurs nuits son pote a découché.
    Lorsqu’il entend la porte s’ouvrir, et qu’il voit son pote débarquer, Thibault est soulagé. Et heureux.
    Depuis presque une semaine, il n’a presque pas eu de ses nouvelles : et il commençait à s’inquiéter.
    Depuis presque une semaine, il n’a pas vu son pote : et il commençait à lui manquer.
    « Alors, c’était bien Paris ? » il l’interroge.
    « Je n’ai pas été à Paris… ».
    « Mais tu m’as pas dit que… ».
    « Je n’y ai pas été… » le coupe sèchement son Jéjé.
    Thibault n’était pas vraiment étonné de cela : il avait de suite trouvé bien bizarre ce départ précipité pour Paris, à la veille d’un week-end, départ dont il lui avait parlé uniquement par le biais de quelques sms très secs.
    Tout comme, très secs, lui paraissent à présent les mots et le ton de la voix de son pote.
    Thibault a l’impression que son pote est pas mal torché, qu’il est énervé, mais aussi abattu.
    « Et t’étais passé où ? T’as pas dormi à la Bodega ? » fait le jeune mécano pour tenter de détendre l’ambiance.
    « J’étais à Toulouse… ».
    « Mais où ? »
    « Ça n’a pas d’importance… ».
    « Bah, c’est sympa… je commençais à m’inquiéter… ».
    « J’avais besoin de prendre l’air… ».
    « C’est quoi ce bleu ? » fait Thibault, en découvrant la trace du coup que son pote porte sur son visage.
    « C’est rien, t’inquiète… ».
    « Tu t’s encore battu ? ».
    « C’est rien, je te dis… » s’agace Jérém, en levant sensiblement le ton de la voix et en partant très vite vers la terrasse, tout en s’allumant une cigarette.
    « Mais qu’est ce qui va pas Jé ? » fait Thibault, sur un ton ferme et bienveillant, tout en passant un t-shirt, avant de rejoindre son pote en terrasse, et de lui taxer une cigarette qui se trouve être la dernière.
    « Tout va bien, très bien… » fait Jérém, amer.
    « On ne dirait pas… » fait le bomécano, tout en allumant sa cigarette et en tirant une première taffe, avant de continuer : « mais putain… tu as une touche avec le Racing, tu devrais être heureux… ».
    « Fait chier que le Stade n’ait pas voulu de moi… » lâche sèchement son Jéjé.
    « Je sais, je sais… mais il ne faut pas regarder ce que tu n’as pas eu, il faut regarder ce que tu as eu… il y a plein de gars qui seraient heureux à ta place… tu as la possibilité de montrer ton talent à tout le monde du rugby… tu vas tout donner et dans un an le Racing sera dans le Championnat… grâce à toi, il sera plus fort que le ST… dans un an, tout le monde va te manger dans la main ! ».
    « Je n’ai pas envie d’aller à Paris… ».
    « Ne dis pas de bêtises… »
    « Je rigole pas… ».
    « Tu en as parlé à Nico ? »
    « Je m’en fiche de Nico ! Qu’est-ce qu’il vient faire là-dedans ? ».
    Thibault regarde son pote en train de fumer en silence : il a l’air si nerveux, et si triste. Ça lui serre le cœur de le voir comme ça.
    « C’est ça qui te prend la tête ? ».
    « De quoi tu parles ? ».
    « Je te parle du fait de laisser Nico à Toulouse… ».
    « Tu me saoules, tu dis n’importe quoi ! ».
    « Je ne crois pas… ».
    « De toute façon c’est fini… je l’ai largué… ».
    « Mais pourquoi ça ? » s’étonne Thibault.
    « Parce que ça ne rime avec rien… rien du tout ! Parce que c’était une connerie et j’aurais dû arrêter tout ça bien plus tôt… ça n’aurait même jamais dû commencer ! ».
    « Pourquoi tu dis ça, Jé ? Nico a besoin de toi, mais toi aussi tu as besoin de lui… ».
    « De toute façon, je n’ai rien à lui offrir… je ne pourrais jamais être le genre de gars qu’il lui faut… et puis, je vais avoir une nouvelle vie à Paris… je vais tout recommencer à zéro… je veux redevenir le mec que j’étais avant… à Paris, il n’y aura que des meufs dans mon pieu ! ».
    « Tu tiens à lui quand même… et lui, lui est fou de toi… ».
    Jérém se tait, le regard dans le vide.
    Les deux potes fument côte à côté, appuyés à la rambarde de la terrasse, en silence. Thibault ferme les yeux et écoute les bruits légers de la nuit, la respiration de son pote, ses inspirations, ses expirations. Le parfum de son déo mélangé à l’odeur de cigarette arrive à ses narines et provoque une petite tempête dans son cerveau.
    Il a horriblement envie de le prendre dans ses bras et de le rassurer. Il cherche les bons mots pour lui redonner le moral, tout en essayant de résister à cette tendresse infinie qui l’aimante vers lui.
    « Je ne sais pas ce qui m’arrive… » fait Jérém de but en blanc, la voix cassée par les larmes, tout en se tournant légèrement vers Thibault.
    Immédiatement, le jeune pompier jette sa cigarette fumée tout juste à moitié et le serre fort contre lui.
    Dans ses bras, les tensions se relâchent, et des sanglots silencieux résonnent dans la nuit.
    Ça fait bien longtemps que Thibault n’a pas vu son pote pleurer. Et ça lui déchire les tripes.
    « Je ne veux pas devenir pd… ».
    « Dis pas ça, dis pas ça ! Tu es un vrai mec, un sacré bonhomme, et rien ne pourra changer ça… ».
    « Je ne suis rien… ».
    « Si, tu es mon pote, mon plus grand pote… et quoi qu’il arrive, tu seras toujours mon pote Jéjé… ».
    Thibault le serre encore un peu plus fort contre lui ; le jeune pompier est ému ; mais aussi troublé.
    Troublé par le contact du visage de son pote dans le creux de son épaule ; par l’odeur de sa peau, par le contact de son torse contre le sien ; par la proximité de son cou, de cette oreille qui semblent appeler le contact avec sa bouche ; par la proximité avec ses cheveux qui semblent implorer la caresse de sa main.
    « Si tu savais comment c’est dur… » fait Jérém, en sanglotant nerveusement.
    Thibault le serre très fort contre lui.
    « Il ne faut pas se prendre la tête comme ça… laisse-toi aller, Jé, arrête de te faire du mal… arrête de te punir… ».
    « Ça me dégoute… je me dégoute… parfois j’ai envie de me foutre en l’air… ».
    « Regarde-moi, Jé… » fait Thibault en repoussant immédiatement et fermement son pote.
    « Regarde-moi, je te dis ! » insiste le jeune pompier jusqu’à capter le regard de son pote : « ne dis pas ça, ne le dis même pas pour rigoler… tu es un sacré mec… tu as tout pour toi… tu as toute la vie devant toi… tu peux tout faire, tout réussir… tu es beau, intelligent, adroit, malin, tu as un talent fou pour le rugby et pour tout un tas d’autres choses… tu peux tout faire…
    Et en plus tu as la chance d’avoir un mec qui est dingue de toi et ce, malgré ton caractère de cochon… et ça, putain, c’est beau et précieux… ne gâche pas ça… ».
    Jérém se tait, la respiration saccadée, fébrile.
    « Et puis, n’oublie pas que tu m’as, moi ! Tu comprends, Jé ? Tu m’as, moi ! Quoi qu’il arrive, je serai toujours là… tu es comme mon frère et je te soutiendrai toujours.
    Mais, ne fais jamais la connerie de vouloir partir trop tôt… ce serait un gâchis sans nom… tu as tellement de belles choses à accomplir, tellement à offrir à la personne qui partagera ta vie…
    Ne fais jamais ça, Jé… tu ne serais plus là pour le voir, mais je serais malade tout le reste de ma vie ! Je serais mort à l’intérieur, en me demandant pourquoi je n’ai pas su t’empêcher de te foutre en l’air… ».
    « Tu es vraiment un pote en or, Thib ».
    « Toi aussi tu es un pote en or, Jé ».
    Jérém met fin à leur étreinte et il rentre dans l’appart ; épuisé, il s’allonge sur le clic clac.
    Thibault s’allonge à côté de lui et le serre dans ses bras.
    La détresse de son pote le touche, sa proximité le bouleverse.
    Rester là, juste l’un contre l’autre, le corps chaud et musclé de son pote contre le sien, le bonheur de cette douceur familière et apaisante qui se dégage de sa peau, de sa présence de mec, de la douceur de ses cheveux bruns : rester là, en silence, en laissant la tendresse exprimer ce que dix-mille mots ne sauraient mieux formuler.
    Peu à peu, sa respiration s’apaise, ses muscles se détendent : moment de bonheur tellement intense à appeler ses larmes.
    Un bonheur qui ressemble à une petite ivresse, une ivresse dans laquelle Thibault se sent perdre pied.
    Ses lèvres frémissent, hésitent ; avant de céder à l’émotion.
    Un bisou léger, puis deux, puis dix, se posent sur le cou de son pote.
    C’est tellement bon, qu’il ne peut plus s’arrêter ; d’autant plus que son Jéjé semble accepter cette marque de tendresse et d’affection.
    Pourtant, au bout d’un moment, si court et si long à la fois, Jéjé se retourne brusquement.
    « Je suis désolé… » tente de se justifier le jeune mécano, surpris, le cœur tapant à tout rompre dans sa poitrine.
    Son pote se tait, le regarde droit dans les yeux. Et, contrairement à ce qu’il avait craint, ce qu’il voit dans la pénombre, le rassure.
    Le regard de son Jéjé n’est pas fâché : c’est un regard doux, touchant, un regard qui accroche le sien et qui le fait fondre.
    Les deux garçons se fixent pendant un long instant, en silence. Et puis c’est comme une évidence : Jéjé avance son visage vers le sien ; les fronts se rencontrent, les nez se retrouvent, à nouveau.
    Puis, à l’initiative de Jéjé, les lèvres s’effleurent.
    Le mouvement marque une pause : Thibault hésite. Jérém revient à la charge.
    « On ne peut pas faire ça, Jé… » chuchote ce dernier, se faisant violence pour résister aux flots impétueux du désir et de l’amour.
    « J’ai envie » fait Jérém, alors que sa main se faufile déjà sous le t-shirt de Thibault.
    « T’es vraiment sûr ? » fait Thibault, sur le point d’être emporté par la tempête des sens.
    « T’as pas envie ? ».
    « Oh si… » souffle Thibault, à bout de sa capacité à se contrôler.
    « Moi aussi… » chuchote son pote, tout en posant des bisous tout doux dans son cou.
    Thibault se sent définitivement perdre pied face à la puissance ravageuse de son désir.
    Les lèvres se pressent les unes contre les autres, d’abord timidement ; puis, très vite, se cherchent avec une fougue dévorante.
    Les baisers, les caresses ; les uns et les autres, sont doux, puis sensuels.
    La nuit avance et les corps musclés s’enlacent, s’aiment, s’offrent mutuellement douceur, tendresse, plaisir ; et les jouissances des deux jeunes mâles se mélangent dans un feu d’artifice sensuel intense et émouvant.

    Lorsque Thibault ouvre les yeux, le jour pointe déjà son nez. Il regarde sa montre. Il n’est que 6h30. Et son pote Jéjé est déjà parti.
    Quelques heures plus tard, le jeune mécano va être contacté par le Stade Toulousain.
    Excellente nouvelle, pourtant si difficile à annoncer à son pote.
    Un court et sec échange d’sms sera le dernier contact entre Thibault et son Jéjé, avant la bagarre que, dix jour plus tard, viendra changer bien de choses dans la vie de chacun.

    FIN de la SAISON 1 de JEREM & NICO.

    Commentaires

    ZurilHoros

    04/06/2020 12:43

    C’est un épisode assez dure, triste, que ce soit pour Jérèm ou Thibault. 

    Yann

    31/05/2018 10:43

    Dans mon com qui précède j’ai oublié le plus important. Ce sont ces quelques mots de Jerem en larmes dans les bras de Thibault: « Je ne veux pas devenir PD ». Ca m’a bouleversé car c’est révélateur de la détresse morale de Jerem. Il pense qu’au fur et à mesure que sa relation avec Nico prenait de l’importance ça le faisait devenir PD d’où son attitude parfois agressive. Mais on ne le devient pas, on l’est ou on ne l’est pas mais tout simplement c’est à l’occasion d’une expérience avec un garçon qu’on en prend conscience et si on est bi c’est aussi par la comparaison que l’on sait si on est plus attiré par les nanas que par les mecs. Depuis le début jerem rend Nico responsable de ce qui se révèle à lui et en lui sur ses préférences comme si c’était contagieux. Il découvre sa vraie nature. En quittant Nico pour le lit d’une Nana il pensait éteindre tout cela et au contraire ça n’a fait que raviver le manque qui s’est installé en lui après sa rupture avec Nico. Si cette détresse de Jerem est si poignante c’est parce qu’elle est bien racontée. Quelque part cela me renvoie à mon vécu et je pense à tout les jeunes lecteurs qui comme Jerem vivent mal la révélation qu’ils sont homos. Il y a aujourd’hui des associations qui aident les jeunes à passer cette étape lorsqu’elle est difficile à vivre.

    Yann

    Yann

    30/05/2018 11:53

    J’ai adoré cet épisode. Fabien tu as dessiné au fil de cette saison trois personnages avec des psychologies différentes mais qui se sont révélées à nous au fil des épisodes.

    – D’abord Nico gentil petit mec attachant à qui on voudrait souhaiter tout le bonheur du monde. Il a rencontré son premier amour qui n’a pas été simple avec Jerem et il vit douloureusement sa première rupture.

    –  Jerem  avec une personnalité qu’on a d’abord perçue comme détachée de tout sentiment amoureux avec les nanas comme avec Nico. Cette relation avec Nico il l’a d’abord prise comme une expérience nouvelle dont il rend Nico responsable en le traitant mal. Mais au fur et à mesure qu’il avance dans cette relation son détachement faiblit et son mal être augmente au point d’en arriver à la rupture qui en fuyant Nico le fait se fuir lui-même. On découvre là une tout autre personnalité ; si au début on avait envie de la haïr, là au contraire on voudrait l’aider.

    – Thibault le pote mais dont on découvre là encore une personnalité sous jacente dans ce dernier épisode. Le Pote effacé devant la relation de Jerem et Nico qui au fur et à mesure  que ses deux potes s’engagent découvre que son sentiment de joie de les savoir heureux se transforme en souffrance. Il découvre qu’il y a passé une frontière entre son amitié sincère pour son pote et quelque chose de plus intime qui lui était encore jusque là inconnu : l’amour.

    Dommage que dans ce dernier épisode on ne sache pas comment Thibault a trouvé Jerem à l’hôpital et s’ils se sont parlés. Bravo, bises. Yann

    pedro

    29/05/2018 09:14

    Wawwwwww

  • JN01131 Boucler la boucle.

    JN01131 Boucler la boucle.

    Dimanche 26 août 2001

    Il est 3 heures du mat lorsque nous quittons le B Machine. Après une overdose de décibels, ça fait du bien de retrouver le silence de la nuit ; tout comme, après les températures tropicales de la boîte, ça fait du bien de retrouver un air plus respirable.

    Le vent d’Autan souffle toujours, et la fraîcheur nocturne est la bienvenue.

    Nous contournons le parking en spirale, alors que nous entendons voler un : « Bande de pd ! » sur notre passage.

    « N’y fais pas attention… surveille juste du coin de l’œil qu’ils n’approchent pas… et si tu les vois approcher, cours le plus vite possible, et n’arrête pas tant que tu n’as pas croisé du monde… j’ai un pote qui s’est fait démolir par une bande de casseurs… ».

    « Des casseurs ? ».

    « Des casseurs de pd… ».

    « Oui, ça existe… » fait-il, devant mon étonnement.

    Nous sortons des petites rues et nous débouchons sur les allées Verdier.

    Nous n’avons pas fait 100 mètres qu’une silhouette blanche rentre dans mon champ de vision.

    J’ai beau être à 150-200 mètres de distance, je reconnais une démarche cadencée, rapide, souple, masculine ; je reconnais également une façon de fumer, elle aussi, éminemment masculine.

    Nous avançons, le type avance droit vers nous : nous allons fatalement nous rencontrer.

    Un t-shirt de mec, blanc, aveuglant, bien ajusté, un simple jeans, des baskets…

    Soudainement, j’ai l’impression que le sang vient de se figer dans mes veines, que mon cœur est sur le point d’exploser à la suite d’un ultime battement, tellement puissant qui défoncerait ma caisse thoracique ; ma tête tourne comme un tambour de machine à laver en mode essorage, mes muscles se crispent, mes tripes se vrillent, j’ai du mal à marcher, et même juste à respirer.

    Oui, à cette distance je reconnais la façon de fumer, non pas la cigarette, mais le pétard : SA façon à LUI.

    Pas ça, pas ça, pas ça, non…

    Je cherche une raison plausible pour faire demi-tour, pour éviter le choc frontal. En vain. Mon cerveau est paralysé, je suis incapable de me focaliser sur la moindre pensée ; le t-shirt blanc approche vite et la collision est déjà inévitable.

    Un étrange mélange d’émotions s’agite en moi… j’ai envie de pleurer et j’ai peur…

    Quinze jours depuis ce maudit vendredi 10 août ; quinze jours passés à tenter de l’oublier, à tenter de soigner mes blessures, à essayer de me donner l’illusion que je suis en passe de guérir de cet amour dévastateur.

    Pourtant, il me suffit de capter sa présence à des centaines de mètres pour qu’en une fraction de seconde, tout remonte, dans mon cerveau, dans ma chair : son sourire pendant la semaine magique, sa langue, les baiser musclés, le goût de sa peau, son kif, mon kif, la puissance de ses giclées, le goût de son jus ; ses coups de reins ; ses doigts sur mes tétons, sa main sur ma queue, sa main qui me fait jouir ; la capote qui tombe de son jeans ; notre dispute, mon coup, son coup…

    Alors, oui, j’ai envie de pleurer.

    Mais aussi, et surtout, j’ai peur ; peur de sa réaction lorsqu’il va me voir en compagnie d’un mec, et à fortiori CE mec, dont il a déjà été jaloux.

    Bien sûr, le voir jaloux ce serait une belle revanche par rapport à sa méchanceté de cet horrible vendredi !

    Ce que je redoute par-dessus tout, c’est son indifférence ; alors qu’une bonne scène de jalousie me ferait tant de bien, ça montrerait que je ne suis pas qu’une petite merde à ses yeux.

    Ce qui me fait peur, c’est qu’une scène de jalousie ce serait assurément virulent ; j’ai peur de l’esclandre, des mots blessants, de son mépris ; j’ai peur de la violence, de l’affrontement ; le connaissant, avec son sang chaud bouillant, ça pourrait vite déraper.

    Je me demande aussi comment Martin, dont je ne connais pas le caractère, pourrait réagir si Jérém se mettait à faire le con. Je ne veux surtout pas de bagarre.

    100 mètres… je reconnais ce t-shirt, c’est le même qu’il portait le soir du repas de fin de lycée, tellement moulant qu’on le croirait peint sur sa peau… combien de souvenirs autour de ce t-shirt…

    50 mètres… t-shirt CK proche collision… mais qu’est-ce qu’il fait là, seul, à cette heure ? Il n’est pas avec sa pouffe ? Est-ce qu’il a bu ? Fumé ? Il vient d’où, il va où ?

    40 mètres… dernière possibilité de mise en garde…

    « Martin… ».

    « Oui ? ».

    « Mon ex garde du corps nous fonce dessus… ».

    « Ah, c’est lui, là ? J’étais justement en train de tenter d’évaluer le degré de canonitude du mec… ».

    « Oui, c’est lui… s’il te plaît Martin… ».

    « Tu gardes ton calme, je garderai le mien… et on s’en débarrasse vite fait… ».

    30 mètres… allure alcoolisée/fumée confirmée… et il fume toujours…

    20 mètres… un petit hochement de la tête, accompagné d’un éclair mauvais traversant son beau visage de mec : voilà la notification du fait qu’il vient de me capter, et de capter que je ne suis pas seul…

    15 mètres… il est beau, beau comme un dieu dans son t-shirt blanc immaculé, presque une deuxième peau sur sa plastique de fou… ah, putain ! C’est à hurler à s’en casser les cordes vocales…

    10 mètres… putain de brassard tatoué, et putain de nouveau tatouage, ressortant par le col du t-shirt, le long de son cou, jusqu’à son oreille, jaillissant par la manchette collée à son biceps…

    9 mètres… le blanc du coton, sa peau mate, chaude, douce, parfumée, l’encre noir des tatouages… contrastes magiques… je craque !

    8 mètres… ses beaux cheveux bruns, comment j’ai envie de les caresser !

    7 mètres… le petit grain de beauté dans le cou, la chaînette posée sur le coton blanc… j’ai envie de lui !

    6 mètres… envie de le serrer dans mes bras, de le couvrir de bisous, de câlins…

    5 mètres… envie de son corps musclé sur le mien, et lui coulissant en moi…

    4 mètres… envie de le sentir prendre son pied… envie de mes sentir dominé, débordé, chauffé, rempli par sa virilité, par sa puissance de jeune mâle…

    3 mètres… envie de retrouver la complicité de la semaine magique…

    2 mètres… envie de lui crier : « je t’aime »…

    Et BAM !

    « Hey… » fait-il sur un ton étonnamment décontracté… ou, surtout, complètement shooté par le pétard….ce qui n’est pas une bonne chose, a priori…

    Tout de suite, je remarque que sous son œil, une légère trace de coup persiste : putain, je l’ai vraiment frappé fort.

    « Salut… » je lui réponds avec une petite voix ridicule ; j’ai le souffle coupé, le cœur dans la gorge.

    « On se balade ? » fait-il, sur un ton en apparence aimable.

    « Ouais… il fait bon maintenant… ».

    On peut toujours chercher une réplique plus idiote.

    Lorsqu’il expire la fumée, je reconnais l’odeur du tarpé.

    « Tu me présentes pas ton pote ? ».

    Bon, ça commence moins mal que je l’avais imaginé ; il n’y a que son ton distant et détaché qui me blesse ; pourtant, quelque chose dans le ton un brin sarcastique de sa voix me ferait dire qu’au-dessous de cette politesse de façade, ça bouillonne sévère.

    J’ai l’impression de marcher sur des œufs… écourter… s’en débarrasser vite… suit le conseil de Martin, Nico…

    « Si… Martin… Jérémie… Jérém… Martin… » j’énumère, les jambes flageolantes.

    Dans mon champ de vision, deux facettes de la plus absolue perfection masculine, deux styles opposés : t-shirt-blanc-jeans-baskets-chaînette-de-mec VS chemise-à-carreaux-noirs-et-blancs-pantalon -chaussures-de-ville-belle-montre-de-marque… bref, p’tit con insupportablement sexy VS mec très classe insupportablement sexy.

    Oui, ça avait l’air de ne pas avoir trop mal commencé ; mais ça ne va pas durer.

    Martin lui tend la main, poliment ; mais Jérém, petit con de son statut, ne la saisit pas, tout en expirant la fumée dans sa direction.

    « On s’est déjà croisés à l’Esmé… » il ajoute, avec mépris ; et il continue, avec un certain dédain : « alors, t’as été t’amuser au… B Machine ? ».

    Ainsi, Jérém connaît le B Machine… tout comme la Ciguë… et le On Off… combien de fois a-t-il déjà mis les pieds dans le milieu gay ? Combien de mecs s’est-il déjà envoyés ? Romain a donc raison de me mettre en garde…

    Voilà peut-être la réponse à ma question de savoir où est-ce qu’il allait, seul, à cette heure tardive : il était peut-être en train de se diriger vers là d’où justement nous venons…

    Je ne sais pas trop quoi répondre, ni comment me comporter face à son attitude ; oui, il a fumé, et il certainement bu aussi, je le sens au ton éraillé de sa voix ; je dois éviter de le chatouiller, je dois éviter à tout prix que ça dérape.

    Un silence gênant s’installe. Vite, trouver un prétexte pour se tirer.

    Mais avant que j’aie pu échafauder quoi que ce soit, Jérém revient à la charge, le ton de la voix de plus en plus froid et méprisant :

    « C’est bien, t’as trouvé un nouveau mec… ».

    Tutt’al più, mi accoglierai/Tout au plus, tu m’accueilleras

    Con la freddezza che, non hai avuto mai/Avec la froideur que tu n’as jamais eue 

    Pourtant, je sens qu’au fond de lui, il est énervé de me trouver en compagnie de Martin. Comme si ça le faisait chier de me trouver :

    Assieme a quelle che, ha preso il posto moi/Avec (celle) celui qui a pris (ma) sa place…

    Au fond de moi, une voix a envie de crier que personne n’a pris sa place ; que si j’ai été au B Machine,

    Non è perché l’amore sia finito/Ce n’est pas parce que l’amour est terminé

    Io ti amo ancora/Je t’aime encore

    Oui, j’ai envie de lui crier que, non, personne n’a pris sa place, du tout ; que si j’ai accepté de finir ma soirée avec Martin, c’est juste parce que j’ai besoin de ne pas être seul, parce que je n’ai plus envie de pleurer en pensant à lui ; j’ai envie de lui crier que la présence de Martin à mes côtés est juste une façon de trouver un peu de répit à la souffrance, une façon de supporter cet immense gâchis.

    Mais à cet instant, la seule chose que je me sens capable de faire, c’est de partir loin, au plus vite, loin de lui, de ce malaise et des larmes que je sens monter en moi.

    « On va y aller… » je fais à l’attention de Martin.

    « Non, moi je dis que c’est bien, il faut savoir passer à autre chose… » revient à la charge Jérém, de plus en plus sarcastique « alors, t’en as bien profité depuis deux semaines ? ».

    E forse mi chiederai/Et peut-être tu me demanderas

    Quanti ragazzi ho avuto/Combien de gars j’ai eus

    Dimenticando te/En oubliant que tu (étais le plus important de tous pour moi)

    « Ça y est, tu es à nouveau « amoureux » ? » il ajoute, railleur.

    Eppure tu sai bene/Pourtant, tu le sais bien

    Che una ragazza come me/Qu'(une fille) un mec comme moi 

    Non scherza con l’amore/Ne plaisante pas avec l’amour

    Non ha scherzato mai/N’a jamais plaisanté.

    « Jérém, tu es relou… ».

    « Tu ne disais pas ça quand tu me suppliais de te baiser… » fait-il, mauvais.

    « Tu ferais bien de te calmer… ».

    La voix chaude et calme de Martin vient de se manifester.

    « Sinon quoi ? » fait Jérém, soudainement agressif.

    « Sinon rien… il est tard, on va rentrer… ».

    « C’est qui ce bouffon ? » fait Jérém, de plus en plus piquant.

    « Hey… » fait Martin en haussant le ton de la voix « je t’insulte pas, tu m’insultes pas ! ».

    « La ferme, toi ! C’est à lui que je cause ! A toi je n’ai rien à dire… toi, tu n’existes même pas ! ».

    Ses mots, tout comme son attitude, sont clairement provocateurs et mauvais. J’ai l’impression que Jérém cherche à faire sortir Martin de ses gonds : j’ai l’impression qu’il cherche la bagarre.

    « Tu commences vraiment à me casser les couilles ! » fait Martin, soudainement emporté. J’ai l’impression qu’il est lui aussi à deux doigts de perdre son calme.

    « Tu veux quoi, tu veux me cogner ? » fait Jérém, en mode petit coq arrogant et provocateur.

    « Je ne me bats jamais… ça ne sert à rien ! ».

    « Tu te bats pas parce que t’as pas de couilles… ».

    « Tu veux voir ça ? ».

    « Martin, Jérém, s’il vous plaît, arrêtez ! » je crie, tout en m’interposant entre les deux.

    « Martin, on y va ! Et toi, Jérém, casse-toi ! Tu m’as dit de dégager de ta vie, alors, maintenant, fiche-moi la paix ! ».

    « T’inquiète, je vais te foutre la paix… tu ne me verras plus jamais ! ».

    « Tant mieux ! » je crâne, alors que je crie et je pleure et je saigne à l’intérieur.

    « Fais-toi sauter par qui tu veux, je n’en ai rien à foutre, je me suis assez amusé avec toi ! ».

    Tutt’al più mi offenderai/Tout au plus, tu m’offenseras

    Et tu mi caccerai/Et puis tu me chasseras (…)

    Dicendo che oramai/Me disant que maintenant

    Non t’interessa più/Tu ne te soucies pas plus

    Una ragazza che/Pour un(e) (fille) mec qui

    Serviva solamente/A servi seulement

    Per divertirsi un po’/Pour s’amuser un temps

    « T’es nul, Jérém… »

    « Viens, on y va… » fait Martin sèchement.

    « Oui, on va y aller… » je le seconde « salut Jérém… ».

    Jérém se tait, le regard vide, comme désemparé. C’est un regard dans lequel j’ai l’impression de lire le même souvenir qui m’arrache le cœur depuis que le destin, avec son ironie impitoyable, ait provoqué cette rencontre inattendue : c’est le souvenir de cette nuit à l’Esmé où j’avais failli partir avec Martin… le souvenir de son sketch, lorsqu’il était venu me chercher, me sommant de rentrer avec lui ; obtenant, au final, que je rentre avec lui.

    Un souvenir qui se met tout seul en parallèle avec cette nuit, où je suis en train de repartir avec ce même gars, sous ses yeux. Certes, Jérém ne m’a pas demandé de repartir avec lui, cette nuit : d’une part parce qu’il n’a plus de chez lui ; et d’autre part, parce qu’il m’a quitté il y a deux semaines.

    Jérém se tait, comme s’il essayait de contenir sa colère, des mots qu’il regretterait ; il se tait, comme pour garder les apparences, comme s’il renonçait à « jouer » pour ne pas devoir affronter la « défaite ».

    Ses traits sont figés, par la fatigue et la frustration, ses lèvres sont serrées, parcourues par un frémissement incontrôlable ; sa pomme d’Adam bondit sous l’effet d’une déglutition fiévreuse ; son regard perdu, rempli de désolation, est le même que j’ai vu dans ses yeux la dernière fois qu’il est venu chez moi, après qu’il m’ait quitté, alors que j’essayais de le retenir ; et tout comme à ce moment-là, ce que je vois à cet instant, ce n’est plus le connard ivre mort qui vient de me balancer des horreurs, mais un garçon très, très, très malheureux. Et ça me fend le cœur.

    Mais quoi faire pour annuler cette distance infinie qu’il a voulu, lui et lui seul, mettre entre nous ?

    Je me suis battu pour cela, depuis des mois ; j’ai tout essayé pour me rapprocher de lui. Et là, force est de constater mon échec. Oui, c’est un gâchis inouï ; mais puisqu’il ne veut rien entendre, à quoi bon dépenser encore de l’énergie pour me battre, alors que je n’ai plus l’énergie de me battre.

    Ce qui ne m’empêche pas de me demander si, au cas où il avait encore eu un « chez lui », il aurait à nouveau essayé de m’arracher de Martin… l’espoir de retrouver un amour malheureux est si dur à juguler…

    Pendant que Martin et moi reprenons notre chemin, je sens son regard s’accrocher lourdement à moi, happer mon énergie, entraver le mouvement de mes jambes : le fait est que mon corps est en train de s’éloigner DE lui, mais que mon cœur est resté AVEC lui. Mes pas sont de plus en plus pénibles au fur et à mesure que je tente de m’éloigner, comme si un fil invisible était en train de se tendre entre ces deux bouts de moi : jusqu’où ce fil va se tendre avant de casser ? Ou bien, lequel des deux bouts sera de taille à ramener l’autre auprès de lui, lorsque le fil trop tendu donnera un grand coup de ressort ?

    Nous n’avons pas fait 10 pas, que j’entends sa voix résonner dans l’allée :

    « Nico… ».

    Je me fige sur place, le dos secoué par mille frissons, la tête comme un manège, la respiration coupée : au fond de moi, j’espère, je veux, je crie pour qu’il puisse changer d’attitude du tout au tout, qu’il essaie de me rattraper comme lors de cette fameuse nuit ; qu’il me laisse enfin comprendre que, malgré tout, je suis quelqu’un de spécial pour lui, que je lui manque.

    Je me retourne, le cœur en mode marteau piqueur ; mon espoir aura été de courte durée : son regard est à nouveau noir et plein d’éclairs mauvais :

    « Pour ton info… ton cadeau de merde, je n’en ai rien à cirer ! ».

    « T’as qu’à le foutre à la poubelle, si ça te chante ! ».

    « T’inquiète, c’est fait ! ».

    Et BAM ! Voilà le grand coup de ressort qui ramène mon cœur à moi, mais en mille morceaux.

    « Laisse tomber, viens… » fait Martin, impatient.

    Un doigt d’honneur pour seule et unique réponse, Jérém reprend son chemin comme une furie.

    Je le regarde s’éloigner, en pensant à l’affreux gâchis qu’il vient de faire du souvenir de cette merveilleuse complicité que nous avions, il y a encore trois semaines.

    Je pensais qu’il ne pouvait pas me faire davantage souffrir qu’il l’avait pu il y a deux semaines : je me trompais. Cette nuit, il a tout trainé dans la boue ; cette nuit, ma souffrance est renouvelée et portée à des sommets encore jamais atteints.

    Envie de pleurer. De courir et de pleurer. D’être seul et de pleurer.

    « Ne l’écoute pas… il est rond comme une bille, il dit n’importe quoi… » fait Martin, adorable.

    Merci Martin.

    Chez Martin, nous avons pris un verre et je lui ai reparlé de mon amour impossible, lui du sien ; je lui ai reparlé de mon cœur brisé, il a fait de même.

    Nous nous sommes allongés sur son lit. Il m’a pris dans ses bras, il m’a caressé, il m’a embrassé. Je me suis laissé faire.

    Son parfum m’étourdissait, son regard m’hypnotisait. Le contact avec sa peau chaude, avec son torse dénudé, avec ses pecs saillants et assez poilus, me faisait sentir bien.

    Martin a été doux, attentionné, câlin, sensuel. Lorsqu’il a passé sa main sous mon t-shirt, il s’est attardé à me caresser, tout en continuant à m’embrasser.

    J’ai croisé son regard, un regard qui attendait un signe de ma part pour savoir de quoi j’avais envie… est-ce que je savais seulement de quoi j’avais envie ?

    Se immagino che tu sei qui con me/Si j’imagine que tu es ici avec moi

    Sto male, lo sai!/Je me sens mal, tu sais!

    Voglio illudermi di riaverti ancora/Je veux me donner l’illusion de t’avoir à nouveau

    Com’era un anno fa/Comme c’était il y a un an.

    Io stasera insieme ad un altro/Ce soir, je suis avec un autre (…)

    Puis, Martin s’est glissé sur moi, il a défait ma ceinture, ma braguette. Lorsqu’il m’a pris en bouche, ça a été le feu d’artifice pour mes sens.

    Pourtant, pendant que mon corps prenait son plaisir, mon cœur pleurait ; alors, je fermais les yeux et je me laissais aller à cette… Pazza Idea/Idée folle…

    Pazza idea di far l’amore con lui/Idée folle de faire l’amour avec lui

    Pensando di stare ancora insieme a te!/En imaginant d’être encore avec toi!

    Folle, folle, folle idea di averti qui/Folle, folle, folle idée de t’avoir ici

    Mentre chiudo gli occhi e sono tua/Pendant que je ferme les yeux et je suis à toi.

    Martin s’est allongé sur moi, il m’a embrassé ; il m’a souri, je lui ai souri…

    Pazza idea, io che sorrido a lui/Idée folle, alors que je souris à lui

    Sognando di stare a piangere con te/Tout en rêvant de pleurer dans tes bras

    Folle, folle, folle idea sentirti mio/Folle, folle, folle idée de te sentir à moi

    Se io chiudo gli occhi vedo te/Si je ferme les yeux c’est toi que je vois.

    Pazza idea…/Idée folle, que de coucher chacun de notre côté… alors qu’on est fait l’un pour l’autre…

    Ainsi, après avoir partagé nos solitudes et nos détresses, Martin et moi avons partagé le plaisir ; puis, nous nous sommes assoupis l’un à côté de l’autre.

    Il est 4h30 du mat lorsque je me réveille, en sursaut. Il fait chaud dans l’appart et je sors chercher de la fraîcheur sur le balcon.

    Je regarde la ville endormie, j’écoute le silence de la nuit ; Jérém me manque à en crever.

    Je repense à ce maudit vendredi, la dernière fois qu’il est venu chez moi. Je le revois, planté sur le pas de porte, si distant, le regard fuyant, me demandant de lui rendre sa chaînette, pressé de repartir.

    J’avais dû insister pour qu’il rentre, et j’avais dû ramer pour qu’il me laisse lui faire plaisir : et même s’il avait fini par se laisser faire, ce jour-là, le sexe avait été incroyablement triste.

    Jérém semblait ailleurs, perturbé par une sorte de mélancolie, par un malaise palpable que même son attitude de macho, qui sonnait d’ailleurs un brin forcée, n’avait pas réussi à masquer.

    Et puis il y avait eu l’accident de la capote tombée de son jeans, ses mots blessants, sa goujaterie, qui sonnait fausse elle aussi ; je repense à son regard, toujours ailleurs, à sa jambe, animée par une sorte de tremblement nerveux.

    « Ça ne peut pas finir comme ça entre nous ! » j’avais essayé de le retenir.

    Je le revois, là, devant moi, muré dans son silence, le regard posé sur la poignée de la porte ; je revois ses traits figés, ses paupières qui clignent nerveusement, ses lèvres serrées, parcourues par un frémissement incontrôlable ; sa pomme d’Adam qui bondit sous l’effet d’une déglutition fiévreuse ; ses yeux qui se ferment lourdement, se rouvrent ; ce petit mouvement de sa tête sur le côté, comme s’il voulait chercher mon regard, avant que ses yeux ne se perdent à nouveau dans le vide.

    J’ai eu l’impression de me retrouver devant un garçon qui n’était pas mon Jérém ; un garçon qui se faisait violence pour être aussi méchant, pour me blesser et m’éloigner de lui :

    « Il n’y a toujours eu que ton cul qui m’intéressait ! » ; « Le mec de la piscine, c’est pas moi qui t’a dit de baiser avec… » ; « T’es pas le seul mec que j’ai fait couiner… ».

    Ma colère aveugle ; mon coup ; son coup.

    « T’es vraiment qu’une petite merde ! »… « tu vas dégager de ma vie ! ».

    Maman qui débarque.

    Et je repense à son dernier regard avant de partir, ce regard qui me brise le cœur davantage encore que ses mots cruels ; ce regard perdu, rempli de désolation, de chagrin, et de regret. Ce que je vois à cet instant, ce n’est plus le connard qui vient de me balancer plein d’horreurs, mais un garçon très malheureux.

    Ce même regard que j’ai retrouvé ce soir, alors que je repartais avec Martin ; ce regard que j’ai retrouvé au-delà de sa colère, de sa vulgarité, de son mépris, de son état d’ivresse.

    Oui, Thibault a raison : au fond, Jérém, n’est qu’un animal blessé qui se débat, qui réagit à sa souffrance par la violence ; oui, que ce soit en me quittant il y a quinze jours, ou en me retrouvant en compagnie d’un autre cette nuit, son comportement n’est au fait que le révélateur de sa détresse.

    Quand je vois Jérém dans cet état, je comprends l’inquiétude de Thibault et je ressens la même inquiétude, une inquiétude qui me prend au ventre. J’ai peur qu’il se mettre en danger, j’ai peur qu’il lui arrive quelque chose.

    Qu’a-il-fait, après être reparti en colère tout à l’heure ? Où est-il allé ? Qui a-t-il rencontré ? Est-ce qu’il a bu davantage, fumé davantage ? Avec qui a-t-il couché ? Est-ce qu’il s’est au moins protégé ?

    Soudainement, je me sens prêt à aller le voir, où qu’il soit, prêt à retourner toute la ville pour le retrouver et pour m’excuser de l’avoir frappé, pour lui dire qu’il est la plus belle chose qui me soit arrivé dans la vie.

    Non, je ne peux pas me résigner à le perdre de cette façon, sans tenter une dernière fois de lui faire comprendre à quel point on pourrait être bien ensemble.

    Alors, à cet instant précis, je me dis que, dès demain, je vais l’appeler, et le convaincre de se voir pour discuter calmement ; je me dis que oui, demain je vais trouver les mots ; que demain, je vais retrouver mon Jérém.

    À cet instant précis, le lendemain me semble encore plein de promesses.

    À l’autre bout de la ville, cherchant lui aussi la fraîcheur sur son balcon, Thibault non plus n’arrive pas à dormir. Quelque chose le tracasse, lui empêchant de trouver le sommeil. Cette nuit, comme depuis de nombreuses nuits.

    Thibault est inquiet de ne pas avoir des nouvelles de son Jéjé depuis plus d’une semaine ; il a la nostalgie de cette époque où ils étaient comme des frères, l’un pour l’autre ; et il ressent une immense tristesse en pensant que cette époque semble être désormais bel et bien révolue ; et imaginer l’avenir sans la présence de son Jéjé, ça lui arrache le cœur.

    Jamais il n’aurait cru que ça puisse arriver un jour ; il a fallu que le Stade le choisisse, lui, et qu’il laisse son pote sur la touche. Il a fallu que le rugby s’interpose entre eux.

    Depuis une semaine, il a essayé d’appeler son Jéjé, il lui a laissé des messages ; il n’a jamais réussi à l’avoir.

    Depuis une semaine, il n’y a pas eu une heure, une minute, où il n’a pas pensé à son pote et à sa déception  après l’injustice de son exclusion des poteaux toulousains ; pas un seul instant où il n’a pas pensé à son Jéjé, se privant lui-même de la présence bénéfique de Nico ; pas un instant sans qu’il ne pense à son pote loin de lui, sans qu’il s’en veuille à mort pour la façon dont ils ses sont quittés la dernière fois qu’ils se sont vus ; pas un moment sans ressentir l’inquiétude que son pote, désormais seul et désorienté, puisse se mettre en danger ; pas un moment, sans que tout cela ne lui noue la gorge, lui vrille les tripes.

    Oui, depuis une semaine, Thibault a le cœur lourd, très lourd : un cœur qui en a encore pris un coup quelques heures plus tôt, lorsque Nico est allé lui parler. Car, à partir de ce moment-là, son cœur s’est encore alourdi un peu plus, de la honte d’avoir menti à Nico ; ou du moins de ne pas lui avoir tout dit, comme c’était le cas déjà l’avant dernière fois qu’ils s’étaient vus.

    Une grande résolution de profile dans son esprit ; une décision importante, terriblement difficile à prendre.

    Mais avant de cela, Thibault se dit que, dès demain, il va rappeler son Jéjé, et le convaincre de se voir pour discuter calmement ; il se dit que oui, demain il va trouver les mots pour sauver leur belle amitié ; que demain, il va retrouver son Jéjé.

    À cet instant précis, pour Thibault, tout comme pour moi, le lendemain semble encore plein de promesses.

    C’est reposant de se dire qu’il y aura toujours un demain pour faire ce que nous nous sentons pas le courage de faire aujourd’hui, pour trouver les mots que nous n’avons pas su prononcer plus tôt, pour nous reconcilier avec les personnes avec qui nous regrettons d’être fâchés : en somme, pour être en harmonie avec nous-mêmes ; pour être heureux, tout simplement.

    La nuit va bientôt se terminer et le vent d’Autan n’a rien perdu de sa vigueur ; il caresse ma peau, s’engouffre dans mes cheveux, essuie mes larmes ; il fait onduler les branches les arbres des allées, il balaie les feuilles que la sécheresse commence à faire tomber ; c’est encore lui qui qui fait osciller les câbles des lignes électriques, qui s’engouffre dans les places, les avenues, les rues de la ville rose, qui traverse les grilles du Boulingrin, que je contourne en rentrant chez moi, après avoir quitté l’appart de Martin au petit matin.

    Devant le Grand Rond, je ralentis le pas : je suis percuté par la violence du souvenir, ce tout premier souvenir de ma nouvelle vie, le souvenir d’un beau jour de mai, le souvenir de mon parcours, plein d’angoisses et d’inquiétudes, vers les « révisions », vers l’appart du garçon que j’aime depuis le tout premier jour du lycée.

    Je me souviens de cet après-midi ensoleillé ; ce jour-là, le vent d’Autan soufflait très fort dans les rues de la ville Rose. Puissant, insistant, caressant ma peau, s’engouffrant dans mes oreilles, me racontant le réveil d’un printemps qui se manifestait partout, dans les arbres des allées au feuillage triomphant, dans les massifs fleuris du Grand Rond.

    J’ai le net souvenir de la sensation de ce vent dans le dos, accompagnant mes pas, encourageant ma démarche, comme pour tenter de faire taire mon hésitation.

    Cette nuit encore, le vent d’Autan semble m’encourager à retrouver mon Jérém, dès demain.

    Oui, c’est reposant de se dire qu’il y aura toujours un demain pour faire ce que nous n’avons pas le courage de faire aujourd’hui…

    Je ne me lasse pas de cette caresse légère que le vent d’Autan pose sur moi ; c’est la même caresse qui glisse dans les moindres recoins de la ville, dans la place du Capitole, place Wilson, boulevard Carnot, rue de la Colombette, jusqu’à cette rue du centre-ville, là où une petite foule s’est amassée autour d’un gars à terre, inconscient, après que sa tête ait heurté violemment un mur en briques, lors d’une bagarre entre mecs bourrés…

    … la vérité c’est que nous ne savons rien de ce que demain nous réserve ; car, en une fraction de seconde, le temps d’un battement d’aile de papillon, la vie que nous connaissons peut se retourner, du tout au tout…

    Le vent d’Autan glisse sur mon visage, tout en glissant au même moment sur un t-shirt qui a été blanc ; mais qui, plus les secondes passent, plus il se tache copieusement de rouge vif…

    … la vérité c’est que la vie est un cadeau ; un cadeau dont il faut savoir profiter, tant qu’il est possible.

    Commentaires

    ZurilHoros

    09/07/2020 20:28

    Malgré toutes les saloperies qu’il à fait à Nico, on a de la peine pour Jérém qui est perdu.  

    ZurilHoros

    03/06/2020 18:41

    Nous y voilà, la conclusion de tant d’épisodes qui nous ont permis de suivre jours après jours quelques mois de la vie de Nicolas et à travers lui, de Jérémie, Thibault, et d’autres … Ce n’est pas le moindre talent de Fabien, l’auteur, que de savoir à nous faire entrer dans la tête de ce Nico. Voir par ses yeux et connaitre ses pensées, quelques fois lucides, quelques fois confuses. Et toujours son humour, sa douce ironie quand il se regarde en train de se débattre dans ses problèmes. Cet ultime épisode est presque aussi réussi que le précédant sur la forme. Il le surpasse en émotion et en signification. J’y avais cru, et je m’étais mis à espérer à un happy end. Peut être que Nico finirait par convaincre Jérèm d’aller plus loin que la quête du plaisir. Peut être que Jerem n’était pas si hétéro que ça. Jusque là, mis à part le sexe, Nico n’aura pas connu beaucoup de satisfactions avec Jérémie et il en est arrivé à se contenter de peu. Même sa « semaine magique » ne n’a pas parue si magique que ça. Il s’est laissé transformer en objet sexuel, ce qui a pu être flatteur, un certain temps.  Comme il attend plus, c’est surtout destructeur. En tant que lecteur, je l’ai vu se rabaisser et je me suis demandé si oui ou non, il finirait pas réagir. Nico, s’est offert à Jérèm comme un beau poulet rôti. Mais quand Jérèm a fini de manger le poulet, que reste t-il sinon la carcasse. Et que fait-on de la carcasse? On la balance à la poubelle, et c’est ce qu’il a fait. Jérèm n’était pas top en tant que top. C’est un égoïste, mal dans son slip, qui refuse les relations d’égal à égal ou même d’égal à égale. La sortie de la boite de nuit, avec les incidents de parcours, les réflexions homophobes, la crainte existante que tout bascule en agression et puis fausse alerte, rien ne se passe, on poursuit tranquillement… Jusqu’à la rencontre, brève, entre Jérémie et Nico qui marque un point final. <br />  <br /> Je trouve que la scène, hyper réaliste avec de très bons dialogues, est beaucoup plus parlante que le clash qui avait eu lieu chez ses parents. On y apprend deux choses essentielles. Premièrement que Nico a du cran ! il trouve la force de se sortir de cette spirale maso et je le trouve courageux de faire face, d’accepter que ça ne servirait à rien de prolonger le supplice. Il peut se faire violence et tenir tête à Jérèm. Il voudrait l’inverse, il aimerait encore mais il ne flanche pas. On comprend tout ça dans le dialogue. Deuxièmement on devine un peu plus la vraie nature de Jerem. Macho fidèle à lui même? pas tant que ça. L’auteur sait faire sentir par une nuance, un petit trouble, qu’il se passe quelque chose dans sa tête. C’est mieux rendu que pour la scène de rupture dans le pavillon des parents de Nicolas. Scène qui m’avait laissé sur ma faim. Grace à l’épisode précédent, 55.8, on en sait un peu plus sur Jérémie. Peut être que finalement, il n’était pas un de ces mecs, qui sont flattés de plaire, et qui exercent leur domination pour ce rassurer. Mais ce dragueur, bisexuel par opportunité, est-il plus PD qu’il ne se l’avoue? pourquoi sort-il tant, dans les boites gay si il est l’hétéro qu’il proclame être? Peut être que Nico avait raison, il n’avait pas rêvé. Peut être que si Jeremie avait été plus courageux, ou plus mature, une histoire entre eux aurait été possible. Ce que je vois pour la première fois, c’est que Jérèm est jaloux, non pas parce que Nico échappe à son pouvoir de séduction, mais parce qu’il va le perdre. On peut remplacer un cul par un cul, mais on ne remplace pas quelqu’un de spécial par l’identique. On ne sait pas encore cloner. Ce soir là, iI est trop en colère et orgueilleux pour faire un pas. Nico ne se retourne pas et Jerem a peur quand il réalise qu’une vie ailleurs est possible pour Nico. Il n’est plus un objet mais un sujet. Donc, le lecteur est triste, parce que c’est une histoire qui n’a pas eu sa chance, c’est un gâchis. Mais le lecteur, voit qu’il y a une suite alors il reprend un peu espoir. Maintenant, on sait que si il replonge, Nico pourra affronter Jerem à armes égales. Il a les ressources pour le faire, et il les aura de plus en plus en prenant confiance en lui. On sait que pour Jerem, Nico est quelqu’un de spécial. Plus de doutes possible. C’est une superbe histoire, foisonnante, une histoire d’adolescent qui découvre la vie et l’amour avec l’intensité des adultes. C’est top 

    Florentdenon

    13/07/2018 22:26

    Comme dirait Nico : cela ne peut pas se finir comme cela entre nous…Merci infiniment pour ces moments de lecture qui m’ont transporte.

    Gripsou22

    17/05/2018 08:14

    Merci Fabien pour ces 4 fabuleux épisodes ! Que Jerem ait enregistré Nico en « MonNico » dans son téléphone  c’est vraiment une preuve de son attachement ; c’est tellement mignon en plus comme terme. La crise de jalousie de Jerem devant Nico et Martin en est une preuve supplémentaire. La fin de l’épisode est vraiment très triste sur ce qui arrive à Jerem. J’ai vraiment hâte de lire l’épisode bonus !

    Virginie-aux-accents

    12/05/2018 15:43

    Je peux difficilement dire mieux que tous ceux qui viennent de t’écrire…  MERCI!!  J’ai hâte de lire le « bonus », mais aussi envie de le savourer lentement pour mieux attendre l’automne. Remarque : la bande-son de leur amour était en anglais, celle de leur séparation est en italien… c’est troublant.

  • JN01118 Un triste samedi soir toulousain.

    JN01118 Un triste samedi soir toulousain.

    Samedi 25 août 2001, au soir.

    Je quitte le Grand Rond, et je vais marcher sur le Canal. Je marche longuement, sans regarder l’heure. Je marche au milieu des ombres s’allongent peu à peu.

    Je n’ai pas envie de rentrer manger. J’envoie un message à maman, je prétexte une pizza avec des potes.

    Le jour se couche sur la ville rose, les derniers rayons du soleil se fanent, laissant derrière eux des couleurs et des nuances pleines de charme.

    La nuit s’installe peu à peu. Les arcades du pont Neuf s’illuminent, tout comme les candélabres du pont St Pierre qui semblent sortis d’un autre temps. Les berges de la Garonne entre les deux ponts sont éclairées comme en plein jour, permettant ainsi aux nombreux toulousains venus chercher de la fraîcheur au bord de l’eau de prolonger leur soirée jusqu’à tard.

    Sur les vastes marches qui amènent aux berges, un petit brun assis à mi-pente est en train de boire une bière. Il y a quelque chose de violemment sensuel dans sa façon d’être, dans son regard. Je croise son regard, il est fixe, insistant. Quoi lire dans ce regard ? Un désir ? Une invitation ? De la curiosité ? De l’hostilité ? Est-ce qu’il est ému par mon regard ? Ou bien, est-ce que ce regard n’est pas tout simplement un regard alcoolisé ? Est-ce qu’il est à deux doigts de se lever et de me cogner devant tout le monde ?

    Je finis par baisser les yeux, comme toujours intimidé, devant le regard d’un bomec.

    Je coupe le contact visuel, j’avance de quelques pas. Puis je me retourne, furtivement. Le petit brun regarde ailleurs. Quel con d’avoir pensé qu’il pourrait s’intéresser à moi ! Et a fortiori en ce moment, alors que ma détresse doit se lire sur ma gueule et agir comme un répulsif certain.

    Je trace mon chemin. Je me balade sur les berges, je longe le mur de soutènement de la route qui se déroule une vingtaine de mètres plus haut. Les briques rouges rendent petit à petit à la nuit la chaleur accumulée pendant la chaude journée estivale.

    Chaque mètre carré de verdure est pris d’assaut par le toulousain en mode détente.

    Sur l’étroite bande de verdure à côté de l’eau, une bande de potes est assise en cercle, comme une petite communauté qui se protègerait des intrusions externes. Des bouteilles de bière vides sont amoncelées au centre de ce petit cercle, comme des trophées d’une soirée simple et agréable.

    Un peu plus loin, un mec assis sur le rebord en pierre est en train de textoter, le dos penché en avant. Son t-shirt gris découvre un bout de peau de ses reins, c’est simplement beau.

    Un bobrun torse nu et casquette bleue vissée à l’envers sur la tête fait le clown, tout en buvant de grandes rasades de bière et en rigolant avec les potes assis sur l’herbe.

    Une force inexplicable me pousse à quitter le bord de l’eau, à remonter des marches pour aller faire un tour dans le quartier de la Daurade, ce quartier que je connais si bien pour l’avoir fréquenté tous les jours pendant trois ans.

    Petit pincement nostalgique en passant devant ce lieu, cette vieille et magnifique bâtisse que je n’ai pas encore appris à appeler « mon ancien lycée ».

    Plus qu’un lieu, une époque de ma vie désormais révolue, une époque dans laquelle j’ai laissé « mes anciens profs ». Une époque après laquelle j’ai vu partir, à jamais dispersés dans leurs vies respectives, « mes anciens camarades ». Une époque qui a vu ma vie d’adulte commencer sur les ailes d’un amour dévorant, un beau jour de septembre de trois ans plus tôt, lorsque j’ai croisé le chemin de vie d’un beau brun de 16 ans, avec son t-shirt noir déjà sexy. Un garçon qui m’a fait connaître le feu d’artifice de l’amour physique, sans jamais m’ouvrir l’accès à son cœur.

    Et maintenant, il va falloir que je m’habitue à appeler ce garçon « mon ex ».

    Je me surprends à penser à lui pour la première fois, en tant que mon « ex ». C’est tellement triste !

    Je me sens abattu, fatigué. Une partie de moi voudrait traverser la Garonne et rentrer à la maison.

    J’ai mal aux pieds à force de marcher. Mais l’idée de me retrouver seul dans ma chambre, dans ce lit où les souvenirs m’étouffent, me paraît encore plus insupportable que de continuer à marcher.

    Alors, je décide de rester encore un peu en ville. Ainsi, pour tenter d’anesthésier mes démons, je choisis le seul remède efficace que je connaisse. Celui qui consiste à m’abreuver, à m’étourdir, à m’énivrer de l’inépuisable beauté du « Masculin ».

    Je reprends la direction du Capitole, et j’entends des voix de mecs derrière moi. Du coin de l’œil, je détecte une bande de potes. Ils marchent vite, ils me doublent, ils rentrent dans mon champ de vision. Ils sont cinq.

    Un t-shirt blanc pas vraiment ajusté à un physique trop élancé.

    Un t-shirt gris bien coupé et casquette rouge, morphologie p’tit rugbyman un peu trapu.

    Un autre t-shirt me plait tout particulièrement : il est blanc sur le torse, avec les manchettes et les épaules jusqu’au col en bleu.

    Il y a un deuxième t-shirt gris, mais moins bien rempli que l’autre.

    Et, pour finir, un polo blanc sur une peau plus sombre, métisse.

    Shorts, pantalons légers, mollets poilus, d’autres moins, baskets. Brushing de bogoss, d’autres plus approximatifs. Voilà une bande de potes de vingt ans lancés à toute allure vers leur nuit toulousaine, laissant derrière eux de subtiles trainées de propre et de parfum. Laissant derrière eux comme des étincelles de bogossitude, la vibration étourdissante des vies anonymes, pleines de promesses, de tous ces p’tits mecs croquant leur jeunesse et leur sexualité bouillonnante.

    Une force irrépressible me pousse vers la place Wilson, puis vers la rue Gabriel Péri. Je passe devant la Bodega, ce pub dans lequel je ne suis pas souvent rentré mais où, lors de la soirée après le bac, j’ai fait une pipe mémorable à mon bobrun dans les chiottes.

    Boulevard Riquet, le vent d’Autan agite les frondes des platanes. Le néon rouge de l’enseigne du ON OFF fait office de madeleine pour me rappeler un autre souvenir avec Jérém.

    La nostalgie et la souffrance me déchirent le cœur. Putain de souvenirs ! Mais pourquoi notre cerveau et notre cœur ne disposent pas d’une fonction « Cliquez ici pour désinstaller toutes les composantes », fonction essentielle en cas de rupture sentimentale ?

    Je m’engouffre dans la rue de la Colombette, je ne peux m’en empêcher. Je trace, je marche vite, je sens mon cœur se serrer devant cette façade si familière, devant ce théâtre de nos premières révisions, cette scène où se joue désormais une autre pièce, avec d’autres acteurs.

    Je n’arrive toujours pas à vraiment réaliser que tout est fini, que j’ai perdu mon Jérém.

    Si je te perds, que vais-je faire ?

    Se perdo te/Si je te perds

    Se perdo te cosa farò/Si je te perds, qu’est-ce que je vais faire ?

    Io non so più restare sola/Je ne sais plus rester seul

    Ti cercherò e piangerò/Je te chercherai et je pleurerai

    Come un bambino che ha paura/Comme un enfant qui a peur

    (,) Se perdo te, se perdo te/Si je te perds, si je te perds

    Cosa farò di questo amore/Qu’est-ce que je vais faire de cet amour

    Ti resterà, e crescerà/Il restera, il grandira

    Anche se tu non ci sarai/Même si tu n’es pas là

    La rue de la Colombette défile devant mes yeux embués, je passe devant la Ciguë, à la façade discrète et sombre, ce bar à mecs dans lequel je n’ai jamais fichu les pieds.

    Je traverse Carnot, place Wilson à nouveau, rue d’Alsace-Lorraine, rue de la Trinité, place de la Trinité, avec sa fontaine ronde et ses trois statues se tournant le dos et tenant le bassin supérieur avec le bout de leurs ailes.

    Trois mecs déboulent juste devant moi en sortant d’un café. Bande de potes bogoss toulousains, tous plus mignons les uns que les autres. Ils s’arrêtent au milieu de la petite place, en rond, ils discutent. Ils sont bientôt rejoints par un quatrième pote, tout aussi charmant.

    Les quatre gars ne semblent pas pressés de partir, ils sont peut-être en train de décider où terminer leur soirée. Oui, comment vont-ils terminer leur soirée ? Avec qui vont-ils éventuellement prendre leur plaisir ? Est-ce qu’ils vont se faire un plaisir en solitaire dans leur lit ? Pourquoi pas entre eux ?

    Ils sont tellement beaux ! Leur énergie débordante de testostérone réveille une émotion qui va au-delà du désir charnel. Une émotion qui est contemplation, la même émotion qu’on ressent devant une œuvre d’art.

    Je les regarde, incapable de détourner mes yeux de la magie qui se dégage d’eux, jusqu’à ce qu’ils disparaissent dans une rue.

    Je fais un dernier tour de la place pour me laisser bercer par le joyeux brouhaha des jeunes toulousains qui font la fête entre potes dans la douce tiédeur d’une nuit d’été.

    Puis, je continue en direction des Carmes. Un mec me double et son parfum flotte et persiste dans l’air chaud de la ville.

    Place des Carmes, la façade discrète du B Machine qui me fait de l’œil. Happé par les lumières et les basses qui arrivent à filtrer à travers la porte, je me fige sur le trottoir.

    Je ne suis ni habillé, ni assez en forme, ni dans le bon mood pour en franchir le seuil. Pourtant, je frémis d’envie de passer cette porte métallique. Une envie qui se fait encore plus forte lorsque je suis obligé de me décaler pour laisser rentrer trois mecs. Lorsque la porte s’ouvre, la musique me percute de plein fouet. J’ai même le temps d’apercevoir l’ambiance feutrée de l’intérieur, et une salle fréquentée au-delà de ce que j’avais pu imaginer.

    Pourtant, faute d’une tenue et d’une forme mentale et physique adéquates, je décide de rentrer.

    En marchant vers la maison, je reconnais l’abribus où j’avais vu deux petits mecs en train de s’embrasser, la dernière fois que j’avais fait une longue balade nocturne en ville. Que sont-ils devenus ? Sont-ils toujours aussi amoureux ?

    À la maison, papa est en train de regarder un match de foot à la télé. Maman est en train de lire dans la cuisine.

    « Ça va mon loulou ? ».

    « Oui maman, ».

    Non, ça ne va pas : je viens de rentrer et tout me semble insupportable. Je n’ai pas envie de monter dans ma chambre, pas envie de m’y enfermer avec mes souvenirs et mes larmes.

    Soudain, je repense à la façade discrète du B Machine, comme la promesse d’une nuit qu’échapperait à la tristesse, à la désolation, à l’immense vide qui habite mon cœur. J’ai envie de me défoncer les tympans de musique techno, j’ai envie de danser. J’ai envie de m’enivrer de garçons, j’ai envie de savoir si je peux plaire, si je peux attirer les regards.

    Au fait, je ne sais pas trop de quoi j’ai envie cette nuit. Peut-être de sexe, et rien que de sexe, de m’étourdir de sexe. J’ai peut-être besoin de me retrouver dans un endroit où être gay est normal. J’ai envie de découvrir ce monde, de voir comment marche la drague entre mecs.

    « Je vais ressortir, je vais boire un coup avec des potes du lycée » j’annonce à la maison.

    Je me douche, je m’habille, t-shirt noir, jeans qui va bien, baskets jaunes, brushing au gel comme me l’a appris Elodie. Ça me fait du bien de me faire beau, de me sentir mis en valeur. De me regarder dans le miroir et de me dire que j’ai quand-même une chance de plaire.

    « Amuse-toi bien, Nico ! Et sois prudent » me glisse maman.

    Et je ressors de la maison en direction de la ville et de ses lumières.

    Il est minuit et la ville semble s’endormir suivant une vague qui part de la périphérie, et qui avance vers le centre-ville, mais sans jamais l’atteindre complètement. Car le centre-ville ne dort jamais.

    Je passe le pont St Michel et je regarde les lumières de la ville se projeter dans la Garonne. Le pont Neuf, le Pont St Pierre, et les clochers de la ville brillent de mille feux.

    Le vent d’Autan est très toujours là, toujours aussi puissant, il caresse ma peau, s’engouffre dans mes oreilles, semble accompagner mes pas.

    Un quart d’heure plus tard, je suis à nouveau place des Carmes, devant l’entrée discrète du B Machine.

    Je réalise que c’est la première fois que je m’apprête à rentrer dans une boîte gay, tout seul.

    J’hésite à rentrer. J’ai l’impression qu’une fois que j’aurai passé cette porte, que j’aurai approché ce « monde », une fois que je serai devenu un « pédé qui sort dans le milieu », une fois que j’aurai peut-être rencontré un mec comme moi et que j’aurai couché avec, à ce moment-là j’aurai tourné une page. Et j’aurai définitivement renoncé à mon Jérém.

    Je me demande comment et pourquoi j’en suis arrivé là. Pourquoi ça n’a pas marché avec Jérém. Pourquoi je n’ai pas su le garder auprès de moi.

    Une rafale un peu plus forte du vent d’Autan et la sensation d’un insupportable gâchis m’envahit, me prend à la gorge, aux tripes. J’ai envie de faire demi-tour, de rentrer chez moi, de pleurer.

    Vite, rentrer, avant de me faire rattraper par la détresse.

    Samedi 25 août 2001, 23h55.

    Lorsque je pousse la porte du B Machine, je suis frappé de plein fouet par la puissance des décibels. A droite de l’entrée, un escalier s’enfonce dans le sous-sol. c’est de là que vient l’incessante vibration de la musique techno.

    Mais dès qu’on avance un peu dans la salle au rez-de-chaussée, c’est une ambiance sonore plus apaisée qui est proposée aux clients. La magnifique « Angels » de Robbie Williams retentit dans la sono du haut.

    Enveloppée par une lumière tamisée sur des tons bleutés, la salle se développe toute en longueur, bordée sur la droite par un bar presque entièrement occulté par les nombreux clients assis et débout. Derrière le zinc, deux barmans et une barmaid s’affairent à servir tout ce beau monde.

    En face, sur ma gauche, un alignement de petites tables, toutes bondées.

    C’est d’un pas incertain que je m’aventure dans cet espace inconnu, comme un lionceau qui, un peu méfiant, un peu craintif, pas vraiment rassuré, prendrait sur soi pour poser ses premières traces dans la poussière de la savane. Intimidé par ce terrain nouveau, j’avance lentement, sur mes gardes, tout en essayant de me familiariser avec le lieu et sa faune, une faune quasi exclusivement masculine.

    Je ne sais pas si c’est à cause de mon air désorienté, ou de ma démarche un peu gauche, ou tout simplement du fait de mon statut de tête nouvelle. J’ai l’impression que les regards me suivent à la trace, et qu’on me toise de la tête aux pieds.

    A vrai dire, j’ai peur qu’on me trouve ridicule. Je ressens un peu la même crainte qu’au lycée, dans les vestiaires. Je ressens la crainte des quolibets. Pédé ! Pédé ! Bien évidemment, ce n’est pas ici que je risque de me faire traiter de pédé. Qui pourrait donc lancer la première pierre ?

    Non, ma crainte est de faire tache. De n’avoir ni le look, ni le style de l’emploi. Ma crainte est qu’après avoir détecté ma présence, personne ne la trouve intéressante. J’ai peur de faire office de papier peint.

    N’empêche que je suis captivé par cette ambiance feutrée, par la déco, par la musique, et par la présence de tous ces mecs. Je suis saisi par ce mélange de senteurs d’alcool, de fumée de cigarette, et de parfums divers. Je suis happé par les sons, les images et les arômes entêtantes d’une soirée pleine de promesses.

    Au fond de la salle, à côté du comptoir, un deuxième escalier s’enfonce lui aussi dans le sous-sol, tout en débitant le même boum boum techno que le premier. Ce qui me fait dire qu’il doit sans doute conduire au même endroit, c’est-à-dire une piste de danse.

    Attiré par les basses puissantes, et par la curiosité de compléter la découverte du lieu, j’attaque la descente. L’escalier n’est pas illuminé, et à chaque marche la pénombre se fait un peu plus sombre.

    La première rampe débouche sur un palier, presque plongé dans le noir. J’arrive à discerner une ouverture donnant sur un espace encore plus sombre, une ouverture délimitée par d’épais rideaux faits de bandes souples de plastique translucide. Naïvement intrigué par cet endroit mystérieux, je n’ai pourtant pas le loisir de mener bien loin mes investigations. Une priorité, une urgence indérogeable se présente à moi. Une rythmique familière vibre sous mes chaussures et dans mon ventre, m’attirant irrésistiblement vers le sous-sol.

    Je descends une nouvelle rampe. Jusqu’à déboucher dans une grande piste de danse, aussi grande que la salle du haut, emplie de centaines de mecs serrés comme des sardines, s’agitant au rythme d’un immense tube que je ne connais que trop bien et qui commence par :

    Hey Mister Dj, put a record on, I wanna dance with my baby

    And when the music starts, I never wanna stop, It’s gonna drive me crazy

    Music, music,

    Music, makes the people came together, yeeeaaaah !

    Music, mix the bourgeoisie and the rebels,

    Presque un an déjà que ce titre est sorti et me voilà enchanté de découvrir qu’il tourne toujours en boîte de nuit. Alors je me laisse aller, je cherche à me glisser dans la piste et à me mélanger à la foule pour danser moi aussi sur ce tube phénoménal.

    Je danse et je me sens bien, je danse et je me sens libre. Je danse pour essayer de m’enivrer de cette nuit, des lumières de la piste, de l’odeur du gaz de brouillard, de cette ambiance, de cet étourdissant parfum de fête. Je cherche à me mélanger, à me fondre dans la masse.

    Je danse et je laisse mon regard divaguer. Je capte des regards, je surprends des regards venant à moi. C’est grisant.

    La monumentale « Music » vient de se terminer, et je me laisse porter par la suite. Danser me fait du bien, la puissance des décibels et le mouvement de mon corps m’aide à faire le vide, à ne plus penser.

    J’aimerais tellement qu’Elodie soit là avec moi, en train de danser et de déconner avec moi, comme lors de cette folle nuit au « Fire », à Londres. C’était une soirée Madonna. J’avais dansé longtemps, enivré par l’idée de mes retrouvailles avec Jérém lors de mon retour à Toulouse.

    Je ferme les yeux pour freiner les larmes qui voudraient sortir, je pousse un immense cri silencieux pour me débarrasser de la solitude qui vient me trouver au beau milieu de cette piste bondée. Et je danse, toujours et encore, pour oublier, pour m’étourdir, pour m’épuiser, bien décidé à ne pas m’arrêter de sitôt.

    C’est lorsque je rouvre les yeux que je capte son regard fixe et insistant. Le dos appuyé au mur, installé à côté de l’escalier par lequel je suis venu, un mec est en train de me dévisager. Il me regarde, il me sourit. Et sa tête ne me semble pas inconnue. Mais il me faut quelques instants pour le remettre.

    Bien sûr que sa tête ne m’est pas inconnue. Je connais ce mec, j’ai même couché avec !

    C’était un samedi soir, tard dans la nuit, au tout début des « révisions » avec Jérém. Un SMS était arrivé au beau milieu de la nuit, me sommant de me rendre à l’appart « vite », pour « prendre cher ». J’avais foncé chez lui et, surprise, un troisième participant était de la partie. C’était Guillaume, le cousin de Jérém.

    Voilà d’où je connais ce mec qui est en train de me faire un petit coucou en levant son verre dans ma direction. L’idée de retrouver Guillaume ne m’enchante guère. J’essaie de fuir tout ce qui me ramène à Jérém. Mais le gars ne cesse de me regarder et de me sourire et je finis par quitter la piste pour aller lui dire bonjour.

    « Hey, salut, comment tu vas ? » fait-il, tout pimpant, en me claquant la bise.

    « Bien et toi ? ».

    « Bien, bien, alors, qu’est-ce que tu deviens ? ».

    « Ça va, j’ai eu mon bac, je passe bientôt mon permis, et à la rentrée, je vais aller à la fac à Bordeaux, ».

    « C’est cool, et tu vois toujours mon cousin ? ».

    Direct le sujet que je voulais éviter. Je savais que ce n’était pas un bon plan d’aller parler à Guillaume.

    « Non, je ne le vois plus » je coupe court.

    « Ah, dommage… ».

    « Tu es au courant qu’il a été recruté par un club de rugby à Paris ? » je tente de dévier le sujet.

    « Non, je ne savais pas, je n’ai plus de nouvelles de lui depuis… depuis cette nuit. Il va quitter Toulouse, alors ? ».

    « C’est ça… » je fais, sans joie.

    « Ne sois pas triste, tu trouveras d’autres mecs, t’es bogoss » il me lance.

    « Et sinon, vous vous êtes revus souvent après ce soir-là ? ».

    « Oui, pas mal de fois ».

    « T’en as, de la chance, toi ! ».

    « Mais elle est finie, la chance, il est revenu aux meufs ».

    « Quel gâchis ! ».

    « Et toi, tu l’as, revu, après ce soir-là ? ».

    Je ne sais pas pourquoi je me lance dans ce genre de question dont la réponse peut potentiellement faire mal.

    « Non, jamais… et c’est pas faute de lui avoir proposé pourtant ! ».

    « Tu lui as proposé ? ».

    « Je ne savais pas qu’il était avec toi ».

    « De toute façon, ça n’a plus d’importance » j’admets.

    « Et tu avais déjà couché avec lui avant ? ».

    Je ne sais toujours pas pourquoi je me lance dans ce genre de questions dont la réponse peut potentiellement faire mal.

    « Je l’ai sucé quelques fois, l’année dernière, mais il n’a jamais voulu me baiser, à part la fois où tu es venu ».

    Et sa réponse me fait mal.

    Définitivement, ce n’était pas un bon plan d’aller parler à Guillaume. Parfois, il faut savoir être impoli.

    Déjà qu’à la base je n’ai pas envie de parler de Jérém, je suis de plus en plus pressé de mettre fin à cette conversation qui, échange après échange, m’enfonce le moral. J’ai besoin de prendre l’air.

    « Je vais te laisser, je vais prendre un verre à l’étage ».

    « Je t’accompagne ».

    « Je vais retrouver des potes » je mens promptement.

    « Ah, ok, à un de ces quatre, alors » fait-il, visiblement déçu.

    Je remonte l’escalier, j’approche du comptoir et je commande mon mojito en pensant une fois de plus à Elodie. Je le bois lentement, tout en savourant le soulagement de m’être débarrassé de Guillaume.

    Mais mon répit n’est que de courte durée. Jusqu’à ce que mon regard tombe sur un mec assis à une table avec des potes. C’est un mec barbu, beau comme un Dieu. Nos regards se croisent, le sien semble me toiser, me caresser, me déshabiller. Ce qui est plutôt flatteur, vu le spécimen.

    Le fait est que ce mec non plus ne m’est pas inconnu. Là non plus je n’ai pas envie de seconder des « retrouvailles » qui finiraient inévitablement par ressasser les souvenirs de Jérém et d’une autre nuit torride dans l’appart de la rue de la Colombette.

    Je tente de détourner mon regard, mais il est déjà trop tard. Du coin de l’œil, je vois le mec se lever et approcher inexorablement.

    « Salut ! » fait-il, la voix chaude et charmante, en approchant sa joue de la mienne pour me faire la bise. Le contact avec sa barbe bien fournie et très douce me donne toujours autant de frissons.

    Je repense au soir où Jérém m’avait traîné au ON OFF et qui s’était finie en plan à trois avec ce beau barbu. Je repense leur petit combat de coqs pour savoir qui serait le « plus mâle » au pieu. Je repense à Jérém qui m’offre à cet inconnu, comme s’il s’en foutait de moi. Je repense à sa jalousie pendant que le bobarbu me baisait. Je repense au bobarbu qui lui balance ses quatre vérités au sujet de son arrogance et de son manque de considération à mon égard.

    Et je repense à Jérém hors de lui après le départ de ce mec. A Jérém qui me demande pourtant de rester dormir, ce qui permettra à cette nuit magique d’exister, nuit magique où nous avons partagé, pour la première fois, autre chose que du sexe. De la tendresse, et un petit début de complicité. Une nuit où je l’ai senti si proche, si humain.

    Pourtant, lorsque je m’étais réveillé le matin suivant, Jérém était parti. Je n’ai jamais su pourquoi.

    Nuit magique, nostalgie terrible.

    « Salut, » je finis par répondre au sexy Romain, tout en revenant de mes rêveries.

    « Comment ça va depuis le temps ? ».

    « Euh, bien, on va dire, et toi ? ».

    « Ça gaze, mais dis-moi, tu es seul ici ou bien tu es venu accompagné de ton chéri ? ».

    Et de deux. Il m’énerve déjà.

    « C’est pas mon chéri ! ».

    « Ah bon, je croyais… ».

    « Je suis venu seul » je coupe court.

    « Tu l’as laissé chez lui ? ».

    « Je ne le vois plus ».

    « Tu l’as enfin largué ? T’as bien fait ! Il ne te mérite pas ce mec ! ».

    « C’est lui qui m’a largué ! ».

    « Je pense que c’est le mieux qu’il pouvait t’arriver, ce mec ne te respecte pas ».

    « Arrête ton baratin tu sais pas de quoi tu parles ! » je m’emporte.

    « J’espère que ce n’est pas ce que je lui ai balancé ce nuit-là qui a pas foutu la merde entre vous deux » il ricane.

    « Non, au contraire, ce petit accident nous a rapprochés. Quand tu es parti, j’ai passé la nuit avec lui, et ça a été la plus belle nuit que nous avons passé ensemble ».

    « Ah, c’est nouveau ça ! Moi qui joue les Cupidons dans un plan à trois…décidemment, j’aurai tout entendu ! ».

    « De toute façon, c’est fini entre lui et moi ».

    « Alors, que s’est-il passé ? ».

    « Je prends un joker, s’il te plaît ».

    Je bois ma dernière gorgée de mojito pour me donner une contenance.

    « C’est si dur pour toi ? ».

    « Laisse tomber, s’il te plaît ! ».

    « Tu le kiffes vraiment, hein ? » il insiste pourtant.

    « Je le kiffais… ».

    « Tu le kiffes toujours ».

    « Peut-être, mais à quoi bon ? Je ne sais même pas où il est ».

    « Une fois de plus, ce mec ne te mérite pas ».

    Si seulement cet argument suffisait à calmer ma tristesse et ce sentiment d’abandon qui me hante !

    J’ai envie de pleurer en pensant à cette nuit déjà lointaine où j’ai été si bien avec Jérém.

    « Ou alors, c’est moi qui ne le mérite pas » je finis par lâcher.

    « Tu dis n’importe quoi ! ».

    « Peut-être bien… ».

    « Sinon… tu fais quoi… après ? ».

    « Je crois que je vais rentrer, je suis fatigué ».

    « Moi aussi je vais partir. Tu veux venir prendre un verre chez moi ? ».

    « Je ne sais pas si c’est une bonne idée ».

    « Pourquoi ça ne le serait pas ? ».

    « Je ne suis pas dans mon assiette ce soir ».

    « Allez, secoue-toi, tu ne vas pas te laisser gâcher la vie par ce type qui couche avec la moitié des mecs de cette ville… ».

    « De quoi tu parles ? ».

    « Quand on s’est rencontrés au ON OFF, j’avais eu l’impression d’avoir déjà vu ce mec ».

    « Mais où, ça ? ».

    « Dans « le milieu »… ».

    « Dans le milieu gay ??? ».

    « Ouaisss… ».

    « Tu te trompes ».

    « Non, je ne crois pas, je n’oublie jamais un beau mec. Je m’en suis souvenu le lendemain de notre nuit. Je me suis souvenu l’avoir vu à la Ciguë, au début de l’été. C’était un dimanche soir, je crois. Et il est reparti avec un pote à moi ».

    « T’es sûr de toi ? » je me décompose.

    « J’ai revu ce pote quelques temps après le plan avec vous deux et je lui en ai parlé. Quand je lui ai décrit le type, il s’appelle Jérémie, c’est ça ? ».

    « Oui… »

    « Et que je lui ai parlé de l’appart rue de la Colombette, il m’a dit qu’il s’était fait baiser par le même mec, au même endroit ».

    J’ai envie de vomir. Ainsi, Jérém ne m’a pas mitonné juste pour me faire du mal. Il a vraiment couché avec d’autres mecs. Lui qui ne veut pas être pédé ! Quel connard, mais quel connard !

    Mais pourquoi, pourquoi, pourquoi je me suis infligé ça cette nuit ? Pourquoi je suis venu à cet endroit de malheur peuplé d’êtres malveillants à la langue fourchue ? Pourquoi je ne suis pas resté dans mon lit à me branler ? Vraiment, j’avais besoin de tout sauf de connaître les exploits gays de mon ex.

    J’ai chaud, j’étouffe.

    « Allez, viens prendre un verre à la maison ! » il revient à la charge.

    « Je vais faire un dernier tour en bas et je vais rentrer ».

    « Comme tu voudras ».

    Je traverse la salle sans trop regarder autour de moi. Dans mon empressement, je ne fais pas gaffe au mec avec la chemise à petits carreaux noirs et blancs installé debout devant le comptoir, et que je le frôle involontairement au passage.

    Un nouveau mojoto à la main, je descends une nouvelle fois les escaliers du fond.

    Deux mecs surgissent à l’improviste de derrière les rideaux translucides du palier. Dans leur élan, ils manquent de me faire renverser mon verre. Le premier, un petit blond, s’excuse, tout en remontant l’escalier. Le deuxième trace son chemin. Pendant une fraction de seconde, nos regards se croisent. Visage connu, physique connu, mec connu. Est-ce qu’il m’a seulement reconnu, lui ? Rien dans son attitude ne le laisse présager. Dans son regard, que de l’indifférence. Comme si j’étais transparent.

    Pourtant, moi je l’ai bien reconnu. Le revoir, me replonge direct dans le mauvais souvenir d’une nuit où je me suis fait jeter par Jérém. Une nuit où, pour échapper à ma tristesse, je m’étais laissé faire par ce mec croisé devant le ON OFF et dont je n’ai jamais su le prénom.

    Il fallait qu’il soit là, lui aussi, cette nuit. Fidèle à lui-même, d’ailleurs, sortant de la backroom du B Machine en compagnie de son plan Q du soir.

    Sur la piste de danse, toujours aussi bondée, la musique martèle dans ma tête et entre en résonnance avec les battements de mon cœur. Je danse et je laisse une fois de plus mon regard parcourir ce paysage composé de tnt de mecs cherchant juste à échapper à la solitude d’un samedi soir.

    Tant de mecs, mais pas la force de tenter d’accrocher un regard, de tenter une approche. Il n’y a qu’un mec dont j’ai envie et ce mec m’est désormais inaccessible. Dans cette salle bondée de monde, je me sens seul comme je ne me suis jamais senti seul de ma vie.

    Croiser l’inconnu du ON OFF m’a fait penser à ce dont je n’ai pas envie. Baiser pour baiser, je ne peux pas. Non, pas ce soir, je m’en sens incapable.

    J’avale rapidement ma boisson et je remonte les escaliers. Je laisse mon verre au bout du comptoir. Et alors que je m’apprête à quitter les lieux, j’entends mon nom balancé au milieu des décibels.

    « Nico ! ».

    Je me retourne. À travers des lunettes carrées lui donnant un look étudiant-intello sexy, ses yeux marron foncé me fixent. Son regard intense, charmant et charmeur, aimante le mien. Son sourire, brûlant comme le soleil du mois d’août, m’aveugle.

    Sa chemise à petits carreaux noirs et blancs, parfaitement ajustée à sa plastique, les manches retroussées jusqu’aux coudes – chemise estampillée du logo à l’effigie d’un fameux reptile – retombe sur un beau pantalon orange. A son poignet, une belle montre de mec. Ses beaux cheveux châtains souples, bouclent légèrement sur le dessus. Sa barbe brune bien taillée donne du caractère à sa mâchoire.

    Bref, dans son look à la fois élégant et décontracté, le mec en jette. Car le type, il a la classe. Définitivement, Martin est le genre de garçon qui attire le regard, comme un rideau blanc la lumière du soleil.

    Décidemment, on dirait que tous les gays de Toulouse se sont donné rendez-vous au B Machine ce soir.

    Je me surprends à me réjouir de retrouver Martin. Et ce, malgré le malaise vis-à-vis de la façon dont je l’ai laissé tomber la dernière fois que nous sommes vus.

    « Bonsoir ! » il me lance en me claquant la bise.

    « Bonsoir, ».

    Sa barbe est dense mais douce comme une caresse. Alors que son parfum est capiteux, enivrant.

    Faire mes cours de conduite avec Julien a été une épreuve. Mais les faire avec martin aurait été une épreuve encore plus inhumaine. Car non seulement je suis attiré par lui, mais le gars s’intéresse également à moi. Entreprenant comme il l’est, ça aurait été dur de ne pas tomber dans un jeu de séduction.

    « T’as failli me casser une côte tout à l’heure, » il fanfaronne.

    « De quoi ? ».

    « Tu m’as pas vu quand tu es parti en laissant Romain en plan ? ».

    « Non, pardon ! J’étais pressé de m’en débarrasser. Mais tu le connais ? ».

    « Qui ne connaît pas Romain, le serial baiseur ! ».

    « Oui, qui ne le connaît pas… ».

    « Je crois qu’il n’a pas apprécié que tu le plantes, il n’a pas l’habitude » il se marre.

    « Il s’en remettra » je lance, tout en me demandant s’il a lui aussi déjà couché avec Romain et/ou s’il sait que j’ai couché avec.

    « Alors, que deviens tu depuis le temps ? Tu vas bientôt passer la conduite ? » il enchaîne.

    « Début septembre ».

    « Désolé de t’avoir fait faux bond, j’ai eu un petit accident ».

    « T’es toujours en arrêt maladie ? »

    « Eh, oui, je dois subir une petite opération dans quelques temps, j’en ai encore pour deux mois au moins ».

    « J’espère que c’est rien de grave ».

    « Non, pas trop grave, mais c’est dommage, j’aurais bien voulu te prendre à la conduite, et sur la banquette arrière aussi ! ».

    Des mots prononcés sur le ton de la boutade, pendant que ses yeux dégagent un petit regard lubrique.

    « Que de la gueule ! » je joue.

    « Tu me connais mal… » fait-il, mi farceur, mi challengeur.

    « N’empêche que tu m’as fait faux bond ! ».

    « T’as pas à te plaindre ! Du coup, t’as fait ça avec Julien, ce putain de bogoss sexy à se damner et chaud comme la braise. T’as dû te régaler à le mater ! ».

    « Ouiiiiii ! ».

    « Ce Julien dont le plus grand défaut c’est d’être excessivement hétéro, et ce, même après trois bières ».

    « T’as essayé de le faire boire ? ».

    « Et comment ! J’ai tout essayé, mais impossible de le convaincre à se laisser faire la moindre petite pipe ! ».

    « C’est un hétéro… ».

    « C’est surtout un petit allumeur, il chauffe tout le monde, filles, mecs, chiens, chats. Les filles, il en baise certaines. Mais avec les mecs, il n’ira jamais jusqu’au bout ».

    Au fond de moi, je ressens une sorte de frisson, un frisson incroyable car inespéré. C’est la grisante sensation, comme une délivrance, de pouvoir enfin partager avec quelqu’un tout ce qui était si secret pour moi avant. De réaliser que d’autres pensent comme moi et ressentent les choses comme moi.

    Et puis, Martin est le premier gars qui ne me parle pas de Jérém. Parler d’un autre bogoss m’amuse et me fait du bien.

    « Nous sommes devenus amis » je lui annonce.

    « Julien est un coureur mais c’est un bon gars » je considère.

    « J’en suis persuadé. Mais aussi un sacré allumeur ! ».

    « Ah, oui, quand-même ! ».

    « Il t’a chauffé ? ».

    « Un peu… ».

    « Il a voulu savoir si tu le trouvais sexy, non ? ».

    « En effet… ».

    « Il ne peut pas s’en empêchera, c’est maladif chez lui ! ».

    « Toi aussi il t’a chauffé ? » j’ai envie de savoir.

    « Juju est arrivé à l’autoécole ce printemps. Quand j’ai vu débarquer cette bombasse, j’ai été scotché. En plus, il est super sympa, il est marrant. Il a très vite commencé à me parler de ses plans avec les nanas. Alors, j’ai fini par lui dire que je m’en foutais d’entendre parler de chatte, car moi j’aimais les mecs. Il l’a très bien pris. C’était devenu un jeu entre nous, il essayait de deviner quels gars je kiffais parmi les candidats de l’autoécole, c’était génial !

    Très vite j’ai eu l’impression qu’il y avait une sorte de feeling entre nous. J’ai même eu l’impression qu’il me cherchait, qu’il me chauffait. J’ai fini par me dire qu’il y aurait peut-être le moyen de le mettre dans mon lit.

    Un soir je l’ai invité prendre un verre chez moi, on a bien rigolé, on s’est raconté nos vies. Il m’a posé plein de questions sur mes relations avec les mecs. Et, au bout de quelques bières, ses regards me semblaient particulièrement chauds et caressants.

    Je te raconte pas dans quel état j’étais ! J’avais bu moi aussi et alors, à un moment, je lui ai carrément dit que j’avais envie de lui faire une pipe. Comme il ne disait rien, j’ai fini par lui mettre la main sur le paquet. Il m’a regardé droit dans les yeux, avec son regard pétillant sexy à mort, j’ai cru qu’il allait me dire d’y aller. Mais il m’a dit : « Fais pas ça ».

    Et il s’est levé pour partir. Nous nous sommes retrouvés face à face. J’ai vu dans son regard qu’il était rond comme une bille, et j’ai trouvé que l’alcool ça lui donnait un petit air fragile et perdu qui le rendait, si possible, encore plus sexy que d’habitude.

    J’avais tellement envie de le sucer, à m’en arracher les tripes. Je me suis approché de lui, j’ai tenté de passer mes mains sous son t-shirt.

    Dans un premier temps, j’ai eu l’impression qu’il se laissait faire. Je suis même arrivé à effleurer les poils en dessous de son nombril. Je te raconte pas comment j’avais furieusement envie de le débraguetter et me mettre à genoux devant lui !

    Mais j’ai senti ses doigts attraper les miens et les stopper net. Ça a jeté un froid entre nous. Après, j’ai eu une autre opportunité de travail ailleurs. Si j’ai accepté, c’est aussi pour mettre de la distance entre nous. Parce que, ce mec me fait un effet bizarre… ».

    « Tu as trop envie de lui ? ».

    « Je crois que c’est plus que ça, Nico. Je crois que je suis, ah putain, ça m’arrache la gueule de le dire, tellement ça ne me ressemble pas, je crois que je suis, amoureux, de Juju ! ».

    « C’est beau ! ».

    « Non, c’est con, ce mec ne sera jamais à moi ! Un coureur de jupons et un coureur de caleçons, qu’est-ce que tu veux que ça donne de bon ? Je plains ses copines ! Être avec ce mec, c’est un sacerdoce ».

    « Quand je pense qu’il n’a pas voulu que je le suce parce que je suis un mec, alors que je ne lui demandais rien de plus que de lui faire ce que lui font ses copines, mais en mieux ! ».

    Je ne peux m’empêcher de me marrer de sa prétention.

    « C’est vrai, quoi, » s’excite Martin « je voulais juste lui faire plaisir ! Nous voulons juste leur faire plaisir à ces cons d’hétéros ! Pourquoi nous n’aurions pas le droit de nous faire plaisir en leur faisant plaisir ? Juju laisserait n’importe quelle greluche fouiller dans son boxer mais pas moi, juste parce que je n’ai pas de chatte. Une bouche, c’est une bouche, merde ! ».

    « Oui, je confirme, c’est très con un hétéro ».

    « Moi je pense que s’ils ont autant de réticence à se faire sucer par un mec, c’est parce qu’ils ont peur de trop aimer, et de plus pouvoir s’en passer. Ils ont peur de découvrir au passage des envies qu’ils ne pourront jamais assumer, comme de sucer ou même de se faire prendre…

    Il faudrait les priver de toute gonzesse ! Tu verrais qu’au bout d’une semaine, ils feraient moins les difficiles si un mec leur propose une pipe ! ».

    « C’est clair ! ».

    « Il fallait que je m’entiche de ce petit con de Juju, je te jure ! » fait-il, avec une certaine tristesse dans la voix.

    « Mais tu dois en tomber plein de mecs en boîte, » je tente de dédramatiser.

    « Oui, oui, j’en tombe. Enfin, j’en tombai. Depuis quelques temps, j’ai plus vraiment envie. C’est avec lui que j’ai envie d’être. Je donnerais une fortune pour sentir l’odeur de sa peau, pour le serrer contre moi, pour passer une nuit avec lui, pour avoir le plaisir de lui offrir du plaisir. Ça m’est arrivé de coucher avec des mecs et de jouir en pensant à Juju ».

    « T’es vraiment accro ! ».

    « C’est idiot, alors que je n’ai rien à espérer, » il considère.

    « Et toi, alors, t’as pas ton garde du corps ce soir ? » il enchaîne.

    Et de trois. Nico touché-coulé. Mais tant pis. Je suis prêt à partager ma détresse avec celle de Martin.

    « Je ne le vois plus, il m’a largué » je raconte pour la troisième fois cette nuit.

    « Ah, mince ! ».

    « Je suis désolé de t’avoir laissé en plan la dernière fois, » je profite pour m’excuser.

    « J’avoue que ça m’a fait bizarre. Moi non plus, je ne suis pas vraiment habitué à me faire planter. Mais bon, je ne peux pas te blâmer, si un mec pareil vient me chercher de cette façon, devant plein le monde en plus, je me laisse faire moi aussi ! ».

    « Oui, mais maintenant il ne viendra plus me chercher, nulle part » je considère tristement.

    « Dis, Nico. Ça te dit d’oublier nos bombasses impossibles et d’aller prendre un verre chez moi ? ».

    C’est la deuxième fois on me propose ça cette nuit.

    « On n’est pas obligé de baiser » il précise, en se marrant « on peut juste discuter ou mater un film ».

    Je n’ai pas envie de me retrouver seul à ruminer dans ma chambre, et Martin m’inspire davantage confiance que Romain.

    Je l’ai trouvé touchant et sincère lorsqu’il m’a parlé de ce qu’il ressent pour Julien. Comme quoi, en grattant un peu sous la surface, dans chaque coureur peut se cacher un esprit sensible.

    Alors, cette fois-ci, je décide d’accepter.

    Dimanche 26 août 2001, 2h47.

    Il est près de 3 heures du mat lorsque nous quittons le B Machine. Après l’overdose de décibels et les températures tropicales de la boîte, ça fait du bien de retrouver le silence et la fraîcheur de la nuit. La caresse du vent d’Autan est la bienvenue.

    En contournant le parking en spirale, nous entendons voler un : « Bande de pédés ! » sur notre passage.

    « N’y fais pas attention » me glisse Martin.

    « Surveille juste du coin de l’œil qu’ils n’approchent pas. Et si tu les vois approcher, cours le plus vite possible, et n’arrête pas tant que tu n’as pas croisé du monde. J’ai un pote qui s’est fait démolir par une bande de casseurs. Vraiment, y a des mecs qui ne méritent pas de vivre ».

    Nous marchons dans les petites rues en direction des allées Verdier.

    Nous n’avons pas fait 100 mètres que mon regard détecte une silhouette blanche et brune. J’ai beau être à plusieurs dizaines de mètres de distance, je reconnais illico sa façon de porter un beau t-shirt sur son torse sculpté. Je reconnais également une façon de fumer, éminemment sexy.

    Quinze jours depuis ce maudit vendredi 10 août. Quinze jours passés à tenter de l’oublier, à tenter de soigner mes blessures, à essayer de me donner l’illusion que je suis en passe de guérir de cet amour dévastateur.

    Pourtant, il me suffit de capter sa présence pour qu’en une fraction de seconde tout remonte, dans mon cerveau, dans ma chair. Son sourire pendant la semaine magique, sa langue fringante, ses baiser musclés, le goût de sa peau, son kif, mon kif, la puissance de ses giclées, le goût de son jus, ses coups de reins, ses doigts sur mes tétons, sa main sur ma queue, sa main qui me fait jouir. Notre dispute, mon coup, son coup.

    Jérém est là, installé dans la terrasse d’un bar, en compagnie d’une nana, de son frérot Maxime et de la copine de ce dernier. Ça ressemble à un pot de départ avant son déménagement à Paris.

    Nous avançons. Et même si nous marchons de l’autre côté de la route, il va forcément finir par me capter. Il va me capter en compagnie de Martin. Comme ce fameux soir en boîte.

    Pas après pas, j’ai l’impression que le sang se fige dans mes veines, que mon cœur est sur le point d’exploser après un ultime battement. Un coup si puissant qu’il défoncerait ma caisse thoracique. Ma tête tourne comme un tambour de machine à laver en mode essorage, mes muscles se crispent, mes tripes se vrillent, j’ai du mal à marcher, et même juste à respirer.

    Je cherche une issue pour éviter le choc frontal. Le t-shirt blanc approche vite et la collision est déjà inévitable.

    Si j’osais, je dirais à Martin de faire demi-tour, et je m’éviterais ce malaise. Mais je n’ose pas. Et puis, mon cerveau est comme paralysé, je suis incapable de me focaliser sur la moindre pensée. Ma volonté s’est faite la malle. Et puis, au fond de moi, je crève d’envie de croiser son regard. J’ai envie de voir sa réaction, tout autant que je la redoute.

    Un étrange mélange d’émotions s’agite en moi. Des frissons et des larmes, j’ai envie de pleurer et j’ai peur. J’ai peur de sa réaction lorsqu’il va me voir en compagnie d’un mec, et à fortiori ce mec, dont il a déjà été jaloux.

    Une partie de moi a envie de le voir jaloux à nouveau, comme une sorte de revanche sur sa méchanceté de cet horrible vendredi, et aussi par rapport au choc que me provoque le fait de le voir avec cette pouffe qui a pris ma place.

    Mais au fond, je ne ressens aucune envie de me « venger ». Je ne veux pas blesser son égo. Je voudrais juste avoir pris une autre route, et ne pas être sur le point de le croiser.

    Je sais que lorsqu’il va nous capter, ça va le faire bouillir. Je ne redoute pas un nouveau sketch comme la dernière fois à la sortie de la boîte de nuit. Il n’est pas seul, et nous sommes en public. J’ai du mal à imaginer qu’il puisse se lever et venir nous pourrir dans la rue.

    Ce que je redoute, c’est son regard, et le cheminement que cette « rencontre » va provoquer dans sa tête. Une infime partie de moi se dit que si jamais il existe une infime probabilité que Jérém revienne vers moi, elle pourrait être pulvérisée à l’instant même où il va me capter en compagnie de Martin.

    30 mètres… collision proche avec le t-shirt blanc…

    20 mètres… il est beau, beau comme un Dieu dans son t-shirt blanc immaculé, il est à hurler à s’en casser les cordes vocales !

    10 mètres… dernière possibilité de faire demi-tour…

    9 mètres… le blanc du coton, sa peau mate, chaude, douce, parfumée, l’encre noir des tatouages, tant de contrastes magiques, je craque !

    8 mètres… comment j’ai envie de caresser ses beaux cheveux bruns !

    7 mètres… le petit grain de beauté dans le cou, la chaînette posée sur le coton blanc, comment j’ai envie de lui !

    6 mètres, la largeur de la route… envie de le serrer dans mes bras, de le couvrir de bisous, de câlins, envie de son corps musclé sur le mien, et lui coulissant en moi, envie de tout avec lui, envie de retrouver la complicité de la semaine magique, envie de lui crier : « je t’aime ! ».

    Envie de passer inaperçu

    Envie de croiser son regard

    Envie de lui

    Et BAM !

    La collision visuelle survient. Au moment même où nous sommes pile à hauteur de la terrasse de l’autre côté de la rue, Jérém me capte, nous capte.

    Et je croise son regard. Ses yeux bruns se figent sur moi, son cou pivote au gré de mon avancement, son regard ne me lâche pas. Son regard fulmine comme un ciel de grand orage d’été. Et dans ce regard je vois de la colère et de la jalousie.

    Mais j’y vois aussi, et surtout, une immense déception, une infinie tristesse.

    Ce que je vois, c’est un immense gâchis.

    A quoi pense-t-il en me revoyant avec Martin ? Que j’ai toujours gardé contact avec lui ? Que j’ai peut-être même couché avec lui pendant nos révisions ? Assurément, que l’ai laissé prendre sa place au pied levé. Il doit se dire que je me suis bien vite consolé après notre rupture, après lui avoir dit « Je t’aime ».

    J’ai l’impression que son regard me dit avec sarcasme et amertume : « C’est bien, t’as trouvé un nouveau mec… ».

    Tutt’al più, mi accoglierai/Tout au plus, tu m’accueilleras

    Con la freddezza che, non hai avuto mai/Avec la froideur que tu n’as jamais eue

    Dans son regard, je vois à quel point ça le fait chier de me trouver :

    Assieme a quelle che, ha preso il posto moi/Avec (celle) celui qui a pris (ma) sa place…

    J’ai envie de crier que personne n’a pris sa place. Et que si ce soir je rentre avec Martin :

    Non è perché l’amore sia finito/Ce n’est pas parce que l’amour est terminé

    Io ti amo ancora/Je t’aime encore

    Oui, j’ai envie de lui crier que, non, personne n’a pris sa place, du tout ; que si j’ai accepté de finir ma soirée avec Martin, c’est juste parce que j’ai besoin de ne pas être seul, parce que je n’ai plus envie de pleurer en pensant à lui ; j’ai envie de lui crier que la présence de Martin à mes côtés est juste une façon de trouver un peu de répit à la souffrance, une façon de supporter cet immense gâchis.

    Mais à cet instant, la seule chose que je me sens capable de faire, c’est de partir loin, au plus vite, loin de lui, de ce malaise et des larmes que je sens monter en moi.

    Il doit penser que je suis déjà passé à autre chose, que j’en ai bien profité depuis deux semaines .

    E forse mi chiederai/Et peut-être tu me demanderas

    Quanti ragazzi ho avuto/Combien de gars j’ai eus

    Dimenticando te/En oubliant que tu (étais le plus important de tous pour moi)

    Il doit penser que je suis à nouveau amoureux. Ou peut etre que j’ai toujours été amoureux de Martin.

    Eppure tu sai bene/Pourtant, tu le sais bien

    Che una ragazza come me/Qu'(une fille) un mec comme moi 

    Non scherza con l’amore/Ne plaisante pas avec l’amour

    Non ha scherzato mai/N’a jamais plaisanté.

    J’ai l’impression que mes tripes se déchirent, j’ai l’impression que je vais me disloquer sur le trottoir, comme un jouet cassé.

    Les trois autres convives ne semblent se rendre compte de rien. Et Martin non plus. Martin me parle, mais je n’entends pas ses mots.

    J’ai envie de figer tout le monde à la Piper, sauf lui et moi, et aller lui parler, faire la paix, lui dire à quel point je l’aime, encore et encore, le couvrir de bisous, le serrer dans mes bras. J’ai envie que nous soyons seuls au monde. Car je suis certains que si nous étions seuls au monde, s’il n’avait pas peur des regards et des jugements, il s’autoriserait à être heureux avec moi.

    Au lieu de quoi, il y a maintenant quinze jours, tu m’as quitté en affichant un mépris qui me provoque toujours une immense souffrance.

    Tutt’al più mi offenderai/Tout au plus, tu m’offenseras

    Et tu mi caccerai/Et puis tu me chasseras (…)

    Dicendo che oramai/Me disant que maintenant

    Non t’interessa più/Tu ne te soucies pas plus

    Una ragazza che/Pour un(e) (fille) mec qui

    Serviva solamente/A servi seulement

    Per divertirsi un po’/Pour s’amuser un temps

    Puis, son regard se détourne du mien. Pendant un instant encore, je regarde mon Jérém, le regard vide, dans le vide, comme désemparé. C’est un regard dans lequel j’ai l’impression de lire le même souvenir qui m’arrache le cœur depuis que le destin, avec son ironie impitoyable, ait provoqué cette « rencontre » inattendue. C’est le souvenir de cette nuit à l’Esmé où j’avais failli partir avec Martin, le souvenir de son sketch, lorsqu’il était venu me chercher, me sommant de rentrer avec lui. Obtenant, au final, que je rentre avec lui.

    Un souvenir qui se met tout seul en parallèle avec cette nuit, où son regard est le même que cette soirée en boîte. Mais sa réaction n’est pas la même que ce soir-là. Bien sûr, le contexte n’est pas du tout le même. N’empêche que, contrairement au soir à l’Esmé, il n’est pas venu me faire de scène. Et que je suis en train de repartir avec ce même gars, sous ses yeux.

    Ses traits sont figés, ses lèvres sont serrées, parcourues par un frémissement incontrôlable. Sa pomme d’Adam bondit sous l’effet d’une déglutition fiévreuse. Son regard perdu, rempli de désolation, est le même que j’ai vu dans ses yeux la dernière fois qu’il est venu chez moi, après qu’il m’ait quitté, alors que j’essayais de le retenir. Et tout comme à ce moment-là, ce que je vois à cet instant, c’est un garçon très, très, très malheureux. Et ça me fend le cœur.

    J’ai envie de traverser la route…

    Mais à quoi bon ? Pour me faire jeter une fois de plus ? Je ne sais pas quoi faire pour annuler cette distance infinie qu’il a voulu, lui et lui seul, mettre entre nous. J’ai l’impression qu’un mur de verre infranchissable se dresse désormais entre nous.

    Je me suis battu pour approcher son cœur, depuis des mois. Et là, je n’ai plus l’énergie de me battre. Je n’ai plus l’énergie de me faire humilier, de me sentir rejeté.

    Avant de me dévisser le cou, je suis obligé de couper le contact visuel avec lui.

    Le tout n’a duré que deux ou trois secondes au total, ça m’a pourtant paru une éternité.

    Pendant que Martin et moi nous éloignons, j’ai l’impression de sentir son regard s’accrocher lourdement à moi, happer mon énergie, entraver le mouvement de mes jambes. Le fait est que mon corps est en train de s’éloigner DE lui, mais que mon cœur est resté AVEC lui. Mes pas sont de plus en plus pénibles au fur et à mesure que je tente de m’éloigner, comme si un élastique invisible était en train de se tendre entre ces deux bouts de moi. Jusqu’où cet élastique va se tendre avant de casser ?

    Sa colère, sa jalousie, son regard noir, avec son silence, son absence de réaction, sa façon de baisser les bras. Ma tristesse, ma frustration, mes larmes, avec mon silence, mon absence de réaction, ma façon de baisser les bras.

    Et BAM ! Voilà le grand coup de ressort qui ramène mon cœur à moi, mais en mille morceaux.

    J’avais cru que rien ne pouvait me faire davantage souffrir que notre dispute de cet horrible vendredi.

    Je me trompais. Cette nuit, alors qu’il ne s’est rien produit, à part un échange de regards, ma souffrance est renouvelée et portée à des sommets encore jamais atteints.

    J’ai envie de pleurer. De courir et de pleurer. D’être seul et de pleurer.

    « Mais ce n’était pas ton « garde du corps » le type en t-shirt blanc en terrasse ? ».

    « Si, si, c’était bien lui.

    Et je fonds en larmes.

    Chez Martin, nous avons pris un verre en parlant de nos amours impossibles.

    Puis, nous nous sommes allongés sur son lit. Il m’a pris dans ses bras, il m’a caressé, il m’a embrassé. Je l’ai laissé faire. Son parfum m’étourdissait, le contact avec sa peau chaude, avec son torse dénudé me faisait me sentir bien.

    Martin a été doux, attentionné, sensuel.

    Mon corps s’est donné à lui, mais mon esprit était ailleurs. Sans doute il en était de même pour lui.

    Nous avons mélangé nos solitudes et nos détresses.

    Se immagino che tu sei qui con me/Si j’imagine que tu es ici avec moi

    Sto male, lo sai!/Je me sens mal, tu sais!

    Voglio illudermi di riaverti ancora/Je veux me donner l’illusion de t’avoir à nouveau

    Com’era un anno fa/Comme c’était il y a un an.

    Io stasera insieme ad un altro/Ce soir, je suis avec un autre (…)

    Puis, Martin s’est glissé sur moi. J’ai couché avec lui, alors que mon cœur pleurait tout le long.

    Pazza idea di far l’amore con lui/Idée folle de faire l’amour avec lui

    Pensando di stare ancora insieme a te!/En imaginant d’être encore avec toi!

    Folle, folle, folle idea di averti qui/Folle, folle, folle idée de t’avoir ici

    Mentre chiudo gli occhi e sono tua/Pendant que je ferme les yeux et je suis à toi.

    Après l’amour, Martin s’est allongé sur moi, il m’a embrassé. Il m’a souri, je lui ai souri.

    Pazza idea, io che sorrido a lui/Idée folle, alors que je souris à lui

    Sognando di stare a piangere con te/Tout en rêvant de pleurer dans tes bras

    Folle, folle, folle idea sentirti mio/Folle, folle, folle idée de te sentir à moi

    Se io chiudo gli occhi vedo te/Si je ferme les yeux c’est toi que je vois.

    Et nous nous sommes assoupis l’un à côté de l’autre.

    Dimanche 26 août 2001, 4h32.

    Et je me réveille en sursaut. Il fait chaud dans l’appart et je sors chercher de la fraîcheur sur le balcon.

    Je regarde la ville endormie, j’écoute le silence de la nuit.

    Ma première pensée est le souvenir de Jérém assis en terrasse et de son regard empli de tristesse.

    Ce regard me hante. Car il me dit plus de choses de lui que cent-mille mots. Ce regard m’a infiniment touché.

    Soudain, je me sens prêt à aller le voir, où qu’il soit, avec qui qu’il soit, prêt à retourner toute la ville pour le retrouver et pour m’excuser de l’avoir frappé, et pour lui dire qu’il est la plus belle chose qui me soit arrivé dans la vie.

    Non, je ne peux pas me résigner à le perdre de cette façon, sans tenter une dernière fois de lui faire comprendre à quel point on pourrait être bien ensemble.

    Alors, à cet instant précis, je me dis que dans quelques heures je vais l’appeler, ou bien je vais aller le voir à la brasserie, et que je vais trouver les mots pour le convaincre de se voir et discuter calmement. Oui, je me dis que demain je vais retrouver mon Jérém.

    À cet instant précis, le lendemain me semble plein de promesses.

    La nuit va bientôt se terminer et le vent d’Autan n’a rien perdu de sa vigueur. Il caresse ma peau, s’engouffre dans mes cheveux, essuie mes larmes. Il fait onduler les branches les arbres des allées, il balaie les feuilles que la sécheresse commence à faire tomber. C’est encore lui qui qui fait osciller les câbles des lignes électriques, qui s’engouffre dans les places, les avenues, les rues de la ville rose, qui traverse les grilles du Boulingrin, que je contourne en rentrant chez moi, après avoir quitté l’appart de Martin au petit matin.

    Devant le Grand Rond, je ralentis le pas. Car je suis percuté par la violence du souvenir, ce tout premier souvenir de ma nouvelle vie, le souvenir d’un beau jour de mai, le souvenir de mon parcours, plein d’angoisses et de bonheur, vers la première « révisions » pour le bac, vers l’appart du garçon que j’aimais depuis le tout premier jour du lycée.

    Je me souviens de cet après-midi ensoleillé. Le vent d’Autan soufflait très fort dans les rues de la ville Rose. Puissant, insistant, caressant ma peau, s’engouffrant dans mes oreilles, me racontant le réveil d’un printemps qui se manifestait partout, dans les arbres des allées au feuillage triomphant, dans les massifs fleuris de ce même Grand Rond.

    J’ai le net souvenir de la sensation de ce vent dans le dos, accompagnant mes pas, encourageant ma démarche, comme pour tenter de faire taire mon hésitation.

    Cette nuit encore, le vent d’Autan semble m’encourager à retrouver mon Jérém, dès demain.

    C’est reposant de se dire qu’il y aura toujours un demain pour faire ce que nous n’avons pas eu le courage de faire aujourd’hui. La vérité c’est que nous ne savons rien de ce que demain nous réserve. Car, en une fraction de seconde, le temps d’un battement d’aile de papillon, la vie que nous connaissons peut se retourner, du tout au tout.

    La vérité c’est que la vie est un cadeau. Un cadeau qu’il faut chérir à chaque instant. Un cadeau dont il faut savoir profiter, tant qu’il est possible.

    La nuit va bientôt se terminer et le vent d’Autan n’a rien perdu de sa vigueur. Il souffle sur la peau de Nico, ébouriffe mes cheveux, essuie mes larmes, encourage mes bonnes résolutions d’aller une dernière fois vers mon Jérém, dès demain.

    Et c’est le même vent qui souffle sur un balcon à l’autre bout de la ville, et qui s’engouffre dans les magnifiques reliefs du torse dénudé de Thibault.

  • JN01117 Quand on a tout faux.

    JN01117 Quand on a tout faux.

    Samedi 25 août 2001, 17 heures.

    Le t-shirt noir dépassant du zip largement ouvert de son bleu de travail, la tête sous le capot d’une voiture de sport, comme toujours Thibault a l’air d’un gars bosseur, très appliqué à sa tâche.

    Il est 17 heures et je sais qu’il ne va pas tarder à débaucher.

    Je traîne sur le trottoir d’en face, tout en faisant mine de trifouiller mon téléphone, en attendant qu’il capte ma présence. Lorsqu’il lève enfin le nez, je lui adresse un signe de la main.

    Un signe qu’il me retourne, certes. Cependant, quelque chose me frappe tout de suite. Le beau sourire chaleureux et bienveillant auquel il m’a habitué, ne semble pas de la partie aujourd’hui.

    Un instant plus tard, il referme le capot de la voiture, raccroche les outils au tableau, se nettoie les mains dans un bout d’essuietout.

    Les battements de mon cœur s’emballent lorsque je le vois marcher droit dans ma direction. Malgré l’essuietout, ses mains et les avant-bras portent des traces de cambouis, il en porte même sur le visage. Il est craquant.

    Hélas, au fur et à mesure qu’il approche, force est de constater que non seulement son beau sourire semble être absent, mais qu’en plus, ses magnifiques yeux noisette tirant sur le vert ont l’air plutôt inquiets aujourd’hui.

    « Salut Nico… » il me lance, sans tenter la bise.

    « Salut Thibault… ».

    « Tu vas bien ? ».

    « Oui… oui… et toi ? ».

    « Ça peut aller… » fait-il.

    Avant d’enchaîner, sur un ton empressé, impatient, presque fiévreux :

    « Dis-moi, Nico… tu as des nouvelles de Jéjé ? ».

    Je sens les larmes monter à mes yeux en entendant le diminutif amical du prénom de ce garçon que je n’ai pas vy depuis deux semaines. Et, en même temps, je suis à mon tour inquiet de l’entendre me poser pile la même question que j’avais besoin de lui poser.

    « Non… ça fait deux semaines que je n’en ai pas… ».

    « Il fait chier ! » fait Thibault, à la fois agacé et soucieux.

    « Mais il n’est pas chez toi ? » je m’inquiète à mon tour.

    « Ça fait plus d’une semaine que je ne l’ai pas vu… ».

    « Et tu n’as aucune nouvelle depuis… une semaine ??? » j’angoisse.

    « Tu m’attends deux minutes, Nico ? Je vais me laver et on va prendre un truc ensemble ».

    Thibault revient cinq minutes plus tard. Le bomécano s’est nettoyé à la va vite, et des petites traces de cambouis persistent sur ses avant-bras puissants et au-dessus de son arcade sourcilière. Avec son regard un peu triste, si inhabituel chez lui, il est terriblement touchant.

    Nous nous installons en terrasse d’un bar à proximité du garage.

    « Et tu n’as aucune nouvelle depuis… une semaine ??? » je le questionne.

    « Si, j’ai su par des potes communs qu’il crèche chez une nana ».

    « Une nana ?!?! ».

    « Je crois bien, oui. Mais il ne répond même pas à mes appels » fait-il, tout en tripotant nerveusement sa canette de soda.

    « Mais qu’est-ce qui s’est passé ? ».

    D’habitude si calme, si posé, si maîtrisé, à cet instant précis, Thibault n’a l’air pas bien du tout dans ses baskets. Une sorte de frémissement de sa personne, tout un ensemble de petits gestes nerveux (son genou qui ne cesse de sautiller), maladroits (il a failli renverser sa canette), inaccoutumés (il sort un paquet de cigarettes de sa poche et il en allume une), semblent témoigner une anxiété certaine au lieu et la place de sa solidité naturelle.

    Je ressens une violente envie de le prendre dans mes bras pour le rassurer. Si seulement je le pouvais, le rassurer.

    Le bomécano expire la fumée de cigarette. Puis, il prend une grande inspiration, et il raconte.

    « Il a commencé à découcher le week-end d’il y a 15 jours. Le vendredi soir, il est venu chercher quelques affaires pendant que j’étais au taf. Et il m’a envoyé un sms pour me dire qu’il partait à Paris pour le week-end pour rencontrer des gars du Racing. Il ne m’a pas donné plus d’explications. Sur le coup, je ne me suis pas inquiété, j’ai cru que c’était lié à ses sélections… ».

    C’est le vendredi où nous nous sommes tapés sur la gueule. A coup sûr, Jérém a voulu cacher son cocard à son pote, et éviter ainsi de devoir donner trop d’explications.

    « Mais tu l’as quand même revu depuis ? ».

    « Il n’est revenu qu’en milieu de semaine dernière. Mais il n’avait pas été à Paris ».

    « Ah bon ? ».

    « Il m’a dit qu’il était resté à Toulouse et qu’il avait juste eu besoin de prendre l’air »

    « Et il a dormi où, alors ? ».

    « Ça, je ne sais pas, il n’a pas voulu me le dire non plus. Et en plus il avait un gros bleu sur la figure. Evidemment, il n’a pas voulu me dire ce qui lui était arrivé ».

    « Mais il ne t’a pas parlé de ce qui s’est passé entre nous ? ».

    « Non, il ne m’en a pas parlé. Qu’est-ce qui s’est passé ? ».

    « C’est avec moi qu’il s’est battu… ».

    « Avec toi ? Et c’est toi qui l’as cogné ? ».

    « C’était le vendredi d’il y a deux semaines, justement, le premier soir qu’il a découché de chez toi. Cet après-midi-là, il est venu chez moi, on s’est disputés et il m’a fait sortir de mes gonds. Mais je le regrette, si tu savais comment je le regrette ! ».

    « T’as pas à te justifier, Nico ».

    « J’ai cru que tu savais ce qui s’était passé et que tu m’en voulais de l’avoir frappé ».

    « Mais non, jamais de la vie, Nico. Je ne savais même pas que c’était avec toi qu’il s’était battu. Après, je sais aussi à quel point Jé peut être une tête de con quand il est en colère ».

    « Je suis soulagé qu’il n’y a pas de malaise entre nous. J’ai cru que ton silence c’était à cause de ça ».

    « Non, non, je t’assure ! Ça faisait un moment que je voulais t’appeler, mais les derniers jours ont été intenses. Le taf, la caserne, et tout le reste… ».

    « Je comprends, t’en fais pas. J’aurais dû t’appeler. Mais dis-moi… du coup il est parti à Paris pour les sélections ou pas ? ».

    « Si, si, il y a été lundi dernier et il est revenu jeudi, avant-hier ».

    « Et il a été retenu ? ».

    « Oui, ils l’ont pris ».

    Un mélange de joie sincère pour sa réussite, mais également de tristesse pour la distance géographique et sociale que cela va installer entre nous. Voilà l’état d’esprit qui s’empare de moi à cet instant.

    « Mais tu lui as parlé, alors ! ».

    « Pas vraiment. Jeudi soir j’ai essayé de l’appeler plusieurs fois pour savoir comment s’était passé à Paris. Il m’a répondu par SMS à trois heures du mat, en disant juste que c’était signé et qu’il allait démarrer les entraînements lundi prochain ».

    Lundi prochain ! C’est « demain » ! Lorsque les choses redoutées se précisent, on a l’impression de prendre une baffe en pleine figure.

    « Dans deux jours il repart à Paris et je ne sais même pas si je vais le voir d’ici là… » il considère tristement.

    « Mais pourquoi il se comporte de cette façon avec toi ? » je ne peux me retenir de lui demander.

    Thibault écrase son mégot, marque une pause, prends une grande inspiration. Il semble hésiter, autant sur la direction à donner à sa réponse que sur le choix des mots à utiliser, comme s’il avait un poids très lourd sur le cœur. Puis, il finit par se lancer.

    « La semaine dernière j’ai été contacté par le Stade Toulousain… ».

    « Le Stade Toulousain ? Et alors ? ».

    « Ils m’ont engagé ».

    « C’est vrai ?? Félicitations ! ».

    « Merci… ».

    « Mais c’est génial ! ».

    « Je sais. Mais je n’arrive pas à m’en féliciter autant que je l’aurais imaginé ».

    « Et pourquoi ça ? ».

    « Parce que mon recrutement a fichu un sacré coup au moral de Jé ».

    « Comment ça ? ».

    « La proposition du Racing est une belle opportunité pour lui. Mais son rêve de toujours était de jouer au Stade. C’était notre rêve à tous les deux. On rêvait d’y jouer ensemble, comme depuis toujours. Et maintenant que j’ai été recruté, et pas lui, ça lui a fichu un grand coup au moral. En plus, le ST c’est le Top14, le Racing, c’est la Pro D2. Nous n’allons même pas pouvoir jouer en tant qu’adversaires ».

    « Mais pourquoi le Stade Toulousain n’a pas recruté Jérém, alors que c’est l’un des meilleurs joueurs de votre équipe ? ».

    « Jé n’est pas l’un des meilleurs joueurs, Jé est de loin le meilleur ailier que je connaisse. Un gars comme ça, ça te change une équipe. Je pense que s’il a été laissé sur la touche, c’est plus à cause de son « petit » caractère ».

    « Comment ça ? ».

    « Jé est un gars qui s’emporte vite, surtout pendant le jeu. Il est sanguin, impulsif, râleur. Il s’est souvent pris la tête avec l’entraîneur, avec les arbitres, avec des co-équipiers et même avec l’équipe dirigeante. Jé n’est pas un champion de diplomatie, quand il a un truc à dire, il n’y va pas par les quatre chemins ».

    « Mais il faut reconnaitre qu’il sait jouer et qu’il sait analyser le jeu dans son ensemble. Et quand il n’était pas d’accord sur certaines stratégies de jeu ou sur l’attitude de jeu de certains joueurs, il l’a bien fait savoir ».

    « Il y a eu des accrochages ? ».

    « Oui. Mais le fait est qu’il avait souvent raison. On a commencé à bien jouer à la mi saison, quand il y a eu des changements tactiques suite à plusieurs défaites. Au final, c’est pas seulement grâce à ses qualités de joueur que nous avons gagné le tournoi. Mais aussi grâce à ses coups de gueule. Des coups de gueule qui lui ont couté parfois des matches sur le banc de touche. Et qui lui ont vraisemblablement coûté son recrutement au ST. Si tu savais comment ça me fait chier pour lui ! ».

    Thibault s’allume une nouvelle cigarette, son geste est machinal, nerveux.

    « Quand le ST m’a contacté, j’ai de suite su que ça allait créer un gros malaise avec Jé ».

    « Tu ne pouvais pas renoncer à cette opportunité ! Tu l’aurais regretté toute ta vie ! ».

    « Non, bien sûr, je ne pouvais pas refuser cette opportunité. Mais je ne veux pas devoir choisir entre une carrière pro et mon meilleur pote ! ».

    J’ai toujours vu mon pote Thibault bien dans ses bottes, plein de ressources, rassurant. J’ai toujours vu en lui le gars pour qui il n’y a jamais de problèmes, que des solutions. Alors, de le voir si déstabilisé, ça me fait mal.

    « Jé ne va pas bien en ce moment » il ajoute « j’ai peur qu’il fasse des conneries. J’ai peur qu’il lui arrive quelque chose… ».

    Je suis interloqué par ses derniers mots. Je me dis que si le bomécano est autant angoissé au sujet de son pote, c’est qu’il a des raisons de l’être. Et je me laisse gagner à mon tour par l’inquiétude.

    Après un instant de silence, lourd comme du plomb, Thibault écrase sa nouvelle cigarette – fumée qu’à moitié – dans le cendrier, et il finit par lâcher :

    « Nico… maintenant il n’y a plus que toi qui peut veiller sur lui ».

    « Mais pourquoi tu dis ça ? Vous êtes toujours potes quand même… ».

    « Je ne sais plus où nous en sommes avec Jé » m’annonce le bomécano, l’air de plus en plus affecté par toute cette affaire.

    « Le rugby nous a rendu comme des frères, et maintenant, il nous éloigne. Je n’aurais jamais cru que ça arriverait. Et pourtant… Il va falloir du temps pour que les choses se tassent. C’est pour ça que, pour l’instant, il n’y a plus que toi qui peut garder un œil sur lui… ».

    « Qu’est-ce que je vais pouvoir faire, moi ? Il m’a largué comme une merde ! ».

    « Il t’a largué en tant que petit ami comme il m’a largué en tant que pote. Le départ de Toulouse l’affecte beaucoup. Et quand il ne va pas bien, tu connais Jé, il envoie tout balader ».

    « Il me fait penser à un animal blessé qui réagit par la violence contre quiconque veut l’approcher ».

    « Mais tu connais Jéré mieux que moi, et tu sais mieux que moi comment l’approcher, comment lui parler… ».

    « Pas cette fois-ci. Il est tellement affecté par le fait que je vais jouer au Stade, et lui au Racing, que pour l’instant je ne suis pas la personne la plus à même de l’aider à aller mieux ».

    « Il t’en veut d’avoir été recruté par le Stade ? ».

    « Je ne crois pas qu’il m’en veuille vraiment. Mais il est très déçu, il est en colère. Je crois qu’il en veut à tout le monde. Je crois qu’il n’a pas envie de partir de Toulouse, mais pour l’instant sa seule opportunité est à Paris ».

    « Et Paris, ça veut dire s’éloigner de toi… ».

    « Après ce qu’il m’a balancé l’autre jour, s’éloigner de moi est le cadet de ses soucis ».

    « Il faut lire entre les lignes, Nico. Si tu tiens vraiment à lui, ne t’arrête pas à ses coups de sang ».

    « Si je l’appelle, je vais encore me faire jeter. Et, s’il le faut, il ne va même pas me répondre ».

    Thibault a l’air de plus en plus abattu et désarçonné. Le silence entre nous devient très vite insupportable.

    Son inquiétude et son désarroi me touchent au plus haut point. Et cette petite larme que sa main s’est empressée d’essuyer avant qu’elle ne glisse sur sa joue, m’en arrache des dizaines et me vrille les tripes. C’est bouleversant de voir un garçon comme Thibault si désemparé.

    Je me surprends à prendre ses mains entre les miennes, comme il l’avait fait lors de notre premier apéro, lors de mon coming out. Elles sont grandes, chaudes, puissantes.

    « Je te promets que je vais essayer de l’appeler » je prends sur moi.

    Soudain, la sonnerie de son portable retentit bruyamment.

    « C’était la caserne. Je dois partir en intervention » il m’annonce en raccrochant.

    « Je vais essayer de l’appeler, je te le promets » je répète, comme pour m’en donner le courage.

    « Et je te tiens au courant ».

    « Merci, Nico » fait Thibault en se levant de table.

    Nous nous prenons dans les bras ; et nous pleurons ensemble, en silence.

    Je réalise à cet instant à quel point j’étais dans le faux dans l’interprétation de son attitude depuis deux semaines. J’ai cru qu’il m’en voulait d’avoir frappé son pote, alors qu’il était lui aussi inquiet et malheureux.

    Oui, j’avais tout faux. Mais comment imaginer qu’un gars comme Thibault, sorte de pilier servant de repère à tous ceux qui ont la chance de le côtoyer, puisse ne pas aller bien ?

    Thibault est un homme, si jeune et pourtant si solide. Mais là, face à cette inquiétude qui le travaille, je découvre une toute autre facette de lui. Je découvre qu’au-delà de ce physique gaillard, de ces bras dans lesquels on se sent à l’abri et en sécurité, au-delà de cette force, de cette virilité, de cette maturité qu’il dégage, se trouve un jeune mec avec ses moments de doutes, ses angoisses. Et une fragilité qui n’est en aucun cas une faiblesse, mais juste l’expression la plus touchante de sa profonde humanité.

    C’est un Thibault dont j’avais parfois imaginé l’existence, mais qui se révèle là au grand jour. Et face à ça, je fonds.

    Je quitte Thibault bien déterminé à tenir mon engagement. Prendre des nouvelles de Jérém, coûte qui coûte.

    Je marche jusqu’au Grand Rond, je trouve un banc tranquille, je m’assois. Je tapote son numéro, j’appuie sur la touche verte de mon portable.

    Dès la première sonnerie, mon cœur est sur le point d’exploser.

    Deuxième sonnerie. Ma respiration est suspendue. Je sais qu’entendre sa voix va être une épreuve.

    Troisième sonnerie. J’étouffe. Le simple fait de l’appeler ravive ma souffrance. Pourquoi je m’inflige ça ?

    Parce que si je ne tente rien, je risque de le regretter, et de souffrir encore plus longtemps après. En prenant les choses en main, en forçant le destin, je pourrai au moins me dire « j’ai essayé ». Même si ça ne marche pas.

    Et parce que je l’ai promis à mon pote Thibault.

    Quatrième sonnerie. Le répondeur ne va pas tarder à prendre le relais. J’aurais dû m’en douter : le silence de sa part c’est tout ce que j’obtiendrais. Je me sens à la fois déçu et soulagé par ce silence. Je l’attendais, en vrai. Mais j’aurais au moins essayé.

    Mais ça décroche.

    « Allo, bonjour ? » fait une voix… de nana !

    J’éloigne le téléphone de mon oreille, je regarde l’écran. Il n’y a pas d’erreur, c’est le bon numéro.

    Tutt’al più, ti troverò/ Tout au plus, je te trouverais,

    Assieme a quelle che, ha preso il posto moi/Avec celle qui a pris ma place…

     « Allo ? Allo ? AAAAllooooo ! » j’entends insister cette voix de crécelle à l’autre bout des ondes.

    « C’est qui ? » j’entends demander en arrière-plan par une voix de jeune mâle. Illico, la vibration chaude et familière de SA voix vient remuer d’infinies cordes sensibles en moi.

    « C’est marqué « MonNico »… mais ça ne parle pas… c’est qui « MonNico » ? ».

    « C’est personne !!! » assène-t-il, en raccrochant précipitamment.

    Tutt’al più, mi accoglierai/ Tout au plus, tu m’accueilleras

    Con la freddezza che, non hai avuto mai/Avec la froideur que tu n’as jamais eue (…)

    Je glisse mon téléphone dans la poche comme un automate. Je suis sonné.

    « MonNico » !!!! Ces 7 lettres résonnent à tout rompre dans ma tête et dans mon cœur. Sept lettres qui semblent tout dire, tout révéler de ce qu’éprouve Jérém, tout ce qu’il n’a jamais voulu admettre. Sept lettres qui semblent contenir toutes les réponses que j’attends depuis toujours.

    Est-ce qu’il a vraiment pensé que je pouvais être son « MonNico », un Nico spécial à ses yeux, à l’instant où il a rentré ces sept lettres dans son répertoire ? Comment j’ai pu passer à côté de ça ?

    De toute façon, si tant est que ça ait pu être le cas à un moment, ça a cessé de l’être après son recrutement au Racing, après notre dispute. Et encore plus, après le choc du recrutement de Thibault au Stade Toulousain, ce qui a dû mettre un sacré bazar dans sa tête.

    Visiblement, c’est d’une nana dont il a besoin, désormais. Une nana qui, dans ce moment de grands changements, de colère, de frustration, un moment où même son amitié avec Thibault est mise à mal, va le rassurer au moins en tant qu’hétéro. Une nana avec laquelle il venait peut-être de coucher pendant que je m’inquiétais pour lui.

    Je savais que ce n’était pas une bonne idée de m’infliger le supplice d’aller vers lui.

    Qualche volta, penso di tornare da te/Parfois, je pense revenir te voir

    E se non l’ho ancora fatto/Et si je ne l’ai pas encore fait

    Non è perché l’amore sia finito/Ce n’est pas parce que l’amour est terminé

    Ioti amo ancore/Je t’aime encore

    Non l’ho fatto solo perché/Je ne l’ai fait parce que

    Perché ho paura/Parce que j’ai peur

    Di trovarti cambiato/De te trouver changé

    Ce coup de fil m’a doublement meurtri. D’abord parce qu’il m’a confirmé que j’ai perdu mon Jérém, car il ne souhaite plus avoir de contact avec moi. Mais aussi, parce qu’il m’a appris quelque chose que j’ignorais jusque-là, le fait d’avoir été un jour à ses yeux, sans m’en rendre compte, MonNico ».

    Aujourd’hui, « MonNico », « C’est personne ». Personne.

    J’envoie un SMS au bomécano :

    « Je l’ai appelé, c’est sa nana qui a répondu, mais lui m’a raccroché au nez ».

    Le vent d’Autan souffle, souffle, souffle. Il souffle et il emporte mes derniers espoirs. Il souffle et il disperse les cendres de mon amour.

    Je vais tout faire pour t’oublier, mon Jérém. Toi qui, pour ne pas être quitté, tu quittes.

    Commentaires

    ZurilHoros

    19/06/2020 13:29

    Un épisode lourd, c’est pesant tout ça. Il aurait pu s’appeler « instinct de survie ». Jérém est devenu ingérable, égoïste, jaloux, méchant.

  • JN01116 Après le déluge (partie 2, Gruissan – Toulouse).

    JN01116 Après le déluge (partie 2, Gruissan – Toulouse).

    Vendredi 17 août 2001, au réveil.

    Aussitôt réveillé, aussitôt une nouvelle douloureuse déception. A chaque fois que je regarde l’écran vide de mon portable, c’est une nouvelle, cuisante déception. Une nouvelle confirmation du fait qu’il est passé à autre chose, qu’il m’a oublié, qu’il ne reviendra jamais vers moi. Parce que sa vie est désormais ailleurs, sans moi. A chaque fois que je regarde l’écran vide, c’est comme si je me faisais quitter une nouvelle fois.

    Oui, il s’est déjà écoulé une semaine depuis ce vendredi noir, depuis cette triste date du 10 août, cette date qui me hante. C’est dur d’affronter tous ces « anniversaires », si rapprochés, si douloureux, après une rupture.

    Même à Gruissan, mon sommeil est irrégulier, insuffisant, je passe des longues heures nocturnes à ruminer des images, des mots, des souvenirs. Même à Gruissan, je traîne une fatigue dont je n’arrive pas à me débarrasser. Et la migraine me guette à chaque fin de journée.

    Depuis une semaine, je suis tellement sonné que je n’ai même pas ressenti le besoin de me branler.

    Ce matin, à l’issue de ce maudit rêve, je ne suis pas plus en forme. pourtant, malgré la tristesse et la désolation qui agissent en moi comme un poison, mon corps semble réclamer ces caresses et ces sensations qu’il a boudées depuis assez longtemps.

    Alors, je me branle. Je me branle et je ressens instantanément l’envie violente, déchirante d’avoir sa queue entre mes lèvres, sur ma langue, de tenir son plaisir dans ma bouche. Je me branle et je pense à ses giclées puissantes, à son goût de petit mec, si doux et si fort à la fois. Je me branle et je frémis dans mon entrejambe, dans mon ventre. Je me branle en écartant mes cuisses, en appelant ses coups de reins de toutes mes forces. Je me branle en pensant à sa belle petite gueule déformée par l’orgasme.

    Et je jouis. Je jouis en pensant à son plaisir, ce plaisir que je ne pourrai plus jamais lui offrir. Ce plaisir que je pourrai plus jamais m’offrir.

    Lorsque je reviens à moi, je me demande aussitôt avec qui il couche désormais, qui a la chance de le faire jouir aujourd’hui. C’est une nana ? Des nanas ? Un autre mec ? Est-ce qu’il a joui, hier soir ? Combien de fois a-t-il joui depuis vendredi dernier ? Comment prend-il son plaisir ? Est-ce qu’il fait des choses qu’il faisait avec moi ? En découvre-t-il d’autres ? Est-ce qu’il couche toujours avec capote, ou bien il a déjà franchi le pas de s’en passer ? A-t-il finalement trouvé ailleurs un plaisir plus grand que celui que j’étais capable de lui offrir ? Est-ce qu’elle – ou lui – se rend compte de la chance d’avoir ce petit Dieu, ce bogoss absolu, cette machine à sexe, dans son lit, dans sa bouche, dans son ventre ?

    Chacune de mes cellules pleure son absence. Une absence qui est partout en moi. La douceur, l’odeur, la chaleur de sa peau. L’harmonie et la puissance de ses muscles, l’étreinte de ses bras. Ses regards doux, ses sourires joueurs, sa façon de me faire l’amour pendant la semaine magique. Notre merveilleuse entente sensuelle, notre parfaite complémentarité sexuelle.

    Je pleure en repensant à son kif, à mon kif, à notre plaisir enfin partagé, de plus en plus incroyables. A notre complicité, de plus en plus détonante, avec pour point d’orgue cette pipe fabuleuse dans l’arrière-boutique de la brasserie.

    Tout ça, c’est fini.

    Quand je pense au plaisir sexuel que j’ai connu pendant des mois, j’ai envie de pleurer et de crier. Je me dis que plus jamais je ne retrouverai quelqu’un capable de me faire autant vibrer. C’était trop bon avec lui, et ça l’était parce que c’était si libre, sans soucis.

    J’ai pris un risque important avec lui, un risque que je n’aurais jamais dû prendre. Coucher avec lui sans capote ça n’a pas été très prudent. Non seulement je me suis laissé faire par ses envies, je me suis laissé porter par mes propres envies, par le désir déraisonnable que ce mec m’inspirait. Mais je lui faisais confiance, je croyais que tôt ou tard il ne serait qu’à moi.

    Je lui ai offert mon corps comme il le voulait, parce que c’était lui. Je lui ai donné tout ce qu’il voulait, et plus encore. Je me sens trahi, humilié. Par moments, je regrette de m’être autant donné à lui. A d’autres, de ne pas m’être assez donné.

    Et maintenant, l’idée que quelqu’un d’autre va en profiter à ma place me rend fou de jalousie. J’ai l’impression qu’on me déchire de l’intérieur.

    Je donnerais cher, très cher, pour goûter une fois encore, une seule, à son corps, à sa queue, à son jus.

    Pourtant, lorsque je repense aux trois mois qu’a duré notre relation, ce qui fait le plus mal, ce que je regrette le plus, c’est de ne pas avoir pu partager grand-chose d’autre avec lui que des bonnes parties de baise.

    J’ai toujours cru que ses résistances et ses barrières finiraient par sauter un jour, et que ses envies profondes, son besoin d’affection, de tendresse, d’amour, se dévoileraient.

    J’ai cru que ce jour je pourrais lui parler de mes sentiments sans me faire jeter.

    J’ai cru que ce jour nos bonheurs finiraient par s’apprivoiser, sans réticences.

    Et j’ai cru que je pourrais compter davantage à ses yeux que comme un simple jouet sexuel.

    Je me suis trompé.

    Thibault m’avait appris que, derrière la façade de mec assuré et un peu macho, Jérém était un garçon qui avait besoin d’être rassuré. Au fil du temps, j’avais compris à quel point il avait raison.

    J’ai cru que je réussirais à le mettre en confiance. J’ai cru avoir les épaules pour lui montrer que je pouvais être là pour lui, qu’il pouvait compter sur moi.

    Mais il aurait fallu pour cela être capable de le soutenir sans pour autant lui donner l’impression d’avoir besoin de moi. Sans lui donner l’impression d’être « faible ». J’aurais voulu être capable d’être là pour lui, tout en préservant sa fierté de mec.

    Mais cela est un jeu d’équilibriste que seul Thibault sait maîtriser.

    Je repense au maillot que j’ai ramène de Londres. J’avais fondé de grands espoirs sur ce maillot. J’avais voulu lui faire plaisir, j’avais imaginé son regard s’illuminer lorsqu’il le recevrait.

    J’avais imaginé ce maillot comme un moyen de lui montrer qu’il était bien plus pour moi qu’un très bon amant. Je voulais lui montrer que j’aimais faire plaisir au garçon que j’aime. Et je voulais lui faire plaisir en lui offrant quelque chose lié à sa passion, le rugby. Ce maillot aurait dû être la première chose que nous aurions « partagée » en dehors du sexe.

    Et même si pendant une fraction de seconde j’ai vu ce regard de gosse qui ouvre ses cadeaux à Noël, Jérém n’a pas voulu de mon présent. Il était sans doute impossible pour lui d’accepter ce cadeau – qui aurait créé un lien supplémentaire entre nous – au moment où justement il voulait couper tous les autres.

    J’aurais peut-être dû lui donner le maillot plus tôt, pendant la semaine magique. Ça aurait été le moyen de créer ce lien à un moment où tout était peut-être possible entre nous.

    J’ai sans doute été freiné par la peur. La peur que ce cadeau, en tant que démonstration trop tangible de mon amour, le fasse fuir, mettant un terme à la magnifique progression sur laquelle nous étions lancés.

    J’avais un atout dans mon jeu, je l’ai gaspillé n’ayant pas su le jouer au bon moment.

    Sur le coup, laisser le maillot à la brasserie m’avait paru une bonne idée. Maintenant, plus le temps passe, plus son silence radio s’allonge, plus j’ai l’impression d’avoir fait du forcing, de lui avoir mis un peu plus la pression en l’« obligeant » à accepter mon cadeau. Tout en rendant son patron « témoin » de tout cela.

    Il est même probable que le fait de se voir remettre le paquet, « de la part de Nico », l’ait mis mal à l’aise, en rendant encore plus forte sa détermination à s’éloigner de moi.

    Qu’est-ce que j’ai pu être idiot de m’imaginer qu’il enverrait un message pour me remercier de mon cadeau !

    S’il le faut, il l’a foutu à la poubelle sans même le regarder.

    Samedi 18 août 2001

    Ce matin je me réveille une fois de plus avec le moral dans les chaussettes. Mon premier geste est, comme chaque matin, de regarder si j’ai reçu un message sur mon portable. Bien évidemment, il n’en est rien.

    Et maintenant ? Est-ce qu’il n’y a que de la solitude dans mon horizon ? Comment reprendre goût à la vie, après le déluge qui a tout détruit sur son passage ?

    Sortir, rencontrer d’autres gars, réapprendre à faire confiance, tenter de deviner et de comprendre les sentiments de l’autre, me protéger, éviter à tout prix de souffrir encore. Coucher à nouveau, me protéger, éviter les MST. Je n’arrive à envisager rien de tout ça. De toute façon, je ne sais même pas si je vais réussir à rencontrer des gars. Des baises d’un soir, peut-être. Mais qui voudra d’une relation avec moi ? Qu’est-ce que j’ai réellement à offrir à un mec ?

    Et qu’est-ce que les mecs ont à m’offrir ? Qui sont les gays ? Que recherchent-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Un autre Stéphane, est-ce que ça existe ?

    Dimanche 19 août 2001.

    C’est aujourd’hui que Philippe débarque enfin à l’appart. Elodie est heureuse, et ça me fait vraiment plaisir pour elle. Le revers de la médaille, c’est que, du coup, elle est moins présente pour moi. Et je me retrouve à tenir la chandelle sous un parasol soudainement devenu trop petit.

    Alors, au bout d’un moment j’ai besoin d’air. Je marche seul sur la plage, je marche loin, longtemps.

    Je marche avec mes souvenirs, mes regrets, mes remords, ma souffrance. Heureusement, j’ai mes lunettes pour cacher mes larmes, et le vent pour les essuyer.

    Où est-il à cet instant précis ? Est-ce qu’il bosse toujours à la brasserie ? Est-ce qu’il est déjà à Paris ? Est-ce qu’il est en train de s’envoyer en l’air ? Avec qui ?

    Par moments, je suis transpercé par une violente envie de l’appeler, ou de lui envoyer un SMS.

    Depuis une semaine, j’ai été dix, cent, mille fois sur le point de tenter de reprendre contact avec lui. J’ai affiché son numéro, et j’ai fixé la touche verte de mon portable pendant de longues minutes, avant de renoncer. J’ai écrit, effacé, réécrit et ré-effacé un nombre incalculable de messages sur mon portable. Ils ne sont jamais partis.

    A chaque fois, l’envie de prendre de ses nouvelles a été censurée par un sursaut d’auto-préservation. Un jour, sur un coup de colère, j’ai effacé l’intégralité de nos échanges d’SMS. J’ai parcouru l’historique des appels, et effacé chaque trace de son contact.

    J’ai même fini par effacer son numéro de mon portable. Geste purement symbolique, car je connais son 06 par cœur.

    Le fait de ne plus avoir son prénom dans mon téléphone, le fait d’effacer des traces, des souvenirs, et de faire en sorte qu’il n’y ait pas de retour en arrière possible, ça me soulage.

    La présence constante de ma cousine me préservait de la tentation de faire des bêtises.

    Mais aujourd’hui, alors que je me balade seul sur la plage, je me sens sur le point de craquer, de lui demander des nouvelles par SMS. Lui demander des nouvelles, et certainement m’exposer à souffrir un peu plus encore, quelle que ce soit sa réponse. La plus probable et la plus insoutenable de toutes étant son silence.

    Je sais que le fait de chercher le contact avec lui équivaut à compromettre mon processus de guérison. et, aussi, à faire ressurgir des attentes absurdes, à recommencer à espérer un changement de sa part, à espérer son retour.

    Je sais que je n’ai rien à espérer, car il m’a fait trop mal. Pourtant, au fond de moi, il y a toujours un petit espoir, tapi sous les gravats de ma souffrance, l’espoir qu’il revienne vers moi.

    De toute façon, le problème ne se pose pas. J’ai laissé mon portable à l’appart. Alors, pas de SMS.

    Je retrouve Elodie et Philippe en toute fin d’après-midi et nous rentrons à l’appart pour dîner.

    Nous ressortons après, pour aller prendre un verre. On rigole bien, tous les trois. Enfin, surtout Elodie et Philippe. Moi, je me contente d’essayer de faire bonne mine. En réalité, je suis en train de rechuter. Tous les signes cliniques sont là. J’ai envie d’être seul. J’ai envie de ruminer ma peine. J’ai envie de chialer.

    Alors, quand aux alentours de minuit ils annoncent leur envie de rentrer à l’appart, je prétexte une forme pétante et le besoin de me balader un peu, beaucoup, pour mieux préparer mon sommeil.

    C’est ce que je vais faire, marcher. Marcher sur le port, dans le village, jusqu’à la plage, m’imprégner de la douceur du soir, du son apaisant de la mer, du chant insouciant des cigales, de la présence de quelques bogoss ici et là.

    Je marche pour tenter d’échapper à mes démons. Tentative vaine, ils me collent de près. Je n’arrête de penser à Jérém. Ce soir, il me manque horriblement.

    La nuit avance, la chaleur disparaît et une brise fraîche vient caresser ma peau.

    Je repense à mon cocard qui disparaît de jour en jour. Bientôt, il n’en restera plus la moindre trace. Et ça me rend triste. Car j’y tiens à ce bleu. Ce qui est tout bonnement paradoxal. J’ai envie de tout oublier de cette histoire, jusqu’à même oublier d’avoir été amoureux. Et pourtant, je m’accroche à ce bleu, jusqu’à souhaiter qu’il ne disparaisse pas. Ce bleu est le dernier contact que j’ai eu avec Jérém.

    Les images de nos étreintes se bousculent dans ma tête, son beau sourire pendant toute cette semaine merveilleuse, le bonheur le prendre dans mes bras et de lui faire des bisous. Je suis percuté par une déchirante envie de remonter le temps pour être avec lui encore, pour revenir à cette semaine magique ou tout était si beau, remonter le temps pour trouver le moyen de le retenir.

    Vraiment, ce soir il me manque horriblement. Ce soir, j’ai envie d’entendre sa voix. Je sais que ça va me faire plus de mal que de bien, mais j’en ai trop envie. J’ai besoin d’entendre sa voix pour savoir s’il va bien. Et pour tenter de retrouver un espoir. Ce soir, j’ai besoin d’un espoir.

    Heureusement, mon portable est resté à l’appart. Malheureusement, ma carte bleue est dans ma poche, son 06 gravé dans ma tête. Et je connais l’emplacement des cabines téléphoniques. Cabines qui ont en plus un avantage certain, celui de garantir l’anonymat de l’appelant.

    J’hésite pendant de très longues minutes devant le petit clavier métallique.

    Je finis par taper les dix chiffres, les doigts tremblants, le cœur dans ma gorge. Rien que le fait de les voir s’afficher sur le petit écran me donne le tournis.

    Ça sonne. Je ne sens plus mes jambes, je suis obligé de m’appuyer contre la paroi vitrée. À chaque sonnerie, mon cœur a des ratés, et je sens mon élan s’enrayer. Finalement, je crois que je préférerais tomber sur son répondeur, entendre sa voix enregistrée, et raccrocher avant le bip.

    Cinquième sonnerie, mon vœu semble en passe de se réaliser.

    Pourtant, ça finit par décrocher.

    « Oui ? ».

    Et le timbre de sa voix de mec, son ton un brin sec, vient faire vibrer tant de cordes sensibles en moi.

    Je ne veux pas lui parler. De toute façon, je ne peux pas, ma langue est nouée, mon cerveau paralysé.

    Les secondes s’enchaînent, mon silence devient suspect.

    « Allo ? » fait le bogoss, agacé.

    Je sais que c’est le moment de raccrocher, avant de me faire envoyer chier. Pourtant, je n’arrive pas à m’y résoudre. Une partie de moi voudrait me faire connaître, lui dire que c’est moi à l’autre bout du fil, lui dire à quel point il me manque, à quel point je crève d’envie d’être avec lui.

    « Alloooooo ? » il relance, déjà emporté.

    Putain, qu’est-ce qu’il me manque ! Rien que d’entendre sa voix, tout remonte en moi. J’ai connu le bonheur, et je l’ai perdu. Je ressens au fond de moi une immense, douloureuse nostalgie pour ce Paradis Perdu. Je sens que je vais encore chialer. Je dois me retenir. Je dois mettre fin à cette « conversation ». Mais je n’en ai pas la force.

    Mais lui, si. Une seconde plus tard, le contact est interrompu. Jérém vient de raccrocher.

    Je marche, je pleure, je marche et je pleure pour tenter de me calmer. Je marche et je pleure jusqu’à l’épuisement. Je rentre à l’appart vers 3 heures, je suis en miettes. Et pourtant, je n’ai pas envie de dormir. J’ai trop les nerfs en pelote. J’ai besoin de m’étourdir jusqu’à tomber de sommeil.

    J’allume la télé et je tombe sur une émission d’Arte. En général, les émissions de la nuit d’Arte c’est bien pour aider à trouver le sommeil.

    Mais pas cette nuit. Car, une fois n’est pas coutume, l’émission de cette nuit arrive à capter mon attention toute entière.

    Il s’agit de la rediffusion d’un documentaire consacré à une chanteuse vénitienne très populaire en Italie, mais pratiquement inconnue en France. Son nom est Patty Pravo.

    Sur des images d’archive des années 70, la voix off la décrit comme une artiste atypique et inclassable dans le paysage de la variété musicale italienne. En raison d’un répertoire dont les thèmes récurrents sont la fin de l’amour, l’abandon, le manque, et la solitude, la star italienne est définie comme « la chanteuse du chagrin d’amour ». Une artiste qui est devenue, au fil des années, une icone gay.

    L’émission alterne des interviews de l’artiste avec des extraits de ses chansons.

    Ragazzo Triste/Garçon triste

    Ragazzo triste come me (…)/Garçon triste comme moi (…)

    che sogni sempre come me (…)/qui rêve toujours comme moi (…)

    (…) Nessuno può star solo/Personne ne peut rester seul,

    Non deve stare solo, quando si e’ giovani così/Ne devrait pas être seul quand on est si jeune

    La Bambola/La Poupée

    Tu mi fai girar, tu mi fai girar/Tu me fais tourner, tu me fais tourner

    Come fossi una bambola/Comme si j’étais une poupée

    Poi mi butti giu, poi mi butti giu/Puis tu me jettes, puis tu me jettes

    Come fossi una bambola/Comme si j’étais une poupée

    Non ti accorgi quando piango/Tu ne t’en rends pas compte quand je pleure

    Quando sono triste e stanca/Quand je suis triste et fatiguée

    Tu, pensi solo per te/Toi, tu ne penses qu’à toi

    Se perdo te/Si je te perds

    Se perdo te cosa farò/Si je te perds, qu’est-ce que je vais faire ?

    Io non so più restare sola/Je ne sais plus rester seule

    Ti cercherò e piangerò/Je te chercherai et je pleurerai

    Come un bambino che ha paura/Comme un enfant qui a peur

    (…) Se perdo te, se perdo te/Si je te perds, si je te perds

    Cosa farò di questo amore/Qu’est-ce que je vais faire de cet amour

    Ti resterà, e crescerà/Il restera, il grandira

    Anche se tu non ci sarai/Même si tu n’es pas là

    Tutt’al Più/Tout au plus

    Parfois, je pense revenir te voir /Et si je ne l’ai pas encore fait 

    Ce n’est pas parce que l’amour est terminée/Je t’aime encore

    Je ne l’ai fait parce que/Parce que j’ai peur de te trouver changé 

    Pazza idea/Idée folle

    Se immagino che tu sei qui con me/J’imagine que tu es ici avec moi

    sto male, lo sai!/Je me sens mal, tu sais!

    Voglio illudermi di riaverti ancora/Je veux me donner l’illusion de t’avoir à nouveau

    com’era un anno fa/comme c’était il y a un an.

    Pazza idea di far l’amore con lui/Idée folle de faire l’amour avec lui

    pensando di stare ancora insieme a te!/pensant que je suis encore avec toi!

    Folle, folle, folle idea di averti qui/Folle, folle, folle idée de t’avoir ici

    mentre chiudo gli occhi e sono tua/Pendant que je ferme les yeux, je suis à toi.

    Et aussi :

    Non andare via/Ne me quitte pas

    Une reprise qui n’a pas besoin de présentations.

    Cette nuit, je découvre une artiste, une femme dont les chansons me frappent droit au cœur. Cette nuit, je sais que moi et Patty, ce sera pour la vie. Cette nuit, je me dis que je veux apprendre l’italien.

    Il est cinq heures du matin, je viens enfin de me coucher. Mon téléphone émet un petit son de réception de message. Réflexe pavlovien, mon cœur s’emballe au quart de tour. Au fond de moi, j’espère toujours que ce sera un message de Jérém.

    Une fois de plus, ce n’est pas le cas.

    « Hey, tu bronzes, le veinard ? Mate pas trop les mecs sur la plage ! ».

    C’est un message de Julien, l’adorable jeune loup blond.

    Jeudi 23 août 2001, la veille du départ.

    C’est décidé, demain nous allons quitter Gruissan et rentrer à Toulouse.

    Ça va faire deux semaines que nous sommes partis. Deux semaines depuis la dispute avec Jérém. Deux semaines que je ne l’ai pas vu. Deux semaines, rien que deux semaines. Et pourtant, j’ai l’impression que ça fait un siècle que j’ai quitté Toulouse.

    Oui, ça fait deux semaines que j’attends un SMS qui n’est jamais venu. Il m’a déjà oublié. Il n’y a plus de place pour moi dans sa vie.

    L’idée de rentrer au bercail me parait bizarre. Et angoissante.

    Je réalise que je viens sans doute d’affronter la quinzaine la plus dure, la plus difficile, la plus éprouvante de ma vie. Et je suis conscient que si j’ai pu passer ce cap, c’est parce que j’ai eu la chance d’être très bien entouré. La chance d’avoir une maman adorable, une cousine fantastique, des potes formidables comme Stéphane ou Julien, ou encore Thibault. La chance d’être écouté, compris, accepté, aimé.

    Combien de jeunes gays de 18 ans, ou plus jeunes encore, ont cette « chance » ? Combien de jeunes mettent fin à leurs jours, non pas parce qu’ils se sont faits larguer, mais parce non seulement ils sont harcelés dans leur quotidien, parfois agressés, mais aussi rejetés par leur famille ? Combien de jeunes gays choisissent de partir parce que leur vie n’est plus supportable, parce qu’ils ne peuvent compter sur personne ?

    Soudain, un souvenir remonte à mon esprit, un souvenir qui revient du fin fond de mon enfance. J’avais genre 9-10 ans, lorsque j’ai vu une scène à la télé qui m’a marqué comme peu d’autres.

    Les détails sont flous, il me semble que c’était un film d’animation réalisé dans un style naïf et épuré, en noir et blanc.

    Dans la séquence, on voyait un bonhomme qui avait l’air complètement désespéré (sans que l’on connaisse les raisons de sa détresse) se jeter du toit d’un building.

    L’immeuble est haut, et sa chute dure longtemps. D’autant plus que, par la magie de l’animation, sa vitesse de chute n’augmente pas de façon exponentielle, mais reste constante. Et, surtout, bien en déca des lois de la gravité terrestre.

    Alors, pendant sa chute « artistiquement aménagée », le bonhomme voit défiler, étage après étage, des vies qui lui sont inconnues.

    A travers une fenêtre, il voit une belle femme qu’il a soudainement le regret de ne plus pouvoir connaître.

    Derrière une autre fenêtre, il voit des gens qui font la fête, et qui lui paraissent très sympathiques. Derrière une troisième, il voit un couple qui s’embrasse et qui a l’air heureux.

    Fenêtre après fenêtre, le bonhomme se surprend à envier les vies de toutes ces gens. Et aussi la vie qu’il aurait pu avoir en osant aller à la rencontre de ces gens.

    Le sol approche inexorablement et en cet instant ultime, le bonhomme n’a plus du tout envie de mourir.

    Ainsi, sa dernière pensée avant de se fracasser au sol, c’est le regret de quitter cette vie qui lui semble à nouveau belle, le regret d’avoir commis un geste qu’il considère finalement stupide.

    Au final, le bonhomme termine sa vie en se trouvant stupide.

    Mettre fin à ses jours ce n’est jamais la bonne solution, même si ça peut le sembler dans un moment de désarroi. Rien ne vaut ce geste, et surtout pas les cons qui s’emploient à rendre insupportable la vie d’autrui. Même pas le chagrin le plus insupportable ne vaut pas tant qu’une vie.

    La fin d’un amour c’est un gâchis épouvantable. Mais il n’est pas plus grand gâchis que celui de ne pas découvrir ce que l’avenir nous réserve.

    Malgré tout, je redoute le retour sur Toulouse. Je sais que je ne suis pas encore complètement guéri, loin de là. Je redoute les souvenirs qui vont venir à moi à l’instant où je vais retrouver les lieux familiers, cette ville, ses rues, cette maison, la chambre qui ont servi de décor à mon premier amour, désormais fini.

    Une seule chose est capable de rendre l’idée de ce retour moins insupportable. C’est la perspective de retrouver ma maman, cette maman que j’adore et qui est désormais au courant.

    Pendant le séjour à Gruissan, je l’ai eue régulièrement au téléphone. Ça m’a fait du bien de sentir sa présence, cet amour, cette bienveillance qui chauffe et soigne les blessures.

    Quand j’y pense, j’ai encore du mal à me dire que maman est désormais au courant. Et je regrette que mon coming out ne se soit pas du tout passé comme je l’avais imaginé.

    J’avais imaginé lui annoncer que j’étais gay le jour où je serais heureux avec un garçon. Elle l’a découvert en assistant à une dispute, elle a été confrontée à l’image de la violence, des coups, du sang.

    Elodie, maman, Jérém, of corse, Stéphane, Julien, et d’autres encore. La liste des personnes au courant se rallonge. C’est une bonne chose pouvoir être soi-même sans avoir besoin de se cacher. C’est le signe que je suis en train de m’affirmer et de m’approprier de ma propre vie.

    Et pourtant, il m’arrive de me sentit nostalgique de ma vie d’avant, quand personne ne savait encore, ou du moins quand je pouvais penser encore que personne ne savait. C’était une vie qui me rendait malheureux, certes. Mais ce « jardin secret » faisait partie de ma spécificité. Il me définissait, d’une certaine manière.

    Je me suis construit dans la dissimulation, dans la peur que les parents, les amis ou autres connaissances apprennent qui j’étais vraiment. Mon secret, et la crainte qu’il soit découvert, sont devenus au fil du temps presque des raisons d’être.

    Être gay n’est pas la seule chose qui me définit, ni même la plus importante. Mais ça fait partie de moi.

    Pendant longtemps, j’ai attendu le coming out comme une sorte de délivrance. Et maintenant que c’est fait, du moins en partie, j’ai l’impression que cette partie de moi m’échappe, comme si elle ne m’appartenait plus totalement.

    Mais, au-delà de cette nostalgie pour le temps des secrets, mon plus grand regret est d’avoir attendu tant de temps pour sortir du placard.

    Le fait que mes coming out successifs avec Elodie, Thibault, maman, se passent bien, me fait prendre conscience du fait que mon « secret » n’avait finalement pas tant d’importance que ça. Que j’aurai pu m’épargner tant d’angoisses, tant de questionnement, et la peur panique d’être démasqué. Si seulement j’avais pu réaliser plus tôt qu’être gay n’est pas si terrible, que je n’avais pas à me cacher.

    Et aussi, le fait que maman soit au courant, me donne l’impression d’avoir franchi un cap au-delà duquel je ne pourrais plus faire marche arrière, comme si ma vie allait prendre une direction en quelque sorte inéluctable.

    Est-ce que je suis vraiment être homo ? Est-ce que, avant de donner une direction définitive à ma vie ?  Est-ce qu’avant d’acter le fait que je n’aime que les garçons, je ne devrais pas d’abord essayer avec une fille ? Peut-être que je pourrais y arriver, être comme tout le monde. Ma vie serait tellement plus simple !

    Mais aucune fille n’a encore provoqué en moi l’étincelle que savent provoquer certains garçons.

    Vendredi 24 août 2001.

    Comme prévu c’est ce vendredi en début d’après-midi que nous quittons Gruissan et nous reprenons la route vers Toulouse.

    La cité de Carcassonne fait son apparition sur notre gauche, embrasée par la couleur vive du soleil de l’après-midi. Soudain, le poste diffuse un son intéressant, une rythmique qui me cueillit d’entrée.

    Et puis, vient la voix. Reconnaissable entre mille. Et elle vient décliner des couplets qui me parlent, qui me touchent, qui m’émeuvent.

    My life… will never be the same/Ma vie… ne sera plus jamais la même

    ‘Cause girl, you came and changed/Parce que chérie, tu es arrivée et tu as changé

    The way I walk/Ma façon de marcher/The way I talk/Ma façon de parler

    I cannot explain the things I feel for you/Je ne sais pas comment expliquer ce que je ressens pour toi

    But girl, you know it’s true/Mais chérie, tu sais que c’est la vérité

    Stay with me, fulfill my dreams/Reste avec moi, réalise mes rêves

    And I’ll be all you’ll need/Et je serai tout ce dont tu as besoin

    Oui, le King de la Pop est de retour. J’ai encore de croire que cet immense artiste qui a marqué mon enfance, mais qui est en perte de vitesse depuis quelques années, peut encore surprendre et revenir au top.

    Nous ne sommes plus qu’à 100 bornes de Toulouse.

    Jérém me manque horriblement. Est-il encore sur Toulouse ou est-il déjà parti à Paris ?

    Soudain, je ressens en moi le besoin irrépressible d’aller le voir, coûte que coûte. A Toulouse, ou à Paris, n’importe où. Je sens poindre en moi l’espoir désespéré de trouver les mots qui pourraient le toucher, de trouver enfin le passage secret qui donne accès à son cœur.

    Je me dis qu’il a eu le temps et l’occasion de réfléchir en deux semaines. Et, la distance aidant, de se rendre compte du gâchis qu’on est en train de commettre en nous interdisant de vivre notre histoire. Je me dis que, peut-être, il m’attend. Qu’il attend un message, un coup de fil, que j’aille le voir

    Mais non, il ne m’attend pas. Et je ne peux pas aller à sa rencontre. Je me ferais jeter une nouvelle fois. Et ça c’est au-dessus de mes forces.

    Il est en revanche une autre rencontre que je dois provoquer au plus vite. celle avec mon pote Thibault.

    Car, plus j’y pense, plus je me dis que ce silence ne lui ressemble vraiment pas.

    Demain je vais le voir, c’est décidé. S’il y a malaise, je tenterai de le dissiper. Et s’il y a autre chose derrière son silence, je serai fixé.

    Nous venons de passer la sortie de Villefranche de Lauragais, la dernière avant le périf. Dans une demi-heure, je serai à la maison. En passant le péage, l’angoisse m’envahit.

    Philippe, à la place du passager, roupille paisiblement. J’ai envie de dire à Elodie de s’arrêter, de me laisser un peu de temps pour me préparer à ce retour.

    Mon regard croise le sien dans le rétroviseur. L’inquiétude doit se lire en lettres de feu sur mon visage.

    « Ça va aller, mon cousin ? ».

    « Oui, ça va aller… ».

    Sauf que non, ça ne va pas aller du tout.

    Le périph’ défile trop vite. Et de la même façon, trop vite, je retrouve les allées, les façades, le profil familier de la ville rose. Puis, la maison.

    Malgré le grand sourire et les mots adorables avec lesquels maman vient m’accueillir, la vitesse à laquelle tout s’enchaîne m’est insupportable.

    Commentaires

    ZurilHoros

    07/07/2020 19:24

    Je ne compte plus, mais après 6 ou 7 jours consécutifs d’ébats sexuels à multiples éjaculations par séance, revoilà Jérém pour un 8ème round.  Comment fait-il?

    poopy

    04/12/2017 13:42

    Salut Fabien, Je sais que c’est possible avec l’application Calibre. Il m’arrive de faire des béta lecture pour des amis et en général ils me donnent les fichier en .doc. Je glisse le fichier dans l’appli et je fais convertir au format E-pub. Tu peux même modifier l’epub pour faire la table des matière du livre ect… J’espère que ça t’aura aidé 😉 ! Bon courage ! Poopy PS : J’ai trouvé ce tutoriel sur la question : http://edutechwiki.unige.ch/fr/Cr%C3%A9er_des_e-book_avec_Calibre

    poopy

    04/12/2017 10:10

    Je n’ai pas encore lu cet épisode mais il me tarde. Sinon je voulais te demander, n’envisages tu pas de faire un format epub pour lire sur reader/liseuse ? Car je serai prête à l’acheter sous ce format. Le format pdf c’est impossible de lire sur liseuse correctement. Merci de ta réponse et bonne continuation. PS : Merci pour toute ton énergie et ta créativité.

    Yann

    02/012/2017 14:37

    J’ai beaucoup aimé ce très bel épisode ; l’harmonie de ces deux jeunes amants c’est si beau ! Hélas Jerem n’est toujours pas totalement débarrassé de ses barrières qui l’entravent. Comme Gripsou je redoute que nous soyons arrivés à l’apogée de cette belle histoire et que Nico, mais probablement aussi Jerem, aient à souffrir après avoir partagés tant de bonheur. Merci Fabien Yann 

    Gripsou22

    01/12/2017 18:55

    Merci Fabien pour cet épisode plein de sensualité et d’érotisme. Jérémie se laisse de plus en plus aller à ses désirs ses envies il progresse dans la découverte de sa bisexualité et sa relation va de mieux en mieux avec Nico…Malheureusement il y a toujours son machisme, son besoin de virilité qui l’empêche d’aller plus loin. Tant que son rôle est 100% actif il peut toujours se dire « hétéro ». De plus  baiser un homme pour un macho peut être encore plus valorisant car c’est dominer un autre homme donc être encore plus un « mâle Alpha ». Mais maintenant que son envie de sucer un homme arrive, ça le coupe complètement. Ca y est après l’apogée ça commence à se gâter. Pour l’instant Jérémie n’a pas l’air de trop mal réagir mais on sent qu’on arrive sur la pente descendante. Pauvre Nico qui va souffrir après cet épisode de bonheur… P.S.: Quelle bonne nouvelle pour la version papier de l’histoire 🙂

  • JN01115 Après le déluge (partie 1, Toulouse – Gruissan)

    JN01115 Après le déluge (partie 1, Toulouse – Gruissan)

    Samedi 11 août 2001, une semaine plus tôt, dans ma chambre à Toulouse.

    Ce matin, je me réveille de très bonne heure. Trop de bonne heure. Il est toujours trop tôt pour commencer une journée emplie de tristesse et de désespoir.

    Il n’est que 5h15. La maison dort encore.

    Cette nuit, je n’ai pas beaucoup dormi. Je m’y attendais. Mais pas à ce point. J’ai sommeillé plutôt que dormir. J’ai survolé les heures en jouant les équilibristes sur mes nerfs épuisés. J’ai cogité, pleuré, regretté. J’ai essayé d’imaginer une, cent, mille façons de rattraper les choses, je me suis posé un million de questions sans pouvoir me donner une seule réponse qui enlèverait ne serait-ce qu’un ton de noirceur au tableau.

    Mais comment essayer de m’extirper du désespoir le plus total, alors que tout converge à un seul, unique et triste constat, la fin de cette histoire, la fin de mon amour ?

    Quand on réalise que tout est perdu, la douleur est immense et le deuil impossible.

    Je suis KO. J’ai les yeux enflés de larmes, le visage douloureux à cause du coup de poing de Jérém, la tête alourdie par une grande fatigue, assommé par une migraine terrible. C’est comme un rhume carabiné, sauf qu’il n’y a pas de remède contre le mal qui m’assomme.

    Je n’ai presque pas dormi de la nuit, mais je sais que je ne vais pas retrouver le sommeil pour autant. Je comate. Je sais déjà que la migraine va m’assiéger tout au long de la journée.

    Je ne dors plus, mais je n’ai pas du tout envie de me lever. Il faut avoir une raison pour se lever. Un but, une obligation, une envie, un rêve, l’espoir d’un bonheur. Il n’y a rien de tout ça dans mon horizon.

    Je me sens tellement fatigué que j’ai l’impression que mon cerveau et mon corps sont comme paralysés. En fait, je ne ressens rien, comme si je n’avais plus de corps, ni de cerveau. Rien, à part cette intense sensation d’étouffement, de mort intérieure.

    J’ai l’impression d’être tombé du dixième étage d’un immeuble et de m’être écrasé sur le bitume, d’être fracassé jusqu’au dernier os, et de demeurer pourtant conscient. Mon cerveau est tellement envahi et paralysé par la souffrance que je n’arrive à penser à me focaliser sur rien.

    Le vent d’Autan, toujours aussi fort, toujours aussi insistant, tape contre les volets, les fait vibrer. Petit à petit, le soleil vient lui aussi tenter de donner l’assaut à ma chambre. Déterminé, insistant, il profite du moindre interstice pour venir me parler de cet été qui s’est définitivement envolé pour moi. Dans mon cœur, l’hiver est venu en plein mois d’août.

    J’ai l’impression que le déluge s’est abattu sur ma vie, que tout est chamboulé, que rien ne sera plus comme avant. Ma vie, c’est le vide. J’ai tout perdu, mon plus grand bonheur.

    Alors, je veux juste tout oublier, ne plus rien ressentir. Je ne veux plus jamais tomber amoureux. Ça fait trop mal quand ça s’arrête.

    J’ai juste envie de couper les ponts avec ma vie d’avant. Si la rentrée était demain, ce serait un véritable soulagement pour moi. Il faut que je voie avec maman si je ne peux pas partir m’installer à Bordeaux avant la rentrée. Mais je ne connais personne à Bordeaux. Et l’idée de me retrouver seul dans un petit studio m’angoisse.

    Je n’ai même pas envie de voir Elodie. Je n’ai pas envie de parler de ce qui s’est passé, même pas avec elle. J’ai juste oublier, le plus vite possible.

    La seule chose dans laquelle j’arrive à trouver un semblant de soulagement, c’est la réaction de maman. Bien évidemment, j’avais imaginé mon coming out d’une façon complètement différente. J’aurais voulu attendre, pour le faire, d’être heureux avec un garçon, et j’ai toujours pensé que ce garçon ce serait Jérém. Je ressentais le besoin de mettre les petits plats dans les grands, j’avais besoin de rassurer maman quant à mon bonheur avec un garçon.

    Loin de là, elle a assisté à mon grand malheur. Mais elle a été formidable, vraiment formidable. Ses mots et ses caresses m’ont fait un bien fou. Son amour m’a fait un bien fou.

    Quand je pense qu’il y a des jeunes qui se font mettre à la porte par des parents qui n’acceptent pas leur homosexualité, je me dis que j’ai quand-même une chance inouïe. Et rien que le fait de savoir qu’elle sait et qu’elle me soutient, c’est en soi une aide morale précieuse. Je n’ai pas pour autant envie de reparler de tout ça, avec elle, dans l’immédiat.

    La radio a tourné toute la nuit dans le noir, et elle tourne toujours ce matin, à volume tout bas. J’avais besoin d’une présence, besoin de me donner l’illusion de ne pas être seul sur Terre. J’avais besoin de sentir que la vie continue, du moins celle de la radio, alors que la mienne s’est arrêtée la veille, comme une horloge cassée.

    Je me sens comme vidé de toute énergie. J’ai l’impression que je vais rester là, dans ce lit, pour le restant de mes jours. Après le fond musical de la nuit, ce matin je m’accroche aux infos, et même aux pubs, comme un moyen d’empêcher mon cerveau de s’éteindre, d’empêcher mon cœur de cesser de battre.

    Je comate toujours, alors qu’une barre de fatigue et de douleur transperce mon crâne de tempe à tempe. Ma tête est aussi lourde qu’une pastèque. Mes membres, mes muscles, mes articulations, et même mes os rendus sont endoloris par la fatigue extrême. J’en ai mal au ventre, le cœur comme serré dans un étau impitoyable.

    Peu à peu, j’entends la maison se réveiller. Papa se lève, prend sa douche, son petit déjeuner, il part travailler. J’écoute la ville se réveiller à son tour. La circulation reprend peu à peu dans la rue.

    Il est 9 h, lorsque maman vient taper à la porte de ma chambre.

    « Tu es réveillé, mon loulou ? ».

    « Oui maman, bonjour… ».

    « Ça va, Nico ? ».

    « Oui… » je lâche, tout en me laissant submerger par un bâillement silencieux mais si profond que j’ai l’impression que mon thorax va s’ouvrir en deux.

    « Tu te lèves, Nico ? ».

    « Pas tout de suite, s’il te plaît… ».

    « Ne tarde pas trop, tu vas être en retard ».

    « En retard… pour… ? »

    « T’as oublié, Nico ? Tu as ton dernier cours de conduite ce matin… ».

    « Ah… merde ! ».

    « Tu veux reporter ? ».

    Oui, j’ai envie de reporter. Mon corps a envie de reporter. L’idée de m’arracher du lit, de sortir de la maison, d’affronter le monde, cette journée d’été, le soleil, le Vent d’Autan, de marcher jusqu’à l’autoécole et de devoir me concentrer sur la conduite me semble bien au-dessus de mes forces.

    Pourtant, et c’est là que je me rends compte que je suis finalement peut-être toujours vivant, je vois enfin pointer au fond de moi une raison de me lever. Même si je n’ai aucune envie de parler de ce qui s’est passé hier, je me dis qu’un moment avec Julien le clown sexy ça me fera du bien, ça me changera les idées.

    « Non, ne reporte pas. Je me lève, j’arrive ».

    Je ramasse mes membres en vrac, je prends mon visage entre mes mains, comme pour aider mon buste à soulever ce fardeau qu’est mon crâne. Je me fais violence, j’ouvre les volets, je me laisse percuter par la lumière vive du jour, par la caresse musclée du vent d’Autan, par les bruits dissonants de la ville.

    Je passe dans la salle de bain et je me retrouve face au miroir, nez à nez avec l’image de ma gueule de bois. De ma gueule en vrac. J’avais eu l’impression d’avoir reçu le coup en plein sur le nez, mais c’est plutôt sur le côté que j’ai chargé. Le bleu commence sous l’œil droit et descend le long du nez.

    Je l’ai tapé, il m’a tapé, quel immense, horrible gâchis ! Et maintenant, tout est fini pour de bon. J’ai envie de pleurer, car ma vie n’a plus de sens.

    Dégoûté, je m’arrache à cette image de malheur et j’ouvre le robinet de la douche. L’eau tombe de la pomme, comme les larmes sur mon visage.

    L’eau qui glisse sur mon corps est comme une caresse apaisante que je fais durer longtemps. Je me demande comment je vais pouvoir justifier mon cocard auprès de Julien, pour éviter qu’il pose trop de questions.

    Primo, je vais mettre des lunettes de soleil. Deuxio, je vais lui servir la même explication qu’à maman et papa : la porte de la salle de bain sur le nez. Il ne va jamais gober ça, mais il va devoir s’en contenter.

    Lorsque je descends, un bol de café au lait fumant est posé sur la table à coté de quelques tranches de pain grillé. Ma confiture préférée, celle d’abricots, ainsi qu’un verre de jus de fruit à la poire complètent ce tableau matinal. L’odeur du pain grillé, ainsi que la présence de maman remplissent la pièce d’un bonheur simple qui m’émeut aux larmes. Caresse pour mes narines, l’une. Caresse pour mon cœur, l’autre.

    « Merci maman, merci pour le petit dej ».

    Elle sourit. Elle est belle.

    « Ça va mon Nico ? T’as réussi à dormir un peu ? ».

    « Pas trop… ».

    « C’est le chagrin ? ».

    « Je crois, oui… ».

    « T’as pas un truc pour la migraine, maman ? J’ai la tête qui va exploser… ».

    « Si, tiens, mon loulou » réagit elle du tac au tac en m’envoyant une boite d’aspirine.

    « Merci maman ».

    Je bois une gorgée de café au lait, la boisson chaude descend en moi comme une caresse apaisante. Soudain, je me sens prêt à lâcher ce que j’ai sur le cœur depuis la veille.

    « Je suis désolé que t’aies appris ça comme ça, hier ».

    « Je n’ai rien appris, hier, rien que je ne savais déjà. J’ai juste pu enfin mettre un visage sur un garçon dont je soupçonnais bien l’existence… ».

    « Mais comment tu savais ? »

    « Ce sont des choses qu’une maman ressent ».

    « Ça se voit autant ? ».

    « Mais pas du tout, mon Nico. Quand on te regarde, on ne voit qu’un beau garçon. Et on ne peut pas deviner ce qui fait battre ton cœur, pas du tout, je t’assure… ».

    « N’empêche que tu savais… ».

    « Bon d’accord » elle rigole « il n’y a pas que de l’intuition maternelle dans l’histoire, il y a eu aussi un peu de chance, si on peut dire ça comme ça. Il y a quelques temps, j’ai croisé la maman de Dimitri au centre commercial et au fil de la conversation elle m’a demandé de tes nouvelles, car ça faisait depuis l’été dernier qu’elle ne t’avait pas vu. Je n’ai pas eu besoin de lui poser la question, mais il m’a semblé évident que tu n’as jamais dormi chez Dimitri ces derniers mois… ».

    « Et t’as pensé direct à un garçon… ».

    « Je me suis dit que tu n’aurais pas fait tant de cachotteries si ça avait été une fille. Et aussi, depuis la semaine dernière, il y avait cette odeur de cigarette qui traînait dans la maison. Et aussi un parfum de garçon ».

    « Désolé d’avoir menti ».

    « Tu n’as pas à être désolé. Tu t’es protégé parce que tu redoutais notre réaction j’imagine ».

    « Oui, j’avais peur de vous décevoir, papa et toi ».

    « Mais tu n’as pas à avoir peur de me décevoir. Et je suis sûr que même papa va bien le prendre ».

    « Tu crois ? ».

    « Tu lui en parleras quand tu seras prêt, et ça va passer comme une lettre à la poste ».

    « Elodie est au courant ».

    « Je m’en doutais »

    « Au fait, il s’appelle comment ? ».

    « Jérémie, c’est un camarade du lycée ».

    « Ça fait combien de temps que tu es avec… ».

    « Je n’ai jamais été avec lui… » je la coupe.

    « Comment ça ? ».

    « Maman, s’il te plaît, je ne peux pas… » je me dérobe, au bord des larmes.

    « D’accord mon Nico, d’accord… » fait elle en me caressant doucement les cheveux.

    Comme je l’avais imaginé, je me sens agressé et malmené par le contact avec la ville bruyante, avec sa lumière aveuglante, avec les passants pressés, avec le vent violent et insistant.

    Lorsqu’on est au fond du trou, il faut une énergie mentale insoupçonnée rien que pour exister. Car, dans ces moments-là, exister c’est être en opposition à un monde qui apparaît étranger et hostile.

    Je tente de me cacher derrière mes lunettes de soleil, mais j’ai l’impression que tout le monde me regarde quand même, que mon cocard clignote sur mon visage comme un gyrophare violet.

    Me voilà lancé dans cette journée, lesté de cette fatigue insupportable. Me voilà parti pour puiser dans mes dernières ressources pour accomplir chaque mouvement, chaque pas, mes pensées comme figées dans une douleur sans fin. Je me sens comme un portable dont l’icône de charge clignote en permanence, annonçant un arrêt imminent.

    Cette belle et chaude journée d’été n’a pas de sens pour moi, car ce sera une journée sans lui. La première, d’une longue série, une série infinie. Je sais que je ne le reverrai plus jamais. A part, peut-être, à la télé ou sur un journal sportif, si sa carrière sportive décolle. Ainsi, je ne pourrai même pas essayer de l’oublier pour me reconstruire. Son absence me hantera à travers le rugby.

    Il faut que je parte de cette ville au plus vite. A Bordeaux, je ne pourrai peut-être pas échapper au rugby. Mais je pourrai laisser derrière moi certains souvenirs. Ou, du moins, les décors et les objets qui me les rappellent sans cesse.

    Ma souffrance plane au-dessus de moi comme une immense chape de plomb. Tous mes sens sont enlisés dans une sorte d’état comateux, mon cerveau marche au ralenti, tout me parvient comme avec un léger différé. Et, surtout, tout ne me parvient pas. Je réagis un coup sur deux, et mes mouvements sont empâtés. Je me prends les pieds dans la marche d’un trottoir, je trébuche, je manque de m’étaler à plat ventre.

    Je me sens incapable d’accomplir quoi que ce soit de bon aujourd’hui. Je me demande si ça a vraiment été une bonne idée de ne pas annuler le cours de conduite. Finalement, je n’ai pas du tout envie de conduire, j’ai peur de faire des conneries. Et puis, je redoute le regard de Julien, je redoute ses questions.

    Je suis peut-être à cinquante pas de l’autoécole, lorsque la voiture se gare sur le petit parking.

    Deux filles en sortent. Et avec elles, le petit coq blond, toujours aussi taquin, toujours aussi charmeur, toujours aussi sexy. Ce matin, il arbore un immense sourire, un sourire tellement lumineux qu’il déborde et irradie même à travers de ses grandes lunettes noires.

    Définitivement, ce mec respire la jeunesse insolente, la joie de vivre, la vie brûlée par les deux bouts. Rien qu’en le regardant, j’ai l’impression de mieux respirer, d’aller mieux. Définitivement, la beauté est un puissant analgésique.

    J’approche et le bogoss me serre la main, puissante prise de mec.

    « Hey, Nico ! » il m’accueille très chaleureusement.

    « Salut ».

    Je sens qu’il a capté direct mon cocard. Non, les lunettes de soleil ne cachent pas tout.

    Je le vois plisser les yeux, amorcer le mouvement si sexy de mettre ses sourcils en chapeau, et me balancer direct, en singeant avec sa voix le ton avec lequel on s’adresserait à un enfant : 

    « Qu’est-ce que t’as fait ? Tu t’es battu ?!?! ».

    Nico, touché.

    « Non, je me suis pris la porte de la salle de bain sur le nez ».

    « A d’autres… ».

    Nico, touché 2 fois.

    « C’est vrai, je te jure ! ».

    « Prends-moi pour un con ! ».

    Nico, touché 3 fois.

    « Je suis maladroit… ».

    « Oui, et moi je suis une nonne ! ».

    Je vois la fille de la dernière fois se pointer au loin, je la regarde approcher.

    « Ne pose pas de questions, Julien, s’il te plaît ! ».

    « C’est lui qui t’a fait ça ? ».

    « Julien, s’il te plaît… ».

    « Il a osé te frapper, ce con ? » fait-il en levant mes lunettes.

    Nico, coulé.

    « Je l’ai frappé en premier… ».

    « Toi, tu as frappé ? » fait-il, l’air perplexe et surpris, presque impressionné.

    « Ecoute, Julien, ne te mêle pas de ça ».

    « Ça me fait mal au cœur de te voir dans cet état ».

    Le jeune loup blond a l’air vraiment touché par ma détresse.

    « Ecoutes, Julien. Contente-toi de faire ton pitre comme d’hab. Fais-moi rire, Julien, j’ai besoin de rire… ».

    Je retiens mes larmes de justesse.

    « Ça, c’est dans mes cordes ».

    La fille arrive, Julien l’installe devant le volant. Pendant tout le cours, le beau moniteur s’illustre dans son rôle de charmeur impénitent, taquin, moqueur, drôle et beau parleur. Comme d’habitude, plus que d’habitude.

    « Qu’est-ce qui t’arrive aujourd’hui ? T’as bouffé un clown ? » finit par relever la nana.

    Mais rien n’arrête le jeune loup blond, il s’applique à mettre l’ambiance et il arrive même à m’arracher quelques sourires.

    Aujourd’hui, je ne cherche pas forcement son regard dans le rétro, je n’en ai pas la force. En revanche, c’est son regard qui cherche le mien, et qui l’accroche, il lit dedans, même à travers nos deux lunettes de soleil.

    Je redoute un peu le moment d’être seul avec lui, car je sais qu’il va tenter de me cuisiner.

    Et ça ne rate pas.

    « Ça va pas, Nico, hein ? » il me demande, dès que nous sommes que tous les deux.

    « Si, ça va, allons-y ! » je tente de me dérober. Peine perdue.

    « Raconte, qu’est-ce qui s’est passé ? » il me questionne sans même écouter ma réponse. 

    « Laisse tomber, s’il te plaît. J’ai pas envie d’en parler ».

    « Ça te ferait pourtant le plus grand bien ».

    Je sais qu’il a raison. Je sais que le chemin pour aller mieux passe par les mots. Mais je sais aussi que si je commence à lui raconter ce qui s’est passé la veille, je vais pleurer direct.

    Et même si j’ai le sentiment que la sienne n’est pas une curiosité mal placée, mais une véritable attention amicale, je n’ai pas la force de prononcer des mots, de revivre et de livrer ce qui s’est passé la veille, ce qui va rendre ma défaite encore un peu plus réelle, ma douleur encore plus vive.

    Je n’ai plus envie de pleurer. J’ai les yeux qui font mal à force de pleurer, et les larmes ravivent à chaque fois ma migraine.

    « S’il te plait, Julien, vraiment… ».

    « Tu vas pouvoir conduire ? ».

    « Je vais essayer… ».

    Je m’engage dans la circulation. Très vite, je me rends compte que j’ai un mal fou à me concentrer. J’ai du mal à capter et à retenir ses mots, pourtant limités aux stricts besoins de la conduite. Je suis obligé de le faire répéter, souvent. Pour, au final, ne retenir que la moitié de ses instructions, n’en exécuter qu’un quart, et en réussir encore moins.

    J’ai du mal avec les vitesses, je me mélange les pinceaux, je roule en deuxième jusqu’à faire bramer le moteur. En redémarrant d’un feu rouge, je démarre en quatrième, je cale, je me fais klaxonner, je stresse, je transpire. Mon mal de tête devient un supplice. Julien me dit « cligno à gauche », je mets cligno à droite. Je manque de frôler une voiture dans une file parallèle. Julien freine à ma place, il est même obligé de toucher le volant pour éviter l’accrochage.

    « Nico, fais attention ! » je l’entends me lancer. Le ton de sa voix est raccord avec le regard que je sens sur moi depuis le début du cours : bienveillant et inquiet. Son attitude me rappelle soudainement celle de mon pote Thibault.

    Assez vite, ses instructions me font sortir du centre-ville. Nous longeons la Garonne, en direction du périphérique. Je suis stressé, je suis en nage, le mal de crâne me tenaille. Je sais que j’ai foiré mon cours et que j’ai déçu Julien. Peut-être même qu’il va même annuler mon inscription pour l’examen de septembre. Tant pis, je m’en fous. Rien n’a d’importance. Je n’ai qu’une envie, c’est d’être seul, et de pleurer, pleurer, pleurer.

    « Arrête toi, là, Nico » fait Julien, en m’indiquant l’embranchement conduisant au terrain vague au bord de la Garonne. Ce terrain où nous avons parfois fait des exercices de manœuvre.

    Je n’ai pas la force de m’opposer à sa demande. Je crois que s’il me disait de me jeter dans la Garonne, je le ferais aussi. Je me laisse faire, en panne totale de volonté.

    « Avance encore un peu ».

    Et j’avance.

    « Gare-toi là ».

    Et je me gare.

    « Coupe le moteur ».

    Et je coupe le moteur.

    « Parle-moi, Nico ! Qu’est ce qui se passé ? ».

    Et là, la tension qui j’ai laissé s’accumuler en moi en voulant retenir ma souffrance et mes larmes, explose d’un coup. Et je pleure, je pleure, je pleure.

    Julien décroche sa ceinture, puis la mienne et il me prend dans ses bras. Il me laisse pleurer, le visage enfoui dans le creux de son épaule, il me laisse pleurer sans poser des questions.

    « Je suis désolé… ».

    « Tu n’as pas à l’être… » fait-il, en passant sa main dans mes cheveux.

    Le contact avec son corps chaud, les caresses de sa main, son parfum, sa présence et sa bienveillance ont le pouvoir de me réconforter. Vraiment, j’ai l’impression d’être avec Thibault. Je me sens en confiance.

    « C’est fini ! Fini ! Je ne le reverrai plus… ».

    « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? ».

    « Hier après-midi on s’est accrochés ».

    « Pourquoi donc ? ».

    « Parce qu’il n’assume toujours pas ce qui se passe entre nous ».

    « Au pieu ? ».

    « Au pieu et en dehors du pieu. Il préfère tout foutre en l’air plutôt qu’assumer. Il n’a jamais rien assumé, et encore moins maintenant ! ».

    « Pourquoi maintenant ? ».

    « Bientôt il va partir à Paris… ».

    « A Paris ? ».

    « Il a été repéré par une équipe de rugby pro… ».

    « Naaaaan… »

    « Si ».

    « Et alors il a voulu te larguer avant de se tirer. Il a voulu s’arracher votre relation comme on arrache un sparadrap ».

    « Je lui ai dit « je t’aime ». Et lui m’a dit que je ne suis rien pour lui, juste un mec pour s’amuser. Je te passe les détails, mais il a eu des mots qui m’ont fait très mal ».

    « Et tu lui as mis ta main dans la tronche ».

    « Je n’aurais pas dû… mais j’avais trop mal ».

    « Et lui il t’a pas raté non plus. Montre ça… » fait-il, tout en enlevant à nouveau mes lunettes.

    « Eh beh, comme quoi, vous les pédés pouvez être tout aussi con que les hétéros quand vous vous appliquez ! ».

    « Si tu savais comment je m’en veux de l’avoir frappé ! ».

    « Il l’a bien cherché, non ? ».

    « Oui, mais… ».

    « Tu l’aimes vraiment ce mec… ».

    « Comme un fou… ».

    « S’il ne sait pas apprécier ça, il n’en vaut pas la peine ! ».

    « Peut-être qu’il a raison de me jeter. De toute façon, je n’ai rien à lui offrir ».

    « Mais tu rigoles, Nico ? Tu as tant de choses à offrir à un mec ! Tu es un petit gars adorable. Et puis, tu es amoureux. Et ça, c’est pas rien ! ».

    « A la rentrée, je vais partir à Bordeaux pour mes études », j’enchaîne sur ma lancée.

    « Et lui, il va partir à Paris. Pendant des années, je vais être étudiant, je n’aurai pas de salaire. Lui, il va être connu, il va avoir du fric. Et il va évoluer dans un monde où il n’y a pas de place pour un pédé qui aime un joueur de rugby. Il va avoir son appart, il va avoir des nanas à plus en finir. Et s’il veut des mecs, il pourra toujours en trouver sur place, des vrais bomecs. Pourquoi s’emmerderait-il avec un type comme moi qui, en plus, lui met la pression ? ».

    « Tu lui as mis la pression ? ».

    « Je lui ai dit que je l’aimais ».

    « Ah, carrément… ».

    « Je n’aurais pas dû lui dire, pas maintenant ».

    « Tu n’as pas à regretter de le lui avoir dit, tu avais besoin de lui dire, il fallait que ça sorte. Et lui, il l’a au moins entendu… même s’il n’a pas su quoi en faire, même s’il l’a piétiné ».

    La sonnerie de son portable retentit soudainement. Le boblond décroche aussitôt. Une voix féminine grésille dans l’appareil :

    « Tu reviens bientôt ? Tes prochains cours t’attendent ».

    « Oh, putain » fait Julien en regardant la montre à son poignet « je n’avais pas vu l’heure ».

    « T’es pas encore en train de t’envoyer en l’air, j’espère ? ».

    « Non, pas du tout, tu me prends pour qui ? » il rigole.

    « Pour un mec à qui, s’il était le mien, j’aurais déjà coupé tout ce qui dépasse ».

    « Moi aussi je t’aime, Carine ».

    « Grouille, abruti ! ».

    Le bogoss raccroche en rigolant. Son sourire canaille est beau à pleurer.

    Je tente de lui sourire à mon tour.

    « Il faut qu’on y aille » il me lance.

    Je ne me sens pas prêt à reprendre le volant. Ces dernières larmes m’ont vidé de toute énergie. Je suis HS.

    « Tu veux que je conduise ? » fait le beau moniteur, en anticipant ma demande.

    « Je veux bien ».

    Je regarde le beau Julien au volant de sa voiture. Sa conduite est à la fois sportive et apaisante, ça me fait un bien fou de me sentir pris en charge. L’image d’un autre chauffeur, brun, la peau mate, à bord d’une 205 rouge, roulant vers l’appartement de la rue de la Colombette, promesse d’une nuit d’amour, surgit dans mon esprit comme un éclair aveuglant. J’ai encore envie de pleurer.

    Je profite d’un blanc dans la conversation pour me secouer de ce souvenir avant de me laisser emporter par l’émotion. J’en profite pour m’excuser.

    « Désole pour mes conneries de tout à l’heure. Peut-être que je ne suis pas prêt pour l’examen de septembre ».

    « Mais tu plaisantes, Nico ? Je sais que tu sais conduire, et je sais aussi que tu n’es pas bien aujourd’hui. Alors, je ne vais pas tenir compte de ce dernier cours. Tu passeras ton examen à la première session de septembre, comme prévu. D’ici là, essaie de te reposer et de ne pas trop penser à tout ça. Essaie de penser à Bordeaux, à tes études, à ta nouvelle vie. Tu dois aller de l’avant. Je suis sûr que tu vas trouver un gars qui va se rendre compte à quel point tu es un mec génial. C’est avec ce gars-là que tu seras bien ».

    « C’est gentil d’essayer de me remonter le moral ».

    « C’est normal, t’es mon pote ».

    « Je n’aurais jamais cru qu’on deviendrait potes ».

    Le jeune loup blond me sourit. Et, ce coup-ci son sourire est à la fois charmant et touchant.

    Nous arrivons au parking de l’autoécole. Julien coupe le moteur, se tourne vers moi. Il me regarde droit dans les yeux et il me lance :

    « Tu devrais partir quelques temps pour te changer les idées ».

    « C’est plus ou moins prévu avec ma cousine, mais je ne sais pas encore quand ».

    « Le plus tôt sera le mieux ! Pars et amuse-toi, Nico, profite de tes 18 ans. Ne passe pas le reste de l’été à broyer du noir. C’est l’été, putain ! File à la mer, nage, balade-toi sur la plage, sors, rencontre des mecs, baise avec ! ».

    « Merci pour tout, Julien » j’arrive à lui répondre, en lui tendant la main et en retenant de justesse de nouvelles larmes.

    Et là, devant tout le monde qui attend devant l’autoécole, le boblond me prend une dernière fois dans ses bras et me serre très fort contre lui.

    « Surtout, n’oublie jamais que tu es un gars génial ! ».

    « Toi aussi tu es un gars génial, Julien ! ».

    Je sors de la voiture et je m’éloigne sans tarder. Les larmes se pressent à mes yeux, et je veux être tout seul pour chialer à nouveau.

    Je n’ai pas fait dix pas que j’entends la voix du beau moniteur m’appeler :

    « Nico, attend ! ».

    Je me retourne. Julien me fait signe de revenir, son portable à la main. Je reviens sur mes pas.

    « C’est quoi ton numéro ? ».

    Je lui donne machinalement sans vraiment savoir pourquoi il le demande et pourquoi je le lui donne, vu que les cours de conduite c’est fini pour moi.

    Je le vois enregistrer le contact, puis tapoter un message. Le signal sonore du message envoyé retentit. le jeune loup blond relevé alors la tête et plante une dernière fois son regard transperçant et charmeur dans le mien.

    « Je t’ai envoyé un SMS, comme ça tu vas avoir mon numéro ».

    « Merci ».

    « De rien. Si ça ne va pas, tu m’appelles, ok ? ».

    « Promis ».

    « Allez, vas-y maintenant, bonnes vacances, petit veinard ! ».

    Je m’éloigne, le cœur envahi et saturé par un trop plein d’émotions plus que jamais prêt à déborder de mes yeux rougis.

    Les mots, l’attitude chargée de bienveillance de Julien, me touchent profondément. L’amitié qu’il me témoigne a l’air d’être vraiment sincère. Qui aurait cru qu’on en arriverait là ! Notre complicité est partie d’un petit jeu du chat et de la souris, sur fond de mon attirance pour lui, cette attirance qui flattait son ego.

    Au départ, j’ai été gêné qu’il capte mes regards, mon attirance. J’ai été aussi gêné qu’il découvre l’existence du « bobrun qui fait la gueule ». Mais tout ça nous a rapprochés, et ça m’a fait gagner un pote et un confident. Et aujourd’hui, je suis ému par ses témoignages d’empathie, d’estime, d’amitié.

    C’est un bon gars ce Julien. Un charmeur et un coureur impénitent, mais un bon gars quand-même.

    Le chemin pour rentrer à la maison se mue très vite en épreuve. La fatigue me gagne, la chaleur m’assomme, la barre qui transperce de tempe à tempe m’achève. J’ai du mal à mettre un pied devant l’autre.

    J’ai besoin d’un lit, j’ai besoin de dormir pendant des jours et des semaines, dormir pour ne plus souffrir, dormir assez longtemps pour en oublier même les raisons de ma souffrance. Dormir jusqu’à oublier. Oublier jusqu’à son nom.

    Soudain, la perspective de m’éloigner de Toulouse avec ma cousine semble dégager un peu mon horizon. Accalmie précaire, illusion d’un instant, fragile, chancelante.

    La migraine ne me lâche pas d’une semelle, elle transforme ma tête en grosse caisse de résonnance pour ma tristesse infinie.

    J’ai le sentiment qu’on m’a arraché le cœur, que plus jamais je ne tomberai amoureux, que je ne serai plus jamais heureux.

    Je viens de rentrer à la maison, j’ouvre le message de Julien.

    « N’abandonne jamais.. tu es un vrai bonhomme. Crois en toi. Ju ».

    J’ai perdu mon amour, mais j’ai trouvé un pote.

    Après le déjeuner, après le départ de maman, je vais à la sieste.

    Je me réveille au bout d’une heure, pas plus. J’aurais voulu dormir davantage, mais il fait tellement chaud que je me réveille en nage.

    Je n’ai pas envie de lire, ni de regarder la télé. Je vais courir sur le canal. Je vais courir pour me défouler, pour tenter d’évacuer cette souffrance qui m’étouffe. Je vais courir pour m’épuiser et pour ne plus avoir la force de penser.

    Je cours, longtemps, je cours comme un fou, je cours loin de la ville. je cours en pleurant, je cours jusqu’à ce que la douleur de mes muscles soit si intense qu’elle me fasse oublier la douleur qui me ravage de l’intérieur.

    Je cours en écoutant la BO de Moulin Rouge que j’ai acheté quelques jours plus tôt. Je pleure devant la douceur de la version orchestrale de « Your song ». Je m’effondre sur la beauté mélancolique de « One day I’ll fly away » et de « Come what may ». Je me calme un peu en écoutant la version loufoque et décalée de « Like a Virgin ». Mais je me suis à nouveau submergé par ma souffrance au contact de la vibrante version de « The show must go on ».

    Comment le show de ma vie va bien pouvoir continuer, maintenant ?

    La mélancolie profonde de « Nature boy » vient appuyer un peu plus sur ma tristesse. C’est une version instrumentale, mais les couplets résonnent dans ma tête :

    There was a boy/Il y avait un garçon

    A very strange/Un garçon très étrange

    Enchanted boy/Et enchanté

    They say he wandered/On dit qu’il errait

    Very far, very far/Très loin, très loin

    Over land and sea/Au-delà de la terre et de la mer

    A little shy and sad of eye/Un peu timide et à l’oeil triste (…)

    And then one day/Et puis un jour

    One magic day/Un jour magique

    He passed my way/Il a croisé mon chemin (…)

    This he said to me/Voici ce qu’il me dit

    The greatest thing/La plus grande chose

    You’ll ever learn/Que tu apprendras jamais

    Is just to love and/Est seulement d’aimer et

    Be loved in return/D’être aimé en retour

    Si seulement, si seulement c’était possible. Si seulement aimer suffisait à être aimé en retour.

    Puis, vient le « Boléro ».

    Ça démarre avec des notes de piano, elles perlent des écouteurs légères et lentes comme des larmes. Des notes qui viennent parler direct à ma tristesse, l’interpeller, la mettre à nu.

    Mais ça ne dure qu’un temps. Les percussions déboulent avec la puissance et la violence d’une rivière en crue, avec la violence de la vie qui continue impitoyable malgré ma détresse. Le premier violon surgit avec un son lancinant et déchirant, comme le cri désespéré de ma souffrance qui veut juste qu’on la laisse tranquille, qui veut échapper au bruit, à la lumière, à la violence de l’existence. Tandis que les percussions, implacables, de plus en plus rapides, semblent marteler que l’univers se fiche royalement de cette souffrance, et qu’il n’y aura aucun répit, qu’il faudra juste vivre avec, ou mourir.

    Scandé par ses percussions au rythme presque obsessionnel, mené par ses violons et ses claviers rutilants, le « Boléro » instille dans mon esprit une sorte de fatalité du temps qui passe et qui emporte le bonheur à tout jamais, une impression qui fait écho au sentiment de désolation qui m’habite depuis bientôt 24 heures.

    Mais il y a, à mon sens, autre chose qui se dégage du « Boléro », quelque chose qui va au-delà de cette impression de fatalité. Il s’agit d’une énergie positive qui semble suggérer la nécessité de l’effort, pourtant inhumain, d’aller de l’avant.

    Le rythme s’accélère encore, s’envole. Il semble vouloir me dire que non, le monde ne va pas s’arrêter de tourner parce que je suis au plus mal. Que je n’ai pas le choix, qu’il va falloir me remettre debout, aller de l’avant avec mes propres forces, même si je n’en ai pas du tout envie. Qu’il va falloir que j’accepte le fait que c’est fini et qu’il ne reviendra pas. Qu’il faut que je recommence à vivre, sans lui.

    Mais comment ? Où trouver assez d’énergie pour aller de l’avant, alors que toutes les fibres de mon cœur voudraient remonter le temps au dernier moment heureux avec lui ?

    Je serre les dents pour écouter le « Boléro » jusqu’au bout, je le passe une deuxième fois, une troisième, comme un mantra. Je monte le son à fond, je me défonce les tympans sur le rythme percutant, j’essaie de me charger de l’énergie qui se dégage de ce pur morceau de virtuosité.

    Le « Boléro » devient ainsi la BO de ma rupture.

    Hélas, c’est encore bien trop tôt pour pouvoir espérer surmonter la blessure récente, vive et brûlante. Je ne peux me débarrasser si facilement du sentiment d’injustice, de gâchis, de désolation qui me déchire. Le sentiment d’avoir trop fait confiance à ce mec, de m’être donné à lui avec trop d’imprudence, corps et âme. Le sentiment de ne pas avoir su voir l’humiliation qui me pendait au nez lorsque j’ai choisi de mettre à nu mes sentiments devant lui. J’ai vraiment été d’une naïveté ridicule. J’ai envie de crier à men déchirer les poumons tellement j’ai mal.

    Je rentre à la maison en fin d’après-midi. Je suis épuisé, fiévreux et je n’ai même pas envie de diner.

    « T’es sûr mon Nico ? Tu ne veux vraiment rien manger ? ».

    « T’en fais pas, maman, je vais dormir, demain ça ira mieux ».

    « Tu es pâle comme un linge ».

    « Je suis fatigué ».

    Seul dans ma chambre, je m’effondre.

    24 heures déjà. Les « anniversaires » comptent parmi ce qu’il y a de plus dur à encaisser dans une rupture.

    Tout comme les exhortations à ne pas s’apitoyer sur soi-même, à aller de l’avant, à ne pas se faire pourrir la vie par « celui qui n’en vaut pas la peine ».

    Les mots de Julien, le « Boléro », un seul message bombardé dans ma tête : accepter l’inéluctable et passer à autre chose.
    Mais je ne peux pas accepter, je ne veux pas accepter ! Comment accepter qu'on vous arrache le cœur ?
    Seul dans ma chambre, dans mon lit, dans le noir, je revois son visage, le nez en sang. Je revois son regard juste avant de quitter la maison, ce regard perdu dans lequel je suis sûr d’avoir vu du regret, un déchirement, une profonde tristesse. Comme s’il se faisait violence pour être aussi mauvais. Et ce, dans le seul but de laisser cette histoire impossible derrière lui, avant de s’envoler pour Paris. Dans le but de me dégoûter de lui, de me priver de tout faux espoirs.

    Mais si ça lui coûte autant de piétiner notre belle histoire, pourquoi il s’inflige ça, pourquoi il nous inflige ça, pourquoi ?

    Je me dis qu’il ne peut pas aller au bout de sa bêtise, je me dis qu’à un moment ou à un autre il va bien se rendre compte qu’il est en train de détruire quelque chose de beau et d’unique – cet amour, cette complicité, cette tendresse qu’il y a entre nous – quelque chose qui apporte du bonheur dans sa vie.

    Je me dis qu’il va avoir un sursaut de lucidité et réaliser à quel point il a été horrible et injuste, ce n’est pas possible autrement. Il ne peut pas être aussi aveugle et cruel.

    Je me dis qu’avant de partir pour Paris, il va assurément m’envoyer un SMS. Je me dis qu’il va revenir vers moi, me demander de nous revoir une dernière fois, me serrer dans ses bras, me dire qu’il regrette, qu’il s’est rendu compte à quel point je vais lui manquer. Je me dis qu’il va me demander de tout lui pardonner. Et je lui pardonnerais. Cent fois, je lui pardonnerais.

    Stupide et vaine attente, dont la déception d’heure en heure n’a de résultat que d’exacerber encore un peu plus ma souffrance.

    Soudain je ressens le besoin de me séparer de ses affaires. C’est un besoin violent, auquel je tente de m’accrocher en espérant au plus vite me débarrasser de cette souffrance.

    En repensant au dédain avec lequel il a refusé le maillot que je lui ai offert, je me sens insulté et offensé. Je me suis fait une telle joie de lui acheter, j’ai mille fois imaginé le moment de le lui offrir, le bonheur de lui faire plaisir. Jamais je ne me serai imaginé que ça se passerait de cette façon, qu’il refuserait mon cadeau.

    Quoi faire désormais de ce maillot ? Je ne peux pas le garder. Le jeter ? C’est dommage. Je vais le filer à Emmaüs. Il reste sa chemise, son t-shirt, son boxer, les trois photos dont Thibault m’a fait cadeau. Je mets tout dans une poche. Demain, je vais les jeter. Il faut juste que je trouve le cran de le faire. Je vais le trouver. Je ne veux rien garder de lui. Rien qui me rappelle nos moments ensemble. Il y a assez de souvenirs dans cette maison, dans ma tête, pour laisser des objets m’en rappeler davantage.

    La migraine m’assiège, me persécute, implacable tortionnaire. Mes nerfs sont en boule. Paradoxalement, j’ai l’impression que mon épuisement extrême m’empêche de trouver le sommeil. Oui, j’ai l’impression que mon cerveau, mes hormones, sont complètement détraqués, que plus rien ne marche dans mon corps.

    Vivement la rentrée, que je me tire à Bordeaux, loin de cette chambre, de cette maison, de cette ville, de cette souffrance insupportable.

    Samedi 12 août 2001.

    La nuit a été longue, aussi interminable qu’une nuit lorsque le sommeil est trop court. Je me réveille encore plus fatigué et mal en point que la veille. J’ai tout juste le courage de me traîner jusqu’à la salle de bain pour faire pipi, jusqu’au frigo pour boire un verre de jus de fruits et de m’éclipser avant que la maison ne se réveille. Je monte les marches de l’escalier avec une allure de zombie, ces mêmes marches qu’il y a quelques jours encore je grimpais quatre à quatre pour faire l’amour avec mon Jéré.

    Je me recouche. Je ne sais pas si je vais pouvoir retrouver le sommeil. Pourtant, c’est décidé, ce matin je ne vais pas me lever. Je n’ai aucune raison de me lever. Je me recroqueville dans ma tanière, la radio toujours en bruit de fond.

    Contre toute attente, je me rendors. Et pendant très très très très très longtemps.

    Mon réveil, en milieu de l’après-midi, est un brin brutal. C’est la voix d’Elodie qui me tire de ma léthargie.

    « Allez, cousin, t’as assez dormi. Secoue-toi, prends une douche, ça sent le fennec dans cette chambre ! Allez, dépêche-toi, on se tire ! ».

    « De quoi ??? » je m’insurge, émergeant en sursaut.

    Mais déjà ma cousine ouvre grand la fenêtre et les volets.

    La lumière vive et la caresse musclée du vent d’Autan ajoutent de la violence à ce réveil sauvage.

    « Laisse-moi dormir ! » je fais, mauvais, en enfouissant ma tête sous la couette.

    « Allez, cousin, ne fais pas l’autruche. File te doucher, on part à Gruissan ! ».

    « Quand ? ».

    « Tout de suite ! Ce soir je veux manger un plateau de fruits de mer ! ».

    L’idée de bouger de mon lit me parait inconcevable.

    « Non, pas moi ! Vas-y toute seule ! ».

    « Bouge ton cul ! » fait-elle en m’arrachant la couette.

    « Allez, on y va ! » fait elle en attrapant l’une de mes chevilles et en tirant vers le fond du lit.

    « Tu me casses les… ».

    « Je sais, et t’as encore rien vu. Je te laisse un quart d’heure, le temps de prendre un café avec tata. Après je remonte avec un seau d’eau et de glaçons ! ».

    Je l’écoute redescendre les escaliers. Ses pas dans les escaliers sont si différents de ceux de mon Jérém ! J’entends tata et nièce discuter dans la cuisine. Je n’arrive pas à capter leur conversation, mais quelque chose me dit que maman n’est pas étrangère à la venue d’Elodie.

    N’empêche que, passé le premier choc de ce réveil un peu brutal, la présence de ma cousine commence déjà à me faire du bien. L’idée de partir loin de Toulouse, de me retrouver seul avec elle, de déconner comme des fous, commence à me plaire.

    Je me lève, je passe à la douche. L’eau tiède aussi me fait du bien. Je m’habille, je jette quelques affaires dans ma valise et je descends.

    « T’es prêt, cousin ? ».

    « Pas tout à fait. J’ai un truc à faire, avant de partir. Tu peux me laisser une petite demi-heure de plus ? ».

    « Tu dois faire quoi ? ».

    « Juste me débarrasser d’un truc… ».

    « Et ça ne peut pas attendre ? ».

    « Non, je dois le faire maintenant, c’est important ».

    « Une demi-heure et pas une minute de plus ! ».

    « Merci ! ».

    Pendant ma douche, j’ai repensé au maillot. Je ne peux pas le garder, mais je ne peux pas le jeter non plus, ni même le donner à Emmaüs. Ce maillot est un cadeau et il appartient désormais à son destinataire. s’il n’en veut pas, il le jettera à la poubelle par lui-même. Je ne sais pas combien de temps nous allons rester à Gruissan. Et il y a de fortes chances que quand je reviendrai sur Toulouse, il sera déjà parti à Paris. Alors, si veux le lui donner, c’est maintenant ou jamais.

    Certes, je pourrais le filer à Thibault. Mais, d’une part, le temps me manque. Et d’autre part, je n’ai pas envie de voir le bomécano. Il est peut-être au courant de ce qui s’est passé entre son pote et moi, et je n’ai pas du tout envie d’en parler. J’ai besoin de faire le vide, de me couper de Toulouse et ses habitants, tous ses habitants.

    J’ai pensé que le milieu de l’après-midi c’est l’heure idéale pour aller à la brasserie sans craindre de le croiser. A cette heure-ci, il va être en pause. J’ai remis le maillot dans son sac, j’ai marqué son nom dessus. Et je me suis dit que je vais laisser le petit colis à son patron ou à un collègue.

    Oui, ce maillot a un seul destinataire possible. Et le lui faire parvenir, malgré la difficulté que cela représente, c’est un geste qui a une grande signification pour moi, un geste cathartique, la tentative de me délester de ce symbole d’un passé désormais si lourd à porter.

    Pourtant, il y a dans mon geste une autre envie, de signe totalement opposé. Comme une tentative désespérée de le retenir, ce passé. Ce geste est comme une bouteille jetée à la mer, il nourrit l’infime espoir d’arriver à toucher son cœur. Je repense à ce regard de gosse qu’il a eu lorsqu’il l’a déplié. Et je me dis que ce maillot est vraiment ma toute dernière carte à jouer. J’espère qu’il gardera ce cadeau en souvenir de ce printemps, de nos révisions.

    Je pars de la maison on ne peut plus déterminé. Mais je sens ma volonté flancher un peu plus à chaque pas. Je redoute quand-même de croiser Jérém, et même le voir de loin me parait un effort insoutenable.

    Le cœur tape si fort dans la poitrine qu’il semble devoir l’exploser à chaque battement.

    Je me fais violence pour avancer. Les percussions implacables du « Boléro » résonnent dans ma tête. Je presse le pas, droit devant moi, j’avance comme un train lancé à toute allure vers son terminus, ignorant tout sur son passage.

    Lorsque j’arrive à Esquirol je suis hors d’haleine, j’ai les jambes en coton et une crampe à la main à force de serrer le sachet.

    Une silhouette noire et blanche déboule en terrasse avec un plateau à la main et je suis au bord du back out.

    Fausse alerte, ce n’est pas lui. C’est son patron.

    Comme je m’y attendais, il n’y a pas grand monde en terrasse à cette heure.

    J’attends que le type soit revenu dans la salle pour rentrer à mon tour. Une fois à l’intérieur, mon regard est instantanément happé par l’entrée du couloir qui mène aux toilettes, et bien au-delà des toilettes. Et mon cœur est aspiré par le souvenir désormais nostalgique et douloureux de cette gâterie dans la remise, même pas une semaine plus tôt.

    Comment ma vie a changé depuis ! Il y a six jours, j’étais le mec le plus heureux de la terre. Et aujourd’hui, je suis aussi malheureux que les pierres.

    « Bonjour, c’est pour une commande ? » me lance le type.

    « Euh… non, je voudrais laisser ça… ».

    « Il n’est pas là ! » fait le patron en lisant le nom du destinataire.

    « Je peux vous le laisser quand même ? ».

    « C’est quoi ? ».

    « Un maillot de rugby… ».

    « C’est de la part de qui ? ».

    « Un pote… euh… Nico… ».

    « T’es son pote, toi ? » il m’interroge, l’air intrigué.

    « Ouaiss… ».

    « Mais dis-moi, ce ne serait pas avec toi qu’il s’est battu ? » fait il en regardant fixement le bleu sous mon œil. Je viens de me rendre compte que j’ai oublié de passer les lunettes de soleil.

    « On a eu un petit différend ».

    « C’est encore à cause d’une nana, c’est ça ? ».

    « On va dire ça comme ça… » je coupe court « vous lui donnerez ? ».

    « Oui, je lui donnerai tout à l’heure… ».

    En repartant après avoir déposé le maillot, je ressens un mélange de détachement, de soulagement et de tristesse. Sans vraiment lequel des trois sentiments est le plus fort.

    La cité de Carcassonne fait son apparition sur notre gauche, embrasée par la couleur orange du soleil couchant. Je regarde ma cousine en train de conduire et je repense à Julien en train de conduire. Je repense à mon état de la veille et à celui de cet instant. Tant d’heures de sommeil m’ont un peu remis sur pattes. Le fait d’avoir livré le maillot m’a fait du bien aussi. Même si je n’ai aucun retour. Et que je sais que je n’en aurais pas. Tout en espérant, au fond de moi, que peut-être…

    La bonne humeur de ma cousine a un effet positif sur mon moral. Depuis que nous avons quitté St Michel, nous n’avons cessé de rigoler. Elle ne m’a pas posé une seule question sur ma gueule en vrac. Maman a pourtant dû lui dire. Mais je connais ma cousine. elle va attendre un peu que je fasse le premier pas. Mais très vite, elle va me lancer des perches tellement immenses que je vais être obligé de le saisir.

    Je sais que tout viendra en son temps, quand je serai prêt.

    Ou bien quand elle en aura marre d’attendre.

    « Ah, bah, dis-donc, tu t’es fait bien refaire le portrait ! » elle finit par me lancer de but en blanc dès que nous nous retrouvons dans l’appart.

    « Conasse ! » je rigole.

    « Oui, c’est moi ! Et maintenant, tu vas tout me raconter depuis le début ».

    « Ca alors ! » fait Elodie à la fin de mon récit « jamais je ne t’aurai cru capable de frapper qui que ce soit ! ».

    « Parce que je suis pédé ? » je la cherche.

    « Non, parce que tu es un mec bien, espèce d’idiot ! ».

    « Oui, je n’arrive pas à le croire moi-même. ».

    « Blagues à part, je pense que j’aurais réagi de la même façon devant un mec qui m’a traité comme il t’a traité ».

    « J’avais tellement mal à ce moment-là ! ».

    « J’imagine bien, mon cousin. Je pense que tu as accumulé trop de souffrance et de frustration en toi au fil de cette histoire ».

    « Et du coup, elles sont ressorties d’un seul coup… en un seul coup, du coup !!! » elle s’amuse avec les mots.

    « Mais je n’aurais pas dû le frapper pour autant. En le frappant, c’est moi qui ai mis le mot fin à notre relation ».

    « Qui sait, Nico ? Peut-être que dans sa tête de petit con, ce coup dans la gueule lui a fait découvrir une nouvelle facette de Nico. Un Nico qui en a marre de tout accepter sans broncher. Va savoir, peut-être que ton coup de poing dans la gueule, ça l’a impressionné. Un poing dans la gueule, rien de tel pour faire avancer les petits machos comme lui ! ».

    « Je ne pense pas pouvoir impressionner un gars comme lui, ni qui que ce soit, d’ailleurs. Je n’ai pas assez de caractère pour ça ».

    « Tu as un caractère bien plus trempé que tu ne l’imagines ! Tu sais qui tu es et tu l’assumes. Alors que lui, il se montre fort à l’extérieur, physiquement, verbalement. Mais il n’est fort qu’en apparence, mais il est fragile à l’intérieur. Parce qu’il ne sait toujours pas qui il est. Et sa virulence, ses changements d’humeur et d’attitude vis-à-vis de toi, ce sont autant d’aveux de faiblesse. Il se comporte comme un gosse ! ».

    « C’est pas étonnant qu’il se comporte de cette façon pile au moment où la possibilité de partir à Paris s’offre à lui » elle enchaîne « je crois que cette nouvelle lui a fait soudainement réaliser qu’il tenait véritablement à toi et qu’il risquait de souffrir en partant. Alors, il choisit la solution radicale, chercher à t’oublier en se persuadant qu’il te méprise, chercher à se montrer impitoyable et froid avec toi pour que tu l’oublies aussi ».

    « A mon avis, il doit être partagé entre deux sentiments. La joie de voir son rêve se réaliser, et la frustration, la tristesse de se rendre compte que ce rêve est a priori incompatible avec ce qu’il était sur le point d’accepter, le fait d’être amoureux de toi. Tout cela l’empêche probablement de vivre pleinement ce moment qui aurait dû être une joie parfaite pour lui. Alors, te rejeter est peut-être une façon de se protéger ».

    Ma cousine, ou l’art de résumer en peu de mots l’essence profonde de mes pensées, et de les afficher en lettres clignotantes dans ma conscience.

    Aller à la plage, me baigner, rester des heures sous le parasol à discuter avec Elodie. Et passer d’autres heures en silence, côté à côté, à lire de bons bouquins. Puis, vers le soir, marcher longuement sur la plage, et refaire le monde. S’acheter une pizza et rester tard face à la mer, regarder le coucher de soleil jusqu’à la dernière image, comme le générique de fin d’un film qui nous a émus et scotchés à notre fauteuil.

    Puis, la nuit tombée, écouter la mer calme, la peau caressée par la brise du soir, les pieds dans le sable.

    Tenter de réapprendre à vivre.

    Voilà la chronique de mes vacances à Gruissan avec ma cousine.

    Commentaires

    ZurilHoros

    07/07/2020 19:22

    Episode en plein jour, avec pas mal d’éléments nouveaux. <br />  <br /> Tout d’abord on découvre l’ambiance dominicale chez Nico, traditionnelle, chaleureuse et on a la confirmation de sa proximité avec sa mère. Son père n’est toujours pas intégré au récit. Ensuite, Nico retrouve la charmante Elodie, qui lui raconte une anecdote savoureuse sur bobrun. Pour parler comme les psy, il se passe des choses dans l’intrapsychique de Jérémie. Nico tente de rester les pieds sur terre, mais il se retrouve poussé par on ne sait quelle force, du coté de chez Jérém. LOL Après plus de 50 épisodes, je ne pense pas avoir beaucoup vu de moment ou Jérém ne tient pas son rôle social. Role que Nico résume par : « Oui, Jérém semblait vouloir garder de la distance : une distance qu’il semblait imposer à fortiori à ceux qui n’étaient pas admis dans son périmètre de potes et de groupies. » Et même avec les groupies, il est dans le rôle du leader. On ne sait pas vraiment qui il est en dehors des rôles qu’il joue. <br /> Une seule fois, précédemment, on l’avait vu dans sa brasserie avec Thibault et Nico, détendu et « normal ». <br /> C’est donc la deuxième fois qu’il accueille Nico avec le sourire, et on peut supposé qu’il est contant de le voir. Du coup, Nico est sur un nuage. Au hasard de cet après-midi, on découvre le petit frère de Jérém avec lequel il se comporte, comme Nico aimerait qu’il se comporte avec lui. Il suffit donc, d’une scène pour savoir que Jérém, peut être tendre, qu’il peut admirer et pourquoi pas plus. Au moins son frère et Thibault. Bien entendu, cela n’échappe pas à la sagacité de Nico, qui entrevoit la lumière au bout du long couloir sombre qu’ont été les derniers mois. Mais Nico, galvanisé par une semaine de sexualité épanouie, va t-il se laissé déborder par son impatience d’avoir enfin ce qu’il veut?   

    badreddine

    06/10/2017 15:20

    Ou est Thibault il me manque fiat le entrer une autre foi dans cette histoire

    Yann

    04/10/2017 11:47

    Cet épisode c’est du pur bonheur pour Nico,  dans toute sa plénitude. Enfin presque car il aimerait bien pouvoir montrer son bonheur au grand jour. Quant à Jerem, avoir annoncé aux nanas qu’il avait un copain et aimait les mecs c’est peut être un essai pour s’assumer et voir quelles réactions que cela provoque.

  • JN01114 La dernière fois que Jérém est venu chez moi

    JN01114 La dernière fois que Jérém est venu chez moi

    Vendredi 10 août 2001.

    Le vendredi matin de cette triste semaine sans Jérém, je me réveille avec le moral dans les chaussettes, sous les semelles même. Je n’ai pas bien dormi, je suis claqué.

    Le beau temps persiste, le soleil tout-puissant semble vouloir défoncer les volets pour annoncer une autre belle journée d’été. Mais il ne fait qu’alimenter ma tristesse.

    Je n’ai pas du tout envie de me lever ce matin. Je ne me sens pas capable d’affronter une nouvelle, interminable attente de la venue de la seule personne qui pourrait me rendre heureux, qui m’a si intensément rendu heureux pendant une semaine merveilleuse, mais qui ne semble plus du tout motivé à le faire.

    Mais en même temps, je me sens tellement mal dans ma peau, dans mes draps, que je ne tiens pas en place. J’ai envie de sortir, partir loin de cette chambre où tout me rappelle la présence du Grand Absent. J’ai envie de prendre l’air, même si je sais d’avance que tout ce que j’entreprendrai me sera pénible.

    Il n’est que 6h45 mais il fait déjà chaud dans ma chambre. J’étouffe, j’ai besoin d’air.

    J’ouvre les volets, je laisse rentrer le soleil matinal. Je respire profondément, je remplis mes poumons, comme si l’air frais du matin pouvait me nettoyer de l’intérieur, chasser cette fatigue, ce mal-être, cette tristesse qui m’assomment.

    Hélas, ce n’est pas du tout le cas. Car, en plus de ce soleil qui parle de vacances, de cette insouciance et de ce bonheur qui me sont interdits, le vent d’Autan vient mettre son grain de sel dans l’épais faisceau de mes inquiétudes.

    Le vent s’emmêle dans mes cheveux, joue avec les poils fins de mes bras, me donne des frissons.

    Le vent d’Autan, cet élément puissant, omniprésent, indissociable des façades en briques de la Ville Rose. C’est un vent qui est comme une métaphore du temps qui passe et qui, lui aussi, balaie tout sur son passage, les jours heureux, les espoirs, le bonheur.

    Je pense que Jérém va venir aujourd’hui, pour récupérer sa chaînette. Ça devrait me rendre heureux. En réalité, je redoute sa venue. J’ai peur du Jérém que je vais voir débarquer. J’ai peur de ne pas savoir trouver les bons mots, peur de ne pas arriver à toucher son cœur. En vrai, je ne sais même pas quoi lui raconter.

    « Si je viens, ce sera juste pour récupérer ma chaînette, et je me casse ! ». Ses mots de la veille résonnent douloureusement dans ma tête, s’enfoncent comme des lames dans mon cœur.

    Est-ce que je mérite cet éloignement soudain, cette froideur, ce mépris ?

    J’ai à la fois terriblement envie qu’il vienne et j’appréhende son attitude, notre conversation, ses mots qui peuvent être blessants comme des coups de canif. J’ai besoin de lui demander comment il envisage, si seulement il l’envisage, l’avenir histoire. Et j’ai une trouille folle vis-à-vis de sa réponse.

    La matinée commence dans une morosité déprimante. Je décide d’aller courir sur le canal. J’ai besoin de prendre l’air, de changer de décor, j’ai besoin de m’épuiser jusqu’à ce que la douleur physique soit si intense qu’elle me fasse oublier ma douleur intérieure.

    Lorsque je rentre à midi, je suis défait, en nage, je n’ai plus de jambes. Je prends une douche et je déjeune avec maman.

    « Ça va, Nico ? Tu as l’air fatigué aujourd’hui… ».

    « Ça va, maman, j’ai eu chaud cette nuit, et j’ai mal dormi… ».

    « Tu vas pouvoir faire la sieste tout à l’heure… ».

    Maman, si tu savais à quel point ça me touche que tu t’inquiètes pour moi. Si tu savais à quel point, à plusieurs reprises, pendant ce déjeuner, j’ai failli fondre en larmes et te dire ce qui me fait si mal au point de m’empêcher de dormir. Oui, maman, j’ai horriblement envie de pleurer dans tes bras !

    Si je ne le fais pas, c’est parce que je ne veux pas que tu t’inquiètes pour moi. Je sais qu’un jour tu sauras qui je suis vraiment. Tu dois même déjà un peu t’en douter. Mais avant de te parler, maman, j’ai besoin de pouvoir m’appuyer sur un bonheur stable, un amour en CDI, et non pas en Intérim. Chose que, je pense, ce ne sera pas pour tout de suite.

    Alors, maman, avant de laisser couler les larmes qui se pressent à mes yeux depuis ce matin, j’attendrai que tu sois partie, j’attendrai de me retrouver seul dans cette maison vide, entre ces quatre murs où, à un moment, j’ai vraiment commencé à croire que le bonheur avec mon Jérém était à portée de main.

    Maman vient tout juste de partir, et je fonds en larmes sur le canapé du séjour. Je me laisse aller, je relâche la tension. Très vite, l’épuisement moral s’ajoute à l’épuisement physique. Je me sens vidé de toute énergie.

    Je me demande s’il va vraiment venir aujourd’hui. Et je me demande dans quelles dispositions il va venir. « Si je viens, ce sera juste pour récupérer ma chaînette, et je me casse ! ». Ca ne promet rien de bon.

    Soudain, une idée traverse mon esprit. Je me dis qu’un cadeau pourrait le mettre dans de bonnes dispositions. J’ai un cadeau pour lui depuis mon voyage à Londres. Je me dis que c’est enfin le bon moment pour le lui offrir, d’autant plus que c’est peut-être la dernière occasion que j’aurai de le faire.

    J’espère qu’il sera touché par cette petite attention, et qu’il comprendra que je pense à lui tout le temps, même quand je suis loin de lui. J’espère qu’il comprendra à quel point je tiens à lui.

    Alors, sans réfléchir davantage, je fonce dans ma chambre, j’attrape le maillot de rugby blanc et rouge que j’ai acheté à Londres quelques semaines plus tôt. Je ne sais pas si on va monter dans ma chambre aujourd’hui, ni même combien de temps je vais pouvoir le retenir. Alors, je dévale les escaliers et je le pose sur le meuble de l’entrée, à portée de main, prêt à être offert.

    Je m’allonge sur le canapé, j’écoute ma respiration se mélanger au bruit de fond de la ville qui grouille derrière la porte d’entrée. Et je me laisse gagner par le sommeil qui m’envahit.

    Petit intense bonheur que la sieste, pont merveilleux au-dessus des heures et de la souffrance, raccourci indolore vers le milieu de l’après-midi.

    Lorsque j’émerge, il est 15h10. Je me réveille en sursaut, plombé par l’insistante angoisse d’avoir raté la venue de Jérém. Il me faut un petit instant pour me dire que ce n’est pas possible. Que s’il était venu, j’aurais bien entendu cette sonnette particulièrement retentissante !

    Je regarde le portable. Aucun message. L’attente recommence, insupportable parce qu’indéfinie.

    Heureusement, aujourd’hui encore, j’ai un bon allié pour essayer de tromper le temps, un bouquin vraiment captivant capable de me distraire de mon immense angoisse.

    « Tribunal d’honneur », le livre de Dominique Fernandez sur la vie de Tchaïkovski, est le compagnon qu’il me faut pour laisser avancer l’après-midi sans accrocher mon désespoir à chaque minute.

    Page après page, on suit le grand musicien dans cette partie de sa vie qui se déroule dans l’ombre, à l’abri des regards d’une société rigide et répressive qu’est l’époque tzariste du 19ème siècle. En se basant sur des « bruits de l’Histoire », l’auteur nous fait découvrir le penchant du grand musicien pour les garçons, penchant qui l’aurait porté à sa perte.

    La ville de Saint-Pétersbourg sert de décor à cette histoire qui ressemble à un polar historique. Ses monuments, ses perspectives, ses ponts, ses canaux jouent un rôle de premier plan dans cette atmosphère pesante qui donne de la puissance à l’intrigue. Sa présence est tellement forte que, page après page, elle devient presque un personnage à part entière.

    Très vite, le récit m’a donné envie d’accompagner la lecture par l’écoute de la musique du Grand Compositeur. Je monte dans ma chambre et j’attrape un cd que j’avais acheté à mes 12 ans, pendant ma période « musique classique ». C’était une période où, au gré de sorties chez le marchand de journaux, j’ai découvert bon nombre des grands classiques.

    C’est sur les toutes dernières échappées des cordes de la « Valse des Fleurs », qu’un nouvel instrument, jouant une seule et unique note dissonante, s’invite dans l’orchestre.

    La sonnerie de la porte d’entrée vient de retentir dans la maison.

    Je me fige, j’arrête même de respirer pour être sûr que je n’ai pas rêvé. Mon cœur ne délivre plus de simples battements, il envoie carrément des coups de massue contre ma cage thoracique. J’ai l’impression que mon cœur va exploser, ou cesser de battre, que ma poitrine va s’ouvrir en deux.

    À cet instant précis, les cordes déchainées de la « Valse » glissent sur moi comme l’eau bénéfique d’une source, elles me procurent un intense bonheur. J’hésite à bouger, à casser cet instant de perfection, pour aller à l’encontre d’une rencontre qui s’annonce difficile.

    Une deuxième sonnerie retentit dans la maison. Je prends une grande inspiration, je rassemble mes forces, je bondis littéralement sur mes pattes.

    Dans ma précipitation, je manque de commettre l’irréparable : couper la « Valse » à quelques secondes de la fin. Je me ravise tout juste à temps, avant que mon doigt n’appuie sur le bouton et ne me fasse rater ce feu d’artifice musical.

    En attendant, je traverse le couloir comme enveloppé, porté, encouragé, soutenu par les toutes dernières mesures retentissant dans la maison. Je pose ma main sur la poignée, je la tourne, je tire le battant vers moi, alors que les cinq toutes dernières notes se bousculent, s’entrechoquent, et que le silence tombe aussitôt derrière moi. Le CD vient de s’arrêter.

    Le bonheur provoqué par la musique résonne encore dans ma tête que déjà un nouveau bonheur s’empare de tout mon être. L’image du bobrun transperce ma rétine, mon cerveau, mon cœur, vrille mes entrailles. Et je ressens, tout à la fois, un nœud dans la gorge, une brûlure dans le ventre, un choc dans la tête comme si on m’avait assené un coup en pleine figure. J’ai envie de hurler, de pleurer, de me jeter sur lui direct.

    Jérém est là, devant moi, ses cheveux bruns tenus dans un brushing totalement inédit, raie bien nette sur le côté gauche, fixés au gel dans une sorte de vague compacte et penchée vers la droite. Un brushing de garçon sage, mais porté avec une insolence certaine. C’est le genre de brushing qui me fait m’exclamer à coup sûr : « Putain de bogoss ! ».

    « T’as changé de coupe, tu es beau » je ne peux ne pas constater à haute voix.

    « Je suis toujours beau ».

    Réponse de parfait petit con.

    Sa tenue du jour comporte une chemisette couleur bleu pétrole. Les deux boutons du haut défaits, je constate que les adorables poils bruns qui avaient commencé à coloniser sa peau ont récemment subi le supplice du rasage.

    « Tu as rasé… » je ne peux m’empêcher de constater, là aussi, à haute voix.

    « Oui, et donc ? », il réagit froidement.

    Je suis à la fois déçu et inquiet face à ce changement. Non seulement parce que ces petits poils siégeaient si bien à son torse, mais aussi parce qu’ils étaient devenus à mes yeux comme le symbole de notre complicité. Je lui avais dit à quel point je les adorais et il les avait gardés. Je m’étais imaginé que, sous le prétexte d’avoir la flemme de les raser, il les avait gardés pour me faire plaisir, sans en avoir l’air.

    Depuis lundi, nous nous sommes à nouveau éloignés. Notre complicité a été rompue, et les petits poils bruns en ont été les victimes collatérales. Putain, mais quel dommage !

    « Tu me files ma chaînette ? ».

    Le ton de sa voix est distant, le regard fuyant.

    « Tu veux pas rentrer un moment ? »

    « Non, donne la chaînette, je dois y aller… ».

    « Et s’il te plaît ? » je cherche à gagner du temps.

    « S’il te plait ! » fait-il sur un ton agacé.

    « Rentre, Jérém… ».

    « Je suis pressé… ».

    « Allez, juste 5 minutes… ».

    « Je te dis que je dois y aller, je suis juste passé récupérer ma chaînette ! ».

    « Viens, rentre… » je lui répète, tout en attrapant son avant-bras, simple contact qui a l’effet d’une décharge électrique « rentre juste un moment… je vais te la donner ta chaînette… ».

    Jérém oppose une résistance.

    « S’il te plaît… » j’insiste.

    Le bogoss finit par se laisser faire. Il avance, il franchit le seuil de la maison. Sur son passage, mes narines sont percutées par les effluves d’une fragrance fraîche et boisée inconnue jusque-là.

    Je me retiens de lui sauter dessus sur le champ et je referme la porte derrière nous.

    « Bon, tu me la donnes, maintenant ? ».

    J’attrape la chaînette dans le col de mon t-shirt et je tente de défaire la fermeture. J’ai les doigts qui tremblent, j’ai du mal à y parvenir. Je capte le regard de mon bobrun. Il a l’air étonné que je la porte. Peut-être touché aussi.

    J’arrive enfin à ouvrir le faux maillon, je tire par un bout et je sens les mailles glisser une dernière fois sur ma peau. Je rassemble la chaînette dans ma main et la lui tends.

    Je ressens un frisson intense rien qu’au contact du bout de ses doigts venant chercher l’objet dans le creux de ma main.

    Le bogoss la passe aussitôt autour de son cou. Lorsqu’il relève la tête, les mailles reprennent leur place autour de son cou puissant, retombant sur le deuxième bouton de la chemisette. Définitivement, cette chaînette de mec fait bien plus d’effet sur lui que sur moi.

    Le bogoss fait déjà demi-tour pour repartir.

    « Tu veux pas rester un peu plus ? » je tente de le retenir.

    « Non ! ».

    Sa réponse est sèche.

    Jérém attrape la poignée de la porte, il se prépare à l’ouvrir. Je m’appuie dessus avec mon dos pour l’en empêcher.

    « Qu’est-ce que tu fais ? » il me lance, toujours sans me regarder.

    « J’ai quelque chose pour toi » je décide de griller mes dernières cartouches.

    Je tends le bras pour attraper son cadeau et je le lui tends.

    « Tiens, ça c’est pour toi… ».

    « C’est quoi, ça ? ».

    « Regarde… ».

    Jérém plonge sa main dans le sac en plastique et en ressort le maillot. Je le regarde en train de le déplier, de le découvrir. Ses gestes sont lents, son regard traduit d’abord la surprise et la curiosité. Mais lorsque le logo ailé des « Newcastle Falcons », le numéro 10, le nom imprimé sur le dos et le code couleur du maillot font bingo dans sa tête, Jérém est comme cueilli par un frémissement. Et ce sont carrément des étoiles de bonheur de gosse qui se bousculent dans son regard.

    Pendant une seconde, j’ai le sentiment qu’il est remué, ému, et qu’il est sur le point de craquer, de se jeter sur moi, de m’embrasser, de me dire à quel point ce cadeau lui fait plaisir, à quel point il est touché par mon geste. De me dire qu’il a enfin compris à quel point je l’aime, à quel point il est désolé pour son silence de la semaine, et à quel point nous pouvons peut-être heureux tous les deux ensemble.

    « Ça te plaît ? ».

    « J’en veux pas de ça ! » assène-t-il, sèchement, tout en balançant le maillot sur le meuble d’entrée sans égard.

    « Mais il est pour toi, Jérém ! ».

    « Je n’en veux pas, je te dis ! ».

    « Et pourquoi ? ».

    « Parce que tu me gonfles ! » fait-il, de plus en plus énervé.

    « Qu’est ce qui ne va pas, Jérém ? ».

    « Tout va très bien ! ».

    « Je te trouve bizarre… ».

    « Ne me casse pas les couilles, Nico ! ».

    « Mais regarde-moi, putain ! » je finis par lui lancer.

    Je n’en peux plus de son regard qui me fuit.

    « Sors-toi de là, laisse-moi partir ! » il me somme, en forçant sur la poignée.

    « Attends un peu, Jérém ! ».

    « Pour quoi faire ? ».

    « Pourquoi tu ne passes plus à la pause ? ».

    « Je n’ai pas le temps ».

    « C’est des conneries, t’avais toujours le temps la semaine dernière ! ».

    « Alors je n’ai plus le temps ».

    « Tu ne te souviens pas comment c’est bon… » je lui chuchote, tout en approchant le nez du creux de son cou.

    Jérém tente de me repousser. Je reviens à la charge, passe ma main sur sa chemisette à hauteur de ses pecs. Je le sens frissonner. Je prends confiance, j’envoie mes doigts à l’assaut du deuxième bouton de la chemisette, impatient de les défaire.

    Je ne vais pas en avoir le loisir. Ses mains repoussent les miennes, avant de me repousser tout court.

    « Mais qu’est-ce qu’il t’arrive depuis quelques jours ? », j’insiste.

    « Il ne m’arrive rien du tout ! ».

    « Je ne vais pas me contenter de ça, Jérém ! La semaine dernière on a passé des moments de fou, c’était magique. Tu étais souriant, détendu, on était si complices ! Pourquoi du jour au lendemain tu ne viens plus, tu ne réponds même pas à mes messages, tu m’évites, tu es froid et distant ? ».

    « Ne me casse pas les couilles, Nico… ».

    « Tu me manques, Jérém… ».

    Le bogoss se tait, immobile, la respiration haletante. Plus je le regarde, plus j’ai l’impression qu’il n’est pas dans son assiette. C’est comme s’il voulait me dire quelque chose, et qu’il n’arrivait pas à trouver le courage de le faire. Comme si quelque chose le tracassait vraiment, comme s’il étouffait d’être dans cette pièce.

    C’est dur de savoir, à priori, ce qui le tracasse. De savoir et de le voir garder ça pour lui, de voir qu’il n’a pas l’intention de m’en parler, alors que je suis aussi concerné que lui. C’est dur de savoir et de ne pas pouvoir lui en parler, parce que j’ai promis de ne pas le faire.

    Je regarde ce garçon que j’ai envie de couvrir de bisous et de câlins, sans pouvoir le faire.

    « Est-ce que j’ai fait ou j’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? ».

    « Laisse-moi partir ! » il m’aboie dessus.

    « Mais putain, parle-moi, Jérém ! ».

    « Puisque tu veux savoir… j’ai… une copine… » fait-il, le regard toujours loin de moi.

    « De quoi ? ».

    « T’as bien entendu… ».

    Même si ses mots sont prononcés sur un ton à l’apparence détaché, j’ai l’impression qu’il est plutôt mal dans ses baskets.

    « Tu te fiches de moi ?!?! ».

    « Pas du tout ! ».

    J’ai une soudaine envie de le frapper, mais je suis tellement assommé que mes membres ne répondent même pas à ma colère.

    « Depuis quand ? ».

    « Ça ne te regarde pas… ».

    « Pourquoi tu me fais ça ? ».

    « Parce que j’ai envie de baiser des nanas… c’est aussi simple que ça… ».

    « Sérieux, tu as une copine ? ».

    « Oui, parfaitement ! ».

    « Et tu l’as rencontrée où ? ».

    « Au taf… ».

    « Au taf ? ».

    Je me sens blessé, meurtri, humilié, je bouillonne de l’intérieur.

    « Je ne suis pas pédé, fiche-toi ça dans la tête ! » il me lance, comme une claque.

    « Ne gâche pas tout, Jérém, s’il te plaît ! ».

    « Je fais ce que je veux ! ».

    « Ca ne peut pas se terminer de cette façon entre nous… ».

    « Et pourquoi donc ? ».

    « Parce que… ».

    « Parce que… quoi ? ».

    « Parce que… je t’aime… ».

    Juste trois petits mots qui s’envolent de mes lèvres. Trois mots, un monde entier.

    C’est un cri du cœur qui me laisse vidé de toute énergie, la poitrine défoncée par les coups de massue de mon cœur, la respiration coupée. Un cri qui n’a d’écho que dans silence assourdissant de son destinataire, et son regard comme assommé, ébahi, figé.

    « Ecoute, tu sais quoi ? » fait Jérém après une pause insupportable « on va en rester là tous les deux ».

    « On aurait dû arrêter tout ça il y a longtemps, il enchaîne, d’ailleurs, on n’aurait même jamais dû commencer ! ».

    J’ai l’impression que ciel me tombe sur la tête, je n’arrive plus à respirer, ma vue se brouille, mes oreilles bourdonnent. Je ne sais même pas comment je trouve de continuer cet échange malheureux.

    « Tu penses vraiment ce que tu dis ? ».

    « Oui, complètement ».

    Ses mots sont sans appel. Je suis sonné, j’ai l’impression de venir de recevoir un grand coup de massue sur la tête.

    « J’ai pas envie d’arrêter, moi ! ».

    « Moi si ! ».

    Je sens mes larmes monter à grands pas.

    « Ça ne peut pas finir comme ça entre nous ! » je pleure.

    Jérém se tait, le regard posé sur la poignée de la porte. Ses traits sont figés, ses lèvres sont serrées, parcourues par un frémissement incontrôlable. Sa pomme d’Adam bondit sous l’effet d’une déglutition fiévreuse. Le regard est toujours dans le vide.

    J’ai l’impression de me retrouver devant un garçon qui n’est pas mon Jérém. un garçon qui se fait violence pour être aussi méchant. C’est horrible cette barrière en verre qu’il a érigé pour m’interdire l’accès à son cœur. Et ces barbelés qu’il est en train de tirer partout autour pour me blesser et m’éloigner de lui.

    « Laisse-moi partir maintenant ! » il me lance, tout bas.

    Jérém me regarde fixement dans les yeux, son regard noir est plein d’éclairs mauvais. Je sais que si je provoque encore, sa méchanceté peut être sans limites. Mais je veux en avoir le cœur net, au risque de me faire terrasser.

    « Tu ne me fera pas croire qu’il n’y a pas un truc spécial entre nous… ».

    « Mais quel truc ? Quand est-ce que tu as vu qu’il y avait ce truc ? ».

    « On n’aurait jamais dû commencer toutes ces conneries ! ».

    « Ce ne sont pas des conneries ! Tu ne vas pas me faire croire que tu n’as pas aimé tout ce qui s’est passé entre nous ! ».

    « Tais-toi… tout ça c’est de ta faute ! ».

    « Ma faute ? » je chauffe.

    « T’aurais pas dû me proposer de réviser… tu voulais juste baiser avec moi… ».

    « Je te rappelle que c’est toi qui a voulu que je te suce ce jour-là ! ».

    « Tu m’as allumé… t’arrêtais pas de me mater en cours ! ».

    « Bien sûr que je te kiffais, je te kiffais à mort, je te kiffais comme un fou depuis le premier jour du lycée… mais moi je n’aurais jamais osé te proposer quoi que ce soit… ».

    « Arrête, t’en crevais d’envie ! ».

    « Alors, si tu savais que j’avais envie de coucher avec toi, pourquoi t’as répondu « oui » quand je t’ai proposé de réviser ? ».

    « Parce que je voulais me payer ton cul… ».

    « Donc t’es aussi pédé que moi ! ».

    « Arrête de me chercher ou ça va mal se finir ! » fait-il, les yeux exorbités, les veines apparentes dans le cou, l’air menaçant.

     « Jérém… » je tente de le raisonner « nous ne faisons rien de mal, nous sommes juste deux mecs qui se font du bien… ».

    « Ferme-la, putain… je ne suis pas pédé et je ne veux pas devenir pédé comme toi ! Tu entends ? ».

    Ses mots sont blessants, injustes, violents, gratuits.

    « Tu m’emmerdes, Jérém ! Tu n’es qu’un petit macho qui n’a pas les couilles pour assumer ce qu’il est… ».

    Je sais que je suis en train de le chercher dangereusement, mais je ne peux plus m’arrêter. Je réagis comme un animal blessé.

    « Et toi t’es une petite salope qui coucherait avec n’importe quel mec ! ».

    « Ça t’arrange bien de penser ça ! ».

    Son regard est traversé par un éclair de rage.

    « Je ne comprends pas pourquoi on doit se faire autant de mal l’un l’autre… ».

    « Maintenant tu me laisses partir… ».

    « Sinon quoi, tu vas me cogner ? ».

    « Ne me cherche pas Nico, sinon, je te jure… ».

    « Vas-y, tape-moi si ça te fait du bien ! ».

    Je me trouve devant un mur, haut, épais, infranchissable. j’ai besoin d’ouvrir une brèche à tout prix, tout de suite. J’ai besoin d’une « arme » puissante pour y parvenir. Soudainement, je me rappelle que je suis en possession d’un « atout » qui pourrait bien faire l’affaire. Hélas, il s’agit d’une « arme non conventionnelle », que je me suis engagé à ne pas utiliser.

    Mais tant pis. je ne peux plus tergiverser. Dans une minute, il sera parti. Alors, c’est maintenant ou jamais.

    « T’attendais quoi pour me dire que tu vas partir à Paris ? ».

    « Comment tu sais ? ».

    « C’est pas important… ».

    « Tu peux pas t’en empêcher, hein ? T’es encore allé emmerder Thib ! ».

    Je sens sa colère redémarrer à grand pas.

    « Thibault, c’est mon pote aussi ! ».

    « Ouaisss… mais ça t’a plu un max de lui vider les couilles à lui aussi, l’autre soir ! ».

    « Mais putain ! C’est toi qui as voulu que je le suce ! ».

    « T’as pas dit non, non plus ! ».

    « C’est vrai… mais tu m’as pas demandé mon avis ! Comme tu ne me l’as pas demandé la fois que tu m’as fait venir pour baiser avec ton cousin, ou la fois que t’as voulu baiser avec le mec du On Off ! Tu m’as mis dans des situations où je ne pouvais pas dire non ! ».

    « T’as bien aimé te faire baiser par Thibault ! ».

    « J’ai bien aimé parce qu’il ne m’a pas baisé, justement… ».

    « Ah bon, il t’a pas baisé… » il fait sur un ton méprisant.

    « Non, il m’a fait l’amour ».
    « Ecoutes, t’as qu’à te faire sauter par Thibault, alors ! ».

    « Tiens, peut-être que ce serait une bonne idée ! ».

    « T’es vraiment qu’une pute ! ».

    « Ok, je suis une pute… mais tu sais quoi ? Je suis une pute qui pourrait même tomber amoureuse d’un gars comme Thibault ! ».

    « Toi vraiment, putain… ».

    Et là, Jérém se projette violemment contre moi. Ses mains percutent mes pecs avec la puissance et la violence d’une semi-remorque. Je me retrouve projeté contre le mur, immobilisé par sa musculature puissante, crispée par la rage, son avant-bras en travers de ma gorge, l’autre bras brandissant un poing prêt à frapper avec toute la violence de son biceps tendu.

    « Je te jure que si tu n’arrêtes pas, tu vas te manger ma main dans la gueule ! ».

    Son attitude a le don de me faire sortir complètement de mes gonds.

    « Mais bon sang ! » je m’emporte « ça pourrait être si génial entre nous deux si seulement tu donnais une chance à notre histoire ! Les chanceux c’est nous, Jérém ! ».

    « Chanceux de quoi ? ».

    « Chanceux parce qu’il y a un truc spécial entre nous… ».

    « Spécial de quoi ? Il n’y avait que ton cul qui m’intéressait… ».

    « Je ne peux pas croire ça… ».

    « Il va bien falloir ! Tu n’as jamais été pour moi qu’un cul à baiser ! ».

    C’est à cet instant précis que le point de non-retour, celui que j’ai vu approcher de seconde en seconde, est atteint. Ce coup-ci, Jérém a vraiment dépassé les bornes. Sa méchanceté est telle, que quelque chose vient de casser en moi. Je sens mon sang bouillir, je sens une violente envie de lui faire mal au moins autant qu’il vient de m’en faire. Je vois rouge. Et je perds les pédales.

    Tout se passe en une fraction de seconde. Je le charge et je le frappe au visage.

    Jérém n’a rien vu venir. Attaqué par surprise, il reçoit ma droite de plein fouet, en pleine figure.

    Un filet de sang rouge vif commence à couler presque instantanément de son nez.

    Je suis abasourdi. Je viens de frapper le garçon à qui j’ai envie de faire tous les câlins du monde. Moi qui ne me suis jamais battu de ma vie, il faut que je commence par Jérém. Si c’est pas malheureux, ça !

    Alors que je regrette déjà mon geste, je le vois porter deux doigts sous son nez, et les retirer ensanglantés. Son regard est désormais rempli de haine.

    J’ai peur de la violence de sa réaction. et c’est moins la douleur physique que je redoute, bien moins que le chagrin de voir notre histoire se terminer à coups de poings dans la figure.

    « Je suis désolé, Jérém, je ne voulais pas… » je tente de le calmer.

    Hélas, mes excuses n’ont aucun effet. Jérém voit rouge, aussi rouge que moi un peu plus tôt, aussi rouge que le sang qui coule de son nez, qui éclabousse son torse et laisse des traces sur son jeans et sur le carrelage.

    Je le vois charger comme un taureau, et je sais que ça va faire mal. Je suis tellement dégouté par la tournure que sont en train de prendre les choses, dégouté que ce soit par ma faute, d’avoir frappé en premier, que je n’ai même pas le réflexe de tenter de me protéger le visage. Lorsque son poing me percute, je ressens une douleur aigue se propager depuis le milieu de mon visage jusqu’à l’intérieur de ma tête.

    C’est le goût bizarre du sang sur mes lèvres qui me fait pleinement réaliser que je viens de me faire frapper par le garçon que j’aime. C’est triste à en pleurer.

    « Qu’est-ce qui se passe ici ? » j’entends une voix familière s’écrier.

    Je lève les yeux. Maman vient de débarquer.

    « C’est quoi tout ce sang ? » elle s’inquiète, en voyant le carrelage tâché.

    « C’est rien, un petit accident, rien de grave, madame… » fait Jérém.

    Maman le regarde, puis me regarde fixement, les yeux écarquillés, le regard anxieux.

    Jérém tamponne une dernière fois son nez avec la main et se précipite vers la porte d’entrée. Dans mes tripes, je ressens malgré tout l’instinct d’essayer de le rattraper, une fois encore. Je sais que si je lui laisse passer cette porte, ce sera vraiment fini entre nous. Mais mon corps ne suit plus. je suis à bout de forces, physiquement, moralement.

    Jérém saisit la poignée, la fait tourner, il tire le battant. Et là, contre toute attente, il marque une pause.

    Il tourne la tête vers moi. Son regard noir a soudainement disparu, pour laisser la place à un regard perdu, rempli de désolation, de détresse, et de chagrin.

    Ce que je vois à cet instant, ce n’est plus le connard qui vient de me balancer son mépris et son poing dans la figure, mais un garçon très malheureux. Pendant un instant, je me prends à rêver qu’il soit sur le point de me lancer un « Je suis désolé », capable de soigner toutes mes blessures. 

    Il n’en est rien. Jérém finit pas détourner le regard et disparaît dans l’entrebâillement de la porte.

    La serrure vient tout juste de claquer un dernière fois derrière le garçon que j’aime. Et je sens le désespoir m’envahir. Je ne peux plus me retenir, je fonds en larmes.

    « Nico ! ».

    C’est à cet instant précis que j’ai vu dans le regard de maman qu’elle avait tout compris, sans besoin d’un mot d’explication. Dans mes larmes, maman a su à quel point j’étais amoureux d’un putain de beau gosse qui me rendait terriblement malheureux.

    Je vais dans le cellier chercher un seau et une serpillère. Je reviens nettoyer les traces de sang, les dernières traces du passage de Jérém chez moi. A chaque tâche effacée, je me demande pourquoi on en est arrivés là et, surtout, comment j’en suis arrivé à frapper le garçon que j’ai envie d’aimer plus que tout au monde.

    Je sais que je ne le reverrai plus jamais. Je nettoie et je pleure, en pensant à la solitude terrifiante de ma vie sans lui.

    Mon nez ne saigne plus, mais il me fait mal. Je suis toujours sonné, et je sens une fatigue immense me gagner. J’ai envie de monter dans ma chambre et de ne plus y ressortir avant des jours, des mois. Mais il faut que je me dépêche d’aller voir maman. Il est 19h20 et papa va rentrer d’un moment à l’autre.

    Lorsque je la rejoins dans la cuisine, elle est en train de préparer une grande salade.

    « Ça va, mon Nico ? ».

    « Oui, ça va… mieux… » je tente de la rassurer, en prenant sur moi pour contenir mon émotion et ne pas laisser mes larmes jaillir à nouveau.

    J’attrape un bocal et je commence à mélanger huile, vinaigre, sel et moutarde.

    « C’est qui ce garçon ? ».

    « C’est un camarade du lycée… ».

    « Pourquoi vous vous êtes disputés ? ».

    « C’était juste pour une bêtise… ».

    « Vous vous êtes battus, quand-même ! ».

    « C’est rien je te dis… ».

    « T’avais l’air vachement remué, mon Nico… et ton camarade aussi… ».

    Une partie de moi a envie de tout raconter à maman, de lui dire que j’aime les garçons depuis toujours, que j’aime CE garçon plus que tous les autres garçons de la Terre. Oui, une partie de moi n’a qu’une envie, celle de me laisser aller à pleurer dans ses bras, et de la laisser me réconforter.

    Mais la blessure est si profonde, si vive, si brûlante, que je ne me sens pas la force de la remuer, même pas pour tenter de la soigner.

    « Maman… » je me lance, pour gagner du temps, sans aucune idée de comment je vais continuer ma phrase.

    Heureusement, maman vient à mon secours.

    « Ne te force pas » elle me glisse, tout en attrapant ma main.

    Elle la serre avec force et douceur, en posant sur moi ce regard plein d’affection et de tendresse que seule une maman sait composer.

    « Si tu n’as pas envie d’en parler, c’est pas grave. Tu m’en parleras plus tard, quand tu t’en sentiras capable. Je serai toujours là pour toi, mon Nico, tu le sais… ».

    Je sanglote. Je sens maman très émue aussi.

    « Mais il y a une chose qu’il faut que tu saches, elle continue, je t’aimerai toujours, et rien ne pourra jamais changer cela. Tu sais, Nico, tout ce qui m’intéresse, c’est que tu sois heureux, quel qu’il soit le bonheur que tu recherches ».

    Puis, elle pose sa main sur ma nuque et me caresse les cheveux, comme quand j’étais enfant, pour me réconforter. Je pleure à chaudes larmes.

    « Désolé, maman… ».

    « Pleure, si ça te fait du bien ».

    « Ce garçon… ce garçon… » je tente de lui parler de mon chagrin, de cet amour fou né sur les bancs du lycée. Mais les mots restent bloqués au fond de ma gorge.

    « Ce garçon est vraiment un très beau garçon… » résume maman « mais j’ai l’impression que ce n’est pas lui qui va te rendre heureux… ».

    « Maman… promets-moi… ».

    « Te promettre quoi, Nico ? ».

    « Ne dis rien à papa, s’il te plaît… ».

    « Je ne lui dirai rien t’inquiète. Tu lui diras toi-même quand tu seras prêt à le faire ».

    « Merci, maman… ».

    « Dis donc, il ne t’a pas raté ce petit con… » elle s’exclame, en se penchant pour regarder les dégâts de plus prés.

    « A côté du nez, sous l’œil, tu vas avoir un joli cocard, mon Nico… ça fait mal ? » elle continue.

    « Oui… ».

    « Dans le placard de la salle de bain, il doit y avoir une pommade pour soigner les hématomes… ».

    Dommage qu’il en existe pas une pour soigner les cœurs brisés.

    « Merci maman… ».

    « C’est lui qui t’a frappé en premier ? ».

    « Non, c’est moi… ».

    « Nico ! ».

    « Et je le regrette vraiment… même s’il l’a bien cherché ! ».

    « En tout cas, toi non plus, tu ne l’as pas raté ! ».

    La porte d’entrée vient de s’ouvrir et de se refermer. Papa est rentré. Je m’essuie les yeux et maman aussi.

    « Bonsoir ! » fait papa « qu’est-ce que t’as fait au nez, Nico ? ».

    « Bonsoir ! » mens maman « ton fils s’est pris la porte de la salle de bain en sortant de la douche ».

    « Toujours aussi maladroit ! » fait papa distraitement.

    Le soir dans mon lit, j’étouffe. J’ai mal au nez, mal au visage. Et mal au cœur, surtout. Allongé dans le noir, sur le dos, je me sens incapable de faire le moindre mouvement. Je n’ai même plus la force de pleurer. Je me sens comme vidé de toute énergie. Je n’ai envie de rien, ni de lire, di d’écouter la musique. J’ai mis la radio en fond sonore, à volume très bas, juste pour me tenir compagnie. Vers minuit, en allant se coucher, maman toque à ma porte.

    « Ça va, Nico ? »

    « Ça va, maman… ».

    « Passe une bonne nuit, mon loulou. Essaie de dormir un peu ».

    « Je vais essayer, ne t’inquiètes pas. Bonne nuit, maman ».

    J’essaie de fermer les yeux, mais je les rouvre aussitôt. A force d’avoir pleuré, ils piquent. Le sommeil ne vient pas.

    Allongé dans le noir, je repasse les souvenirs heureux de la semaine dernière, de ces après-midis de fou. Et je ressasse les souvenirs horribles de cette semaine, de cet après-midi. Je rumine ses mots blessants comme des lames. J’entends le bruit de mon coup de poing dans sa figure. J’entends le bruit de son poing sur la mienne. J’entends deux fois le bruit de la chair qui morfle. Je sens l’odeur du sang, et la sensation malaisante de violence injustifiée. Je me sens horriblement mal. J’ai l’impression d’avoir commis quelque chose d’irréparable, d’impardonnable.

    Définitivement, ce n’était pas une bonne idée de laisser Jérém venir chez moi, de le laisser accrocher son souvenir dans cette chambre, à ce couinement que fait mon lit quand on appuie à un certain endroit, ce bruit qui me ramène à ses coups de reins. Je le revois sur moi, je le sens en moi, je ressens la brûlure qu’il a laissée entre mes jambes, dans mon ventre, dans mon cœur.

    Pourtant, je savais que ça se terminerait de cette façon. Je le savais qu’un jour on se prendrait la tête et que ce serait fini pour de bon. Je savais que le faire venir chez moi allait être une façon de reculer pour mieux sauter. Ce que je ne savais pas, c’est que ça se terminerait en baston. Et que je le cognerai en premier. Je n’arrive pas encore à croire que je l’ai cogné.

    Et maintenant que c’est fini entre nous, Jérém hante cette chambre, ce lit, ma vie toute entière.

    4h18, je ne dors toujours pas. J’essaie de ne pas penser à demain, au nouveau jour qui viendra, un jour inutile, odieux, car il ne portera pas avec lui l’espoir de revoir Jérém.

    J’ai connu le Paradis avec mon bobrun. Mais désormais, imaginer ma vie sans lui me parait un aperçu de l’enfer.

    La nuit avance et la radio débite des chansons que je n’écoute pas.

    Puis, soudainement, un texte accroche mon attention, parle à ma tristesse, à ma solitude, à mon désespoir.

    Tant de fois j’ai tenté/D’aller toucher les étoiles
    Que souvent en tombant/Je m’y suis fait mal
    Tant de fois j’ai grimpé/Jusqu’au plus haut des cimes
    Que je m’suis retrouvé/Seul au fond de l’abîme
    (…) Il y a toujours un soir
    Où l’on se retrouve seul/Seul au point de départ
    Celui qui n’a jamais été seul/Au moins une fois dans sa vie
    Seul au fond de son lit/Seul au bout de la nuit
    Celui qui n’a jamais été seul/Au moins une fois dans sa vie
    Peut-il seulement aimer/Peut-il aimer jamais

    Commentaires

    ZurilHoros

    06/07/2020 20:21

    L’évolution de leur rapport continue. L’interaction entre Jérémie et Nicolas est tellement bien observée, que l’on visualise tout. Les hésitations, les excitations, les réticences, les emballements.  

    Perock

    18/09/2017 20:52

    J’adore le nouveau jerem, il commence enfin à accepter nico. Sa aurait été parfait si il avait accepté de se faire porter malade, ou qu’il lui propose de se voir le dimanche. Mais avec jerem je redoute que le lundi arrive mais sans lui

    Gripsou22

    16/09/2017 15:06

    J’ai énormément pris de plaisir à lire cet épisode et j’ai même beaucoup bandé tout du long !  C’était tout simplement génial ! Enormément d’érotisme de sensualité et de tendresse, j’étais complètement transporté ! Un Jérémie à la fois viril dominant doux et tendre, des caresses de nombreuses jouissances, difficile d’imaginer à quel point Nico peut être heureux après cet épisode… C’est très touchant de voir Jérémie qui s’occupe à ce point du plaisir de Nico. Il est difficile pour moi d’exprimer ce que je ressens après cet épisode : tout est parfait mais tout va s’effondrer bientôt…

    Yann

    14/09/2017 15:51

    Oh que oui j’ai beaucoup apprécié ! Jerem est définitivement plus le même depuis qu’il s’accepte tel qu’il est dans sa relation avec Nico. C’en est d’autant plus troublant et touchant de voir comment, ce garçon perturbé qui réagissait par la violence à ce qu’il vivait, est devenu si adorable, attentionné et tellement complice de Nico. Cette fusion de leur corps et de leur esprit c’est ce que je trouve le plus beau quand en plus il y a tes mots Fabien pour la faire partager. Ce que je redoute comme probablement d’autres lecteur c’est le drame après l’apothéose.  Yann

  • JN01113 Un petit con à casquette (lundi suivant) partie 2

    JN01113 Un petit con à casquette (lundi suivant) partie 2

    Des grains de sable et des pas de crabe.

    Lundi 06 août 2001, après le départ de mon bobrun.

    Jérém vient de partir, et je me sens comme abasourdi par la façon dont on s’est quittés. Je me demande pourquoi ma relation avec Jérém doit toujours être aussi compliquée, aussi incertaine, aussi imprévisible. Mille questions et inquiétudes se bousculent dans ma tête.

    Mais quelque chose va capter toute mon attention. Je découvre sa chainette nichée dans un pli de la couette, toute proche des oreillers. Elle a dû se décrocher pendant qu’il était allongé sur le lit. Etonnant qu’il ne se soit pas rendu compte de l’avoir perdue. A moins que cela se soit passé à un moment où il était tellement happé par son plaisir que rien d’autre n’existait pour lui.

    Etonnant aussi de ma part de ne pas avoir relevé son absence autour de son cou.

    Je ressens une immense émotion dans le fait de la retrouver là, sur mon lit. Je la saisis, et je réalise qu’elle est plus lourde que je l’avais imaginé, c’est une véritable chaînette de mec. C’est la première fois que je la tiens entre mes doigts, que je peux la contempler si calmement. Je caresse les mailles serrées, je les rassemble dans le creux de ma main. Je la porte tout proche de mes narines. Comme je le soupçonnais, elle porte l’odeur de sa peau.

    Je ferme les yeux, je l’embrasse, tout en inspirant avidement les bonnes petites odeurs cachées entre ses mailles. Soudain, c’est comme si mon Jérém était là avec moi. J’ai l’impression que lorsque je vais rouvrir les yeux, mon bobrun sera là devant moi, en train de me regarder avec son regard de b(r)aise, le bouton du pantalon ouvert, l’attitude du bogoss qui semble intimer, sans besoin des mots. « Tu attends quoi pour venir me sucer ? ». Et qu’une fois que je l’aurai fait jouir, il acceptera mes caresses et mes bisous.

    Le geste vient tout naturellement, comme une évidence. J’attrape un bout, puis l’autre, je passe la chaînette autour de mon cou. Et là, c’est un intense bouquet de sensations magiques qui s’offre à moi.  Son poids, la fraîcheur du métal derrière mon cou, sur mes clavicules. Et le délicieux petit massage offert par les mailles, source de mille frissons, lorsqu’elles se dérobent sur ma peau au gré de mes mouvements.

    Très vite, je décide que je ne l’enlèverai pas, du moins tant que je n’aurai pas l’occasion de la lui rendre. Cette chaînette, c’est comme un avatar de mon bobrun. Elle est aussi le pont de secours vers nos prochaines retrouvailles.

    Maman m’appelle pour le dîner. Ce qui me fait penser que je dois faire gaffe à ce que mes parents ne la voient pas. Je n’ai vraiment pas le courage de réponde à des questions impromptues. Je passe un t-shirt col rond assez serré et je la glisse dedans.

    En descendant les escaliers, je sens les mailles glisser entre mon t-shirt et ma peau, comme une caresse, douce et virile à la fois, une sensation qui me donne des frissons de la tête aux pieds. Je ferme les yeux et, une fois de plus, pendant un court instant, j’ai l’impression que mon Jérém est là, avec moi.

    Hélas, ce n’est qu’une illusion. Sa chaînette est là, mais mon Jérém me manque horriblement. L’inquiétude s’ajoute au manque, et me voilà parti pour des cogitations infinies, m’entraînant tour à tour par tous les extrêmes émotionnels.

    L’optimisme, d’abord. Lorsque je me dis que ce que nous avons vécu depuis dix jours est si beau et si fort que ça ne peut être balayé par ce qui s’est passé cet après-midi. D’autant plus que, dans l’absolu, il ne s’est rien passé de grave. Alors, je me dis que demain Jérém va revenir sonner à ma porte, comme d’habitude. Et il sera une nouvelle fois sexy en diable, chaud comme la braise.

    Le pessimisme, ensuite. Lorsque je me dis que ce petit « accident », ce début de pipe avorté, est le genre de truc capable de remettre en cause son seulement les fragiles avancées des derniers jours, mais notre relation toute entière.

    Après le dîner, et jusqu’à très tard dans la soirée, je ressens l’envie de lui envoyer un message. Mais quoi lui dire ? Quoi, pour que ça n’empire pas un peu plus les choses ?

    C’est vers minuit que je finis par trouver la bonne accroche, comme une évidence.

    « Salut. J’ai retrouvé ta chaînette ! ».

    Le message envoyé, je me sens mieux. Je me dis que mon SMS est comme une sorte d’invitation, une sorte de garantie que mon bobrun reviendra demain après-midi, du moins pour la récupérer.

    Je suis sûr que demain matin j’aurai un message de sa part. Un message que j’essaierai d’interpréter en long, en large et en travers pour comprendre dans quelles dispositions il est à mon égard.

    J’essaie de dormir. Je n’y réussis pas vraiment. Je passe une partie de la nuit à tenter de me rassurer, en me disant que ce n’est pas possible que ça se finisse de cette façon entre Jérém et moi.

    Hélas, il est de petits grains de sable capables, sans qu’on y prenne gare, d’enrayer la mécanique la plus parfaite. Certes, la mécanique de notre complicité était encore loin d’être irréprochable, mais elle semblait tourner de plus en plus rond. Malheureusement, en ce lundi, de nombreux grains de sable étaient venu mettre à dure épreuve ses rythmes, ses oscillations.

    Mardi 07 août 2001.

    J’ai passé une nuit agitée, perturbée, parsemée par une succession de micro-sommeils au fil desquels j’ai compté chaque heure, et même plusieurs fois par heure. Je me réveille abattu, les membres endoloris. Certes, une partie de mes courbatures sont la conséquence directe des galipettes de la veille, de la puissance des assauts de mon bobrun.

    Pourtant, la cause principale de mon insomnie et de mon épuisement ce sont bien les soucis.

    Oui, les soucis. Ils nous minent en s’attaquant d’abord à notre sommeil. Vicieux, ils continuent à nous accabler le lendemain, se combinant avec l’épuisement qu’ils ont eux-mêmes provoqué, cette fatigue qui nous prend au corps et à l’esprit. Implacables, ils nous font perdre rapidement nos moyens, jusqu’à nous faire tomber dans un état de prostration totale.

    Il est 7 heures. Ma chambre est encore plongée dans la pénombre, mais les rayons intenses du soleil matinal arrivent à se frayer un chemin dans le petit espace entre les volets fermés et l’embrasure de la fenêtre. Et ils me parlent d’une météo revenue au grand beau.

    Hélas, dans mon cœur, ce n’est pas du tout la même histoire. Dans mon cœur, c’est plutôt maussade. Lorsque je suis heureux, il pourrait faire n’importe quelle météo, j’emporte le soleil dans mon cœur. mais lorsque je suis triste, soucieux, le beau soleil est presque une insulte à ma détresse. Comme j’aime, lorsqu’il pleut dans mon cœur, qu’il pleuve aussi sur la ville !

    Oui, après cette nuit affreuse, je me sens triste, désemparé. J’ai plus que jamais la conviction qu’aujourd’hui, Jérém ne reviendra pas. Et que la magnifique lancée de nos après-midis magiques s’est brutalement arrêtée.

    Preuve en est qu’il n’a pas même pas répondu à mon SMS. Car il a forcément vu mon message. Mais il n’a pas pris le temps de répondre.

    Mais que s’est-il passé dans sa tête hier après-midi ? Que cherchait-il à prouver ? Est-ce qu’il voulait juste « tester », voir ce que ça fait de toucher une queue avec ses lèvres ? Quel rôle ont joué la position propice de nos corps, ainsi que le tarpé ? Pourquoi ce tarpé aujourd’hui, alors qu’il n’en avait jamais fumé depuis qu’il venait chez moi ? A-t-il cherché à se détendre ? A oublier ses envies ? Ou bien, à se laisser aller, à se donner du courage pour les affronter, à oublier cette lutte intérieure, à se laisser porter par les évènements ?

    Au fond de moi, je me dis que le tarpé n’a pu que libérer des envies bien existantes, et en aucun cas créer ces envies. Mais que regrette exactement Jérém ? D’avoir été surpris par mon regard ébahi, ou bien de succomber à une envie qu’il n’arrive pas à assumer ?

    Tant que son rôle était 100% actif, il pouvait toujours se voir « hétéro », malgré le fait de baiser un gars. De plus, pour un macho, baiser un autre mec c’est voir sa propre virilité dominer celle de quelqu’un qui est lui-même censé « dominer ». Baiser un mec, fait ainsi de lui un vrai « mâle Alpha ». Mais dès lors que son envie de sucer s’est manifestée, ça a posé problème.

    Pourtant, si mon Jérém s’est lancé là-dedans, c’est qu’il en avait envie. Vraiment envie. Tarpé ou pas tarpé. C’était peut-être pour me faire plaisir, bien qu’à aucun moment je ne lui avais rien demandé de tel. Mais je suis persuadé qu’il ne l’aurait pas fait s’il n’en avait pas eu envie.

    Que ce serait-il passé si je n’avais pas arrêté de sucer et si je ne l’avais pas regardé comme on regarde un enfant pris la main dans le sac ? Que ce serait-il passé si je m’étais « laissé faire » ? Serait-il allé au bout de son envie ? Que ce serait-il passé ensuite ?

    Je ne le saurai jamais.

    J’ai passé le matin à cogiter, à imaginer ce que j’allais faire si mon bobrun ne venait pas aujourd’hui. J’ai décidé que s’il ne vient pas, je vais le laisser tranquille. Du moins pendant un temps. Au fond, il a peut-être juste besoin de temps. Un jour de distance et de réflexion ne peut pas lui faire du mal.

    Peut-être même que ça va nous aider à mieux nous retrouver demain.

    Oui, j’ai passé la matinée à me dire que s’il ne vient pas aujourd’hui, ce ne sera pas la fin du monde. Que je n’ai pas à paniquer, que ce n’est pas la fin de notre relation, juste une petite pause. que je dois simplement être patient et que tout va bien se passer.

    Vers midi, je me suis senti apaisé. Pendant que je déjeunais avec maman, j’avais l’impression d’avoir retrouvé un semblant de sérénité.

    Pourtant, à bien regarder, c’était une sérénité plutôt du genre « stressé ». Elle ne tenait qu’au fait que, au fond de moi, j’étais sûr qu’il viendrait quand même.

    Dès que maman est partie travailler, mes angoisses ont immédiatement repris le dessus.

    13 heures, ce n’est plus le matin, c’est déjà l’après-midi. La ligne de partage de la journée franchie, tout semble s’accélérer. Le moment où il devrait débarquer approche. Et au fur et à mesure que le temps passe, je suis de plus en plus certain qu’il ne viendra pas.

    Désormais, Jérém a dû voir mon message. Ce matin il s’est levé, il est parti travailler, il a bien dû regarder son portable. Pourquoi ne prend-il pas le temps de répondre ?

    Les minutes passent, les quarts d’heure glissent, les demi-heures s’enchaînent. Le temps passe si lentement, pour ceux qui attendent.

    Oui, les heures passent à la fois si lentement, et pourtant si vite, lorsqu’on attend l’être cher, sans avoir la certitude qu’il viendra.

    J’essaie de tromper le temps en me plongeant dans la lecture. Hier soir, j’ai bien avancé dans « L’Empire des Anges ». Venus… Igor… Jacques… Venus… Igor… Jacques… et désormais… Venus 17 ans… Igor 17 ans… Jacques 17 ans.

    Me voilà très impatient d’atteindre le dénouement, tout en redoutant d’arriver à la fin de la magie du roman. Mais le récit est addictif, il prend le lecteur par la main et ne le lâche plus, l’entraîne de page en page, de chapitre en chapitre. Alors, je me laisse transporter.

    Non seulement j’ai le bon bouquin, mais j’ai aussi une technique imparable pour essayer de tromper le temps. Je m’oblige à rester plongé dans le récit jusqu’à la fin d’un chapitre, sans regarder mon téléphone et guetter les messages, sans même regarder l’heure. Parfois, je me laisse porter par ma curiosité et j’en lis un autre. Ainsi, le rythme de la lecture limite la perception de l’attente.

    14 h 07, il ne va pas tarder.

    14 h 39, oui, il peut encore venir.

    14 h 58, ça va sonner d’un instant à l’autre.

    15 h 17, ou pas…

    15 h 31, garde espoir, Nico, il est déjà venu après 16 heures.

    15 h 49, mais pourquoi ce petit con n’est toujours pas là ? Pourquoi faut-il que ce soit toujours si compliqué avec lui, pourquoi faut-il toujours qu’il gâche tout avec son incapacité à assumer ce qu’il est ?

    16 h 07, je désespère, tout en continuant à espérer.

    Il ne me reste plus qu’une cinquantaine de pages à lire. Je me plonge dedans, et j’y reste, comme en apnée, m’imposant de ne jamais plus regarder l’heure. Porté par le final spectaculaire, je n’ai pas trop de mal à m’y tenir. Même si je sens mon cœur devenir un peu plus lourd à chaque minute, à chaque ligne.

    Me voilà en train de lire la toute dernière page. Comme à son habitude, l’auteur nous fait part de la musique qu’il écoutait, ainsi que des évènements marquants survenus durant l’écriture du roman.

    La quatrième de couverture tournée, je regarde enfin l’heure.

    17h14, l’heure où je peux me dire pour sûr que Jérém ne viendra plus. Instantanément, je me sens plongé dans un abyme infini de tristesse et d’angoisse. Il fait peut-être 30 degrés dans la maison, pourtant je ressens des frissons, j’ai froid, je tremble, j’ai envie de pleurer.

    Je me sens soudainement très fatigué. je m’allonge sur le canapé, et je m’assoupis.

    18h40, lorsque je me réveille, maman n’est toujours pas rentrée. Je me sens horriblement seul dans cette maison vide. J’allume la télé, je mets la 2. J’ai besoin de rigoler. Ça fait du bien de retrouver cette bande de perchés installés autour d’une table. Car leur déconnade sans répit, leur bonne humeur sont contagieuses. J’adore cette émission. Elle est tellement déjantée qu’elle a le pouvoir d’anesthésier ma détresse. Même ce soir, elle m’aide à ne pas trop penser à Jérém, à ne pas pleurer, en attendant que maman rentre. J’ai toujours aimé « On a tout essayé ». Et ce, même avant que Myriam et Dominique Pipeau y fassent leurs débuts fracassants, en rendant cette émission mythique.

    Maman rentre pile au moment où le générique de fin résonne dans le poste. Je l’écoute me parler de sa journée et je me sens un peu mieux. Bien qu’au fond de moi, j’ai toujours envie de pleurer.

    J’ai attendu mon bobrun tout l’après-midi, et il n’est pas venu. Il a forcément eu sa pause, et il n’est pas venu. Et il ne m’a pas prévenu. Il n’a toujours pas pris le temps de répondre à mon sms. Comme s’il s’en foutait. Comme s’il m’évitait.

    C’est lorsque le soir tombe que le mal d’amour et les angoisses sont le plus durs à supporter. Un nouveau jour s’éteint, emportant avec lui les espoirs déçus. La nuit avance, présageant un nouveau jour sans lui.

    Seul dans mon lit, je commence à penser d’avoir sous-estimé l’ampleur des dégâts. J’ai peur que Jérém ne revienne plus, jamais. Je tente de lire, je n’y arrive plus. Je n’ai pas envie d’écouter de la musique, même pas Madonna. Vraiment, je ne suis pas bien.

    Avant d’éteindre la lumière, je me surprends à parcourir ma chambre du regard. Aussitôt, ma mémoire se met à projeter des images de mon bobrun dans ce décor. Je le revois, debout, à côté du lit, pendant que je le suce. Ou assis sur le lit, dans mes bras, pendant que je le rends fou avec mon kif. Je le revois en train de fumer à la fenêtre, caché par les rideaux. Je le revois rigoler parce que je lui fais des bisous dans le cou. Je le revois assis sur ma chaise de bureau, je revois ma casquette cachant difficilement sa virilité tendue.

    Images de complicité sensuelle, images de sourires, images de bonheurs. Souvenirs de contacts de nos corps, de petites odeurs magiques, de sensations infinies et délicieuses, de frissons, de petits moments d’éternité.

    Je réalise à cet instant que j’ai pris un gros risque en le faisant venir à la maison, en laissant sa présence faire de chaque pièce de la maison où nous avons partagé du plaisir – l’entrée, le couloir, le séjour, ma chambre – autant de boîtes à souvenirs où tout me ramènera désormais à lui.

    Il ne faudrait pas que sa présence d’un instant, que le bonheur d’un instant, prépare la souffrance de son absence de toujours.

    Oui, j’ai commis une grave imprudence en lui ouvrant la porte de cette chambre, en laissant notre bonheur passager installer des souvenirs dans chaque coin, sur chaque objet, dans ce lit où nous nous sommes donnés tant de plaisir, et dont les draps portent désormais sa présence olfactive. Des souvenirs qui hantent ma solitude et nourrissent mon angoisse.

    Jérém va revenir dès demain, ce n’est pas possible autrement.

    Ce n’est pas possible qu’il ne revienne pas.

    Mercredi 8 août 2001.

    Contrairement à mes rêves, que j’ai voulu prendre pour des réalités, le mercredi après-midi s’écoule exactement de la même façon que le mardi après-midi. Jérém ne se manifeste pas. J’ai envie de lui envoyer un autre SMS, mais je redoute de le harceler. Je redoute surtout qu’il y apporte la même réponse qu’au précèdent…

    De toute façon, il sait que ma porte est ouverte. Que je détiens sa chaînette. Et moi je sais que s’il a décidé de ne pas venir, je ne peux rien pour le faire changer d’avis.

    Pourtant, chaque minute qui passe, l’angoisse enserre un peu plus mon cœur, la souffrance envahit un peu plus mon cerveau.

    Je tourne en rond dans la maison comme un animal en cage. C’est fou de se mettre dans un tel état pour un mec. C’est fou de lui laisser à ce point voler les clefs de son cœur, de son bonheur. Quel drôle de machinerie, que la mécanique du cœur.

    J’étouffe dans la maison vide. J’ai envie de sortir, de courir, de crier. Je ne peux pas, pas avant l’heure où je me dirai, dépité, qu’il ne viendra plus.

    J’attends. Deux heures, l’espoir est permis. Trois heures, l’espoir est en souffrance. Quatre heures, l’espoir devient désespoir. Cinq heures, en pleine détresse, il ne viendra pas.

    J’ai envie d’aller le voir à la brasserie, de lui demander pourquoi il ne vient plus me voir, pourquoi il me fait la tête. Je n’ose pas.

    Cinq heures 10, j’ai une meilleure idée. Je vais aller voir Thibault à la sortie de son taf. Ça fait un petit moment que j’ai envie de savoir comment se passe la coloc avec son pote. Et aujourd’hui, j’ai en plus envie de ressentir sa bienveillance, et pourquoi pas avoir son conseil avisé.

    Lorsque j’arrive devant le garage, dans le quartier de la gare Matabiau, je me trouve immédiatement confronté à l’un des plus grands mystères de l’Univers. A savoir, comment un bogoss peut parvenir à être encore plus bogoss à chaque fois qu’on le voit.

    Un mystère qui va de pair avec une autre énigme insoluble, celui de savoir comment un bogoss peut s’habiller dans n’importe quelle tenue sans que sa sexytude en soit un tant soit peu affectée.

    Ainsi, dans sa cotte de travail rouge et grise, une taille trop grande, parsemée de traces de cambouis, Thibault demeure incroyablement sexy.

    D’autant plus que, à la faveur de la chaleur revenue sur la ville Rose, un côté du double zip est ouvert sur plusieurs centimètres, laissant apercevoir l’arrondi du col de son t-shirt. Un t-shirt gris qui a dû connaître pas mal de passages en machine, et dont l’arrondi baille légèrement, laissant dépasser quelques petits poils bruns et doux, tout simplement craquants. Quand je pense que j’ai la chance de connaître la magnifique anatomie qui se cache sous cette cotte. Et ce, pour la simple et bonne raison que pendant une nuit pas si lointaine, j’ai eu la chance de faire l’amour avec cet adorable garçon. Je me demande toujours si ça a été une bonne chose. Mais putain, qu’est-ce que ça a été bon !

    Le bomécano est en train de traficoter dans le capot d’une voiture. J’ai le temps de le mater pendant un petit instant, avant que son sourire ne m’atteigne comme une caresse vraiment bienvenue.

    Je lui fais un signe de la main. Il me fait signe d’approcher. Il s’essuie les mains dans un grand bout de papier et il sort sur le trottoir. Son sourire est comme une caresse.

     « Hey, Nico, ça fait un bail ! » fait le bomécano sur un ton enjoué, tout en me claquant la bise. Toujours aussi adorable.

    Thibault est rasé de prés. Et même rasée de près, la peau colonisée par sa barbe dégage un contraste sombre et plutôt viril avec la couleur plus claire de celle du reste de son visage.

    « Ça fait un moment que j’ai envie de passer te voir ».

    « T’as bien fait ! En plus, tu tombes bien, je débauche, là. Comment tu vas, Nico ? ».

    « Ça va… » je lâche machinalement.

    Mais on ne la fait pas au charmant Thibault. Dès que son regard s’est posé sur moi, il a su que ça n’allait pas. Et Thibault ce n’est pas le genre de mec à laisser tomber un pote qui n’est pas bien.

    « On dirait que ça va pas fort… ».

    J’essaie de sourire.

    « C’est Jé, c’est ça ? Il s’est encore conduit comme un goret ? ».

    « C’est un peu compliqué ».

    « Ecoute Nico, je vais me laver et je reviens. Tu viens boire un coup chez moi ? ».

    « Avec plaisir… ».

    Le bomécano revient quelques minutes plus tard, simplement habillé de ce t-shirt gris que j’avais aperçu sous sa cotte, accompagné d’un short en jeans et d’une paire de vieilles baskets. Sa peau dégage cette odeur caractéristique du cambouis nettoyé par le savon industriel, tandis que ses vêtements respirent la fraîcheur d’une lessive récente.

    Dans ces habits qui ont un peu vécu, émanant ce délicieux bouquet olfactif de jeune mec bosseur, mais très clean, Thibault est tout simplement et tout naturellement beau. Eblouissant de charme et de droiture. Au final, sa beauté est comme sublimée par la simplicité de sa tenue. Vraiment, jamais l’habit ne fera le bogoss.

    Le bomécano me file un ticket, nous prenons le bus. Les platanes du Canal du Midi défilent sous mes yeux.

    L’appart de Thibault est un peu plus en vrac que la dernière fois, mais toujours aussi accueillant.

    « Désolé pour le bazar ».

    Un peu partout, sur le canapé et sur les chaises, il y a des vêtements. Des vêtements qui à priori n’appartiennent pas à Thibault. Oui, dans le bazar, je reconnais bien la même « technique de rangement » que j’avais connu dans l’appart de la rue de la Colombette.

    « Ça c’est la touche Jérém… » je plaisante.

    « Oui, c’est ça ! Le séjour c’est sa chambre, le canapé c’est son lit, et le dossier du canapé c’est sa penderie ».

    Je reconnais la chemise blanche qui m’avait fait tant d’effet négligemment abandonnée sur un accoudoir du canapé. Envie de plonger mon nez dedans.

    « Une bière ? » enchaîne le bomécano.

    « Oui, avec plaisir… ».

    Thibault fait un aller-retour à son frigo et revient avec deux petites bouteilles à la main.

    « Vas-y, pousse le bordel, trouve-toi une place sur le canapé… » il me lance.

    Nous voilà assis côte à côte. Je regarde le jeune pompier avaler une bonne rasade, comme le ferait un mec assoiffé.

    « Ça fait du bien ! » je l’entends souffler.

    « Vas-y, raconte, qu’est-ce qui se passe ? ».

    « Depuis la semaine dernière, il est venu tous les jours à la maison ».

    « Mais c’est génial, ça ! ».

    « Oui, mais… cette semaine ça s’est gâté. Et je n’ai plus de ses nouvelles depuis lundi… ».

    « En ce moment, Jéjé est un peu secoué. C’est depuis le coup de fil de lundi soir… ».

    « Quel coup de fil ? ».

    « Il t’en a pas parlé ? ».

    « Non, je ne l’ai pas vu depuis. Quel coup de fil ?!?! ».

    « Ecoute, Nico. Je préférerais que ce soit lui qu’il t’en parle ».

    « Mais il ne me parle plus ! ».

    « Il est chiant ! Ecoute, je veux bien t’en parler… » fait le bomécano touché par ma détresse « mais quand il t’en parlera, parce qu’il faut bien qu’il t’en parle à un moment ou à un autre, tu feras mine de l’apprendre de sa bouche, ok ? ».

    « Ok, mais dis-moi, s’il te plaît… ».

    « Les responsables du Racing veulent le rencontrer dans quelque jours… ils envisagent de l’engager dès la rentrée… »

    « Et c’est où le Racing ? » je m’exclame par réflexe, moi qui ne connais rien au monde du rugby.

    « C’est le nouveau club de… Paris… il est né cette année de la fusion de deux équipes… ».

    Les mots de Thibault tombent sur ma tête comme un coup de massue. Je suis assommé.

    « Dans quelques jours ! » je m’entends exclamer, sans même réfléchir.

    « Quelques jours ! » je répète, abasourdi. J’ai la tête qui tourne, les idées qui se brouillent. J’ai l’impression que le ciel va me tomber sur la tête.

    « Je vais le perdre, je le savais que ça se finirait comme ça… ».

    « Ne dis pas ça, Nico ! » fait Thibault en passant un bras autour de mon cou.

    « Si, je vais le perdre… ».

    « Moi aussi ça me fait de la peine qu’il parte, mais Paris ce n’est pas au bout du monde, c’est à une heure d’avion… ».

    « On va plus jamais se voir, c’est fini… ».

    « Nico, je sais que c’est dur pour toi, je sais à quel point tu tiens à lui. Mais c’est une immense chance pour lui, tu le comprends aussi. C’est son rêve qui devient réalité ».

    « Je sais bien. Et je suis content pour lui. Mais je sais aussi qu’il m’oubliera super vite quand il sera là-bas ».

    « Je suis sûr que c’est aussi dur pour lui que pour toi. Il ne l’avouera jamais, mais je suis sûr que lui aussi a peur de te perdre ».

    Quand je pense que depuis une semaine ça se passait si bien entre nous !

    Ainsi, son malaise d’avoir été surpris en flagrant « délit » de fellation, ce n’est pas la seule cause de son silence des derniers jours. Le coup de fil du club parisien n’y est pas pour rien. Est-ce que mon Jérém est vraiment perturbé à l’idée de partir loin de moi ?

    « Ne te laisse pas décourager, Nico… » me glisse le charmant Thibault, tout en me caressant l’épaule avec sa main à la fois douce et rassurante.

    « Et s’il ne vient pas te voir, vas lui parler. N’aie pas peur… ».

    Si seulement c’était facile, mon Thibault. Aller lui parler, quand et comment ? Pour lui dire quoi ?

    Lui dire à quel point ça me fait mal de savoir qu’il va partir ? Pour quoi faire ? Pour essayer de le retenir ? Le retenir à quoi, le retenir où, alors que moi aussi je vais partir de Toulouse pour mes études ?

    Dans ma tête, j’avais imaginé que Jérém continuerait à la brasserie, ou qu’il trouverait un autre boulot, mais qu’il resterait sur Toulouse, avec ses potes du rugby, avec son pote Thib. J’avais imaginé des aller-retours Bordeaux Toulouse tous les week-ends pour retrouver le garçon que j’aime. J’avais imaginé que je trouverais le moyen de prendre une place dans sa vie.

    Mais quand je l’imagine à Paris, en joueur de rugby, avec une pression terrible de rentrer dans le moule hétérosexuel, ça me parait beaucoup plus compliqué de trouver une place dans sa vie.

    Toulouse, je connais, je sais me bouger dans Toulouse. Paris, c’est un monde abstrait pour moi. J’ai l’impression que jamais je ne saurais retrouver Jérém dans cette immense ville.

    Non, je n’ai pas le droit de l’empêcher de vivre son rêve. Je n’ai pas le droit de lui parler de mes sentiments maintenant. J’ai peur de sa réaction, quelle que ce soit. Soit, il n’en a rien à faire de moi, et dans sa tête il est déjà à Paris, et il va me rire au nez. Soit, s’il a vraiment des sentiments pour moi, comme je l’ai senti pendant toute cette semaine magique, ça va lui faire encore plus de la peine. Les deux éventualités me sont insupportables.

    Faut-il parfois renoncer à son amour, par amour ?

    Son silence est sans doute sa façon de me quitter. Pour se débarrasser de moi, ou pour se protéger, lui. Il essaie peut-être de m’oublier. Et il veut peut-être que je l’oublie.

    Mais notre histoire ne peut pas se terminer de cette façon ! Je ne peux me résigner à accepter son silence, et son départ sans un mot. Pas après tout ce que nous avons vécu, pas après le bonheur des derniers jours. J’ai besoin de le revoir ne serait-ce qu’une fois, ne serait-ce qu’un instant. Ne serait-ce que pour lui rendre sa chaînette, pour lui donner le maillot que j’ai ramené de Londres.

    Ne serait-ce que pour lui dire au revoir.

    Et que vais-je faire de mes sentiments ? Est-ce que je vais oser lui dire à quel point je suis fou de lui ? Est-ce que j’ai le droit de lui dire dans ces circonstances ? Est-ce que j’ai le droit de ne pas lui dire, au risque de passer, et de le faire passer, à côté de quelque chose de beau et d’important ?

    Ce mercredi soir, je me sens très triste. Je ne sais pas quoi faire. Alors, je plonge dans les souvenirs, comme s’ils pouvaient m’aider à changer les choses.

    Je plonge mon nez dans ce t-shirt dérobé un matin, au petit matin, dans sa salle bain. Je plonge mon nez dans ce tissu qui porte toujours son empreinte olfactive. Je me glisse sous les draps en amenant avec moi ce trésor inestimable, les trois photos dont l’adorable Thibault m’a fait cadeau il y a quelques temps.

    Je pose les trois images sur le drap, devant moi, et je me sens comme happé par les histoires qu’elles racontent. Jérém assis sur la pelouse de la prairie des Filtres, Jérém en maillot de rugby, et Jérém à la plage, torse nu, le bronzage ajoutant des couleurs à sa peau mate, la lumière du soleil mettant en valeur et en relief la musculature parfaite de son corps.

    Non, je ne me lasse pas de regarder ces images qui, prise à distance de quelques mois l’un de l’autre, matérialisent sous mes yeux le chemin parcouru par la virilité de mon bobrun. C’est beau de voir un jeune gars devenir un vrai petit mec.

    Je range les photos dans un tiroir de ma table de nuit, j’éteins la lumière et je me glisse sous les draps. Dans le noir, la vue laisse la place aux autres sens. Allongé dans mon lit, je sens le poids des mailles de sa chaînette sur ma peau. J’ai l’impression de sentir son corps contre le mien, ses mains dans mes cheveux, ses lèvres sur mes lèvres, sa langue sur ma peau. Et je pleure à chaudes larmes.

    Je n’arrive pas à trouver le sommeil. Je n’ai même pas envie de me branler. Vers 1 heure du mat, je craque et je lui envoie un nouvel SMS.

    « Hey, tu viens chercher ta chaînette ? ».

    Le SMS envoyé, je me sens apaisé. Je m’endors peu de temps après, confiant que le lendemain matin j’aurai sa réponse.

    Jeudi 09 août 2001.

    Ce matin, je ne suis pas bien. Je n’ai pas trop mal dormi, pourtant je n’ai pas envie de me lever. La journée commence mal. Toujours aucun SMS sur mon portable.

    Je n’ai pas envie d’affronter une nouvelle journée sans Jérém, une nouvelle journée à me poser des questions, à attendre, à me sentir impuissant.

    Il fait très beau et très chaud. Mais la matinée s’écoule morose. Quant à l’après-midi, ce n’est qu’une succession d’espoirs sans cesse déçus.

    17h25, je sais qu’il ne viendra plus.

    J’étouffe chez moi. Je sors et je me mets à marcher. Je marche, je marche, je marche. J’ai envie d’aller voir mon Jérém, mais je ne sais toujours pas si c’est une bonne idée. Aussi, je crains sa réaction, son hostilité qui trancherait brutalement avec l’accueil si chaleureux de dimanche dernier.

    Dimanche, il y a tout juste 4 jours. Et pourtant, ce dimanche me parait si lointain.

    J’ai beau m’imposer des détours, tenter l’évitement. Mes jambes finissent toujours par me diriger là où le cœur les amène. Je n’ai pas marché une demi-heure que je me retrouve dans la rue de Metz en direction d’Esquirol.

    Les dés sont lancés, autant y aller franco. Je vais me pointer à la brasserie, et m’installer en terrasse pour prendre un verre. Je m’attends, je me prépare, à me faire fulminer du regard. Pourvu juste qu’il ne m’ignore pas, et que ce soit bien lui qui vient me servir.

    Je sens sa chaînette se dérober entre ma peau et mon t-shirt au gré de mes pas. Oui, je vais y aller avec le prétexte de la chaînette, mais je ne vais pas la lui donner pour autant. Je vais juste lui demander de venir la chercher chez moi. Si je dois le revoir, j’ai besoin de le voir au calme. Assurément pas ici, entre deux portes.

    Je suis à quelques pas de la brasserie, je retire la chaînette de mon cou, je la glisse dans ma poche. Je me fais violence pour continuer à avancer vers la terrasse désormais en vue, alors que le cœur s’emballe mètre après mètre.

    Ça y est, je suis devant l’entrée de la terrasse. Mon bobrun est là, il porte un jeans marron et un beau t-shirt noir, craquant à souhait. Il est en train de servir des clients. Lorsqu’il finit de vider son plateau, il débarrasse une table voisine. C’est là que son regard capte ma présence. Le bogoss semble surpris, mais il disparaît à l’intérieur avec son plateau.

    Ça commence « bien ». Je redoute de plus en plus sa réaction. Mais désormais je suis là, alors il faut y aller.

    Je repère une table un peu isolée et je m’y installe. Jérém revient avec un plateau chargé. Lorsqu’il repère ma position, je découvre que le sourire incendiaire de dimanche a été remplacé par un regard noir, orageux.

    Il n’y a pas encore grand monde en terrasse, et visiblement le bobrun est seul au service pour l’instant. Il ne pourra pas m’ignorer, il sera obligé de venir me voir. Le bogoss disparaît de nouveau à l’intérieur. Mon cœur continue à s’emballer de seconde en seconde pendant son absence de mon champ de vision.

    Lorsqu’il réapparait, il fonce directement sur moi. On dirait un jeune taureau en train de charger.

    « Qu’est-ce que tu fiches là ? » il me lance sèchement, sans préliminaires.

    « Tu m’as mieux accueilli dimanche dernier », je lui glisse.

    « Tu veux quoi, tu vois pas que je bosse ? ».

    « Je sais… mais comme tu ne viens plus me voir à la pause, je viens prendre des nouvelles… ».

    « C’est pas le moment… ».

    « Tu pourrais au moins répondre à mes messages ! ».

    « J’ai pas le temps… ».

    « Des conneries ! ».

    « T’as ramené ma chaîne, au moins ? » fait-il froidement.

    « Non, elle est à la maison… » je mens

    « Tu fais chier ! ».

    « Passe demain, je te la donnerai… ».

    « Je t’ai dit que je n’ai pas le temps ! ».

    « T’as plus de pauses ou quoi ? ».

    « Ne me casse pas les couilles, Nico, et ramène-la-moi ! ».

    « Ok, j’arrête de te casser les couilles. Mais si tu veux ta chaînette, il va falloir venir la chercher ! ».

    « Tu m’emmerdes !! » il me balance, mauvais, juste avant de repartir à l’intérieur, alors que son patron vient de l’appeler.

    Il revient une minute plus tard, il plante une bière blanche devant moi. Je ne l’ai pas commandé, mais je suis content qu’il y ait pensé.

    « Bois la vite et tire-toi… ».

    « Tu viens demain ? ».

    « Si je viens, ce sera juste pour récupérer ma chaînette, et je me casse ! ».

    « Mais pourquoi ? » je me désespère.

    Mais le bogoss est déjà reparti servir d’autres clients.

    Je n’ai plus envie de ma bière. Je me lève et je pars sans y avoir touché.

    Je rentre à la maison encore plus triste que j’en suis parti. Pourquoi il se comporte de cette façon avec moi ? Pourquoi est-il si cassant ? Pourquoi est-il si remonté vis-à-vis de moi ?

    Je préférerais encore être en train de me demander si demain il viendra, plutôt que de me dire qu’il va venir juste pour récupérer sa chaînette.

    C’était si beau ce que nous avons vécu pendant ces derniers jours. Pourquoi tout a changé du jour au lendemain ? Pourquoi Jérém réagit-il de cette façon ?

    Commentaires

    ZurilHoros

    06/07/2020 11:27

    C’est le genre d’épisode ou ne ne sait pas ou son cœur balance. D’un coté Nico, sur son nuage qui se remémore les gestes de Jérémie, qui se réjouit du chemin parcouru, non pas par lui mais par Jérém, car il faut bien reconnaitre que Nico ne parcourt aucun chemin. Il attend, il subit, ce qui, finalement, ne lui réussit pas trop mal. Il pense un peu à Thibaut, plus pour se rassurer que s’inquiéter de ses éventuels tourments. D’ailleurs il a tort, il ferait mieux d’aider Thibaut à verbaliser ce qu’il ressent. Jusqu’à ce qu’il se retrouve à son cours de conduite. Bien qu’il ait l’habitude de Julien, il est encore sous le choc de sa présence et en plus, cette fois, il y a un Alex. C’en est trop pour lui, Alex est un Dieu.  C’est plus plaisant comme qualificatif que celui de « mâle reproducteur » réservé à Jérém. Ensuite, il se fait allumer par Julien et il est fier de résister à un hétéro qui lui montre ses abdos pour le faire baver et lui montrer sa supériorité. Ca se passe en voiture, en plein jour, sur une bretelle d’autoroute, à la vue de tous…Il y a de quoi être fier LOL. On est tenté de se demander comment ça se serait passé dans un lieu plus discret. Et aussi, comment il peut être dans cet état de fascination alors qu’il en est à je ne sais combien d’éjaculation depuis 3 jours… 9, 12??? on ne compte plus. Donc, comme lecteur, je trouve que le petit et adorable Nico devrait parcourir un peu de chemin lui aussi, et devenir plus orgueilleux et moins facile à choper. Mais les séances avec Jérém sont particulièrement réussies pour toute cette semaine. Bravo Fabien, ça ne doit pas être facile de les enchainer et de les rendre différentes à chaque fois. 

    fab75du31

    24/07/2017 23:20

    Merci à vous tous pour vos commentaires. C’est un bonheur de vous lire. Fabien

    Christina

    24/07/2017 16:29

    Je relis ces derniers chapitres pour la deuxieme fois aujourd’hui. Fabien, merci de nous faire ressentir autant d’emotions. Voilà un moment que je te lis et je n’ai jamais eu autant de frissons qu’avec ces chapitres de fou où Jerem s’ouvre enfin. Merci de me faire ressentir tout ça. Une fan du bout du monde 🙂

    Yann

    22/07/2017 18:24

    Encore un bel épisode. J’aime beaucoup cette complicité juvénile et Nico commence à se poser des questions sur la fidélité de son beau brun. Il découvre que l’amour rend exclusif même si lui n’a pas résisté  à la tentation de Julien. Bonne année à tous Yann

    Etienne

    20/07/2017 18:14

    Bonjour Fabien, Très bel épisode, mais je reste inquiet… puisque tu nous as distillé au compte-goutte que bientôt tout va exploser. On reste à l’écoute. Bonne année à tou-te-s

  • JN01112 Un petit con à casquette (lundi suivant) partie 1

    JN01112 Un petit con à casquette (lundi suivant) partie 1

    Les nouvelles envie de Jérém.

    Les envies de Jérém (troisième du nom).

    Lundi 06 août 2001.

    Le lundi matin de cette nouvelle semaine de vacances, je me réveille de très bonne humeur, certain que mon bobrun va revenir, aujourd’hui encore. C’est bon de me dire que je suis à l’aube d’une nouvelle semaine d’après-midis de plaisir et de complicité avec mon Jérém.

    Je repense à cette pipe de hier après-midi dans la réserve de la brasserie ! Quel culot, ce Jérém ! Je lui tire mon chapeau pour avoir été capable de concevoir sur le pouce un plan diaboliquement excitant. A moins que je ne sois pas le premier à être invité à goûter le « jus du serveur » dans l’arrière-boutique.

    Et au final, à bien regarder, qu’importe que je sois le premier ou pas. Je sais que Jérém a eu des aventures, beaucoup d’aventures même, avant moi. Si cette arrière-boutique a été le théâtre d’autres gâteries, l’important c’est que je sois le seul et le dernier à y avoir eu accès, depuis une semaine au moins, et pour longtemps.

    Je suis heureux de me dire que s’il a voulu me proposer ce petit moment très sympa, c’est qu’il n’a pas pu attendre de me voir à la pause du lendemain. En clair, il n’a pas pu se passer une seule journée de moi. Quand je pense qu’il n’y a pas si longtemps, il m’aurait incendié rien qu’en me voyant approcher de la brasserie !

    Alors, en me réveillant en ce lundi matin, je me sens de très bonne humeur. Et ce, malgré le temps maussade qui persiste sur la ville Rose. quand on est amoureux, le soleil est en nous, c’est un soleil inépuisable qui réchaufferait les glaces de Mars.

    Il est 9 heures du mat. En général, mon beau mâle brun se pointe avant 15 heures. Au plus tard dans 6 heures, 360 minutes, il sera là, et je le serrerai contre moi, je le couvrirai de bisous, et je le ferai jouir jusqu’à le rendre fou. Dans mon euphorie, je ne fais même pas cas du fait que le vent d’Autan s’est levé. Et qu’il souffle, il souffle, il souffle.

    En début d’après-midi, le faible soleil semble avoir du mal à percer la grisaille. Maman vient de partir au travail et je commence à me demander avec quelle tenue de bogoss mon Jérém va m’assommer cet après-midi. Je l’attends avec impatience, frémissant de connaître les bonheurs sensuels qui seront au menu du jour.

    En attendant, je tente d’occuper mon esprit en lisant la suite des « Thanatonautes ». « L’empire des anges » est tout aussi prenant que le tome précédent, toujours aussi inspiré. Je suis complètement absorbé dans la lecture, lorsque la sonnerie de la porte d’entrée retentit dans la maison.

    Il est 14h50. A 10 minutes près, j’avais tout bon. Je referme mon bouquin sans même prendre le temps de noter la page, je traverse le séjour comme en lévitation et je me précipite vers l’entrée. Lorsque j’ouvre la porte, je manque de tomber direct à la renverse. Putain, la gifle !

    J’ai beau tenter d’accepter, faute de pouvoir l’expliquer, comment tant de bogossitude puisse se trouver concentrée en un seul et unique garçon. J’ai beau me dire, après avoir vu son frère, que sa sexytude est une question de génétique. Ou que la salle de sport, le rugby n’y soient pas pour rien.

    A chaque fois, à chaque rencontre, chaque fois que mon regard se pose sur lui, je suis ébahi par un nouvel éclat de cette bogossitude. Un simple regard posé sur Jérém, et je me sens comme pris dans l’araignée impitoyable de son charme. La beauté est un piège que la nature tend à la raison.

    Mon Jérém se tient là, devant moi. Mais alors que je m’attendais à le voir apparaître dans sa tenue habituelle – t-shirt bien ajusté, casquette à l’envers, short et baskets, bref, la tenue de p’tit con sexy par excellence – je me retrouve face à un putain de bogoss en chemise, cravate, et pantalon noir. C’est à dire la même tenue habillée dans laquelle je l’ai sucé la veille.

    Ah, putaaaaaain ! Je l’ai rêvé, il l’a fait ! J’ai envie de pleurer, envahi par de tant d’émotion. Oui, j’ai envie de chialer, sans savoir d’ailleurs pour quelle raison en premier. A cause de la beauté et de la sexytude de cette tenue, tout simplement. Ou bien pleurer en imaginant les nombreux plaisirs que le simple fait de le débarrasser de cette tenue va me procurer. Ou encore, pleurer pour le fait que ce soit non seulement la première fois qu’il se pointe dans sa tenue de serveur, mais qu’il le fasse pile le lendemain où je lui ai dit.

    « Qu’est-ce que tu es sexy avec ta chemise et ta cravate ! ».

    Oui, je crois que ce qui me touche le plus, c’est cette attention de mon bobrun. Je lui ai dit que je kiffais sa tenue, et ça n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd !

    Encore faut-il connaître les véritables raisons pour lesquelles il en est ainsi, peut-être tout simplement il n’a pas eu le temps de se changer. Evidemment, il est bien tentant de penser que le bogoss l’a fait exprès pour me faire « plaisir », et/ou parce qu’il a flairé qu’il y a moyen d gagner un après-midi carrément torride dans cette tenue.

    Jérém est là devant moi, et nos regards s’accrochent. Dans ses yeux, cette étincelle que je lui connais si bien, une étincelle de mâle assuré de son charme. Et aussi ce sourire coquin, insolent, impertinent, allumeur qui crie, qui hurle le sexe. Et qui semble traduire son intention. « Laisse-moi rentrer, je vais te baiser ».

    J’ai envie de lui à en crever. Je me décale pour le laisser rentrer. Le bogoss franchit le seuil avec sa démarche souple et conquérante, comme un beau félin mâle avançant dans le territoire qui est désormais le sien.

    Je pousse la porte derrière lui, tout en prenant bien soin de la fermer correctement, ce coup-ci.

    Je ne lui laisse même pas le temps de se retourner. Je me précipite sur lui, je passe mes bras sous les siens, et je le serre très fort contre moi, je plonge mon visage contre son cou.

    J’aime par-dessus tout le contact avec sa peau, mais j’aime aussi le contact avec le tissu fin et doux de la chemise. Je plonge mon visage dans le col, avide de respirer l’odeur de sa peau, impatient de lui faire tous les bisous que je n’ai pas eu l’occasion de lui offrir la veille.

    Et pendant que je couvre sa peau de bisous légers et insatiables, je sens sa respiration se faire de plus en plus profonde, ample, apaisée, comme une sorte de doux ronronnement de beau félin brun. Comme s’il trouvait ça à la fois agréable et normal, comme s’il s’attendait tout simplement à ce genre d’accueil. Comme s’il était vraiment en demande de ces câlins et de cette tendresse.

    « Tu m’as manqué ! » je ne peux m’empêcher de lui glisser, fou de bonheur.

    « Depuis hier ? » se moque le bogoss.

    « Tu me manques toujours… ».

    Le bogoss essaie de se cacher ça derrière la raillerie, mais je sais qu’il aime que je lui dise ça.

    Je passe mes mains dans ses cheveux, je laisse pleuvoir des bisous dans son cou. Et je me laisse aller à mordiller ses oreilles, si belles, si tentantes.

    « Non, pas ça, ça va se voir ! » je l’entends rapidement me balancer, tout en pliant brusquement la tête sur le côté pour se dégager de ma bouche.

    « Bah, tiens ! Moi aussi ça se voit ! Ma mère me l’a fait remarquer hier ! ».

    « De quoi tu parles ? ».

    « Les marques que tu me laisses… ».

    « Où ça ? ».

    « Dans le cou, sur les oreilles… ».

    « Fais voir » fait le bogoss, intrigué.

    Il se dégage de mon étreinte et me fait me retourner.

    « Ah ouaissssss… » il s’étonne, pendant que son doigt passe pile à l’endroit le plus sensible.

    « Oui, là » je confirme.

    « Il n’y a pas été de main morte le type… » plaisante le bogoss.

    Dans le ton de sa voix, j’ai l’impression de sentir comme un soupçon de fierté, comme s’il kiffait l’idée de m’avoir marqué de son sceau.

    « Ah, non, il n’y a pas été de main morte ! ».

    « Tu lui as dit quoi à ta mère ? ».

    « Je lui ai sorti une connerie… ».

    « Elle t’a cru ? ».

    « Oui, je pense… pourquoi ? ».

    « T’as dû le sentir passer le type… » continue le bogoss sans prêter attention à ma question.

    « Je ne te le fais pas dire… ».

    « Ah ouaisss… Il t’a fait jouir ? ».

    « Oh, putain, que oui… il m’a fracassé… ».

    « T’as qu’à faire une réclamation… ».

    « Ah, non, surtout pas ! ».

    « T’as kiffé, alors ? ».

    « Jamais un mec m’a retourné de cette façon… ».

    « C’est rien par rapport à ce que moi je vais te faire aujourd’hui… » je l’entends me lancer sur un ton de défi, mais un ton amusé.

    D’ailleurs, le défi n’est que contre lui-même, ce qui doit le flatter, et pas qu’un peu.

    « Je ne sais pas si tu vas y arriver… » je le cherche.

    « De quoi ? ».

    « A faire mieux que lui… » je le cherche.

    « Tu vas prendre cher… » fait-il, en pressant et en frottant sa bosse déjà bien gaillarde par-dessus mon short, pile entre mes fesses.

    Le bogoss passe ses bras autour de ma taille, ses mains sous mon débardeur. Elles remontent le long de mon torse. comme guidés par une balise, ses doigts trouvent mes tétons, les pincent, les caressent. Sa langue se pose sur mon cou et glisse sur ma peau, juste en-dessus des marques encore sensibles. Sa barbe frotte, chatouille, excite.

    Je suis excité, je suis fou, je bande, j’ai envie de lui. Je sens que je ne vais pas tenir longtemps, je sens que je vais vite me retourner et lui arracher ses fringues. Le fait est que, dans l’état d’excitation qui est le mien à cet instant, je ne donne pas cher de l’intégrité des boutons de sa chemise.

    Oui, je crève d’envie de me retourner et de lui sauter dessus. C’est une envie à l’évidence partagée car, alors que mes pieds sont sur le point de pivoter, le bogoss me fait retourner de son propre chef.

    Dans son regard, un ordre et une promesse de mâle dominant. « viens, je vais te baiser ».

    Le bogoss attrape mon avant-bras et m’attire vers lui. Nos visages sont si proches que je peux sentir son haleine aux arômes de bière et de cigarette, délicieux mélange pour mes narines. Nos lèvres sont si proches qu’il suffirait d’un tout petit geste pour qu’elles se rencontrent.

    Mon cœur tape à mille, à dix-mille, ma respiration s’emballe, mon corps tout entier est secoué par un frisson insoutenable. Car oui, pendant une fraction de seconde, je crois vraiment que le bogoss va enfin braver l’inimaginable, m’embrasser de son propre chef.

    Pourtant, ce n’est pas ce qui va se produire. Au lieu de cela, ses lèvres attrapent ma lèvre inférieure et la mordillent, la tiraillent. C’est comme s’il réclamait des bisous qu’il ne sait pas aller chercher par lui-même. C’est insupportable. Et adorable en même temps.

    J’ai bien compris le message, il va encore falloir que je prenne le commandement des « Opérations Câlins ». Mais alors, ce sera à ma façon. Je dégage mes lèvres de la douce torture de Jérém, je claque un bisou rapide sur les siennes, comme un baiser volé. Le bogoss a l’air surpris, mais il reçoit déjà un autre bisou volé. Il me regarde, amusé. Encore un bisou volé. Un autre, et un autre encore. Je veux le pousser à bout, lui donner envie de m’embrasser à son tour. En attendant, j’adore ce petit jeu. Et il a l’air d’adorer lui aussi. Il a l’air amusé.

    « Tu kiffes ? » je lui balance en le regardant droit dans les yeux.

    « Vite fait… ».

    « Tu peux m’embrasser aussi, c’est pas interdit ! ».

    « Je n’embrasse pas… je baise… ».

    Parfaite réponse de petit con premium.

    « Et tu fais ça divinement bien… mais j’aimerais vraiment que tu m’embrasses aussi… ».

    Et là, je le vois s’élancer vers moi. Ses bras m’attirent à lui, mon torse est percuté par le contact chaud et musclé de ses pecs. Puis, pendant qu’il commence à mordiller mon oreille, je sens une de ses mains se glisser à nouveau sous mon débardeur. alors que l’autre tente de faire tomber ma chemisette. Je crois bien que le bogoss est en train de tenter de faire diversion.

    Mais il ne m’aura pas comme ça. Je prends sacrement sur moi, mais j’arrive à le repousser.

    « Fais-moi un bisou, avant… ».

    « Fais pas chier ! ».

    « Allez, un bisou… et après je vais te faire jouir comme un fou… ».

    « Suce… ».

    « Un bisou d’abord ! » j’insiste.

    « Tu me gonfles… ».

    Le bogoss vient de prononcer ses mots sur un ton excédé dans lequel j’ai du mal à distinguer où s’arrête le véritable agacement et où commence la mauvaise foi. Mais, un instant plus tard, il me claque un bisou rapide et percutant comme une gifle.

    « T’es content ? ».

    « C’est un bon début mais peut mieux faire… et pour y parvenir, il faut de l’application et de l’entraînement… ».

    « Tu rêves ! ».

    Le bogoss se jette une nouvelle fois sur moi, m’arrache la chemisette d’un geste prompte et adroit.  Il soulève mon débardeur et il s’attaque à mes tétons.

    Oui, il fait encore diversion. Mais à ce stade, je ne peux plus lui résister. Le fait est, qu’il caresse l’une des parties les plus érogènes de mon anatomie. Dès lors, je ne peux rien faire d’autre que me laisser faire, me laisser porter, laisser libre cours à mes envies.

    Alors je l’embrasse, avec l’urgence de mon désir, de ce désir bouillonnant dans chacune de mes fibres et criant à l’union sensuelle avec cette bombasse de mec.

    Je porte ma main sur sa braguette, je tâte la raideur de sa poutre à travers le tissu souple de son pantalon noir. Je la sens, je la reconnais. Elle a vraiment envie que je m’occupe d’elle.

    Une envie qui trouve écho dans les gestes précipités du bogoss. Ses mains fébriles se portent sur le nœud de sa cravate. Non, je ne peux pas lui laisser faire ça.

    « Non, laisse-moi faire ! » je lui balance sur un ton à la fois ferme et désespéré, à mi-chemin entre un ordre et une supplication, alors que mes mains se pressent pour arrêter les siennes.

    « C’est moi qui vais le défaire » je précise, devant son regard surpris.

    Je ne sais pas faire un nœud de cravate, mais alors le défaire, sur mon Jérém, je pense que je vais m’en sortir comme un champion.

    C’est pourtant d’une façon plutôt gauche que je cherche à déboucler le nœud serré. Les mains moites, tremblantes d’impatience, rendent mes mouvements terriblement maladroits.

    « Tu t’y prends comme un pied… » fait le bogoss amusé.

    Putain… quand j’étais petit, j’étais champion de Rubik’s cube. Et là je n’arrive pas à résoudre un Jérém’s tie !

    Je suis pressé par le temps, je sens que le bogoss est en train d’envoyer ses mains à la rescousse. Mais la petite bande de tissu finit par se défaire sous mes doigts affolés.

    Je commence à la faire glisser autour du col de la chemise. Mais très vite, je me ravise. J’attrape l’autre bout, je rééquilibre des deux côtés et je laisse pendouiller les deux longueurs de part et d’autre de son cou, sur les pans de tissu encore boutonnés.

    Une « urgence » chassée, une autre se profile aussitôt à l’horizon. Je vois ses mains impatientes s’attaquer au deuxième bouton de la chemise. Mes mains repartent à l’assaut des siennes, les bloquent dans leur élan. Mes muscles tentent de contrer la puissance des siens. Je le regarde droit dans les yeux.

    « Attends un peu, ne sois pas si pressé ! » je lâche.

    Ça me va bien de dire ça, alors que je suis, moi, plus que pressé. Pressé de voir sa plastique de dingue, pressé de sentir les bonnes odeurs retenues par le tissu léger, pressé de voir si ses poils ont eu la chance de pousser ou s’ils ont été fauchés par un rasoir impitoyable.

    Le bogoss semble d’abord me résister. Je m’approche un peu plus de lui, je souffle dans son cou, pile sur son petit grain de beauté, dans le petit V ouvert en haut de sa chemise, grâce au premier bouton défait. Je sens alors la tension de ses muscles cesser presque d’un coup. Mes mains peuvent lâcher les sienne et partir s’occuper des boutons encore attachés.

    Le tissu de la bande verticale est doublé et assez rigide, et les petites fentes sont étroites. Le petit bouton glisse entre mes doigts affolés, je dois m’y reprendre plusieurs fois rien que pour défaire ce premier petit verrou d’une belle série me séparant du bonheur d’accéder à son torse.

    En m’attaquant au bouton suivant, je me rends compte que je ne suis pas au bout de mes galères. Le désir m’embrase, et mes doigts flageolants ne m’aident pas. Je dois vraiment m’y prendre comme un manche. Je commence à transpirer comme un malade. Je sens le bogoss s’impatienter et se marrer.

    « Tu trembles… » il s’amuse, pendant que je me bats toujours avec ce bouton récalcitrant. Et il continue, pour se payer ma tête, en reprenant ma phrase de petit allumeur « je ne suis pas sûr que tu vas y arriver… ».

    « Si, je vais y arriver. je pourrais faire sauter n’importe quel verrou pour te foutre à poil ».

    « C’est tout toi, ça… ».

    « Plains-toi… ».

    Le bogoss rigole sous la moustache.

    « Mais ce sont des boutons anti viol ou quoi ? » je fais, toujours en galère.

    « Je vais t’aider… » fait le bogoss.

    Et là, joignant le geste à la parole, il renvoie ses doigts agacer mes tétons par-dessus le tissu de mon débardeur. Geste extrêmement plaisant, certes, mais assurément pas le plus apte à m’aider dans ma tâche déjà bien difficile.

    « Tu m’aides pas du tout… ».

    « Mais si… ».

     « Ah, putain… c’est pas volé ! » je lâche lorsque ce maudit bouton cède enfin.

    « Un bogoss comme moi, ça se mérite… » il me glisse.

    « Petit con, va ! ».

    Après l’effort, le réconfort, c’est l’adage qui le dit. Alors, après avoir crocheté les deux premiers verrous de ce coffre-fort de bogoss, je décide de m’offrir une petite pause bien méritée. Je ferme les yeux et j’attrape les deux bouts du col de la chemise et je les écarte, tout en plongeant mon nez et mes lèvres à l’intérieur.

    La première sensation qui monte à mon cerveau, fait vriller direct mes neurones. Ce sont les effluves de mec qui se dégagent de sa peau chaude. Un mélange à la fois de propre et de bon, de douche et de peau, de déo et de mec. Un mélange bien brassé au fil des heures dans l’espace clos d’une chemise élégante.

    Et lorsque le bout de mon nez et mes lèvres atterrissent enfin sur sa peau, dans la vallée entre ses deux pecs rebondis, ils trouvent un comité d’accueil de rêve. C’est avec un bonheur immense que je retrouve les mailles de sa chaînette de mec posées sur une surface où la nature semble bel et bien continuer à reprendre ses droits. Je suis tout simplement fou. Et mes yeux réclament déjà leur part de bonheur. Ainsi, je m’éloigne un peu pour contempler le spectacle.

    Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!! Contrairement à ce qu’il avait annoncé samedi, le bogoss n’a pas rasé ! Le CSPB, le « comité pour la sauvegarde du poil de bogoss » dont je suis membre honoraire, est très satisfait !

     « T’as pas rasé finalement ! » je ne peux m’empêcher de lui notifier.

    « Bah, non… ».

    « C’est juste magnifique ! ».

    « Si tu le dis… ».

    « Merci d’avoir laissé pousser ! ».

    « J’ai eu la flemme de couper… ».

    « Laisse pousser juste une fois jusqu’au bout, tu pourras toujours couper plus tard si vraiment ça te plaît pas… ».

    « On verra… ».

    Mais déjà ma langue se délecte de ce contact doux et agréable, rassurant et masculin. Mon Jérém frissonne. Je sniffe une dernière bouffée d’odeur de torse de bogoss et je reviens terminer mon casse. Je m’attaque au bouton suivant, alors que ses mains se faufilent à nouveau sous mon débardeur.

    Contre toute attente, ce nouveau verrou se montre un peu plus coopératif.

    Plus que trois étapes avant d’accéder à la salle du trésor. Ou, plutôt, au chemin du trésor, cette belle ligne de poils qui descend de son nombril et qui porte si bien le nom de chemin du bonheur.

    Bouton suivant, quelques difficultés, mais rien d’insurmontable. Plus que deux.

    Une nouvelle pause s’impose. Pause au cours de laquelle mes mains se faufilent sous le tissu, caressent ses pecs, agacent ses beaux boutons de mec bien saillants, tâtent la puissance de sa musculature. Pause au cours de laquelle mes doigts écartent grand les deux pans de la chemise, pendant que mes lèvres, ma langue et mon nez se baladent à volonté, caressent, lèchent, hument insatiablement sa peau mate, chaude, parsemée de petits poils doux, adorables.

    Le bogoss n’a même plus l’air pressé. Au contraire, il semble adorer ces petits préliminaires.

    En cherchant à faire sauter à l’aveugle les deux derniers boutons de la chemise, mes doigts effleurent au passage l’alignement diabolique des petits poils reliant son nombril à sa queue, ainsi que l’élastique de son boxer qui dépasse légèrement du pantalon.

    Un jour, je me suis dit qu’il n’y a pas plus beau spectacle que celui de voir un bogoss ôter son t-shirt. Un autre jour, j’ai trouvé que voir mon bobrun ôter son t-shirt en vue de l’amour, avec moi, c’était vraiment le top. Le lendemain, j’ai trouvé qu’en fait, le chef d’ouvre absolu c’était le fait d’ôter moi-même le t-shirt de mon bobrun avant l’amour.

    En cet instant, je me rends compte qu’il faut que je revienne une nouvelle fois sur mon échelle de valeurs. En fait, je réalise que le meilleur des spectacles, un spectacle tout simplement divin, c’est celui qui s’intitule. « Ouvrir lentement la cravate et la chemise de mon bobrun en vue de l’amour ».

    Insatiables, mes doigts continuent sur leur lancée. Ils défont sa ceinture, sa braguette, font glisser son pantalon et son boxer le long de ses cuisses.

    Je suis à genoux devant lui, en train de le pomper avidement, les yeux rivés sur ses pecs et ses abdos finement poilus qui se dévoilent au gré des ondulations des pans de sa chemise, au fil de ses coups de reins se combinant dans une chorégraphie parfaite avec mes va-et-vient fougueux.

    Les yeux rivés sur les deux bouts de sa cravate noire qui pendouillent de part et d’autre et qui s’agitent eux aussi, comme un compteur mesurant l’intensité de nos plaisirs.

    « Viens, on monte… » fait mon Jérém à un moment, tout en dégageant sa queue de ma bouche, en remontant son boxer et son pantalon, et en prenant le chemin de l’escalier devant moi.

    Je suis intrigué par ses mots, curieux de ses intentions. Pourtant, une fois encore, ce qui me touche le plus, c’est son attitude, son aisance, comme s’il était vraiment chez lui.

    J’ai tout juste le temps de refermer la porte de la chambre, que déjà le bogoss tombe sa chemise, défait la ceinture et le bouton de sa braguette. Puis s’immobilise et me regarde fixement.

    Une fois de plus, je vois en lui l’attitude du mâle qui, pour me soumettre à ses envies, n’a rien de plus à faire que me regarder et défaire le bouton de sa braguette. Exactement comme il le fait.

    C’est pourquoi, un instant plus tard je suis à nouveau à genoux devant sa virilité conquérante.

    Et c’est pile à cet instant que la sonnerie de la porte d’entrée retentit dans la maison. Avide de donner du plaisir à mon bobrun, je décide de ne pas y prêter attention. Ça doit encore être cette cassecouilles de voisine, pas question que ses conneries me détournent de ce moment de bonheur. Oui, tout peut attendre, ou presque, face à l’urgence de sucer mon bobrun.

    Hélas, ça sonne à nouveau, et de façon plus insistante.

    « Merde… » je laisse échapper, me souvenant soudainement que maman m’a donné pour consigne de ne pas rater le facteur, car elle attend un recommandé important.

    Me voilà contraint à l’inimaginable, quitter la queue de mon mâle brun.

    Je passe la tête par la fenêtre et je vois le facteur qui s’apprête déjà à garnir l’avis de passage.

    « Bonjour, je lui lance… ne partez pas, j’arrive… ».

    Me voilà contraint à l’impardonnable, laisser mon Jérém en plan, la queue tendue en l’air, ce qui me frustre horriblement. Avant de descendre, je prends une nouvelle fois rapidement sa queue entre mes lèvres, je l’avale jusqu’à la garde. Je le sens gémir de plaisir.

    « Bouge pas, je reviens… tu perds rien pour attendre ! ».

    « Celle-ci, on ne me l’avait encore jamais faite… » se marre Jérém.

    « Tu ne perds rien pour attendre ! » je lui lance, taquin et canaille, pendant que je passe la porte de la chambre.

    Je descends les escaliers quatre à quatre, je signe le reçu. j’attrape l’enveloppe, je la balance sur le meuble à l’entrée. Je remonte les escaliers tout aussi vite, je fonce dans la chambre.

    Et là, une nouvelle, puissante claque visuelle m’attend. Pour le coup, c’est moi qui n’ai rien perdu pour attendre.

    Le bogoss est assis sur ma chaise de bureau, installé à côté de la fenêtre, en train de fumer une cigarette. Assis, ou plutôt mi-allongé, le dos incliné sur le dossier, tout pecs et abdos saillants, le bassin bien en avant, les cuisses musclées écartées, une jambe nonchalamment allongée, l’autre plié. Son poignet droit, lorsqu’il n’est pas à proximité de ses lèvres pour lui permettre d’inspirer sa dose de nicotine, se pose sur l’accoudoir. Ainsi, la main droite retombe négligemment sur l’avant, tenant la cigarette fumante.

    Pendant mon absence, le bogoss en a profité pour se débarrasser de tout vêtement. Ou presque. En effet, une casquette rouge, la mienne, qu’il a attrapée sur l’étagère, cache une partie de son anatomie. Ma casquette est accrochée à sa queue. Elle n’a jamais connu de si bel appui.

    Le petit con me regarde fixement, la tête légèrement penchée sur la droite. Il affiche ce regard de tueur sexy qui pue le sexe, l’air fier de sa trouvaille, une attitude qui est pure provoc. « Alors, mec, t’as envie d’enlever la casquette, hein, tu veux voir ce qui se cache dessous ? ».

    Puis, son petit sourire se vraiment canaille, son attitude furieusement insolente, lorsque ses doigts glissent dans les cheveux et les ramener vers l’arrière.

    Putaaaain de p’tit mâle allumeur, provocant, effronté, exhibant ce physique de p’tit con à hurler !

    Son attitude toute entière est un appel clair et irréfutable à aller le sucer sans autre forme de procès.

    Ça ne rate pas. Je sens instantanément monter en moi une puissante, brûlante, déchirante envie d’être à ses genoux. Envie furieuse de coller mon front à ses abdos, soumis à ses coups de reins de p’tit mec ne pensant qu’à son plaisir. Envie sauvage de procurer à ce corps de p’tit mâle parfait le plaisir le plus parfait qui soit, celui qu’il mérite. Envie de le faire rugir son orgasme.

    Je m’approche de lui, je me glisse entre ses cuisses, impatient de faire voler la casquette. Je tente de la dégager, mais ses doigts la retiennent fermement.

    De plus en plus impatient de lui faire plaisir, j’attrape la visière pour découvrir sa queue. Mais ses doigts s’emploient toujours pour m’en empêcher. Le bogoss semble avoir envie d’autre chose.

    Je n’insiste pas, j’attends de connaître ses intentions. Un instant plus tard, ses doigts font reculer un peu la toile, en découvrant l’arrondi de ses couilles.

    Voilà ce qu’il veut. Alors, je ne vais pas me faire prier. Je pousse un peu plus la casquette, je découvre entièrement ses bourses, jusqu’à la naissance de sa queue. Et je me délecte à humer et à lécher ses couilles, comme il se doit, lentement, doucement.

    Le bogoss semble vraiment apprécier, je le sens de plus en plus excité. Preuve en est que, dans la foulée, c’est lui-même qui balance la casquette, et il commence à se branler.

    Je porte ma main à la rencontre avec la sienne, demande silencieuse de prendre sa place. Une demande qui est satisfaite sans vraiment opposer de résistance.

    Je saisis fermement son manche entre mes doigts. c’est tendu, doux, chaud, puissant, ça remplit ma main et ça me fait un bien fou. J’entreprends de le branler lentement. Lorsque je le reprends en bouche, Jérém a un sursaut d’excitation.

    Je le pompe et je sens sa respiration s’accélérer, devenir de plus en plus bruyante.

    Je le pompe et, très vite, je sens son corps se raidir sous la vague puissante de l’orgasme.

    Je le pompe et j’accueille avec bonheur les quelques bonnes giclées puissantes de son pur nectar de mec.

    Lorsqu’il revient à lui, le bogoss s’abandonne de tout son poids sur le dossier de la chaise, cherchant l’inclinaison maximale, tête vers l’arrière, l’air repu et épuisé. J’adore sentir que je l’ai rendu fou de plaisir. Je m’assois par terre, entre ses jambes, j’appuie ma tête contre sa cuisse.

    Le bogoss attrape son paquet de cigarettes, qu’il a laissé sur le radiateur à côté de la fenêtre et il en extirpe une un peu spéciale. Il la glisse entre ses lèvres et tente de l’allumer. Mais il doit s’y reprendre encore et encore. Car c’est le genre de cigarette qui ne prend pas tout de suite. Lorsqu’il arrive enfin à la démarrer, une épaisse fumée blanchâtre s’en dégage, à l’odeur si typique. Le bogoss en tire une longue taffe. Puis, pendant qu’il l’expire lentement, il porte le tarpé sous mon nez.

    Si j’accepte son invitation, c’est plus pour ne pas refuser ce partage que pour une réelle envie de planer. La présence de mon bobrun me fait bien assez planer, sans besoin d’en rajouter. Je tire une petite taffe, j’expire à mon tour et je le lui rends. Le bogoss recommence, il tire dessus deux ou trois fois et il me tend à nouveau le bout fumant.

    Je prends une nouvelle inspiration, plus profonde cette fois-ci. La fumée brûlante envahit mes poumons. En vrai, je lui trouve un gout de chiottes. Je tire une deuxième taffe pour faire genre et je passe à nouveau le tarpé à mon Jérém. Il tire dessus une nouvelle fois.

    Et là, l’air de rien, ses doigts se posent sur mes cheveux, les caressent doucement. Tout se passe en silence, mais tout semble si limpide entre nous à cet instant.

    « Merde, ça s’est éteint… » je l’entends pester.

    « Tu reprends à quelle heure ? » je me renseigne.

    « J’ai le temps… pas avant 18 heures… ».

    « T’as une longue pause aujourd’hui, c’est cool… ».

    « Ouais, c’est cool ».

    « Viens sur le lit avec moi » je lui lance.

    Un instant plus tard, je le regarde approcher, grimper sur le matelas, se faufiler entre mes jambes.

    « Viens sur moi… » je le guide.

    Jérém semble d’abord hésiter. Puis, il finit par s’allonger sur moi. Son bassin glisse sur le mien, sa queue frôle la mienne. En appui sur ses bras, les mains plantées sur le matelas d’une part et d’autre de ma tête, sa chaînette pendouillant au-dessus de mes pecs, le bobrun me regarde droit dans les yeux.

    « Tu veux que je te baise comme ça ? ».

    « Allonge-toi, j’ai envie de te sentir contre moi… ».

    Jérém semble s’impatienter. Pourtant, il finit par fermer les yeux et se laisser glisser complètement sur moi, son torse épousant lentement le mien.

    Je porte une main dans son dos, je le serre fort contre moi. Je porte l’autre sur son cou. Je sens sa tête glisser dans le creux de mon épaule. Je pose des bisous dans son cou.

    « Je suis tellement bien là… » je lui chuchote à l’oreille.

    « Je croyais que tu voulais te faire défoncer… ».

    « Aussi ! Mais c’est tellement bon de te sentir contre moi… ».

    Nous restons ainsi enlacés pendant un long moment.

    Les bruits qui montent par la fenêtre ouverte, le vacarme de la circulation dans la rue, les quelques bribes de conversations perdues sur le trottoir, m’arrivent comme étouffés. Tout comme la caresse du vent d’Autan qui fait bouger les rideaux et effleure nos peaux.

    Oui, les bruits ordinaires du quotidien se mélangent à l’extase d’un moment de tendresse qui n’appartient qu’à nous deux, à l’insu de toutes ces gens qui s’agitent dehors, tout en étant à des années lumières de s’imaginer que, à quelques mètres d’eux, deux garçons sont en train de se faire du bien, vraiment du bien.

    C’est beau d’être emporté au point de se dire que le monde peut se déchirer dehors, et cela ne nous concerne pas, car nous sommes bien à l’abri. Mieux que ça, nous sommes carrément seuls au monde, seuls avec notre bonheur qui nous fait sentir forts, en sécurité, ce bonheur qui seul sait nous apporter la présence de l’être aimé, cette présence et ce bonheur qui nous suffisent en tout et pour tout.

    Une dernière pipe avant de repartir au taf ça ne se refuse pas. Je m’installe sur le flanc, je commence à le sucer par le côté. Et je trouve cette position bien agréable.

    Au gré de nos mouvements, nous finissons par nous retrouver en position tête bêche l’un par rapport à l’autre. Et là, je sens sa main attraper ma queue et commencer à la branler lentement. Puis, quelque chose d’inattendu se produit. Quelque chose d’insensé. Je ressens un étrange contact sur mon gland, comme une caresse légère, une caresse chaude et humide. Une caresse qui se répète une fois, deux fois, trois fois.

    Me voilà incrédule, abasourdi en essayant de tenter de comprendre ce qui est en train de se passer. Je suis tellement sonné que je tourne instinctivement mon regard. Et là, je vois mon Jérém, le visage tout proche de mon gland, sur le point de me reprendre dans sa bouche.

    Comme happé par mon mouvement, son regard se tourne presque instantanément vers le mien. Pendant un infime instant, ses yeux sont ceux d’un enfant qui s’est fait choper avec la main dans le pot de confiture. Comme un enfant, sa réaction est la fuite. Son regard se décroche du mien, comme pour le fuir. Sa main quitte ma queue, le bogoss se laisse tomber lourdement sur le matelas.

    C’est là que je réalise que, happé par la surprise, et sans m’en rendre compte, j’ai arrêté de le sucer.

    Je me sens gêné, je sens mon Jérém gêné, je panique. Tout ce qui me vient à l’esprit à cet instant c’est qu’il me faut trouver quelque chose pour faire cesser ce malaise, faute de pouvoir l’effacer. Je le reprends en bouche et je recommence à le sucer, comme si de rien n’était.

    Peine perdue. La magie de l’instant est rompue. Très vite, le bogoss tend ses abdos, relève son torse. Sa queue quitte ma bouche, ses mains m’attrapent, me font tourner sur le dos. Un instant plus tard, il atterrit à califourchon sur moi. Il attrape un coussin, le glisse sous ma tête. Ses gestes sont fermes, rapides.

    Sa queue vient entre mes lèvres. Je la laisse rentrer et commencer à me baiser la bouche. En appui sur ses genoux, le bogoss se tient bien droit, ce qui a pour effet de faire ressortir ses pecs de façon plutôt spectaculaire. Ses va-et-vient sont amples, puissants. Comme s’il cherchait le chemin le plus court pour l’orgasme. comme s’il voulait réaffirmer son statut de petit macho actif pur et dur, comme pour effacer ce petit moment de faiblesse qu’il regrette déjà.

    Mais putain, Jérém ! Pourquoi c’est si difficile d’assumer tes envies ?

    Oui, la magie de l’instant est bel et bien rompue. Mais ce qui me fait le plus peur c’est de sentir au fond de moi que ce n’est pas que la magie de cet instant qui risque d’être compromise. Je suis happé par l’angoissante sensation que ce petit « accident » puisse être de taille à remettre en question plein de choses, et notamment toutes les avancées des derniers jours.

    Quelques bons coups de reins, et de nouvelles giclées chaudes se répandent dans ma bouche. Avec cette attitude que je trouve, en revanche, pas du tout rassurante.

    Un instant plus tard, le bogoss s’abandonne sur le lit à côté de moi, en position demi assise, les épaules appuyées à la tête de lit, la respiration haletante, les pecs et les abdos ondulant au gré des mouvements de son diaphragme. J’ai terriblement envie de le serrer dans mes bras. Cependant, son regard perdu dans le vide, son silence insistant, m’en dissuadent.

    Le bogoss attrape le bout de son tarpé sur le radiateur et le rallume. Il tire dessus plusieurs taffes, sans plus m’en proposer. Alors, c’est moi qui lui en demande.

    « Je peux tirer un dernier coup ? ».

    J’ai envie de retrouver un peu de notre complicité de tout à l’heure.

    Le bogoss tire une dernière fois dessus, avant de me tendre un chichon désormais réduit à sa plus simple expression.

    « Je dois y aller… » je l’entends alors lâcher froidement.

    « Déjà ? ».

    « Il est 17h40… » il me fait remarquer, sur un ton presque agacé.

    Jérém s’arrache du lit et passe ses vêtements. Ses chaussettes, puis le boxer blanc. Un instant plus tard, il est déjà en train de fermer sa braguette et de boucler sa ceinture, comme un rideau qui tombe lourdement sur la scène de nos ébats fougueux et complices.

    Il attrape sa chemise par le col, enfile une manche puis l’autre. Une seconde plus tard, les pans atterrissent en douceur de part et d’autre de son torse sculpté. Il remonte le col, y glisse la cravate défaite. Il attrape son portable, son paquet de cigarettes, les fait disparaître dans ses poches.

    J’ai tout juste le temps de passer un short que déjà il s’apprête à quitter de ma chambre, sans me regarder, en me lançant un « Bye » laconique.

    Il repart la chemise encore ouverte, le col remonté et deux bouts de la cravate pendouillant de chaque côté de son cou, comme un mannequin dans une pub pour un parfum de marque. Mais aussi, comme s’il était pressé de quitter ma chambre, et ma compagnie.

    Je le suis dans les escaliers, torse et pieds nus. Je ne veux pas qu’il reparte comme ça. Je sens que ça ne va pas. Je sens que dans sa tête, ce petit truc auquel il s’est laissé aller, ça le tracasse. Je dois trouver le moyen d’« arranger » ça. J’ai besoin de savoir que demain il reviendra me voir.

    Nous sommes désormais dans l’entrée.

    « Et merde ! » je l’entends pester, lorsqu’il réalise qu’il a fermé sa ceinture sans passer la chemise dedans. Erreur de petit con, trop habitué au concept vestimentaire du t-shirt, permettant de passer le bas tout en laissant le torse nu le plus longtemps possible. C’est d’ailleurs son habitude, en se rhabillant, de couvrir son torse en dernier.

    « Jérém attends… » je tente de le retenir.

    « Quoi ? ».

    Ça m’arrache le cœur de voir que son visage a perdu ce beau sourire incandescent des derniers jours. Je le sens impatient de partir, et je ne veux pas qu’il parte comme ça.

    Je m’approche de lui, j’écarte les pans de sa chemise toujours ouverte, je le prends dans mes bras, je cherche le contact magique de son torse musclé, à la peau douce et bien chaude.

    « Viens là… » je tente de l’apaiser en le serrant fort contre moi.

    « Allez, Nico, il faut que j’y aille ! » fait le bogoss en se dégageant de mon étreinte.

    Oui, son torse est bien chaud. Mais Jérém, lui, est froid et distant. Mais putain, non ! Tout ce que nous avons vécu depuis une semaine, ça ne peut pas se gâter comme ça à cause d’un début de pipe : Ce n’est pas possible !

    C’est avec une tristesse et une angoisse grandissantes que je le regarde défaire à nouveau sa ceinture, sa braguette, que je revois le boxer blanc refaire une dernière, petite apparition.

    Je le regarde fermer sa chemise, bouton après bouton, avec une vitesse et une aisance qui font écho par contraste avec la maladresse avec laquelle j’ai galéré à les défaire deux heures plus tôt.

    Je le regarde passer sa belle chemise dans le pantalon, refermer une nouvelle fois la braguette, sa ceinture.

    Je regarde ses doigts adroits combiner les deux bouts de la cravate pour réaliser un nœud parfait, le tout en une poignée de secondes, avec une assurance totale.

    Je le regarde finir de s’apprêter, devant le miroir de l’entrée. Le col rabattu, le premier bouton ouvert, le nœud un peu desserré, le bogoss passe ses doigts dans les cheveux pour les ramener vers l’arrière.

    Le voilà prêt à l’emploi, classe et sexy à la fois, impeccable. Nos regards ne se croisent plus. Visiblement, le sien évite le mien.

    Je le regarde glisser une cigarette entre les lèvres et poser la main sur la poignée de la porte d’entrée. Il me manque déjà.

    « Jérém… » je tente de le retenir une fois de plus, désespérément, en l’attrapant par le bras.

    « Quoi ?! » il se montre agacé.

    « C’est trop bon ce qu’on vit depuis une semaine… je… je… je suis tellement bien avec toi :

    Des mots qui resonnent dans ma tête et dans mon cœur avec la même intensité que si je lui avais dit « Je t’aime ».

    C’est un cri du cœur qui me laisse vidé de toute énergie, la poitrine qui tape à tout rompre, la respiration coupée. C’est un cri qui n’a d’écho que dans le silence assourdissant de son destinataire.

    Les secondes s’enchaînent et son silence devient vraiment malaisant.

    « Tu ne dis rien ? » je tente de le titiller.

    « Je dois y aller… ».

    « C’est tout ? … Je dois y aller ? » je m’emporte.

    « Ouais, je dois y aller… » fait-il en mode disque rayé.

    Un bobrun en mode disque rayé est un bobrun qui est en train de se refermer sur lui-même.

    « On se voit demain ? » je tente de me rassurer.

    Je voudrais tant entendre en guise de réponse cet « On verra », accompagné d’un sourire charmant, comme la promesse inavouée de nos retrouvailles. Je voudrais tant retrouver cette réponse et ce sourire magique auxquels il m’a habitué depuis quelques jours.

    Mais ce sourire, hélas, a disparu.

    « J’en sais rien… » je l’entends lâcher, le regard fuyant, avant d’ouvrir la porte pour de bon et de se jeter dans le mouvement de la ville.

    La dernière image que je retiens de mon bobrun à la fin de cet après-midi, est celle de son regard crispé. Il ne me reste qu’à le regarder s’éloigner avec sa démarche bien mec, jusqu’à ce qu’il disparaisse au détour d’une traverse.

    Je regarde mon Jérém s’éloigner dans la rue, et j’ai l’impression de le voir s’éloigner de moi à nouveau, de me fuir.

    Le vent d’Autan a encore augmenté d’intensité, et des nuages très sombres, annonciatrices d’orage, s’amoncellent sur la ville Rose. Je sens une profonde tristesse s’emparer de moi.

    Commentaires

    ZurilHoros

    05/07/2020 20:24

    Presque aussi bien que le précédent (je parle du kif en lui-même). Le ton est léger et tu arrives à faire passer l’idée que Jérémie se laisse faire avec un mélange d’envie, de réticence, d’agacement et de jeu. Nico s’est modéré et c’est tant mieux, on aurait pu craindre qu’il déborderait. Du coup, ça n’en est que plus troublant et intéressant à lire. Jérém ne rend pas la vie facile à Nico, mais il ne se la rend pas facile à lui non plus. 

    Yann

    16/07/2017 11:45

    Aller un adjectif au hasard parmi ceux déjà si souvent utilisés ADMIRABLE ! L’amour c’est tellement beau car c’est bien d’amour qu’il s’agit. Et surtout quand c’est si bien décrit et raconté. Comment une si belle histoire peut-elle finir alors que Jerem s’investit de plus en plus dans cette relation qui n’a plus rien à voir avec ce qu’il imposait à Nico au début qu’ils se voyaient et pour son plus grand plaisir.

  • JN01111 Un petit con à casquette (dimanche)

    JN01111 Un petit con à casquette (dimanche)

    Docteur P’tit Con et Mister Classe

    Dimanche 5 août 2001

    Sa main ralentit ses va-et-vient, son souffle chatouille la peau hypersensible de mon gland. Je me dis que s’il a envie de ça, je ne peux pas l’en empêcher. Et que si c’est vraiment le cas, je suis sur le point découvrir un nouvel univers sensuel.

    Alors, je décide de le laisser faire, de me laisser faire. Ni l’en empêcher, ni l’encourager, juste le laisser faire.

    Mon Jérém est désormais à genoux devant moi, comme je l’ai tant de fois été devant sa virilité conquérante. Le temps est suspendu à l’hésitation du bogoss à assumer une envie qui me semble de plus en plus claire.

    Lorsque ses lèvres hésitantes se posent sur mon gland, lorsque sa langue humide commence à caresser doucement le frein, j’ai l’impression de décoller pour une autre dimension. Plaisir nouveau, jusque-là interdit, impossible, plaisir délirant. Jamais je ne l’aurais cru capable de ça, mon bobrun.

    Ses va-et-vient s’amorcent timidement. Je me laisse faire, incapable de réagir, complètement dérouté.

    Quand mes mains se réveillent enfin, elles se précipitent sur son anatomie, impatientes, affamées. Je caresse son cou, ses cheveux, ses épaules, ses pecs, ses tétons. Je le caresse pour lui faire plaisir, je sais qu’il aime ça. Je le caresse pour le « remercier » de ce qu’il est en train de faire.

    J’ai beau avoir été jusque-là passif à fond, et heureux de l’être. J’ai beau avoir pris des plaisirs inouïs en me laissant dominer e posséder. Et j’ai beau avoir cru que c’était la seule façon de jouir que je ne connaitrai à tout jamais avec mon bobrun.

    Quand mon Jérém s’affaire à éveiller ma virilité, je me découvre prêt à goûter à l’autre face du plaisir masculin. Mon bobrun me suce et ça réveille le petit mec qui sommeille en moi. Et je redécouvre très vite que je peux jouir avec ma queue aussi.

    Mon bobrun me pompe vigoureusement. Je ne sais pas jusqu’où il veut aller mais je sais que je n’irai pas jusqu’à lui gicler dans la bouche.

    Pourtant, lorsque mon orgasme approche dangereusement, je sens ma raison flancher, mon instinct reptilien prendre le dessus. Soudain, j’ai très envie de jouir, et de jouir dans sa bouche, et qu’il m’avale comme je l’ai tant de fois avalé avec bonheur.

    Je sais que je devrais lui dire que je vais jouir, mais je n’y arrive pas. Je crains qu’il se retire, qu’il n’amène pas jusqu’au bout. Je sais que ce n’est pas réglo, et je sais que je vais en subir les conséquences.

    Mais j’ai trop envie de jouir, et de jouir de cette façon, de découvrir ce que ça fait de se décharger dans la bouche d’un mec. Dans la bouche de Jérém.

    Le bogoss continue à me pomper, se doutant de rien.

    Et je perds pied. Et je gicle. Dans sa bouche. Je gicle en enfonçant fébrilement mes doigts dans sa crinière brune, en enserrant son biceps à hauteur de son nouveau tatouage…

    Un instant plus tard, je me réveille, seul dans mon lit. Le radio réveil indique 8h02. Il est dimanche et je viens de faire un putain de rêve de fou.

    Le corps engourdi par une douce torpeur, j’émerge en douceur, enveloppé par son odeur qui flotte dans ma chambre, sur ma couette, sur moi.

    Soudain, mon téléphone se met à vibrer. C’est ma cousine. Nous échangeons quelques messages, et elle finit par m’inviter prendre un verre en ville l’après-midi même. Elle me précise qu’elle sera accompagnée par le très charmant Phil.

    Je trouve ça cool qu’elle ait rencontré quelqu’un avec qui ça a l’air de ben rouler. Et pourtant, une partie moi est triste à cause du « revers de la médaille ». Le revers de la médaille c’est que, du coup, Elodie est beaucoup moins disponible pour moi. J’ai très envie de lui parler de mon nouveau, immense bonheur avec Jérém et d’entendre son point de vue sur les derniers développements.

    Mais pour cela, il faudrait que je puisse la voir seul à seul. Car je sais pertinemment que, devant son mec, aussi sympa soit-il, je ne pourrai pas m’ouvrir de la même manière.

    De toute façon, même si je sais qu’elle pense toujours très fort à moi, je sais aussi qu’elle ne passera pas l’après-midi à me cuisiner. Par respect de Phil, et parce que d’autres choses, de bonnes choses, occupent son esprit, et c’est très bien comme ça.

    J’accepte quand-même l’invitation, car j’ai envie de la revoir, et aussi de les revoir tous les deux, ensemble, heureux.

    Lorsque je descends pour prendre mon petit déj, il est 9h30 passé.

    Maman est en train de préparer un bourguignon pour midi. Je me charge du ménage et de quelques repas pendant la semaine, mais le week-end elle tient quand même à faire de bons petits plats.

    Je bois mon café au lait pendant que maman découpe, fait saisir, remue, viande, légumes, oignons. Les bonnes odeurs de cuisine maison et celui de mon café au lait se mélangent, ce qui n’est pas forcément très agréable.

    Maman contourne la table pour aller chercher les carottes sur l’étagère juste derrière moi.

    « C’est quoi ces marques dans ton cou ? » je l’entends alors me balancer à brûle-pourpoint, tout en sentant son doigt effleurer un endroit de ma peau assez sensible.

    Je sais exactement d’où viennent ces marques. Ce sont les traces laissées par les passages répétés des lèvres, de la barbe, des mordillements d’un beau brun en rut. Ce que je ne savais pas, c’est qu’elles soient si visibles, comme si Jérém avait inscrit sa marque sur ma peau.

    « De quoi ? » je tente de gagner du temps pour trouver une explication qui tienne un minimum la route. Putain, j’aurais dû y penser avant, préparer une connerie plausible, au cas où.

    « Des traces rouges… » fait elle, tout en revenant s’installer devant moi, sur sa planche à découper, les carottes à la main.

    « Ah bon ? » je feins de m’étonner pendant qu’elle a déjà commencer à couper les carottes.

    « Oui, j’ai déjà remarqué ça depuis deux ou trois jours, mais ça a l’air d’empirer… ».

    Quoi lui répondre ? Je cherche, il faut que je trouve un truc, vite ! Je pourrais lui dire la vérité, mais je ne suis pas encore prêt pour cela.

    « Ca doit être les moustiques sur le canal… je me fais piquer souvent… ».

    « C’est bien rouge… ».

    « Ça gratte et je gratte… ».

    Maman a l’air de gober mes explications.

    « Mets-toi de la crème… et achète-toi un répulsif ! ».

    « Ok maman… ».

    Il faut que je fasse gaffe. Aucun moustique laisse des traces de ce genre. Et en ce qui est du répulsif, c’est bien la dernière chose que je voudrais utiliser contre mon beau brun !

    Lorsque je sors, en début d’après-midi, le ciel est bien gris au-dessus de la ville Rose. Les températures se sont drôlement rafraichies, la météo est maussade. Je ne serais pas étonné de voir des gouttes tomber avant le soir.

    « Je suis contente de te voir, mon cousin, comment vas-tu ? » m’accueille Elodie, en me faisant la bise, toute guillerette.

    Son bobrun à elle est là, je lui serre la main. Phil est toujours aussi sexy avec sa belle chevelure souple et ondulée, ses lunettes de petit intello, sa barbe d’une semaine, plus marquée que celle de mon bobrun à moi. Mais Phil a la trentaine. Et le duvet de barbe de 20 ans et celui de 30 n’a souvent rien à voir.

    « Ma foi, ça va plutôt pas mal » je réponds à ma cousine « j’ai commencé les cours de conduite. J’espère pouvoir passer l’examen début septembre ».

    « Cool, il va falloir fêter ça ! ».

    « Attends un peu quand même » je rigole « attends que je l’aie dans la poche !».

    « Tu vas l’avoir haut la main ! ».

    « J’espère. J’ai un très bon instructeur… ».

    « Hum, il devait être sexy aussi, non ? ».

    « Pas mal, non, pas mal » je n’ai pas difficulté à admettre.

    « Tu m’as manqué mon cousin… » enchaîne Elodie.

    « Toi aussi… ».

    « On se voit moins en ce moment… ».

    « A qui la faute ? » je la taquine.

    « J’ai un taf monstre… » fait-elle.

    « Oui, c’est ça… » je plaisante « t’as un mec, surtout ! ».

    Phil rigole dans son coin, tout en faisant des papouilles à Elodie. Définitivement, ce gars a l’air vraiment adorable.

    Je les regarde, si complices. Comment j’adorerais pouvoir un jour vivre ça un jour avec mon bobrun. Je ne parle même pas de nous faire des papouilles en public. Je parle tout simplement de faire des choses ensemble, un cinéma, un resto. J’aimerais pouvoir l’inviter prendre un verre avec nous, passer des moments ensemble. Sans forcément crier sur tous les toits qu’on est ensemble, mais sans non plus avoir besoin de se cacher.

    Sans peur, sans réticences. En ayant tous deux intégré que nous ne faisons rien de mal, que notre bonheur ne concerne que nous.

    Phil a l’air vraiment accro. Je me dis qu’elle a de la chance ma cousine, une chance presque inespérée. Elodie est très rigolote, et aussi un brin fofolle, c’est une pile électrique. Elle est aussi très indépendante, d’un naturel cash et décomplexé. Un peu trop même parfois. Elle est parfois du genre « j’agis et je réfléchis après ».

    C’est génial de se taper des barres de rire avec elle. Mais, à côté de ça, je me suis parfois dit que ça ne doit pas être facile pour un mec de la suivre dans ses délires, et de lui tenir tête. Même moi, elle me fatigue parfois ! Ma cousine a un sacré petit caractère, c’est un sacré numéro. Mais avec parfois des excès qui, me semble-t-il, pourraient bien effaroucher un certain nombre de garçons. D’où, peut-être, la précarité de ses relations.

    Elle est belle, et les garçons ne se sont jamais pas prier pour l’approcher. Mais quand les garçons ne font que défiler et qu’aucun ne reste, y compris lorsque ça lui arrive de le souhaiter, au bout d’un moment, ce ne doit plus être si drôle. J’ai parfois senti que, en dépit de son moral toujours à la déconnade, ma cousine souffrait parfois de ne pas avoir une épaule masculine sur laquelle se reposer.

    Je n’ai jamais osé la questionner quant à la conduite de ses relations. De toute façon, je suis loin d’être une référence dans le domaine ! Puceau il y a peu encore, apprenti maladroit depuis mes révisions avec Jérém, je n’ai pas de conseils à lui donner, c’est évident.

    En attendant, ses crushes étaient d’ailleurs parfois si courts que très souvent je n’avais même pas l’occasion de faire la connaissance des garçons dont elle me disait un jour, toute guillerette : « Ce gars est génial ! », puis, le lendemain, l’air dépitée : « Je me suis encore faite avoir par un connard ! ».  

    Mais cette fois-ci, je suis content de voir qu’elle a l’air d’y mettre du sien. Elle est plus douce qu’avec ses autres petits amis, plus à l’écoute, plus sous le charme je crois bien. En fait, je crois que je ne l’ai jamais vue si amoureuse. Phil a vraiment l’air adorable. Ils ont l’air heureux tous les deux, et c’est beau à voir.

    « Mon pauvre cousin, je te délaisse… » elle se moque.

    « Ça me fait des vacances… » je la cherche.

    « Mais ta gueule… » elle me pique, avant d’enchaîner « sinon, raconte, t’en es ou avec ton Jérém ? ».

    « Ça va ça va… ça va mieux… » je résume, un tantinet gêné de parler de ce sujet devant son Phil.

    Ma cousine continue pourtant le plus naturellement du monde.

    « Allez, raconte à ta cousine ! ».

    « On se voit souvent en ce moment. Depuis lundi, il est venu chez moi tous les après-midis… ».

    « A la maison ?!?! ».

    « Oui, à la maison… ».

    « Et vous avez fais crac crac à la maison ? ».

    « Elodie ! ».

    « Allez ! ».

    « Oui, oui, oui… ».

    « Ca alors ! Et Tata ? ».

    « Elle travaille… ».

    « C’est parfait ! ».

    « Vous l’avez fait dans chaque pièce ? ».

    « Presque ! ».

    « Je suis contente pour vous. Ce n’est pas rien qu’il accepte de venir chez toi, tu sais ? ».

    « Je sais, je sais… d’autant plus qu’il semble avoir changé, il est plus doux, plus détendu ».

    « Tu vas y arriver à le dompter, le jeune lion ! ».

    « Ca me plait comme image… ».

    « Je vais avoir deux semaines de congés, du 13 au 26 août… » enchaîne Elodie « si tu es dispo, mon cousin, on pourrait partir quelques jours à Gruissan tous les deux… ».

    « Ce serait coooool ! ».

    « Phil nous rejoindra certainement le week-end, ou plus, s’il peut se libérer ».

    « Super plan ! » j’essaie de me montrer enthousiaste, même si j’ai un peu de mal avec l’idée de m’éloigner de mon bobrun. Je n’ai pas envie de casser cette belle progression, je veux profiter de lui un max.

    Il n’est que 16 heures lorsque nous nous séparons. Et une profonde sensation de vide et de solitude s’empare de moi. Aujourd’hui, c’est dimanche, et mes parents sont à la maison. Je sais qu’aujourd’hui Jérém ne viendra pas. Que je ne ferai pas l’amour avec lui. Que je ne pourrai pas le serre contre moi, ni lui faire des papouilles.

    Alors, pour tenter de tromper la frustration et le manque, j’ai envie de marcher. J’ai envie de marcher longtemps, jusqu’à m’en épuiser. J’ai envie de marcher sans but. Je m’y efforce, du moins. Tout en sachant pertinemment que je n’arriverai pas longtemps à contrer cette force irrépressible qui guide, attire, aimante mes jambes vers Esquirol.

    Au gré de mes divagations, je tombe sur une petite bande de mecs installés à la terrasse d’un bar. Ils doivent être une petite dizaine, ils ont l’air de petits rugbymen. Hypothèse qui semble se confirmer lorsque je réalise qu’ils sont en train de regarder (et de vivre en même temps, de façon plutôt musclée et bruyante) un match de ballon ovale.

    Dans le lot, il y a des bruns, des châtains, un blond très clair. Il y a des t-shirts ajustés, d’autres plus amples, des cols ronds, d’autres échancrés, il y a des shorts, des survêts. Il y a des beaux mecs, des moins beaux, des charmants, des « quelconque ». Mais comme toujours, dans le bilan riche est complexe de la bogossitude globale d’une bande de mâles, l’ensemble vaut davantage que la somme des simples éléments pris séparément. Certains spécimens ont, certes, tiré sévèrement de leur côté la couverture de la sexytude. Mais l’ensemble de la meute profite de la sexytude dégagée par cette proximité masculine, par cette complicité, cette passion commune, cette bonne ambiance, cette camaraderie, par ce mélange de différentes essences de testostérone.

    Lorsque le Masculin se décline en meute, c’est le plus beau des spectacles.

    Le Masculin, anatomie qui m’est agréable à regarde, qui m’attire, que je ressens si familière. Un bonheur plastique fait de reliefs, de creux, de rebonds, de proportions, d’harmonie des formes. Un délicieux mélange de lignes fermes, droites, nettes, inspirant la solidité, l’érotisme, la puissance sexuelle ; mais aussi de lignes plus douces, courbes, arrondies, comme un appel à la sensualité.

    Le corps, le sexe, l’esprit des mâles. C’est une sublime alchimie de puissance et de douceur.

    Je les regarde et je me demande si, sur les dix, il y en a au moins deux qui ont déjà partagé plus qu’un match de rugby et une bière. J’aime bien l’idée…

    Mais ce que je ressens avant tout en les regardant, c’est une profonde sensation de bien-être. Du bien-être, de l’apaisement, un désir de partage. Avant-même que le désir sexuel. C’est l’effet que le Masculin a sur moi. Ce que je ressens, c’est l’envie d’être comme eux, avec eux. Aussi insouciants, aussi entourés qu’eux.

    Soudain, je réalise que pendant que mon esprit était happé par mes réflexions, mes jambes en ont profité pour m’amener carrément à Esquirol. Je réalise que je n’ai plus le temps de me préparer, et je me retrouve confronté à un choc visuel aussi inattendu qu’insoutenable

    J’ai beau être familier avec la bogossitude de mon bobrun, elle semble se renouveler, devenir chaque jour plus aveuglante. Et comme s’il ne suffisait pas sa prestance naturelle pour en mettre plein la vue, il faut que ses tenues choisies de bogoss soient mises à contribution.

    Ce dimanche le temps s’est bien rafraichi, ce qui amène à troquer provisoirement le t-shirt pour des tenues un peu plus chaudes. Mais là, dans ce CAS précis, ce n’est pas juste habillé. Sa tenue du jour est une claque si puissante que je manque de peu de tomber à la renverse.

    Oui, je suis assommé, aveuglé, bouleversé par cette sublime chemise blanche qu’il porte sur son torse comme un gant sur une main. Elle est tellement bien coupée qu’on la croirait taillée sur mesure.

    La tenue est relevée par une cravate noire plutôt longue, ni trop large ni trop fine. Le nœud est porté « lâche », tombant juste en dessous du dernier bouton de la chemise, laissé ouvert. Une cravate dont la pointe arrive jusqu’à sa belle et épaisse ceinture de mec, semblant indiquer ni plus ni moins la direction de sa braguette, comme une invitation vers l’insupportable tentation cachée dans ce sublime pantalon noir.

    Les manches retroussées juste au-dessus des coudes. Une jolie montre de mec habille son poignet. Ses baskets noires à l’épaisse semelle blanche semblent comme léviter pendant qu’il voltige entre les tables.

    Dans sa tenue habillée, le bogoss révèle une nouvelle et inattendue facette de sa pure et insaisissable bogossitude, un style qui contraste tellement avec le petit con « t-shirt /casquette à l’envers » dans lequel j’ai l’habitude de le voir s’illustrer. C’est un contraste qui me rend dingue et qui enflamme mon désir.

    Le bogoss vient de servir des boissons à une table, il vole à une deuxième pour un encaissement. Il disparait ensuite à l’intérieur de la brasserie.

    Il réapparait quelques instants plus tard. Il s’arrête sur le seuil, les coudes pliés, les mains sur les flancs, son regard balayant lentement l’espace de la terrasse. Puis, voyant que personne ne semble réclamer son intervention, il déplie les bras, il appuie son épaule contre le montant de l’embrasure de la porte, le bassin un peu en avant, l’attitude qui n’est pas sans me rappeler certaines pauses cigarettes entre deux séquences de coups de reins. Le bogoss passe les doigts dans ses cheveux bruns pour les ramener en arrière. Puis, il finit par glisser les deux mains dans les poches.

    Deux envies totalement opposées font rage en moi à cet instant.

    Celle de lui arracher sa chemise et de me jeter sur sa braguette avec une fougue de bête affamée.

    Mais aussi une autre, celle de défaire les boutons un à un, en douceur, de découvrir petit à petit sa peau, ses petits poils qui repoussent, de humer longuement les délicieuses petites odeurs retenues par le coton qui a caressé par sa peau. Puis, titiller sa puissance virile par-dessus le pantalon, la sentir monter en puissance, la faire languir avant de la libérer et de la laisser exprimer toute sa fureur.

    C’est bien dommage que Jérém ne prenne jamais sa pause avec ses tenues du taf. Qu’est-ce que j’aimerais le pomper dans cette tenue !

    Je le fixe assez longuement pour que le bogoss finisse par remarquer ma présence. Je le vois plier le cou, plisser les yeux, jouer l’étonnement avec ses sourcils. Mais ce que je vois surtout, c’est son putain de sourire brun incendiaire, ce sourire qui réchauffe cette journée maussade à bloc, ce sourire qui ferait ressembler un mois de janvier au pôle Nord à un mois de juillet au Sahara.

    Le bogoss sourit et me fait signe d’approcher. Alors, je n’ai plus le choix, mes jambes m’amènent toutes seules, je m’engage pour traverser la route.

    Au fur et à mesure que j’approche, sa chemise dévoile d’autres détails de sa perfection. Les pans avant épousent ses pecs bombés, ni trop, ni pas assez, juste ce qu’il faut. Voilà la magie de la rencontre heureuse entre un corps divin et une chemise à la coupe parfaite.

    Je suis désormais devant lui, nos regards se rencontrent, s’aimantent. Il a l’air de lui faire plaisir que je sois là. Je suis tellement heureux ! J’ai tellement envie de l’embrasser !

    « Salut ! » il lance en premier.

    « Salut… tu vas bien ? ».

    « Ouaissss… je cours partout ! Tu veux boire un truc ? ».

    « Euhhhh… je… si tu veux… ».

    « Allez, je t’invite. T’as qu’à t’installer à la petite table dans le coin là-bas ».

    « Ok… merci… ».

    « Tu prends quoi ? ».

    « Une bière blanche… s’il te plaît… ».

    « Je reviens… ».

    Je le regarde repartir et je n’arrive pas à détacher les yeux de lui, de cet ensemble chemise-cravate, code masculin par excellence.

    La chemise blanche a quand même tout pour plaire. Car, tout comme le t-shirt blanc, elle est à mes yeux un autre grand basique, ou classique, un incontournable absolu du vestiaire masculin.

    D’ailleurs, les deux vont souvent ensemble, et si bien ensemble. J’adore deviner, sous une chemise blanche, ou d’autre couleur d’ailleurs, la marque des manchettes d’un t-shirt blanc. J’aime, dans l’ouverture d’un, deux, trois, boutons ouverts, découvrir le col arrondi, le coton immaculé qui s’arrête juste en dessous de la clavicule, détail si sexy à mes yeux. Tout comme je trouve furieusement sexy de voir les deux pans de la chemise ouverts, en dehors du pantalon, dévoilant tout le devant du t-shirt blanc, lui aussi en dehors du pantalon, tenue débraillée de fin de soirée où la pipe est dans l’air.

    Mais nous sommes en été, et nous sommes à Toulouse. Et même si le temps est un peu maussade, cela ne justifie pas la superposition de deux couches de coton sur son beau torse. Mais quand-même ! Qu’est-ce que j’adorerais voir le col d’un t-shirt blanc dépasser au-dessus du nœud de sa cravate. Et, pour finir an apothéose, voir sa tenue complétée par une veste de jeunz, avec une coupe à la fois élégante et sportive. J’imagine tout cela, sans même savoir si je serais capable d’encaisser le choc supplémentaire.

    Je me sens bander. Qu’est-ce que j’ai envie de lui !

    J’ai remarqué que sa chemise est impeccablement repassée. Qui aurait bien pu la repasser pour lui ? Est-ce mon bobrun sait repasser ?

    Soudain, je l’imagine, torse nu et boxer, ou bien torse nu et pantalon noir, le matin, la peau fraîchement douchée, en train de repasser sa chemise.

    Puis, j’imagine ses gestes amples de bogoss, son bras qui enfile la première manche encore chaude de repassage, l’autre qui part vers l’arrière chercher la deuxième, le col qui atterrit sur son cou puissant, le haut qui se cale sur ses épaules, les pans encore ouverts qui retombent sur son torse musclé, caressant ses pecs, ses abdos, le plis de l’aine.

    J’imagine ses doigts en train de boutonner les manchettes ou bien de les retrousser directement.

    Je l’imagine en train de fermer un à un les boutons, tout en laissant sciemment le dernier ouvert.

    Je l’imagine relever le col rigide, faire glisser la cravate encore défaite.

    Je l’imagine ensuite s’attaquer au nœud. Sait-il aussi faire un nœud de cravate ? J’en suis incapable !

    Je l’imagine en train de passer la chemise dans le pantalon, ajuster sa ceinture, passer ses chaussures.

    Je m’imagine faire un dernier passage devant le miroir pour se mettre du gel, du parfum, pour une dernière touche avant de partir pour sa nouvelle journée.

    Je donnerais cher pour pouvoir assister à sa morning-routine ne serait-ce qu’une fois.

    Lorsque je reviens de mes délires, je réalise que si la tenue ne fait peut-être pas le moine, cette chemise contribue sérieusement à mettre en valeur un bogoss. A moins que ce ne soit le bogoss qui met en valeur la chemise…

    Car, au final, je réalise que le plus fort dans cette tenue est bel et bien la façon qu’à mon bobrun de la porter. Sur mon Jérém, cette tenue fait à la fois mec élégant et décontracté, habillé et cool, classique et très jeune, soigné et impertinent. Sur mon Jérém, cette tenue est relevée par sa prestance, sa présence, par une puissante touche de fraîcheur, de jeunesse, d’effronterie et de sexytude. On dirait un jeune premier, un acteur, un mannequin.

    Dans sa tenue habillée, mon petit con de Jérém a l’air tous aussi à l’aise que dans un t-shirt et un short. Il y a dans ses gestes, dans son allure, une aisance, une assurance, un naturel déconcertants.

    Ok, il porte une chemise et une cravate, mais tout le monde peut être élégant dans une tenue pareille. Mais lui, il n’est pas seulement hyper classe avec. Il réussit carrément l’exploit de concilier la classe et la petitconitude. Il est un « p’tit con » avec une chemise élégante et une cravate, il est l’incarnation même de ce délicieux oxymore.

    Comment il réussit cela ? Voici quelques éléments de réponse.

    Déjà, son dernier tatouage dépasse un brin du col de la chemise. Ensuite, il suffit de desserrer un peu le nœud de la cravate, et de laisser le dernier bouton ouvert pour donner une furieuse envie aux regards de plonger plus loin. Et pour finir, il porte sur lui sa fabuleuse petite gueule armée en permanence avec son regard charmeur et de mon sourire incendiaire. Et hop ! Le tour est joué.

    Mesdames et messieurs, voici Docteur P’tit con et Mister Classe dans une seule et unique bombasse.

    Le bogoss disparaît une minute à l’intérieur et réapparait avec un plateau empli à bloc qu’il décharge presque entièrement à une grande table avec des nanas.

    Si elles savaient, ces pouffes (Pouffe = nana dont le seul et impardonnable défaut à mes yeux est en l’occurrence son envie de se taper mon Jérém) qui le dévorent des yeux, qui lui tapent la discute ! Si elles savaient le torse de fou, les merveilles plastiques qui se cachent sous cette belle chemise, si elles savaient à quel point je les connais par cœur ! Si elles savaient quels délices sexuels se cachent derrière sa braguette, dans son boxer ! Si elles savaient à quel point cette bombasse de serveur me fait l’amour comme un dieu, et à quel point il prend son pied avec moi. Si seulement elles savaient, ça les calmerait, et pas qu’un peu !

    Une minute plus tard, il vient m’amener ma bière. Et pendant qu’il se penche vers moi pour me servir, mon regard tombe tout naturellement dans ce petit triangle de peau mate au-dessus du nœud de cravate. J’arrive à entrevoir son petit grain de beauté si mignon, si adorable, si sexy. Et force est de constater que dans n’importe quelle tenue, il dégage un truc vraiment animal, comme une odeur de mâle baiseur, un baiseur si classe ! Putain, qu’est-ce que j’ai envie de lui !

     « Voilà, monsieur est servi ! ».

    « Merci, monsieur… ».

    J’aimerais tant qu’il puisse rester un peu avec moi. Prendre un verre avec moi. Mais je sais que ce n’est pas possible. D’autant plus que la terrasse est bondée et que le bogoss semble seul à cette heure de la journée.

    « Eh merde, il me faut encore courir… je reviens… » fait le bobrun sur un ton agacé, alors qu’une main vient de se lever à une table à l’opposé de la terrasse.

    Dommage. Je me console en appréciant à sa juste valeur l’incroyable l’évolution de mon bobrun, dans ses attitudes, sa façon d’être, son comportement vis-à-vis de moi. Il n’y a encore pas très longtemps, s’il m’avait surpris en train de « roder » autour de la brasserie, il m’aurait regardé en travers, ou même carrément jeté ! Et là, il me fait installer en terrasse, il m’offre à boire, il a l’air content de me voir.

    Puis, quelque chose attire mon regard. Mon bobrun s’est arrêté à une table. Les secondes passent, et il semble s’y attarder, longtemps. Et s’y attarder non pas pour prendre une commande ou pour un encaissement, mais plutôt pour taper la discute.

    Autour de la table, deux petits mecs, 18-20 ans je dirais. Le premier, est plutôt mignon. Mais l’autre, c’est une pure bombasse atomique.

    Très brun, la peau mate, les cheveux un peu en bataille, retombant en mèches rebelles sur son front, sauvage crinière de jeune loup. Ses yeux naturellement plissés donnent à son regard une intensité troublante. Ce sont des yeux « laser » qui dégagent un érotisme permanent, comme des éclairs de sexytude bouillante.

    Le jeune mec porte un t-shirt blanc soulignant un torse élancé, un col en V à l’échancrure passablement affolante, laissant dépasser une chaînette fine et assez courte, tombant à hauteur de sa clavicule.

    C’est très beau mec, un très très beau mec. Très beau, et très « mec ».

    Jérém a l’air tout particulièrement complice avec ce dernier. Je les vois rigoler avec, lui mettre une tape sur l’épaule, ébouriffer ses cheveux. Je me dis que ça doit être un de ses potes du rugby que je ne connais pas. Mais en même temps, je ressens une pointe de jalousie remonter de mon bas ventre. Mais c’est qui ce petit mec ?

    Quelques instants plus tard, les deux gars se lèvent. Ainsi debout, les deux petits mâles dévoilent pleinement la beauté d’une plastique plutôt avantageuse. Une plastique qui semble témoigner d’une activité sportive ou physique capable de sculpter un beau physique de mec. Jérém leur fait la bise, tout en posant une main sur l’épaule du magnifique petit brun.

    Les deux potes quittent la terrasse et traversent la route pour aller rejoindre deux filles qui les attendent à côté de l’entrée du métro. Jérém vient dans ma direction, sans pour autant quitter des yeux la scène qui se déroule de l’autre côté de la route. Son regard est comme attendri.

    Soudainement, ça fait tilt dans ma tête, je crois que je viens de comprendre le topo.

    À mon tour, je ne peux quitter mon Jérém des yeux, je le trouve tellement adorable à cet instant, tellement émouvant !

    « C’est mon petit frère Maxime » il me glisse, en arrivant près de moi.

    « Le brun, j’imagine… ».

    « Ouais ! ».

    « Je m’en doutais un peu, il y a bien un air de famille ».

    « Il est beau ! » fait Jérém, le regard toujours fixé sur ce qui se passe de l’autre côté de la route.

    « Tout comme son frère ! ».

    « Ils sont venus sur Toulouse fêter le permis de son pote Gildas » il enchaîne comme s’il n’avait pas entendu mes mots « Maxime va le passer dans pas longtemps ».

    Soudain, je me trouve ridicule à avoir ressenti de la jalousie en assistant à cette complicité et à cette déconnade qui n’étaient en fait que des retrouvailles entre fréres.

    « Vous êtes très proches ? ».

    « Maxou est toute ma famille ! ».

    « Il est plus jeune que toi ? ».

    « Tout juste deux ans… ».

    Les quatre jeunes finissent par prendre la direction du centre-ville. En marchant, le beau Maxime tient sa copine par la taille et lui pose un bisou dans le cou.

    « Regarde-le s’il n’est pas mignon ! Un vrai petit mec ! » fait Jérém, attendri et touchant au possible.

    « Il a l’air adorable, oui. Et il fait quoi dans la vie ? ».

    « Il va aller à Paul Sabatier à la rentrée, il va être ingénieur. C’est une tronche lui… ».

    Un client l’appelle.

    « Je reviens… » fait-il en détalant aussi sec.

    Je suis vraiment touché par la petite scène qui vient de se dérouler sous mes yeux. Je suis ému par les regards, les mots, les intonations de la voix de Jérém trahissant son affection et sa tendresse infinies à l’égard de son petit frère. C’est beau quand la tendresse s’exprime dans le regard d’un mec tel que Jérém.

    Une tendresse qui ne fait qu’amplifier encore l’infinie sexytude qu’il dégage dans sa putain de chemise blanche.

    Lorsque le bogoss revient enfin me voir, je viens tout juste de finir ma bière.

    « C’est chaud le dimanche après-midi… » je lui lance.

    « Ce soir ça va être encore pire ! ».

    « T’es tout seul à servir ? ».

    « Mon collègue rembauche à 18 heures ».

    « T’as pas eu de pause ? ».

    « J’ai commencé à 13 heures ».

    « Qu’est-ce que tu es sexy avec ta chemise et ta cravate ! » je laisse échapper, comme un cri du cœur.

    « Tu veux boire autre chose ? » il trace, faisant mine de ne pas avoir entendu mon compliment.

    Pourtant, un petit frémissement dans son regard fait office à mes yeux de notification de bonne réception du message.

    C’est en prononçant ces mots, ou juste après, que le bobrun se rend compte du double sens que je pourrais y voir, et que j’y ai vu. Il sourit, il est beau.

    « Laisse-moi réfléchir… » je me marre, tout en regardant instamment sa braguette. Je remonte ensuite mon regard le long de la cravate noire, jusqu’à accrocher le sien. Dans ses yeux, une bonne étincelle lubrique a fait son apparition.

    « Oui, j’ai envie d’un… » je le cherche.

    « Jus… » il me suit.

    « De toi… » je le chauffe tout bas..

    « Je ne suis pas certain d’avoir ce parfum en stock… » il me taquine.

    « Quel dommage, je croyais que l’établissement mettait un point d’honneur à satisfaire le client… ».

    « Pour en avoir le cœur net, il faudrait aller voir dans la remise de l’arrière-boutique… » il me lance en joignant un sourire de malade, une moue de défi, chaude comme la b(r)aise. Son regard est comme transperçant, et ce semblant de petit hochement de tête qui semble dire « t’as envie de moi, hein, t’en as envie ? » est juste insoutenable. Putaaaaaaaain de mec !

    Son regard est perçant comme une flèche, sauvage et puissant comme ses coups de reins. Un seul regard brun et sexy, et je suis à lui. Un seul regard et, dans ma tête, je suis déjà à genoux devant lui.

    La perspective de le sucer dans l’arrière-boutique et dans cette tenue, me plait grave. Est-ce qu’il est juste en train de me chauffer ou bien il a une idée derrière la tête ?

    « Je ne connais pas les lieux… » je le teste.

    « La remise c’est la porte juste après les toilettes… ».

    « Je ne pense pas être autorisé à y aller… ».

    « Je t’y autorise… ».

    « C’est peut-être dangereux… ».

    « Il n’y a que moi qui y ai accès… ».

    « T’es sérieux, là ? » je m’assure.

    « A ton avis… » fait-il alors que l’étincelle lubrique dans son regard s’est transformée en incendie polisson.

    « Vas-y d’abord, commence à chercher, je vais venir t’aider dans une minute… » fait le bogoss, l’air complètement sûr de lui.

    Apparemment, il me reste qu’à suivre ses instructions pour trouver mon bonheur. Putain de mec !

    Je rentre dans la brasserie, je cherche les toilettes.

    « J’encaisse la 8 et la 12 et je vais m’en cramer une… » j’entends le bogoss lancer à son patron.

    « Ok, tu en profiteras pour ramener du café de la réserve, s’il te plait… » lui retorque ce dernier.

    « Ok, chef ! ».

    Je me retrouve dans un couloir, je passe les toilettes, je trouve la porte indiquée. Je l’ouvre, elle donne sur une petite cour intérieure. Un peu plus loin, sur la droite, je vois une autre porte, je la pousse. C’est la remise, un petit local assez sombre, empli de futs de bière, de packs de sodas, de café, de friandises. J’hésite à m’y engouffrer, préférant attendre l’arrivée de mon bobrun.

    Mon attente n’est pas longue. Le bogoss déboule d’un pas rapide, la cigarette au bec.

    « Viens ! » il me balance, en me précédant dans le petit local. Il avance jusqu’à une nouvelle porte, il l’ouvre, allume la lumière. Nous nous retrouvons dans une cave remplie de bouteilles. Le bogoss referme la porte derrière nous, la cigarette coincée entre les lèvres, en train de se consumer à vide. Ses gestes sont rapides, empressés. Je trouve très excitante cette précipitation.

    Le bogoss saisit sa cigarette, fait tomber la cendre déjà en équilibre instable.

    « J’ai pas trouvé le jus qui me convenait… » je le titille.

    « On n’a pas ça en bouteille… seulement à pression… ».

    « Comme la bière ? ».

    « C’est ça ! ».

    Sur ce, le bogoss pose la cigarette au coin des lèvres. Ses mains s’empressent de défaire la braguette. Pas la ceinture, juste la braguette. Et là, en-dessous de la pointe de sa cravate qui semble indiquer précisément le bon endroit pour trouver le meilleur des jus, sa queue bondit, pas encore complètement tendue, mais déjà frétillante. Le bogoss récupère sa cigarette, il expire, fait tomber les cendres .il se branle à peine et très vite la bête s’éveille.

    Je me peux résister à la tentation de me jeter sur lui et de l’embrasser sur le cou, tout en portant mes mains sur ses biceps, et en appréciant le contact avec le tissu de sa belle chemise.

    « Dépêche-toi, je n’ai que 5 minutes ! ».

    « Ça va être court… » je commente.

    « Grouille ! » fait-il, moitié en rigolant, moitié sérieux, directif, pressé de repartir et impatient de jouir, une main à sa cigarette, une autre sur mon épaule, comme une sommation à me mettre à genoux.

    C’est entre une rangée de bouteilles de Côtes du Rhône et une autre de Jurançon que j’entreprends de sucer mon bobrun.

    Je le pompe en frottant mon nez contre le tissu de son pantalon à chaque va-et-vient, je le pompe en caressant ses couilles que je vais aller titiller avec mes doigts, en passant par la braguette ouverte. Je le pompe les yeux rivés sur sa tenue d’homme que je trouve hyper sexy. Je le pompe en me disant à quel point ce serait cool d’avoir le temps de défaire sa cravate, d’ouvrir un à un les boutons de sa chemise, de sentir une à une les petites odeurs de mec se dégager de sa peau, de son cou jusqu’à sa queue.

    Mais il n’y a pas le temps pour tout cela. Alors, je le pompe vigoureusement, décidé à le faire jouir au plus vite, décidé à obtenir la plus douce des boissons.

    Pendant ce temps, les mains du bogoss ont trouvé chacune leur rôle. Pour l’une, celui de gérer la cigarette. Pour l’autre, celui de caresser mon cou, mes épaules, ma nuque, d’enfoncer les doigts dans mes cheveux.

    Je commence à m’habituer à ce genre de caresses, elles m’excitent terriblement. Mais il est d’autres « caresses », des « caresses » que nous avons un peu laissé de côté ces derniers temps, des « caresses » d’un tout autre genre mais furieusement excitantes, des « caresses » que mon bobrun ne semble pas avoir oublié pour autant.

    Ainsi, lorsque sa main se pose sur ma nuque et commence à imprimer le rythme et l’amplitude qui lui conviennent le mieux, tout en maintenant fermement ma tête, alors que ses coups de reins envoient son gland loin dans mon palais, là, je suis fou d’excitation. Parce que je suis rassuré de voir que si la palette des plaisirs que nous pouvons partager s’enrichit de jour en jour, nous n’en oublions pas les « fondamentaux » pour autant.

    Tout va très vite aujourd’hui. Je commence tout juste à prendre goût au retour du Jérém un peu macho et un peu domi, que déjà je sens son corps se crisper. J’entends un râle étouffé résonner dans ses poumons, je sens ses doigts se contracter nerveusement et s’enfoncer dans mes cheveux, jusqu’à presser mon cuir chevelu.

    C’est en toussotant, en balançant violemment ce qui reste de sa cigarette, certainement pour cause d’avoir avalé la fumée de travers dans la précipitation de l’orgasme, c’est en tenant bien fermement ma nuque que le bogoss envoie de longs traits chauds et épais dans ma bouche.

    Voilà le meilleur des jus, du bon jus de mâle brun.

    Très vite, le bogoss range le matos, il boutonne la braguette. Je me relève, je regarde ses joues un brin rougies, la respiration rapide. C’est beau un mec qui vient de jouir, le physique et esprit encore secoués par l’écho de l’orgasme. Et quand ce mec est le garçon que j’aime, ça fait comme des popcorns qui explosent en rafale dans mon cœur. Et je ne connais pas bonheur plus intense.

    « Alors, le client est satisfait ? » se moque le p’tit con.

    « C’est le meilleur jus que je n’ai jamais goûté ! ».

    Je tente de lui faire un bisou dans le cou.

    « J’ai pas le temps ! » il se dégage, tout en prenant la peine de poser une caresse rapide sur mes cheveux.

    Le bogoss rouvre la porte de la cave, la referme derrière nous. Il traverse la remise, sort dans la petite cour et s’apprête à emprunter le couloir et à disparaître dans la brasserie.

    « Jérém, le café ! » je lui lance.

    « Ah oui ! » fait-il en faisant demi-tour.

    Pendant qu’il va chercher le café, je me planque dans l’entrebâillement de la porte des toilettes. Le bogoss arrive comme un fou, je bondis sur lui par surprise et je pose un bisou dans son cou.

    « Tu peux pas t’en empêcher, hein ? » fait-il, tout en traçant son chemin.

    « Non, vraiment pas… » je lui réponds du tac-au-tac, juste avant qu’il disparaisse dans la salle.

    J’attends quelques secondes et je m’engage vers la sortie. C’est juste après avoir traversé le seuil de la terrasse, je me retrouve face à face avec au sexy serveur.

    « A demain ! » je lui lance discrètement en me faisant violence pour ne pas lui sauter dessus et le couvrir de bisous devant tout le monde.

    « On verra… » fait-il avec sa réplique habituelle, pourtant accompagnée par ce sourire brun, incendiaire.

    Un sourire qui, pour moi, comme toujours, vaut promesse de retrouvailles sensuelles à venir.

    Je quitte la brasserie en faisant une violence terrible pour pouvoir le quitter des yeux. Je n’ai jamais vu quelqu’un porter une chemise et une cravate de cette façon, avec cette aisance, cette sexytude, cette bogossitude.

    Le soir même, dans mon lit, sous ma couette, je repense à la distance parcourue depuis la première image que j’ai eu de Jérém le jour de la rentrée en seconde, et celle que j’ai de lui aujourd’hui.

    Le premier jour du lycée, le premier regard échangé avec ce magnifique félin mâle, m’avait donné une certaine définition de l’idée de « bobrun ténébreux ». A savoir, un regard animal et indomptable, sauvage et insaisissable, totalement hors de ma portée. Et pourtant, paradoxalement, au lieu d’éloigner, cette inaccessibilité m’avait attiré et fasciné.

    Mais aussi terriblement frustré. Pendant longtemps, le monde sans lequel il évoluait m’a semblé totalement inaccessible. Comment imaginer d’être admis dans le cercle fermé de ses amitiés, alors que nous n’avions à priori absolument rien en commun ? J’avais de bonnes notes, il avait des blâmes. Il aimait aller en boîte, j’aimais Tchaïkovski. Il aimait boire, je ne supportais pas l’alcool. Il aimait le rugby, j’aimais les rugbymen. Il aimait toutes les filles du lycée, je n’aimais que lui.

    Puis, juste avant le bac, à l’occasion de nos « révisions », j’ai découvert alors un petit macho impulsif et un tantinet égoïste, habitué à toujours obtenir ce qu’il voulait, au pieu comme dans la vie en général. Un petit con incapable de faire la moindre concession, dont les envies sont à prendre ou à laisser, ne s’intéressant qu’à son propre plaisir.

    Oui, Jérém se comportait avec moi comme il s’était sans doute toujours comporté avec les nanas. Bon baiseur, mais froid et distant. Il l’avait été avec chacune des filles qu’il avait mis dans son lit, et il l’était à fortiori avec moi, un pédé qui lui offrait un plaisir par lequel il avait fini par être débordé, car il l’obligeait à se regarder en face, le forçait à admettre des envies inavouables. Un pédé lui réclamant, directement ou indirectement, une tendresse pour laquelle il n’était pas prêt, à laquelle il ne voulait pas céder, par crainte de trop s’égarer.

    Mon Jérém, le « feu » au lit, la « glace » dans la vie. Dur dur de se contenter du bonheur sexuel, si grand soit-il, quand le cœur bat très fort et réclame chaque jour avec un peu plus d’insistance sa part de bonheur.

    Pendant longtemps, j’ai été confronté à un p’tit con prêt à me mettre à la porte dès qu’il avait pris son pied. Cependant, j’ai toujours senti qu’un cœur battait sous sa carapace. Le cœur d’un garçon à qui la vie n’a pas toujours fait de cadeau, un cœur avec des blessures jamais guéries. Un cœur qui a besoin de douceur, et qui est parfaitement capable d’en offrir en retour.

    Une douceur dont j’ai eu quelques aperçus fugaces à de rares occasions, attestant ainsi de son existence, mais me faisant désespérer de pouvoir l’atteindre un jour.

    Cette douceur enfouie a refait surface cette semaine, plus intense, plus puissante que jamais, comme la lave d’un volcan. Et comme la lave d’un volcan, elle semble être en train de transformer en profondeur et durablement le paysage « Jérém », dans ses attitudes, et dans notre relation.

    Oui, j’ai l’impression de ressentir comme une sorte d’impérieux besoin de tendresse chez Jérém, comme l’expression d’une puissante nécessité, comme un besoin trop longtemps inassouvi, une envie trop souvent refoulée, un trop plein qui ne peut plus être contenu et qui doit s’exprimer.

    Tout n’est pas encore gagné, mais ça semble vraiment bien avancer. Je me dis que le jour où mon Jérém laissera sa sensualité exploser complément, sans bride, sans entraves, sans retenue, ce sera un véritable feu d’artifice, un truc insoutenable.

    En attendant, que de chemin parcouru, en si peu de temps, après que les choses aient longtemps patiné entre nous. Peut-être que finalement tout devait se passer ainsi.

    Désormais, quand je suis avec lui, je suis tellement heureux que j’ai envie de crier, de pleurer. Mon être tout entier connaît en sa présence le sens précis du mot « bonheur ».

    J’ai de plus en plus envie de lui dire à quel point je l’aime. Lui dire « Jérém, je t’aime ». Couplet parfait à la rime parfaite. Ça claque comme la plus douce des mélodies, ça sonne comme une évidence.

    Lui dire « Jérém, je t’aime ». Oui, mais quand ? Dans le feu de l’excitation, avant nos ébats ? Sur l’oreiller, après cette jouissance des corps et des esprits qui sait rendre ces derniers parfois plus réceptifs ou d’autres plus réfractaires ?

    Lui dire « Jérém, je t’aime » et après ? Attendre à qu’il me dise « Je t’aime » en retour ? Je ne suis pas sûr qu’il en soit là dans sa tête, et surtout pas qu’il soit prêt à le formuler avec ces mots-là, des mots qui peuvent faire peur, car ils engagent, nous obligent à donner à l’autre une sorte de pouvoir sur nous. Il faut être sacrement en confiance pour dire « Je t’aime ». Est-ce que Jérém est à ce point confiant en moi ?

    Lui dire « je t’aime », et avoir son silence pour toute réponse. C’est ce qui me pend au nez, un grand moment de solitude que je n’ai pas envie d’affronter.

    Ou alors, le lui dire pile au moment de se quitter, juste avant qu’il passe la porte, comme une espèce de bouteille lancée à la mer, lui donnant le temps de « digérer » le message avant de se retrouver. Mais comment se retrouver, que vais-je ressentir s’il ne va pas aborder le sujet par lui-même par la suite ?

    Ou, pire, s’il ne revient pas justement parce que ces mots l’ont fait fuir ?

    Je ne veux surtout pas l’effaroucher en parlant sentiments.

    Pourtant, un jour, il va bien falloir affronter le sujet. Je m’attache de plus en plus à ce bel animal et j’ai besoin de savoir où nous allons, si nous allons pouvoir un jour nous demander d’être fidèles l’un envers l’autre. Le fait de l’avoir vu en terrasse de sa brasserie se faire mater par des filles, rigoler avec des filles, cela réveille en moi une certaine jalousie qui me pousse à m’interroger sur cela.

    Non, tout n’est pas encore gagné, mais je suis confiant. Je pense que nous sommes en bon chemin. Je sais qu’il faut laisser le temps. Je me dis que quand la lave coule, même si elle coule lentement, elle finit par fait avancer les terres.

    En attendant, demain, lundi, mon bobrun va revenir me voir. Je le sais car, malgré son énième : « On verra… », je suis persuadé que le résultat sera le même que les autres fois. Son sourire était là, témoin du fait que lui aussi a été marqué par le bonheur sensuel hors normes des derniers jours.

    Commentaires

    ZurilHoros

    05/07/2020 20:17

    Ca c’est très excitant, parce que c’est un récit drôlement bien écrit. On sent tout ce qu’il y a à sentir Par contre, je me pose une question à propos de Jérémie. De quoi se punit il pour avoir mis tant de temps pour en arriver à vivre ça. En quoi était ce si compliqué, si tabou. Ca interroge, non? 

    gebl

    10/07/2017 11:30

    Que dire , cette sensualité , sexualité , un tel épisode, une telle description des gestes , des ressentis, on imagine le visuel, l’odeur, l’ouie, le toucher , le goût . Etre pris est ce passif ?  je ne le crois plus, et l’envie d’y goûter grandie quand on lis une telle histoire . Merci   

    Yann

    09/07/2017 15:48

    C’est un épisode si fort, si puissant et tellement bien raconté qu’on en ressent presque le plaisir immense que Jerem et Nico viennent de se donner. Pour la première fois ils se sont fait l’amour avec tellement de sensualité, de sensibilité et d’attentions mutuelles qu’on en est troublé. Comment expliquer se changement chez Jerem ? On a du mal à comprendre. J’espère Fabien que tu ne nous refais pas le coup d’un rêve de Nico. Je pense que non, mais j’espère aussi que cela ne soit pas le cadeau d’adieu de Jerem à Nico, nous savons tous que l’épilogue de l’histoire est proche. Ce serait tellement triste car quelque part, et au-delà de la déchirure pénible pour tous les deux, ce serait pour Jerem une façon de dire à Nico qu’il a enfin compris et trouvé la réponse à sa question quand il lui demandait : « qu’est-ce que tu attends de moi ? ». Et Jerem a donné à Nico ce qu’il attend depuis si longtemps l’amour le vrai. Magnifique épisode Fabien un grand merci pour ton talent. Yann

    Romain T

    09/07/2017 14:47

    Ah mon Fabien! Magnifique suite…J’y étais :  Jerm qui enfin fait « l’amour » à son Nico… Qui reste avec lui après la baise malgré le « fantasme »… C’est inespéré!! Mais j’ai la désagréable impression que ça sent l’au revoir, donc a voir :p Vivement là suite :)Romain T 

    Etienne

    08/07/2017 23:10

    J’ai d’abord cru que Nico révait… Mais non ! Jérem capable de sensualité, mais est-il capable de l’assumer… Super Fabien ! Vite la suite  !

  • JN01110 Un petit con à casquette (samedi)

    JN01110 Un petit con à casquette (samedi)

    Un beau mâle brun et très très chaud.

    Samedi 4 août 2001.

    Le lendemain de cet après-midi d’amour avec mon bobrun, je me réveille de très bonne heure. Il n’est que 5h42 et je me sens en super forme. Je ne tiens pas en place, j’ai besoin de bouger, de me dépenser. Je prends mon petit déjeuner alors que la maison dort encore. Je laisse un message sur la table de la cuisine et je sors.

    Le soleil se lève à peine sur la Ville Rose, le ciel s’embrase de couleurs vives, d’une richesse extraordinaire, une splendeur sans cesse renouvelée au fil des minutes. La fraîcheur du petit matin chatouille ma peau, réveille mes sens. L’air frais s’infiltre dans mes poumons et me donne la pêche, j’ai l’impression que ma vie n’a jamais été aussi douce. Je me sens si bien, empli d’espoir et de bonheur.

    En courant le long du canal, je repense ce qui s’est passé la veille, à tous ces gestes tendres et à toutes ces attentions que Jérém a eus envers moi, à ces moments où la sensualité et la douceur avec mon bobrun ont atteint de nouveaux, inattendus, incroyables sommets.

    Jour après jour, j’ai le sentiment d’assister au démantèlement, les unes après les autres, de toutes ses barrières mentales. Un « désarmement » ouvrant la voie à l’expression d’une sensualité et d’une tendresse que commençais à désespérer de pouvoir partager un jour avec lui.

    Car c’est désormais une évidence, le petit mec en veut de cette tendresse, il en redemande, car il en a besoin. Et il va même au-delà de mes attentes et de mes espoirs les plus fous, se laissant aller à des gestes si touchants, à des attitudes qui m’émeuvent aux larmes.

    Un mélange d’excitation extrême, d’émotions délicieuses, de complicité magique et de bonheur inouï, voilà ce que j’ai ressenti hier après-midi. Un mélange de sensations toutes plus magiques les unes que les autres, et dont l’écho me porte ce matin, comme sur un petit nuage. Ce matin, j’ai l’impression de planer, de toucher le ciel avec le bout de mes doigts.

    Je regarde la ville se réveiller petit à petit, et je me demande ce que fait mon bobrun à cet instant précis. A tous les coups, il doit être en train de dormir. Qui sait à quelle heure il a dû finir cette nuit.

    Je me demande comment se passe la coloc avec Thibault. Certainement bien, ils sont potes depuis si longtemps.

    Je me surprends à repenser aux questions qui m’avaient inquiété à un moment, et notamment après cette nuit qu’on avait passé tous les trois ensemble. Cette nuit-là, pendant que nous nous emboitions dans un ensemble de combinaisons parfaites, j’avais vu à un moment les deux potes si proches, front contre front, leurs lèvres semblant s’aimanter. Et j’avais imaginé leurs désirs réciproques, je les avais imaginés refoulés, mais brûlants, et sur le point de s’exprimer. Au point que j’en étais même venu à me demander si ma présence avec eux cette nuit-là n’était au fond qu’un alibi, du moins dans la tête de Jérém, pour permettre un rapprochement sexuel avec son meilleur pote. Et ce, en marge de nos ébats, sans que cela ne remettre en question leurs virilités, leurs egos masculins, leur amitié.

    Je m’étais imaginé des désirs longtemps enfouis entre les deux potes. Des désirs qui, dans la foulée de cette nuit où tant de tabous s’étaient envolés, voudraient enfin trouver le moyen de s’exprimer.

    Oui, je m’étais inquiété au sujet de la complicité sensuelle qui pourrait survenir entre les deux potes, de la possibilité qu’ils puissent avoir envie de découvrir le bonheur de mélanger leurs corps, leurs jeunesses, leurs plaisirs, leurs jouissances. Et ce, y compris sans moi.

    Est-ce qu’ils repensent chacun de leur côté à cette fameuse nuit ? Est-ce qu’ils en ont reparlé depuis ? Est-ce qu’ils vont le faire ? Est-ce que le simple souvenir leur donne des envies, un précédent, un justificatif, une occasion, de recommencer, entre mecs ?

    Evidemment, le fait que Jérém emménage chez le bomécano pratiquement le lendemain de cette fameuse nuit avait encore mis de l’essence sur le feu de mes questions, me procurant une forme de jalousie assez difficile à calmer.

    Pourtant, depuis que Jérém vient chez moi, je me sens rassuré. Plus cette semaine magique avance, plus je suis accaparé par le bonheur apporté par ce nouveau Jérém, plus j’ai tendance à oublier mes inquiétudes.

    Je me dis qu’il est si bien avec moi – je le sens, il me le montre – que je n’arrive pas à imaginer qu’il puisse penser à aller voir ailleurs, même avec son meilleur pote. Tout comme je suis tellement comblé que je ne me vois pas aller voir ailleurs, nulle part ailleurs.

    Je regrette vraiment ce qui s’est passé avec le garçon levé devant le ON OFF. C’était une erreur dans un moment de désespoir.

    Oui, je sens que Jérém est comblé, sexuellement, sensuellement. Et puis, je me dis qu’il reste toujours le dernier rempart contre l’éventualité qu’il se passe quelque chose entre les deux potes. Une chose est faire un plan à trois avec un tiers qui s’occupe de l’un et de l’autre, moi en l’occurrence, sans qu’il se passe des choses « irréparables » entre eux. Toute autre chose est de coucher ensemble sciemment, de se livrer à « l’irréparable ». Que deviendrait leur amitié si jamais ils décidaient de franchir le pas ?

    Alors, quand je pense à leur cohabitation, je ne suis plus vraiment inquiet que quelque chose puisse se passer entre eux. D’autres questions viennent à moi, des questions anodines, banales, qui pourtant suscitent en moi une frustration qui est aussi une forme de jalousie.

    Est-ce qu’ils mangent parfois ensemble ? De quoi parlent-ils ? Est-ce qu’ils regardent parfois la télé ensemble ? Rigolent-ils ensemble face à un truc drôle ? Commentent-ils l’actu ? Ont-ils la même vision des choses, les mêmes idées, ou bien ils sont en désaccord parfois ? Comment sont leurs échanges ?

    J’aimerais tellement être à la place de Thibault, me réveiller et trouver Jérém chez moi, pouvoir le regarder dormir sur le canapé, en me levant, le matin. Manger avec lui. Regarder la télé avec lui. Partager des moments avec lui.

    En fait, je suis surtout jaloux du quotidien que Thibault partage avec mon bobrun.

    Un de ces jours, il faudra que j’aille voir le bomécano pour prendre de ses nouvelles, et pour savoir comment se passe la coloc. D’autant plus que les échanges avec lui ont toujours été très instructifs. Et il n’y a pas de raison que cela ait changé, bien au contraire. Le bomécano n’a jamais été dans une position aussi privilégiée que maintenant pour partager l’intimité de son pote, qu’il côtoie désormais au quotidien. Il pourrait avoir des choses à me raconter au sujet du « nouveau Jérém », et de comment il vit le bonheur des derniers jours.

    Oui, retrouver le bomécano ne pourrait me faire que du bien. Pourtant, j’hésite.

    Le fait est que, lorsque je repense à notre dernière rencontre, je ressens une espèce de malaise sournois et latent. J’avais été le voir le lendemain de cette fameuse nuit, et il m’avait invité prendre une bière chez lui. J’avais vraiment apprécié ce moment, sa volonté de « dédramatiser » ce qui s’était passé, et de me rassurer. Il m’avait montré l’album photo de son amitié avec son Jé et il m’avait même fait cadeau de quelques images que je garde désormais comme des trésors inestimables.

    Pourtant, en quittant l’appart des Minimes, une partie de moi avait eu comme l’impression que derrière son attitude et son discours de mec bien dans ses baskets il y avait quand-même des non-dits, une frustration, un malaise inavoué. Comme si, entre son envie de voir son pote heureux avec moi et celle de me voir heureux avec son pote, il était en train d’oublier son propre bonheur.

    Au fond de moi, je me demande toujours ce que ressent vraiment Thibault pour son Jé. Et je me dis que s’il éprouve vraiment des sentiments et des désirs à l’égard de son pote, ça doit être pour lui d’autant plus dur de les maitriser et de les cacher depuis qu’il est confronté à la coloc.

    Je ne pense pas que Jérém lui ait parlé de ce qui se passe entre nous depuis quelques jours. Mais le bomécano pourrait l’avoir deviné à son changement d’attitude.

    Je sais que je ne pourrais pas lui cacher mon nouveau bonheur avec Jérém. Et même si je suis persuadé qu’il se montrerait heureux pour moi, pour nous, je n’ai pas vraiment envie d’étaler tout cela devant lui, au risque de le blesser. Je ne veux pas que mon bonheur provoque son malheur.

    Mais bon, il faudra quand-même que je trouve le moment pour aller le voir, ne serait-ce que pour savoir comment il va. Les amis, c’est fait pour ça.

    L’après-midi, après que maman soit partie au travail, l’envie de retrouver mon beau mâle brun est si ravageuse qu’elle m’empêche de penser à autre chose. J’espère vraiment qu’il va venir. J’essaie de lire, mais mon esprit est ailleurs. Je perds le fil, je suis obligé de m’arrêter et de relire, de reprendre des paragraphes, des pages entières.

    Je chauffe, j’ai envie de lui.

    L’après-midi avance, mon bobrun n’est toujours pas là. C’est terrible d’attendre sans savoir quand et si. Le temps s’écoule si lentement pour celui qui attend.

    A 16 heures, je commence à me dire qu’il ne viendra plus. J’ai envie de lui écrire un sms, je me tâte. Je commence à tapoter sur le petit clavier, j’efface, j’écris à nouveau.

    « Tu viens cet aprèm ? » je finis par envoyer.

    Sa réponse ne tarde pas à arriver, mais pas sous la forme d’un SMS. Sa réponse tient dans la sonnette de la porte d’entrée qui retentit dans la maison.

    Je me lève du canapé, je traverse le couloir, le cœur qui tape très fort, prêt à exploser.

    J’ouvre la porte et mon Jérém, beau et sexy comme un Dieu, il se tient juste devant moi, avec cette assurance de mec que je lui connais et qui me fait à chaque fois le même effet de dingue.

    Aujourd’hui, il porte un t-shirt d’un bleu intense et brillant, ainsi qu’une casquette noire, la visière rigoureusement tournée vers l’arrière. Voilà des couleurs intenses qui se marient parfaitement au teint mate de sa peau, avec le « brun » de ses cheveux, de son regard, de ses tatouages, leur donnant encore plus d’éclat, de profondeur.

    Le bogoss tient son téléphone dans sa main. Et le sourire qu’il me balance est amusé, charmant, lumineux, c’est le coup de grâce pour me faire disjoncter.

    « Alors, tu t’impatientais ? » je l’entends se moquer de mon SMS.

    « Un peu… ».

    Et là, sans attendre que je l’y invite, il passe devant moi et franchit le seuil de la maison, de plus en plus à l’aise chez moi.

    Putain, qu’est-ce qu’il sent bon ! Et putain, qu’est-ce que j’ai envie de lui !

    Si je m’impatientais ? Ma réponse non plus ne vient pas avec des mots, mais avec des actes.

    La porte refermée précipitamment, je l’attrape par les biceps, ces biceps tatoués et musclés qui me remplissent les mains de sa puissance de mec. Je l’attrape et je le colle au mur, je lui saute carrément dessus. Dans la précipitation, je cogne le front contre la visière de sa casquette. Je recule d’un bond, il rigole, je rigole.

    J’ai un peu mal mais je reviens illico à la charge, je tourne un peu plus sa casquette sur le côté, je l’embrasse. J’y vais direct, je pose mes lèvres sur les siennes, je l’embrasse fougueusement, longuement. Mes mains se faufilent de part et d’autre de son cou puissant, s’enfoncent dans ses cheveux bruns, caressent sa nuque, ses oreilles. Ma précipitation est telle que la casquette finit par voler à terre. Tant pis pour la casquette de petit con, car en son absence mes mains ont plus de latitude pour caresser la crinière brune et douce de mon bomâle.

    Oui, je l’embrasse, comme un fou, affamé, insatiable. Et même si au départ ses lèvres restent immobiles, le bogoss se laisse faire quand-même, et c’est un bonheur total. Un bonheur qui est encore décuplé lorsque ses lèvres s’ouvrent enfin et que sa langue vient engager un nouvel duel musclé, mais pas moins sensuel, avec la mienne.

    C’est intense, puissant, bouleversant au point que je ne pourrais pas dire combien de temps cela a duré. Un simple baiser de mon bobrun m’arrache du présent pour m’emporter dans une dimension hors du temps. Je ferme les yeux et plus rien n’existe, à part sa bouche, sa proximité tactile et olfactive, cette douceur, cette tendresse, le bonheur d’être enfin si bien avec lui. Sa présence est la seule chose dont j’ai besoin.

    Lorsque nos langues se séparent, à son initiative, ses mains enserrent mon visage, son front se presse contre le mien. Je sens son souffle brûlant d’excitation sur mon nez, sur ma bouche.

    J’ai envie de lui, là, tout de suite. Et je ressens chez lui un désir de même intensité que le mien. Mon désir me ravage, le sien me bouleverse.

    Un instant plus tard, le bobrun dévoile une nouvelle fois toute sa maitrise de l’art de l’enlèvement du t-shirt, exercice de haute-voltige, mais dont l’exécution est parfaite lorsqu’elle est menée par un bogoss. Jérém ôte le bout de coton bleu d’un geste rapide, animé par une précipitation pleine de promesses.

    Je suis happé par la vision de son torse nu, assommé par tant de bogossitude. Puis, très vite, je suis frappé par un petit détail magique, un détail qui était déjà là depuis quelques jours, mais que je n’avais senti qu’au toucher, nos deux dernières après-midis s’étant déroulés dans la pénombre.

    Des petits poils commencent timidement à repousser un peu partout sur ses pecs, sur ses abdos, comme s’il avait oublié de les raser. Ou, encore mieux, comme s’il n’y faisait plus cas, comme s’il avait enfin décidé d’assumer sa pilosité naturelle. Tout comme il accepte enfin d’assumer ses envies avec moi.

    Ces petits poils me captivent, m’intriguent, m’émeuvent.

    Bien sûr, la plastique de mon bobrun est une image même de la perfection au masculin. Avec ou sans poil, cela ne change guère. Un torse musclé, c’est toujours un bonheur à regarder, poils ou pas poils. Mais quand même, ça me plairait vraiment de voir mon Jérém « au naturel ».

    Depuis que j’ai la chance de le voir à poil régulièrement, j’ai pu parfois assister à des débuts de repousse, voir s’esquisser la géographie de sa toison de jeune mâle. Hélas, le bogoss ne les a jamais laissés pousser suffisamment longtemps pour que je puisse assister à un développement complet. Son rasoir, mon ennemi, m’en a toujours empêché. Est-ce que ce coup-ci j’aurai enfin la chance de contempler la toison naturelle de mon bobrun ?

    En attendant, c’est tellement beau tout ça ! J’ai envie de lécher partout, de bouffer chaque centimètre carré de la peau de ce torse, de sentir sous ma langue le frisson de ces petits poils bruns naissants. J’en ai très envie, mais je ne vais pas en avoir le loisir.

    Le bogoss, très excité, impatient, s’approche de moi, et c’est au tour de mon t-shirt d’être arraché. Et quand je dis « arraché », c’est sans doute ce qui lui serait arrivé si mes bras ne s’étaient pas levés au bon moment pour seconder la fougue de son élan.

    Le beau mâle brun passe ses bras sous mes épaules, glisse ses mains dans mon dos. Ses biceps se gonflent, m’attirent contre lui avec un geste rapide, chargé d’urgence sensuelle. Ses pecs rebondis et chauds se pressent contre mon torse, ses épaules rencontrent les miennes, son bassin se colle à mon bassin, me communiquant son érection au travers des multiples couches de tissu de nos shorts et de nos boxers. Son visage se pose dans le creux de mon épaule, sa langue glisse sur ma peau. Et c’est un bonheur indicible.

    Je passe à mon tour mes mains dans son dos, je le serre très fort contre moi. Les petits poils de son torse piquent ma peau, sa barbe aussi pique ma peau, comme d’innombrables petites aiguilles, provoquant des petites irritations que j’accepte avec un plaisir intense.

    J’adore ces instants avant le début de nos ébats, ces instants où nos désirs s’enflamment, où nos excitations se mélangent, s’embrasent, réaction explosive de nos désirs vibrants, instants de bonheur intense suspendu au-dessus du temps.

    Hier, le bobrun m’a laissé aller au bout de mon kif, diriger nos plaisirs. Aujourd’hui, c’est avec un immense plaisir que je lui laisse reprendre les rênes de nos jeux sensuels. Je suis très impatient de découvrir où son désir brûlant va pousser ses gestes, ses attitudes aujourd’hui. Je suis très impatient de savoir où le nouveau Jérém va nous amener.

    Lorsque les bras du bogoss desserrent leur étreinte, je seconde le mouvement. Nos corps se séparent. Je le regarde enlever son short, son boxer, ses baskets. Autant de gestes précipités de mec emporté par l’urgence de son plaisir.

    Jérém revient vers moi et s’emploie aussitôt à défaire ma braguette. Je sens sa main empoigner ma queue par-dessus le coton fin de mon boxer, et amorcer le mouvement de la branler. Je ne peux résister plus longtemps à la tentation de défaire sa braguette à mon tour, de saisir sa queue à mon tour, de retrouver le plaisir chaque fois bouleversant de la sentir remplir ma main, si raide, si chaude.

    Et qu’importe si nous n’avons pas pris le temps de monter dans ma chambre et que nous ébats semblent bien partis pour se passer dans l’entrée de la maison. Mon envie de lui est si forte que je me fiche de tout le reste.

    Un peu plus tard, je me retrouve face au mur, plaqué par son torse chaud. Sa langue chaude et humide glisse entre mes omoplates, remonte le long de mon cou, s’attarde à la base de ma nuque. Ses mains attrapent l’élastique de mon short, le font glisser le long de mes hanches. Ses doigts fébriles vont chercher ma queue raide dans sa prison de tissu.

    Le bogoss se colle un peu plus contre moi, cale sa queue dans mon entrejambe. Il recommence à à mordiller mes oreilles, de plus en plus fort. Je n’en ai rien à faire des traces que ça va laisser. Au contraire, j’adore me sentir marqué par sa folie de mâle en rut.

    Je suis dans un tel état d’excitation, je me sens comme une allumette proche d’une source de chaleur, je sais qu’il suffirait de très peu pour que je m’embrase. Et en effet, il suffit que sa main commence à branler ma queue que très vite, je sens la chaleur ultime monter dans mon bas ventre.

    « Doucement, Jérém, tu vas me faire jouir… » je le préviens, sentant approcher le point de non-retour.

    Pour toute réponse, le bogoss se décolle de mon dos, sa main lâche ma queue juste avant que je jouisse. Ses mains empoignent mes fesses, les écartent avec fermeté. Ses pouces s’immiscent dans mon intimité, écartent mes chairs.

    Et mon beau mâle brun vient en moi.

    A cet instant, plus rien n’existe, à part nos deux corps qui se font du bien, nos désirs qui se rencontrent, des plaisirs qui se partagent. Je ne sais plus où j’habite, je perds la notion du temps. Je ferme les yeux et les seules sensations qui atteignent ma conscience sont celles qui touchent mes autres sens : ses halètements de plaisir, le contact avec son corps chaud et sa langue insatiable, les coups de bélier de son bassin contre le mien, les va-et-vient de sa queue en moi, sa présence olfactive, délicieux mélange de déo, de sexe, de puissance virile, de plaisir masculin.

    Un véhicule klaxonne dans la rue, à proximité, le son retentit dans l’entrée, très fort, très vif. Instinctivement, je rouvre les yeux, je tourne la tête et je me rends compte que, dans la précipitation, je n’ai pas bien fermé la porte d’entrée. Le battant est resté juste appuyé au cadre. Le vent d’Autan le fait osciller, ce qui fait légèrement ouvrir et refermer l’entrebâillement par moments.

    D’abord surpris, puis inquiet, je finis très rapidement par me dire que ce petit détail n’a aucune importance : aucune chance d’être vus depuis la rue. Au contraire, le fait d’entendre nos gémissements étouffés se mélanger aux bruits de la rue, aux voix des passants, me paraît même plutôt excitant.

    Le bogoss, tout pris dans le tourbillon de son plaisir de mec, ne semble s’être rendu compte de rien. Ou alors, cela ne le dérange pas du tout. Peut-être même que, tout comme moi, ça l’excite. Tout comme ça a dû l’exciter notre petite sauterie dans l’entrée de son immeuble le soir de notre clash.

    En tout cas, cela ne semble le perturber le moindre du monde. Ses coups de reins sont amples, réguliers, profonds. Le bogoss prend son pied, je ressens en moi la succession des notes de cette merveilleuse symphonie, le crescendo de son plaisir de mec.

    Ses mains, ses bras, ses biceps saisissent mes épaules, mes bras, mes hanches, me secouent de fond en comble. Ses mains passent sous mes aisselles, ses doigts retrouvent mes tétons, avec leur toucher magique. Sa main se pose sur ma queue, l’enserre, la branle par moments, puis s’arrête, m’offrant le plus fou des plaisirs, un plaisir « en pointillé », celui qui poursuit l’orgasme sans l’intention de le rattraper trop vite, celui qui retarde sans cesse la jouissance, celui qui excite et qui frustre, celui qui fait perdre tout contrôle de soi.

    Nos corps, nos sens se rencontrent autour de ce partage, de cette parfaite complémentarité de nos plaisirs. Il me baise et il me fait l’amour. C’est puissant.

    J’ai plus que jamais envie de le sentir se décharger dans un grand râle sauvage, de me savoir empli et marqué par son nectar de bogoss.

    Mais je ressens en moi également une autre envie, en opposition à cette première, une envie tout aussi intense et déchirante, une envie qui n’est autre que le deuxième pilier du plaisir des garçons comme moi. Ceux pour qui, plus que leur propre jouissance compte celle de l’Autre, puisque de cette dernière découle la leur. C’est l’envie de le sentir sa semence se répandre dans ma bouche, couler dans ma gorge, celle de retrouver son goût de mec.

    Un beau mec nous fait le cadeau de nous laisser accéder à son plaisir, de nous permettre d’être le maître et/ou l’objet de sa jouissance. Parfois même, la chance nous sourit au point de nous donner l’occasion de partager son plaisir sans se soucier des précautions qui, nous interdisant le contact avec sa semence, nous ôtent tout un pan de notre plaisir. Des précautions pourtant obligatoires, j’ai nommé la capote, lorsque on ne connaît pas assez le garçon en question pour pouvoir lui faire confiance.

    Mais quand on est en confiance comme je le suis avec mon bobrun, comment choisir entre l’envie de recevoir sa jouissance dans mes entrailles et celle de la sentir gicler dans ma bouche ? Ainsi, à chaque rencontre sexuelle avec mon bobrun, une intense jouissance se combine à une frustration tout aussi extrême.

    Bien sûr, il y a aura d’autres jouissances, cet après-midi même, je l’espère, j’en suis même certain. Bien sûr, je pourrai rattraper cette frustration. Mais chacune des attentes de son plaisir est unique, elle m’accapare totalement, comme si c’était à la fois la première et la dernière.

    Choisir, m’est impossible. Alors, je me laisse porter par son envie. Son envie, c’est elle qui finit par définir mon bonheur et ma frustration. Son bonheur est le plus intenses des bonheurs pour moi.

    À moins que ce ne soit lui-même qui vient à proposer de choisir.

    « Tu veux que je te gicle où ? » je l’entends me demander.

    J’ai envie de pleurer tant cette petite phrase résonne en moi comme la plus belle preuve du changement profond de mon beau mâle.

    « J’ai trop envie de t’avoir en bouche… » je saisis l’occasion.

    Ça fait deux jours que je n’y ai pas goûté. J’en crève d’envie.

    A l’instant où sa queue quitte mon entrejambe, je me sens délaissé, frustré. Mais une belle « consolation » m’attend. Le beau mâle brun me retourne, ses gestes me font mettre à genoux. Je capte au passage son beau regard brun excité. C’est magique de voir cet emportement, cette fougue dans son regard.

    Me voilà à genoux devant sa queue tendue, à deux doigts de jouir. Je saisis ses hanches, je colle son bassin contre le mur. Je le prends en bouche, je l’avale jusqu’à la garde. Je commence à le pomper vigoureusement, j’ai envie de le faire jouir vite.

    Sa main se pose aussitôt sur mon cou. D’abord lourde, imprimant un mouvement de va-et-vient secondant la cadence de ma fellation, son attitude change très rapidement. Et radicalement. Elle se transforme en caresse. Caresse sensuelle, caresse à deux mains, caresse insistante, complice, fébrile. Caresse qui se propage à ma nuque, à mes épaules, mes tétons, mon dos.

    Mais alors que j’attends impatiemment la venue de ses giclées puissantes, ses mains se glissent sous mes aisselles, imprimant un mouvement vers le haut, m’invitant à me relever. Je me retrouve une nouvelle fois face à mon bobrun, face à son beau regard de plus en plus excité, confronté à son souffle de plus en plus chaud et haletant.

    À nouveau le bogoss colle son torse au mien, son bassin au mien, sa queue à la mienne, enfonce son visage dans le creux de mon épaule. Ivre de bonheur, j’entreprends de pincer ses deux beaux boutons de mecs bien saillants.

    Un instant plus tard, le bogoss recommence à me branler. Puis, il penche son buste. Pendant de longs instants, sa langue se balade nerveusement entre mes pecs, autour de mes tétons. Puis, elle descend, approche de mon nombril. Je frissonne, je gémis.

    Le bogoss se relève, le bout de sa langue pincé entre ses lèvres, le regard en équilibre instable et brûlant entre excitation et hésitation, comme possédé et troublé par son propre désir. Comme s’il cherchait dans mes yeux le courage, le sens et la raison pour faire tomber l’une de ses dernières barrières.

    Les va-et-vient de sa main sur ma queue augmentent encore en intensité. Débordé par le plaisir, je ferme les yeux. Un nouveau frisson géant s’empare alors de mon corps, lorsque sa langue descend vers mon nombril. Elle s’y attarde, comme si elle hésitait à descendre encore.

    Je me demande si…

    Je rouvre les yeux, je regarde le bogoss à moitié accroupi, sa bouche à quelques centimètres à peine de sa main et de ma queue. Je regarde son beau brushing brun et dense et j’ai l’impression qu’il est en train de descendre encore, tout doucement.

    Je n’arrive pas à réaliser ce qui est en train de se passer. Mais… est-ce qu’il a vraiment envie de me… Non, ce n’est pas possible, je n’arrive même pas à formuler la question dans mon esprit.

    Le moment est magique, le temps suspendu à cette nouvelle envie du bogoss qui semble se révéler, une révélation suspendue à sa capacité à l’assumer ou pas.

    Hélas, un moment magique est un moment fragile. Le moindre grain de sable dans les rouages suffit à enrayer cette mécanique délicate, encore en phase « d’expérimentation » qui plus est.

    Une voix dans la rue, puis une autre, les deux très proches de la porte d’entrée. Deux personnes discutent en marchant. Soudainement, je repense à la voisine de Jérém débarquant dans l’entrée de la rue de la Colombette pendant que je lui faisais une pipe. J’imagine que dans sa tête le même souvenir doit refaire surface à cet instant.

    Quoi qu’il en soit, cela suffit à couper son élan net. Le bogoss se relève soudainement, il claque la porte, pose une main sur mon épaule, me fait me remettre à genoux. Et il enfonce sa queue entre mes lèvres. Il recommence à me pilonner avec des coups de reins rapides et profonds.

    Et son orgasme ne tarde guère à venir.

    « Vas-y, avale, avale bien, avale tout… » il me glisse, la voix déformée par la vague de plaisir qui traverse son corps et son esprit.

    Des mots qui me ravissent, et qui doivent d’une certaine façon rassurer son égo, après ce qui a failli se passer quelques instants plus tôt.

    Ses traits sont puissants, copieux, bien chauds, épais, plutôt corsés. C’est un goût très mâle qui accapare toute la palette gustative de mon palais et de ma langue, un goût qui se répand dans ma bouche comme une épice, qui remonte jusqu’à mon nez. Boisson divine qui réchauffe ma gorge et tout mon corps. Suprême délice qui me fait du bien, qui excite et réconforte, qui parle de la jouissance de mon homme et de son apaisement sensuel à venir. Il n’y a pas meilleure boisson, pas saveur plus délicieuse, que celle de la semence du garçon qu’on aime.

    Ivre de sa jouissance, je jouis à mon tour, en me branlant, et je me répands sur le carrelage de l’entrée de la maison.

    Le bogoss se retire aussitôt de moi. Je me relève instantanément, je le prends dans mes bras, je le retiens, je le couvre de bisous, fou de lui.

    Nos corps sont brûlants, vibrants de plaisir, nos respirations haletantes. Je sens peu à peu une douce fatigue s’emparer de mon corps, engourdir mes membres. Et, visiblement, il en est de même pour mon beau mâle brun.

    « J’ai envie de m’allonger un peu… » je l’entends me chuchoter à l’oreille.

    J’aime penser que si nos besoins sont si semblables à cet instant précis, c’est parce que nous avons vécu cette fabuleuse étreinte avec la même intensité. Que, tout comme moi, mon bobrun ressent la boule chaude au fond de son ventre, que ses poumons lui réclament de l’air, que chaque inspiration et expiration lui rappelant sa jouissance, alors qu’une douce torpeur est en train de s’emparer de son corps. Et que toute sa puissance musculaire est momentanément terrassée par une jouissance qui l’a mis KO, comme elle m’a mis KO.

    Câlin sur le lit en vue, je pleure de bonheur à l’intérieur de moi. J’arrive à trouver le courage de décoller mon torse du sien, d’arracher mes lèvres de sa peau. Je croise son regard brun. Ce mec est tellement beau ! Et je le trouve encore plus beau depuis que son regard et son attitude après le sexe ne sont plus celles d’un mec qui regrette déjà le plaisir qu’il vient de prendre.

    Oui, mon Jérém est encore plus beau depuis que son regard après l’amour est celui d’un mec qui assume ce qui vient de se passer. Un garçon qui connait enfin le bonheur d’être en accord avec lui-même.

    Et même si nous n’en sommes toujours pas au stade de mettre des mots sur ce qui se passe entre nous depuis une semaine, je suis heureux. Tant de verrous semblent avoir sauté dans sa tête, en si peu de temps ! Il en reste d’autres, je suis confiant qu’ils sautent à leur tour.

    « Vas-y monte… » je suis heureux de lui proposer.

    Et le bogoss s’en va vers l’escalier, sans un mot.

    « Tu veux boire quelque chose ? ».

    « Un truc frais… s’il te plaît… ».

    Le bogoss ramasse ses affaires et monte les escaliers, à poil. C’est beau.

    Seul dans ma cuisine, je prends quelques secondes pour savourer le bonheur qui est le mien à cet instant précis. Notre complicité grandit et elle déborde au-delà du domaine sexuel. Notre nouvelle complicité me rend fou. Nous sommes de plus en plus à l’aise, l’un envers l’autre, dans les gestes, les mots, les regards, les sourires.

    Quand je pense qu’il y a une semaine il me balançait un « dégage ! » qui semblait sonner le glas de notre histoire ! Je n’en reviens toujours pas de son changement d’attitude, en si peu de temps.

    Je me dis que, parfois, il faut un électrochoc pour voir les choses autrement. Il a peut-être regretté ce « dégage ! », il a peut-être eu peur de ne plus jamais me revoir. Peut-être que finalement je compte à ses yeux.

    Je savoure le geste d’ouvrir le frigo, et la sensation de fraîcheur sur ma peau qui me donne des frissons qui me font me sentir si vivant. Je savoure le geste d’attraper une bière, de prendre le chemin de ma chambre pour la lui apporter.

    Je monte les escaliers quatre à quatre, impatient de le retrouver, de le regarder boire sa bière au goulot, fumer sa cigarette à la fenêtre. La porte de ma chambre est entrouverte. Je n’arrive pas à croire que Jérém soit là, dans ma chambre, sur mon lit.

    J’entre dans la chambre plongée dans la pénombre. Mon bobrun est bien là, la cigarette à la main, le briquet dans l’autre. Mais il n’est pas à la fenêtre, il n’est pas en train de fumer tout court. Le bogoss est allongé sur mon lit, déjà assoupi. Il était tellement fatigué que l’appel du matelas a été plus fort que celui de la cigarette. C’est trop mignon.

    Mon regard est aimanté par sa chaînette de mec abandonnée à l’entrée de la vallée de ses pecs, cette vallée enfin peuplée par une pilosité (re)naissante. Il est happé par son torse puissant bercé par sa respiration apaisée. Il est captivé par ses tatouages, par ses abdos, par sa queue au repos. Sa nudité est d’une beauté aveuglante. Et il est si beau quand il fait dodo.

    Je pose nos bières sur mon bureau et je m’allonge sur le lit à côté de lui. Je me tourne sur le flanc, calé contre son biceps, je pose mon visage sur son épaule. J’ai envie de le prendre dans mes bras, et m’assoupir contre lui.  Si seulement je savais à quelle heure il reprend son taf !

    Mais je dois veiller sur son sommeil, je ne dois surtout pas refaire la même erreur que la veille. Je vais le laisser dormir pendant une demi-heure, puis je vais le réveiller. Je programme le réveil pour 17h30.

    J’ai tout juste le temps de me caler contre lui que le bogoss émerge en sursaut, comme s’il se sentait entravé et qu’il voulait se dégager. Très vite, il se rend compte qu’il est en sécurité, qu’il est bien, dans mes bras. Mais il s’inquiète pour autre chose.

    « Je ne dois pas dormir, je vais encore être en retard… » il balance, la voix lente, pâteuse.

    « Tu reprends à quelle heure ? » je lui chuchote doucement.

    « 18 heures, je crois… » je l’entends marmonner.

    « Dors tranquille, Jérém… j’ai mis un réveil ce coup-ci… » je le rassure.

    « Ok » fait le bogoss, replongeant aussitôt dans ce sommeil que son corps lui demande avec insistance.  Puis, il se tourne sur le flanc, comme une invitation à le prendre dans mes bras. Je ne me fais pas prier, je cale mon corps contre le sien. À cet instant précis, je suis le gars le plus heureux de l’univers.

    Le vent d’Autan fait bouger le rideau, mouvement régulier qui fait varier la luminosité dans la chambre, passant du plein jour à la pénombre. Les rafales soulagent la chaleur de la pièce, caressent nos corps enlacés.

    Je ferme les yeux et j’écoute la symphonie de mon bonheur. Le petit frottement du rideau caressé par le vent. Le souffle apaisé de mon bobrun. Les battements de son cœur. Les bruits de la circulation dans la rue qui remontent comme amortis, lointains. J’écoute la mélodie de cet après-midi d’été, sorte de bande son de mon nouveau bonheur avec mon bobrun.

    Et je m’assoupis à mon tour.

    J’émerge bien avant le réveil, il n’est que 17h10. Je ne suis plus enlacé à Jérém, je suis allongé sur le dos. Jérém est lui aussi allongé sur le dos. Nos épaules, nos bras se touchent, le dos de nos mains aussi. Nos doigts sont comme entrelacés.

    Je me demande comment cela est arrivé, pendant le sommeil. Les doigts de qui ont cherché ceux de l’autre, qui s’est laissé faire ? J’ai envie de profiter encore et encore de ce contact que je voudrais pouvoir partager avec lui plus souvent, sciemment, et non pas seulement à cause d’un « accident de sommeil ».

    Le bogoss émerge à son tour de son sommeil, toujours en sursaut. Et là, il retire ses doigts de l’étreinte avec les miens. Il me demande l’heure. Je la lui donne. Rassuré, il se laisse à nouveau tomber sur le matelas. Le bogoss s’étire, ce qui fait gonfler ses biceps et les muscles de son torse.

    J’ai à nouveau envie de lui. Je ne peux résister à la tentation de lui proposer un réveil tout en douceur.

    Je glisse vers le fond du lit, je me faufile entre ses cuisses musclées. Je saisis sa queue, je commence à la branler.

    Soudainement, le bogoss contracte ses abdos et relève le dos.

    « Tu fais quoi ? ».

    « Laisse-moi faire… ».

    « Il est quelle heure ? ».

    « L’heure d’une dernière pipe pour la route… ».

    Le bogoss ne trouvant rien à redire à ma proposition, je m’emploie à lui offrir une érection honorable.

    Petit à petit, sous l’effet de mes caresses, sa queue retrouve des belles couleurs. Petit à petit, sa respiration à s’emballe, signe que le bogoss passe de la torpeur au plaisir, un plaisir auquel il ne dit pas non.

    Sa main se pose à plat sur ma nuque, mais elle demeure immobile. La chaleur de sa paume irradie sur ma peau, m’apportant une intense sensation de bonheur. Je pense que le bogoss est toujours en train d’émerger et qu’il a besoin d’un petit moment pour recouvrir ses esprits et ses gestes sensuels. En attendant les intentions de sa main, je continue à le sucer avec entrain.

    Tout doucement, ses doigts commencent à s’animer, à remuer sur ma peau. Très vite, sa main est rejointe par la deuxième. Ensemble, de concert, elles voyagent, caressent, câlinent, ma nuque, mes cheveux, mes épaules, mes bras, mes tétons. Ce contact changeant et multiple, fait exploser mon envie de lui faire plaisir.

    Soudain, le radio réveil se met en route. Jérém se contorsionne aussitôt pour l’éteindre. Puis, ses mains m’attrapent, me font remonter le long de son torse. Je me retrouve complètement allongé sur lui, torse contre torse, queue contre queue, couilles contre couilles, désir contre désir, mon visage enfoncé dans le creux de son épaule.

    Une fois encore, le bobrun va me surprendre. Sa main se faufile entre nos bassins, elle trifouille, elle saisit. Un instant plus tard, elle tient nos deux bites raides en une seule étreinte. Gland contre gland, couilles contre couilles, érection contre érection, sa virilité est bien chaude contre la mienne.

    Sa main commence à nous branler lentement. Je savoure alors les mille nuances d’un plaisir inconnu qui s’offre à moi. Un plaisir par lequel, très vite, je me trouve débordé. Car, très vite, je réalise à quel point tout ce plaisir est explosif. Si je ne fais pas attention, je vais très rapidement perdre pied. Et mon plaisir va exploser une nouvelle fois.

    Et malgré mes efforts, cela arrive très vite. La puissance de la montée de mon plaisir dépasse et déborde l’énergie que je suis capable de mobiliser pour lui résister.

    « Je vais encore jouir… » je m’entends lui annoncer sur un ton monocorde, presque résigné.

    Je dépose les armes, lève le drapeau blanc, reconnais ma défaite. Ma défaite dans la maîtrise de mon corps face au plaisir que mon beau brun sait m’offrir.

    Sans faire cas de mes mots, bogoss continue dans sa lancée. Sa main accélère même le mouvement de va-et-vient, sa prise se fait encore plus marquée. Il veut me faire jouir.

    Alors je vais jouir.

    Ma jouissance dégage une énergie encore plus intense que la précédente, une jouissance qui monte, monte, monte, qui m’envahit, qui semble devoir terrasser mon corps tout entier. Une jouissance qui dure anormalement longtemps, intensément longtemps, mon esprit entièrement happé dans une déflagration de plaisir insoutenable. Une jouissance si intense qui, pour un peu, en deviendrait réellement douloureuse.

    Réelle délivrance, lorsque je sens enfin mes giclées fuser, tremper son torse, atterrir entre ses pecs, effleurer sa chaînette. Le bogoss relève le menton pour protéger son visage.

    Un instant plus tard, je sens le manche de mon beau mâle lâcher à son tour de bonnes giclées, dont certaines effleurent mon torse avant de retomber sur le sien. Ainsi, son jus de mâle se mélange au mien, sur ses abdos, entre ses pecs.

    Nous venons je jouir et déjà une nouvelle surprise m’attend. Alors que je tente de trouver les forces pour me relever et lui passer de quoi s’essuyer, ses mains me retiennent, m’attirent carrément contre lui, comme s’il s’en foutait que son torse soit trempé de nos jus mélangés. Ses mains enlacent, enserrent, câlinent, caressent. Et surtout, elles le font après l’amour.

    Et ce qui me fait carrément délirer, c’est qu’encore il n’y a pas longtemps, cela aurait été inconcevable.

    Le bogoss finit par se lever, je lui tends mon t-shirt pour qu’il s’essuie. Il s’en empare et éponge à la va vite le fruit de nos jouissances. Pui, il s’en va fumer à la fenêtre. Je le regarde, de dos, appuyé au montant de l’embrasure, sa nudité partiellement dissimulée par les rideaux chatouillés par les caprices du vent d’Autan. Je le regarde et je le trouve tout simplement beau à m’en donner les larmes.

    Plus je le regarde, plus je me sens envahi par l’envie de le câliner, de le couvrir de bisous. Envie brûlante, irrépressible. Alors, je me lève à mon tour, je m’approche de lui et, caché par le rideau, j’entreprends de lui caresser les épaules et de poser quelques bisous légers.

    « Tu fais quoi ? » je l’entends me lancer entre deux taffes, le regard perdu dans la rue.

    « Rien… j’ai juste envie de sentir ta peau, tes cheveux, de te caresser, de te faire des bisous… » je me lâche.

    « Alors, t’es content ? » il se moque.

    « Grave ! ».

    « Je ne suis pas clébard ! ».

    « Non, tu es mon Jérém… et tu es quelqu’un qui compte tellement pour moi… » je lui chuchote à l’oreille, tout en continuant à lui faire des bisous légers derrière le cou.

    « Arrête Nico, arrête ! » il tente de se dégager.

    Pourtant, malgré ses mots et quelques gigotements, au final il se laisse faire, et il a même l’air amusé.

    Dans la précipitation de ses gestes, sa cigarette finit par lui échapper des doigts, et elle tombe sur le trottoir.

    « Merde… » s’inquiète le bogoss tout en se penchant par-dessus le rebord de la fenêtre. Et là, l’air amusé, canaille, adorable fripon, les yeux toujours rivés dans la rue, il me balance « elle a failli tomber sur la tête d’une mémé ! T’as failli mettre le feu à une mémé ! ».

    « Alors, ça… » je m’amuse avec lui.

    « Allez, je vais y aller… » coupe court le bogoss.

    Je regarde ses pecs saillants, ses abdos sculptés, et je n’arrive toujours pas à réaliser que ça fait une semaine que ce petit Dieu vivant vient chez moi pour me faire l’amour. Qu’il me fait à chaque les cadeaux les plus inestimables qui soient, sa fraîcheur, sa bogossitude, sa virilité.

    En deux temps et trois mouvements, le bogoss a passé son boxer, son short et ses baskets, et il s’apprête à quitter ma chambre avec son t-shirt et sa casquette à la main, certainement avec l’intention de les passer chemin faisant, avant d’arriver à la porte d’entrée.

    J’enfile mon boxer et mon t-shirt à la va vite, je le suis dans le couloir, dans l’escalier, dans l’entrée. Le bogoss est pressé, il avance vite, le t-shirt et la casquette toujours à la main.

    Dans l’entrée, il se retourne, tente de passer le t-shirt, il fait tomber sa casquette, il la ramasse, il se rend compte que ça entrave ses mouvements. Geste inattendu et trop mignon, profitant de ma proximité, il l’encastre sur ma tête avec un geste un peu brusque, certes, mais tellement adorable, geste accompagné par un sourire ravageur au possible.

    Je suis touché, heureux, ému par sa casquette qui comprime mes cheveux, qui enserre mon front, comme une caresse de sa part qui ne s’avouerait pas.

    Je tourne la tête vers le miroir juste à côté, je me trouve beau avec sa casquette. Mais ce que je trouve encore plus beau, beau et déchirant à la fois, c’est le reflet de mon Jérém qui attrape le t-shirt bleu par le fond, s’apprêtant à le passer, à dissimuler sa plastique de fou, se préparant à partir.

    Je me retourne vers lui, préférant l’original au reflet, et je le regarde si intensément que le bogoss en vient à me demander :

    « Qu’est-ce que tu regardes ? ».

    « J’adore ces petits poils qui poussent, c’est beau, c’est sexy… » je trouve bien de lui répondre. Rien de plus que mon ressenti profond, sans filtres.

    « J’ai pas eu le temps de m’en occuper ce matin, je vais couper ça demain… ».

    « Mais pourquoi ?!?! » je m’insurge.

    « J’aime pas… ».

    « Mais surtout pas, surtout pas… s’il te plaît… tu es grave sexy avec ! ».

    « Je vais couper… ».

    « Allez, s’il te plaît, laisse-les pousser un peu… juste pour voir ce que ça fait… ».

    « Tu vas pas me dire ce que j’ai à faire de mes poils ! » il rigole.

    « Non, c’est sur… Je te dis juste ce que j’aimerais. Après, tu fais ce que tu veux » je le mets à l’aise.

    « On est d’accord… ».

    « N’empêche que je pense que tu serais encore plus sexy avec quelques poils… encore plus viril… » je le titille cependant.

    « Pourquoi, je ne suis pas assez viril pour toi ? ».

    « Ah, si, grave !!! ».

    Le bogoss sourit et passe son t-shirt. Puis, il dévisse la caquette de ma tête pour la visser sur la sienne. Soudain, je ressens une certaine frustration. Pendant une fraction de seconde, j’avais rêvé qu’il me la laisserait.

    Mais lorsque je regarde cette sa casquette portée à l’envers sur sa tête, je me dis qu’il n’y a pas de regret à avoir du fait qu’il ait reprise. Il faut se rendre à l’évidence, cette casquette lui va mille fois mieux qu’à moi. Car une casquette est faite avant tout pour sublimer le côté petit con à bouffer d’un bogoss absolu. Définitivement, il faut laisser l’art du port de casquette aux pros de la discipline.  

    Je sais que le temps presse. Mais je ne peux cependant me résigner à le laisser partir sans le serrer une dernière fois contre moi.

    « Lâche-moi, je dois y aller… » sans pour autant rien faire pour repousser mes câlins.

    C’est beau un bobrun qui se laisse aimer.

    « Tu vas les appeler et dire que tu es malade, je vais te garder chez moi… » je délire.

    « Tu es pénible… » fait le bogoss en se libérant de mon accolade.

    « Tu es beau… » je lui lance.

    Le bogoss me regarde fixement, comme s’il voulait me dire quelque chose. Pendant un instant, j’ai l’impression qu’il hésite à me lancer « Toi aussi, tu es beau ».

    Mais il n’en est rien. Déjà il se retourne, attrape la poignée de la porte d’entrée.

    « Bye » il glisse au passage.

    « Tu viens lundi ? ».

    « On verra… » il me glisse, juste avant de quitter la maison.

    Et il me sourit. Son beau sourire lumineux est le dernier souvenir que je garde de lui cet après-midi.

    Je le regarde s’éloigner, jusqu’à qu’il disparaisse au détour d’un coin de rue. Je suis fou de bonheur. Je fixe longuement la rue désormais vide de sa présence.

    J’ai envie de pleurer de bonheur tellement le changement de Jérém me rend heureux. A mes yeux, il n’a jamais été aussi viril que depuis qu’il est devenu si doux et si tendre. Un gars qui assume qui il est, qui assume ses envies, ses amours. Un gars à la fois sexy et touchant, male viril et puits à câlins. Voilà la formule masculine la plus explosive qui soit.

    Ce soir, dans mon lit, cherchant dans les draps l’odeur de celui que je considère être l’homme de ma vie, je réalise que j’ai encore oublié de lui donner le maillot que j’ai ramené de Londres.

    Je me dis que je vais le faire lundi, sans faute.

    Gripsou22

    10/07/2017 22:15

    Encore un épisode bien excitant ! La discussion entre Romain et Nico était très interessante, il est difficile de savoir si Julien est bien seulement hétéro ou non…Quand au kiff de Jerem il est vraiment bien, l’anour dans le noir attendre son partenaire nu c’est trop excitant ! Jerem a eu une bonne idée !!

    Yann

    08/07/2017 11:06

    Mais qu’est-il arrivé à Jerem ? On ne le reconnait plus ! Lui qui ne pensait qu’à aller droit au but pour tirer son coup le voila qui fantasme sur un plan avec Nico, qui accoure chez Nico alors qu’avant c’était Nico vient tout de suite quand j’en ai envie et en plus il se lance dans des préliminaires avec des caresses. Plutôt inattendu mais cette complicité est tellement attendrissante. Jerem expliqué à Nico par Julien c’est assez subtile et il le défend plutôt bien. Espérons que le portrait qu’il en fait soit le bon. 

    Perock

    08/07/2017 10:02

    La tu m’enmerde pourquoi faut-il que tu arrête maintenant c’est pas bien de nous torturer ainsi

    GEBL

    02/07/2017 07:59

    Trop sensuel. Tu es décidément quelqu’un qui sait très bien décrire les ressentis :  c’est toujours enivrant de te lire, difficile de lâcher cet interminable  feuilleton « plus bel le vi »

  • JN01109 Un petit con à casquette (vendredi)

    JN01109 Un petit con à casquette (vendredi)

    T’en as jamais assez, toi…

    Vendredi 3 août 2001.

    Le lendemain de cet après-midi magique avec mon beau mâle brun, j’ai l’impression de flotter : je me sens survolté, heureux, euphorique.

    Dès le réveil, les souvenirs de ses gestes, de ses attitudes, les « images sans image » de ce kif dans la pénombre, remontent à mon esprit, en rafales.

    Dans ce flot incessant et presque violent, je cherche à retrouver chaque infime sensation, à rallumer chaque parcelle de bonheur. Je veux graver en moi chacune des infinies nuances de ces instants presque irréels. Je veux me souvenir de quoi mon beau mâle brun est capable, lorsqu’il s’applique.

    Ce que j’ai vécu hier après-midi est tellement incroyable que j’ai presque du mal à croire qu’il ait été réel. Au fond, ça aurait pu n’être qu’un rêve, à la fois le plus érotique et le plus sensuel qui soit.

    C’est l’empreinte olfactive de mon beau mâle brun, flottant dans ma chambre, et en particulier sur mes draps, qui se charge de me confirmer que ça s’est vraiment passé.

    Alors, ce matin, le manque de mon beau mâle brun se fait sentir avec une violence inouïe. J’ai besoin de le sentir contre moi, j’ai besoin du contact avec son corps. J’ai besoin de sentir son odeur, son envie de mec, son envie de moi.

    Jamais je n’ai été aussi en manque « de lui » que ce matin. Car, hier après-midi, Jérém n’a pas fait que me baiser. Hier après-midi, Jérém m’a fait l’amour pour la toute première fois.

    Oui, j’ai vraiment l’impression que hier après-midi nous avons franchi une étape dans notre relation.

    Depuis le début, chacune de nos « révisions » m’a comblé de bonheur sexuel. Il a suffi que nos corps et nos désirs trouvent le chemin pour se rencontrer, s’unir, se reconnaître, pour que je découvre un bonheur sexuel d’une intensité inouïe. J’avais trouvé mon mâle, le maître de mon plaisir, mon alter-ego sexuel, érotique. Ses envies étaient les miennes, ça en était presque troublant.

    Mais là où ça devenait carrément déroutant, c’était lorsque l’instinct « mâle » de mon bobrun devenait parfois, souvent, le révélateur de certaines de mes propres inclinaisons, enfouies ou même ignorées jusque-là. Ce qui poussait nos ébats bien au-delà de mon imagination de puceau.

    Un beau jour de mai, le bogoss m’avait balancé : « Tu vas me sucer, me faire jouir, et tu vas tout avaler ! ».

    J’avais souvent pensé à le sucer. Mais pas vraiment à aller plus loin. Pourtant, rien que le fait de l’entendre me l’ordonner, j’avais ressenti monter une furieuse envie d’aller aussi loin qu’il me le demanderait.

    Puis, il m’avait dit : « Je vais te baiser… ».

    Je crois que je n’avais jamais encore envisagé de me faire prendre par un garçon, même pas par lui. Il avait pourtant suffi qu’il l’envisage pour que je brûle d’envie de l’avoir en moi.

    Jérém avait des envies de mec, mais il avait aussi des envies de mecs. Et moi j’avais juste envie de satisfaire ses envies. Et ça, le bogoss l’avait compris depuis longtemps. Et il avait usé de son charme ravageur pour que je tombe à ses pieds, ou plutôt à sa braguette. Et nos corps se sont emboités à la perfection. Voilà comment tout avait commencé.

    Mais hier après-midi, ça a vraiment été différent. Très différent. Hier après-midi, il ne m’a rien dit, il l’a juste fait. Jamais Jérém s’est montré à la fois si puissamment « mec », tout en étant très doux. Jamais ça n’a été aussi intense entre nous.

    Privé de l’information visuelle, j’avais eu peur de rater certaines sensations, certaines nuances de son plaisir, de mon plaisir. Or, c’est bien le contraire qui s’est produit. Contraint à m’en remettre à mes autres sens et à mon intuition pour capter les gestes, les attitudes, la présence, celle que l’appellerai la « présence masculine » de mon bobrun, mes sensations ont été décuplées autant en nombre qu’en intensité. Chaque instant a été plus insensé que le précédent, autant pour mon corps que pour mon esprit.

    Au final, ce qui s’est passé hier après-midi m’a vraiment bouleversé. Tout en faisant naitre en moi un certain nombre de questions et d’attentes.

    Pourquoi ce changement ? Pourquoi maintenant ?

    Que se passe-t-il dans sa tête ? Est-ce que ça avance enfin ?

    Est cela la promesse d’évolutions à venir dans notre relation ?

    Envisage-t-il une suite pour notre relation après le bac, et ce malgré mon déménagement à Bordeaux, et malgré l’incertitude quant à son avenir professionnel et géographique ?

    Et, dans l’immédiat : Est-ce qu’il va aimer le kif que je vais lui proposer ?

    Je sais pertinemment que, dès que je le verrai, j’aurai envie de lui sauter dessus. Mais il faut absolument que je me tienne à mon kif. Je dois transformer l’essai des « points » que nous avons marqués hier après-midi. J’ai tellement envie que ça avance entre nous !

    Je repense à hier après-midi, à cet instant de fou, juste après l’amour. L’écho du bonheur des sens retentissait encore tellement si fort dans mon corps et dans ma tête, j’en tremblais, je me sentais comme ivre, ivre de lui.

    Je me souviens de l’avoir écouté en train de se rhabiller, et je me souviens d’avoir ressenti une violente, brûlante, déchirante envie de l’empêcher de partir, de l’attirer sur le lit, de le serrer dans mes bras, de le couvrir de bisous. Et de lui crier, de lui montrer à quel point j’étais fou de lui.

    Mais, par-dessus tout, je me souviens avoir ressenti en moi la plus « dangereuse » de toutes les envies. Celle de lui dire, lui annoncer, lui crier, tout simplement : « Jérém… je t’aime ! ».

    Des mots qui sont resté accrochés au fond de ma gorge, par pudeur, par crainte de sa réaction. Des mots qui, pourtant, de plus en plus je trouve, « vont si bien ensemble ».

    Il est 14h39 lorsque son sms tombe, précis et direct comme un uppercut.

    Jérém : « prepare ton kiff jarrive ».

    Moi : « La porte est ouverte, monte direct ».

    J’ai décidé que mon kif se passera dans le noir, tout comme le sien. Le noir, mon précieux allié.

    Jérém : « T’es cho ».

    Moi : « Tu peux pas savoir ! »

    Quelques minutes plus tard, j’entends la porte d’entrée s’ouvrir, puis se refermer derrière mon bel mâle brun. Ses pas dans l’escalier, autant de frissons crescendo dans mon ventre, autant de décharges sur ma peau, autant de nuances d’excitation qui s’installent en moi, coupant ma respiration, altérant mes perceptions. Bref, l’effet d’une drogue dure.

    Le bruit de ses pas approche encore, lent, posé, discret et puissant comme celui d’un félin, un grand et beau félin mâle.

    Je l’attends débout, installé juste devant la porte, j’essaie de me préparer à le voir débouler dans une tenue encore inconnue, mais qui, je peux en mettre ma main à couper, sera encore plus sexy que celle de l’avant-veille.

    Sa main se pose sur la poignée, la fait tourner. Le battant de la porte s’ouvre, et le bogoss apparaît…

    Et là, PAF !!!

    P

    A

    F

    !!!

    Le bogoss s’arrête net, surpris de me trouver là, dans le noir, juste devant lui.

    « Sa…lut… Jé… Jé.. ré… m… » j’arrive à bégayer.

    Garde ton sang-froid, Nico, c’est toi qui dirige le jeu aujourd’hui. Du moins en théorie…

    Comme je l’avais craint, dès que l’image de cet absolu bogoss traverse ma rétine, j’ai envie de lui sauter dessus. D’autant plus que, comme je l’avais pressenti, sa tenue est un scandale insoutenable.

     « Salut ! » me lance le bobrun, jamais déstabilisé.

    Je le regarde, planté là, juste devant moi, en plein dans le cône de lumière venant du couloir et passant par l’entrebâillement de la porte. Sa beauté, sa plastique, sa sexytude sont mises en valeur comme la silhouette d’un artiste jouant seul au milieu d’une scène. D’autant plus que son torse est enveloppé d’un simple, aveuglant, sexy, débardeur blanc qui brille de mille feux.

    Les mots me manquent pour décrire ce petit bout de coton immaculé. Les bretelles sont dangereusement tendues sur ses muscles trapèzes, alors que l’arrondi est assez profond pour révéler une vaste portion de ses pecs bombés, tout en invitant le regard à plonger dans ce sillon, cette ligne de médiane de son anatomie descendant tout le long de son torse, disparaissant provisoirement, très provisoirement, sous le coton immaculé.

    Ce petit débardeur sublime le haut de son torse, les épaules, les aisselles, le cou, ainsi que la musculature de ses biceps. Il crée un délicieux contraste avec sa peau au teint de plus en plus mat au fur et à mesure que l’été avance. Et laisse tout le loisir de contempler sa chaînette de mec, ainsi que par ce petit grain de beauté tout mignon dans le creux de son cou.

    Et comme s’il en fallait davantage pour m’achever, une casquette noire est vissée sur sa tête, à l’envers, bien évidemment, portée très en arrière, la visière presque collée à son cou, tandis que quelques cheveux en bataille dépassent tout aussi bien en dessous et au-dessus de la languette de réglage. C’est à se damner ! Quand je pense qu’il n’a même pas vingt ans !

    Oui, les mots me manquent face à l’apparition fracassante de mon beau mâle brun. Alors que les envies me submergent.

    Il faut que je me lance tout de suite dans mo kif, avant de perdre mes moyens et de le laisser prendre la main.

    J’attrape sa main, je le fais avancer d’un pas, je referme la porte derrière lui, en replongeant ainsi la chambre dans la pénombre. J’avance vers lui, l’invitant à reculer et à se presser dos contre la porte. Pour bien commencer, j’ai envie d’un nouveau torse à torse hyper sensuel comme celui de l’autre jour dans l’entrée.

    Manœuvre dangereuse, me voilà frappé de plein de fouet par les effluves de son déo de mec, sortes de sirènes capables d’égarer l’Ulysse qui est en moi.

    Pris au dépourvu, le bogoss se laisse faire dans un premier temps. Mais lorsque nos torses s’effleurent, et nos visages avec, très vite ses deux mains saisissent mes biceps, retenant mon élan, freinant mes ardeurs, m’éloignant à une distance suffisante pour me regarder droit dans les yeux.

    « C’est quoi ton kif, alors ? ».

    Ses mots claquent, le ton de sa voix est plutôt sec. Je reconnais la réaction typique de mon bobrun lorsqu’il n’est pas vraiment à l’aise, lorsque la situation échappe à son contrôle. Oui, le bogoss a l’air impatient de savoir. Car, savoir, c’est contrôler à nouveau.

    « Ne sois pas inquiet, laisse-moi faire… ».

    « Je ne suis pas inquiet… tu veux faire quoi ? ».

    « Tu me laisses faire, s’il te plaît ? ».

    « T’es pénible… ».

    « Hier c’était ton kif… et c’était un putain de kif… mais aujourd’hui c’est le tour de mon kif à moi… ».

    « Mais moi je t’avais annoncé la couleur… ».

    « Oui, mais pas la bonne… »

    « C’est-à-dire ? »

    « Je ne m’attendais pas à un truc si incroyable… ».

    « Tant mieux… » il se moque. Pourtant, je sens au ton de sa voix qu’il a l’air flatté que je lui dise ça. J’adore.

    « Toi aussi t’as kiffé, je le sais… » je le taquine.

    « C’est quoi ton kif ? » j’entends le bogoss couper court, à mi-chemin entre agacement et impatience.

    « Tu vas vite savoir… ».

    « Je veux savoir maintenant ! ».

    On dirait un gosse impatient d’ouvrir les paquets le soir de Noël.

    « T’aime pas les surprises ? » je le cherche à nouveau.

    « Pas vraiment… ».

    « Faudra faire avec… ».

    « Mais ta gueule ! ».

    Sur ce, je m’avance vers lui. Dès que mes mains passent sous son débardeur blanc, mes doigts reconnaissent immédiatement le contraste familier entre la douceur de sa peau et la fermeté de sa musculature. Mes lèvres et ma langue se posent dans l’échancrure du débardeur, parcourent l’espace en long, en large et en travers. Impatientes, fébriles, elles s’engagent le long de son cou, suivant le parcours dessiné par son nouveau tatouage, elles remontent jusqu’à son oreille.

    Impatient de lécher chaque millimètre carré de sa peau, je remonte son débardeur. Le coton est tellement tendu sur sa plastique qu’il se maintient sans difficulté juste en dessous de ses aisselles. L’horizon musclé bien dégagé, je me précipite sur ses pecs, sur ses tétons. Mes mains ouvrent sa braguette, glissent dans son boxer, saisissent sa puissance masculine, caressent, branlent.

    Le bonheur qui m’envahit est total.

    Ma bouche s’aventure sur son front, sur ses sourcils, le long de son nez, elle distille des bisous légers. Elle redescend encore, rencontre le terrain abrasif et pourtant si attirant de sa barbe de quelques jours, douce aspérité virile.

    Puis, sans crier gare, ma bouche s’égare, elle se pose sur sa bouche à lui. Brûlantes de désir, mes lèvres se pressent contre les siennes. Et là, son manque de réaction m’exaspère.

    Mes lèvres cherchent alors à provoquer, à chauffer. Fébrile, ma bouche enserre sa lèvre inférieure, puis la supérieure, les deux restant désespérément immobiles. De plus en plus excité et frustré, je décide de tenter le tout pour tout, j’envoie ma langue faire du forcing entre ses lèvres.

    C’est à cet instant que ses mains saisissent à nouveau mes bras, puissante et prompte prise de mec, m’éloignant de lui, comme pour me rappeler à l’ordre. Le bogoss me regarde droit dans les yeux, le regard passablement noir, il me toise en silence.

    « T’as promis… » je m’insurge, une main toujours sous son débardeur, l’autre coincée dans son boxer, enserrant sa queue raide.

    « Tu me gonfles ! ».

    « T’aime pas ? ».

    Pour toute réponse, il lève les yeux vers le ciel et souffle bruyamment, l’air passablement agacé.

    « Tu tiens ta parole ou pas ? »

    « N’en profite pas trop… ».

    Autorisé par ses mots qui, sans être un « oui » véritable, ne sont pas non plus un « non » ferme, encouragé par la disparition de la pression de ses mains sur mes biceps, j’y retourne. Je l’embrasse une nouvelle fois. Sans l’espoir qu’avec un peu d’insistance, elles s’animent enfin un peu.

    Ce ne sera pas « un peu », mais plutôt « tout d’un coup ». Lorsque ses lèvres se desserrent, sa langue déboule avec une puissance et une détermination inattendues. Elle traque la mienne, l’agresse, s’y enroule dessus, cherche à la maîtriser, à l’« intimider », à avoir le dessus. Et elle y arrive, la contraint à battre en retraite.

    Ses mains saisissent à nouveau mes biceps, très fermement. L’une de ses mains se pose sur ma nuque pour me retenir, pour m’entraver, pour m’empêcher de reculer, pour pouvoir continuer à me baiser la bouche avec sa langue déchaînée.

    Car c’est bien m’impression que cette pelle m’inspire, comme une pénétration, une baise sauvage.

    Ce n’est pas exactement ça que j’avais imaginé, mais c’est quand même bien excitant.

    Passé la première surprise, ma langue tente de se ressaisir, de préparer la riposte. Elle revient à la charge, tente de bousculer la sienne. Hélas, même à ce niveau-là, la puissance du bogoss dépasse la mienne. Ma langue tente par tous les moyens de résister aux assauts de l’envahisseur, mais elle ne fait pas le poids. Elle n’est ni assez forte, ni assez rapide.

    Sa langue envahit ma bouche sans répit, je n’ai même pas le temps de respirer, je me retrouve en apnée. Et lorsque je pose à mon tour mes mains sur ses biceps saillant pour tenter de me dégager et reprendre mon souffle, le bobrun me retient. Et là, il envoie un dernier, puissant coup de langue entre mes lèvres, juste avant de me repousser avec un geste ample et brusque.

    Le bogoss s’essuie la bouche du revers de la main, tout en me toisant avec un regard de feu, en plissant les yeux, les réduisant à deux fentes éructant des flots de sexytude bouillante. Et là, il me balance, taquin, provocateur, fier de lui :

    « C’est ça que tu voulais ? ».

    « Presque… j’avais imaginé ça un peu moins brutal, mais l’idée était là… ».

    « T’as pas kiffé ? ».

    « Si… ».

    « C’est bon, alors, tu l’as eu ton kif… maintenant, suce ! ».

    « Maintenant, suce ! ». J’adore ces deux mots, je les ai toujours considérés comme le titre du tout premier chapitre du « Code du parfait petit con ». Un code que le Jérém m’a si souvent répété, tout en maitrisant à la perfection la présence, l’attitude et l’intonation virile nécessaires pour donner à ces deux simples mots une valeur de loi.

    Non, Jérém ne perd jamais le nord. Et le petit sourire, à la fois amusé et fripon, que je décèle dans son regard brun, voilà qu’il rend son culot tout aussi excitant que marrant. Plus ça va, plus j’ai l’impression que, de plus en plus, nos échanges évoluent d’une relation de domination/soumission à une forme de complicité grandissante.

    Et ça me rend fou de bonheur.

    « Non, je vais pas te sucer, mon kif n’est pas fini… » je lâche, taquin.

    J’ai l’impression que ce n’est pas moi qui viens de prononcer ces mots. Jamais je n’aurais osé lui balancer ça, il n’y encore pas si longtemps.

    « On verra ça plus tard, maintenant, suce… » insiste le bogoss, tout en amorçant le geste de poser une main sur mon épaule pour me faire me mettre à genoux.

    Je me dégage de son emprise et je lui lance :

    « Vas-y, assieds-toi sur le bord du lit… ».

    « De quoi ? ».

    « Assieds-toi sur le bord du lit… ».

    Le bogoss a l’air perplexe.

    « Fais-moi confiance, je te dis, tu ne vas pas regretter ! ».

    Que ce soit l’idée de se lancer dans un kif « à l’aveugle », ou tout simplement l’idée de « s’abaisser » à obéir à une requête venant de moi, le bogoss hésite toujours. Il n’est pas habitué à se laisser faire, et surtout pas au pieu. Et encore moins par moi.

    Pourtant, quelques instants plus tard, il décolle le dos de la porte, me pousse et me bouscule pour dégager son chemin. Mais ses gestes n’ont aucune brutalité. Et même son agacement a l’air davantage feint, comme pour se donner une contenance d’indomptabilité, alors qu’il suit mes consignes, que vraiment réel.

    Je le regarde se diriger vers le lit, tout en amorçant le geste d’ôter son débardeur. Ah, non, pas si tôt ! Je veux qu’il le garde, car je le trouve indiciblement sexy, mais aussi pour jouer avec mes caresses par-dessus et par-dessous le coton.

    « Garde le débardeur, s’il te plaît… » je lui balance.

    Très sagement, le bogoss redescend le tissu blanc jusqu’à sa taille. Puis, il s’assoit au bord et il se déchausse.

    Je me déshabille, je monte sur le dit, je me glisse derrière lui, en appui sur mes genoux ; je passe mes bras sous les siens, j’enlace son dos, je le serre fort contre moi. Il se laisse faire.

    Sa plastique de dingue comble l’espace de mes bras, et tous mes cinq sens.

    La vue.

    Je suis émoustillé par sa peau mate et ses tatouages, ainsi que par le contraste saisissant qu’ils signent avec la couleur immaculée de son débardeur.

    L’odorat.

    Lentement, délicatement, j’enlève sa casquette (la vie est faite de choix, et parfois un bonheur en exclut un autre, problème de riches !). Oui, pour mieux m’approcher de lui, j’enlève sa casquette, en l’attrapant par la visière, dégageant ainsi sa magnifique crinière brune. L’odeur de son shampoing s’en prend illico à mes narines, remonte à mon cerveau, s’attaque à mes neurones. Dès lors, il m’est impossible de résister à la tentation d’enfoncer mon visage dans ses cheveux.

    Son débardeur dégage une odeur légère, comme de « propre » et de « bon », de vêtement tout juste sorti de son emballage.

    Quant à sa peau, elle m’apporte la fraîcheur bien connue de son deo de mec.

    Bref, son corps tout entier sent la fraicheur de jeune mâle qui se soigne et qui plaît.

    Voilà l’empreinte olfactive de mon beau mâle brun.

    Le toucher.

    Le contact de mon torse avec le coton doux de son débardeur est extrêmement excitant. Mes mains s’attardent sur ses pecs, mes doigts glissent légèrement dans l’échancrure, effleurent ses tétons ; ils se retirent aussitôt, reviennent agacer ses tétons par-dessus le coton, elles caressent, pincent, agacent, frustrent. Elles s’emploient à faire monter son excitation.

    Mes mains repartent, atterrissent sur ses biceps puissants qui les remplissent, les comblent, elles caressent, saisissent, palpent sans modération.

    J’adore le contact avec sa puissance musculaire, contact se faisant pour moi écho d’une toute autre puissance, celle qui se niche dans son entrejambe. Je suis dans un étant d’excitation et d’émoi indicible.

    Le goût.

    Ma langue est aimantée par sa peau douce et tiède. Elle atterrit sur son oreille, descend le long de son nouveau tatouage qui l’attire comme un aimant, suit la ligne de son épaule, jusqu’au biceps. Elle remonte, m’attarde sur son cou, joue avec sa chaînette de mec, insiste le long de cette lisière dans le bas de la nuque où ses cheveux bruns prennent naissance. Je le sens frissonner tout le long, et je varie les plaisirs en posant parfois des chapelets de bisous très légers, tout doux.

    L’ouïe, enfin.

    Celui de sa respiration qui s’accélère. Le frottement léger de mes mains sur son corps. La vibration de son excitation.

    Je me fais plaisir, et mon beau brun se laisse faire. Je suis fou de bonheur. Mon émotion monte, grimpe, explose en même temps que mon excitation. Je ne sais même plus de quoi j’ai le plus envie avec lui. De continuer à le caresser, à le couvrir de bisous, de jouir de cette tendresse qu’il accepte enfin, ou bien de satisfaire mon corps qui réclame chaque instant un peu plus de lui faire l’amour.

    C’est un tout, tout à la fois. Je crois que ce que je ressens le plus fort au fond de moi, c’est une violente envie de communion avec son corps et avec son esprit. Une communion qui n’est jamais assez forte.

    Ce garçon me plait d’une façon presque douloureuse. Et il me touche à m’en donner les larmes.

    Submergé par le bonheur de cet instant, j’ai du mal à retenir mes larmes.

    J’ai besoin de sentir sa présence, j’ai besoin de ne faire qu’un avec le garçon que j’aime. J’ai besoin d’approcher encore davantage nos corps et nos esprits. Je déplie mes jambes, je laisse glisser mes cuisses autour des siennes (frisson géant), mon bassin contre le sien (excitation de fou), mes mollets contre les siens (délice magique). Mon torse désormais complètement collé contre son dos, mes bras plus que jamais serrés autour de son torse (bonheur absolu).

    J’ai très envie de saisir sa queue et de la branler. J’ai également très envie d’ôter ce débardeur de fou et de déballer ce torse magnifique, de sentir le contact direct avec son corps, et d’ouvrir la boîte de Pandore de ses arômes cachés.

    Mais je me retiens. Je veux le rendre dingue, faire monter la pression, le torturer de plaisir et de frustration. Je veux lui montrer à quel point la tendresse peut participer au bonheur des sens et de l’esprit.

    Je passe mes deux mains sous le coton immaculé, j’écarte un peu le tissu bien serré autour de sa plastique. Mes doigts remontent jusqu’à ses pecs, agacent ses tétons, alors que mes lèvres et mon nez glissent à nouveau dans ses cheveux pour en capter chaque odeur, chaque arome, chaque douceur.

    Même à travers le tissu, je sens la chaleur de sa peau irradier dans mon torse.

    Mes tétons frottent contre le coton blanc, mon état d’excitation est extrême. Mon érection, emprisonnée entre mon bassin et les reins du bogoss est désormais on ne peut plus manifeste. J’espère que ça ne va pas l’indisposer.

    Ça n’a pas l’air en tout cas. Au contraire, le bogoss semble adorer ce que je suis en train de lui faire. Avec des ahanements très explicites, sa respiration semble ponctuer les différents degrés de plaisir apportés par mes caresses plus ou moins appuyées autour de ses tétons.

    Oui, le bogoss a l’air très excité. Une sensation qui se confirme lorsque, n’y tenant plus, il attrape ma main pour la faire glisser lentement sur son boxer. Un boxer déformé par une érection remarquable et…  humide, chose plutôt rare chez lui! Ah, putain ! C’est qu’il est vraiment excité !

    Je crève d’envie de le branler, mais je veux le faire languir encore un peu. Aujourd’hui, c’est mon kif, et je veux décider de quand et comment je vais lui faire plaisir.

    J’extirpe ma main de sa prise, et je reviens caresser ses deux pecs, ses tétons. Sa respiration s’accélère encore, le bogoss se branle tout seul.

    Là, c’est moi qui n’y tiens plus. Je glisse ma main dans son boxer, je prends le relais et je commence à le branler doucement.

    Mon Jérém déglutit bruyamment. Son excitation est palpable, je la ressens au plus profond de moi. Et c’est sacrément bon.

    De plus en plus bisous dans son cou, sur ses épaules, jusqu’à ses biceps. De plus en plus de va-et-vient, de plus en plus de caresses sur ses tétons, des bisous de plus en plus enfiévrés. Sa respiration s’emballe encore, le bogoss lève le visage au ciel. Il prend son pied à fond.

    A cet instant précis, je me sens le Roi du Monde, et je me sens assis au Paradis. Je n’arrive pas à imaginer qu’il puisse exister bonheur plus grand que celui que je suis en train de vivre.

    Vraiment, ce mec est né pour ça, éveiller le désir et faire l’amour ! J’ai envie de le bouffer tellement il est beau et sexy. Mais aussi touchant, lorsqu’il prend son pied de cette façon, dans mes bras, me faisant confiance, sans besoin de jouer les petits machos. L’émotion qu’il m’inspire est telle qu’elle finit par passer la barrière de mes pensées et déborder de mes lèvres :

    « Mais qu’est-ce que t’es beau, Jérém, qu’est-ce que tu es sexy, qu’est-ce que… ».

    Et là, les trois mots auxquels je n’ai cessé de penser depuis hier s’affichent en grandes lettres rouges dans ma tête, genre affiche de l’Olympia : « Je t’aime ». J’entends une petite voix en moi crier que c’est le bon moment de les lâcher : « Nico, vas-y… vas-y… c’est maintenant ou jamais ! ».

    Heureusement, une autre voix fait retentir une alerte sécurité : « Non, non, non, non, non, ce n’est pas le bon moment du tout, si tu balances ça maintenant, tu vas tout gâcher. Arrête tes bêtises, on verra ça plus tard quand le poisson Jérém sera vraiment ferré ! ».

    Du coup, mon élan est coupé, et je m’embrouille.

    « Qu’est-ce que… que… que… qu’est-ce que tu es… qu’est-ce que tu es… mec… ».

    Je sais, ça ne veut pas dire grand-chose. Mais c’est tout ce qui m’est venu à l’esprit pour terminer ma phrase sans lâcher la bombe aux effets imprévisibles mais potentiellement dévastateurs que ces trois petits mots représentent.

    J’enchaîne avec la diversion la plus efficace qui soit pour détourner l’attention d’un garçon, j’accélère encore les va-et-vient de ma main sur sa queue. Le bogoss soulève son fessier pour faire glisser son short et son boxer le long de ses jambes, remue les mollets et les pieds pour s’en débarrasser.

    Et là, je me sens soudainement envahi par le besoin de ressentir encore plus fort, encore plus près le contact avec son corps. J’attrape les bas du débardeur pour le retourner et le faire glisser le long de son torse. Mais déjà mon bobrun seconde le mouvement, comme s’il n’attendait que ça. Ses doigts saisissent le petit bout de coton blanc, le font glisser le long de ses bras, le balancent avec nonchalance. Et le petit débardeur imprégné des délicieuses petites odeurs de sa mâlitude atterrit en équilibre instable sur le bord du lit.

    Je peux enfin contempler la magnifique nudité de son dos puissant, ressentir le bonheur du contact direct avec sa peau, douce, chaude, capter la fréquence accélérée des battements de son cœur. Et être assommé par les rafales d’arômes de mec qui se dégagent de son torse dénudé. Et, lorsque je recommence à caresser ses pecs, ses tétons, tout en le branlant comme il aime, me sentir vraiment connecté avec la vibration de son plaisir, sentir ses muscles vibrer, son corps secoué par les vagues de plaisir délivrées par mon étreinte, par mes caresses.

    Le bogoss aime mon kif, mais j’ai envie de l’entendre le dire.

    « Tu veux peut-être que j’arrête… » je lui chuchote à l’oreille, tout en décollant ma main de ses pecs et en ralentissant sérieusement les va-et-vient sur sa queue.

    « Si tu fais, ça je te tue ! ».

    On ne rigole pas avec son pied ! Quel bonheur pour mes oreilles !

    « T’aimes mon kif, alors… » je le questionne, tout en accélérant un tout petit peu mes va-et-vient.

    « Ça va, ça va… ».

    « Tu aimes, oui ou merde ? ».

    « Oui, je kiffe, vas-y, branle et ferme-la… » je l’entends lancer, alors que sa main se pose sur la mienne pour la contraindre à retrouver une cadence plus rapide.

    Fou de plaisir, le bogoss tourne le cou, son visage se présente à moi par-dessus son épaule. Ses traits sont crispés, les yeux fermés, la bouche ouverte, la respiration haletante, le front moite. Et là, ses lèvres semblent s’offrir à moi.

    Je sens son souffle brûlant sur ma bouche, sur mon visage, mon menton imberbe effleure sa barbe brune de quelques jours. J’ai furieusement envie de l’embrasser. Je m’en fiche de sa possible réaction, j’en ai trop envie, je vais l’embrasser.

    Et quelle est ma surprise lorsque mes lèvres non seulement ne se font pas refouler, mais elles sont carrément happées par les siennes. Certes, ce sont les lèvres ivres d’un mâle excité, mais elles s’offrent quand-même à moi. Un contact aussi court qu’intense, aussi inattendu que bouleversant. Je n’ai pas de souvenir que mon bobrun ait cherché le contact de mes lèvres auparavant, même « égaré » dans la tempête de son plaisir. Il le fait aujourd’hui. Je nage dans un bonheur sensuel et émotionnel qui ne semble jamais devoir prendre fin.

    Pourtant, ça finit par arriver. A un moment, j’entends le bogoss lâcher, la voix déjà cassée par les vagues annonciatrices de l’orgasme :

    « Tu vas m’avoir… putain… ».

    « Vas-y, fais toi plaisir… ».

    Encouragés par ses mots, mes va-et-vient se font de plus en plus rapides, le contact de ma main avec ses pectoraux de plus en plus frénétique et appuyé.

    Quelques instants plus tard, sa cage thoracique résonne d’un brâme de plaisir péniblement étouffé. Je savoure le privilège d’être aux premières loges, pour ressentir toute la puissance, toute la vibration de l’orgasme qui secoue de fond en comble son corps tendu comme un archet. Je sens sous mes doigts la pression de son jus monter dans sa queue. Un premier jet vient tremper mes doigts, avant d’aller s’abattre sur le carrelage dans un bruit sourd.

    Visiblement submergé, dépassé par le plaisir, à nouveau le bogoss lève le visage vers le ciel, m’« offrant » ainsi tout le développement de son cou puissant. Le voir, le sentir jouir dans mes bras, c’est beau et c’est bon, trop bon.

    Et, une fois la tempête des sens calmée, j’adore tout autant sentir son corps se détendre, son énergie virile momentanément épuisée, le voir trempé de sueur, frissonnant, la respiration haletante. Oui, j’adore voir mon Jérém repu, ressentir l’écho de son plaisir retentir encore autour de lui. J’adore cet instant où l’odeur de son plaisir envahit mes narines.

    J’avais redouté qu’il se dégage de moi dès l’orgasme passé. Mais là, pour mon plus grand bonheur, je le sens s’abandonner contre mon torse, dans mon étreinte. C’est un bonheur presque inconcevable. Alors, je me laisse aller aussi, je plonge mon visage dans le creux de son épaule. Et je le laisse récupérer tranquillement.

    Les secondes s’enchainent, le silence s’installe. Le bogoss demeure immobile, la respiration toujours aussi profonde et rapide.

    « Ca va ? » je finis par lui glisser.

    « T’es vraiment dingue, toi… » je l’entends balancer, la voix calme, entre deux grandes inspirations, en passant le revers de la main sur son front trempé de sueur,

    « Oui, dingue de toi… si encore tu ne l’as pas compris, depuis le temps… ».

    Je ponctue mes mots avec quelques bisous dans son cou, sur sa joue.

    « Dingue de ma queue, oui… » il rigole, tout en plongeant ses doigts dans sa crinière luxuriante de jeune fauve, en essayant de rajuster ses cheveux désormais en bataille.

    Je lâche son manche et je desserre mon étreinte autour de son buste. Je recule et je me dégage de ma position dans son dos. Je m’assieds à côté de lui.

    « T’es vraiment incroyable, comme mec, toi… » je lui glisse.

    Le bogoss se tourne vers moi, il sourit. Et là, je le regarde droit dans les yeux et je lui balance :

    « Si encore je n’étais dingue que de ta queue, ce serait pas si grave… ».

    Le bogoss me regarde en silence, dans la pénombre. Je le toise en essayant de déceler l’effet que ma petite phrase a eu sur son esprit. Hélas, le bogoss ne laisse rien paraître. Et son silence me questionne.

    Est-ce qu’il a compris ce que mes mots voulaient lui dire, sans pour autant le dire ? Est-ce qu’il a su lire entre les lignes ? Et ça lui fait quoi ?

    Jérém recule son bassin et d’allonge sur le dos. Je m’allonge à côté de lui. Même s’il n’y a pas eu de véritable réaction de sa part, je suis assez fier de ma phrase. Je sais que ce n’est pas encore le bon moment pour lui dire ces trois petits mots qui me chatouillent la gorge depuis quelques jours. Je ne sais même pas si ça le sera un jour. Mais j’ai au moins besoin de lui dire, même si ce n’est qu’à demi-mots, que ce n’est pas que pour le sexe que j’ai envie de le voir.

    Le bogoss récupère pendant quelques instants. Et lorsqu’il relève le torse, tout en s’installant en position accoudée, j’ai l’impression que ses tablettes de chocolat défient la semi obscurité pour se montrer de façon insolente. A moins que ma mémoire ne contribue pas à me montrer ce que ma vue a du mal à percevoir.

    Et là, le bogoss saisit ma queue raide comme un piquet et me balance :

    « T’as envie de jouir ? ».

    Je ne m’y attendais pas à celle-là !

    « O… oui… » je bégaye.

    Jérém se tourne alors sur le flanc, il commence à me branler, tout en mordillant doucement l’un de mes tétons.

    Je frissonne de plaisir. S’il continue de cette façon, lui aussi il va m’avoir, et très vite. Mais le bogoss a d’autres projets.

    « Assieds-toi au bord du lit… ».

    Un instant plus tard je me retrouve dans ses bras, exactement comme lui il l’a été dans les miens quelques minutes plus tôt. Bonheur inouï que d’être enveloppé par la puissance chaude et musclée de son corps de rugbyman. Sa main me branle, son autre main se balade sur mes pecs, ses doigts s’amusent avec mes tétons, ses lèvres et sa langue se promènent sur ma peau, mordillent mon oreille. Le bobrun semble bien décidé à m’offrir le même plaisir que je lui ai offert quelques minutes plus tôt, le frisson provoque par les poils de sa barbe en plus.

    Décidemment, cette position est un truc de fou. La nouvelle attitude de Jérém est un truc de fou.

    Quelques va-et-vient de sa main sur ma queue, et je me sens perdre pied. Je ressens une montée de chaleur brûlante dans mon bas ventre. Je m’entends pousser un grand râle de plaisir, à la mesure de l’orgasme de fou qui vient de me percuter de plein fouet. J’essaie de le contenir, mais l’effort est tellement important que j’en ai mal aux poumons.

    Lorsque je reviens à moi, je réalise que ses bisous dans mon cou ont cessé, que le bogoss a retiré ses bras de mon torse et qu’il est déjà en train de se décoller de moi.

    Pourquoi est-il si pressé de partir ?

    J’imagine que c’est à cause de l’appel de la clope. Je m’attends donc à le voir s’approcher de la fenêtre pour s’en griller une. Il n’en est rien, le bogoss s’allonge à nouveau sur le lit. Puisque c’est ça, j’en profite. Je me positionne de façon à pouvoir caler mon cou contre son flanc et poser ma tête sur ses abdos.

    Jérém me laisse faire, une fois de plus. Contact magique avec sa peau douce et son muscle bien ferme, contact qui m’apporte la perception des mouvements de son diaphragme sous les abdos, la cadence de sa respiration, les battements de son cœur, ma tête bercée par ces simples mais précieuses vibrations de vie.

    Mes narines m’apportent l’odeur de sperme qui remonte de son sexe. Je tourne légèrement la tête et je suis happé par ce délicieux alignement de petits poils doux qui descendent vers sa queue désormais presqu’au repos.

    Je ferme les yeux et je me laisse bercer. Et un instant plus tard, je crois carrément rêver, ou même devenir fou, lorsque je sens sa main se poser sur mon épaule, l’enserrer doucement. Instinctivement, je rouvre les yeux et je tourne la tête, je croise son regard. Et c’est un regard qui a l’air presque doux, en tout cas, c’est un beau regard de bobrun détendu.

    Je referme les yeux, je cherche sa main. Je la saisis, et elle ne se dérobe pas. Encouragé, je tente d’entrelacer nos doigts. Là encore, le bogoss semble accepter ce contact.

    Nous restons ainsi, en silence, unis dans ce contact doux et émouvant. Je suis tellement touché, je suis au bord des larmes. Des larmes qui auraient certainement fini par jaillir si sa main, se dégageant soudainement de mon épaule et de mes doigts, ne s’était pas chargée de faire diversion.

    Elle atterrit sur mon torse, ses doigts effleurent mon téton. Au début, je me dis que ce n’est qu’un petit « accident », un mouvement mal contrôlé. Mais ça, c’est avant que ses doigts persistent dans ce contact, avant qu’ils entreprennent clairement à agacer mon téton.

    Presque instantanément, je bande à nouveau. Instinctivement, je dirige mon regard en direction de sa queue. Elle n’est plus au repos. Elle n’est même pas en mode mi-molle. Non, elle bande dur à nouveau.

    Très clairement, le bogoss a encore envie, et cherche à me faire connaitre son envie. Il n’a pas à chercher bien loin. Il n’a pas à me chauffer longtemps pour m’allumer. Moi l’essence, lui l’étincelle.

    « J’ai envie de toi… » je lâche, comme un cri du cœur.

    « T’en as jamais assez, toi… » il feint la surprise, l’étonnement, l’air presque « outré ».

    « Eh ! oh ! C’est toi qui as commencé à jouer avec mon téton ! ».

    « Je fais rien, moi… » fait-il en affichant un faux air innocent.

    Petit con, va !

    Ses abdos se mettent en tension sous ma joue. Le bogoss redresse le torse, j’en fais de même.

    J’ai envie de lui, et j’ai furieusement envie de le regarder en train de me faire l’amour. Je m’allonge sur le dos, pour lui faire connaitre à mon tour mon envie.

    Le bogoss me regarde fixement, je sais à quoi il pense. Au frisson de glisser entre mes fesses, au plaisir qu’il va prendre entre mes fesses, et au bonheur ultime de jouir entre mes fesses. J’adore ce regard excité, concupiscent. Le regard du mâle qui me regarde en train de m’offrir à lui.

    Je soutiens son regard, je lui tiens tête dans cet échange silencieux. J’accepte son regard, je lui fais connaitre mon bonheur de m’offrir à lui.

    Un instant plus tard, le bogoss bondit entre mes cuisses, les écarte. Il attrape un oreiller, le plie en deux, le glisse sous mes fesses, et il vient en moi. Ses mains chaudes posées bien à plat sur mes pecs, il commence à me limer tout doucement.

    Fou de plaisir, je porte mes mains sur ses biceps, j’enfonce mes doigts fiévreux dans le muscle ferme. Insatiables de tâter sa plastique, ils remontent ses épaules, caressent le cou puissant, redescendent sur ses pecs. Jérém semble bien apprécier le contact.

    Le bogoss s’allonge sur moi, son torse collé à mon torse, son visage enfoui dans le creux de mon épaule. Le parfum sucré de sa peau toute proche m’enivre, j’enfonce à mon tour mon visage dans sa crinière brune.

    Au gré des mouvements de son cou, sa barbe frotte ma peau. Mais là où ses poils piquent sensuellement, ses lèvres soignent tout aussi sensuellement.

    Ses coups de reins sont lents, tout doux. Fou de plaisir, je laisse mes mains se déchaîner sur son dos, chercher le contact avec sa peau mate et soyeuse, caresser, étreindre. Aucun geste me semble excessif pour lui témoigner le plaisir inouï qu’il est en train de m’offrir.

    Mais qu’est-ce que c’est bon de se faire plaisir sans chercher à dominer ou se laisser dominer. Je suis le pénétré, il est celui qui pénètre. C’est un fait. Mais il n’est pas l’actif, je ne suis pas le passif. Car tous deux sommes actifs dans notre volonté et dans notre contribution à ce plaisir totalement partagé.

    Oui, qu’est-ce que c’est bon de se faire plaisir, surtout lorsque le plaisir ne se résume pas à un emboîtement, à un frottement de corps, mais lorsque ce plaisir est porté par la complicité des esprits. Quand on prend à ce point son pied, tout en désirant ardemment en offrir à l’autre, je crois que ça s’appelle « faire l’amour », ce qui n’a rien à voir avec « baiser ». On baise un cul, on baise un beau corps, mais on ne fait pas l’amour qu’à un corps, si beau soit-il. Lorsqu’on fait l’amour, on le fait à un esprit, à une âme. Faire l’amour est autant la rencontre, la fusion, la complicité avec un corps, un sexe qu’avec un esprit. Faire l’amour implique une connexion profonde entre deux esprits. Peu importe l’enveloppe charnelle qui les abrite.

    Le bogoss relève brusquement la tête, sa chaînette oscilles autour de son cou. Nos regards se croisent brièvement, le sien semble complètement habité et dérouté par l’orgasme tout proche. Et là, geste inattendu, il pose son front contre mon front. Je sens son souffle brûlant sur mon visage, j’ai presque l’impression de sentir ses lèvres contre les miennes.

    Hélas, c’est à ce moment-là que l’orgasme explose dans son bas ventre et dans sa tête. Son front trempé se décolle du mien avec un mouvement brusque, presque violent. Son visage s’enfonce à nouveau dans le creux de mon épaule, son torse revient se coller à mon torse.

    Le bobrun quelques derniers coups de reins pendant qu’un nouveau rugissement de jeune mâle résonne dans ma chambre.

    Et alors que le bogoss termine son affaire, alors que ses mouvements ralentissent, je me sens perdre pied. Je sais que cette deuxième jouissance va être délirante, je ne veux pas la rater. Je sais que la plénitude de mon plaisir dépend d’un petit effort de mon beau mâle, un petit effort que je suis bien décidé à lui demander.

    « Vas-y, s’il te plaît, ne t’arrête pas, je vais jouir, fais-moi jouir ! ».

    Le bogoss ne se fait pas prier, son bassin recommence illico à onduler contre le mien, ses abdos à exciter ma queue. Il suffit de très peu, quelques frottements à peine. Et mon corps est secoué par la déferlante d’un orgasme géant. Un instant plus tard, je gicle copieusement entre nous deux torses.

    Lorsque je recouvre mes esprits, je découvre le bonheur de sentir mon beau mâle totalement abandonné sur moi, de tout son poids, son front trempé de sueur enfoui dans le creux de mon épaule. J’ai l’impression qu’il est bien là, et qu’il n’est pas pressé de se relever. Ni pour partir, ni même pour aller fumer sa cigarette.

    Je caresse lentement son dos, puis son cou, mes doigts se perdent dans la douceur de ses cheveux bruns. Ivre de lui, je ne peux m’arrêter de lui faire des caresses et des bisous. Des caresses et des bisous qu’il me laisse faire, qu’il se laisse faire.

    Nous restons ainsi, enlacés, en silence, pendant un bon petit moment.

    Lorsque le bogoss se relève enfin, je lui passe mon t-shirt pour s’essuyer le torse.

    « Je vais prendre une douche » fait le bogoss, tout naturellement.

    Et, ce disant, il se dirige vers la porte de la chambre, sans même prendre le temps de faire suivre ses sous-vêtements. Il disparaît, à poil, dans le couloir.

    Ah putain ! J’adore son aisance, sa façon de se sentir « chez soi ». Dans sa tête, ça n’a jamais été : « Est-ce que je peux prendre une douche ? », mais directement, dès la première fois : « J’ai besoin de prendre une douche ». Mais aujourd’hui, ce n’est déjà plus ça non plus, mais carrément : « Je vais prendre une douche ».

    Son aisance me touche au plus haut point. Le bogoss continue de prendre ses « marques » chez moi. J’ai envie de pleurer.

    Lorsqu’il réapparait dans la chambre, les cheveux encore bien humides, la peau fraîchement douchée, tous biceps, pecs, tétons et abdos dehors, mon Jérém a toute l’air d’un bogoss qui a bien joui et qui s’apprête à se rhabiller et à partir.

    En parcourant son anatomie de haut en bas, mon regard est aimanté par cette chute oblique et diablement saillante entre ses muscles abdominaux, ligne canalisant le regard vers cette queue qui m’a donné tant de plaisir, désormais au repos, mais toujours aussi belle, ainsi que vers ces couilles délicieusement rebondies.

    Je le regarde et j’ai encore envie de lui.

    Mais ce dont j’ai envie par-dessus tout, c’est qu’il reste encore un peu avec moi. Je ne veux pas qu’il parte tout de suite. Chaque minute avec lui, est une minute soustraite au manque douloureux que son absence enfonce dans mon cœur.

     « Jérém… ».

    « Quoi ? ».

    « Tu reprends à quelle heure ? ».

    « 17 heures… ».

    « J’ai envie que tu restes un peu avec moi… ».

    « J’ai pas le temps… ».

     « Mais il n’est que 16 heures … ».

    « Pas faux… » il concède, en s’allongeant à nouveau sur le lit, à côté de moi, trouvant finalement agréable ma proposition.

    « Je suis naze… ces horaires me tuent… ».

    « Repose-toi un peu, alors… ».

    « Il faut pas que je m’endorme… ».

    « Si ça arrive, je te réveillerai… » je lui chuchote à l’oreille, tout en l’invitant à se mettre sur le flanc et en le prenant dans mes bras.

    « Il vaut mieux que… il vaut mieux que… que je ne dorme pas… sinon… sinon… je vais… je vais me réveiller… me réveiller… déchiré… ».

    Le bogoss a tout juste le temps de terminer sa phrase que déjà j’entends sa respiration changer. Un instant plus tard, il dort.

    Quel contraste saisissant, et émouvant, entre le Jérém qui fait dodo et le jeune mâle à la sexualité débordante et à la sensualité bouillante. Dans son sommeil, le puissant étalon « dieu du sexe » redevient touchant poulain « puits à câlins ».

    Alors je vais veiller sur lui, surveiller l’heure, pour lui., Et pendant ce temps, je vais adorer le regarder dormir.

    Mon Jérém dans mes bras. Et moi veillant sur son sommeil. Je me blottis un peu plus contre lui. C’est le bonheur.

    Moi je n’étais rien/Et voilà qu’aujourd’hui/Je suis le gardien/Du sommeil de ses nuits/Je l’aime à mourir

    C’est tellement bon de le tenir dans mes bras pendant qu’il dort, c’est tellement doux d’écouter sa respiration enfin calme. Enveloppé par son empreinte olfactive désormais si familières, si apaisante, apaisé par sa présence qui me rassure, détendu par la chaleur de sa peau, je sens tous mes muscles se détendre. Et mon esprit aussi. A cet instant précis j’ai tout ce qu’il me faut pour être pleinement heureux. Alors, comme un enfant bien au chaud dans son lit, son doudou bien serré dans ses bras, je sens venir le marchand de sable.

    Mon corps réclame un petit somme pour récupérer des émotions de l’après-midi. Je tente de m’y opposer, de tenir bon. Mais je finis par m’assoupir à mon tour.

    Lorsque je me réveille, je me réveille en sursaut. Et lorsque je regarde l’heure, je panique.

    Putain ! Il est 17h25 !

    « Jérém ! Jérém ! » je tente de le faire émerger.

    Et là, pour toute réaction, le bogoss se retourne, se colle contre moi et vient poser un bisou léger dans le cou. Ce n’est qu’un bisou dans le sommeil, et mon état de panique ne me permet pas de l’apprécier comme je le devrais. Mais c’est si bon ! Et c’est si dur de mettre un terme à cet instant de douceur, de bonheur, j’ai envie de passer ma vie dans ses bras. J’ai envie d’autres bisous…

    Hélas, le temps presse.

    « Jérém ! Jérém ! Réveille-toi ! » je reviens à la charge.

    Lorsque le bogoss émerge enfin, il se tourne brusquement vers le radio-réveil.

    « Putain, je suis à la bourre ! » il panique à son tour.

    Avant de s’en prendre à moi, à juste titre.

    « Tu m’avais dit que tu me réveillerais ! ».

    « Désolé, je suis parti aussi… ».

    Le bogoss se lève, me bouscule, attrape son débardeur et le passe sur son torse sculpté. Ce débardeur blanc, est vraiment un truc de fou !

    Boxer, short, baskets, un bogoss est presque aussi vite rhabillé que déshabillé.

    Le bogoss fouille dans son short, il en extrait une cigarette, le briquet et se dirige vers la porte de la chambre.

    « Jérém ! ».

    « Quoiiiiiiiiiiiii ??? Je suis à la bourre, là !!! » il me balance, sur un ton agacé.

    « Demain c’est samedi ».

    « Je sais, merci ! ».

    « Mais je suis seul aussi, tout l’après-midi… tu peux passer si tu veux… ».

    « T’en as jamais assez, toi… » fait-il en se passant la main dans les cheveux bruns toujours aussi en bataille, encore humides après la douche, pour les ramener vers l’arrière.

    Geste simple, mais geste chargé d’un érotisme infini. Comment pourrais-je en avoir assez ?  

    Commentaires

    Agnès

    30/06/2019 00:24

    Pk tu fais çaaaaaa ! Faut pas nous torturer comme ça !Après nous aussi on va finir trop optimiste et on va se prendre une douche froide… J’ai peur j’ai peur pour le petit Nico…

    GEBL

    29/06/2017 07:46

    Yann a raison tes mots .  , que dire , j ‘en ai pas ton aisance dans l’écriture. Ce qui captivant , c’est ces ressentis , ces évolutions dans le psyché des personnage , mais aussi , ces petites touches d’informations qui construise l’histoire de J&N, et qui interpellent notre curiosité. ET c’est d’un érotisme si bien décrit , que l’on se projette à ressentir les bienfaits de leur plaisirs . merci

    Yann

    28/06/2017 11:48

    Au moins de me répéter je manque d’adjectif pour commenter cet épisode si bien écrit ! Ce qu’il y a de différent chez toi Fabien, par rapport à d’autres auteurs dans ce même registre, c’est (comme le dit raf dans son commentaire de l’épisode précédent) la psychologie de tes personnages qui donne tout le sens à cette histoire. Il y a aussi ta passion si forte pour la beauté et le charme masculin, chaque mot la célèbre. Depuis le précédent épisode Jerem a un peu changé, il montre en tous cas un peu plus de considération pour Nico. Leur complicité nouvelle est si émouvante que je crains que la fin n’en soit que plus dure pour Nico. Yann

    lo

    26/06/2017 22:27

    Encore un super chapitre. Merci.

  • JN01108 Il y a cours de conduite et cours de conduite

    JN01108 Il y a cours de conduite et cours de conduite

    Vendredi 3 août 2001.

    Ce matin, à 11 heures précises, j’ai cours conduite avec le sexy Julien. Je sens que ça me faire du bien, que ça va m’aider à attendre le retour de mon bobrun.

    En marchant vers l’autoécole, je me surprends à me dire que, cours après cours, je commence quasiment à le percevoir comme un pote. Un peu fouineur, un peu envahissant parfois, mais un pote quand-même. Un pote drôle et charmant, qui plus est.

    Je retrouve le sexy Julien dans sa voiture, garée tout en travers sur le petit parking de l’autoécole, à cheval sur deux emplacements, dépassant de tout côté, la porte côté conducteur grand ouverte. Sa façon de se garer est à l’image de sa personnalité, débordante de toute part, ne passant pas inaperçue pour un sou.

    Mais il n’est pas seul. Devant lui, debout, un petit brun carrément à hurler.

    18-19 ans, pas très grand, 1 mètre 70 peut-être, équipé d’un bon petit physique de nageur, très bien proportionné, laissant imaginer des séances de musculation, mais juste ce qu’il faut.

    Le petit mec est châtain, avec un brushing de bogoss, les cheveux assez longs sur le haut de la tête, tenus dans un équilibre instable par Dieu sait quel gel.

    Il porte un petit t-shirt gris chiné, avec encolure bleu marine, laissant peu à l’imagination au sujet de ses pecs très bien dessinés et des tétons qui pointent. Un short gris clair habille ses cuisses musclées, des baskets noires chaussent ses pieds.

    Le petit nouveau est en train de discuter avec Julien, ou plutôt d’écouter Julien, ce dernier étant assurément en train de faire son débriefing au sujet du cours qui vient de se terminer. Le mec a l’air plutôt attentif, ce qui se traduit dans son attitude : il se tient bien droit, les bras légèrement écartés le long du corps, ce qui a pour effet de bien mettre en valeur son torse magnifique.

    L’instructeur et l’élève, deux bombasses chacun dans leur style. Beau mâle charmeur et conquérant le premier. Choupinou tout mignon, mais très mec quand même, le deuxième. Je frôle la tachycardie lorsque les deux jeunes mâles s’engagent pour traverser la route, lorsqu’ils « foncent » sur moi.

    Au fur et à mesure que le petit Dieu inconnu approche, je peux pleinement apprécier sa jolie bouche sensuelle, ainsi que sa petite barbe naissante, affirmant sa jeune virilité. Mais ce qui le caractérise avant tout, ce sont ses grands yeux bleu-azur qui semblent comme vouloir happer tout le monde qui l’entoure, des yeux dans lesquels on a juste envie de se noyer.

    Ils sont presque là, je vais leur devoir serrer la main, ce qui va avoir pour conséquence de m’arracher à la contemplation de cette double perfection. Car, une fois qu’ils seront près de moi, je n’oserai plus les regarder de la même façon, avec la même extase.

    Comme d’habitude, mon moniteur préféré est non seulement très très très sexy, mais également très accueillant. Le premier regard qu’il m’adresse est accompagné d’un grand sourire charmeur assorti d’un clin d’œil à te faire tomber à la renverse.

    « Salut, Nico ! Ça va ? » il me lance, tout en me serrant la main avec sa bonne prise de mec, tout en ma claquant la bise, oh surprise, oh frissons !

    « Tu ne dois pas connaître Alex… » il enchaîne.

    Ah, putain, Alex. Qu’est-ce que ça te va bien ce prénom. En me donnant son petit nom, c’est comme si Julien m’avait donné les clefs pour rentrer dans ton univers de bogossitude.

    « Non, en effet… ».

    « Alex, lui c’est Nico… Nico, Alex… je pense que vous allez passer l’exam en même temps, début septembre… ».

    Le petit Dieu Alex me serre la main, sa prise de mec est ferme, son sourire un peu timide. Son regard bleu à bout portant me fait vaciller.

    « Enchanté… » fait le petit Dieu avec une voix calme et basse.

    « Enchanté moi aussi… » je lui réponds.

    « On se revoit mercredi pour le dernier cours… » j’entends Julien lui lancer.

    « Ok, c’est entendu, à mercredi ! » fait le petit Alex, son visage s’illuminant d’un sourire doux qui me fait craquer.

    Le petit Dieu repart ensuite vers le centre-ville, et je ne peux le quitter du regard jusqu’à ce qu’il finisse par disparaître au détour d’une rue transversale.

    Ce qui n’échappe pas au très malin Julien.

    « Il est à ton goût, le petit Alex, hein ? » il me balance, moqueur.

    « Il faudrait être difficile ! ».

    « Il est bogoss… » fait Julien, en rigolant.

    « On peut dire ça… ».

    « Je ne l’ai jamais mis en cours avec toi, j’étais sûr que t’allais faire un accident… ».

    « Sale type ! » je le cherche.

    « Et puis, tu m’avais déjà moi à mater… t’as pas besoin d’avoir un autre bogoss à reluquer. Tu ne saurais pas où donner de la tête ! » se marre le jeune loup à poil doré.

    Je crève d’envie de lui demander sur quels critères il se base pour taxer ce petit Alex de « bogoss », quelle est sa définition du « bogoss », à quel point et de quelle façon la bogossitude de ce petit Dieu le touche vraiment, qu’est-ce que ça lui inspire…

    Mais déjà je me laisse happer par sa bogossitude dorée, aujourd’hui drôlement mise en valeur par un t-shirt noir bien tendu sur ses épaules. Décidemment, rien que le regarder est une épreuve. Une épreuve délicieuse. Car ce mec pue le sexe à plein nez. Se tenir à ses côtés relève tout bonnement de l’insoutenable.

    Je me fais une joie de me dire qu’aujourd’hui je vais avoir le bomoniteur tout pour moi, mais Sandrine débarque à son tour. Nous prenons place dans la voiture, et je me retrouve une nouvelle fois « condamné » au délicieux supplice de la banquette arrière, ce poste d’observation, de « matage » de bomoniteur.

    Un bomoniteur qui depuis notre dernier cours a opéré quelques changements dans son apparence, le rendant si possible encore plus sexy qu’auparavant.

    Premièrement, il a dû passer chez le coiffeur. Autour de la nuque, c’est plus court. Mon regard est aimanté par cette lisière entre la peau nue du cou et les cheveux courts, fins et doux à la base de sa nuque. Je suis comme hypnotisé par ce détail de l’anatomie des garçons.

    Sur le haut de la tête, les cheveux sont beaucoup plus longs, rabattus vers l’arrière et maintenus par une bonne quantité de gel.

    Deuxièmement, le bogoss sent terriblement bon. Je n’ai qu’à avancer mon buste discrètement pour apprivoiser cet effluve qui remonte de sa nuque. Shampooing ? Produit pour fixer les cheveux ? Je ne le saurai jamais. Aussi, je l’affirme, le bogoss a changé de déo. Les vitres ouvertes à l’avant laissent rentrer l’air et la brassent vers l’arrière, m’apportent cette fragrance, cette « fraîcheur de bogoss » par grandes « rafales », comme autant de gifles olfactives.

    Troisièmement, après notre discussion de la dernière fois, depuis que je sais qu’il sait que je le kiffe et que ça l’amuse, je n’ai plus trop de scrupules à me livrer au « jeu du retro ». Ainsi, nos échanges de regards et de sourires par miroir interposé sont nombreux, marrants, excitants.

    J’aime bien l’idée qu’il sait pour moi et Jérém, que ça ne lui pose le moindre problème, et que ça crée même une belle de complicité entre nous.

    Depuis la dernière fois, Sandrine semble avoir radicalement changé d’attitude vis-à-vis du boblond. Elle a désormais l’air d’être passablement impressionnée par l’aura sexuelle du beau moniteur.

    Putain de mec, il a réussi son pari ! Je me souviens très bien de ses mots, quelques jours plus tôt, « Elle fait la difficile, mais tu vas voir, dans une semaine, elle va me manger dans la main… ».

    Une semaine est passée. Et c’est exactement l’impression qu’elle donne ce matin, lui « manger dans la main ».

    Je me demande bien ce qui a bien pu se passer pour qu’il y ait un tel changement d’attitude. J’ai dû rater un épisode. Peut-être qu’il a fini par la mettre dans son lit. Vivement que le cours de Sandrine se termine et que je me retrouve seul avec Julien, pour qu’il puisse me raconter, fanfaronner, m’impressionner.

    En attendant, et pour tenter de chasser cette image désagréable de mon esprit (Julien+Sandrine, la formule me parait bancale), je me délecte de l’insolente sexytude qui se dégage du beau moniteur.

    Ce mec est une charmante canaille, un adorable fripon. Mais en même temps, il y a quelque chose de très classe chez lui, une élégance naturelle qui dépasse et transcende même son côté queutard invétéré.

    Le cours de Sandrine se termine. Il était temps. Il me tardait vraiment de la benner en bas de chez elle pour rester en tête à tête avec Julien.

    « Ça va toi ? » m’interroge le boblond dès que nous retrouvons seuls, tout en m’envoyant son plus beau sourire, lumineux, communicatif et contagieux.

    « Oui ! » je lui réponds en lui souriant à mon tour.

    « Vas-y, engage-toi dans l’allée vers le centre-ville… on va éviter Esquirol… ».

    « Pas besoin aujourd’hui ! ».

    « Quelque chose me dit que tu as revu ton brun qui fait la gueule… ».

    « Il fait plus la gueule ! » je réponds sur un ton enjoué.

    « Ooohhh !!! Toi… » fait-il sur un ton surjoué, mais tellement drôle « toi t’as l’air d’un mec qui s’est drôlement bien fait baiser ! ».

    Ça y est, grillé sur la ligne de départ. Sacré personnage, ce Julien.

    « Je t’en prie… » je tente d’esquiver, très amusé, mais aussi un peu gêné par le caractère très direct de ses mots.

    « C’est pas vrai ? » fait le beau moniteur, sûr de son fait.

    « Arrête, s’il te plaît… ».

    « Vas-y, raconte… ».

    « Tu es mon moniteur, on doit rester professionnels… » je le cherche.

    « M’en branle du professionnel ! Crache le morceau, je te dis ! ».

    « Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Il est venu chez moi tous les jours depuis lundi… ».

    « Cool… et il t’a bien baisé ? ».

    « Julien ! ».

    « C’est un bon coup au lit, au moins ? ».

    « Tu peux pas imaginer… » je finis par admettre.

    « T’as kiffé ta race, alors ! ».

    « On peut dire ça, oui… ».

    « De toute façon, ça se voit… t’as pas du tout la même tête que la semaine dernière… le bonheur c’est simple comme un coup de queue… », il assène, alors qu’un irrésistible sourire lubrique monte à ses lèvres.

    Julien me fait rire. Il est drôle. Je me sens vraiment à l’aise avec ce mec, même plus à l’aise qu’avec ma cousine Elodie, notamment pour parler de ma relation avec Jérém, surtout quand ça touche au sexe. Certes, Julien ne semble pas du tout intéressé par le plaisir entre mecs, mais son attitude montre cependant une totale acceptation, et même une certaine forme de la curiosité, vis-à-vis de ce sujet. Cela fait de lui un « pote » avec qui il fait bon de parler de tout.

    « En tout cas… » fait Julien en rigolant « il est chaud du bulbe, ton mec ! ».

    Oh que, oui, il est chaud du bulbe ! Je trouve l’expression très drôle.

    « Je ne sais pas si on peut dire que c’est mon mec… ».

    « C’est pas le mien en tout cas, je t’assure… ».

    « Depuis quelques jours on dirait que ça s’arrange entre nous » je continue sur ma lancée « mais je sais que tout peut changer très vite ».

    « Arrête un peu de pleurnicher ! Tu as la chance de baiser avec un mec que tu kiffes un max, et qui te fait kiffer ta race au pieu. Et s’il revient te sauter tous les jours, c’est qu’il aime ça… ».

    Voilà le genre de discussion que j’aime avoir avec Julien.

    « Du coup, on peut aller lui faire un petit coucou à son taf ! » il me lance.

    « Arrête, Julien ! ».

    Mais je ne peux le faire changer d’avis. Et ses consignes de conduite m’amènent tout droit vers Esquirol.

    Bien évidemment, le feu à proximité de la brasserie est au rouge, et nous sommes contraints de nous y arrêter. Et mon beau mâle est là, en terrasse, habillé d’une chemisette blanche cintrée, laissant apparaître son brassard tatoué ainsi que les extrêmes de son nouveau tatouage. La chemisette est hélas très fermée, empêchant le coup d’œil sur la naissance de ses pecs. Mais cela lui permet de porter une fine cravate noire qui donne à sa tenue une touche d’une élégance inouïe. Un pantalon noir et des baskets blanches compètent son allure, classe et très jeune à la fois.

    Je cherche son regard, en vain. Mon bobrun est tout occupé à prendre une commande après d’un troupeau de greluches, tout en ayant l’air de rigole avec l’une ou l’autre d’entre-elles. Est-ce qu’il se fait draguer ?

    Je sens une violente bouffée de jalousie monter de mon ventre, enflammer mon visage, vriller mon cœur et mon cerveau. Soudain, je me surprends à me demander s’il renoncera vraiment un jour aux nanas.

    Ce sont les klaxons des voitures derrière moi qui m’arrachent à mes réflexions. Pris au dépourvu, je panique, je tente de démarrer, je cale.

    « Désolé… » je lance, tout en redémarrant.

    « Il te fait un effet de dingue, ce mec… » se moque Julien.

    « Plus que ça… ».

    « Il baise toujours des nanas ? »

    « Je ne sais pas… ».

    « Dans son taf, il doit être pas mal sollicité… il est beau mec… ».

    A nouveau, je ressens l’envie de lui demander quels critères il associe à cette définition de « beau mec », qu’est ce qui le touche, qu’est-ce que la présence de mon bobrun remue en lui en termes d’émotions et d’éventuelle attirance pour l’amener à attribuer cette étiquette de « beau mec ».

    Bien évidemment, je sais ce que Jérém, tout comme le petit Alex, peuvent inspirer. Chacun à leur façon, ce sont des beautés masculines indiscutables, absolues. Il pourrait dire que Jérém est un bogoss comme je pourrais dire que Sharon Stone est une caille. Ce sont des pures évidences, ce n’est qu’un constat. Cependant, je suis curieux de savoir si vraiment nous voyons la même chose en regardant Jérém ou Alex, s’ils nous inspirent les mêmes émotions. Et éventuellement les mêmes désirs, les mêmes envies.

    Hélas, à la fois troublé par la circulation dense et par la jalousie de voir Jérém en train de rigoler avec ces pouffiasses (là, c’est clairement la jalousie qui parle, toute nana s’approchant de mon Jérém se verrait d’office attribuer le titre de « grosse pouffe »), je suis contraint de zapper une fois de plus mon envie de discuter « mecs » avec le beau loup à poil doré.

    Nous roulons désormais en direction du Grand Rond. Il est 11h30 et le soleil cogne déjà très fort sur la Ville Rose ; la température de l’air monte, et encore plus pour moi, alors que la bisexualité de mon beau mâle brun vient de me sauter à la gorge, bisexualité qui pourrait au final être le plus gros écueil à une véritable relation suivie. J’ai le visage brûlant, je transpire à grosses gouttes.

    « Ça va, Nico ? » fait le bogoss Julien lorsque nous nous arrêtons au feu du Grand Rond.

    « J’ai trop chaud… » je lui balance, comme si le fait de le dire pouvait ôter d’un coup 10 degrés. Je piétine d’impatience pour que le feu passe vite au vert, j’ai hâte de redémarrer et retrouver un peu de fraîcheur par l’air rentrant par les vitres complètement ouvertes.

    Oui, j’ai trop chaud. Mais apparemment, je ne suis pas le seul dans ce cas. Le bogoss à poil doré est lui aussi en nage, le front perlant de transpiration.

    Et là, alors que le feu semble s’éterniser au rouge, Julien a ce geste, il penche le buste et le cou tout en soulevant le t-shirt pour éponger le front de l’excès de transpiration. C’est un geste que j’ai vu faire un jour à Jérém, bien avant le début de nos révisions, mais aussi une fois à Thibault. C’est un geste qui m’émeut depuis toujours et tout particulièrement chez un beau garçon.

    Un geste doublement inconscient. Inconscient une fois dans le sens qu’il est accompli tout naturellement, sans même y penser. Et inconscient une deuxième fois dans le sens qu’il est accompli sans imaginer à quoi il expose ceux et celles qui sont sensibles au Masculin – un choc visuel, une violente montée de désir – en l’accomplissant.

    Mais peut-être que chez Julien ce geste est à la fois « utile » pour éponger sa transpiration, mais aussi pleinement conscient de l’effet qu’il peut avoir sur moi, et qu’il prend un malin plaisir à me chauffer de la sorte.

    Mon regard est happé par cette image fugace, pourtant marquante, de ce ventre finement ciselé, ainsi que de cette délicieuse ligne de poils clairs, fins, humides de transpiration, brillants sous le soleil d’août, descendant de son nombril et se perdant dans l’élastique bleu et blanc du boxer qui dépasse du jeans.

    Le bas du t-shirt retombe bien assez vite, et l’image de ses abdos, et cette diabolique ligne de poils clairs reste imprimée dans ma rétine, comme l’image du soleil lorsqu’on le fixe un peu trop longtemps, image qui dure même après que nous ayons détourné le regard.

    « Tu t’es bien rincé l’œil ? » se marre le bogoss.

    « Si tu veux pas que je regarde, t’as qu’à pas montrer ! ».

    « J’ai pas dit que ça me dérange… je dis juste que tu me kiffes grave… nuance ! » il me balance, les sourcils en chapeau comme il sait si bien le faire, avec ce ton à la fois sérieux et pas du tout.

    Ses yeux affichent ce sourire canaille, mi-ange, mi-démon, un sourire charmeur, indéchiffrable, provocateur. Le bogoss joue les équilibristes marchant sur un fil invisible, prêt à se laisser choir du côté du charme ou de la bêtise suivant la réaction à sa boutade, retombant ainsi toujours sur ses pattes.

    Quelque part, j’ai l’impression que derrière sa canaillerie maladive, ce garçon est touchant. Je me dis qu’il a constamment besoin de savoir qu’il plaît, comme si son assurance ne tenait qu’au fait que le pouvoir de son charme soit confirmé sans cesse. Tout comme mon Jérém.

    Alors, d’une part j’ai envie de le rassurer. D’abord car je le sens en demande d’être rassuré. Et aussi, car le fait de flatter un beau garçon est toujours quelque chose d’éminemment plaisant.

    Mais en même temps, je n’ai pas envie de trop le flatter, je ne veux pas lui donner l’occasion de se payer ma tête si son intention est juste celle de tester son pouvoir de plaire à un petit pédé qui en pince pour lui. J’estime que mes regards l’ont suffisamment flatté.

    « J’essaie de me concentrer sur la conduite… » je tente de faire diversion.

    « Oui, concentre-toi, t’as raison ! » il se moque.

    Pendant le trajet vers l’autoécole, le bogoss fait son clown, comme d’habitude. Je repense à son collègue Martin. Je suis sûr que Martin, a dû tomber lui-aussi sous le charme du beau blond. Et entreprenant comme il est, il a peut-être même dû tenter quelque chose avec lui. Quelque chose qui n’a pas forcément dû bien tourner. Je repense à l’attitude évasive de Julien lorsque j’avais évoqué son collègue lors de mon premier cours, J’aimerais bien savoir ce qui s’est vraiment passé entre les deux moniteurs pour qu’il y ait ce malaise.

    « Qu’est-ce qui s’est passé avec Martin ? » je finis par oser au détour d’un blanc dans son flot presque ininterrompu de délicieuses bêtises.

    « Rien du tout… ».

    « Allez, on discute entre mecs… ».

    « Ecoutes, Nico. Tu te le feras raconter par lui, ok ? ».

    « Je ne vais jamais le revoir… ».

    « Tant pis, alors… ».

    Nous arrivons à l’autoécole, je me gare sur le petit parking, je coupe le moteur.

    « Je pense que tu es à point… ».

    « Pour l’exam ? ».

    « Non, avec ton beau brun… je pense que tu es vraiment à fond, cuit, cramé… ».

    « Ça se voit tant que ça ? ».

    « Comme le nez au milieu de la figure ! ».

    « Fais gaffe à toi » il enchaîne.

    « Gaffe à quoi ? ».

    « S’il est bi, l’infidélité est une nature chez lui… ».

    Voilà un vrai sujet qui fâche. Quand et comment parler fidélité avec Jérém ?

    « Pour toi aussi, le prochain cours ce sera le dernier, il enchaîne sans transition, t’as bien progressé… ».

    « Déjà ? » je m’étonne.

    « Je sais que ça va être dur de plus me côtoyer » il fanfaronne.

    « Très dur ! ».

    « J’espère que t’as aimé faire cours avec moi… ».

    « Tu m’as bien fait rigoler ! ».

    « Ça, c’est tout moi, il parait que j’ai cet effet sur les gens » fait-il, un beau sourire à l’appui.

    « S’il y avait que cet effet… » je le cherche.

    « T’es pas près de m’oublier, alors ! » il conclut avec assurance.

    « Je ne sais pas… » je me moque « si c’est pour me souvenir de tes blagues vaseuses avec Sandrine… ».

    « Les gens vont oublier ce que vous avez dit et même ce que vous avez fait, mais il se souviendrons toujours de ce que vous leur avez fait ressentir ! » il me balance.

    « Le truc que tu m’as fait ressentir, c’est que tu es un bon allumeur ! ».

    « Séducteur, s’il te plaît… ».

    « La séduction est une maladie chez toi… ».

    « La séduction sert parfois à conclure » il me glisse « mais dans tous les cas, séduire est encore plus marrant que conclure ».

    En repartant vers la maison, je ne cesse de penser à Julien et de me demander si un mec lui a déjà fait de l’effet. Je parle d’un mec style mon Jérém ou le petit Alex, le genre de mec vis-à-vis desquels il n’a pas de mal à dire « Lui il est bogoss, non ? ».

    Plus excitant encore, comment réagirait le beau moniteur si un putain de bogoss, gay assumé, sûr de lui, entreprenant, lui faisait carrément du rentre dedans, tout comme le Romain du On OFF a eu le culot de le faire à mon Jérém ? Là, vraiment, je voudrais savoir si le Julien à poil doré serait tenté ou pas. Et s’il était tenté, comment se comporterait-il au pieu ? De quoi aurais tu envie avec un mâle comme mon Jérém ? Qui aurait le « dessus » viril sur l’autre ? De quoi aurait-il envie avec le petit Alex ? Qu’est-ce qui s’est passé – ou pas – avec Martin ?

    Commentaires

    ZurilHoros

    05/07/2020 18:04

     Un épisode différent ou Nico se prend en main et se pose les bonnes questions… Trouve t-il les bonnes réponses? Nico réalise qu’il s’est de lui-même transformer en homme objet et il se demande si ce n’est pas la raison pour laquelle Jérém ne le voit que de cette façon. Il oublie aussi que lui aussi transforme Jérém en homme objet, puisqu’il ne peut pas le voir sans avoir sa bite en bouche et ailleurs. Mais à part ça, il analyse très justement que Jérém utilise les armes à sa disposition pour se convaincre que, Nico est une pute à dispo. Ce qui doit le rassurer et le conforter dans l’idée qu’il n’a pas de questions à se poser sur sa propre attitude. Les armes sont: le physique testostéroné, la séduction par charme, l’indifférence, et la peur qu’il inspire à Nico. Une peu qui le paralyse et l’empêche de réagir et de contre attaquer. Quand Jérém est venu l’allumer avec son nouveau tatouage, Nico aurait pu lui dire qu’il était beau, sexy et s’arrêter là. Jérém aurait été déstabilisé ou du moins étonné. Mais Nico se met à genoux pour sucer. Jérém = sexe. Mais aussi, tous bomecs = sexe. Même si il n’y a pas de passage à l’acte, comme on a pu voir dans l’épisode 53.3, et combien d’autres. La rencontre est sympa, Jérém est de bonne humeur, il se laisse relativement faire et c’est lui qui passe à l’attaque avec la question « tu attends quoi de moi » . Les réponses sont hésitantes et Jérém reprend le pouvoir. Tout au plus Nico lui demande de le respecter un peu plus. Il a à peine marqué un point que Jérém attaque là ou il est sûr de gagner. « Je suis sûr que t’as encore envie de me sucer… ». « Non, pas maintenant… ». « Tant pis, je vais y aller alors… ».  Nico n’a pas répondu, « je te demande de me respecter et tu essayes de me rabaisser comme si je n’étais rien ». Il suce et la messe est dite. Mais comment pourrait-il faire autrement avec quelqu’un qui ne veut pas de relation et Jérém n’en veut pas. Même si tout indique, que au fond de son subconscient, il aimerait tenter quelque chose, il met toutes les barrières pour que rien ne se fasse. « Dis pas des bêtises… écoute-moi bien Nico… si je te baise c’est parce que tu suces bien et t’as un bon cul… je prends mon pied, tu prends ton pied, il n’y a que ça de vrai… mais moi je ne suis pas pd, fiche-toi ça dans le crâne… alors, si tu veux qu’on continue à s’envoyer en l’air tant qu’on est tous les deux sur Toulouse, ne me prends pas la tête… et à Thibault non plus… ». Alors, soit Nico est tellement dégoutté, qu’il en reste là, soit il baisse la tête, en espérant que un jour peut être, quelque chose change. Il le fait au prix d’un dégout de lui-même qui va grandissant. Mais aussi avec l’idée que à la fin, il remportera la bataille. La question sera alors de savoir si ça en valait la peine. 

    lo

    18/06/2017 20:55

    Je passe juste ici pour te dire que j’adore cette histoire. Qu’elle dégage beaucoup de sensualité mais aussi d’émotion. Un mélange qu’on ne trouve jamais ailleurs que sur intérenet, de gens comme toi qui laisse leur imagination vagabonder sans entrave. Je voulais également te poser une question : Comptes-tu un jour sortir en volume papier et e-book ton histoire ? En plus ça pourrait te faire des revenus !

    Georges bl

    18/06/2017 09:26

    Que dire de plus : de cette première histoire que l’on a tous lu  pour s’exciter , on est là car un érotisme fou se dégage . Ton écriture a vraiment évoluée ta description des ressentis de l’amour  intellec , sensuel , physique est  de plus en plus agréable à lire .  on attend  toujours avec plus  d’envie la suite, on a quitté la lecture sexuelle , pour UNE HISTOIRE

    fab75du31

    17/06/2017 23:35

    Bonjour et merci pour vos commentaires si élogieux et plaisants à lire, surtout venant d’un professionnel. Je suis flatté. Est-ce que je peux vous demander de me contacter sur fabien75fabien@yahoo.fr? J’aimerais discuter avec vous un peu plus en détail de l’écriture de cette histoire. Merci d’avance. Fabien

    raf

    17/06/2017 23:14

    bien sur !

  • JN01107 Un petit con à casquette (jeudi)

    JN01107 Un petit con à casquette (jeudi)

    Dans le noir, on voit parfois clair.

    Jeudi 02 août 2001.

    Le lendemain de ce nouvel après-midi de sexe chaud bouillant, mais aussi d’intense sensualité et de complicité grandissante en compagnie de mon beau mâle brun, je me réveille très excité.

    Car aujourd’hui, c’est sûr, il va revenir. Je ne me pose même pas la question, il me l’a dit. Hier, en partant, il m’a demandé un truc bien précis pour cet après-midi. Et je lui ai dit oui. Alors, c’est sûr, il va revenir chez moi, tout comme il est revenu me voir chaque après-midi de la semaine.

    Son kif, je le partage à fond. J’y ai même déjà pensé, d’une certaine façon. Pas si précisément, pas avec tant de détails. Mais je sais que j’ai déjà imaginé cette situation.

    Alors, le fait de l’entendre l’énoncer, la détailler par ses propres mots, le fait de découvrir que lui, le mec avec qui j’ai envie de réaliser n’importe quel fantasme ou presque, ait dans sa tête celui-là précisément, un fantasme si proche du mien, voilà qui me file d’incroyables frissons.

    Mon imagination travaille, essaie d’échafauder les circonstances, les gestes, les attitudes, les sensations, les détails, l’intensité des plaisirs de ce moment à venir. Elle fait des plans dans le vide, car rien ne se passera comme je l’ai envisagé, c’est une évidence. Qu’importe, je ne peux empêcher mon imagination de divaguer, entraînée par mon excitation débordante.

    Je crois que depuis que Jérém m’a annoncé son envie, je n’ai cessé d’y penser, et de bander comme un âne. Je crois même que j’en ai rêvé cette nuit. Ou, plutôt, ce matin. Un rêve moite, se traduisant par une jouissance survenue sur le fil entre sommeil et veille.

    Je passe ma matinée à courir sur le Canal. Ma tête est déjà à cet après-midi, elle est déjà en train de vivre le kif de Jérém. Je suis excité comme un malade. Mais en même temps, je suis ému aux larmes de comment ma relation avec le bobrun est en train de prendre une tournure qui me fait chaud au cœur. Sur tous les plans. Mon horizon se dégage peu à peu, et il semble montrer un avenir de bonheur.

    Lorsque je rentre à la maison il est 12h30. Je déjeune avec maman. A 13h20, elle part travailler. Je me retrouve seul à la maison, seul avec mon excitation et mon impatience fébriles. Comment tenir jusqu’à l’arrivée de mon bobrun ? Si encore je connaissais l’heure de sa venue, je pourrais essayer d’apprivoiser les minutes. Alors que sans repère précis, je navigue à vue.

    J’essaie de lire, je n’y arrive pas. J’essaie la télé, le tour des 5 chaînes est vite fait, d’autant plus en plein après-midi. Plus je zappe, plus ça me donne envie de me pendre.

    Même la musique n’arrive pas à me distraire. Pareil pour Internet, je fixe l’écran sans savoir où aller.

    A 14h00, je me douche, me rhabille, m’allonge sur le lit. Je vais tenter une petite sieste. Je suis trop fébrile, je n’arrive pas à me détendre, la branlette me guette.

    Je me relève, je me remets à l’ordi, foudroyé par une soudaine envie d’écrire quelques mots, par le désir de laisser une trace de tout ce bouleversement qu’a connu ma vie depuis que Jérém s’y est rué dedans.

    J’ouvre une page blanche et j’écris quelques mots :

    Jérémie a 19 ans. Il est brun, des beaux cheveux assez courts, toujours bien coiffés, un torse en V magnifique, des épaules carrées, sculptés par le rugby, un cou puissant.

    Aujourd’hui, en cette fin d’année de lycée, il porte un t-shirt blanc bien moulant, cou en V assez profond d’où dépasse une chaîne dorée. Son t-shirt est comme une deuxième peau qui semble taillée sur mesure tant il met en valeur les lignes magnifiques de son torse.

    Quelques mots bien naïfs, resteront en l’état pendant bien d’années, avant que je ne trouve la force de me remettre au clavier et développer ce que j’avais entamé à ce moment-là.

    J’aurais certainement pu aller plus loin dans l’écriture ce même après-midi, si mon élan n’avait pas été coupé en plein vol par le couinement de mon portable annonçant l’arrivée d’un sms tant attendu.

    Il est 14h35. Le message dit :

    « J arrive ».

    Message auquel je m’empresse de répondre :

    « Ok, à de suite ».

    J’estime dans ma tête qu’il va lui falloir à peu près 10 minutes pour être chez moi. Le compte à rebours vient de commencer. Je sauvegarde le fichier sous le nom « Le t-shirt de Jérém » me promettant d’y revenir très vite et j’éteins l’ordinateur.

    Je ferme les volets, je m’allonge sur le lit, le cœur qui tape très fort dans ma poitrine. Dans la pénombre, je fixe le plafond, les murs, les meubles, j’essaie de passer en revue cette chambre où tout désormais me parle de mon bobrun, ce bobrun qui va débarquer d’une minute en apportant avec lui un nouvel ouragan sexuel.

    Ces dernières minutes me paraissent interminables. Ma respiration s’accélère, les battements de mon cœur grimpent jusque dans ma gorge, cognent dans ma tête. Sans cesse, je regarde l’heure lumineuse du radio-réveil, je guette le moindre bruit dans l’entrée.

    Soudainement, une idée s’illumine dans ma tête. Je sais désormais ce que je vais lui proposer demain. C’est un truc tout aussi sensuel que sexuel, un truc où je pourrais autant le câliner que le faire jouir.

    C’est pendant cette excitante réflexion que j’entends la porte d’entrée s’ouvrir.

    Mon bel étalon est là. Et j’ai fait tout ce qu’il m’a demandé pour préparer son kif.

    Hier, en partant, il m’a dit : « J’ai un kif… ».

    Je lui ai dit : « Quel kif ? ».

    Il a dit : « Demain je vais revenir… ».

    Je lui ai dit : « Ça, c’est mon kif aussi… ».

    Il a dit : « Et tu vas m’attendre dans ta chambre… ».

    Et j’y suis.

    Il a dit : « Tu vas m’attendre dans le noir… ».

    Et j’y suis.

    Il a dit : « Tu vas m’attendre à poil, allongé sur le lit, sur le ventre, la tête vers la fenêtre… ».

    Et j’y suis.

    Il a dit : « Je t’envoie un message quand je débauche… ».

    Je lui ai dit : « Je laisserai la porte d’entrée ouverte, t’auras qu’à la refermer derrière toi… ».

    Ça a semblé lui convenir.

    Et là, j’entends la porte en bas qui se referme.

    J’entends ses pas rapides dans l’escalier.

    Il approche.

    Je l’entends avancer dans le couloir.

    J’entends la porte de la chambre s’ouvrir. La luminosité du couloir s’infiltre très provisoirement dans la pièce. Puis la porte se referme, replongeant la chambre dans la pénombre.

    Jérém pénètre dans ma chambre, il vient en silence, il vient pour assouvir son kif, une bonne saillie dans le noir, à la rencontre d’un cul bien offert.

    Il a tout calculé ce petit con. Le noir, ainsi que ma position sur le lit, les deux combinés ne me permettant pas de le voir. J’aime penser qu’il n’a pas imaginé ça sur un simple coup de tête, j’aime penser, au contraire, que c’était prémédité, que ce kif devait le chatouiller depuis un moment.

    Non, je ne le vois pas mon bel étalon, mais je perçois très bien sa présence.

    En condamnant le sens de la vue, celui qui a tendance à vampiriser tous les autres, mes autres sens tentent de prendre le relais pour appréhender la bogossitude de mon beau mâle brun.

    J’ai le sentiment que cette expérience de frustration et de privation pourrait même m’apporter des sensations nouvelles. L’essentiel est parfois invisible à nos yeux.

    Je tends l’oreille et j’arrive à percevoir le bruit léger de sa respiration. Je n’ai pas d’effort à accomplir pour capter la fragrance de son déo de bogoss qui me rend dingue. Je ressens sa présence, je ressens son excitation, je la ressens comme un fluide épais qui a saturé la chambre à l’instant même de son arrivée.

    Des bruits bien familiers se présentent à mon oreille, provoquant en moi une excitation inouïe.

    Le cliquetis de la boucle de sa ceinture, qu’il défait lentement, calmement. Le zip de sa braguette, ouvert tout aussi lentement. Puis, un bruit un peu plus sourd, ses pompes enlevées sans se baisser, sans défaire les lacets, en opposant juste un pied à l’autre, nonchalance de jeune mec. Nouveaux cliquetis, c’est la boucle de sa ceinture qui suit et accompagne le bruit de tissu glissant sur ses cuisses musclées, le short qui court le long de ses mollets pour finir sur le sol. Suit un double bruit très léger, tout juste perceptible, ses socquettes qui quittent ses pieds.

    Vient ensuite un bruit très connu, l’un des plus excitants qui soient. C’est le glissement du coton extensible du boxer le long de ses cuisses et de ses jambes. Il atterrit sur le lit, effleurant ma cheville au passage.

    Le bogoss est là, dans ma chambre, dans le noir, complètement à poil, à un mètre de moi. La queue assurément raide comme un piquet, pointant le zénith.

    J’entends le bruit de ses pieds nus sur le sol. Ses pas cessent nets lorsque ses jambes butent contre le bord du lit. L’attente est de plus en plus insoutenable. Je sens son regard sur moi. J’adore penser qu’il est peut-être en train de se caresser, tout en imaginant à quel point il va s’amuser, à quel point il va me faire couiner, à quel point il va prendre son pied. Il est peut-être en train de me faire languir pour faire monter mon excitation, et la sienne avec.

    Enveloppé par sa présence invisible, toutes mes sensations sont décuplées. Je vibre, transpire, je m’embrase. Mon corps devient hypersensible, ma peau toute entière est électrique. Même l’air qui passe dans mes narines m’apporte des frissons de plaisir. Chacune des fibres de mon corps est on ne peut plus réceptive à la présence chargée de testostérone de ce beau mâle.

    Je ressens d’intenses vagues de plaisir parcourir mon corps, alors qu’il ne m’a même pas encore effleuré !

    Dans la pénombre, dans le silence, les secondes s’étirent à l’infini et me consument de désir.

    Mon ouïe désormais très aiguisée arrive à capter un tout petit bruit sourd et répété. Le bobrun est bel et bien en train de se branler. J’essaie de l’imaginer, en train de me regarder, allongé sur le lit, les fesses bien offertes, tout en se branlant.

    Puis, ce bruit cesse à son tour. Je sens le poids de son corps écraser le matelas dans l’espace entre mes jambes, le faisant se dérober légèrement sous mes chevilles. Le plaisir approche.

    Nouveau bruit, lui aussi très familier et très attendu, le seul manquant à l’appel, le deuxième bruit le plus érotique dans le processus de « dessapage » de bogoss. Le glissement léger du t-shirt sur sa peau, le chuchotement très érotique du coton quittant son torse de fou.

    Le premier contact entre son corps et le mien, se fait par ses mains. Elles se posent sur mes fesses, les empoignent fermement, les écartent. Dès le premier contact, c’est comme si une nouvelle, puissante décharge électrique parcourait mon corps de fond en comble.

    Mais alors que je me prépare à le sentir venir en moi, je sens mains se glisser sous mon torse, sous mes pecs. Ses doigts atteignent mes tétons, les harcèlent avec insistance, semblent déterminées à me pousser vers le précipice de la folie.

    Mais cela ne dure hélas pas longtemps. Quelques instants plus tard, ses mains se retirent, rebroussent chemin. Elles se posent à plat sur le matelas, de part et d’autre de mon buste. Son corps en suspension au-dessus du mien me domine complètement. Dans ma tête, je ressens le plus intense ses bonheurs sensuels, celui de m’offrir à lui, de lui offrir mon corps pour son plaisir de mec.

    Son torse s’approche de mon dos, sa chaînette se pose entre mes omoplates. Le bout de son nez effleure tout légèrement ma peau, se balade autour de mon oreille, descend le long de la ligne de mon cou, se promène à la lisière de mes cheveux en bas de ma nuque. Là où, il le sait bien, je suis terriblement sensible.

    Son nez descend lentement le long de ma colonne vertébrale, accompagné par l’excitante caresse sensuelle de sa chaînette de mec, décuplant les frissons, jouant les échos, les amplificateurs sensuels.

    Mais c’est lorsque le contact de ses lèvres s’unit à celui de son nez que je disjoncte. Je suis secoué par d’intenses frissons qui s’expriment par des spasmes incontrôlables agitant mon corps tout entier.

    Sa queue, désormais calée entre mes fesses, réchauffe, caresse, titille, embrase mon entrée de mec.

    Le voyage de ses lèvres semble ralentir et vouloir s’arrêter en bas de mon dos. Il n’en est rien. Ses lèvres reprennent le voyage en sens inverse. Et là, nouvelle surprise, explosion de bonheur, frisson inouï, lorsque je reconnais le contact à la fois chaud et humide de sa langue glissant à son tour sur ma peau, dans un mouvement lent.

    Elle remonte le long de ma colonne vertébrale, revient se balader dans le bas de ma nuque. Bien inspirée, elle s’attarde à cet endroit hypersensible chez moi. Elle manifeste des claires envie de découverte, de jeu. Elle descend le long de mon cou, jongle librement entre mes omoplates, revient dans le creux de ma nuque, remonte jusqu’à mon oreille droite, en bouscule le pavillon, s’y insinue dedans, avec ardeur.

    Comment ne pas devenir dingue, alors que la position de son torse, toujours en suspension au-dessus de mon dos, mais à très faible « altitude » fait que, par moments, ses pecs et ses tétons effleurent ma peau ?

    Le contact de sa langue est de plus en plus fougueux, de plus en plus déchaîné, son souffle est chaud, haletant. Sa barbe frotte sur ma peau comme un papier délicieusement abrasif. Je suis comme une torche se consumant de plaisir.

    Sa langue semble vraiment apprécier le contact avec mon oreille. Elle s’y attarde, de plus en plus entreprenante. Le bogoss ne se contente plus de lécher, pénétrer, mouiller cette « pauvre » oreille trempée, chauffée et rougie d’excitation. Désormais, il entreprend carrément de la mordiller ! Jérém, mon Jérém, s’abandonne sans retenue à cette « caresse » sensuelle et animale.

    Lentement, son torse « atterrit » sur mon dos Je sens tout son poids et sa musculature se glisser en douceur sur moi. Le contact avec sa peau se précise, devient incandescent.

    Ainsi entravé par son corps et par sa virilité, je perds définitivement pied, submergé, comme étourdi par ce bonheur sensuel insoutenable.

    J’adore les préliminaires, surtout CES préliminaires, des préliminaires initiés de son propre chef, et portés par cet emballement. Je suis chaud, je suis en feu. Plus les secondes passent, plus chacune de mes fibres crie l’envie, le besoin viscéral de s’accoupler avec ce jeune étalon.

    J’ai faim de lui, en moi.

    Je tremble, je frissonne. Mais alors que je m’attends à ce qu’il vienne en moi, à ce qu’il vienne prendre ce pourquoi il était venu, je perds le contact avec son torse, et avec sa queue. Le bogoss se relève.

    Ses mains empoignent mes fesses, les écartent. Et là, je ressens un frisson délirant. Sa langue insatiable glisse légère entre mes fesses, survole mon entrée de mec. Contact délicieux, accompagné par d’autres bonheurs, son souffle chaud, et cette barbe qui frotte, râpe, excite. Je bande comme un âne, mon excitation semble devoir avoir raison de ma santé mentale. J’ai envie de crier tellement c’est bon.

    Ses mains écartent de plus en plus mes fesses, les empoignent de plus en plus fermement. Son visage s’y enfonce de plus en plus avidement, fébrilement, le bobrun semble s’emballer. Sa langue s’enhardit, s’insinue, pilonne mon entrée de mec. Elle mouille copieusement, prépare certainement à d’autres assauts futurs.

    Elle me fait plaisir. Et, visiblement, elle se fait plaisir aussi comme jamais.

    Jamais il ne m’a pas fait ça, même pas dans le vestiaire après la finale victorieuse. Sa langue s’était certes aventurée entre mes fesses, mais elle ne s’y était pas attardée si longuement, et surtout pas avec cet entrain. Est-ce qu’il en avait déjà envie mais il n’avait pas osé ? Putain de kif !

    Je le sens de plus en plus à fond dans son trip. Il se fait plaisir, mais il sait aussi qu’il me fait plaisir. Il doit le ressentir, il doit le voir. Il doit bien sentir mes frissons, et entendre mes gémissements. Est-ce qu’il prend enfin de plaisir à me voir jouir ?

    J’ai envie de pleurer de bonheur.

    Pourtant, à un moment tout cela s’arrête d’un coup. Je perds le contact avec sa langue, et une insupportable sensation d’abandon s’empare illico de mon entrejambe.

    J’ai envie de me retourner et de lui sauter dessus, de m’accrocher à sa queue et de ne plus la lâcher avant qu’elle ait joui. Mais je prends sur moi et j’attends la suite.

    Les secondes s’enchaînent, je me languis de savoir de quoi le bogoss a envie maintenant, de quelle façon il va venir chercher son plaisir, de quelle façon il va m’offrir un plaisir qui s’annonce géant.

    Ses mains chaudes et puissantes reviennent empoigner mes fesses, les écarter. Et cette fois-ci, c’est bien sa queue qui s’y glisse dedans, elle glisse comme dans du beurre, le passage bien préparé par tant de sollicitations.

    Je me sens envahi, dominé par sa virilité, j’en tremble, j’en frissonne. Je sens tout le poids de son corps s’abandonner sur le mien.

    Ses mains prennent appui sur mes épaules, comme pour me faire sentir un peu plus sa présence, sa puissance virile.

    Ce n’est pas sa voix, ce ne sont pas ses mots, mais bien sa simple attitude qui semble me glisser : « Tu la sens bien, là, hein ? ».

    Oh, oui, je la sens bien ! Et c’est sa présence virile toute entière que je ressens sur moi, en moi.

    C’est la chaleur et la douceur de sa peau, la puissance de ses muscles, sa puissance de mec calée bien au fond de moi, la fermeté de ses mains qui m’agrippent. Ce sont ses lèvres douces, sa langue humide, sa barbe abrasive, son souffle brûlant sur ma peau, ses dents avides de revenir titiller mon oreille. C’est son excitation, sa respiration de plus en plus haletante, ses gestes de plus en plus précipités, incontrôlés. C’est un intense plaisir sexuel que je ressens avant même qu’il ait commencé à me pilonner.

    Son bassin recule lentement. Et alors que je m’attends à ce qu’il commence enfin à me pilonner, le bogoss s’arrête tout juste avant de se déboîter de moi. Il imprime alors des petits va-et-vient juste au bord de mon entrée de mec, il me fait languir, vibrer, frissonner. Puis, il s’enfonce à nouveau en moi, et s’arrête pendant un court instant. Et il recommence, il coulisse plusieurs fois sur toute sa longueur, lentement, très lentement. Je suis fou.

    Puis, petit à petit, ses coups de reins s’accélèrent. La fragrance son déo défonce mes narines, sans pitié. Et sa queue défonce mon cul, sans pitié.

    Faute de pouvoir le mater, j’essaie d’imaginer son corps de fou pendant la quête de son plaisir. Et j’y arrive très bien. Je ressens cette quête merveilleuse au travers du contact des mains qui m’agrippent puissamment, je la ressens au fil des coups de reins qui me secouent avec puissance, mais sans violence.

    Son torse, ses cuisses, son bassin, ses jambes épousent et dominent les miens. Ses mains saisissent mes poignets, entraînent mes bras vers le haut, entravent, maintiennent, enserrent. Ses jambes s’enroulent autour des miennes comme des claies inviolables.

    Portés pas son excitation galopante, le bogoss se lâche à fond, il laisse ses dents mordiller mes oreilles, ainsi que la peau de mon cou et de mes épaules. Il y va même un peu fort. Je suis presque certain que tant d’« acharnement » va laisser des marques. Mais tant pis. C’est si bon ! Et ça l’est justement parce que c’est si sauvage, si animal. Son souffle brûlant, sa salive, son rut, son plaisir.

    J’adore sentir la puissance de ses muscles, me sentir si petite chose fragile entre ses grosses pattes toute puissantes. J’adore me sentir entravé, complètement à sa merci, sentir que je n’ai pas d’autres choix que d’assouvir ses besoins de mâle dominant. Je trouve très excitant de penser que sa puissance physique dépasse la mienne, et qu’il pourrait faire de moi ce qu’il veut, que je le veuille ou pas. Mais je le veux. Quel qu’il soit son kif.

    Je suis dans un tel état d’ivresse que j’en perds la notion du temps, de mes gestes. Débordé par un trop plein sensuel, j’enfonce mes doigts dans ses cuisses musclées, un contact qui me fait ressentir encore un peu plus sa puissance de mâle.

    J’ai envie de crier mon plaisir total, extrême. J’ai envie de crier que je suis fait pour ça, pour me faire défoncer par ce mec qui me baise divinement bien !!!

    « Qu’est-ce que c’est bon, Jérém ! Tu me rends dingue ! Putain de mec ! » je lui balance dans un cri venant du plus profond de moi.

    Et là, de la même façon qu’il l’avait fait une fois chez lui, trouvant que je mettais un peu trop de décibel dans l’expression de mon enthousiasme, le bogoss me bâillonne très vite et très fermement la bouche avec sa main. Pendant que ses coups de reins me défoncent de plus en plus sauvagement.

    Ses doigts cherchent mes tétons, les pincent avec adresse, retrouvent très vite le toucher magique de la veille. Je fremis, je jouis dans chaque fibre de mon corps, dans chaque neurone de mon cerveau.

    Au fil de ses va-et-vient, quelque chose de fabuleux se produit. Son bassin trouve celui que je définirais comme l’angle de pénétration parfait, alors que ses coups de reins trouvent celles que je définirais comme la cadence, la profondeur, l’amplitude parfaites. Le beau mâle brun vient tout simplement d’aligner tous les paramètres idéaux pour m’offrir un plaisir dont je ne soupçonnais même pas l’existence.

    J’adore cette complicité grandissante entre nous, cette osmose des corps, et, depuis peu, cette osmose des envies, cette nouvelle façon de partager son plaisir avec moi. Depuis toujours, son plaisir est mon plaisir. Est-ce que mon plaisir serait également en train de devenir un peu le sien ?

    Nouveau changement de rythme, le bogoss souffle comme un petit taureau. J’ai l’impression qu’il se retient de jouir. Le bogoss semble avoir définitivement apprivoisé son plaisir. C’est beau à en pleurer.

    Et ça ne me donne qu’une envie, furieuse envie, celle de précipiter sa jouissance.

    Puis, soudainement, le bogoss se déboîte à nouveau de moi. Ses mains me saisissent à nouveau. Je me laisse faire, impatient de connaître ses intentions. A nouveau, je me retrouve à quatre pattes, les genoux sur le bord du matelas. Mon bel étalon est descendu du lit. Je sens sa présence, débout, juste derrière moi, face à mes fesses dont il dispose à sa guise.

    Lorsqu’il revient en moi, ses gestes précipités me donnent la mesure de l’urgence de sa jouissance de mec. Je sais qu’il ne va pas tarder à se répandre en moi.

    Tout ce bonheur se passe dans le « noir », en silence, je ne l’ai pas vu, je n’ai rien entendu de sa bouche. Je n’ai que le contact avec son corps, son empreinte olfactive, le ressenti de ses gestes, de ses attitudes pour me parler de sa présence virile. Pourtant, dans ce « noir », dans ce silence, ses attitudes sont telles que jamais je ne me suis senti aussi bien avec lui.

    J’ai sacrement aimé, à d’autres occasions, entendre ses mots crus qui participaient de façon si puissante à me faire sentir à lui, soumis à son plaisir, objet de son plaisir.

    C’est ce genre de situation qui me venait à l’esprit lorsque, depuis la veille, j’essayais d’imaginer le déroulement de son kif; un kif que j’imaginais chaud comme la braise, mais dans lequel j’avais eu peur de me sentir (trop) soumis à lui, et rabaissé, une fois de plus.

    Mais là, mon bobrun me déroute. Je me sens soumis, mais respecté. Car jamais avant aujourd’hui, j’ai ressenti en lui ce mélange de puissance et de douceur.

    Faut-il lire, dans cette attitude qui se révèle en lui, un signe que son plaisir avec moi est enfin assumé, ou en passe de l’être ?

    Mais alors que je me perds dans la beauté de cette question, le jeune mâle fougueux jouit.

    Je sens ses muscles se contracter, son corps se raidir, ses mains enserrer mon ventre, exercer une pression intense pour me maintenir bien collé contre lui, pour s’enfoncer le plus loin possible en moi.

    Et alors que je jouis à mon tour sur ma couette, le rugissement puissant de son orgasme fait vibrer mes oreilles, mon corps, mes entrailles. Ainsi, sa jouissance se mélange à la mienne.

    Lorsqu’il se déboîte de moi, j’amorce le mouvement pour me retourner. Je suis impatient de le voir, de le prendre dans mes bras, de le couvrir de câlins. Mais avant que j’aie pu aller bien loin, sa main chaude se pose à plat entre mes reins, pour m’en empêcher.

    Ainsi, il veut pousser son kif jusqu’au bout. Alors, je décide de le seconder.

    Je reste là, allongé sur le ventre, selon son souhait.

    C’est toujours émouvant de regarder un beau mec se rhabiller après l’amour, d’assister à ces gestes simples, intimes, infiniment touchants, en dépit de la tristesse qui s’en dégage, du fait qu’ils annoncent son départ imminent. Mais aujourd’hui, je ne dispose que du son. Alors, je découvre que c’est tout aussi émouvant d’entendre un beau mec se rhabiller après l’amour.

    Le frottement du coton élastique le long de ses cuisses, le bruit de l’élastique claquant juste en dessous de ses abdos. Le bruit de tissu et de métal, lorsque le short se superpose au boxer, deuxième rideau tiré sur le spectacle saisissant de sa virilité. Le crissement du cuir, le cliquetis du métal de la boucle, lorsque ses doigts règlent sa ceinture. La caresse du t-shirt sur sa peau mate, le soupir du coton lorsqu’il se tend sur son torse et sur ses biceps.

    Je ressens en moi une sorte de fierté dans ma soumission au mâle qui, en se rhabillant, me regarde, toujours allongé, toujours offert, même après m’avoir baisé. J’aime penser que, pendant qu’il se rhabille, il contemple la réussite de son entreprise.

    Sans un mot, il enfile ses baskets. Oui, le bogoss va bientôt se tirer. Et je ne saurai même pas comment il était sapé aujourd’hui. Fidèle à son kif, ne prévoyant aujourd’hui aucun contact visuel ni aucun échange verbal, il s’éloigne du lit sans un mot. Je l’entends ouvrir, puis refermer la porte de la chambre. J’entends son pas trottant dans les escaliers, puis la porte d’entrée claquer derrière lui.

    Alors que je suis toujours allongé sur le lit, les cuisses écartées, ma peau brûlée par la chaleur de ses mains, mes muscles mâchés par la puissance de ses prises, par le contact prolongé avec son corps, mon entrée de mec vibrante de l’écho de ses assauts, mes entrailles fourrées de son jus de mâle.

    Voilà son kif : il vient, il me baise, il me remplit, et il repart.

    Je me sens comme si un rouleau compresseur m’était passé dessus, je suis épuisé. Mais tellement, tellement, tellement, « bien baisé ».

    Je respire profondément, l’inspiration et l’expiration apportent du bonheur à mes poumons, à mon corps qui a besoin d’oxygène après cette chevauchée sauvage.

    Je sens un engourdissement monter peu à peu en moi, effet des endorphines libérées par l’orgasme. Ça monte par mes pieds, se propage à mes chevilles, à mes genoux, à mes cuisses. Très vite, il gagne le bassin, le torse, les épaules, les bras, les mains, le cou, la nuque, le front, yeux, les oreilles. Une sensation de bonheur plein et parfait m’envahit. Et je plonge sans avoir le temps de me dire : je m’endors.

    « Nico, tu es là ? ».

    C’est la voix de maman, elle me réveille en sursaut.

    « Oui, je suis là… ».

    « T’as faim ? ».

    « Un peu… ».

    « Papa ne va pas rentrer avant une heure. Tu peux attendre ? ».

    « Oui, oui, on l’attend, je vais venir t’aider à préparer… ».

    « Ça sent la fumée de cigarette dans la maison… ».

    Ah, zut !

    « Un camarade du lycée est passé tout à l’heure… il a allumé sa cigarette en partant… ».

    Une heure, c’est parfait. J’ai besoin d’un peu de temps pour émerger de ce sommeil court mais profond. Je prends le temps pour me réveiller, pour retrouver mes sens un à un.

    Le tact : je sens encore Jérém en moi, toujours en moi. Chaque contraction, de mon entrecuisse, involontaire ou pas, me rappellent son passage très remarqué et remarquable.

    L’odorat : je sens son odeur sur moi, son deo, l’odeur de son jus de jeune mâle.

    L’ouïe : j’entends encore ses ahanements, le frottement de sa peau sur la mienne, les petits bruits de ses fringues, avant, après.

    Je me branle. J’ai encore envie de lui, sa queue est une drogue dure, elle crée en moi une dépendance totale. J’ai tellement envie de lui que je me sens capable, si seulement il avait encore son appart, d’aller le voir et de le supplier de me baiser encore, ce soir même.

    Faute de quoi je me branle avant de descendre diner.

    Lorsque je reviens à moi, lorsque je retrouve le courage de sortir de ce lit de tous les plaisirs, je passe à la douche. Je me douche longuement, car j’ai l’impression de toujours sentir l’odeur de son jus de mec, l’odeur de sa puissance virile, l’odeur de sa bogossitude, l’odeur de son plaisir, de mon plaisir.

    Pendant que je me douche, je suis saisi par une très agréable sensation, une enivrante sensation. Le sentiment que ma relation avec Jérém a fait un grand bond aujourd’hui. Et ce, grâce à Jérém lui-même, par son initiative.

    A l’annonce de son kif hier après-midi, j’avais pensé à un plan dominant-dominé, une baise qui serait certainement mémorable mais qui n’apporterait rien de plus à notre relation. Je m’étais attendu à retrouver mon bobrun en mode pur baiseur, venant pour une pure saillie animale, brutale, incandescente.

    Pourtant, c’est bien plus que ça qu’il m’a offert aujourd’hui. Puissant, animal, incandescent ça l’a été. Mais la douceur, la sensualité, la complicité des corps et des envies se sont invités à la fête, la rendant explosive, magique, révélant dans ses gestes et ses attitudes une virilité qui n’a besoin ni de brutalité ni de mots crus pour s’affirmer. Bien au contraire. Il n’est plus viril que le mâle qui assume son propre plaisir et n’a besoin d’aucun geste de domination pour assoir sa puissance et son pouvoir naturel.

    Est-ce que, comme je l’avais pressenti, la pénombre, l’absence de contact visuel, le silence, ont été mes alliés, ses alliés, nos alliés ? Est-ce que tout cela a eu un effet sur mon bobrun, lui permettant de se sentir à l’aise pour oser des gestes et des attitudes qu’il n’oserait pas en plein jour ? Ce plan, ce kif, était-il à la base pour Jérém un pur kif sexuel, ou bien un moyen déguisé pour essayer de se laisser aller, d’être plus à l’aise ?

    Imaginait-il cela, en me proposant son kif ? Savait-il d’avance jusqu’où il irait ? Ou bien, happé par la situation, ses gestes et ses attitudes dans la pénombre ont dépassé ses intentions initiales ?

    Ce qui s’est passé aujourd’hui, est l’apothéose d’un mouvement amorcé depuis le premier jour où il est venu chez moi. Car, depuis, il accepte des tenter des petites choses qu’il avait toujours refusé catégoriquement. Des caresses, et même des baisers, de la tendresse, de la complicité.

    Jérém semble de bon poil, il est souriant, et il montre même un côté joueur que je ne lui connaissais pas du tout. Oui, tout semble se passer comme une lettre à la poste entre nous.

    Définitivement, le fait de se pointer chez moi pour me ramener les clés n’a pas été un geste anodyn. Je vois de plus en plus ce geste comme une façon pour renouer avec moi après son « dégage ! » de la fois d’avant, peut-être même une façon de s’excuser. A sa manière, certes, il fallait juste lire entre les lignes.

    Je reprends confiance, et j’en viens à me dire que, quoiqu’il en ait pu en dire ou montrer jusqu’il y a peu encore, je ne suis pas à ses yeux n’importe quel cul qu’il pourrait baiser, et qu’il continue de baiser juste parce qu’il est docile et à portée de sa queue.

    S’il revient me sauter tous les jours, c’est qu’il aime ça, avec moi. Il ne peut pas se passer de moi. Et s’il ne peut pas se passer de toi, c’est qu’il me kiffe.

    Ça fait presque trois mois que nous « révisons » ensemble. Et nous avons couché ensemble de dizaines de fois, et souvent, plusieurs fois par « révision ». Je me dis que si je n’avais été à ses yeux qu’un coup parmi d’autres, ça ferait belle lurette qu’il aurait changé de cul !

    Et quand je pense au fait qu’il ait osé verbaliser un fantasme à lui, je prends cela comme le signe qu’il est de plus en plus à l’aise avec ses envies. Peut-être qu’il les assumera un jour, peut-être qu’il assumera même notre relation, un jour.

    Aujourd’hui, dans certaines de ses attitudes, dans sa façon de me saisir, de me caresser, de s’occuper de moi et de mon plaisir, de me montrer de l’attention, de m’offrir de la tendresse, j’ai retrouvé un écho de ce que j’ai ressenti avec Thibault lors de nuit que nous avons passé tous trois dans l’appart de la rue de la Colombette. Est-ce que mon bobrun s’en est, consciemment ou pas, inspiré ?

    J’aimerais savoir quel regard il porte sur cette nuit. Mais je sais que je n’oserai pas lui poser la question, de peur de gâcher le bonheur immense de ces premiers jours d’août.

    Il n’y a pas eu le moindre échange verbal entre nous aujourd’hui. Et pourtant, aujourd’hui, j’ai appris plus de choses sur mon Jérém que si on avait échangé mille mots.

    Aujourd’hui, dans la pénombre, j’ai vu plus clair qu’en plein jour.

    Vivement demain, que je puisse lui faire partager mon kif à moi.

    Plus encore que la veille, ce soir-là, je m’endors heureux et serein, confiant dans l’avenir de ma relation avec Jérém. Je me sens heureux, comme si le bonheur était enfin à portée de ma main et qu’il me suffisait de tendre un peu plus le bras pour le saisir.

    Ce soir, je m’endors heureux.

    Commentaires

    Agnès

    08/06/2017 18:32

    Les rencontres se passent et se ressemblent. La tristesse ne part pas, l’attitude ne change pas, le moment de la déchirure arrive ça se sent. Difficile de se concentrer sur les bons moments quand on sait que ça va mal finir. Comme tu l’a déjà dit, la fin est écrite, seul les chemins pour y arriver peuvent prendre des sens inattendus.. C’est beau mais déchirant. Mais bon c’est toujours un plaisir de lire tout ça. Même si ça me serre le cœur..

    Gripsou22

    06/06/2017 17:37

    Cet épisode est encore une fois très réussi. Il est bien bandant et jouissif ! Mais il est aussi stressant car on sent que le moment de la « rupture » arrive à grand pas ! En lisant cet épisode je me suis dit que Nico aurait du y profiter pour offrir le maillot à Jerem ça aurait été pas mal…. C’es triste car on voir que Jerem fait souffrir Nico il se comporte en véritable connard…mais d’un autre côté il n’a jamais rien promis il n’est pas un petit copain qui déclare sa flamme et qui ensuite fait l’indifférent il a toujours été clair qu’il ne cherchait que du cul avec Nico. C’est peut être la pire des situations pour Nico (ou pour n’importe qui) que celui qu’on aime ouvre son « corps » mais pas son cœur son « esprit ». Nico n’ose pas dire « je t’aime » car il sait qu’il se ferait jeter immédiatement. C’est difficile  au niveau émotionnel  de faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime alors que l’autre ne nous aime pas. Mais là je pense que Jerem aime Nico (peut être il n’est pas amoureux mais il tient à lui).  Mais Jerem en réalité a une très mauvaise image de lui-même (à cause de son passé) et reconnaître aimer Nico c’est reconnaître être homo. En tout cas merci encore Fabien pour tous ces récits bien excitants et passionnant que je suis depuis plusieurs années maintenant !

    Yann

    06/06/2017 12:44

     Waouh ! Encore un bel épisode que tu nous offre là Fabien. On est successivement transporté de la joie de Nico qui retrouve le garçon qu’il aime à sa tristesse car cette rencontre, comme toutes les autres, se termine sur l’indifférence de Jerem.  La vie est ainsi faite. Nico tu dis à nous lecteurs ne pas comprendre nos commentaires et dans ton introspection sur ta relation avec Jerem, quelques années plus tard, tu te reproches cet échec. Mais que pouvais-tu faire de plus ou de mieux, qu’a-tu manqué ? On ne peut pas, parce qu’on est amoureux d’un garçon, l’obliger en retour à partager les mêmes sentiments. Par amour tu as déjà tout accepté de ce garçon. Et au final qu’avez-vous partagé d’autre à part le sexe ? Rien parce que Jerem est un garçon complexe c’est d’ailleurs ce qui fait le sel de ton histoire. Il a bien compris que tu l’aimes, par contre comme lui n’est pas au clair dans sa tête sur ce qu’il est, sa relation avec toi, il la prend comme elle vient mais ne veut pas être saoulé par d’autres considérations que le sexe. Est-il hétéro, homo ou bi il ne le sait pas et ne veut pas y penser de peur peut être de la réponse.  Nous lecteurs on sait que cette histoire ne se finira pas sur une idylle mais on aimerait que tout simplement Jerem te parle avant de vous perdre de vue, pourquoi comment il a vécu lui cette relation. Personnellement je n’aime pas les histoires qui se terminent sur des interrogations mais ça il n’y a que l’auteur qui sait.  

  • JN01106 Un petit con à casquette (mercredi)

    JN01106 Un petit con à casquette (mercredi)

    « Putain, qu’est-ce que c’est bon… ».

    Mercredi 01 août 2001.

    Le sexe avec mon bobrun est le genre de gourmandise dont je ne me lasse pas. C’est comme une boisson sucrée et pétillante, comme un bonbon qui pique en bouche, on en devient vitre accroc. Car, après chaque prise, notre gourmandise ne se calme pas, mais elle se fait de plus en plus forte et impérieuse.

    Le temps passe si lentement pour celui qui attend. Les heures semblent ralentir à l’approche d’un rendez-vous très attendu. Et a fortiori, lorsqu’il s’agît d’un rendez-vous avec le garçon capable de faire battre fort votre cœur et d’embraser vos sens d’un simple regard. Et lorsque ni l’heure ni même la certitude de ce rendez-vous ne sont acquises, le temps semble carrément se figer.

    15h35. Je suis au rez-de-chaussée, affalé dans le canapé du séjour. Je dévore « Les Thanatonautes », une histoire est aussi farfelue que captivante. Ça m’occupe l’esprit et me change les idées. J’adore cet auteur toulousain depuis la trilogie des fourmis. Et je suis toujours autant conquis par son écriture.

    C’est le bruit de la sonnette, tel un réflexe pavlovien, qui m’arrache à ma lecture.

    Le bouquin tombe lourdement sur la table basse sans même que j’aie pris le temps de marquer la page. Je dois me faire violence pour ne pas me précipiter sur la poignée de la porte d’entrée. Difficile, lorsqu’un simple coup de sonnette suffit pour que mon cœur se mette à battre la chamade, pour que mes mains deviennent moites, pour que ma respiration s’accélère, pour que la tête commence à tourner comme un tambour de machine à laver en mode essorage, pour que tout on corps crie à l’accouplement avec ce putain de jeune mâle !

    J’ouvre la porte et mon bobrun se tient là, pile devant moi. Je me trouve nez à nez avec lui, et j’en suis surpris. Je prends une claque en pleine gueule. Je crois que j’ai même un réflexe de recul.

    Arès la tenue rouge de lundi, la tenue blanche de mardi, voici la tenue noire du mercredi !

    Ce garçon est un bonheur visuel sans commune mesure. Et il est là pour baiser avec moi. C’est tout bonnement vertigineux.

    « Tu me laisses rentrer ? » je l’entends me balancer alors que le système d’exploitation de mon esprit a buggé en s’essayant à une tâche qui dépasse toutes ses ressources système, une tâche qui se lance pourtant toute seule « au démarrage », lorsqu’un bogoss est détecté.

    Non, on ne captera jamais entièrement toute la bogossitude d’un aussi absolu bogoss, il faut s’en faire une raison. Et pourtant, je ne peux m’en empêcher de m’essayer à cette entreprise vouée à l’échec. Je prolonge cet instant de contemplation pour essayer de graver à tout jamais en moi son incroyable beauté présente.

    Le bogoss me regarde, il sourit. Il sait à quel point j’ai envie de lui. Et je sens que non seulement ça lui plaît bien, mais que ça lui fait de plus en plus d’effet. C’est grisant.

    « Oui, rentre… » je finis par lui répondre en me décalant pour le laisser passer.

    Le bogoss pénètre une fois de plus chez moi. La gifle olfactive de son déo de mec vient faire vibrer mes narines et embrumer un peu plus mon cerveau.

    Dans ma chambre, je chauffe, je brûle, je flambe, je ne tiens plus en place. Devant son boxer rouge feu à l’élastique blanc, je suis comme un petit taureau déjà bien chaud devant lequel on agite une muleta.

    Emporté par la tempête des sens, je me glisse sur lui, je lèche ses pecs, je suce, je mordille doucement ses tétons, l’un après l’autre. Mes mains glissent sur ses pecs, descendent sur ses abdos, décollent l’élastique du boxer, se faufilent dans l’enveloppe de coton et saisissent le manche raide et chaud qui n’attend que ça, être saisi. Sensation magique, ma main remplie de cette queue désormais si familière, ce sexe qui est un mélange parfait de douceur et de puissance.

    Je saisis, j’empoigne, je branle. Je me redresse un peu, je l’embrasse dans le creux de l’épaule, je remonte le long de son cou, suivant le développement de son nouveau tatouage. J’arrive à son oreille, je la mordille. Le bobrun frissonne de plaisir.

    Nos torses se frôlent, se caressent, s’excitent. Mon t-shirt est une entrave qui n’a pas de raison d’être. Et le bobrun semble être du même avis.

    « Enlève le t-shirt ! » il me souffle.

    Un instant plus tard, mon t-shirt a volé, je ne sais pas où. Je reviens alors contre lui, torse contre torse, je laisse ma bouche se perdre dans ce Paradis plastique fait de courbes parfaites, de reliefs et de dépressions. Ma bouche est irrémédiablement happée par son tatouage.

    Je crève d’envie de me mettre à genoux et de le prendre en bouche. En attendant, ce corps à corps est d’une sensualité et d’un érotisme qui dépasse l’entendement.

    J’embrasse, je lèche, je branle. C’est étourdissant de sentir la progression de son excitation, une progression exponentielle, c’est enivrant de le sentir monter en pression. Ma bouche, ravie, ne sait plus où donner des lèvres et de la langue. Une fois encore, je remonte le cou, m’attarde sur sa mâchoire de mec bien dessinée, j’apprécie le contact avec cette barbe brune de quelques jours. Je remonte vers la joue. Et là, ma raison s’étant évaporée au contact de la chaleur brûlante de notre fougue, ms lèvres finissent par s’approcher dangereusement de ses lèvres, jusqu’à en effleurer la commissure. Jusqu’à flirter avec l’interdit.

    Le rappel à l’ordre ne se fait pas attendre.

    « Vas-y, suce maintenant ! » me balance le bogoss tout en posant lourdement ses mains sur mes deux épaules pour me montrer la seule marche à suivre.

    Je résiste à la pression de ses mains, de ses bras. Je la contre, même. Et j’arrive à poser mes lèvres sur les siennes. Une fois, deux fois, trois fois. Qu’est-ce qu’elles sont bonnes, ses lèvres, même lors de ces contacts furtifs !

    Lorsque ce contact cesse, nos visages se retrouvent à tout juste dix centimètres l’un de l’autre, nos bouches avec. Ses mains sont toujours fermement agrippées à mes épaules, mon corps entravé par sa puissance musculaire. Son regard brun est fixement planté dans le mien. Mais il ne fulmine pas comme ça a été le cas à d’autres occasions lorsque je me suis rendu coupable du même délit, le « tentative de vol de baisers ».

    Non, au contraire. Son regard brun semble troublé, interpellé. Pendant un court instant, j’ai l’impression, ou du moins le rêve, qu’il va relâcher ses biceps, qu’il va avancer son torse et venir me rendre mes baisers. Mais les secondes passent et rien ne vient.

    J’ai vraiment l’impression qu’il hésite. Dans le doute, je ne peux pas laisser passer ça, je dois provoquer le destin tant que l’occasion rêvée est là. Surtout ne pas la laisser passer. Alors je donne un dernier coup de collier, dans l’espoir qu’il me laisse faire, qu’il se laisse faire, qu’il me laisse aller un peu plus loin.

    Mais il n’en est rien.

    « Vas-y, suce ! » est son dernier mot, alors que ses bras redoublent de puissance et se transforment en vérins hydrauliques m’obligeant à me mettre à genoux sans plus attendre.

    Je viens tout juste de commencer à lui faire plaisir, que déjà le bogoss me surprend une nouvelle fois. Il m’attrape par l’avant-bras, m’obligeant à me relever, m’invitant à le suivre. A l’aise chez moi comme s’il était chez lui, il rentre dans le séjour et s’assoit, s’affale sur le canapé ou j’étais en train de lire avant son arrivée.

    En un instant, en un instinct, il s’installe dans une position qui me rend dingue, le dos incliné sur le dossier, le bassin bien vers l’avant, les genoux écartés, la queue bien tendue.

    Je m’approche de lui, je me glisse entre ses cuisses. Je le branle pendant que ma bouche s’octroie un dernier tour sur ses pecs, autour de ses tétons. Mais elle ne tarde pas à redescendre le long de son torse pour se conformer à ses envies de jeune mâle si clairement exprimées.

    Si seulement il savait exprimer aussi clairement ses ressentis profonds que ses envies sexuelles !

    Ma langue arrive à ses abdos, se délecte de son nombril. Et lorsqu’elle rencontre la ligne de petits poils qui se déroule juste en dessous, mon nez est comme aimanté, il approche, caresse, plonge, en quête des odeurs masculines recelées dans cette région si proche de son sexe. Bonheur olfactif, tactile, sensuel, petites odeurs de jeune mâle, peau tiède, petits poils tout doux, délicieux avant-goût de sa puissance de mec.

    Lui faire plaisir est pour moi le plus exquis des plaisirs. Mais sentir, en plus, ses doigts sur mes tétons, c’est juste inouï. Ils caressent, pincent légèrement, varient les mouvements, la pression. D’infinies nuances d’excitation, d’innombrables frissons parcourent mon corps. Jusqu’à ce qu’un feu d’artifice dément n’explose dans ma tête. Lorsque le bogoss finit par trouver LE toucher et la cadence qui m’offrent LE frisson absolu.

    Position des doigts, pression, toucher, coordination, cadence, tout y est parfait. Il faut absolument que je marque le coup, il faut qu’il sache, il faut qu’il mémorise que cette façon précise de s’occuper de mes tétons est la façon qui me rend dingue.

    « Ah, putain, Jérém, ce que tu me fais là, avec tes doigts, c’est trop trop trop bon… ».

    « Vas-y, suce-moi ! ».

    Et je le suce. Et il continue à branler mes tétons de cette façon délirante. Je suis en extase.

    Ma main saisit son manche, accompagne et amplifie les va-et-vient de ma bouche. Quelques instants à peine, et je sens son corps se raidir, sa queue se contracter, son jus monter en pression. Le bogoss laisse échapper une profonde expiration de bonheur, et se répand dans ma bouche.

    Le bogoss se lève, passe son boxer et son t-shirt, il sort le paquet de clopes de son short et trace dans le couloir.

    « Je vais fumer en haut » je l’entends me lancer.

    J’adore le voir si à l’aise chez moi, le voir s’approprier de mon espace familier. Le bogoss se dirige vers ma chambre, vers « sa » fenêtre. J’adore son aisance, j’adore le voir prendre ses marques, des petites « habitudes » chez moi.

    Et je me prends à rêver. Le jour viendra peut-être, où il pourra venir dans cette maison non pas en cachette, mais de façon « officielle ». Je me vois déjà le présenter à mes parents, je les vois déjà l’« adopter » en tant que mon copain… Je rêve les yeux ouverts.

    « T’as pas une bière ? » il enchaîne, au pied de l’escalier.

    « Je t’en apporte une ».

    J’ai tout juste le temps de lui balancer un « Ok » à ce qui était moins une demande qu’une affirmation, que déjà j’entends ses pas dans l’escalier. Un si doux bruit.

    Le savoir dans ma chambre alors que je suis en bas en train de lui ouvrir une bière me file des frissons intenses, emplit mon ventre d’infinis papillons.

    Je monte les escaliers à mon tour, je vais rejoindre mon bel étalon.

    Je rentre dans la chambre, il est en train de fumer sa cigarette à la fenêtre, à demi caché derrière le rideau. Ah, putain, qu’est-ce qu’il est beau !

    Je pose les bières sur mon bureau et je m’approche de lui. Comme la veille, je passe ses bras autour de ses hanches, je caresse ses abdos, je remonte vers pecs, bonheur du toucher. Je pose mon nez et mes lèvres sur sa peau, je pose des bisous tout au long de son nouveau tatouage, bonheur de l’odorat et du goût.

    « Tu kiffes mon nouveau tatouage… ».

    Je me demandais s’il me poserait la question un jour.

    « Ah, oui, il est sexy à mort… ».

    « J’étais sûr que tu kifferais… ».

    « Tu me connais si bien ! » je plaisante.

    Et déjà mes mains et mes lèvres n’en font qu’à leur envie, les unes caressent, les autres embrassent.

    « J’adore tes épaules » j’entreprends de détailler, tout en tâtant et en embrassant au même temps que je les nomme les différentes parties de son anatomie « j’adore ton cou, tes biceps, ces pecs, ces abdos. En fait, j’adore tout chez toi. Parce que tu es juste beau comme un Dieu ! ».

    Je sens l’excitation monter à nouveau dans son corps de jeune mâle.

    « Et parce que j’ai une bonne queue ! » il me balance

    « Aussi ! ».

    « Mais il n’y a pas que ça » je continue « j’adore te câliner, te serrer contre moi, être juste avec toi… ».

    « Si tu savais comme je suis bien, là… » je lui souffle à l’oreille, alors que je le serre un peu plus fort dans mes bras.

    Pendant un instant, j’ai cru avoir réussi. Réussi à l’amadouer, à lui faire transmettre un peu de la tendresse que je ressens pour lui. Une tendresse qui dépasse même le désir, pourtant délirant, qu’il m’inspire.

    Hélas, il n’en est rien.

    « Et moi je serais mieux coincé dans ton cul… » je l’entends me lancer, tout en se dégageant de mon accolade.

    Voilà. J’ai voulu lui parler tendresse, il me répond levrette. J’ai essayé de lui parler sentiments, il me répond centimètres.

    Alors, je me donne à lui, je satisfais une fois encore son désir de mâle conquérant.

    Son bon désir, le centre de notre relation, et de nos baises.

    Mais quel est donc ce désir ? Un désir de plaisir, un désir de jouir, qui ne dépend que de ses besoins naturels de mâle ? Un désir qui pourrait se satisfaire dans n’importe quelle bouche et dans n’importe quel cul ? Et le fait qu’il ait choisi ma bouche et mon cul pour satisfaire ses besoins, ça signifie quoi ? Que je lui plais ? Que je lui fais de l’effet ? Ou bien que je suis tout simplement un mec bien docile et à portée de queue, facile à avoir à sa disposition quand et comment ça lui chante ? Est-ce qu’il joue et abuse de l’ascendant qu’il a sur moi ?

    Ses mains puissantes attrapent mes mollets ; ses bras vigoureux, ses biceps tendus soulèvent mon bassin, posent mes chevilles sur mes épaules. Son bassin avance, il s’enfonce entre mes cuisses. Il me pénètre, il me possède, il me défonce. Bonheur intense, bonheur multiple. Bonheur de la vue de ce garçon fabuleux en train de prendre son pied, avec cette chaînette qui ondule sur son torse au gré de ses coups de reins. Bonheur olfactif, sa peau est parfumée. Bonheur sonore, ses ahanements bruyants. Et bonheur tactile, sa queue et ses mains et ses cuisses qui me possèdent.

    « Tu la sens bien là ? ».

    « Putain que oui, elle me chauffe bien… ».

    « T’aime bien que je te démonte… » il insiste, tout en augmentant la cadence et l’ampleur de ses coups de reins.

    « Vas-y, fais toi plaisir… c’est trop bon… » je lui concède, fou de plaisir.

    « T’aime que je te défonce le cul… dis le… » fait il en pinçant mes tétons. Son toucher est légèrement plus approximatif que tout à l’heure, trop perturbé par les mouvements de son bassin et distrait par son plaisir, mais l’effet est toujours aussi dingue. Comme tout à l’heure, je ressens des décharges électriques puissantes circuler dans tout le corps.

    J’ai presque l’impression que cette avalanche de mots crus est une manière pour Jérém de dissimuler un trouble, comme pour faire diversion. J’ai l’impression qu’ils n’ont pas le même sens qu’ils auraient eu il y a quelques mois.

    Quelques instants plus tard, ses mains quittent mes tétons, saisissent mes mollets, les dégagent de ses épaules. Son buste se redresse, son visage se lève vers le plafond, ses paupières tombent lourdement, ses lèvres s’entrouvrent pour laisser échapper une puissante expiration, comme une délivrance. Et tout son corps se raidit sous la déferlante de l’orgasme.

    « Putain qu’est-ce que c’est bon… Nico… ».

    Mais alors que je crois qu’il va me remplir de toute la puissance de sa nouvelle jouissance, le bogoss sort de moi d’un geste brusque. Sa main se pose précipitamment sur sa queue, elle branle vigoureusement. De bonnes giclées puissantes et chaudes atterrissent sur mon torse, jusqu’à mon menton.

    Puis, il revient en moi, m’envahit une nouvelle fois. Et là, contre toute attente, il saisit ma queue et commence à me branler.

    J’ai toujours pensé qu’il n’y a pas sensation plus puissante et excitante que de me sentir à lui, de sentir qu’il peut disposer de mon corps comme il l’entend pour son propre plaisir. Mais là aussi je me trompais. Il y a une autre sensation, très différente, mais tout aussi puissante. Celle de le voir, le sentir participer à mon propre plaisir, au point de mettre la main à la pâte. Ou plutôt la main à la queue.

    J’ai tout juste le temps de goûter à ce bonheur qui dépasse l’entendement, que déjà un frisson puissant se déclenche dans mon corps. Je sens tous mes muscles se contracter. Je perds pied. Je viens.

    Jérém s’allonge sur le dos, juste à côté de moi, l’air bien épuiséIl est en nage et il respire très fort.

    J’attrape mon t-shirt, je m’essuie le torse.

    Les secondes s’égrènent et le silence s’installe, ponctué par sa respiration qui ne semble vouloir s’apaiser.

    « Ça va, Jérém ? » je fins par lui demander.

    « Putain qu’est-ce qu’il fait chaud… » fait-il en s’essuyant le front avec le revers de la main et en passant les doigts dans les cheveux pour les relever vers l’arrière. Geste d’un érotisme saisissant.

    « Putain qu’est-ce que c’était bon… » je lui balance, encore ivre de plaisir.

    J’ai envie de flatter son ego de mâle, je le cherche pour le faire rebondir.

    Mais il se tait. Alors j’enchaîne.

    « Toi aussi t’as bien pris ton pied, avoue… ».

    « Qu’est-ce que tu veux que je te dise… ».

    « T’as dit que c’était bon… ».

    « J’ai rien dit… ».

    « Si, pendant que tu venais… tu as dit… ».

    « Je n’ai rien dit, ferme-la ! », alors que son regard est traversé par un petit sourire canaille.

    C’est beau cette complicité qui s’installe entre nous.

    « Je te fais quand-même de l’effet… ».

    « C’est parce que t’as toujours envie de te faire défoncer… ».

    « Mais ça c’est de ta faute… ».

    « De ma faute… bien sûr… ».

    « Mais t’as vu comme t’es sexy ? Je ne peux pas ne pas craquer ! ».

    Le bogoss rigole, il est de bon poil. J’adore. Pourvu que ça dure.

    Je me blottis contre lui. Je reste là, en silence, à écouter sa respiration, sa présence.

    Quelques instants plus tard, le bogoss se lève. L’épaule appuyée au rebord de la fenêtre, il fume sa clope et boit sa bière. Il est indiciblement beau dans sa nudité parfaite.

    « J’ai besoin de prendre une douche… » il me lance après avoir écrasé son mégot.

    Je l’accompagne dans la salle de bain, je lui sors une serviette propre. J’aimerais tant prendre la douche avec lui, ou même juste le regarder en train de prendre sa douche. Mais je n’ose lui proposer, je ne sais pas si c’est une bonne idée. Dans le doute, j’y renonce et je m’éclipse, à contrecœur.

    Depuis la chambre, j’écoute les bruits de la douche. Je reconnais le bruit caractéristique du bogoss qui se savonne, des mains qui parcourent sa peau. Et l’idée que ça se passe chez moi me donne mille frissons. C’est grisant de penser qu’il a pris une douche chez moi, après l’amour. Une fois encore, l’image d’un petit chez nous quelque part dans Toulouse, ou n’importe où ailleurs, vient à moi et me me donne la chair de poule.

    L’eau cesse de tomber, j’entends les portes vitrées s’ouvrir. Et je ressens une envie furieuse de bondir hors de la chambre et d’aller le rejoindre pour lui faire plaisir une dernière fois avant qu’il reparte.

    Mais déjà j’entends ses pas dans le couloir. Le bogoss réapparait dans la chambre dans son plus simple appareil, les cheveux encore humides, quelques gouttelettes d’eau sur sa peau, glissant le long de son cou, sur les épaules, sur le nouveau tatouage. C’est un tableau à pleurer.

    Et il entreprend de se rhabiller, en silence. Je voudrais lui parler, mais je suis à court d’idées. Je ne veux pas casser la magie de l’instant. Je ne veux surtout pas tout gâcher. De toute façon, le temps m’est compté. En quelques secondes, le bogoss est prêt à partir.

    « Tu reviens demain ? » je trouve quand même le moyen de lui demander.

    « Je ne sais pas… ».

    Et alors que je crois qu’il va directement passer la porte de la chambre et se tirer, le bogoss se retourne, me fixe avec son regard brun et lubrique et me balance :

    « Si je reviens, j’ai envie de me taper un kif… ».

    « De quoi ? » je l’interroge, à la fois surpris et curieux.

    Le bogoss me regarde avec un regard lubrique, pénétrant. Il plisse les yeux de cette façon si sexy qu’il maîtrise avec une perfection redoutable. Et il commence à me détailler son kif.

    Une poignée de phrases, énoncées avec assurance, sans fioritures. Je l’écoute avec une excitation grandissante. J’adore son kif, je l’adore de plus en plus au fil de ses mots qui le font vivre dans ma tête.

    « Alors, ça te branche ? ».

    « Je crois bien, oui… ».

    « Je t’envoie un message quand je débauche… » fait il en quittant la chambre.

    Je le suis dans le couloir, dans l’escalier, dans l’entrée. Et alors qu’il s’apprête à quitter la maison, je l’attrape par l’avant-bras, je le retiens et je bluffe :

    « Moi aussi j’ai un kif… ».

    « Tu m’en diras tant… ».

    Je le regarde droit dans les yeux. J’ai envie de tellement de choses avec lui ! Mais, pour l’instant, j’ai juste envie de marquer cette petite position de force pour me réserver le droit de lui demander quelque chose qu’il ne pourra pas refuser plus tard s’il s’y est engagé. En gros, je lui demande de me signer un cheque en blanc, tant que je suis en position de lui demander.

    « C’est quoi ? » il finit par s’impatienter.

    « On va déjà s’occuper de ton kif et je te dirai ça après… » je fais, tout en levant la main pour taper dans la sienne.

    Le bogoss est joueur, il lève sa main et il tape très fort dans la mienne, un beau sourire lubrique à la clef.

    Oui, définitivement j’adore cette complicité qui s’installe entre nous.

    Le soir venu, je me branle dans cette chambre, dans ce lit qui sent désormais la cigarette, le deo de bogoss, la baise avec Jérém. Et qui est également témoin d’un début de tendresse entre nous.

    Pour la première fois depuis longtemps, je sens une lueur d’espoir réchauffer mon cœur, dissiper mes inquiétudes, mes angoisses. Pour la première fois, je ne me demande pas si demain il reviendra. Car demain il reviendra, c’est sûr, il reviendra pour assouvir son kif.

    Et je ressens un frisson intact en repensant à ces mots si doux à mes oreilles, ces mots que le bogoss a laissé échapper pendant qu’il sentait son orgasme le happer :

    « Putain qu’est-ce que c’est bon… Nico… ».

    Oui, c’est sûr, il me kiffe, un peu. Il ne l’admettra jamais, mais il me kiffe.

    Ce soir, je m’endors avec un sourire de bébé.

    Commentaires :

    corbeaux

    03/06/2017 20:33

    je trouve cette histoire triste.. a quand le réveil de Nico???

    Virginie-aux-accents

    03/06/2017 16:13

    « On ne remplace l’amour que par l’amour ; mais avant cela, il faut être guéri de tout mal d’amour, il faut être en paix avec soi-même », c’est douloureusement vrai, n’est-ce pas? Comme toujours, tu touches juste. Et Jérèm qui débarque chez Nico… Waouh!! Je ne l’avais pas vu venir, et j’attends la suite. 

    romainT

    01/06/2017 00:27

    Alors le « « Je ne sais pas ce que c’est que de conduire comme une princesse… » relance Sandrine, vexée.« Ça veut dire que, plus qu’un permis, il te faudrait un chauffeur… ». » c’était merveilleux… j’en pleure encore! Ensuite je suis énerver Fabien! Là il va me falloir des explications! Je te laisse un été pour nous clarifier les choses entre jerem et nico et toi tu me les compliques encore plus! Et Nico ce fait encore piétiné… ; Je veux, j’exige! que nos deux petits mecs s’explique!<br /> Bon après le petit julien je le sent bien jerem sur les bords… donc affaire à suivre 🙂 Donc Fabien tu sais ce qu’il te reste à faire 🙂 Romain Ps : c’est toujours aussi génial :p Ps2 : Désolé pour les fautes d’orthographes mais je suis trop naze pour me relire ou même faire attention…. Désolé pour les yeux.  

    Yann

    01/06/2017 12:27

     Cet épisode est bouleversant au possible. D’abord, dans sa première partie, où Nico se remémore ce qui s’est passé avec quelques années de recul. C’en est que plus émouvant car sans colère il rejoue l’histoire, ce qu’il aurait fallu ou pas fallu faire. Il se fait du mal et c’est si triste. Et puis on revient dans l’instant présent , cette apparition inattendue de Jerem. Va-t-il se racheter de son dégage ? S’expliquer ? S’il décidait tout simplement de parler à Nico de lui dire ce qui le trouble et le tourmente de s’ouvrir un peu à lui pour qu’il comprenne. Car c’est bien là le problème, même si leur relation doit s’arrêter là, qu’au moins  ils se disent les choses le plus simplement pour ne pas rester  sur des interrogations. Comme toujours on est impatient de lire la suite. Merci Fabien pour ce bel épisode toujours si bien écrit et plein de délicatesse.  

  • JN01105 Un petit con à casquette (mardi)

    JN01105 Un petit con à casquette (mardi)

    OPA, Opération Petitcon Acasquette

    La nuit suivant ces retrouvailles sexuelles avec mon bobrun, j’ai du mal à trouver le sommeil.

    C’est d’abord à cause de l’excitation. Lorsque je repense à cette visite impromptue de Jérém, à son t-shirt rouge, à sa casquette rouge portée à l’envers, à ses attitudes de petit macho furieusement sexy, à sa queue tendue et chaude, dans ma bouche, entre mes fesses, à ses mots « tu vas m’avaler et je vais te baiser après », je suis sais par une ivresse sensuelle délirante. Le souvenir du bonheur de tenir son plaisir entre mes lèvres, sur ma langue, l’écho de ses coups de reins, tout ce bonheur sensuel, sexuel, sauvage, animal que Jérém m’a apporté pendant une heure de folie résonne dans ma chair, comme un feu inépuisable.

    J’ai beau me branler, plusieurs fois même. L’excitation retombe un peu, pendant un temps. Mais rien n’y fait, le Marchand de sables semble avoir oublié de passer me voir. Et au fur et à mesure que mon insomnie se prolonge, des angoisses viennent se mêler à l’ivresse de ces retrouvailles inattendues.

    Je suis parfaitement conscient de la chance qui est la mienne, la chance inouïe qu’il m’ait choisi comme amant. Le sexe est vraiment l’alpha et l’oméga de me relation avec Jérém. Je me dis qu’au fond il n’y a vraiment que ça entre nous, que je n’existe à ses yeux que à travers nos parties de baise. Cet après-midi, encore. J’ai été très heureux qu’il se pointe chez moi. Il est venu constater que j’avais toujours envie de lui. Il savait qu’il marchait en terre conquise. Il n’a pas eu un seul mot de regret pour son « dégage » de la dernière fois. Il est rentré chez moi, il est monté dans ma chambre, s’est allongé sur mon lit, il a ouvert sa braguette. Il a exigé que je le suce, il a exigé que je m’offre à lui pour son seul plaisir. Il s’est vidé les couilles deux fois, et il est reparti. Il est venu, il a vu, il m’a baisé.

    Mais aussi excitant que ça puisse être le fait de se sentir l’objet du plaisir d’un si bel étalon, je sais que je ne peux me contenter de cela. Jérém représente bien plus à mes yeux qu’un amant, si fringant soit-il.

    J’ai envie de tendresse, j’ai envie d’un peu de considération, et de respect.

    Tant d’années plus tard, lorsque je repense à tout cela, je me rends compte que je ne faisais rien qui pourrait changer cet état de fait. Non seulement j’étais incapable de lui dire ce que je ressentais, mais je ne me défendais même pas quand il me blessait.

    Une question me taraude l’esprit : est-ce que le fait que notre histoire n’allait pas dans la direction que je souhaitais, ne tenait pas finalement en grande partie à moi ?

    Une question qui va de pair avec une encore plus importante : est-ce qu’il est vraiment utile d’attendre de l’autre ce dont on a envie ?

    Bien sûr, le peu de fois que j’avais essayé de m’affirmer face à lui, ça n’avait jamais été une réussite. Lorsque j’avais cherché de la tendresse, je m’étais à chaque fois fait jeter. Lorsque j’avais essayé de lui exprimer mes sentiments, mes envies, de lui « prendre la tête », comme il le disait, je m’étais fait jeter deux fois plus. Lorsque j’avais essayé de titiller sa jalousie, ça m’était revenu en pleine figure.

    Mais est ce que j’avais été essayé assez fort ? Est-ce que j’avais été assez clair ?

    Au fond de moi, je savais que cette relation n’avait pas d’avenir en l’état, je savais qu’une bonne explication avec Jérém s’imposait. Mais quelle explication ? Par où commencer ? Pour lui demander quoi ? Pour lui exprimer quoi qu’il ne sache déjà ? Pour exiger quoi de lui ? Comment changer l’attitude de la personne qu’on aime lorsqu’on n’a ni de prise ni d’emprise sur elle, et ce, pour la simple et bonne raison qu’elle ne ressent pas les choses de la même façon que nous les ressentons ?

    Mais de quel « pouvoir » disposais-je pour m’affirmer face à lui ? Qu’est-ce que je représentais à ses yeux, dans sa vie à ce moment-là ? Qu’était-il capable de supporter en termes de mise au point avant de prendre la tangente pour de bon ? Toutes ces questions se résumant en une seule, dont la réponse me faisait terriblement peur : à quel point Jérém tient à moi ?

    Seul, dans mon lit, loin de Jérém, je me sentais fort, sûr de mes envies, de mes raisons, de mes sentiments. Mais une fois face au garçon qui me faisait tant d’effet, qui faisait battre si fort mon cœur, je perdais tous mes moyens.

    Je crois qu’à cette époque je n’avais tout simplement pas les moyens pour lui tenir tête.

    Je n’arrive toujours pas à croire qu’il se soit pointé chez moi. Putain de bobrun imprévisible et déstabilisant ! Je le quitte un dimanche matin en pétard comme jamais, je le quitte sur un « dégage ! ». Et 36 heures plus tard, il se ramène chez moi pour me ramener mes clés. Il se déplace exprès, alors que rien ne l’y obligeait. Alors que si vraiment il ne voulait que je dégage de sa vie, il aurait pu les glisser dans la boite aux lettres, puisqu’il avait mon adresse.

    Ça aussi. Je suis vraiment intrigué qu’il connaisse cette adresse. Je ne me souviens vraiment pas lui en avoir parlé un jour. Est-ce qu’il l’a cherchée dans l’annuaire ? Est-ce qu’il m’a suivi un jour ? Je rêve les yeux ouverts.

    Quoi qu’il en soit, l’important est qu’il soit venu. Et qu’il ait encore envie de moi. A croire que ses colères, en dépit de leur virulence, n’ont rien de définitif.

    Mais quelles étaient donc ses intentions réelles en venant chez moi avec le prétexte de me ramener les clés ?

    Était-il venu pour s’assurer que ma chambre pourrait jouer le rôle de baisodrome de remplacement de cet appart de la rue de la Colombette dont il venait peut-être de rendre les clefs ? Était-il venu pour tirer son coup, sûr que je ne pourrais pas lui résister ?

    Est-ce qu’il avait vraiment prévu de se tirer juste après m’avoir remis les clés, ou bien ce n’était qu’une petite ruse pour s’assurer que je tenterais de le retenir ?

    J’ai du mal à me convaincre que cette tenue mégasexy, ce t-shirt si bien porté, cette casquette à l’envers, ne soient rien de plus que le pur fruit du hasard. Jérém était vraiment sur son 31. Est-ce que tout cela ne dissimulait pas une volonté certaine de m’en mettre plein les yeux et de me cueillir à coup sûr ?

    Non, le bobrun ne m’avait pas demandé de rentrer, ni de baiser. Pourtant, tout dans son attitude me poussait à cela. En fait, il ne s’agit même pas de son attitude. Il n’a rien dit, il n’a rien fait, il n’a rien demandé. Il est venu, il était là, et cela a suffi à m’embraser. Sa simple présence a suffi à m’embraser. Dès lors, on s’est passé des mots. Nous sommes montés dans ma chambre, et ça s’est passé. Le pouvoir que ce garçon a sur moi est vertigineux.

    Par moments, je me demande s’il avait vraiment prévu de baiser avec moi en me rendant les clés. Il ne pouvait pas savoir que j’étais seul à cette heure de l’après-midi. Peut-être qu’il voulait juste être certain que j’étais toujours dingue de lui. De sa beauté, de sa sexytude. Même après m’avoir jeté l’autre nuit.

    Sa venue était peut-être une façon de s’excuser, de me dire qu’il ne voulait pas que je « dégage ! » de sa vie. Parce qu’il aime ce qu’il y a entre nous.

    J’aimerais savoir ce qu’il y entre nous, j’aimerais savoir quel est son avis sur la question.

    Est-ce que je ne suis toujours qu’un objet sexuel à ses yeux ?

    En l’invitant à rentrer chez moi, en le faisant monter dans ma chambre, j’ai l’impression de lui avoir montré que je n’attendais que « ça » de lui.

    Finalement, c’est moi qui me suis rabaissé à n’être qu’un objet sexuel pour lui. Comment ensuite lui « reprocher » de me traiter comme tel, alors que je ne lui donne aucun moyen de me voir autrement ?

    Il est possible que dans sa petite jolie tête gronde un orage violent. Depuis la nuit passée avec Thibault, mille questions s’agitent peut-être dans sa tête, tout comme dans la mienne. Et peut-être qu’il espérait que je pourrais lui apporter des réponses.

    Peut-être que, tout autant que moi, il redoute notre séparation, et qu’il ne sait pas comment m’en parler, sans avoir à dévoiler ses sentiments, sans avoir peur de se sentir faible, sans « se mettre à nu ». Au fond, Jérém s’exprime de la façon dont il l’a toujours fait, tantôt par le silence, tantôt par la colère.

    Oui, Jérém a peut-être besoin de quelqu’un pour le faire avancer. Peut-être qu’au fond, il n’attend que ça. Qu’on lui tende une main. Que je lui tende la main.

    Quand je pense à son nouveau tatouage, je me dis qu’après le premier choc, j’ai tout de suite été saisi par une curieuse impression. Comme s’il tenait à me le montrer et qu’il guettait ma réaction.

    Je me demande si l’une des raisons de sa venue n’était pas justement celle de me montrer son nouveau tatouage. Pour m’allumer, pour m’embraser pour que je tombe direct sur sa braguette.

    Peut-être. Mais peut-être pas que. Car si on regarde l’intention de « me montrer son nouveau tatouage » d’un autre point de vue, on peut également y voir un geste touchant.

    Jérém avait précisé : « Je viens tout juste de le faire ». Ce qui implique que je suis certainement l’une des premières personnes à qui il l’a montré. Si ce n’est la première. Est-ce qu’il était venu me le montrer pour savoir s’il me plaisait ? Est-ce qu’il avait voulu savoir si je trouvais que ça lui allait bien ?

    Mardi 31 juillet 2001.

    Le lendemain de cette baise chez moi, j’attends fébrilement le retour de mon bel étalon brun.

    Je sais qu’il a aimé nos retrouvailles sexuelles, qu’il a pris son pied comme jamais. Moi aussi j’ai pris mon pied comme jamais. Comment garder l’esprit clair après ça ?

    Hier, je l’ai invité à revenir. Il n’a pas dit non. Alors, en ce mardi, je passe mon temps à attendre son retour.

    Je piétine toute la matinée, dans l’attente nerveuse que l’après-midi arrive. Je déjeune avec maman et j’ai du mal à tenir en place. Elle part au taf vers 13 heures.

    Il est 14 heures, je tourne en rond. Je suis excité terriblement. J’ai envie de me branler pour me calmer mais je me retiens car je veux garder mon excitation pour alimenter le feu de mon bomâle.

    Au fond, je ne sais même pas s’il va venir. Oui, le sens de ses mots de la veille porterait à le croire. Mais qui sait ce qu’il va faire en réalité ? Va savoir s’il n’a pas changé d’avis entre temps…

    15 h. Et s’il n’a pas changé d’avis et d’envie, à quelle heure va-t-il terminer son service, prendre sa pause ? Va-t-il venir directement en débauchant ou bien avant de rembaucher ?

    L’après-midi se traîne, et pourtant il me file d’entre les doigts. Les minutes s’égrènent si lentement et trop vite à la fois.

    16 h. Soudain je réalise que nous sommes le 31, et que c’est le jour où mon bobrun doit rendre les clefs de son appart. Bien sûr qu’il ne va pas venir ! J’ai été con de ne pas y penser avant ! A l’heure qu’il est, il doit être en train de finir de déménager ses affaires chez Thibault.

    Je ressens un bon gros pincement au cœur en imaginant mon Jérém en train de quitter définitivement ce lieu si symbolique. Ce lieu que je ne reverrai plus, et dont le dernier souvenir sera un « dégage ! » balancé avec une agressivité blessante.

    Il est près de 16h30 lorsque ça sonne enfin à l’entrée. Alors que je n’y croyais plus du tout, ça sonne à enfin. Je me précipite sur la porte, j’ouvre le battant.

    Et là, c’est la douche froide. Ce n’est pas Jérém, mais une la voisine qui veut parler à maman !

    Non contente de m’avoir tué une première fois en provocant en moi une fausse joie suivie d’une immense déception, elle entreprend de m’achever une deuxième fois en me tenant la jambe avec de problèmes de voisinage qui me passent à des kilomètres au-dessus de ma tête.

    Nous sommes en plein soleil et je compte sur la chaleur pour qu’elle se fatigue et pour qu’elle rentre chez elle. Mais elle cause, elle cause, elle cause.

    Je fais semblant de l’écouter tout en tentant d’élaborer une excuse pour mettre fin à ce harcèlement verbal, lorsque je me sens comme décoller. Mon corps est là, mais mon esprit l’a quitté pour contempler la scène qui vient de commencer.

    Jérém est là. Il arrive par la gauche, il approche. Et, aujourd’hui, c’est clair, il vise à avoir raison de ma santé mentale.

    Voilà une excuse toute trouvée pour me débarrasser de la voisine : « Je n’ai plus le temps pour tes conneries, je dois baiser avec le bogoss qui vient d’arriver ».

    Au lieu de quoi, je finis par lui glisser : « Il va falloir que je vous laisse, j’ai des choses à voir avec mon pote ».

    « Je reviendrai plus tard ! ».

    Oh, oui, super, on te sonne quand on a fini !

    La bécasse vient de partir et mon bobrun est là, en face de moi. Et je suis sur le point de disjoncter pour de bon.

    Après la tenue rouge de lundi, voici la tenue blanche du mardi. Le coton immaculé semble presque coller à sa peau mate qui a l’air légèrement moite. J’ai d’ailleurs l’impression qu’il se dégage de lui comme une petite odeur de peau de mec bien chaude, à la limite de la transpiration, odeur se mélangeant à la fragrance de son déo. Le blanc du t-shirt établit un contraste saisissant avec son nouveau tatouage qui rentre par le col rond et ressort par la manchette bien tendue sur son biceps saillant.

    Et puis il y a la casquette : blanche elle aussi, toujours posée à l’envers (je me dis que le petit con a compris l’effet que la casquette à l’envers a sur moi).

    La tenue blanche de petit con sexy est complétée par de grandes lunettes de soleil noire, ainsi que par cette chaînette de mec posée bien en évidence par-dessus le coton, entre ses pecs.

    L’ensemble est juste un scandale de sexytude, un affront, une attaque, une OPA hostile… une Opération (de) Petitcon Acasquette en bonne et due forme, hostile pour ma santé mentale.

    — Salut, je lui lance.

    — Salut… il me glisse, avec une voix basse.

    Je me décale, il rentre, il m’assomme avec le délicieux bouquet olfactif qu’il traîne avec lui. L’espace d’un instant, le temps de passer l’embrasure de la porte, il pénètre dans mon espace vital. Mon envie de lui grimpe avec une violence telle que j’en suis comme assommé.

    Sa bogossitude et sa virilité sont presque palpables.

    Oui, le bogoss a l’air d’avoir chaud. Il est vrai que dans la rue, il fait une chaleur assommante. Il fait « mauvais », comme on dit à Toulouse lorsque le soleil du mois de juillet fait grimper le thermomètre.

    « Tu veux une bière ? » je lui lance, sûr de moi ce coup-ci. Hier, après son départ, j’ai bien vérifié qu’il y en avait.

    « Je veux bien ».

    Je l’invite à me suivre dans la cuisine. Je lui tends sa bière et, après avoir bu une première gorgée de la mienne, je lui lance :

    « Je suis content que tu sois là ».

    Jérém ne dit rien, mais j’ai l’impression que ça lui fait plaisir d’entendre ça. Rassuré, j’enchaîne.

    « Je crois que hier je ne t’ai pas remercié pour les clés… alors, merci… ».

    « J’allais pas les garder » fait-il avec un petit sourire narquois.

    « Merci d’être venu me les amener en tout cas… je croyais que tu ne voulais plus me voir… ».

    Jérém lève les yeux au ciel et souffle bruyamment en signe d’agacement. Mais j’ai l’impression que c’est un agacement presque amusé.

    Une minute plus tard, nous sommes dans ma chambre. J’ai tout juste le temps de fermer la porte derrière nous que déjà il m’attrape par le bras, m’attire vers le lit, m’y fait asseoir. Ses mouvements sont fermes mais pas violents. Il approche de moi. Et alors que je m’attends à le voir défaire sa braguette et me fourrer sa queue dans la bouche, le bogoss se penche vers moi. Avec un geste impatient, il attrape le bas de mon t-shirt et le tire vers le haut. Un instant plus tard, je suis torse nu.

    La suite, c’est le récit d’un moment qui très chaud. Ses mains poussent mes épaules de façon à m’obliger à m’allonger sur le dos. Il déboutonne sa braguette, enlève son short et son boxer, tout en gardant son t-shirt blanc et sa casquette. Et il bondit sur moi comme un fauve sur sa proie.

    D’un geste rapide, précipité, il attrape un oreiller, puis un autre, il les cale derrière mon cou, ce qui a pour effet de relever ma tête et la préparer à l’accueillir sa fougue de mâle dans les meilleures conditions.

    Oui, le bogoss a chaud et il est très chaud. Le bogoss prend son pied. Et il semble de bon poil.

    La chaleur amenée par l’effort, combinée à la chaleur de la chambre finit par le pousser à se délester de tout ce qui pourrait lui donner encore plus chaud.

    La casquette vole en premier, ses doigts attrapent le t-shirt par derrière le col, le coton blanc glisse sur son torse de fou, offrant à ma vue le bonheur de sa musculature puissante, de ses tatouages et de sa chaînette de mec.

    C’est un geste très rapide, si naturel, pourtant si chargé d’érotisme ! Je crois que rien n’est à mes yeux aussi beau et excitant que de mater ce beau garçon, objet de tous mes désirs, ôter son t-shirt, se mettre à l’aise pour prendre son pied avec moi. Et, plus fort encore, ôter son t-shirt pendant qu’il est déjà en train de prendre son pied entre mes lèvres, sans pour autant que la cadence de ses coups de reins en soit un tant soit peu perturbée.

    Tout pris dans l’excitation des sens, il balance le t-shirt avec un geste si inconscient, nonchalant. Il atterrit à côté de mon oreille. Je ne suis pas encore remis de la claque qu’est – comme à chaque fois – la vision de sa nudité que déjà je suis bouleversé par la rafale d’arômes qui se dégagent de sa peau fraîchement dénudée. Et là, contre toute attente, il rattrape la casquette et la remet sur ses beaux cheveux bruns.

    Une bonne rafale de coups de reins vigoureux, apanage d’un jeune mâle vigoureux, plein de puissance et d’ardeur. Puis, un rugissement vibrant, secouant tout son corps et le mien avec. Le bogoss se répand dans ma bouche. Bonheur absolu.

    Un instant plus tard, il se dégage de moi et part fumer sa cigarette à la fenêtre.

    Je le regarde, la casquette toujours à l’envers sur sa belle crinière brune de mâle, l’épaule appuyée au montant de l’embrasure. Je le regarde et le contact de sa peau me manque déjà. Cette peau mate et tatouée qui m’attire comme un aimant. Comme toujours, l’instant après le plaisir appelle la tendresse.

    J’ai envie de lui montrer à quel point je suis fou de lui, et que ce n’est pas qu’à cause du sexe.

    En réalité, je ne sais pas trop quoi je devrais montrer. Si je lui montre que je suis amoureux fou de lui, ça va le faire fuir. Et si je lui montre que je n’en veux qu’à sa queue, notre relation n’évoluera jamais.

    J’ai l’impression que quoique je fasse, je me tromperai toujours.

    Mais cette peau mate m’attire comme un aimant. Alors je me laisse aimanter. Je descends du lit et je le rejoins à la fenêtre. Je m’approche de lui jusqu’à presque frôler son dos.

    « J’ai droit ou je vais me faire jeter ? ».

    « Arrête, on va nous voir… ».

    « Fausse excuse, les rideaux nous protègent… ».

    Je fais tourner la visière de sa casquette sur le côté et je me colle à lui. J’ai l’impression de jouer avec une figurine Playmobil, la figurine Playmobil la plus sexy de l’Univers tout entier.

    Qu’est-ce que c’est bon de le sentir contre moi ! Sa peau dégage un mélange complexe d’arômes de frais, et de mec qui vient de jouir. Elle est chaude, douce, et ses muscles si fermes.

    Et, à ma grande surprise, Jérém se laisse faire, me laisse faire.

    Depuis combien de temps j’attends, j’espère, je souhaite ce moment ! Et même si le partage n’est pas encore total, même si Jérém est encore dans la retenue, même si sa réaction est absente, même s’il ne donne aucun signe qui me ferait dire qu’il aime ça, l’instant magique est quand même-là. Alors, ce sont des frissons indescriptibles qui parcourent ma colonne vertébrale.

    « T’es chiant… » il lâche, tout en continuant à fumer sa cigarette.

    Certes, ce n’est pas un véritable encouragement à poursuivre. Pourtant, il n’y a pas de véritable agressivité dans ses mots. Et il me laisse poursuivre mon petit câlin.

    Alors, je deviens audacieux, téméraire. Je passe mes bras sous ses aisselles, je le serre un peu plus contre moi. Je me dresse sur la pointe des pieds, je pose ma tête sur son épaule. Et je ne peux pas résister à la tentation de poser quelques bisous à la base de son cou.

    « Arrête ça ! ».

    Ça y est, j’ai atteint la limite de ce qu’il peut accepter de moi. Et c’est déjà beaucoup ! Ce serait stupide de vouloir forcer les choses. Alors je me contente de poser ma tête sur son épaule et de fermer les yeux pour profiter de ces instants de tendresse. Une tendresse à sens unique, certes, mais une tendresse qu’il ne refuse pas non plus, ce qui est déjà un pas en avant assez remarquable.

    Hélas, cela ne dure pas longtemps. Le bogoss termine sa cigarette, écrase le mégot sur le rebord de la fenêtre et se dégage de mon étreinte.

    Mais alors que je m’attends à le voir se rhabiller et repartir, il s’allonge sur le lit, l’air épuisé.

    « T’es fatigué ? ».

    « Un peu… ».

    « Tu travailles beaucoup… ».

    « Ouais… hier soir j’ai fini super tard et ce midi il y avait un monde fou… et puis, cette chaleur… il fait vraiment mauvais depuis le week-end… ».

    Je le regarde, allongé sur mon lit, à l’aise dans sa magnifique nudité. Je me perds dans cette contemplation, complètement déconnecté de l’instant présent, sans prêter attention aux secondes qui s’enchaînent et au silence qui s’installe.

    J’ai l’impression que ses paupières sont de plus en plus lourdes, qu’il est sur le point de s’endormir. Je le rejoins sur le lit. Il se tourne sur le côté. Je me colle contre lui.

    Le vent d’Autan fait bouger le rideau, plongeant tout à tour la chambre dans la pénombre ou la remplissant de rayons de soleil intenses.

    Je le serre dans mes bras. Aucune réaction de sa part, aucun mot. Tout pris dans le bonheur de le tenir dans mes bras, je ferme les yeux et je me sens partir dans une autre dimension. Ma chambre disparait, les bruits de la ville rentrant par la fenêtre ouverte se taisent, le temps est comme suspendu.

    Si j’avais imaginé qu’après un « dégage ! » viendrait le temps des câlins !

    Je ne dois pas désespérer, je dois tenir bon.

    Eppur si move…

    Ce dont en revanche je ne me doute pas à cet instant magique, c’est que dans une poignée de jours, « tout ça » ce sera bel et bien fini.

    Commentaires

    Etienne

    19/05/2017 22:22

    Peut-être un mal pour un bien ? Cette première relation a permis à Nico de connaître ce qui lui conviendrait, à l’opposé de ce que Jerem lui a donné. Nico a besoin et mérite mieux que ça, assurément. On verra bien ce que Fabien nous concoctera… Etienne

    Yann

    19/05/2017 11:06

     Après la lecture de cet épisode on est triste pour Nico. Nico qui découvre que le partage entre les partenaires est la condition pour qu’une relation soit heureuse et que c’est dans ce contexte que le sexe vient la sublimer. Sans cela le sexe reste juste un moment d’autosatisfaction celui d’avoir tiré son coup. Mourad en est l’exemple type. Pour Jerem c’est plus complexe même si il n’y a pas de partage en dehors du sexe. Est-il hétéro, homo ou bi c’est la question qui se pose à lui et à laquelle il n’a toujours pas décidé de répondre par peur de découvrir une réalité qu’il ne supporterait pas à savoir aimer les garçons. Cette réalité qu’il a pris du plaisir avec Nico lui fait peur d’où son attitude limite violente. Est-ce juste une expérience sans suite qu’il a quand même eue aussi avec Romain et un peu Thibault ou bien une réelle attirance pour les garçons ? Le aura-t-on avant la fin de l’histoire ? L’épilogue de cette histoire risque, pour des raisons différentes, de faire deux malheureux  Jerem et Nico. On a hâte de lire la suite même si cela risque d’être pour nous aussi un déchirement. Yann

    Virginie-aux-accents

    18/05/2017 23:59

    Le cœur de Nico est en morceaux, et le mien se brise en te lisant… 

  • JN01104 Un petit con à casquette (lundi).

    JN01104 Un petit con à casquette (lundi).

    Les envies de Jérém (deuxième du nom).

    Lundi 30 juillet 2001.

    Le bobrun est toujours sur le pas de la porte. Les secondes s’égrènent, il me toise en silence. Il me laisse mijoter.

    • T’es en pause ? je le questionne.
    • Je ne bosse pas aujourd’hui…
    • Tu rentres ?

    Et là, le bogoss bouge enfin, s’avance vers moi presque d’un bond, m’obligeant à me décaler pour le laisser passer, pour le laisser pénétrer chez moi. Je suis cueilli au passage par l’intense fraîcheur de déo. Je ne vais pas tenir le choc, il va m’achever.

    Je referme la porte, je me retourne, je me retrouve face à lui. Je n’arrive toujours pas à réaliser qu’il est chez moi.

    Mon regard est toujours aimanté par son nouveau tatouage. Ça me rend dingue. Tout changement inattendu chez la personne aimée est à la fois délicieux et troublant aux yeux de celui qui aime. Surtout tant qu’on n’en connaît pas la raison.

    — T’as un nouveau ta… ta… tatouage… je bégaie.

    — Je viens tout juste de le faire.

    — Il est super beau…

    — C’était un pari avec les potes du rugby. Si on gagnait le tournoi, j’avais promis de me faire un nouveau tatouage… Et on a gagné !

    — C’est super ! je ne trouve pas mieux à lui répondre. Je suis encore sous le choc de son apparition inattendue et du rayonnement aveuglant de sa sexytude.

    Le bogoss me regarde avec son regard de b(r)aise, regard qui me fait me liquéfier sur place. Je devine de quoi il a envie. Et je sais qu’en aucun cas je pourrais le lui refuser.

    Soudain, une idée me traverse l’esprit. Sous prétexte tout trouvé de me rendre les clés, Jérém est peut-être venu chercher un rattrapage pour son égo blessé par ce petit forfait de samedi soir. On dit que quand on tombe de cheval, il faut remonter aussitôt.

    Je me trouve une fois de plus dans la position de devoir mettre mon amour propre de côté, de devoir tout lui céder sans contrepartie, de devoir faire comme si son « dégage ! » n’avait jamais existé, ou comme s’il ne m’avait jamais blessé. Je vais encore devoir tout accepter de lui sans avoir mon mot à dire, en échange d’un bonheur aussi intense qu’éphémère.

    Une petite voix en moi me répète sans cesse que ce n’est pas une bonne idée de le laisser rentrer chez moi, et encore moins de l’amener dans ma chambre, de le laisser accrocher son souvenir à chaque mur, à chaque meuble, à chaque objet.

    Mais je suis trop heureux de le revoir, je suis prêt à tout pour le retenir.

    Jérém monte en premier. Je lui emboîte le pas. C’est toujours une expérience « éprouvante » que de suivre un bogoss de près dans un escalier. La trainée de fragrance qui se dégage sur son passage donne l’assaut à mes narines comme un shoot puissant.

    Au bout de l’escalier, le bobrun s’arrête, dos au mur, pour me dégager le passage, pour que je le guide vers ma chambre. Lorsque je passe devant lui, nos shorts et nos genoux se frôlent, nos bras aussi. J’ai l’impression que ces simples frottements provoquent des étincelles sur ma peau.

    J’ouvre la porte, je la retiens la porte. Le bobrun passe devant moi, son parfum me cogne une nouvelle fois, sa simple présence m’assomme de désir. Je referme la porte, il est dans ma chambre, et je ne suis plus maître de moi-même.

    Le bogoss balaie ma petite tanière de son regard brun, profond. Puis, armé de cette assurance qui lui est propre, il s’avance vers le lit. Il s’assoit sur le bord, les pieds bien plantés par terre, les jambes et les genoux écartés.

    Et là, sans autre hésitation, il ôte sa casquette de parfait petit con, la balance vers la tête du lit, et laisse tomber son torse sur le matelas, il soulève légèrement le t-shirt dévoilant le bas de ses abdos. Il défait lentement le bouton du short, puis la braguette. Il écarte les pans du short pour dévoiler un boxer bleu et gris déformé par son érection. Ses pieds s’activent pour se libérer réciproquement des baskets sans même défaire les lacets.

    Je n’arrive toujours pas encore à croire que tout cela est bien réel. J’avais vraiment commencé à me faire à l’idée que je ne reverrai plus jamais mon Jérém, que plus jamais je ne goûterais à sa virilité. Alors, quel bonheur de retrouver son corps, son odeur, ses envies, ses ahanements, la prise de ses mains puissantes. Et son érection retrouvée, à nouveau fière et conquérante, après la petite défaillance de dimanche matin.

    Pendant que je m’emploie à lui faire plaisir, je me dis que mon corps semble être précisément conçu pour provoquer et accueillir ce plaisir de mâle pour lequel mon bobrun semble avoir été expressément destiné. Mon plaisir ultime est celui de faire exulter sa virilité. Son plaisir et mon propre plaisir.

    Je crève d’envie de voir son nouveau tatouage en entier. Hélas, le bogoss semble tellement accaparé par son bonheur sensuel qu’il semble complètement avoir oublié de se débarrasser de son t-shirt.

    Je décide alors de provoquer les choses, de la même façon que je l’avais fait lorsque j’avais voulu découvrir le torse de Thibault lors de notre folle nuit.

    J’attrape le bord inferieur du t-shirt d’un côté et de l’autre de ses hanches, et j’amorce le geste pour le soulever. Je n’ai pas besoin d’insister longtemps. Ses abdos se contractent, son torse se relève, ses bras se plient pour attraper son t-shirt par l’arrière du cou et le faire glisser le long de son torse.

    Le voilà enfin complètement à poil, mon bel étalon, désormais accoudé sur mon lit, m’offrant une vue parfaite sur son nouveau tatouage. Et là, je ne peux m’empêcher d’arrêter de le sucer pour contempler cette nouvelle merveille gravée sur sa peau.

    Le joli motif tribal, fin et racé à la fois, harmonieux mélange de lignes sinueuses et de lignes droites habilement entortillées, prend donc naissance derrière son oreille droite, descend à la verticale le long de son cou, continue tout le long de son épaule, redescend vers le biceps, pour se terminer en pointe plus ou moins à la même hauteur que son brassard tatoué sur l’autre bras.

    Je ne peux m’empêcher de lâcher, comme un soupir libératoire :

    — Putain, que c’est beau, Jérém…

    Le bogoss a l’air content de me voir kiffer son nouveau tatouage. Et pourtant…

    — Vas-y, suce-moi ! est sa seule réponse.

    Et, ce disant, joignant le geste à la parole, il appuie lourdement sur mes épaules pour m’obliger à m’y remettre.

    Il n’a pas besoin de m’obliger à quoi que ce soit. Il est là, complètement nu, le grain de beauté au creux du cou bien en vue, la chaînette abandonnée sur sa peau mate, tous pecs et abdos et biceps dehors, deux tatouages l’un plus sexy que l’autre. Il est beau comme un petit Dieu, il est à mes yeux la perfection Mâle, je crois que je peux le dire sans réticence. Il n’y a rien à ajouter à la beauté aveuglante de sa nudité virile.

    Je sens son regard sur moi, lourd, insistant, concupiscent. Je sais qu’il prend du plaisir à me regarder faire, et à me voir le kiffer à ce point.

    — J’ai envie de toi… je finis par lui balancer, ivre de lui.

    — Tu veux que je te démonte le cul, hein ? ».

    Je ne trouve rien à répondre, à part un hochement de la tête, sorte de supplication silencieuse.

    — Fais-moi jouir et avale, je te baise après !

    Je le pompe à fond, bien décidé à le faire jouir et à l’avaler comme il me l’a ordonné.

    Mais, soudain, son buste se relève précipitamment, ses mains me repoussent d’un mouvement brusque. Surpris, je recule un peu. Le bogoss se met debout, tout en se branlant. Il me domine de toute sa taille et de toute sa musculature. Mon bobrun se branle, et c’est beau.

    Ses giclées s’enchainent, elles percutent mon cou, mon torse, mes lèvres.

    Le bogoss vient tout juste de jouir et déjà il s’éloigne de moi. Il passe son t-shirt et son boxer, il attrape son short, il en extrait un paquet de clopes et me lance :

    — Je peux fumer ?

    C’est la première fois que Jérém me demande la permission de faire quelque chose. Et même si je sais que je ne pourrais pas le lui refuser, je suis touché.

    — Oui, bien sûr !

    Le bogoss approche de la fenêtre et l’ouvre, allume sa clope et une nuée de fumée se dégage aussitôt autour de lui. L’épaule appuyée contre le montant de la fenêtre, avec ce t-shirt parfaitement coupé sur sa plastique, les deux tatouages dépassant de chaque manchette et, pour l’un d’entre eux, remontant jusqu’à son oreille gauche, il est beau à un point que les mots me manquent.

    Il fume lentement, en silence. J’ai envie de lui parler, j’ai envie d’attirer son regard, j’ai besoin d’un minimum de considération. Mais, comme d’habitude, je ne sais pas par où commencer pour ne pas prendre le risque de me faire jeter. Pour éviter de tout gâcher.

    J’ai l’impression que tous les sujets qui me viennent à l’esprit – son déménagement, notre pote Thibault et, a fortiori, le présent et l’avenir de notre relation – pourraient casser la magie du moment et le pousser à partir. Je sens que cet instant de bonheur ne tient qu’à un fil. A la moindre prise de tête, ce fil risque de casser.

    La cigarette se termine enfin. Le bogoss referme la fenêtre et se retourne. Son regard de b(r)aise est là, il cherche, aimante, pénètre le mien. Rien qu’un regard et je suis déjà à lui.

    Le bogoss approche, se débarrasse une nouvelle fois de son t-shirt et de son boxer et me rejoint sur le lit. Un instant plus tard, ses mains empoignent fermement mes fesses, les écartent.

    Je suis complètement accroc à la sensation d’être à lui, de me sentir empli et dominé par lui. Le sexe avec mon Jérém est une drogue puissante qui me met dans un état d’altération de la conscience. Lorsqu’il me possède, je ne suis plus maître de moi. Mon maître, c’est lui.

    Et alors que je chauffe depuis un long moment, soudainement je m’embrase. Mon plaisir est tellement intense que mes râles de bonheur doivent dépasser le seuil de décence pour ses oreilles. Ça doit être pour cette raison que le bobrun porte sa main sur ma bouche pour me bâillonner, tout en continuant à me pilonner de plus en plus fougueusement. Le rugissement de sa jouissance ne tarde pas à se faire entendre. Un rugissement sonore, dont je me délecte, sans la moindre intention de le contenir.

    La tempête de sa jouissance passée, le bogoss s’affale sur moi, le front trempé posé entre mes omoplates. Mais cela ne dure qu’un court instant.

    Très vite, il sort de moi et se laisse lourdement tomber à côté de moi, visiblement épuisé, la respiration rapide et profonde, la déglutition bruyante et nerveuse. Il reste là, allongé à côté de moi, pendant un bon petit moment, sans apparemment avoir la force de filer direct à l’inévitable cigarette.

    Je ne me lasse pas de mater ce beau mâle baiseur allongé sur mon lit, dans son plus simple appareil. Je le regarde et j’ai l’impression qu’il est tout aussi ivre de plaisir que moi, tout aussi épuisé et bouleversé que moi.

    — Tu me rends fou, Jérém… je me laisse échapper.

    Ce n’est qu’un cri du cœur, un ressenti profond, et à la rigueur cela devrait flatter son ego de mâle. Pourtant, mes mots n’ont pas dû avoir l’effet escompté dans la tête du bobrun.

    Jérém se lève dans la seconde qui suit, il se baisse pour ramasser ses fringues et commence à se rhabiller. Le bogoss est déjà en train de préparer son départ. Toujours en silence.

    Je n’ai pas envie de le laisser partir si vite. Une fois de plus, je tente le tout pour tout pour le retenir.

    — Tu veux boire quelque chose ?

    — Non, je vais y aller…

    — Mais si tu ne bosses pas, tu peux peut-être rester encore un peu… ma mère ne va pas rentrer avant

    — Je vais y aller… il persiste, tout en tournant et retournant son t-shirt entre ses mains pour retrouver le bon sens.

    Je tente de gagner quelques instants en accrochant son attention avec un sujet qui le touche de près.

    — Il semblerait que tu déménages ?

    — Comment tu sais ?

    — J’ai vu les cartons dans ton appart…

    — Ouais…

    — T’as trouvé un autre appart ? je bluffe.

    — Non, pas encore, je m’installe chez Thib pendant quelques temps.

    Jérém est encore là et déjà je ressens un immense sentiment de solitude et d’abandon me submerger.  Jérém est encore là et il me manque déjà. Plus je couche avec lui, plus mon envie se fait dévorante. Coucher avec lui, c’est comme essayer d’éteindre un feu avec de l’essence.

    J’ai envie de savoir que je vais le revoir, j’en ai besoin.

    — Cette semaine je suis seul tous les après-midis, jusqu’à 18 heures… je lui lance.

    Pendant une poignée de secondes, le bobrun me toise en silence. Dans son regard, toujours cette assurance du mec qui se délecte à humer le désir qu’il inspire, l’ivresse inspirée par le pouvoir qu’il détient grâce à son charme et à sa puissance virile.

    — Si je reviens, c’est pour faire ce qu’on a fait aujourd’hui, rien d’autre…

    — Qu’est-ce qu’on ferait d’autre ?

    — Pas de prise de tête !

    Je ne sais trop quoi lui répondre. L’idée de pouvoir remettre ça me rend dingue. Mais son « pas de prise de tête » semble impliquer que notre relation ne sera qu’une histoire du sexe, et que je n’aurais pas le droit de lui poser des questions, d’affronter les sujets fâcheux, d’essayer d’ajouter un peu de tendresse à nos rencontres. En clair, notre relation n’évoluera guère. Jamais.

    Je me sens en équilibre instable sur un fil invisible entre frustration sentimentale et envie des sens.

    — T’as compris ? il insiste.

    — Ouais, j’ai saisi ! je finis par lui répondre.

    — Si tu me saoules, tu me revois plus !

    Rien de tel que le chantage pour rendre ses propos plus convaincants.

    — T’es qu’un emmerdeur…

    — Mais un emmerdeur qui te baise comme un Dieu !

    Je ne réponds rien, mais je sais qu’il a raison, et qu’il le sait.

    Quelques instants plus tard, je marche derrière lui dans le couloir à l’étage, puis dans les escaliers.

    Dans l’entrée, je ne peux résister. Je m’approche de lui et je pose deux baisers légers dans son cou, sur son nouveau tatouage.

    Le bogoss s’arrête. Encouragé, j’en pose deux autres.

    — T’as fini ? je l’entends me balancer.

    — Oui, mais uniquement parce que tu me le demandes, sinon je pourrais continuer longtemps… je me surprends à lui répondre.

    Le bogoss attrape la poignée de la porte. Soudain, une question s’impose à mon attention. Une question maintenue en arrière-plan dans ma tête par l’aveuglement de sa présence.

    — Comment t’as trouvé où j’habitais ?

    — Une fois tu m’avais dit le nom de ta rue…

    — Mais cette rue est très longue…

    — Tu m’avais dit que toi aussi tu habitais à côté d’une épicerie.

    — Ok, je fais bêtement, étonné qu’il ait retenu ce détail, détail que j’avais moi-même oublié de lui avoir confié.

    — Salut, il me lance, tout en repartant en direction du centre-ville.

    — Salut, je lui réponds, abasourdi, sans être sûr qu’il ait entendu.

    Je n’avais pas prévu ce déchirement à venir en le faisant venir chez moi. Je veux parler du déchirement de le voir partir si vite après nos ébats. Jusque-là, c’était toujours moi qui avais dû partir après nos galipettes. J’avais hésité parfois, car ce ne pouvait être qu’à contre-cœur que je quittais ce bout de Paradis sur terre qu’était pour moi l’appart rue de la Colombette.

    Jérém, en revanche, n’hésite pas du tout. Il est venu, il a vu que j’avais envie de lui, il a tiré son coup et il se casse, les couilles plus légères que lorsqu’il est arrivé.

    Je le regarde marcher et mon attention se fige une dernière fois sur ce nouveau tatouage qui me rend dingue. Mais il me rend triste aussi. Ce petit changement chez Jérém semble souligner le fait qu’il est en train d’évoluer, et de m’échapper.

    Jérém vient tout juste de partir et il me manque déjà. Est-ce qu’il va vraiment revenir ? On a beau changer de décor. Toutes les cartes sont toujours dans ses mains.

    Jérém vient de disparaître de ma vue et je me rends compte que, perturbé par son apparition, par sa présence et par le bonheur des sens, je ne l’ai même pas remercié pour m’avoir ramené mes clés.

    Commentaires

    Yann

    09/05/2017 11:12

     Pour se convaincre lui-même et son pote Thibault, Jerem  feint  d’admettre son attirance pour Nico. Son argument, qu’il couche avec  Nico par charité mais que personnellement il n’en  a rien à foutre, tient de moins en moins d’où son malaise grandissant qui pourrait le pousser bêtement à tout gâcher de cette relation. Se découvrir homo est un traumatisme que Jerem n’arrive pas à  surmonter. La nature ne lui laisse pas le choix de ses envies. C’est probablement la raison qui fait qu’entre Jerem et Nico il n’y a jamais eu de vraie communication comme entre Thibault et Nico : juste la baise ce qui rend si triste Nico.

  • JN01103 Seul celui qui blesse

    JN01103 Seul celui qui blesse

    Dimanche.

    Le lendemain, je passe le plus clair de la journée à récupérer de ma nuit blanche. Je me dis que j’ai vraiment de la chance d’avoir des parents qui me laissent tranquille.

    Le peu de temps que je passe en dehors de ma tanière, c’est lors des repas. Et ma principale préoccupation est alors d’essayer de retenir les larmes qui se pressent à mes yeux.

    Le « dégage ! » de Jérém résonne sans cesse dans ma tête comme un écho assourdissant, comme un coup de fouet à la violence sans cesse renouvelée.

    Ce qui s’est passé avec le garçon du On Off résonne également en moi sur une fréquence très déplaisante. Même si, à bien regarder, je ne peux rien reprocher à ce garçon, à ses attentes, à ses envies. A part le fait qu’elles étaient foncièrement différentes des miennes.

    Le mec avait annoncé la couleur dès le départ, il voulait juste baiser. C’est de ma faute. Je n’aurais pas dû le suivre chez lui. En fait, je n’aurais jamais dû pousser jusqu’au ON OFF, j’aurais dû rentrer chez moi après avoir quitté l’appart de Jérém.

    S’il y a une chose que cette nuit m’a appris, c’est que c’est inutile de tenter d’essayer d’oublier un mec, et surtout LE mec, avec le premier venu. On ne soigne pas une peine de cœur avec du sexe. Car le sexe ne remplace jamais l’amour. On ne remplace l’amour que par l’amour. Mais pour cela, il faut être prêt. Et pour être prêt, il faut du temps.

    Hélas, quand on souffre, on n’a pas le temps. On n’a pas le temps d’attendre un nouveau bonheur. Quand on souffre, on a le plus grand mal à imaginer qu’un nouveau bonheur viendra un jour.

    Quand je vais mal, je n’ai pas le temps de rester seul.

    Lundi.

    Heureusement, cet après-midi j’ai cours de conduite avec ce beau parleur, cet impénitent charmeur, cette adorable et attachante fripouille qui répond au prénom de Julien.

    Après avoir déposé Sandrine, à qui il vient de servir un autre de ses numéros de clown, le boblond me balance sans détours :

    — Ça va pas fort, toi, aujourd’hui…

    J’avais espéré qu’il détecte mon malaise et qu’il relève. J’avais vraiment envie de parler à quelqu’un. Et Julien me semblait la seule personne à qui je pourrais parler, le seul qui saurait me remonter le moral sans me faire la morale.

    — Non, pas vraiment, j’admets.

    — Week-end difficile ?

    — Week-end très difficile…

    — Tu l’as revu ton pote qui te fait la gueule ?

    — Oui, et c’est bien ça le problème…

    — T’as envie de coucher avec lui, mais lui il ne veut pas…

    — C’est tellement compliqué !

    — Ou alors, il ne veut plus…

    — Il ne veut que quand ça l’arrange !

    — Mais tu le kiffes à mort…

    — Si seulement je ne le kiffais pas autant !

    — Ne dis pas de bêtises ! Il n’y a rien de meilleur que de kiffer quelqu’un.

    Sur ce, mon cours commence enfin. Et il se déroule désormais dans un silence interrompu uniquement par les instructions du beau Julien.

    Du moins jusqu’à ce que le bogoss revienne à la charge.

    — Ça doit pas être facile d’être pédé… enfin, d’être gay, je veux dire…

    — Non, c’est pas facile, je te confirme !

    — Tomber amoureux d’un mec qui aime les filles, il continue. Parce que c’est ça, n’est-ce pas ? Ton brun s’est amusé avec toi, mais au fond il aime les filles, je me trompe ?

    — Je ne sais pas s’il aime toujours les filles, ce qui est certain c’est qu’il n’assume pas de coucher avec moi !

    — Tu dois vraiment kiffer ce mec pour te mettre dans cet état…

    — Oui, je le kiffe grave, j’admets.

    Et là, sans transition, je l’entends me balancer :

    — Et moi, tu me kiffes aussi ?

    D’abord, je crois avoir mal entendu. Instinctivement, je me tourne vers lui. Il me balance le même regard qu’il sert aux filles, un regard charmeur, provocateur, indéchiffrable, les sourcils en chapeau, sexy à mort, un regard illuminé d’un petit un sourire coquin, une attitude en équilibre sur un fil invisible, entre charme et moquerie, entre sérieux et facétieux, entre premier et deuxième degré.

    Le bogoss est prêt à se laisser choir du côté du charme ou de la bêtise suivant la réaction à sa boutade, se réservant ainsi une issue honorable. Son regard est tout et son contraire à la fois, je me demande comment il arrive à faire ça. Ce qui est certain, c’est que tout cela est du grand art, car ça permet au beau gosse de toujours retomber sur ses pattes.

    Je suis surpris, désarçonné, je ne m’y attendais pas à celle-là. Je suis tellement secoué par ses mots que je manque d’emboutir une voiture arrêtée à un STOP. Julien est obligé de débrayer et de freiner à ma place.

    — Ok ok, j’arrête mes bêtises ! il se marre.

    Ainsi, ce n’était que de la bêtise. Et pourtant, j’aurais parié que c’était autre chose.

    Nous arrivons à proximité de l’autoécole et le bogoss me demande de garer la voiture sur l’une des places réservées sur le petit parking un peu plus loin.

    Je viens d’éteindre le moteur et de mettre le frein à main. Et là, je l’entends me glisser, la voix caressante, charmante, les yeux pétillants, un petit sourire coquin aux lèvres :

    — Je sais que tu me kiffes. Tu as commencé à me mater depuis le premier cours et tu n’as jamais arrêté depuis ! Assume !

    Je le regarde sans arriver à trouver quoi répondre.

    — Tu me trouves pas beau ? il change d’approche du tout au tout, exit son petit sourire canaille, remplacé par une petite moue de déception aux yeux suppliants, comme si mon silence venait de porter un affront fatal à son ego.

    Mais il cherche quoi ? Il se fiche de moi ? Et si… et s’il me cherchait vraiment ?

    — Si, t’es un bomec, je finis par lâcher.

    — Tu vois, c’est pas si difficile ! fait-il en recouvrant soudainement son beau sourire charmeur, accompagné d’une petite étincelle de fierté dans le regard.

    Et il continue :

    — Mais moi je ne suis pas Martin, moi je ne baise que les nanas. Allez, on se revoit en fin de semaine, bye !

    Tout ça pour ça ? Me pousser à me dévoiler pour mieux me mettre un beau râteau ? Quel sale petit con !

    L’après-midi, je me sens encore un peu plus sens dessus dessous que le matin et que la veille. Déjà que je me prends la tête pour tout un tas d’autres choses, il fallait que Julien en rajoute du sien.

    Mais à quoi il joue ce petit con ? Pourquoi me poser cette question ? Si je le kiffe ? Ça lui intéresse vraiment de savoir ? A quoi bon ? Surtout pour me balancer après qu’il « ne baise que les nanas ». Peut-être qu’il ne cherchait qu’à tester une énième fois le pouvoir de son charme.

    Seul à la maison, je m’enferme dans ma chambre. Je n’ai toujours pas envie d’aller courir sur le Canal.

    Et je repense à Jérém. Sans cesse. Je sais que la seule personne qui pourrait me faire du bien, apaiser mes angoisses, c’est lui. Car il en est à l’origine.

    Only the one that hurts you can make you feel better/Seul celui qui te blesse peut te faire te sentir mieux

    Only the one that inflicts pain can take it away/Seul celui qui inflige la peine peut l’ôter

    Mon regard réclame la vision de sa plastique, de sa belle petite gueule, de ses gestes de mec pendant qu’il se dessape, pendant l’amour, pendant qu’il se rhabille, pendant qu’il fume. Mon odorat réclame le délicieux bouquet d’arômes qui se dégage de sa peau, de sa queue, et même celui de sa cigarette. Mon corps réclame son corps, mes mains et tous mes orifices réclament son manche raide.

    Ma langue réclame le goût de sa peau, de sa bite, de son jus.

    Le désir et le bonheur qu’un garçon peut nous procurer est une expérience merveilleuse qui investit nos cinq sens.

    Ce mec est ma drogue et je me sens en manque ; et le manque est si fort que je me sens prêt à tout pour une nouvelle « dose » de mon Jérém. Prêt à tout faire, à tout accepter, à tout renoncer.

    J’en arrive même à me dire que si « La plus grande chose que vous apprendrez jamais/Est juste d’aimer et d’être aimé en retour », je pourrais même me contenter d’aimer sans l’être en retour.

    J’ai envie de pleurer, de crier, de tout casser. Je me sens comme un animal en cage à qui on a arraché son plus grand bonheur. Je me sens abandonné, rejeté, méprisé.

    Je ne peux pas me résigner à ce que ça se termine de cette façon avec Jérém, sur cet échec, sur un « dégage ! ». Pas après tout le bonheur que nous nous sommes offerts.

    Et, pourtant, je n’ai pas le choix. La seule option qui se présente à moi désormais est de prendre sur moi et attendre que ça passe. Il me manque horriblement. Mais je ne dois plus le voir. Je ne veux plus le voir.

    Mais en attendant, je déambule dans la maison vide, je déambule comme un fantôme. J’ai envie de rien, je ne sais quoi faire de mon après-midi trop long. Je ressens un vertige en contemplant les heures immobiles, figées par ma souffrance.

    Soudain, le bruit strident de l’interphone retentit dans la maison et vient déchirer le voile épais du silence et de ma mélancolie.

    Il est 15 heures, et ça sonne à la porte. Je me rends dans l’entrée, je déverrouille la serrure, j’ouvre le battant.

    Et là, c’est comme si je recevais un poing en pleine figure.

    Pendant un instant, une fraction infinitésimale de nanoseconde qui me paraît une éternité, j’ai la sensation que mon sang s’arrête de circuler dans mes veines, que mes poumons cessent de respirer. Dans ma tête, c’est le black-out.

    Car Jérém est là.

    D’un coup, le temps s’est comme arrêté, suspendu autour de l’apparition de ce p’tit Dieu à la beauté éblouissante, aveuglante, incandescente, radioactive.

    Une petite gueule qui donne envie de hurler à t’en détruire les cordes vocales, un regard brun qui semble aspirer littéralement mon âme et dans lequel j’ai juste envie de me perdre et de me noyer, une jolie bouche sensuelle, et cette petite barbe de trois jours soulignant un peu plus encore sa virilité.

    Il porte un t-shirt rouge délavé, bien ajusté à son torse. Le col, en V, comporte trois petits boutons laissés ouverts, offrant ainsi un délicieux aperçu de la peau mate de ses pecs visiblement rasée de près, sur le grain de beauté dans le creux du cou, si mignon, sur sa chaînette de mec.

    Au final, ce petit bout de coton laisse bien peu à l’imagination, tant il épouse avec précision ses pecs rebondis, que ses tétons qui pointent scandaleusement, le biceps qui semble vouloir défoncer la manchette au-dessus de son brassard tatoué, ainsi très bien mis en valeur.

    Ce t-shirt est véritable supplice visuel, une provocation par la séduction, une invitation, une injonction à l’arracher sur le champ. Tout comme la casquette qui l’accompagne, rouge également, portée à l’envers, ça va sans dire. Une touffe de cheveux bruns en bataille dépasse de l’ouverture au-dessus de la bande de réglage, lui donnant un air un brin négligé et sexy à craquer.

    Oui, Jérém est là, devant moi. Il se tient bien droit, les bras légèrement écartés, ce qui a pour effet de rendre son torse encore plus impressionnant.

    Je suis tellement bouleversé par son apparition, qu’il me faut un certain temps pour achever ce petit « tour du propriétaire » de sa plastique, pour apprécier les nouvelles couleurs de sa peau qui fonce à vue d’œil au contact du soleil d’été, mon regard avide étant ralenti comme un scanner réglé à une définition trop élevée.

    Mais il y a autre chose chez lui qui me rend carrément fou. Quelque chose qui n’était pas encore là samedi dernier.

    C’est un putain de nouveau tatouage !

    Ça prend naissance derrière l’oreille droite et descend à la verticale le long de son cou, il disparaît sous le coton rouge du t-shirt, puis réapparait sous la forme d’une pointe travaillée juste en dessus de la manchette droite.

    C’est un peu dans même style que son brassard, encore un motif « tribal » composé des lignes sinueuses mélangées à des lignes droites, aux bords très vifs, comme « tranchants ».

    C’est un peu rouge tout autour du dessin, c’est tout frais. Je ressens une frustration insoutenable de ne pas pouvoir le voir en entier. Soudain, mon envie de le voir torse nu est encore découplée.

    J’ai envie de lui à m’en arracher les tripes.

    — Salut ! je l’entends lancer sur un ton calme.

    — Salut… je réponds, tout tremblant, les jambes en coton. Ce mec a un effet épouvantable sur moi. Ça me fait presque peur.

    Une fois passé le premier choc, j’en viens à me demander ce qu’il fait là. Ma réponse vient rapidement. Un instant plus tard, Jérém me tend la main et me balance :

    — Tiens, je pense que ça c’est à toi.

    Dans sa paume, les clés de la maison que j’ai cherché partout depuis notre dernière rencontre.

    J’espérais ne pas les avoir perdues chez lui. Ni chez le gars du ON OFF. Je ne me sentais pas le courage d’aller les réclamer, ni à l’un, ni à l’autre.

    Un frisson inouï se diffuse sur toute ma peau, hérisse tous mes poils, des décharges électriques puissantes se propageant le long de ma colonne vertébrale, lorsque j’effleure le bout de ses doigts pour les récupérer.

    Je n’ai pas le temps de me remettre de cette émotion que déjà le bogoss me balance :

    — Bye, toujours aussi détaché, tout en amorçant le mouvement de faire demi-tour pour repartir.

    Aaaaaaaahhhhh, non, pas si vite ! Je ne peux pas le laisser repartir, je ne peux pas, je ne peux pas.

    Je cherche n’importe quoi pour le retenir.

    — Jérém !

    — Quoi ? fait le petit con à casquette, en interrompant net son mouvement.

    Et là, le seul truc qui me vient à l’esprit c’est :

    — Tu veux une bière ? 

    Je ne sais même pas s’il y en a au frigo, mais je tente le tout pour le tout.

    —J’ai pas le temps… 

    — Ou alors… tu veux autre chose… ? oui, là je tente vraiment le tout pour le tout, y a personne à la maison, on sera tranquilles… 

    J’ose à peine le regarder. Jérém est en train de sourire, je crois même en train de se moquer de moi.

    J’ai dû balancer ça sur un ton tellement pitoyable, j’ai dû me ridiculiser comme jamais.

    Mais son sourire est tellement beau, tellement aveuglant, tellement sexy que je ne regretterais jamais de tout tenter pour le retenir.

    Puis, son sourire laisse la place à un regard perçant, un regard qui semble lire en moi comme dans un livre ouvert. Il y a un truc tellement intense dans son regard, un truc sauvage et puissant, comme s’il pouvait te baiser de ce simple regard, putain de mec !

    Oui, seul celui qui te blesse, peut te faire te sentir mieux.

    Commentaires

    ZurilHoros

    25/06/2020 19:07

    Retrouver Thibaut est toujours la perspective d’un épisode interessant en raison de sa proximité avec les deux héros.  Ces personnages sont tellement vivants que quelque part, on se retrouve avec des petits bouts de nous dans chacun d’eux. On peut lire une histoire romanesque mais aussi une sorte de manuel d’apprentissage de la vie.  Il y a des épisodes qui élèvent et d’autre qui abattent. Celui là fait partie de la deuxième catégorie. La perception des choses n’est pas objective, elle dépend de l’information qu’on reçoit et elle change d’épisode en épisode. Pourtant Thibaut ne change pas vraiment . « Thibault sait qu’il ne doit, qu’il ne peut pas céder à ces envies, car, même s’il a pu prendre part à un épisode de leur histoire en tant qu’invité spécial, cette histoire leur appartient.  Les personnages principaux de cette histoire sont Jéjé et Nico, et lui, Thibault n’est qu’un second rôle tout juste crédité au générique de fin ». Au moins c’est clair. On peut aussi remarquer une règle évidente qu’on ne voit pas toujours. Le généreux attire l’égoïste, ou l’inverse. Le généreux donne et l’égoïste reçoit, c’est dans l’ordre des choses. Si tu n’as plus trop confiance dans les rapports humains, ça ne va pas s’arranger. On t’a donné un caractère généreux, altruiste et on t’a donné deux beaux spécimens d’égoïstes. Jérém, tu l’aimes, tu le mets en valeur, mais après qu’il ait devant toi exprimé son mépris des suceurs de bites, il voudrait bien que tu suces la sienne. Et en plus il te dit même que t’en crèves d’envie. Ce qui montre que sa conscience n’est pas si altérée que ça. Et une fois qu’il a décuvé, il ne fera pas un pas vers toi. Tu l’as mal habitué et son égo passe avant ta sensibilité. Et le petit Nico? si tu enlèves le « petit » qui fausse le regard, Jérém n’a pas tort dans sa description. Quand il vient te voir, c’est toujours intéressé et oui, on claque des doigts et il rapplique à n’importe quelle heure. Ce n’est pas très classe de dire ça, et ne reflète pas tout mais on ne peut pas dire que ce soit faux non plus. Avant que tu ne lui donnes des photos de Jérém, lui fantasmait sur ta bite pendant que tu prenais ta douche. Moi, je te prendrais bien chez moi, mais tu es peut être trop beau, trop gentil pour exister vraiment. C’est peut être pour ça que Fabien te traite si mal. 

    Gripsou22

    22/04/2017 19:55

    Super épisode ! Il est excitant et aussi touchant.J’ai beaucoup aimé la tirade de Jerem contre Nico. Bien sûr c’est énervant dans un certain sens qu’il s’en prenne à Nico comme ça mais on comprend bien que c’est pour lui la seule « solution » pour se voiler la face. Après cet épisode le suspens est vraiment à son comble.

    Etienne

    22/04/2017 23:17

    Super Fabien ! Très impatient de savoir si Thibault arrivera à prendre de la distance et à s’en tenir à sa décision… Mais je soupçonne que le voir assumer ses envies profondes, que ce soit avec Jéjé ou encore plus avec Nico pourrait être fort intéressant… Vite la suite !! (enfin, quand tu peux !!!) Etienne

    Yann

    21/04/2017 15:24

     Même si ce n’est qu’une histoire elle m’a vraiment touché par son réalisme. Un réalisme qui, par de multiples similitudes, me renvoie des années en arrière. A cette frontière, mal définie quand on est jeune, qui sépare une amitié sincère et profonde entre potes et ce qui va bien au-delà de la simple amitié : le désir de partager plus. Cette chose que l’on découvre en suivant son instinct là où il nous guide sans encore vraiment parvenir à la comprendre. Un instinct qui nous porte et dont on ne maitrise pas l’orientation qu’il donne à nos envies. La crainte de briser une amitié par des signes trop explicites avec le risque que, ce qui relève de l’intime, soit révélé à tout le monde et parallèlement l’attente d’un signe, comme une invitation de l’autre à aller plus loin qui ne vient pas, qui ne viendra jamais. Le plaisir d’être très proche  de celui qu’on désir et la douleur de ne pas lui faire partager tout ce que l’on voudrait et que l’on ressent. La seule différence entre cette histoire et la mienne est que mon pote ne semblait pas attiré par les garçons alors que moi je l’étais au point d’en être fou amoureux. Les nuits à me branler en pensant à lui et les nuits à pleurer sur cet amour impossible. Jerem et Thibaut découvrent tous les deux là où leur instinct les dirige tout en réagissant bien différemment. Jérem se défends d’être PD du fait que c’est Nico qui l’a branché. Nico qu’il rabaisse à une petite pute pour encore mieux se rassurer. Sauf que sont trouble grandit au fur et à mesure qu’il se rend compte qu’il aime cela et qu’il en redemande. Pour Thibault, en mec bien dans ses pompes,  son attirance pour son pote ne semble pas le troubler plus que cela. Sa seule crainte, pour ne pas risquer de briser son amitié avec Jerem, était de ne pas trop se dévoiler et d’attendre un signe de lui en retour. Depuis qu’il connait Nico et sa relation avec  Jerem cette crainte a cédé la place à de nouvelles préoccupations. Son attirance pour Nico chez qui il apprécie la gentillesse, sa sensibilité et sa tendresse mais aussi, pour d’autres raisons, son attirance pour Jerem son pote de toujours avec la crainte de tout gâcher entre eux trois. Un grand merci Fabien pour ce bel épisode si touchant Yann

  • JN01102 Un Canal ne sera jamais une autre rivière.

    JN01102 Un Canal ne sera jamais une autre rivière.

    Dimanche 29 juillet 2001, 2h32.

    En empruntant de boulevard Carnot, je réalise à quel point à cette heure-ci la nuit est douce et les rues désertes. J’aime ce calme qui s’empare des rues des villes après une certaine heure de la nuit et avant une certaine autre heure du petit matin. C’est un moment qui n’est jamais trop long, une heure ou deux, où on a l’impression que tout le monde semble couché et personne ne semble encore levé.

    Le temps semble comme suspendu, assis sur les toits de la ville, en train de profiter lui aussi de la fraîcheur de la nuit.

    Ce silence me fait du bien, m’apaise. Après ce que vient de se passer avec Jérém, je suis sonné. J’ai un bout à faire pour rentrer chez moi, et je n’ai pas envie de marcher. Je n’ai pas vraiment envie de retrouver ma chambre, je ne veux pas me retrouver seul dans mon lit. Je n’ai pas envie de pleurer toutes les larmes de mon cœur. Je n’ai pas envie de m’endormir, tout simplement pour ne pas avoir à me réveiller demain, car je sais que je me réveillerai avec le cœur meurtri. Alors, j’ai envie de faire durer cette nuit le plus longtemps possible.

    Voilà pourquoi, j’imagine, une force irrépressible me fait revenir vers le Canal. Je le longe jusqu’à l’enseigne rouge lumineuse du ON OFF. Je m’arrête à quelques dizaines de mètres, côté Canal, je la fixe, comme en état d’hypnose.

    Je ne sais même par pourquoi je suis venu jusqu’ici. Il est tard, et je n’ai même pas la tenue pour rentrer. De toute façon, pourquoi rentrerais-je ? Pour tenter d’aborder un mec, pour ne pas être seul avec ta déception ? Quel mec voudrait de moi avec cette tête ? Et puis, qu’est-ce qu’un inconnu pourrait m’apporter cette nuit, comment pourrait-il me faire oublier la blessure profonde qu’a provoqué en moi le « Dégage ! » lancé par le garçon que j’aime ?

    Et maintenant, j’ai encore plus de route pour rentrer chez moi. Mais il faut bien y aller. Et le plus tôt ce sera le mieux. Car, plus les minutes passent, plus mon envie de marcher faiblit.

    Je m’apprête à faire demi-tour et à prendre le chemin de la maison, lorsque je capte le regard d’un mec en train de fumer juste en dessous de l’enseigne lumineuse ON OFF. Et une immense nostalgie s’empare de moi lorsque je réalise qu’il est installé presqu’au même endroit où mon bobrun avait fumé sa cigarette la nuit où il m’avait entraîné dans cette boîte.

    Le mec me regarde de façon insistante. Je le regarde à mon tour, cherchant à comprendre si vraiment il s’intéresse à moi. Je crois que c’est le cas. Je ressens une sensation grisante à l’idée de plaire à ce garçon. Car il me plaît aussi. Il me plaît bien. Il me plaît beaucoup. Et cela provoque en moi un soudain regain d’énergie.

    Le mec fait 1 mètre 70 environ, il un physique plutôt normal, il porte un t-shirt bleu avec le col en V, un jeans clair, des baskets blanches. Il est charmant.

    Devant ce beau garçon qui semble s’intéresser à moi, mon cœur meurtri semble s’apaiser. La séduction est un calmant très puissant.

    Le bel inconnu semble esquisser un petit sourire, accompagné par un petit signe de la tête m’invitant clairement à m’approcher de lui et à le rejoindre.

    — Tu en veux une ? il me demande, dès que je mets le pied sur le trottoir, en me tendant son paquet de clopes.

    Vu de près, il est encore plus mignon. Il doit avoir quelques années de plus que moi, 23 ou 24, je pense.

    — Non, merci, je ne fume pas…

    — Qu’est-ce que tu cherches par ici, à cette heure-ci ? il me questionne, après avoir expiré un bon nuage de fumée.

    — Je sais pas trop…

    — On va chez moi ? il va droit au but.

    — Je… je… je sais pas… je bégaie, pris au dépourvu par son approche extrêmement directe.

    Je ne m’attendais pas à ça. Je n’ai encore jamais été confronté à ce genre de drague.

    — Comment, ça, tu sais pas ?

    — Je crois que j’ai envie, oui… je tente de me rattraper.

    — Je te plais ?

    — Ah oui, tu es très mignon…

    — Alors, on y va ou quoi ?

    — On y va…

    Nous marchons côté à coté dans la fraicheur de la nuit. La situation, inédite pour moi, a un je-ne-sais-quoi de déstabilisant et de terriblement excitant. Jamais je n’ai été abordé par un mec de cette façon, me proposant de le suivre chez lui, pour un plan, au bout d’à peine dix phrases.

    Nous marchons en silence, un silence qui ne semble pas vraiment le perturber. Mais pour moi, ce silence devient un peu plus gênant à chaque pas. Cette situation devient un peu plus gênante à chaque pas.

    Je ne sais pas trop de quoi lui parler, je n’ose pas lui parler. Je crois qu’il n’a pas spécialement envie de me parler. Je ne sais pas trop comment me comporter, et je ne sais pas si je vais être à l’aise lorsque nous serons dans son appart.

    Je repense à Stéphane qui m’avait lui aussi invité dans son appart juste après notre rencontre. Mais, dès les premiers instants, il avait su me mettre à l’aise, il avait été adorable. Il m’avait invité chez lui pour prendre un verre, et il ne s’était rien passé.

    Avec ce mec, je sens que les choses ne vont pas du tout se passer de la même façon. Il l’a clairement annoncé, il a juste envie d’un plan.

    Est-ce que c’est de ça que j’ai envie ? Je crois qu’au fond de moi, j’ai surtout besoin d’une épaule sur laquelle pleurer. Au fond de moi, c’est d’un Stéphane dont j’ai besoin. Que devient-il ce très charmant garçon ? Si seulement il était encore sur Toulouse !

    Je sens que mes attentes et celles de ce garçon ne sont pas les mêmes. Jusqu’où je suis prêt à aller pour oublier ma tristesse et ma solitude ?

    Désormais, c’est trop tard pour faire demi-tour. Je n’oserais pas le planter là comme un con. Je me dis qu’il va bien y avoir du bon à prendre avec ce garçon, déjà parce qu’il n’est vraiment pas moche.

    Nous traversons le Canal et nous arrivons devant un grand immeuble. Le mec tape le digicode, nous traversons le hall et nous prenons l’ascenseur.

    Dans le petit espace, je me sens de plus en plus mal à l’aise. Je ne sais pas quoi lui dire, je ne sais pas quoi faire. Les quelques secondes que dure l’ascension me paraissent interminables. J’ai l’impression de perdre tous mes moyens.

    Le mec me plaît, mais pas la situation, pas du tout. Je me surprends à me demander qu’est-ce que je fais là. Je suis à deux doigts de repartir illico. Car c’est avec mon Jérém que j’ai envie d’être, avec lui et personne d’autre.

    La porte de son appart renfermée derrière nous, le gars me plaque contre la cloison, sa langue s’enfonce dans ma bouche. Mais son élan est aussi enflammé que bref. Quelques instants plus tard, il attrape le bas de mon t-shirt et le remonte le long de mon torse. Je n’ai plus qu’à suivre le mouvement en levant les bras, et je me retrouve torse nu.

    Il commence à me bouffer les tétons, provoquant chez moi une érection immédiate. Il me lèche fougueusement, sa langue court partout, curieuse, humide, avisée. Elle descend le long de mon torse jusqu’à mon nombril, provoquant d’intenses frissons sur son passage.

    Pourtant je suis toujours ailleurs. Je repense sans cesse à Jérém, à son corps, à nos corps à corps

    Le gars défait ma ceinture, ouvre mon short, descend mon boxer et me prend direct en bouche. Expérience quasi-inédite pour moi, car seul Stéphane m’avait offert ça jusque-là. Expérience qui se révèle d’ailleurs très agréable, car le mec sait plutôt bien faire.

    Je commence à y prendre goût, mais là aussi sa fougue se révèle aussi intense qu’éphémère.

    Très vite, le type se remet debout, se débarrasse de son t-shirt bleu, dévoilant ainsi un joli torse élancé et imberbe qui se révèle être une brûlante invitation au plaisir.

    Le gars défait sa braguette, baisse son boxer. Il s’approche de moi, me regarde droit dans les yeux.

    — Vas-y, suce ! m’intime son regard silencieux et impatient.

    Pendant que je me mets à genoux, je me revois en train de me mettre à genoux devant mon Jérém une heure plus tôt dans l’entrée de son immeuble.

    J’entreprends alors de le sucer, bien déterminé à m’appliquer pour lui faire plaisir.

    Pourtant, j’ai du mal à trouver les bons boutons, à découvrir les zones sensibles. Avec Jérém, je sais exactement où toucher, caresser, lécher, pour le faire monter au rideau.

    Ce n’est pas le cas avec ce gars. De plus, il n’est vraiment pas du genre très expressif. Ca fait déjà un petit moment que je le suce, j’ai essayé à peu près tous les trucs qui peuvent faire délirer un mec. Pourtant, pas un mot, pas un gémissement, sa respiration ne semble même pas s’affoler.

    Est-ce qu’il aime seulement ce que je suis en train de lui faire ? Ou bien regrette-t-il déjà de m’avoir invité chez lui ?

    Je finis par me dire que je suis vraiment mauvais. Je dois l’être. On ne fait pas les choses comme il faut lorsque le cœur n’y est pas. Et là, dans cet appart, avec ce gars, le cœur n’y est pas, pas du tout.

    En temps normal, sucer un beau garçon est tout ce que j’aime. Mais là, je crois que mon excitation est carrément en train de retomber.

    Je suis également inquiet au sujet des intentions de ce mec. Car il est des choses que j’ai envie avec mon Jérém, et qu’avec lui. J’ignore s’il est clean ou pas, j’ignore où il en est de son cheminement vers le plaisir, et j’ignore s’il va me prévenir lorsqu’il va approcher du but.

    Alors, je prends quand même un instant pour lui dire que je ne veux pas qu’il jouisse dans ma bouche.

    — Tu te fais sodo ? il me demande en retour.

    Je redoutais qu’il ait envie de ça. Le gars est beau, il est sexy, il est bandant. Mais mon cœur n’y est toujours pas. J’ai voulu coucher avec un mec pour ne pas penser à mon Jérém. Et pourtant, je n’ai cessé de penser à lui depuis que j’ai rencontré ce gars.

    Une minute plus tard, nous avons gagné sa chambre, je suis sur son lit, allongé sur le ventre.

    Je l’entends déchirer l’emballage de la capote, la sortir et la glisser sur sa queue. Puis, il applique du gel sur sa queue et entre mes fesses.

    Mais malgré ses précautions, mes muscles ne semblent pas vouloir céder. C’est peut-être le corps qui dit non à la place de la tête qui n’ose pas dire non.

    Le gars s’y reprend plusieurs fois, mais je n’arrive pas à me décrisper. Je prends sur moi, et il arrive quand-même à s’enfoncer en moi. J’ai mal tout le long, mais je me dis que lorsque ses coups de reins vont démarrer, mes muscles vont se détendre, et que je vais finir par prendre mon pied.

    Au fil de ses va-et-vient, la douleur finit par disparaître. Mais je ne prends pas vraiment de plaisir pour autant.

    Déjà, le mec ne s’occupe que de son bon plaisir. Bien sûr, cela ne m’a jamais gêné avec Jérém.

    Le fait est qu’avec Jérém, l’alchimie entre mes envies et les siennes, entre mes attentes et les siennes a été pleine et parfaite dès la première fois. Avec Jérém, c’était comme si nos corps se connaissaient depuis toujours. Avec Jérém, c’était une évidence.

    J’ai connu d’autres alchimies, d’autres évidences, avec Stéphane, avec Thibault. Ces garçons ont su me mettre à l’aise, me faire me sentir bien. Dans ces conditions, le plaisir nous tend la main à coup sûr.

    Tous ces gars, et Jérém plus que les autres, se sont montrés très expressifs pendant l’amour. Leurs corps ont exprimé le plaisir que je leur apportais au travers de contacts plus ou moins brutaux, plus ou moins sensuels, plus ou moins tendres, par des gémissements, des ahanements, de râles de plaisir.

    Ce gars me baise sans presque me toucher, et dans un silence total. Je n’ai aucun retour de son plaisir.

    Je commence à fatiguer, à ressentir une douleur aux reins, je flippe à mort que la capote puisse casser. Alors, non, je ne prends pas de plaisir, et je recommence même à avoir mal.

    Qu’est-ce que je donnerais pour que ce soit Jérém, mon beau Jérém, entre mes fesses, à la place de ce gars, sans avoir peur que la capote casse, parce qu’il n’y en aurait pas…

    Heureusement, le gars vient assez rapidement. Mais même en jouissant, il est aux antipodes des rugissements de jouissance de mon petit con de Jérém. Ainsi, je réalise qu’il a joui lorsque ses coups de reins cessent, lorsqu’il se retire de moi, et lorsque je le vois enlever sa capote, et lui faire un nœud. 

    A défaut d’avoir pris du plaisir, je suis au moins je suis rassuré de ce côté-là. La capote a tenu bon.

    Le mec attrape un t-shirt gris et un boxer noir dans le placard ouvert à côté du lit. Il les passe en silence, s’approche d’une fenêtre et se grille une clope. Comme s’il était seul dans la pièce. Comme j’ai tant de fois vu mon Jérém le faire.

    Il ne s’est même pas informé si j’ai joui, ou si j’ai envie de jouir. A l’évidence, le mec considère que je n’ai pas besoin de jouir. Comme j’ai tant de fois vu mon Jérém le faire. Mais Jérém, c’est Jérém.

    De toute façon, je n’ai pas envie de jouir. J’ai eu tellement mal, j’étais tellement stressé, j’étais tellement ailleurs que j’ai débandé.

    Je sais que je n’ai rien de plus à attendre de ce mec, ni un câlin, ni un baiser, ni un quelconque échange, et encore moins de la tendresse. Je ne m’attends pas à un verre, ou à ce qu’il me demande de rester dormir, et encore moins qu’il me file son portable ou qu’il me dise qu’il a envie de me revoir.

    Il voulait un plan, juste un plan, j’ai été son plan, comme d’autres mecs auraient pu l’être à ma place. Je l’ai bien voulu aussi. Mais pas pour les bonnes raisons. J’ai voulu fuir ma solitude et ma tristesse, elles me rattrapent encore plus violemment après cette petite digression.

    Je me sens vidé de mon énergie, tout accaparé par mon malaise. Et là, le gars va m’achever.

    — Je vais te demander de partir, je vais me coucher, je l’entends lâcher froidement, alors qu’il écrase son mégot.

    Je me fais violence pour me lever du lit, regagner le séjour, rassembler mes vêtements, me rhabiller.

    J’ai envie de lui dire que c’était bien, même si je ne le pense pas. C’est con, même si je n’ai pas vraiment pris mon pied, je n’arrive pas à me dire qu’on a baisé, qu’on va se dire au revoir, mais qu’en fait on n’a pas la moindre envie de se revoir.

    Bien sûr, je savais dans quoi je m’embarquais. Mais la violence du rappel à la réalité est particulièrement violente et humiliante. Surtout cette nuit, surtout dans l’état de détresse qui est le mien.

    — Salut… je lui lance en passant la porte.

    — Ouais, salut… il me glisse laconique pendant qu’il referme le battant presque sur mon nez.

    En marchant le long du Canal, je me sens envahi par un sentiment de tristesse et de désolation. Une fois de plus, j’ai l’impression de n’avoir été qu’un jouet sexuel, rien de plus.

    Les plans, c’est à double tranchant. De premier abord, ils semblent avoir un côté terriblement excitant. Mais ils laissent souvent un arrière-goût amer.

    Soudain, je réalise que je ne connais même pas mon prénom. Et qu’il ne connaît pas le mien non plus. Nous n’avons même pas pris le temps d’échanger cette politesse élémentaire.

    Je réalise que je me suis fait sauter par un parfait inconnu.

    Et je ressens une sorte de vertige en pensant que demain matin le gars aura déjà oublié mon visage, ma bite, mon cul. Et que demain soir il lèvera peut-être un autre mec, sans le moindre état d’âme.

    Je ne peux m’empêcher de ressentir un malaise à l’idée d’avoir d’une certaine façon « trompé » Jérém.

    Je me dis que le fait de coucher avec un autre gars est une façon d’accepter le fait que c’est vraiment fini entre nous.

    Love lift us up where we belong/L’amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
    Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d’une montagne

    Je suis presque arrivé chez moi lorsque, dans un éclair, comme une évidence éclatante, je trouve enfin d’où viennent ces de couplets qui me prennent la tête dès l’instant où je les ai entendus dans « Moulin Rouge ».

    Ça fait quelques années déjà que j’ai vu le film dont cette chanson est issue, quelques années déjà que j’ai été sensible au charme ravageur d’un jeune Richard Gere. Charme qui, je dois l’avouer, m’a accompagné lors de quelques bonnes branlettes d’adolescent.

    Alors, dans ma tête, je remplace la voix sexy et jeune d’Ewan par la voix rocailleuse de Joe Cocker.

    En repensant à la scène de Moulin Rouge, je me dis que finalement Christian se trompe lorsqu’il clame ces couplets à Satine.

    Et que c’est cette dernière qui a raison, lorsqu’elle lui rétorque, sur le même air :


    Love makes us act like we are fools/L’amour nous fait agir comme si nous étions fous,
    Throw lifes away, for one happy day !/Gâche nos vies, pour un jour de bonheur !

    Oui, l’amour peut nous amener très haut, mais il peut tout aussi bien nous mettre plus bas que terre.

    « La plus grande chose que vous apprendrez jamais/Est juste d’aimer et d’être aimé en retour ».

    Si seulement, si seulement !

    Ce que je retiens de cette nuit, est que l’ivresse éphémère de traverser un canal vers un plan cul n’a rien à voir avec le bonheur inouï de tenter de franchir une rivière pour essayer de rejoindre le garçon aimé.

    Commentaires

    ZurilHoros

    02/07/2020 14:01

    Est ce que, au moment d’écrire cet épisode, la suite de l’histoire était décidée? On ne le dirait pas.  Voilà Julien, un nouveau personnage extrèmement sympathique. Ou plutôt, un type sympa, ce qui est un peu différent. Sinon que dire : Plus tard dans cette histoire, lorsque je repenserai à mon abnégation de l’époque, à mon aveuglement, à ma faiblesse face aux sentiments que ce petit con de Jérém m’inspirait… lorsque je me souviens à tout ce que j’étais disposé à faire, endurer, supporter, essayer, attendre, souffrir pour ce mec… parfois je me dirais que j’ai été vraiment limite maso… mais surtout, très con… très con de ne pas savoir su m’imposer, de ne pas être arrivé à obtenir de cette relation un iota de plus que ce que Jérém était prêt à me donner… très nul de ne pas l’ avoir envoyé chier lorsque la situation l’imposait clairement…  Encore aujourd’hui, tant d’années plus tard, je me dis que si j’avais la possibilité de monter dans une Delorean volante et de rattraper le Nico de mes 18 ans, je lui mettrais des baffes… et je lui crierais à tue-tête… « Bon sang, réveille-toi ! Ne te laisse pas faire… dis-lui tes quatre vérités… il a besoin de ça… d’être remis à sa place… à force de ne pas oser, tu rends service à personne… ni à toi, ni à lui, ni à votre relation… ». Ca, c’est certain, mais il ne t’a pas laissé trop de choix. Si tu n’avais pas été soumis, il ne ce serait rien passé.  La question est plus, est-ce que cela en valait la peine et aussi de s’interroger jusqu’ou vous pouviez aller sur ce terrain. Quand on se fait si peu respecter, est-ce qu’on ne finit pas pas s’abimer dans les yeux de l’autre? Jérém dyslexique. Ça alors. Mon petit Jérém… ainsi, sous ses airs de cancre, se cachait un enfant qui a du mal à apprendre. Pourquoi j’ai soudainement envie de courir le rejoindre où qu’il se trouve et de le serrer très fort dans mes bras ? C’est tout ce que ça lui fait? Je me demande toujours si Nico n’est pas dans un genre de délire sexuel ou Jerem n’est qu’un moyen. Il le connait si peu, que même après leur semaine de révision, il ne s’est pas rendu compte de la dyslexie de Jérém!  Il continue de croire que ses sms illisibles n’étaient que la conséquence une orthographe de nul.  Il faut que lui aussi grandisse parce qu’il n’est pas ce qu’il croit être.  C’est Thibaut qui fait un sans fautes. Quelle chance pour Nico de le côtoyer 

    Yann

    03/04/2017 16:08

    Cette nuit mémorable fait poser à Nico beaucoup de questions. Sa passivité doit-elle  lui faire tout accepter de Jerem ? Probablement que l’attitude de Thibault à son égard n’est pas étrangère à son questionnement. L’expérience lui ouvre les yeux et le fait murir. Une chose est sure, Thibault ne semble pas lui en vouloir de cette soirée. Va-t-il en être de même pour Jerem ? Rien n’est moins certain et que va-t-il se passer à l’appart de Thibault ? On sent tout le plaisir que tu retires de l’écriture merci Fabien de nous le faire partager quand on sait le travail que ça représente pour toi.

  • JN01101 Quand la rivière est trop large.

    JN01101 Quand la rivière est trop large.

    Toulouse, le samedi 28 juillet 2001, début de soirée.

    Bien évidemment, mon SMS de la veille autant que mon message vocal de ce matin sont restés sans réponse. Impossible qu’il ne les ait pas vus. Et pourtant, il n’a pas pris la peine d’y répondre.

    Dans quelques heures, ça fera une semaine que cette nuit de folie avec Jérém et Thibault a eu lieu. Une semaine déjà.

    Ce soir, je n’ai pas envie de rester seul. Heureusement, quand ça ne va pas fort, je peux toujours compter sur la meilleure des cousines. C’est comme si elle sentait quand j’ai besoin de me changer les idées.

    Son coup de fil est arrivé en milieu d’après-midi. C’était pour me proposer de nous faire un ciné le soir même. J’avais accepté de bonne grâce, bien heureux de profiter pendant quelques heures de sa compagnie.

    — A propos, il faut que je te dise… elle m’avait lancé

    — Me dire quoi ?

    — Je ne serai pas seule, mon Nico…

    — Tu te ramènes avec l’une de tes copines ?

    — Naaaan…

    — Ne me dis pas que tu viens avec un mec ?!

    — Si !

    — Il s’appelle ?

    — Philippe !

    — Tu le vois depuis quand ?

    — Quelques jours…

    — Et tu m’as rien dit…

    — J’attendais de voir comment ça allait évoluer…

    — Il est bien ?

    — Il a l’air…

    — Vraiment bien ?

    — Je te dirai ça quand j’aurai testé toutes ses fonctionnalités…

    — Ah, ok. Et tu veux aller voir quoi au cinéma ?

    — Moulin Rouge.

    — C’est quoi comme film ?

    — Une comédie musicale haute en couleur. C’est à l’UGC Wilson, à 21 heures.

    — Ok, ok, j’y serai.

    — T’as intérêt !

    Alors, ça, Elodie avec un mec… Je suis très heureux pour elle. Elle mérite sa part de bonheur, ma cousine.

    Dans l’après-midi, le vent d’Autan se lève. En début de soirée, il souffle de plus en plus fort.

    Lorsque j’arrive devant le cinéma, Elodie et son mec sont déjà là.

    Philippe est un petit brun d’un mètre 70, avec un physique pas très musclé mais néanmoins très agréable à regarder. C’est un garçon très séduisant, avec de très beaux cheveux ondulés, qui ont l’air très doux. Il arbore un joli duvet de barbe de plusieurs jours. Ses yeux noisette projettent un regard doux, parfois rêveur, toujours charmant. Et ses lunettes carrées lui donnent un petit air d’intello sexy.

    La première impression en l’entendant parler est celle d’un garçon d’une grande gentillesse, et même plutôt drôle.

    Le film démarre sur un propos triste mais intriguant.

    There was a boy/Il y avait un garçon

    A very strange enchanted boy/Un garçon charmant très étrange

    (…) And then one day/Et puis un jour

    One magic day he passed my way/Un jour magique il a croisé ma route

    (…) The greatest thing you’ll ever learn/La plus grande chose que vous apprendrez jamais

    Is just to love and be loved in return/Est juste d’aimer et d’être aimé en retour

    Puis, on est très vite entrainés dans le tourbillon de cette pure folie visuelle, de ce déluge de décors et de couleurs, doublée d’un incessant délire musical.

    Moulin Rouge est une incroyable féerie cinématographique. Nicole Kidman est somptueuse. Quant à Ewan McGregor, assis devant sa machine à écrire, dans son petit débardeur blanc, il est juste craquant.

    Les tableaux s’enchaînent, sans répit. Puis, vient cette fabuleuse scène chez Satine, dans l’Eléphant-alcôve. Et là, au milieu de ce délicieux pot-pourri d’extraits d’autres monuments de la chanson, la voix d’Ewan s’élève pour entonner un air et des mots qui ont une résonnance particulière en moi.

    Love lift us up where we belong/L’amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
    Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d’une montagne

    Je sais que j’ai déjà entendu ces couplets, cet air. Je sais qu’ils font partie d’une chanson très connue, j’essaie de me la passer et repasser dans la tête pour retrouver le souvenir qui m’échappe, mais impossible d’y mettre la main dessus. Mais où est-ce que j’ai déjà entendu cette chanson ? Qui la chante donc ? Aaaaah, ça m’énerve !

    Les scènes se succèdent à un rythme infernal. Vient ensuite la seule chanson originale du film, celle qui me touche le plus profondément de toutes. La voix d’Ewan McGregor est une pure caresse pour les oreilles et pour l’esprit, et l’interprétation de Nicole n’est pas en reste. Mais c’est le texte qui me frappe le plus intensément. Car il colle si bien à ce que je ressens…

    (…) aucune montagne n’est trop haute, aucun fleuve n’est trop large
    (…) Les nuages de l’orage peuvent s’amonceler, les étoiles s’entrechoquer
    Je t’aimerai jusqu’à la fin des temps

    (…) Quoi qu’il advienne/Je t’aimerai jusqu’à mon dernier jour

    Lorsque la chanson se termine, j’ai les yeux embués de larmes. Et je suis saisi par une puissante envie de courir à la brasserie, et dire tout haut à mon Jérém ce que je ressens pour lui.

    Non, ça ne peut pas se finir comme ça entre nous deux. Ça ne peut pas se finir tout court, d’ailleurs !

    Ça ne peut pas se finir chez moi, dans mon lit, blotti dans le noir, mon visage plongé dans sa chemise, dans son t-shirt, cherchant à retenir son odeur, et les souvenir de notre trop courte histoire.

    Je dois me battre pour cela. Car, comme le dit la même chanson :

    Soudain le monde semble être un endroit parfait
    (…) Et tout tourne autour de toi

    Le final étant annoncé depuis le départ, ça devrait préparer le spectateur à l’inéluctable. Ce n’est pas le cas, en tout cas pas pour moi. Les larmes me submergent. Elles me submergent à cause de ce final, justement. Mais elles me submergent aussi et surtout parce que je sais désormais ce que j’ai à faire vis-à-vis de mon bobrun. Aller le retrouver, sans plus attendre, et lui dire ce que je ressens pour lui. Aucune rivière n’est trop large, aucune montagne trop haute.

    Lorsque nous quittons le cinéma, j’ai juste envie de courir à la brasserie pour crier à Jérém à quel point il me manque, à quel point il est tout pour moi.

    Il est minuit lorsque ma cousine me dépose devant chez moi. Je la regarde repartir avec son Philippe, et je me dis une fois de plus que je suis vraiment content pour elle.

    Les couplets de cette chanson me reviennent à l’esprit.

    Love lift us up where we belong/L’amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
    Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d’une montagne

    Mais bon sang, où est-ce que j’ai déjà entendu ça ? Je connais cette mélodie. Je la joue sans cesse dans ma tête, à chaque fois j’ai l’impression que je vais retrouver la source, puis non, l’espoir est une nouvelle fois déçu, dans ma tête l’écran reste noir.

    J’ai dit à ma cousine que je rentrais pour ne pas qu’elle me pose de questions. Mais mes projets sont autres. Je remonte les allées, je laisse mes jambes me porter vers la rue de la Colombette.

    Je passe devant la Ciguë, ce bar à mecs en bas de la rue de la Colombette, avec sa façade discrète et sombre. Je la remonte jusqu’à la façade de l’immeuble de l’appart de Jérém. Impossible pour moi de ne pas ressentir une profonde nostalgie, un déchirement intérieur, devant la façade aux volets bleus entourés de brique toulousaine, devant cette porte bleue que j’ai franchi tant de fois le cœur battant la chamade. Impossible de ne pas ressentir une grande tristesse à l’idée que plus jamais je ne pénètrerai dans ce théâtre bientôt désaffecté ou il s’est joué tant de scènes importantes de ma vie.

    Je descends la rue, le cœur lourd, au bord des larmes, les paroles de — Your Song » en boucle dans ma tête.

    It’s a little bit funny, this feeling inside/C’est assez drôle, cette sensation intérieure
    I’m not one of those, who can easily hide/Je ne suis pas de ceux qui peuvent facilement la cacher

    (…)

    How wonderful life is while you’re in the world/Comme la vie est belle quand tu es dans le monde.

    Je reviens vers boulevard Carnot, je marche vers le Capitole, je coupe rue d’Alsace-Lorraine. C’est l’une des rues les plus animées de la ville en pleine journée. Mais à cette heure-ci, avec ses boutiques fermées, et la plupart les vitrines carrément éteintes, elle affiche plutôt une allure de rue fantôme.

    Une force d’attraction irrépressible m’attire vers Esquirol. En même temps qu’une autre, d’intensité égale mais contraire, semble ralentir mes pas. Le cœur crie « vas-y, putain, Nico, cours, tu en meurs d’envie. Alors que la tête dit « tiens-toi au loin, ce n’est pas une bonne idée ».

    Mais jambes n’en font qu’à leurs pieds. A Esquirol, je le vois de loin, je le vois de suite. Le voilà, mon Jérém, beau comme un dieu dans son t-shirt noir, à l’aise avec son plateau comme s’il avait fait ça toute sa vie.

    Si seulement je savais ce qui se passe dans sa jolie tête, si je savais ce qu’il ressent vis-à-vis de ce qui s’est passé samedi dernier avec Thibault. Si seulement je savais pourquoi il ne prend pas la peine de répondre à mes messages.

    Il est beau, il est charmeur, et sa présence attire tous les regards. Et il le sait, le petit con. Il sait qu’il plaît, il sait qu’il peut avoir autant de nanas et de mecs qu’il veut, sans effort.

    Alors, pourquoi il se prendrait la tête à comprendre ce qui s’est passé samedi dernier ? Pourquoi il reviendrait vers moi ? Pourquoi s’emmerderait-il à répondre à mes sollicitations ?

    En dépit de ce que Thibault en dit, je ne crois pas que Jérém tienne si fort à moi. Il a aimé s’envoyer en l’air avec moi, il a aimé que je sois son soumis. Mais maintenant que notre relation devient trop compliquée à gérer pour lui, il appuie sur NEXT.

    Et pourtant, je ne peux me résigner à accepter que cela se passe ainsi, qu’il balaie notre relation d’un revers de main, qu’il se débarrasse de moi de cette façon, sans la moindre explication, sans le moindre mot.

    J’ai besoin de le voir une dernière fois, de lui parler une dernière fois.

    Mais comment m’y prendre ? Aller le voir à la brasserie, ce ne serait vraiment pas une bonne idée.

    Peut-être que je pourrais essayer de le capter à la sortie du taf. Si je me fie à l’heure où il a envoyé son SMS samedi dernier, il doit finir aux alentours de 2 heures. Il me reste encore une heure à attendre. Peut-être plus, car la terrasse est encore bondée.

    L’idée de tenter de l’intercepter pendant qu’il rentre chez lui me plaît bien. Mais vais-je oser ?

    En attendant de trouver le courage, j’ai le temps d’aller faire un petit tour. Je repars par la rue des Changes, je continue rue sainte Rome. En revenant au Capitole, je traverse le quartier de la Daurade, ce quartier que je connais si bien pour l’avoir fréquenté tous les jours pendant les trois ans du lycée. Je suis saisi par un pincement au cœur, par une immense nostalgie, en passant devant cette ancienne et magnifique bâtisse, ce lieu qui a été le théâtre du commencement d’un amour dévorant, ce site que je dois désormais m’habituer à appeler « mon ancien lycée ».

    En arrivant place St Pierre, j’ai envie de me poser un instant. Je suis fatigué et assoiffé. Je m’assois à une table de café, seul. A la table juste à côté est installée une joyeuse bande de potes. Ça parle fort, ça rigole, ça taquine, ça fait les beaux pour plaire aux filles. Je laisse mon regard et mon ouïe se réjouir de leur spontanéité, de leur camaraderie, de cette insouciance de jeunes mecs qui font la fête dans la douceur de la nuit toulousaine. Des mecs pour qui la vie semble si facile, si heureuse. Ils ont à peu près mon âge mais aucun d’eux semble angoissé comme je le suis par une histoire compliquée, comme que celle que je vis avec mon Jérém.

    Je ne me sens pas bien. Un sentiment de profonde solitude m’envahit au milieu de tout ce monde, de tout ce joyeux brouhaha. Un seul être manque, et le monde est dépeuplé.

    Je me lève et je pars avant que le serveur n’ait eu le temps de venir prendre la commande.

    Je me lève et je pars pour rentrer chez moi.

    Oui, chez moi.

    Finalement, je n’ai pas trouvé le courage d’aller à la rencontre de Jérém. Et je sais que je ne le trouvai pas, jamais, ni cette nuit, ni aucune autre. Il faut que je me fasse à l’idée que c’est fini. Toute rencontre que je pourrais provoquer, ce serait une rencontre de trop. Il faut savoir arrêter les dégâts à un moment.

    Et tant pis si pour moi les montagnes sont trop hautes, les fleuves trop larges, et l’amour ne me soulève pas jusque-là où je suis censé être destiné. Peut-être que, justement, je n’y suis pas destiné.

    Les films, les chansons, c’est une chose. La vie, ça en est toute autre.
    Je traverse le pont St Pierre, direction la maison.

    C’est en arrivant place St Cyprien que j’assiste à une scène inattendue.

    Deux p’tits mecs qui ont l’air à peine plus âgés que moi sont assis dans un abribus. Ils ne sont ni beaux ni moches, ce sont juste deux mecs normaux. L’un est brun, l’autre est châtain.

    Un je-ne-sais-quoi dans leur attitude m’intrigue instantanément. Intrigué, je m’arrête à une certaine distance, je dégaine mon portable et je fais semblant de textoter, tout en les matant discrètement.

    Mon intuition semble se confirmer dans les regards qu’ils échangent, par des sourires qui ne trompent pas.

    Et puis, vient ce petit rien qui dit tout. Le petit brun pose son front sur l’épaule de l’autre. Et, un instant plus tard, il pose des bisous légers, lents et tendres dans le creux de son cou. Le deuxième garçon lâche un petit sourire et penche la tête, le regard empli de ce bonheur intense, celui qu’on ressent et qu’on dégage autour de soi lorsqu’on contemple la personne qui est tout à nos yeux.

    Je ne peux être qu’heureux pour eux, et jaloux de leur jeune passion, de cet amour naissant.

    Je me dis que l’amour entre ces deux garçons, intense, palpable, réciproque, est la preuve que peu importe qui on aime, l’important, c’est aimer. Car, aimer, est la plus grande chose qui existe dans ce monde. Aimer et être aimé en retour.

    Love lifts us up where we belong/ L’amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
    Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d’une montagne

    Ça n’a plus d’importance de savoir où est-ce que j’ai déjà entendu cette chanson.

    Ce qui est important à mes yeux désormais, c’est de foncer. Courage Nico. Tu dois aller le voir, et tu dois y aller cette nuit. Tu dois le prendre entre quatre yeux et lui parler, lui dire tout ce que tu ressens, lui ouvrir ton cœur.

    S’il y a un minimum de sensibilité derrière sa plastique de fou et sa jolie petite gueule, il ne pourra pas rester insensible à ton amour. Et si toutefois ça devait être le cas, tu en auras le cœur net, et tu n’auras pas de regrets. Tu auras au moins exprimé clairement ce que tu ressens, et il l’aura au moins entendu. Tu dois lui dire, il doit savoir, à quel point il compte pour toi.

    Je dois à tout prix l’intercepter à la sortie de son taf, il faut absolument que je le vois une dernière fois avant qu’il ne quitte l’appart de la rue de la Colombette. Après, ce sera bien plus difficile de se retrouver seuls.

    Je marche au pas de course, j’ai l’impression de léviter au-dessus du pont Neuf.

    Mais lorsque j’arrive à Esquirol, la brasserie est déjà fermée.

    Un sentiment de désespoir m’envahit. Ça ne peut pas se terminer comme ça, à cause d’une stupide erreur de timing. Il faut que je le rattrape. Il est 2h30, je suis plutôt fatigué, mais je trouve la force de traverser une bonne partie de la ville pour aller retrouver mon bobrun.

    Rue de la Colombette, je sonne à son interphone. Je suis fou, il est presque trois heures. Thibault l’a bien fait une semaine plus tôt, alors, pourquoi pas moi. J’ai le cœur qui tape à tout rompre.

    J’attends pendant de longues interminables secondes, mais aucune réponse ne vient. Je sonne une nouvelle fois. Rien non plus.

    Je suis envahi par un horrible sentiment de gâchis. J’aurais dû pister la fin de son service, avoir plus de volonté, l’avoir dès le départ, j’aurais dû oser. Au lieu de quoi, je l’ai laissé filer entre mes doigts, j’ai laissé filer la dernière occasion pour rentrer dans cet appartement à jamais perdu.

    Qui sait où est maintenant mon bobrun. Il est peut-être en train de boire un verre quelque part dans la ville encore éveillée. Ou entre les cuisses d’une nana, d’une cliente de la brasserie, il y en a tant qui le dévorent des yeux. Il est peut-être avec un autre mec. Peut-être même avec Thibault.

    Va le dénicher maintenant…

    Je remonte vers le canal. J’ai envie de chialer. Mais au moment où je décide de revenir vers maison, une idée s’illumine à jour dans ma tête. Je sais peut-être où le trouver.

    Je reviens vers Jean Jaurès. L’enseigne lumineuse du On Off me fait de l’œil, je l’ignore et je m’engage dans la rue Gabriel Péri, je la descends jusqu’à Carnot. Les terrasses des bistrots commencent à se faire clairsemées. Mais la Bodega n’est pas près de fermer ses portes.

    Je rentre dans cette jolie bâtisse bien connue pour son ambiance festive.

    Et bingo, mon Jérém est là, assis autour d’une table avec ses potes. Je reconnais Thierry, ainsi que quelques-uns de ses co-équipiers de rugby. Un grand absent, apparemment. J’ai beau chercher, je ne trouve pas Thibault. Le bomécano doit dormir à l’heure qu’il est, je sais qu’il travaille le samedi matin.

    Je regarde mon bobrun en train de boire, de fumer, de discuter, de rigoler avec ses potes.

    C’est toujours un spectacle émouvant que de regarder un beau mec partager une bière avec ses potes, tout absorbé dans une discussion animée et plaisante. Une discussion qui, même sans la bande son, sent la complicité, la camaraderie, le bonheur d’être entre potes.

    Et qu’est-ce qu’il est beau, mon Jérém, dans son t-shirt noir, le même qu’il portait pendant le service à la brasserie. Le bord de la manchette gauche désormais nonchalamment retroussé au-dessus de son tatouage sexy, moulant ses biceps qui gonflent au gré des mouvements de ses bras.

    Le bobrun porte la bouteille de bière à ses lèvres pour en avaler une nouvelle rasade. C’est beau cette pomme d’Adam qui s’agite nerveusement au gré de la déglutition.

    Je prends une boisson, et je me planque dans un coin de l’autre côté de l’îlot du comptoir, à un endroit qui me permet d’observer discrètement mon bobrun, bien décidé à attendre qu’il quitte les lieux et à le rattraper lorsqu’il se décidera à rentrer chez lui. Pourvu qu’il rentre seul !

    Et pourvu qu’il n’ait pas la mauvaise idée de continuer la soirée au KL. Ce qui me rassure, c’est qu’il est déjà 3h30 et qu’ils n’ont pas l’air d’être pressés de partir. Ce qui me fait imaginer qu’il est à une ou deux bières près de prendre la direction de son appart.

    Pour une fois, j’ai vu juste. Je n’ai à attendre qu’une bière de plus et une petite demi-heure pour voir la bande de potes se lever et prendre la direction de la sortie du pub. J’attends quelques secondes et je sors moi aussi, profitant de la présence de nombreuses personnes en terrasse pour passer incognito.

    Je regarde Jérém et ses potes se claquer la bise, se bousculer en rigolant, puis se séparer. Certains prennent la direction des allées Jean Jaurès. Jérém remonte la rue Gabriel Péri avec un autre gars.

    Ah, non, pas ça ! Ils ne vont pas aller à l’appart pour une dernière bière entre mecs !

    Je les suis à une distance de prudence, je les vois partager un petit bout fumant qui laisse cette odeur si typique dans son sillage.

    Nous arrivons au canal, les deux potes tournent à droite. Putain, ils vont à appart !

    Mais, au lieu de continuer vers la rue de la Colombette, ils traversent le boulevard, s’approchent d’une voiture garée côté platanes. Ah, non, ils ne vont pas partir au KL !

    Et là, les deux potes ses serrent la main, se claquent la bise. Le mec rentre dans sa voiture et quitte le parking. Quant à mon bobrun, il continue, seul, en direction de son appart. J’aime mieux ça, enfin seul !

    Je vais donc pouvoir passer « à l’attaque ».

    Non, aucune montagne n’est trop haute, aucun fleuve n’est trop large…
    Je le regarde traverser à nouveau le boulevard et s’engager dans la rue de la Colombette. Je presse mon pas, je le rattrape.

    • Jérém ! je l’appelle.

    Le bobrun s’arrête, se retourne. Il me capte, il me regarde, sans un mot, sans expression. J’ai l’impression qu’il regarde un inconnu.

    C’est la première fois que je vois Jérém de près après cette nuit avec Thibault. J’ai l’impression de regarder un inconnu.

    — Tu fais quoi là ? il finit par lâcher.

    — Moi aussi je suis content de te revoir, je tente de rigoler.

    — T’arrives d’où ?

    — J’étais en ville avec ma cousine et je t’ai vu sortir de la Bodega…

    — Tu me pistes ou quoi ?

    — Non, non, je mens.

    Il reprend à marcher vers l’appart, sans un mot de plus.

    — Tu vas bien ? je tente de le questionner.

    — Qu’est-ce que ça peut te faire ? Qu’est-ce que tu veux ?

    Sa froideur me fait mal, mais je prends sur moi.

    — Je m’inquiétais, tu n’as pas répondu à mes messages…

    — J’ai autre chose à foutre !

    Je ne peux me contenter de ça, alors j’enchaîne.

    — J’avais envie de te revoir…

    Nous arrivons devant son immeuble. Jérém ouvre la porte et s’arrête sur le seuil, me barrant le passage.

    — Si tu rentres, c’est pour me sucer et tu te tires après, il me balance. Mais si tu es venu pour me prendre la tête, tu peux te tirer tout de suite !

    Ses mots sont violents, le ton de sa voix est dur. Je le regarde en silence, désemparé. Quoi rétorquer à de telles conditions ? C’est non négociable, c’est à prendre ou à laisser.

    Sa beauté n’a d’égal que dans sa cruauté. Elle brûle mes rétines, elle vrille mes entrailles, c’est comme une morsure, ou comme la piqûre d’un acide, elle est insoutenable, insupportable. Ce gars m’attire à lui avec une force que je ne peux contrer. Il possède un pouvoir sur moi qu’aucun autre ne détient.

    Je crève d’envie de sentir son corps se raidir, de voir sa belle petite gueule se crisper, d’entendre ses soupirs, ses gémissements, son râle sauvage au moment de l’orgasme.

    Je crève d’envie d’être à lui.

    — Laisse-moi rentrer, je finis par lâcher, tout en posant une main sur un de ses pecs durs comme du béton, pour l’inviter à reculer et à me laisser franchir la porte.

    Le bogoss me toise, oppose une résistance à mon mouvement.

    — S’il te plaît, j’insiste, tout autant avec les mots qu’avec la pression de ma main.

    Et là, pour mon plus grand bonheur, il recule enfin, et je pénètre dans la petite entrée de l’immeuble.

    Jérém n’a pas allumé la lumière. Le petit espace est de ce fait uniquement illuminé par la faible réverbération de l’éclairage public filtrant à travers les vitres opaques d’une petite lucarne située au-dessus de la porte d’entrée.

    Jérém s’est arrêté en bas de l’escalier, le dos appuyé contre le mur, et il me regarde fixement. Sa respiration est rapide, je sens les relents de son haleine alcoolisée.

    Le silence s’étire pendant de longues secondes. Jusqu’à ce que le bogoss ne se charge d’annoncer clairement la couleur.

    — Suce-moi ! fait-il en dégrafant la ceinture et en ouvrant sa braguette, laissant apparaître son boxer blanc moulant son paquet, insoutenable invitation au plaisir.

    — Ici ? je m’étonne.

    — T’es venu pour ça, non ? Ici ou ailleurs, une pipe c’est une pipe !

    — T’es sûr de ton coup ?

    — Ecoutes, soit tu me suces là et maintenant, soit tu te casses !

    Et là, je suis saisi par un furieuse envie d’être à genoux devant sa virilité conquérante, de l’avaler jusqu’à la garde, jusqu’à m’en étouffer, de le laisser me dominer avec ses coups de reins puissants et sauvages, de le laisser se défouler sans limites et sans retenue, jusqu’à avaler son jus brûlant. Ce n’est pas possible d’avoir envie de quelqu’un de la façon dont j’ai envie de ce mec !

    Un instant plus tard, je suis à genoux devant lui. Vu l’heure tardive, je surmonte avec une relative facilité la crainte de nous faire gauler et je finis par trouver rapidement la situation plutôt excitante.

    Et je commence à lui faire plaisir, doucement, lentement. Mais très vite ses mains saisissent ma tête, son bassin avance pour s’enfoncer de plus en plus profondément en moi, la puissance de sa virilité prendre possession de ma bouche, la remplit, l’envahit. Et j’en oublie la froideur humiliante de ses mots, de son regard, la cage d’escalier, mes inquiétudes.

    — Tu aimes ça, hein, tu es vraiment une salope… je l’entends me glisser tout bas, t’as pas pu t’en empêcher, hein ? Tu ne peux pas te passer de ma queue, c’est ça ? T’es venu me trouver pour te faire remplir la bouche et le cul, hein ?

    Je reconnais à l’éraillement de sa voix son état d’alcoolémie avancée.

    Non, mon Jérém, je ne suis pas vraiment venu pour ça à la base. Il est vrai que je ne sais pas te dire non quand tu me commandes de te sucer. Mais moi, à la base, j’étais venu te parler de mon amour.

    Mais pour l’instant ma bouche est indisponible pour la parole, on verra ça plus tard…

    En attendant, je tente de communiquer avec toi avec le premier et le dernier de nos liens, le sexe.

    Ses coups de reins se succèdent sans répit. Il fait chaud dans la petite entrée, je transpire, je me sens vite en apnée.

    La situation commence à se faire inconfortable pour moi. Je me surprends à souhaiter qu’il ne tarde pas trop à venir. Mais au fil de mes va-et-vient, j’ai l’impression que son érection faiblit.

    C’est peut-être pour tenter de remédier à cela qu’il se déchaîne aussi brutalement dans ma bouche.

    Le bobrun doit chauffer aussi. Il remonte son t-shirt et le coince derrière la tête, dégageant ces putain de tablettes de chocolat qui me rendent dingue.

    C’est beau à se damner. Et ça sent tellement bon ! Mon odorat est saisi par un parfum de propre, celui de la lessive de son t-shirt et de son boxer, ainsi que par une bonne petite odeur de douche déjà lointaine mais sans trop. Cet ensemble de bonnes petites odeurs de mec, désormais si familières, définit pour moi une empreinte olfactive que j’appellerais volontiers le « bouquet Jérém ». Et ce bouquet me rend absolument dingue dès lors que j’y suis confronté.

    J’ai de plus en plus chaud. Alors, je m’emploie à abréger son chemin vers l’orgasme. Hélas, dès lors qu’on ressent la volonté d’abréger, cette volonté nous pousse à moins nous dévouer, et à obtenir par conséquent l’effet contraire de celui souhaité.

    Ses mains saisissent mes épaules, me repoussent, je sens mon corps pivoter, j’ai l’impression d’être une poupée sans volonté dans ses mains. Je sais ce dont il a envie, j’en ai terriblement envie aussi.

    Je me retrouve dos contre le mur, tête contre le mur. Ses coups de reins reprennent aussitôt, de plus en plus profonds, de plus en plus rapides, de plus en plus violents, comme s’il voulait m’étouffer avec sa queue. Je le repousse un peu pour reprendre mon souffle, il ne me laisse aucun répit.

    Si je tiens bon, c’est parce que sa main s’est glissée dans le col de mon t-shirt pour aller titiller mon téton.  Et qu’importe s’il ne fait pas ça pour moi, s’il le fait juste parce qu’il sait que l’excitation que cela me procure me stimule à lui apporter un plaisir d’autant plus intense.

    Le bobrun semble vraiment prendre son pied. Je lève les yeux et je le vois penché au-dessus de moi, les deux bras croisés appuyés au mur, le front appuyé à ses avant-bras. Je l’entends haleter comme un petit taureau excité.

    Nos excitations se mélangent, nos transpirations aussi. Au fil de ses coups de reins des gouttes de transpiration tombent de son front et atterrissent sur mon nez, dans mon cou. Dans ce petit espace ça sent la transpiration de bogoss, la queue de bogoss, et l’orgasme de bogoss tout proche. L’ambiance est moite.

    — Ah, tu aimes ça, hein, te faire défoncer la bouche… tu veux mon jus, hein ? Tu vas l’avoir et tu vas l’avaler comme une bonne chienne !

    Bien sûr que je le veux…

    — Je vais jouir, putain !

    Le bobrun vient tout juste de m’annoncer la bonne nouvelle que j’attendais depuis un certain moment. C’est là qu’on entend des voix dans la rue, des voix qui approchent. Et là, mon Jérém s’arrache de ma bouche et remonte son boxer et son short à la vitesse de l’éclair.

    Je viens de me remettre debout lorsque je réalise que les voix, une masculine et l’autre féminine, s’arrêtent devant la porte.

    — Où est-ce que j’ai mis ma clef maintenant ? fait la féminine.

    — Dans ton sac, je pense… va la trouver maintenant ! réagit la masculine, taquine.

    Jérém, est clairement en panique. Il essaie de remballer son matos en vitesse. Mais l’alcool, la fumette, l’excitation et la panique le rendent maladroit, et il a du mal à tout caser dans ces enveloppes de tissu devenues soudainement trop petites. Il a du mal à boutonner son pantalon et à boucler sa ceinture.

    — La voilà ! Tu n’es qu’une mauvaise langue, Quentin ! fait la fille, narquoise.

    J’entends le bruit de la clef insérée dans la serrure. Jérém me bouscule, m’obligeant à m’éloigner un peu de lui.

    La porte s’ouvre. Je regarde Jérém. Dans la précipitation, son t-shirt est resté à moitié coincé dans le pantalon, à moitié dehors. Sa ceinture est bouclée, mais le retour pendouille devant sa braguette. Son front est ruisselant de transpiration, son visage affolé. Au final, mon bobrun affiche un air débraillé qui le rend, certes, sexy en diable, mais qui semble raconter dans les moindres détails ce qui était en train de se passer un instant plus tôt.

    La fille rentre en premier, le mec lui emboîte le pas.

    — Ah… tiens… salut Jérémie, ça va ? fait la fille en lui claquant la bise.

    — Très bien, et toi ? fait mon bobrun à bout de souffle.

    — T’as couru le marathon ou quoi ? T’as l’air tout essoufflé !

    Non, il vient de me baiser la bouche pendant de longues minutes. Et il allait jouir dans ma bouche si tu avais tardé encore quelques secondes !

    — Je suis revenu très vite de… la brasserie… j’avais besoin de… de me mettre au lit… je suis KO… bafouille Jérém, tout en serrant la main du mec.

    Ensuite, il détourne la conversation en se lançant dans les présentations. « Voici Nico, mon camarade de lycée, et voici Ludivine, la voisine du dessus, et son copain Quentin…

    La fille me claque la bise, tout en me glissant :

    — Je crois que nous nous sommes s’est déjà croisés une ou deux fois dans l’immeuble…

    — C’est possible, on a révisé ensemble avant le bac… commente Jérém.

    — Non, c’est plutôt à des heures plus tardives, quand je rentre de l’hôpital.

    — Ludivine est aide-soignante, m’explique Jérém.

    — Nico est venu parfois boire une bière à l’appart après une soirée en boîte, il explique à Ludivine.

    — Il me semble que je t’ai croisé un dimanche matin, elle insiste.

    Ah, si, elle a raison. Dimanche dernier, en quittant l’appart de la rue de la Colombette, je l’ai croisée dans les escaliers. Elle devait revenir de sa garde.

    — Il me semble que c’était il n’y a pas si longtemps… elle persévère.

    Mais qu’est-ce qu’elle cherche, celle-là à la fin ? Lâche-nous un peu les baskets, tu veux bien !

    — Tu veux bien qu’on monte Ludi, on crève de chaud ici, fait Quentin, qui me devient soudainement très sympathique.

    — Allez, bonne soirée les gars, amusez-vous bien, elle nous glisse en s’engageant enfin dans l’escalier.

    On les regarde monter, on les écoute ouvrir la porte sur le palier du premier, rentrer et refermer derrière eux.

    Sans un mot, Jérém s’engage lui aussi dans l’escalier, la démarche un brin titubante.

    Sans instructions de sa part, je lui emboîte le pas, direction le palier du deuxième. Tout en imaginant que malgré ce qui vient de se produire, il doit avoir envie de terminer ce qu’il avait presque fini dans l’entrée.

    Le bobrun est tellement rond qu’il a du mal à glisser la clé dans la serrure. Heureusement, quand il s’agit de fourrer sa queue dans ma bouche c’est une autre histoire.

    Oui, l’amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés. A priori, cette nuit je ne suis destiné qu’à faire une pipe à un mec saoul dans un appartement au deuxième étage d’un immeuble en ville.

    La porte s’ouvre sur un appart à moitié vide, avec du bazar partout et ces cartons jonchant le sol, ce qui me renvoie immédiatement au fait que c’est certainement la dernière fois que je fous les pieds dans cet appart.

    Evidemment, Jérém ne trouve pas nécessaire de m’expliquer la raison de ce souk. Peut-être qu’il se dit tout simplement que ce ne sont pas mes oignons. Ou bien, il est tellement défoncé que ça lui passe à des kilomètres au-dessus de sa jolie petite tête.

    A propos de sa jolie petite tête, je voudrais tant savoir ce qui s’y passe dedans.

    Bien sûr, je suis content qu’il m’ait permis de monter. Cependant, je suis quand même saisi par une étrange sensation. Je le trouve froid, hostile, comme si ma présence le dérangeait.

    En montant les escaliers, je m’étais dit qu’une fois la porte refermée derrière nous, au calme dans l’appart, il se décrisperait, se dessaperait et m’ordonnerait de le sucer, de le faire jouir sans plus attendre.

    Mais une fois à l’appart, il ôte son t-shirt, allume une cigarette et s’allonge sur le lit. Je ne l’ai pas souvent vu fumer dans l’appart, sur le lit, cela semble confirmer le fait qu’il doit être vraiment bien défoncé. La fumée se répand vite dans le petit séjour, elle m’irrite le nez.

    Le silence est pesant, son attitude bizarre. Je ne sais pas pourquoi il m’a fait monter, si c’est pour vivre ce malaise.

    Ce malaise qui qui me rend impossible de lui parler comme je l’avais imaginé. Non, ce n’est pas cette nuit, alors qu’il est rond comme une bille, que je trouverai le courage de lui dire à quel point je l’aime.

    Je le regarde fumer, allongé sur le lit. Son torse magnifique dépasse de son pantalon taille basse. Ce dernier a glissé un peu plus sur son bassin, révélant ainsi la naissance du pli de l’aine, ce détail de l’anatomie d’un garçon si furieusement sexy. Le regard perdu dans le vide, sa chaînette négligemment abandonnée entre ses pecs, son tatouage si sexy, son autre main coincée entre sa tête et l’oreiller, son aisselle finement poilue bien en vue. L’élastique de son boxer dépasse, la bosse de sa braguette aussi.

    Le désir qu’il provoque en moi est si brûlant et si insoutenable que j’ai l’impression d’avoir de la lave incandescente qui coule dans mes veines.

    En fait, je crois qu’il attend tout simplement que je lui défasse la braguette et que je le suce. Je me décide enfin à me glisser entre ses jambes et à aller à la rencontre de la bête.

    — Vas-y, suce-moi ! il m’ordonne, tout en glissant sa cigarette entre ses lèvres et en défaisant sa ceinture et sa braguette en une fraction de seconde, à ma place.

    Mon regard est désormais aimanté par ce boxer blanc dessinant avec une précision diabolique l’ampleur de sa virilité et de son envie qu’elle soit satisfaite sur le champ.

    Tu prêches un convaincu, mon Jérém, évidemment que je vais te sucer, mon beau. Mais j’aime bien t’entendre me l’ordonner…

    Je descends son boxer et je le prends dans ma bouche. Je le suce avidement, poussé par une seule envie, celle de sentir le jus de sa bogossitude se déverser à grands traits dans ma bouche.

    Pourtant, en dépit de ma bonne volonté et de mon entrain, sa queue ne semble pas vouloir passer du statut de demi-molle à celui de très raide, statut dans lequel je l’avais laissée en bas des escaliers une poignée de minutes plus tôt.

    — Vas-y, fais-moi jouir, putain ! je l’entends m’ordonner rageusement.
    Je redouble d’entrain, d’inventivité, j’agace ses tétons, je caresse ses boules, je déchaîne ma langue partout là où je sais que ça l’excite.

    Mais rien n’y fait. Malgré mes efforts, le bobrun finit par débander.

    Je le sens frustré, de plus en plus énervé. Je ne veux pas le décevoir, je redoute sa réaction si je n’arrive pas à lui offrir son plaisir de mec.

    Il finit par me repousser. Il se branle. La branlette, le plaisir qu’on se fait à soi-même, valeur refuge pour faire réagir un corps qui ne veut pas. Personne ne sait mieux nous offrir notre plaisir que nous-mêmes. C’est un plaisir moins exaltant, car il exclut la part que le désir et le contact de l’autre apporte à notre jouissance, mais un plaisir assuré. Ou presque.

    Je dois admettre que c’est très excitant de le regarder faire sans pouvoir y toucher.

    Sa respiration se fait de plus en plus bruyante, je sens qu’il fatigue. Pourtant, sous l’effet de sa main, sa queue semble reprendre de la vigueur.

    Jérém se relève brusquement. Mais alors que j’apprête à le reprendre en bouche, ses mains me font me retourner, je me trouve à plat ventre sur le lit. Il veut s’enfoncer à moi. Mais là non plus ça ne se passe par comme il avait dû l’imaginer. Il essaie, n’y arrive pas, se retire, se branle, revient à la charge, mais rien n’y fait.

    Après s’y être repris plusieurs de fois sans succès, il s’arrache de moi, se laisse retomber lourdement sur le lit, sans un mot. Pourtant, sa colère est palpable. Je le sens frustré et blessé dans son orgueil de mâle. Je voudrais trouver les bons mots pour l’apaiser, pour le rassurer. J’ai envie de lui dire que ce n’est pas grave, mais je sais très bien que ça l’est dans sa tête. Et je devine que le simple fait de prononcer cette « formule consacrée », au lieu d’apaiser, rend la chose encore plus réelle et difficile à assumer. Ça ne ferait que redoubler sa frustration et sa colère. Je devine que quoi que je dise, ça n’aurait d’autre effet que de le mettre encore plus en pétard et ça ne ferait que le pousser à me jeter méchamment.

    Je pense à le serrer contre moi, à lui montrer que ça n’a aucune importance pour moi, que j’ai juste envie d’être avec lui. Mais avant que j’aie pu faire le moindre mouvement, le bobrun se lève d’un bond, passe un boxer, disparaît dans la terrasse, sans un mot, et s’allume une nouvelle cigarette.

    J’imagine qu’il va falloir que je quitte les lieux rapidement. A quoi bon rester, alors que je sens que ma présence l’incommode ?

    Pourtant, j’angoisse et je culpabilise à l’idée de le laisser. Je sens qu’il s’éloigne de plus en plus de moi. Ça avait commencé par cette nuit avec Thibault et moi qui ne s’était pas passée comme il l’avait prévu. Et maintenant, ce petit échec doit prendre des proportions inouïes dans son égo de mec. Dans les deux cas, pour chacune des claques qu’il a pris coup sur coup dans son égo, je suis l’une des causes.

    Ça commence à faire beaucoup. Je crois que j’ai grillé toutes mes chances. Il n’y aura pas de rattrapage, il ne me laissera jamais l’occasion de rattraper le coup.

    Et là, je le vois revenir vers la porte vitrée, s’arrêter sur le seuil, beau comme un Dieu.

    — Tire-toi ! je l’entends me lancer, froidement.

    — Jérém, s’il te plaît ! je tente de le raisonner.

    — Dégage ! il finit par me balancer.

    Voilà qui est lâché. Ce mot, ce ton que je considère le plus blessants de tous.

    Terrassé par son « Dégage ! » je ne trouve plus la force de réagir, les mots me font défaut. Je perds tous mes moyens, je sens tous mes derniers espoirs partir en fumée.

    Après son « Dégage ! », il n’y a plus rien à dire, plus rien à faire.

    Alors, je dégage. Je quitte l’appart la mort dans le cœur, si sonné que je n’ai même pas la force de laisser couler les larmes qui se pressent au seuil de mes yeux.

    Ce n’est que dans l’escalier que je les laisse monter comme une rivière en crue, embuer ma vue, ruisseler sur mon visage.

    Quel gâchis de dire adieu à cet appart, ce lieu si magique pour moi, de cette façon, sur cette note horrible.

    C’était l’appart de l’amour et des illusions, mais aussi de la frustration et des désillusions. Dans cet appart j’ai été heureux, mais aussi triste, très triste. Mais jamais encore comme cette nuit. Je crois que je n’ai encore jamais été si triste de ma vie.

    J’ai le cœur lourd en passant dans la petite entrée où j’ai failli faire jouir Jérém. Je ressens un profond désespoir s’emparer de moi lorsque je remonte pour la dernière fois la rue de la Colombette.

    Car, je le sais, je ne suis pas juste en train de quitter un lieu. Je suis aussi et surtout, en train de quitter le garçon que j’aime. Pour toujours.

    Il n’y a pas de rivière trop large, quand on aime vraiment, dit la chanson. Et pourtant, elle l’est, parfois. Et, malgré tous nos efforts, nous n’arrivons pas à atteindre l’autre rive.

    Commentaires

    Yann

    03/06/2017 20:18

    Com du 03/06/2017 Bien d’accord avec Virginie ils nous ont vraiment beaucoup manqué. Depuis le début, même si ce sont des personnages de fiction ils sont entrés dans notre monde et on a envie de savoir ce qu’ils font comment ils vont…  Pas étonnant que Nico ait rêvé de cette nuit mémorable avec Jerem et Thibault. C’était si intense. Maintenant rien d’étonnant non plus qu’il se pose après coup des questions sur ce qu’ils ont fait. Ce n’est pas anodin pour leur relation entre eux trois ; comment Jerem et Thibault vont-ils  réagir ? Yann

    Virginie-aux-accents

    25/03/2017 23:25

    Qu’est-ce qu’ils nous ont manqué ces deux (non trois)-là! Heureuse de retrouver les fantasmes déchaînés de Nico

  • D02 Jérém&Nico épisodes audio

    D02 Jérém&Nico épisodes audio

    Le jour ou le vent d’Autan a soufflé dans ma vie

    01 Le t-shirt de Jérémie

    02 Jérémie ôte son t-shirt

    03 Les envies de Jérémie

    04 Envie de Jérémie pendant les cours

    05 Baise de Jérém entre deux cours.

  • JN01100 Cours de conduite et autres bonheurs estivales

    JN01100 Cours de conduite et autres bonheurs estivales

    Vendredi 27 juillet 2001.

    C’est beau d’être en vacances après avoir obtenu son bac. Et c’est beau de ressentir ce sentiment d’être à jour de tout, de n’avoir de comptes à rendre à personne, et d’avoir la chance d’avoir une famille qui peut me permettre le luxe de passer tout l’été avant ma rentrée à la fac à ne rien ne faire d’autre que me la couler douce. Un sentiment d’accomplissement et de sécurité qui, à partir des années fac, ne sera plus jamais aussi entier.

    L’été après le bac, c’est aussi la période magique où l’Avenir se dresse devant soi, avec un grand A, avenir neuf, encore vierge, tout entier à écrire, rempli de tous les possibles. Hélas, on ne mesure souvent la liberté de choix de notre avenir de cette époque que bien trop tard, lorsque la vie nous aura retiré cette liberté à tout jamais.

    Hélas, je ne peux profiter de cette insouciance. Certes, la rencontre d’hier avec Thibault m’a un peu remis sur les rails. Mais, dans la pratique, je ne sais toujours pas comment m’y prendre pour retrouver Jérém après cette nuit insensée. Et encore moins depuis hier soir.

    Car, hier soir, je lui ai envoyé un SMS.

    « Salut, tu vas bien ? ».

    Et comme je l’avais craint, il est resté sans réponse.

    Alors, le bonheur d’avoir passé le bac s’accompagne à l’inquiétude grandissante de voir une page de ma vie se tourner. Et d’en voir une nouvelle s’écrire avec le nom de mon Jérém n’y figurant qu’en souvenir.

    Heureusement, ce vendredi je commence mes cours de conduite. Ça va me faire sortir de chez moi, me donner un but, me changer les idées.

    Ça a été une bonne idée de passer le code pendant les vacances de février. Il ne me reste désormais qu’à prendre mes cours de conduite et essayer de passer l’épreuve pratique avant la rentrée.

    Je suis très impatient de franchir cette étape, d’obtenir mon permis, d’avoir ma voiture. J’aimerais bien pouvoir fêter mon permis en partant une semaine à la mer avec mes potes, comme l’avait fait Jérém l’an dernier. J’ai eu quelques échos de ces vacances, de comment le bobrun s’est encore tapé un certain nombre des nénettes du camping. C’est de ces vacances qu’il a ramené ce brassard tatoué juste en dessous du biceps qui me fait tant d’effet.

    Mais je sais que je ne ferai pas mon permis à la mer avec mes potes. Car je n’ai pas vraiment de potes.

    Oui, je suis très impatient d’attaquer mes cours de conduite, le seul bémol à ma joie étant l’idée de retrouver Martin. Non pas que la compagnie de Martin me soit désagréable, bien au contraire. Le truc est que je crains qu’il y ait un malaise entre nous.

    Je repense à la soirée au KL, cette soirée au cours de laquelle il m’a dragué et où nous avons failli finir la nuit chez lui. Je repense à l’accrochage avec Jérém, à mon choix de céder à son chantage. Mais surtout, j’ai cédé à l’attirance folle et aux sentiments intenses que je ressens pour lui. J’ai cédé dans l’espoir que mon geste représente quelque chose à ses yeux, qu’il se rende compte que je peux avoir des touches avec d’autres gars mais que c’est lui que je choisirais toujours, pour peu qu’il me montre un minimum de respect et de considération. Je me suis servi de Martin pour lui provoquer un électrochoc, j’ai choisi de lui obéir pour lui montrer à quel point il compte pour moi, dans l’espoir qu’il se réveille enfin.

    Je repense à Martin quittant la scène sans demander son reste, et je ressens toujours un grand malaise de l’avoir laissé en plan alors qu’on s’était vraiment bien chauffés.

    J’appréhende de me retrouver seul dans la voiture avec lui, de me sentir mal à l’aise, j’appréhende de foirer mes cours à cause de ce malaise.

    D’autre part, j’ai envie de le revoir pour m’excuser. Au-delà du fait que je le trouve très attirant, je le trouve également très marrant, j’aimerai bien le garder en tant que pote.

    Me voilà à tout juste quelques pas de l’autoécole, je ne peux plus faire machine arrière. Je dis bonjour à la fille qui attend dehors en textotant sur son portable, je prends une profonde respiration et j’attrape la poignée de la porte d’entrée.

    Je me présente à la secrétaire.

    — Nicolas, Nicolas, ah, oui, te voilà fait elle, la tête dans le planning, tu as cours avec, avec, avec…

    — Avec Martin je fais, sûr de moi.

    — Ah, non, c’est avec Julien que tu vas faire ta conduite.

    — Vous êtes sûre ? Vous m’aviez présenté Martin quand j’étais venu pour prendre rendez-vous.

    — Oui, ça devait être Martin mais en ce moment il est en arrêt de travail.

    — Ah mince, rien de grave ?

    — Euh… fait la secrétaire, l’air un peu embarrassé, non, mais il ne peut pas conduire pour l’instant. Il devrait être de retour dans quelques temps. Mais comme tu dois commencer aujourd’hui, c’est Julien qui va prendre le relais.

    — Ok, je fais, intrigué.

    — Tu peux attendre dehors, Julien ne va pas tarder à revenir de son cours précèdent, il va vous prendre tous les deux, toi et Sandrine, la fille que tu as dû voir dehors.

    Je suis à la fois soulagé et frustré que ce ne soit pas Martin qui me donne les cours de conduite. Quelque part, j’avais bien envie de le revoir. Je me demande ce qui a bien pu le rendre inapte à la conduite.

    Je n’ai pas trop le temps de réfléchir, car la 206 blanche floquée des autocollants de l’autoécole se gare juste devant moi, le moteur et les warnings allumés.

    Deux filles en sortent. Mais franchement je ne pourrais pas dire si elles étaient brunes, blondes, rousses, grandes, petites, belles, moches, avec trois bras ou avec deux têtes chacune. Car mon attention est happée ailleurs. Julien l’accapare totalement.

    Sa bogossitude m’a foudroyé dès l’instant où je l’ai aperçu au volant. Mais ce n’est que lorsqu’il sort de la voiture que je peux apprécier pleinement les atouts innombrables du spécimen.

    Julien est grand, genre 1m85, il arbore un physique élancé et finement musclé, un torse taillé en V, des épaules solides, des pecs dessinés. Le tout mis en valeur par un t-shirt que je qualifierais d’improbable, d’audacieux, comportant des motifs à fleurs jaune et vert sur un fond blanc. Il est accompagné d’un short marron et de baskets jaune fluo. C’est le genre de tenue que, perso, je n’oserais jamais. Non pas que je n’aime pas, bien au contraire. Mais il est des tenues qu’il faut savoir porter, des tenues pour lesquelles il faut le physique, la dégaine, la gueule de l’emploi. Une décontraction certaine. Comme Julien, justement.

    Puis, il y a le brushing, atout capillaire de bogoss, impeccable, les cheveux châtain clair coupés très courts autour de la nuque, pas mal plus long au-dessus et plaqués au gel vers l’arrière, tout en laissant une raie sur le côté.

    Un style qu’il complète avec une barbe claire de trois jours qui lui confère une petite touche sexy et virile, et avec de grosses lunettes de soleil « bogoss style » qui ajoutent une touche de « je me la pète un peu » qui contribuent à rendre le personnage incroyablement sexy.

    J’adore ses lunettes. Mais, à l’instar d’un t-shirt blanc sur un torse inconnu mais prometteur, je suis à la fois scotché et happé par l’envie brûlante de les ôter pour voir ce qu’elles cachent. J’ai besoin d’avoir toutes les cartes en main, j’ai besoin de découvrir l’atout charme majeur qu’est le regard, j’en ai besoin pour juger de l’ampleur exacte de sa bogossitude.

    Mon vœu va très vite être exaucé. Le bogoss approche de la fille et, avant de lui faire la bise, il ôte ses lunettes et dégage ainsi son regard.

    — Salut Sandrine, il la salue avec un grand sourire lumineux.

    Je le savais. Son sourire est raccord avec tout le reste. C’est un sourire incendiaire, un sourire beau à en pleurer, un sourire qui pourrait rendre fou, un parfait sourire de bogoss.

    Sandrine n’en est à l’évidence pas à sa première leçon de conduite. Ni insensible au charme du bogoss.

    — Salut, je suis Julien, ton moniteur il s’adresse ensuite à moi, tout en me tendant la main.

    — Bonjour, moi c’est Nico, je réponds machinalement, encore sous le choc et déjà sous le charme.

    Le choc est celui provoqué par son sourire, mais aussi par son regard intense, par une paire d’yeux vert marron magnifique, un regard charmant au possible, et dans lequel je découvre très vite un je-ne-sais-quoi de pétillant, de rieur, d’adorablement canaille.

    — Vas-y, Sandrine, il enchaîne, mets-toi au volant, tu vas montrer au nouveau comment tu te débrouilles.

    Le « nouveau » se retrouve donc assis sur la banquette arrière. La voiture démarre, mais je ne sais même pas dans quelle direction nous partons. J’entends juste la voix du bogoss qui, entre deux indications de direction, n’arrête pas de taquiner Sandrine. Pour le reste, je me consacre à l’observation de l’animal.

    Premières impressions, suite aux détections rapprochées : vraiment, très très bogoss. Cou, épaules, biceps, tout est perfection plastique. Je bugge sur ses oreilles fines et sexy qui ne semblent demander qu’à être caressées, titillées, léchées, mordillées.

    Aussi, le petit con sent incroyablement bon. Il est trois heures de l’après-midi mais j’ai l’impression qu’il sort de la douche.

    Julien est très souvent tourné vers Sandrine, ce qui me permet de bien apprécier son profil de mec, sa petite barbe au final pas trop fournie, et pourtant si sexy. Bref, ce mec est exactement ce qui me fallait pour me changer les idées.

    Je l’écoute déployer sa drague avec Sandrine, portée par un humour qui ose tout. Je l’entends imaginer les compliments les plus improbables, jouer les bouffons avec un talent d’autodérision craquant. Il a à la fois un côté joueur, jeune chien fou, et un côté charmeur invétéré.

    Au final, l’alliance entre bogossitude, charme et drôlerie donne un mélange explosif.

    Entre deux indications sur le parcours, Julien titille Sandrine sans discontinuer. Sandrine a du répondant, elle est même parfois cassante. Mais le mec ne se démonte pas, il revient sans cesse à la charge, avec de nouvelles blagues, avec son humour léger et charmant.

    Au final, Sandrine est amusée, Sandrine est sous le charme. Tout comme moi.

    Je suis sous le charme de son petit accent toulousain bien marqué, par cette manière de rouler les « R », sexy à mourir. Et je suis conquis par cette étincelle lubrique qui ne quitte jamais ses yeux, par ce sourire malicieux qui ne quitte jamais lèvres.

    Bref, voilà un autre beau jeune mâle bien conscient de son charme, tout en étant habité par un besoin inépuisable de l’exercer, d’en admirer les effets. On dirait Jérém en version boblond, le côté ténébreux en moins, le côté souriant, bavard, extraverti en plus.

    Nous nous arrêtons à proximité du Pont Neuf et je prends le volant. Nous ne sommes pas loin de la rue de Metz, pas loin de la brasserie où bosse Jérém. J’aimerais tant le voir en terrasse. Je n’ai pas de ses nouvelles depuis dimanche matin, et je sens que je ne suis pas près de le retrouver. Alors, passer devant la brasserie est pour moi le seul moyen de le revoir. Même si que pendant un instant.

    Mais à cette heure-ci il doit être en pause. Je donnerais cher pour savoir où il est à cet instant précis, ce qu’il est en train de faire.

    Je mets le cligno, et je me glisse dans la circulation. Très vite, je me rends compte que l’attitude de Julien à mon égard est très différente de celle à l’égard de Sandrine. Son comportement est strictement professionnel, le beau moniteur me donne juste les consignes de trajet. Parce que pour ce qui est de son humour, de ses blagues, et de son sourire, c’est à Sandrine qu’il continue à les réserver.

    En attendant, je ne suis pas vraiment à l’aise. C’est mon premier cours de conduite, je ne connais pas la voiture. De plus, les piques entre Julien et Sandrine me déconcentrent, et les indications du beau moniteur arrivent parfois un peu trop tard pour le novice que je suis.

    Et puis, surtout, comment être à l’aise avec un mec aussi sexy juste à côté et qui en plus sent si bon ?

    Finalement, on laisse Sandrine au pied de son immeuble du côté de La Grave. Me voilà enfin seul avec Julien dans la voiture pour la suite du cours. Je me dis que je devrais être plus à l’aise, et que Julien, enfin libéré de ses distractions, devrait mieux s’occuper de moi.

    Mais l’absence de Sandrine se fait sentir d’une façon inattendue. Exit l’ambiance n’est plus du tout la même. Exit les blagues, les sourires charmeurs, son insolence de petit con. Désormais, le bogoss se limite à me donner les consignes pour mon cours, « tu vas tourner à droite », « tu vas tourner à gauche », « mets le cligno, prépare-toi à tourner », « fais gaffe au vélo », « attention les passages cloutés », « ralentit », « tourne large ».

    Mais entre deux consignes, le silence règne et devient vite malaisant pour moi. Ce silence me stresse encore davantage que les échanges fripons de tout à l’heure, et ça finit par affecter ma conduite.

    — T’as jamais touché à un volant, c’est ça ? finit par me demander Julien.

    — Ca se voit autant ?

    — T’inquiète ça va venir, fait le bogoss.

    Nous arrivons à l’autoécole.

    — Mets les warnings, pour aujourd’hui c’est bon, il me lance, on se revoit vendredi ?

    Le parfum du deo qui se dégage de sa peau est juste étourdissant.

    — Ok, alors c’est vous qui allez me faire toute la conduite ?

    — Oui, je pense, pourquoi ?

    — J’avais vu Martin quand je m’étais inscrit.

    — Tu es un pote à Martin ?

    — Non, enfin, on ne peut pas dire ça, je l’ai vu quand je suis venu m’inscrire, pourquoi ?

    — Non, rien, comme ça, à demain.

    Je descends de la voiture et je rentre chez moi en emportant dans mon cœur et dans ma tête ce petit frisson, ce bonheur pétillant que sait apporter la proximité d’un bogoss.

    Aujourd’hui, ma cousine débauche à midi, et nous avons prévu de déjeuner en ville et de passer l’après-midi ensemble.

    Voulant éviter le dossier « Jérém », directement relié au dossier « nuit de dingue avec Jérém et son pote Thibault », je lui parle de mon premier cours de conduite et du sexy moniteur Julien.

    Peine perdue, j’ai beau éviter le sujet qui fâche, elle finit par l’amener dans la conversation.

    — T’es es où avec ton sexy rugbyman ? Vous avez parlé un peu ou vous êtes encore juste caressé la nouille ? elle me demande sans transition, au détour d’une conversation anodine.

    Elodie, ou l’art de mettre les pieds dans le plat.

    Je n’ai pas le courage de lui raconter ce qui s’est passé le week-end dernier. Alors, pour faire diversion, je lui parle (succinctement) de nos galipettes après la finale.

    — Naaaan, mais je rêve ! s’exclame ma cousine, il avait encore assez de gnaque après le match pour s’envoyer en l’air, et pour partir au barbec de l’entraîneur ensuite ! Mais ce mec est incroyable !

    — Et le mécano, alors, tu l’as revu après la finale ?

    Non, elle ne me fait grâce d’aucun des sujet « litigieux » du moment.

    — Non, je ne l’ai pas revu, je mens, alors que le serveur nous apporte nos deux cafés.

    Le programme de l’après-midi s’annonce compliqué.

    — On se fait les boutiques ? lance Elodie toute guillerette, l’air de poser une question, alors que je sais pertinemment qu’il s’agit d’une consigne, me faisant presque croire que l’idée devait m’emballer autant qu’elle.

    — Mais jamais de la vie, on va crever avec cette chaleur ! je m’insurge.

    — Pourquoi on n’irait pas à la piscine ? Elle doit être carrément noire de bogoss à cette période ! je lâche en guise de contre-proposition.

    — M’en fous des bogoss ! Moi j’ai envie de faire les soldes ! elle proteste.

    — Ce sera sans moi alors, je lâche, cash.

    — Tu n’oserais pas planter ta cousine comme une conne, elle tente de m’avoir.

    Mais elle ne m’aura pas.

    — Tu me connais mal, je la défie.

    — Allez, s’il te plaît, dans les boutiques aussi il y a du bogoss.

    — Oui, mais il faut marcher, et faire du « sur place » pendant que tu fais ta « conasse de boutique » ».

    — Comment tu parles de ta meilleure cousine ? elle feint de s’indigner.

    — C’est pas faux…

    Une heure plus tard, nous débarquons à la piscine Nakache.

    Oui, il n’y a pas meilleur remède pour oublier ses soucis que d’aller mater du bogoss, et, à fortiori, du bogoss en meute, du bogoss en mode amphibien, évoluant entre milieu terrestre et milieu aquatique, qui plus est.

    Ce coup-ci il y a beaucoup de monde, bien plus que la dernière fois où je m’y suis pointé, lors de cet après-midi d’il y a quelques semaines où mon brun était là aussi, cet après-midi où j’ai passé un moment chaud bouillant dans une cabine des vestiaires.

    Aujourd’hui, je le sais, je ne croiserai pas mon Jérém, car à cette heure-ci il doit être en pause, mais j’imagine qu’il doit se reposer. Je ne croiserai pas non plus Stéphane aujourd’hui, car il est à 1000 km de là.

    Nous trouvons une place convenable, je pose mes affaires et mon attention est très vite captée par un remue-ménage assez bruyant dans l’eau. Je regarde avec un peu plus d’attention et je découvre une bande de potes en train de se baigner, de faire du raffut, de rigoler.

    Allongé sur ma serviette, je les regarde faire, enchanté. Mes yeux ne sont pas assez grands, mon esprit pas assez puissant pour parvenir à capter toute la beauté indicible de cette scène, toute cette sexytude, cette bogossitude, cette jeunesse, cette insouciance, la magie insoutenable des corps ruisselants d’eau, des brushings défaits, des cheveux en bataille, des sourires, du bonheur simple et intense de ces p’tits mecs qui sont autant de cadeaux du ciel, insoutenablement beaux, indiciblement sexy.

    Leur complicité, leur inépuisable envie de rigoler, leur côté joueur comme des gosses, tout cela me fait vibrer, me file des frissons, des papillons dans le ventre. J’ai envie d’hurler, tellement cette simple scène me touche. Je crois que le Paradis ressemble à ça, des jeunes mecs heureux en train de se baigner dans une piscine un après-midi d’été.

    Je ne les quitte du regard jusqu’à ce qu’ils émergent de l’eau l’un après l’autre, certains empruntant la petite échelle prévue à cet effet, d’autres, plus exubérants, en bondissant de l’eau et se hissant sur le bord de la piscine à la force des biceps.

    J’assiste à un véritable défilé de corps ruisselants d’eau, de shorts dégoulinant à grosses gouttes, dont certaines finissent par éclabousser mes mollets.

    Peu à peu, l’alignement de serviettes multicolores à côté de nous, se transforme en alignement d’appétissantes plastiques de mec.

    Je me tourne vers ma cousine, elle se tourne vers moi. Le troupeau de petits mâles est vraiment trop près pour que l’on puisse se laisser aller à des commentaires à haute voix. Cependant, notre échange de regards exprime plus de choses que mille mots.

    C’est beau cet ensemble de bogoss torse nu, heureux d’être ensemble, heureux de passer cet après-midi à la piscine entre potes. En regardant avec un peu plus d’attention, je me rends compte que, parmi cette petite dizaine de mecs à peine plus âgés que moi, il n’y a pas que des bogosses. Certes, il y en a. Et c’est même la grande majorité, qu’ils soient vraiment BG ou qu’ils aient pour eux au moins l’éclat insoutenable de leur jeunesse. L’effet de masse bogossistique démultipliant la magie du Masculin à un niveau presque inconcevable.

    Puis, à un instant, je ferme les yeux, je me coupe de tant de beauté, j’essaie d’oublier le désir que ces garçons ont fait flamber en moi. J’ai besoin d’un instant de répit. J’en profite pour tendre l’oreille et essayer de capter leurs conversations.

    C’est ainsi que, au milieu de leurs facéties, j’arrive à comprendre qu’il s’agit d’un groupe d’étudiants de Paul Sabatier, des petits ingénieurs, les voisins des stapsiens.

    Je voudrais me perdre parmi eux, je voudrais avoir un groupe de potes comme eux. Je n’ai jamais réussi à me fondre dans la masse, à m’intégrer, à trouver ma place, ni au collège, ni au lycée. Est-ce que je vais y parvenir à la fac à Bordeaux ?

    — Quand je pense que tu voulais m’achever en faisant les boutiques, je taquine ma cousine, on n’est pas mieux là, allongés, à côte de tous ces petits mâles ?

    Samedi 28 juillet 2001.

    C’est beau, Toulouse, l’été. Et le vent d’Autan y met également sa touche, faisant bouger les t-shirts et les shorts des petits mecs dans la rue. Ainsi que le brushing du charmant et hyper sexy Julien qui, assis sur le capot de sa voiture garée devant l’autoécole, m’attend pour une nouvelle leçon de conduite.

    Toujours sur son 31, lunettes noires, tout comme noir est son t-shirt du jour. Le noir étant, avec le blanc, l’arme la plus redoutable pour mettre en valeur la perfection au masculin.

    Ah, ce Julien ! Beau, charmant et charmeur, il a le pouvoir de chauffer l’air, les esprits, les désirs avec sa simple présence. Un charme pareil est vraiment redoutable.

    A nouveau, je me retrouve à faire le cours en binôme avec une nana. Mais ce n’est pas Sandrine. Marion est une fille de mon lycée, mais d’une autre classe, elle a passé le bac en même temps que moi. Je la connais vaguement de vue. D’ailleurs c’est elle qui m’a reconnu en premier. Je zappe facilement les nanas, ma mémoire étant beaucoup plus disponible pour se souvenir des bogosses.

    Marion s’installe au volant, Julien à son poste consacré, et moi derrière.

    Aussitôt la voiture démarrée, le bogoss démarre son numéro, le même que celui servi à Sandrine par plus tard qu’hier, et presque à la lettre près. Il balance des conneries en rafale pour la faire rigoler, il ne la lâche pas d’une semelle, il l’attire peu à peu dans le filet redoutable de son charme. Un numéro qui a l’air très bien rodé. Et très efficace.

    Le mec est un charmeur pathologique. Je sens chez lui un besoin viscéral de plaire et de séduire. Il pourrait avoir dix filles sous son charme, ça ne lui suffirait pas.

    Et même quand Marion, à l’instar de Sandrine, lui met des vents pour le refroidir, le bogoss est toujours souriant, il retombe toujours sur ses pattes, et il revient toujours à la charge. Et ça finit par payer. Malgré ses répliques parfois assassines, Marion ne me semble pas non plus insensible au charme du beau moniteur.

    Non seulement il est grave grave grave sexy le Julien. Mais lorsqu’on l’observe, lorsqu’on l’écoute, on n’a pas de mal à imaginer que le gars est prêt à s’enflammer dès qu’on lui en donne l’occasion, et qu’il doit être très, très coquin au pieu, chaud comme la braise.

    Pendant le cours de Marion, je joue un jeu d’équilibriste qui consiste à me servir du rétroviseur pour capter la jolie petite gueule de Julien, tout en essayant d’éviter d’accrocher son regard. J’ai beau être prudent, je ne suis jamais repu de l’image de sa tête à claques sexy, et je finis par me faire gauler. Son regard finit par se planter droit dans le mien par rétroviseur interposé. Je me sens comme un gosse pris avec la main dans le pot de confiture. Je me sens nu. Son regard me met à nu. Immédiatement, je baisse les yeux.

    Au bout du cours Dillon, la voiture est obligée de s’arrêter au feu rouge du Pont Neuf. Lorsque le feu passe au vert, Marion embraye avec la mauvaise vitesse, et la voiture cale. Presque immédiatement, un concert de klaxon se met à fuser derrière nous. L’automobiliste toulousain est pressé.

    Le bogoss appuie sur le bouton des warnings et commence à donner des instructions à Marion pour l’aider à repartir. Sa voix a pris soudainement un ton très pro mais bienveillant, qui tranche vivement avec ses boutades de petit canaillou charmeur. Je découvre ainsi de nouvelles vibrations dans sa voix qui ajoutent du charisme au charme.

    Marion redémarre la voiture, et nous repartons vers St Cyprien. Nous continuons vers la patte d’Oie, puis avenue de Grand Bretagne, jusqu’à Purpan. C’est la fin du cours pour Marion, elle descend au rond-point de l’hôpital.

    Le changement d’attitude de Julien lorsque nous nous retrouvons seuls est toujours aussi saisissant. Le Julien charmeur se transforme en Julien très pro, trop pro.

    Nous revenons par l’avenue de Grande-Bretagne, en direction du Pont Neuf. Des papillons commencent à s’agiter violemment dans mon ventre lorsque Julien me fait prendre la rue de Metz.

    Je sens ma respiration s’accélérer à la simple idée de m’approcher de mon Jérém, j’ai le cœur qui bat la chamade à l’idée de le voir en terrasse. Car c’est ce qui va arriver, à coup sûr. Et pour peu que le feu devant la brasserie soit au rouge, et qu’il soit en terrasse, il risque de me voir lui aussi.

    A Esquirol, et ce qui devait arriver arrive. Mon bobrun est effectivement en terrasse, habillé de sa jolie chemise blanche que le vent fait un peu bouger autour de son torse. Et c’est beau à me vriller les tripes.

    Je suis tellement happé par la vision de Jérém que je zappe que le feu est en train de passer à l’orange. Je suis brusquement rappelé à la réalité lorsque la pédale d’embrayage se dérobe sous mon pied, la voiture pile brusquement sans que j’aie appuyé sur la pédale de frein. Il me faut un instant pour réaliser que Julien a dû intervenir pour m’empêcher de griller le feu désormais rouge.

    —        T’es pas près d’avoir ton permis, toi, il se moque.

    —        Désolé… je tente de m’excuser, soudainement envahi par un grand malaise, tout en commençant à transpirer à grosse gouttes.

    Mais déjà mon regard cherche à nouveau mon Jérém en terrasse. Ce mec est comme une drogue. Lorsqu’il apparaît, plus personne ni rien d’autre n’existe à mes yeux.

    Mon bobrun disparaît à l’intérieur de la brasserie.

    —        Quand le feu passe au vert, tu me fais pas le même coup que Marion, ok ? » fait-il en me donnant une petite tape sur l’épaule.

    Son regard de braise affiche un sourire fripon. Il est beau !

    —        Je vais essayer… je lui glisse, tout en laissant à nouveau mon regard dériver vers la terrasse de la brasserie.

    Jérém ressort avec un plateau chargé. Il sert une table, puis va s’installer dans l’encadrement de la porte d’entrée de la brasserie, l’épaule appuyée au montant, le regard balayant la terrasse, ou peut-être la route.

    Et là, j’ai l’impression qu’il regarde dans ma direction. En vrai, il est difficile de savoir s’il me regarde vraiment, ou s’il regarde autre chose.

    J’ai besoin d’en avoir le cœur net. Je décide de lui envoyer un petit signe pour me faire repérer. Hélas, pile au moment où je lève mon bras, Jérém quitte sa position, avance vers une table et sort son calepin pour prendre une commande.

    Je suis presque certain que Jérém n’a pas repéré mon geste. Mais Julien, lui, l’a bien repéré.

    —        C’est un pote à toi ? je l’entends me demander à brûle pourpoint.

    —        Qui donc ? je temporise, gêné, en évidente mauvaise fois.

    —        Qui donc ? Ma sœur ! il me taquine.

    —        C’est… enfin… c’était un camarade de lycée.

    —        Il s’est levé de mauvais poil ce matin, non ?

    —        Pourquoi tu dis ça ?

    —        Il t’a mis un vent !

    —        Il ne m’a peut-être pas vu…

    —        Moi je dis qu’il t’a vu… et qu’il t’a mis un vent !

    —        Il est un peu con parfois…

    —        Tu le kiffes, hein ?

    —        Mais non… pourquoi tu dis ça ?

    —        Parce que ça se voit que tu le kiffes ! Tu ne peux pas décoller les yeux de lui. Je suis pas fou… si ?

    Le feu passe au vert, je redémarre sans caler.

    —        T’as vu, j’ai pas calé, je tente de faire diversion.

    —        Change pas de sujet. Tu kiffes ce mec, oui ou merde ?

    —        Pourquoi je le kifferais ?

    —        Parce que tu kiffes les beaux mecs !

    —        D’où tu sors ça ?

    —        Tu vas pas me dire que tu es un mec à nanas… si ?

    —        Il se pourrait, je le taquine.

    —        Oui, et moi je vais me faire nonne !

    —        Ça m’étonnerait de toi ! je plaisante.

    —        J’ai vu comme tu me mates… il me balance.

    —        Je te mates pas du tout ! T’es pas mon genre ! je m’amuse.

    —        Oui, c’est ça ! J’ai un certain succès avec les mecs aussi… j’aurais pu faire une deuxième carrière sans problème…

    —        J’ai pas de mal à le croire !

    —        Alors, tu as déjà baisé avec lui ? il revient à la charge.

    —        Oui, oui, oui, je finis par admette.

    Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens à l’aise avec ce garçon. J’ai le sentiment qu’au-delà de son côté coureur, il pourrait faire un bon pote.

    —        J’en étais sûr ! il triomphe, en balançant un sourire si lumineux, aveuglant.

    —        De toute façon, c’est mort avec lui. Dans un mois je serai à Bordeaux et lui, je ne sais même pas où il sera…

    Julien a raison, Jérém m’a vu. Et s’il n’a pas répondu à mon geste de la main, c’est parce qu’il me faisait la gueule. Je n’aurai jamais le courage d’aller le voir.

    Nous continuons vers la Halle aux Grains, puis la Gare Matabiau, ensuite retour vers l’autoécole. Je suis perturbé par ce qui vient de se passer devant la brasserie, j’enchaîne les conneries.

    —        Je n’ai pas été bon aujourd’hui, j’admets en me garant devant l’autoécole.

    —        Relax, mec… fait Julien avec un grand sourire incendiaire.

    —        La prochaine fois en évitera de passer par Esquirol…

    Le fait de le revoir m’a bouleversé. Le vent qu’il m’a mis m’a fait un mal de chien. Je ne comprends pas pourquoi il se comporte de cette façon avec moi. Ce serait si simple d’avoir des relations plus détendues. Je ne fais rien de mal, je ne lui veux que du bien. Pourquoi se montre-t-il si hostile avec moi ?

    J’ai beau lui trouver des circonstances atténuantes, je le trouve injuste. J’ai envie de le revoir pour avoir une explication.

    C’est en début d’après-midi que je trouve le cran de l’appeler. A chaque son dans le vide mon cœur semble s’arrêter. Lorsque j’entends sa voix enregistrée sur le répondeur, je perds tous mes moyens.

    Je tente de lui laisser un message, ma voix tremble, je bégaie.

    J’arrive quand même à lui dire que je voudrais le voir une dernière fois, car je dois lui parler de quelque chose. Je reste vague, en espérant titiller sa curiosité et le pousser à rappeler.

    Commentaires

    ZurilHoros

    25/06/2020 13:06

    6 mouvements d’une symphonie puissante et magnifique.  C’est comme ça que je résumerais ce texte qui fait passer des images, des sensations variées, dans une ambiance chargée de désir et ou les protagonistes sont plongés dans une torpeur que rien ne vient dissiper. Ni les questionnements de Nico, ni même la rage de Jerem ne peuvent entacher l’atmosphère de cette nuit. Une nuit qui est l’aboutissement d’un des enjeu de l’histoire principale. il fallait que Nico, Jerem, Thibault, éprouvent leur attirance réciproque. Je ne sais pas si le texte échappe en partie à Fabien, parce qu’il illustre un rapport au corps qui n’est pas celui fantasmé dans les épisodes précédents. D’un coté, la perfection de deux corps masculins que Nico compare. Ce que je déduis de la lecture, c’est que face deux corps semblables il n’y à pas d’évidence. C’est comme avec Bobarbu, on évalue un rapport de force et on se demande qui va faire quoi. Ils sont en compétition. 

    – De l’autre coté, un corps mince, à peine dessiné, et confronté aux deux autres. La question de savoir qui va faire quoi ne se pose pas. Les corps se trouvent sans se chercher. Et si les rôles devaient s’inverser, ce serait d’un commun accord. Un cadeau de l’un à l’autre. 

    – Une autre façon de le dire, c’est que l’attirance de Jérém et Thibaut passe d’abord par l’amitié et le sentiment. En revanche, l’attirance qu’ils ont pour Nico est d’abord physique, ils ont envie de son contact. C’est épidermique.

    – Ou encore, une phrase qui reviendra souvent par la suite pour décrire Nico et Jérém, « vous êtes beaux ensemble ». (Thibaut, Charlène et Jérém!) Ce qui me semble détonnant c’est que Dans cette scène hyper excitante, il y a un sous texte qui est moins sexy. Jérém est dépassé par sa mise en scène, il est souvent spectateur ou mauvais acteur. Ses mots semblent déplacés, vulgaires. Si Nico ne tenait pas à lui, il serait oublié. La seule fois ou il essaye d’être avec les deux autres, il ne peut pas embrasser et quand Nico se retrouve entre lui et Thibaut, Jérém reste à l’extérieur de Nico. Il ne peut que se frotter à lui quand Thibaut a pris sa place. Il est impuissant. C’est une trouvaille géniale. A chaque fois que Thibaut à joui, il lui arrache Nico pour le punir de ne pas l’aimer assez ou de ne pas savoir l’aimer. Sa sexualité est une pulsion de domination, de rage et de dégout. D’ailleurs des que c’est fini, il s’éloigne. Naturellement, Il est en compétition avec Thibaut et quoi qu’ils en disent, il en a sans doute toujours été ainsi. Nico dispensateur de tous ces plaisirs qui se surprend à en recevoir et à aimer ça. Il a beau se rassurer en s’accrochant comme il peut à son Jérémie, son cul réclame Thibaut. Plus tard, il est gêné de voir sa docilité exhibée. Après les sensations inédites que Thibaut lui procure, il se sent honteux d’accepter le rôle du garçon soumis que lui propose Jérémie. Nico, à peur de Jérém tout le temps. Peur de le perdre, de le fâcher. Il y a des mecs très détachés, à qui cela réussie très bien de se faire défoncer et jeter. Je n’ai pas l’impression que Nico soit fait pour ça. Il cherche à être aimé, du moins c’est ce qu’il dit et c’est sans doute vrai. Thibault est la star de cette nuit. C’est un sauveteur dans l’âme, qui s’interpose dès que l’intégrité de Nico physique est menacée. Peut être que pour la première fois, il juge son copain indigne de ce qu’il reçoit. Quand Jérém méprise ou insulte Nico, c’est insupportable à Thibaut parce que, c’est aussi lui qui se fait insulter. C’est un genre de transfert, il aimerait être à la place de Nico et il aime être avec Nico.  Je me demande si a force de protéger Jérém depuis l’enfance, il n’a pas intégré qu’il devrait toujours le laisser briller et être le premier. Il s’est condamné à ne jamais être le meilleur. Jérém ne le supporterait pas. Je suis resté froid face aux épisodes avec Romain le bobarbu, dont le scénario plus artificiel valorise l’hyper virilité de Jérém. En revanche, cette nuit particulière, qui s’étire sur 6 épisodes fait certainement partie des grands moment de Jérém et Nico. Je suppose qu’elle figurerait dans un recueil des meilleurs textes de la saga. Cela a dû demander un très gros travail et c’est mené de main de maitre. C’est hyper sexuel, sensuel et absolument pas vulgaire. D’ailleurs aucun des textes n’est vulgaire. Sans doute parce qu’ils permettent de réfléchir (si on le veut LOL)

    MATH07

    23/04/2017 11:34

    Je suis prêt à payer aussi, je trouve cette histoire passionnante.

    Gripsou22

    14/04/2017 09:33

    Excellent épisode comme toux ceux avec Thibault d’ailleurs! J’ai hâte de lire la suite mais comme Yann je l’appréhende un peu!

    Yann

    12/04/2017 14:50

     Cet épisode est magnifique et bouleversant à la fois. Avec les deux précédents, c’est probablement le plus magnifique. Magnifique par le fait que l’histoire de Jerem, Nico et il faut bien désormais ajouter Thibault est arrivée à un paroxysme des sentiments qui les unissent mais qui, comme le laisse prévoir le dernier paragraphe, va les séparer. Bouleversant aussi car, c’est peut être ridicule de dire cela d’une histoire, mais malgré tout elle me touche au plus profond de moi au travers de ce que j’ai vécu… il y a longtemps. Ce plan à trois était probablement une erreur mais sans cela Nico n’aurait pas connu ce que Thibault lui a donné. On n’efface pas ce qui s’est passé… Même raide dingue de Jerem, Nico a pu faire la différence qu’il y a entre baiser et faire l’amour avec un garçon attentionné comme Thibault. Jerem a-t-il lui aussi appris de cette nuit ? Son détachement vis-à-vis de tout sentiment pour Nico était-il volontaire ou une façade, une façon de masquer une part de sa personnalité qu’on ne connait pas et qu’il n’a jamais voulu dévoiler ? J’ai hâte de lire la suite mais, contrairement à mes autres coms, je dirais que je ne suis pas aussi impatient car je perçois qu’on est à un tournant, que ces trois garçons font souffrir et peut être se faire souffrir.Merci Fabien

    Mora Jean-Marie

    05/03/2017 10:14

    Je suis prêt à payer un ou deux euros par nouveau passage écrit il n’y a pas de problème.

  • JN01099 Du côté de chez Thibault

    JN01099 Du côté de chez Thibault

    JN01099 Du côté de chez Thibault.

    Le jeudi d’après (Le soir).

    Alors, au fil de mes pérégrinations sans but dans les rues de Toulouse sur le retour de ma longue balade sur le canal, je me laisse plus facilement glisser vers la gare Matabiau que vers la rue de Metz.

    Je sais que le bomécano finit à 18h00, il faut que je me dépêche si je ne veux pas le rater. Je pourrais lui envoyer un message, il pourrait déclarer forfait. Alors, je préfère aller le voir direct.

    Lorsque j’arrive sur place, Thibault est sur le trottoir devant le garage en train de discuter avec un autre gars, un peu plus âgé que lui, un collègue de travail sans doute. Un troisième gars est en train de fermer le dernier rideau de l’atelier.

    Quelques secondes plus tard, les trois garçons se serrent la main, se font la bise et repartent chacun de leur côté. Thibault n’a pas fait trois pas que déjà il m’a capté. D’entrée, j’essaie de lire sur son visage ce qu’il ressent en me voyant. Mais avant de me torturer l’esprit, je laisse mon regard s’imprégner de cette image sublime d’un bomécano qui débauche.

    Il est des mecs sur lesquels un simple bout de coton est le plus élégant des habits, c’est le cas de mon pote Thibault. Aujourd’hui, il porte un petit débardeur gris avec ces deux bretelles épaisses tendues sur ses épaules charpentées. Le petit bout de coton épouse parfaitement les lignes sublimes de son torse, il met scandaleusement en valeur ses bras puissants et musclés, tandis que l’échancrure sublime le haut de son torse en laissant entrevoir sa délicieuse pilosité naturelle.

    Et puis, il y a la casquette, noire elle aussi, posée à l’envers sur sa tête, avec cette mèche de cheveux qui dépasse, coincée au-dessus de la petite sangle de réglage. Et il y a aussi cette belle barbe que je sais désormais être si douce, et qui semble encore avoir poussé par rapport à l’autre nuit.

    Je pose mon regard sur Thibault et en une fraction de seconde tout remonte en moi. Je revis instantanément le plaisir, la tendresse, le partage, la complicité que nous avons partagé l’autre nuit. Je regarde son torse solide, ses avant-bras finement poilus et je repense au bonheur d’en être enlacé.

    — Salut Nico ! il me lance, tout en affichant son plus beau sourire. Un sourire capable de dissiper une très grande partie mon malaise.

    Le bomécano approche, et j’ai juste le temps de noter que ses beaux yeux tendent plutôt au vert aujourd’hui, que déjà je sens sa barbe caresser mes joues à tour de rôle. Ah, qu’est-ce que c’est bon de faire la bise à Thibault !

    Il me claque la bise de la même façon qu’il vient de le faire en quittant ses collègues de travail. Ça me fait plaisir de voir qu’il se comporte avec moi exactement comme avec ses potes, même si la sensualité et le plaisir s’est invité dans notre relation.

    Thibault a l’air un peu surpris de me voir débarquer, mais il semble heureux de me retrouver.

    — Salut Thibault ! je lui lance à mon tour, le cœur enfin un peu plus léger.

    — Comment vas-tu, Nico ?

    — Plutôt bien, et toi ?

    — Tu as le temps pour un verre.

    — Oh oui, j’ai tout mon temps ! je fais, très heureux de son invitation.

    — Ecoute, Nico, si tu veux, on peut aller chez moi, j’ai besoin de prendre une douche, et on sera plus tranquilles.

    Je ne m’attendais pas à cette proposition. Mais il a raison, on sera plus tranquilles chez lui. Nous avons des choses à nous dire, le genre de choses qui demande un environnement calme et « intime ».

    — Ca va très bien !

    — On y va alors, fait-il en traversant la rue d’un pas rapide.

    Le bus ne tarde pas à arriver. Thibault valide deux tickets et il m’en tend un. Le bus est bondé, alors Thibault et moi restons debout, calés contre la paroi.

    Et c’est là que je l’ai vu, assis sur ma droite, sur le premier siège. Instantanément touché, attiré par lui.

    Un bobrun, musclé, charpenté, ses yeux sont bleu gris, il arbore cette coupe qui est très à la mode chez les garçons, cette coupe que j’adore, les cheveux bien courts sur les côtés et plus longs sur le sommet du crâne.

    Il porte une veste à capuche noire au niveau des poches et jusqu’au niveau des pecs, puis gris foncé au-dessus, y compris la capuche. Il a un pantalon de chantier en toile, gris foncé avec des rectangles noirs au niveau des genoux. Ses grosses chaussures montantes marron sont sales, signes d’un métier très manuel. Un petit ouvrier, Plombier ? Electricien ? Maçon ? Plaquiste ? Couvreur ? Il a des écouteurs rouges aux oreilles et lit les pages sport de la Dépêche du Midi.

    Le bobrun descend deux arrêts plus loin, il revient dans sa vie, il disparait de la mienne qu’il a croisé l’espace d’un instant, comme une comète traversant le ciel.

    — Tu fais quoi ces jours-ci ? me questionne Thibault, après que nous nous ayons pu trouver un place assise.

    — Je viens de commencer mes cours de conduite.

    — Ça se passe bien ?

    — Je n’ai fait qu’un cours, ce mardi

    — C’est cool !

    — Le fait est que je n’ai jamais touché à un volant, je ne suis même pas sûr que je vais l’avoir du premier coup…

    — Mais si, ça va venir, il faut pas stresser.

    — Facile à dire !

    — Et si tu ne l’as pas du premier coup, c’est pas grave. Tu sais que Jé a dû le passer trois fois pour l’avoir ?

    — Le code ou la conduite ?

    — Les deux !

    — Jérém ? C’est pas possible !

    — Si, la conduite parce qu’il faisait le con à l’examen…

    — Et le code c’est parce qu’il ne révisait pas assez ?

    — Non, le code c’est à cause de son problème.

    — Quel problème ?

    — Tu sais pas ?

    — Non, tu sais, ce n’est pas le mec le plus bavard de la terre, surtout avec moi !

    — Jé est dyslexique.

    — C’est quoi, ça ?

    — En gros, il a du mal à lire et à écrire, ce qui lui rend plus difficile tout apprentissage qui passe par l’écrit. Ca l’a beaucoup handicapé jusqu’au au collège, au lycée ça avait l’air de mieux se passer. Mais pendant le code son problème lui a à nouveau joué des tours. Il n’arrivait pas à se concentrer. C’était sans doute à cause du stress, je crois que je ne l’ai jamais vu autant stressé de sa vie. Du moins jusqu’à la finale de l’autre dimanche. Là aussi il était au bout de sa vie…

    Jérém dyslexique. Ça alors. Mon petit Jérém. Ainsi, sous ses airs de cancre se cachait un enfant qui a du mal à apprendre. Soudain, je ressens une furieuse envie de descendre au premier arrêt et courir le rejoindre où qu’il se trouve et de le serrer très fort dans mes bras.

    Le bus s’arrête. Les portes s’ouvrent, des passagers descendent, d’autres montent. Les portes se referment. Le bus repart. Je ne suis pas descendu.

    Nous nous approchons de notre destination, je vais découvrir l’appartement du bomécano.

    — Tu as des nouvelles de Jé depuis le week-end ? j’ose le questionner.

    — Non, et toi ?

    — Non plus.

    Thibault pose son regard dans le mien et son petit sourire touchant semble traduire une petite inquiétude.

    Quelques minutes plus tard le bus s’arrête. Les portes s’ouvrent, des passagers descendent, d’autres montent. Le brun « Thibault-like » n’a pas bougé de son siège. Les portes se referment. Le bus repart.

    Nous nous approchons de notre destination, dans pas longtemps nous allons descendre, je vais découvrir l’appartement du bomécano.

    Nous n’avons pas fait vingt pas, lorsque je capte un magnifique brun d’une trentaine d’années venant dans notre direction. Et je suis ému lorsque sa belle petite gueule lâche un magnifique sourire, bien que ce sourire ne me soit visiblement pas destiné. Car c’est bel et bien à Thibault que ce bobrun a destiné ce beau cadeau.

    —        Salut Garcia ! fait le bobrun à l’attention de Thibault.

    —        Salut Alban ! lui répond ce dernier.

    Les deux mâles se font la bise, et puis c’est à mon tour d’approcher le visage de ce bobrun pour lui dire bonjour.

    —        Alban est un locataire de mon immeuble, explique le bomécano.

    —        On est presque voisins !

    —        C’est vrai… et Nico est un pote du lycée.

    —        Enchanté, fait le bobrun machinalement.

    —        Au fait, il enchaîne sans transition, on s’est pas revus depuis dimanche. Félicitations pour le match et pour le tournoi !

    —        Merci, ça n’a pas été de tout repos… heureusement que Jé a marqué ce dernier essai, sinon c’était foutu… Jé est vraiment un super joueur…

    —        C’est vrai qu’il est bon. Mais il a aussi la chance d’avoir un coéquipier comme toi qui lui fournit les bonnes passes. Vous formez un sacré tandem tous les deux !

    —        Je pense que Jérémie est vraiment bon, très bon, insiste le bomécano « je suis étonné qu’il n’ait pas été repéré. Dimanche dernier il y avait des mecs du Stade dans les tribunes, ils ont bien vu ce que Jé a accompli. Malgré sa blessure, il a été extraordinaire. Mais ils ne se sont pas manifestés. J’ai été très déçu…

    —        En tout cas, félicitations pour votre victoire !

    —        Merci ! Après l’avoir raté de si peu l’année dernière, on en avait vraiment besoin.

    —        Je dois y aller, fait le bel Alban. On se fait un apéro ce week-end ?

    —        Mais avec plaisir !

    —        Content de t’avoir vu, fait Thibault en s’avançant pour lui faire une bise d’au revoir.

    —        Alban est un gars en or, m’explique le jeune pompier. Il a le cœur sur la main et il est…

    —        Et il est vraiment bogoss !

    Pourquoi j’ai eu besoin de dire ça ? Ça m’a échappé. Mais Thibault a reçu 5 sur 5.

    —        Il est vrai qu’il est beau garçon, il admet. Tu ne lui trouves pas une ressemblance avec…

    —        Avec Jérém ?

    —        Oui, avec Jérém…

    —        Ça m’a frappé tout de suite, je confirme.

    Thibault s’arrête devant la barrière d’un grand immeuble.

    —        C’est ici…

    Dans l’ascenseur, je sens un certain malaise m’envahir. Je me demande de quoi va-t-on parler ? J’ai peur que mon malaise me tétanise. J’ai peur de ne pas oser poser les questions, mais aussi de poser des questions et de ne pas obtenir des réponses. Et, surtout, de poser des questions et d’obtenir des réponses.

    L’appart de Thibault s’ouvre sur un séjour bien plus grand que chez Jérém, un espace de vie où il n’y a pas de lit, mais un canapé et une table basse. La baie vitrée au 10ème étage offre une toute autre vue que celui de la rue de la Colombette. Du balcon, on a l’impression de dominer la ville rose. Je vois les clochers de St Sernin, celui des Jacobins, je devine le Capitole.

    — Assieds-toi Nico, tu veux une bière ?

    — Oui, avec plaisir.

    Un instant plus tard, il revient avec deux bières, il m’en tend une, nous trinquons et je le regarde en boire une bonne rasade. Le bomécano a soif. J’aime voir un mec boire à la bouteille, observer sa pomme d’Adam bouger nerveusement au rythme de la déglutition, j’aime le voir s’essuyer les lèvres avec le revers de la main.

    — Je vais me doucher, je reviens dans cinq minutes, in enchaîne. Fais comme chez toi, il précise, tout en ôtant son débardeur et en dévoilant son torse sculpté et velu.

    Thibault disparaît dans le couloir et un instant plus tard j’entends ce bruit bien connu, un bruit continu et monocorde, le bruit de l’eau qui tombe d’une pomme de douche et qui s’écrase dans un bac en céramique dans l’attente que la température soit bonne, un bruit qui devient plus irrégulier, tout à tour étouffé, amplifié, lorsque l’eau commence à ruisseler sur l’anatomie d’un beau garçon.

    Lorsque le bruit d’eau cesse, une séquence d’autres bruits se présente à mes oreilles, celui du bouchon du flacon de gel douche qui s’ouvre, celui du flacon pressé, celui du gel douche qui sort en pression, celui du bouchon refermé, celui du flacon remis sur son support, et celui, davantage imaginé qu’entendu, des mains qui se baladent sur la peau pour savonner.

    Et lorsque le bruit de l’eau se fait entendre à nouveau, mes narines sont happées par une intense odeur de fraîcheur, de propre et de jeune mec qui se répand dans tout l’appart.

    Pendant que le bomécano se douche, je profite pour faire un peu plus connaissance avec son lieu de vie. Cet appartement est très lumineux et accueillant. C’est un appartement de mec décoré avec sobriété, sans superflu. Mais c’est aussi et surtout un appartement qui respire le propre, le rangé, le tout sans excès, sans prétention. Un appartement que je ne peux m’empêcher de comparer à un autre, bien connu.

    L’appartement de la rue de la Colombette est un typique appart d’étudiant bordélique, branleur et en brin je m’en foutiste.

    L’appartement aux Minimes est un appart de mec installé dans sa vie, il est à l’image de son occupant, chaleureux, charmant, un endroit où l’on se sent tout de suite à l’aise.

    Dans un cadre photo accroché au mur, je reconnais les coupoles de l’observatoire du Pic du Midi. Et devant les coupoles, quatre mecs bien connus. A gauche, Thomas, à droite, Thierry. Et au beau milieu, le bras de l’un sur l’épaule de l’autre, le bomécano et mon Jérém. Leurs sourire sont si beaux, tout comme leurs attitude réciproques, la tête légèrement tournée l’un vers l’autre, semblant échanger un regard complice. Derrière eux, le ciel est si bleu, ça devait être une magnifique journée. La vue devait être magnifique, là-haut, ce jour-là. De quoi ont-ils rigolé ce jour-là ? Qu’est-ce qui rendait leurs sourires si lumineux ? Quels souvenirs ont été gravés dans leurs têtes lors de cette escapade ?

    Ont-ils dormi à Campan, dans cette maison venant de je ne sais quel oncle ou grand parent, cette maison dont j’ai quelque fois entendu mon bobrun parler avec ses potes, cette maison qui est pour moi un lieu mythique, comme hors de l’espace et du temps, un lieu où seuls les potes du bogoss sont admis, et d’où je serais exclu à tout jamais ?

    Je me demande qui a pris cette photo. Ils ont peut-être demandé à un inconnu de la prendre, pour être tous quatre sur la photo.

    Un peu plus loin sur le mur, un calendrier. Mais pas n’importe lequel. Un calendrier des pompiers. Il affiche le mois en cours, mais la tentation de le feuilleter est trop forte.

    Les images montrent les hommes et les moyens qui portent secours. J’ai l’impression d’entendre le bruit des sirènes, la course contre la montre, l’odeur de la fumée, l’odeur de la peur, des larmes, la puissance des hommes, de leur courage.

    Ce calendrier me fascine et m’émeut, car il résume presque à lui tout seul la grandeur d’un gars comme Thibault. Ce calendrier est le symbole de l’engagement, du courage, de la droiture, de toutes ces valeurs humaines qui font que Thibault est un garçon en or. Ce calendrier achève de graver définitivement dans mon esprit cette image d’homme, jeune par l’âge, mais très mur dans son être profond, incarnée par mon pote Thibault.

    Hélas, Thibault n’apparait sur aucune des photos. Ca ne me surprend pas de lui, plutôt dans l’action que dans l’exhibition, plutôt dans l’être que dans le paraitre.

    Pour retrouver enfin le bomécano, il faut s’aventurer jusqu’à la quatrième de couverture affichant à une photo de toute la caserne, photo à laquelle il n’a pas pu se soustraire.

    Le voilà, un peu sur la gauche, rangée du milieu, le torse et la tête bien droits, les bras croisés sur la poitrine, posture qui fait gonfler les biceps dans les manchettes du polo bleu foncé règlementaire.

    Thibault est là, avec tous ses collègues, le regard droit vers l’objectif, mais en rien frimeur, juste heureux d’être là, à sa place, heureux de pouvoir être utile à son prochain.

    Définitivement, ce petit mec est vraiment un ange tombé du ciel.

    Lorsque le bomécano revient de la salle de bain, habillé d’un débardeur blanc et d’un short gris molletonné, s’essuyant les cheveux encore humides, en bataille, avec une grande serviette, la peau fraîche dégageant cette délicate effluve de mec qui sort de la douche, je suis happé par une violente envie de le serrer dans mes bras et de le couvrir de bisous. Une envie que je ne m’autorise pas à exprimer, bien entendu.

    — Ah, t’as vu ça, il me lance, un peu gêné.

    — L’uniforme te va très bien, je ne peux m’empêcher de lui lancer, et je suis vraiment admiratif pour ton engagement.

    — Les pompiers ont sauvé ma vie et celle de mon père lors d’un accident de voiture lorsque j’avais sept ans. Ce jour-là, je me suis dit que j’en serai moi aussi.

    — C’est beau.

    — Ça va Nico ? mem redemande le bomécano en posant sa serviette sur le dossier d’une chaise à côté, avant de reprendre sa bière sur la table basse et d’en avaler une nouvelle longue rasée.

    — Ça va, oui, et toi ?

    — Moi ça va, mais toi, je te trouve soucieux.

    Tant de questions se bousculent dans ma tête, mais elles me paraissent soudainement si insignifiantes depuis que je me suis trouvé confronté à cette partie si noble de la vie de mon pote Thibault.

    C’est le bomécano qui se charge de me mettre à l’aise. Pour ce faire, il y va direct.

    — Tu sais, il ne faut pas qu’il y ait de malaise par rapport à ce qui s’est passé l’autre nuit. Je ne veux pas que tu te sentes gêné vis-à-vis de moi. Si tu es gêné, je vais l’être aussi. Et entre potes on n’a pas à être gênés, sinon c’est la fin de l’amitié.

    — Tu as raison, j’admets.

    — Ça ne va rien changer entre toi et moi. Je te considère un pote, un très bon pote. Et ça, ça ne changera jamais, je te le promets.

    — Moi aussi je te considère comme un très bon pote.

    — Alors dis-moi ce qui te tracasse, Nico.

    — Je sais pas, j’ai l’impression que cette nuit on a peut-être été trop loin. Enfin, surtout moi j’ai été trop loin.

    — Si toi t’as été trop loin, on y a été tous les trois.

    Une fois de plus, je suis extrêmement touché par ses mots, pas sa façon de rendre tout beau et simple. Et pourtant, malgré ses mots rassurants, j’ai l’impression que son regard est fuyant et son attitude me déphasée par rapport à ses mots.

    — Comment ça se fait que tu es venu à l’appart samedi dernier au milieu de la nuit ?

    La question sort toute seule, elle tombe comme un cheveu sur la soupe.

    Thibault marque un moment de silence, de réflexion, ou d’hésitation, mais il ne se débine pas.

    — Je suis passé parce que je n’avais pas de nouvelles de Jé depuis une semaine.

    — Depuis la finale ?

    — C’est ça. Après le barbec chez l’entraîneur, Jé était rond comme une bille, alors je l’ai raccompagné à l’appart. Il n’avait pas l’air très bien, et je suis resté un peu avec lui. Je sentais qu’il avait un truc sur le cœur depuis un moment, et que ça le perturbait, alors j’ai essayé de lui faire dire ce qui n’allait pas. Non pas que je voulais m’occuper de ses affaires, mais je me suis dit qu’il fallait que ça sorte, j’ai dû forcer un peu les choses et il a fini par m’avouer qu’il couchait avec toi.

    — Il t’a annoncé ça comment ? je ne peux m’empêcher de lui demander.

    Thibault semble fixer un coin indéfini dans la pièce, je vois sa pomme d’Adam vibrer sous l’effet d’une déglutition nerveuse. Il boit une dernière rasade de bière et il plonge son regard dans le mien.

    — Il a essayé de me faire croire qu’entre toi et lui ce n’est qu’une histoire de sexe, il me soutenait qu’il n’était pas pédé, que c’est toi qui l’a entraîné dans ces délires, mais qu’il pourrait arrêter quand il le voudrait. J’ai essayé de le mettre à l’aise, de lui dire que tu es un gars bien et qu’il n’y a rien de mal à ce que vous faites. Mais il s’est énervé et il m’a envoyé chier. Alors, je suis parti.

    • Evidemment, après ça, tu connais Jé, je n’ai pas de ses nouvelles de la semaine, il ne répondait même pas à mes appels. C’est pour ça que j’ai voulu passer le voir samedi. Je sais qu’il finit à peu près à 2 heures, et c’est le seul soir de la semaine où je peux attendre si tard. J’avais besoin de le voir pour mettre les choses à plat, cette histoire m’a foutu le bourdon pendant toute la semaine.

    Ainsi Thibault était au courant pour Jérém et moi. Jérém lui avait parlé de moi comme de son jouet sexuel. Chose que Thibault n’avait pas gobé. Et quand l’occasion du plan à trois s’est présentée, Jérém a sauté sur l’occasion pour faire la preuve de ses propos en prenant son pote pour témoin.

    — J’avais remarqué que tu n’étais pas dans ton assiette quand on s’est vus la semaine dernière, je lui lance..

    — Tu connais la raison, à présent, fait le bomécano, le regard mélancolique.

    — J’ai été surpris de te trouver chez lui samedi. Je veux dire… vous avez bien sûr le droit de vous voir quand vous voulez, mais l’autre nuit je pensais le voir seul à seul pour discuter.

    — C’était pas prévu, rien n’est jamais prévu avec Jérém. Avec lui, c’est quand lui il en a envie, il m’a fait venir quand il a débauché, j’explique.

    — Tu sais, j’ai vraiment hésité quand Jérém m’a demandé de rester avec vous.

    — J’ai vu.

    — J’ai hésité parce que je ne voulais pas rentrer dans son jeu.

    — Quel jeu ?

    — Le jeu de me montrer, et de se prouver à lui-même avant tout, que tu ne représentes rien d’autre à ses yeux qu’un plan cul qu’il peut partager avec son meilleur pote…

    — C’est ça que je suis à ses yeux, juste un plan cul disponible à la demande.

    — Tu sais, Jé joue au macho, mais il tient à toi. Tu n’es pas qu’un plan cul pour lui, quoi qu’il en dise.

    Ses regards et sa colère ne trompent pas. Quand il est contrarié, Jé réagit de cette façon, en se mettant en pétard. Et sa contrariété de l’autre soir était de la jalousie.

    — Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis, alors, qu’est-ce qui t’a fait rester ? je veux savoir.

    — Je ne sais pas, pas vraiment, fait le bomécano soudainement gêné, le regard à nouveau dans le vide.

    • La curiosité, certainement, il ajoute.
    • Oui, j’aurais pu partir pour ne pas rentrer dans son jeu, il continue après une courte réflexion. Mais j’étais heureux de le retrouver après cette semaine de froid entre nous.
    • Je comprends…

    — Malgré tout, j’hésitais encore, même quand tu as commencé à t’occuper de lui. Mais quand tu as commencé à t’occuper de moi, je me suis laissé porter. Ne m’en veux pas, Nico.

    — Je ne t’en veux pas, je me suis laissé porter aussi.

    — T’as dû être déçu de mon attitude, je lui glisse dans la foulée.

    — Pourquoi, donc ?

    — Du fait que je… je… je laisse Jérém me traiter… de cette façon.

    — Bah, écoute, si je devais être déçu, ce serait plutôt de lui !

    — Jé n’a pas à avoir cette attitude humiliante à ton égard…

     — Il n’est pas tout le temps comme ça, je tente de relativiser.

    — Je n’en doute pas. Mais il n’a pas à te traiter de cette façon. Je n’ai pas trop osé intervenir, je ne savais pas trop comment m’y prendre, je ne connais pas votre relation. Mais tu vois, je m’en veux de ne pas l’avoir remis à sa place avec plus de fermeté.

    — Tu as fait beaucoup Thibault.

    — Mais tu ne dois pas te laisser faire, Nico, tu dois t’imposer.

    — C’est pas simple… j’essaie de le ménager vous éviter ses sauts d’humeur…

    — Le ménager c’est pas lui rendre service, et à toi non plus. Tu devrais peut-être lui balancer ce que tu as sur le cœur une fois pour toutes. Jé est une tête de mule, parfois il lui faut un électrochoc salutaire pour lui faire comprendre les choses qu’il refuse de regarder en face.

    — Je n’ose pas.

    — Je t’assure, Nico, je le connais un peu pour savoir qu’il faut parfois le brusquer pour qu’il voie enfin ce qu’il refuse de voir. Combien de fois il est parti d’un entraînement en claquant la porte, mais il est toujours revenu. Ne crois pas que parce qu’on est potes, on ne s’est jamais pris la tête. J’ai vécu ça un million de fois depuis que je le connais, Jé a un sacré caractère, je ne t’apprends rien. Il est impulsif, colérique.

    — Je peux te dire que dans d’autres circonstances, je ne me serais pas gêné pas pour aller à l’affrontement. Mais si j’étais intervenu l’autre nuit, il aurait été capable de m’envoyer chier. Parce qu’il se serait senti trahi, humilié devant toi. Il a toujours mieux accepté ce que j’avais à lui dire à conditions que je le lui dise entre quatre yeux.

    — Vous êtes beaux tous les deux. Tu es fou de Jé, et lui aussi est fou de toi, même si parfois il se comporte avec toi comme le roi des crétins.

    Ses mots, sa bienveillance, sa gentillesse me touchent et m’émeuvent profondément. Je ressens une émotion m’envahir, monter aux yeux, faire perler quelques larmes. Je passe une main sur le visage, j’essaie de respirer profondément, d’essuyer mes joues, de me ressaisir, mais un sanglot m’échappe.

    Et là, le bras du bomécano se pose sur mon épaule, m’attire contre lui. Je lève les yeux et dans les siens, je vois un léger sourire doux et ému.

    Nous restons ainsi enlacés, pendant un bon petit moment. Qu’est-ce que ça fait du bien de se retrouver dans ses bras puissants.

    — Je vais te montrer quelque chose, il me glisse, alors que ses bras relâchent leur étreinte.

    Le bomécano se lève, se dirige vers le meuble télé et en revient avec un album photo à la main.

    — Dans cet album, il y a presque 10 ans d’amitié entre Jé et moi.

    J’ai le cœur qui tape à mille dans la poitrine juste en pensant aux trésors renfermés dans ses pages. Mes larmes sont déjà sur le point de couler à nouveau en imaginant les émotions qui vont encore me submerger en voyant mon Jérém dans des moments que je n’ai pas partagés avec lui.

    — Bien sûr que j’ai envie de voir ça !

    Thibault pose l’album sur ses genoux et, avec un geste lent, il fait pivoter couverture cartonnée, puis commence à feuilleter les premières pages.

    Le livre magique s’ouvre sur une photo de classe pleine d’enfants.

    — Là on était en CM1, c’est la première photo que j’ai de lui. Alors, tu l’as trouvé ?

    — Je cherche.

    — Pas facile, hein ?

    — Toi je t’ai repéré, tu es là, tout à fait à gauche de la photo.

    — Si tu m’as repéré, tu as repéré Jé, on était inséparables.

    — C’est lui, à côté de toi ? Naaan, c’est pas lui !

    — Si, si !

    J’ai du mal à reconnaître dans cet enfant gringalet, plus petit que Thibault, avec l’air mal dans sa peau, celui qui sera plus tard le magnifique étalon que je connais.

    — Il n’était pas épais à l’époque !

    — C’est clair, pas épais du tout. En plus, il était très timide, il ne parlait pas beaucoup, c’était un petit gars qui se faisait malmener. Mais quand on était ensemble, personne ne le faisait chier, c’est pour ça qu’il était tout le temps avec moi.

    — Tu as dû être un vrai pote pour lui.

    — J’ai essayé. Tiens, voilà, le voilà dans son premier maillot de rugby. Regarde le comment il est fier, regarde son sourire, je crois que c’était la première fois que je le voyais sourire de cette façon, regarde comme il tient son ballon sur cette photo ! Ca devait faire tout juste un mois qu’il venait aux entraînements.

    • Je me souviens que dès le premier jour, j’ai su qu’il était fait pour ça. En quelques semaines, il a tout capté au jeu, il a joué un peu à tous les postes, et en l’espace de quelques mois, le gamin maladroit s’est révélé être un ailier très doué.

    Je suis bouleversé par les photos de mon Jérém tout jeune, par cet émouvant voyage dans le temps. C’est touchant et instructif de découvrir l’enfance de la personne qu’on aime, découvrir son histoire, découvrir les évènements qui ont marqué sa vie à une époque où nous n’en faisions pas encore partie. C’est bon de parler avec ceux qui l’ont côtoyée pendant des époques inconnues, époques qui ont façonné sa personnalité et qui ont fait d’elle l’être que nous aimons aujourd’hui. Dans cette découverte du passé, on peut parfois trouver les clés pour mieux comprendre le présent, et pour mieux pardonner.

    • Ici on est en quatrième, il doit avoir 13 ans, il commente devant une autre photo quelques pages plus loin, regarde comme il a grandi ! Le rugby lui a permis de trouver une passion, de se découvrir doué. Ca lui a fait prendre confiance en lui, ça lui a fait gagner le respect des autres gars. Le rugby a developpé son corps, l’a rendu populaire au collège, puis au lycée, les filles ont commencé à s’intéresser à lui…

    — Là c’est l’été suivant, on était parti en camping à Gruissan avec mes parents et j’avais proposé à Jé de venir avec nous.

    J’ai envie de pleurer devant cette photo de petit mec torse nu sur la plage, avec son short de bain rouge et son sourire si enfantin, encore un gosse, mais déjà jeune mec en devenir.

    Le regard attendri que Thibault pose sur cette photo semble parler d’une grande nostalgie pour ce temps d’enfance, de vacances et d’insouciance.

    — Tiens, ici c’était après un match en plein hiver. On avait galéré ce jour-là, il faisait un froid terrible, il pleuvait, on était trempés comme des canards.

    Sur la photo, Jérém, Thibault et Thierry, couvert de boue de la tête aux pieds. Thibault l’air sage, comme toujours, Jérém et Thierry en train de faire les pitres. Jérém tire la langue, avec un petit sourire canaille, c’est beau.

    Photo suivante, dans les vestiaires, visiblement après un match. Les gars semblent heureux, ils ont du remporter le match ce jour-là. Et au milieu de la photo, mon Jérém de face, torse nu, en boxer blanc, le buste plié en avant, en train d’enfiler son jeans, la tête relevée vers l’objectif, la chaînette qui pendouille dans le vide, les cheveux en bataille qui tombent sur les yeux, et qui donnent à son allure un je ne sais quoi de craquant à se damner.

    Page suivante, nouvelles photos.

    — Là c’était chez l’entraîneur, on devait avoir 15 ans, c’est le soir où…

    Thibault marque une petite pause, tandis qu’un petit sourire amusé et tendre s’affiche sur son visage. — C’est le soir où Jé s’est fait dépuceler, il continue, par la fille de l’entraîneur, dans la cabane au fond du jardin. Je crois que cette photo a été prise juste après que ça se soit passé…

    Sur la photo, Jérém tient un verre à la main, et il a le regard un peu stone. Il vient tout juste de découvrir qu’il plaît aux filles, de tester son bel engin avec succès, il vient tout juste de jouir. Et j’ai l’impression de lire dans son regard fixé par la pellicule une belle fierté de petit mec.

    — Là c’est une autre soirée, une troisième mi-temps, on avait vraiment trop picolé.

    Jérém avec une chemisette à carreaux, trois boutons ouverts sur le relief de ses pecs, un pan dans le jeans, l’autre dehors, la chaînette de mec bien en vue, un verre en plastique à la main, le regard figé, la paupière lourde, le brushing en vrille, une cigarette à moitié cramée au coin des lèvres, le tout lui donnant une allure débraillée, l’allure d’un mec qui n’aurait qu’une seule envie, qu’un seul besoin, retrouver un lit et une bouche pour une bonne pipe avant de dormir.

    Pourtant, sur cette photo, son regard semble empreint d’une intense mélancolie, ce qui me donne envie de lui faire des tas de câlins avant toute autre chose.

    A côté de lui, comme très souvent, le solide Thibault, le regard doux, bienveillant. Ainsi, le contraste entre les deux potes finit par s’imposer.

    Jérém, Thibault, le même âge, des vies très proches, des parcours semblables, la même passion pour le rugby. Pourtant, il existe également entre eux des différences assez marquées. Si je devais les résumer en quelques mots, je dirais que Jérém est un irrésistible petit con qui pue le sexe à des kilomètres. Tandis que Thibault est déjà un petit bout d’homme, plutôt viril. Là où « viril » s’applique davantage à des qualités humaines comme la droiture, le courage et la bienveillance.

    — Ici c’est à Hossegor, il y a deux ans, qu’est-ce qu’on s’est marré ce jour-là, enchaîne le bomécano en m’arrachant à mes réflexions.

    Une fois de plus, mon Jérém torse nu sur la plage, les cheveux en bataille, le corps ruisselant d’eau, brillant au soleil, tout comme Thibault. Visiblement, ils sortent de l’eau. Une fois de plus, le bras de l’un est posé sur l’épaule de l’autre, leurs sourires sont si lumineux, ils ont l’air de s’amuser un max.

    — Ici c’est à Gruissan, l’été de l’année dernière.

    Jérém et Thibault et Thomas, les trois mousquetaires, torse nu, au bord de l’eau. Le quatrième, Thierry, étant assurément derrière l’objectif. Jérém au milieu de la photo, et ses deux potes font semblant de l’embrasser sur la joue.

    — On s’était tapé un délire, comme c’est lui qui conduisait et qu’il avait le permis depuis quelques jours et que sa 205 n’était pas de première fraîcheur, on avait parié qu’elle nous ne ramènerait pas à Toulouse… mais elle a fait l’aller-retour sans problème.

    — Jérém n’a pas encore son tatouage, je relève.

    Le bomécano semble ne pas avoir entendu ma considération, l’air totalement happé par cette photo.

    — Tu disais, Nico ?

    — Je disais que sur cette photo Jérém n’a pas encore son tatouage.

    — Je crois que la photo a été prise le jour de notre arrivée, il a dû le faire le lendemain, je pense.

    Comment décrire l’émotion violente provoquée par une image en voiture où mon Jérém, le torse enveloppé dans un petit débardeur blanc à hurler, est endormi comme un enfant sur l’épaule de Thibault ?

    Une autre page est tournée et mon bobrun apparaît dans un t-shirt rouge, visiblement lors d’une énième soirée. C’est une photo récente, car mon bobrun est déjà le bogoss mégasexy que je connais aujourd’hui, avec son tatouage au biceps. Il est à hurler.

    — Tiens, ça c’est la soirée de son anniversaire l’an dernier, m’explique le jeune pompier.

    — C’est quand son anniversaire ? je demande comme un cri du cœur, en sautant sur cette occasion si inattendue et si belle.

    — Tu sais pas ? s’étonne le bomécano.

    — Non, il ne l’a jamais fêté en classe.

    — Je peux te dire qu’il l’a toujours fêté au rugby, et comme il faut.

    — Il y a plein de choses que j’ignore de lui.

    — Son anniversaire c’est le 16 octobre.

    La découverte de sa date d’anniversaire me rend si heureux.

    — Dans moins de trois mois, il va fêter ses 20 ans, commente Thibault, et j’ai prévu de lui faire une surprise.

    — C’est quoi ?

    — J’ai prévu de l’amener au Mas d’Azil pour lui faire faire un saut à l’élastique par surprise, je sais qu’il va kiffer.

    — T’as de la chance…

    — J’ai la chance de l’avoir comme pote.
    — Je parle de la chance de le connaitre si bien, depuis si longtemps, la chance d’avoir partagé tant de choses avec lui.
    — Tu as des photos de lui ?

    — Juste une que j’ai découpé de la Dépêche la semaine dernière.
    — Vas-y, choisis-en une, ou même deux.

    — Mais je ne peux pas, ce sont tes souvenirs.

    — Des photos, j’en ai plein. Et puis, les meilleurs souvenirs sont là-dedans, fait-il en posant sa main à plat sur son cœur.

    — Tiens, il me lance, en me passant l’album, choisis-en quelques-unes.

    L’objet est lourd, physiquement et symboliquement, j’ai l’impression qu’il me brûle les doigts, tellement l’histoire d’amitié qu’il contient me touche, m’émeut. C’est un magnifique voyage dans l’amitié entre deux potes inséparables qui se déroule sous mes yeux, à travers la magie de la photo.

    Je reprends à le feuilleter depuis le début, je repasse le film d’une vie. Page après page, je vois mon bobrun grandir, je vois le gamin se transformer en jeune étalon hyper sexy.

    A travers ces photos, je revis les trois dernières années depuis que je le connais, je revis l’itinéraire d’un amour qui est né au premier instant et qui a jalonné ma vie depuis trois ans. Comment choisir parmi toutes ces merveilles ?

    Sur une photo, je retrouve Jérém dans t-shirt noir moulant, je crois reconnaître le t-shirt qu’il avait le premier jour du lycée, et je crois reconnaître le Jérém que j’ai connu le premier jour du lycée, je revis cet instant dans la cour du lycée. Je retrouve l’émotion « originelle », dans toute son intensité, dans toute sa pureté, le premier choc, cette immense déflagration qui s’est produite en moi à l’instant même où l’image de ce petit mec de 16 ans, bogoss en devenir, avait traversé ma rétine. Et cette onde de choc avait été pour moi une révélation à plus d’un titre. Car, d’une part, elle entérinait définitivement mon attirance pour les garçons. Et, d’autre part, elle faisait rentrer dans ma vie un garçon qui allait devenir le rayon de lumière de mes années lycée.

    Mais sa plastique de rêve et sa belle petite gueule n’ont jamais été son seul atout à mes yeux. Il y avait aussi son attitude, son assurance, une aisance vis-à-vis de la vie qui me fascinait littéralement, car ce sont là des qualités qui me font cruellement défaut.

    Oui, ce qui nous semble inaccessible a tendance à nous fasciner. Depuis que j’ai commencé à ressentir de l’attirance pour les garçons, je ne fais qu’admirer, jalouser, chercher dans l’autre ce que j’aurais voulu être mais que je ne serai jamais.

    Je ne serai jamais un jeune premier qui croque la vie par les deux bouts, le mec qui a plein de potes, qui aime faire la fête, le mec populaire, le mec qui suscite de l’admiration, qui sait se faire respecter, je ne serai jamais un champion au rugby, je ne serai jamais le genre de mec au charme redoutable qui attire les regards comme un aimant, je ne serai tout simplement pas le mec aussi bien dans ses baskets qu’est Jérém, du moins en apparence.

    Oui, ce mec représente à mes yeux un idéal de puissance, de sexytude, de charme, de « virilité ». Un idéal auquel, inconsciemment, je donne des allures de mythe. Le mythe du jeune apollon, du jeune mâle à qui rien ni personne ne sait résister. Et qui s’autorise l’insolence outrancière de dégager cette « virilité » avec un naturel déconcertant, sans aucun effort apparent.

    Lorsque Jérém n’était encore que ce putain de bogoss inaccessible que le hasard avait placé dans la même classe de lycée que moi, je passais le plus clair de mon temps à l’observer, à tenter d’en savoir un peu plus sur lui. Je tentais de capter les conversations le concernant, même les ragots, n’importe quel détail, avide de capter la moindre des infos à son sujet.

    En cours, je le matais sans cesse, me contentant de la vision de son dos, ainsi en disposait la géographie de la classe. Une vision frustrante, certes, mais qui possédait l’avantage de ne pas avoir à me soucier de croiser son regard.

    A force d’observer sa vie, j’en oubliais un peu la mienne, infiniment moins palpitante que la sienne.

    Ses succès, sa popularité me faisaient rêver. Même son côté « cancre », sa façon d’assumer parfaitement ses mauvaises notes, son insolence lorsqu’il était parfois rappelé à l’ordre par les profs, me faisait rêver.

    Je vivais par procuration, par fascination.

    En imaginant, en désirant son plaisir, j’ai rendu mon propre plaisir subordonné au sien. En me branlant, et en imaginant à chaque fois sa jouissance, son plaisir est devenu mon plaisir, et ce dernier a fini par ne plus exister sans le sien.

    Puis, un jour, le fantasme a rejoint la réalité.

    Dès notre première révision, le bogoss a eu tout pouvoir sur moi. Il n’a eu aucun mal pour cela. De toute façon, ce pouvoir je le lui avais déjà accordé depuis longtemps.

    De ce pouvoir, il s’en est saisi de la manière exacte dont je rêvais. Il a voulu faire de moi l’objet de son plaisir, c’était exactement ce dont j’avais toujours rêvé sans oser espérer qu’un jour ça puisse arriver. Je suis devenu son objet sexuel parce son attitude assurée et dominante m’a inspiré ça, parce qu’il ne m’a pas laissé le choix, parce qu’il m’a fait aimer ça, parce que son inépuisable énergie sexuelle m’a littéralement rendu dingue de lui.

    Pourtant, il manquait une dernière petite pièce pour achever l’édifice de mon amour pour ce mec, et il s’agissait d’une pièce maîtresse.

    Cette pièce est venue à moi au fil de nos révisions, surtout celles qui se déroulaient tard dans la nuit, ainsi que lors des conversations très instructives à son sujet avec son pote Thibault. Elle est venue à moi lorsque j’ai eu l’occasion de le connaître un peu plus, lorsque j’ai compris que derrière la façade de bogoss insolent se cachaient des peurs, des blessures.

    Ce sont ses failles, ses blessures, cette souffrance qu’il endurée dans son enfance qui m’ont touché.

    C’est tout un ensemble de petites choses qui, mises bout à bout, me font dire que, sous sa carapace, derrière son attitude de petit con souvent intraitable, il existe un être sensible, prisonnier d’un bourreau sexy.

    Oui, tout ce qui est inaccessible, fascine, attire, charme. Et son cœur m’est toujours inaccessible.

    Je finis par me dire que ça n’a pas de sens de comparer Jérém et Thibault, car chacun a son parcours, un parcours qui a façonné sa propre personnalité, chacun a sa sensibilité, ses peurs, ses moyens pour affronter la vie. Au fond, Jérém n’est qu’un garçon de 19 ans qui se cherche et qui a du mal à faire face à ses démons, et il y a une certaine fragilité sous la carapace. Et c’est pour cela que je l’aime aussi.

    — Alors, t’as choisi ? j’entends Thibault me demander, m’arrachant une fois de plus à mes divagations.

    — J’aime bien celle-ci.

    Jérém assis sur la pelouse de la prairie des Filtres, on voit une arcade du Pont Neuf tout à gauche de l’image, ses bras tendus et ses mains posés à plat sur le sol derrière son dos, habillé d’un simple jeans, et de la même chemise à carreaux noirs et blancs que sur l’autre photo, les manches retroussées, ouverte sur un t-shirt blanc sur lequel sa chaînette de mec est négligemment abandonnée, le regard ténébreux. Tout simplement beau à en pleurer.

    — Vas-y, décolle-la, elle est à toi.

    — Merci infiniment, Thibault.

    Je la décolle lentement et je contemple le vide laissé dans la page de l’album.

    — Vraiment, ça me gêne.

    — Il faut pas. Choisis-en une autre.

    Je feuilleté jusqu’à ce que je retrouve une photo en maillot rugby.

    — Celle-là aussi me plaît beaucoup.

    — Tu prends.

    — Merci.

    — Une dernière, pour la route.

    — C’est abusé !

    — Non, puisque je te le propose.

    Je ne peux m’empêcher d’en viser une où mon bobrun est sur la plage, torse nu, le bronzage sur sa peau mate, la lumière du soleil mettant en valeur et en relief la musculature parfaite de son corps.

    — Celle-ci, alors.

    — Vas-y.

    — Merci, ça me touche vraiment.

    — Ca me fait plaisir.

    Je regarde ma montre et je me rends compte que j’ai passé une heure assis sur ce canapé, à regarder des photos à côté de ce charmant mécano.

    Soudain, l’album photo se referme tout seul et glisse entre mes genoux. J’essaie de le rattraper avant qu’il ne touche le sol, j’ai un mouvement brusque, mes genoux frôlent ceux du jeune pompier.

    Nos regards se croisent. Son regard est beau, il happe le mien. Définitivement, Thibault est le genre de garçon qui me fait craquer. Il est beau, il est charmant, il est adorable. Il me fait craquer en tout point.

    Le bomécano esquisse un petit sourire doux, il porte une main sur mon épaule.

    — Tu sais, je t’aime beaucoup, Nico.

    — Moi aussi, je t’adore.

    — J’ai vraiment aimé cette nuit.

    — Moi aussi, moi aussi.

    — Je suis content que Jé soit tombé sur quelqu’un comme toi.

    Je vois Thibault ému, je le suis aussi. J’ai envie de me jeter dans ses bras, j’ai envie de l’embrasser, j’ai envie de tout avec lui.

    Et là, son portable se met à sonner.

     — C’est Jé, il m’annonce, avant de décrocher.

    — Hey, mec, ça va ? démarre le bomécano. A chaque fois je suis touché par sa façon de montrer qu’il est heureux de retrouver un pote.

    — Oui, je t’écoute, je l’entends lâcher, après un instant de silence.

    J’essaie de capter l’autre moitié de la conversation, mais je n’entends que de vagues grésillements.

    • Quoi ? A la fin du mois ? Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ?
    • Combien de mois ?
    • Mais pourquoi tu ne m’en as pas parlé avant ? On aurait pu trouver une solution…
    • Et il n’y a vraiment pas moyen de trouver un arrangement ?
    • Bien sur que tu peux venir. Quand tu veux.
    • Demain, tu dis ? s’étonne le bomécano.

    Grésillements indistincts de bobrun.

    — Ok, ok, tu peux commencer demain à ta pause, si tu veux, tu peux passer chercher les clés au garage demain matin.

    — Bon, ok, t’as qu’à tout laisser dans le séjour, on se débrouillera pour te trouver de la place.

    — Il n’y a pas de quoi. Et bon courage pour ce soir, travaille pas trop. Allez, bises.

    Le bomécano vient de raccrocher. Il me fixe droit dans les yeux. Il l’air troublé.

    — Qu’est-ce qu’il se passe ? je le questionne.

    — Jé vient de m’annoncer qu’il n’a pas payé son loyer depuis des mois, et il s’est fait foutre dehors. Il doit quitter l’appart à la fin du mois.

    — Mais c’est dans quelques jours à peine !

    — Je suis sur le cul aussi, il vient de me l’annoncer à l’instant. S’il m’en avait parlé quand il a commencé à avoir des problèmes, j’aurais pu l’aider, mais il n’a rien dit, et là, on ne peut plus rien faire.

    — Mais ses parents ne l’aident pas ?

    — Je ne sais pas vraiment, c’est tendu entre eux.

    — Bref, il m’a demandé si je pouvais l’héberger, il continue, le temps de se retourner.

    Evidemment, j’ai dit oui. Il va commencer à amener des affaires dès demain soir.

    Soudain, je ressens un étrange sentiment de vide, comme en lisant la dernière ligne d’un beau chapitre, ou d’un beau livre. Je réalise que dans quelque jour je n’aurai plus accès à cet appart, à ce lieu magique au beau milieu de la rue de la Colombette, ce lieu hors du temps et de l’espace qui a été le théâtre des premières révisions avec Jérém, la scène de mon dépucelage, le cadre de tout ce plaisir que nous nous sommes donnés, le décor de mon amour naissant, d’espoirs sans cesse renouvelés et de frustrations de plus en plus difficiles à endurer.

    Je ressens un pincement au cœur, comme une morsure, en pensant que plus jamais je ne remettrai les pieds dans cet appart, qu’une page se tourne avec le départ de Jérém de ce lieu, une page de nos vies.

    Je suis pris par un vertige en pensant que la nouvelle page qui s’ouvre, nous ne l’écrirons pas assurément pas ensemble.

    Où allons-nous nous retrouver désormais pour nos galipettes, si tant qu’il en ait à nouveau envie un jour ?

    Cet appart va vraiment me manquer, car il s’en est passé des choses, entre ces quatre murs.

    Jérém quitte les lieux et dans quelques temps quelqu’un d’autre, un autre étudiant peut-être, peut-être bien un autre petit con ultra bandant comme Jérém prendra sa place, il ramènera ses potes, et des nanas. Jusqu’au jour où, peut-être, il entraînera l’un de ses camarades dans des révisions chaudes bouillantes.

    La nuit passée avec les deux potes était donc la dernière fois que je mettrais les pieds à l’appart rue de la Colombette. Je n’aurais même pas pu dire au revoir à cet appart où j’ai dormi pour la première fois avec un garçon.

    — Nico, je t’aurais bien gardé manger une pizza mais il faut que je passe à la caserne.

    — Je vais y aller.

    — Tout va bien, Nico ?

    — Oui, ça va. C’est juste que la nouvelle du déménagement de Jérém m’a un peu secoué. Il a de la chance d’avoir un pote comme toi.

    — Même s’il vient s’installer ici, je sais qu’il ne restera pas longtemps. Jé a besoin de son indépendance.

    — J’ai besoin que tu me promettes quelque chose, Nico…

    — Dis-moi…

    — Je ne sais pas de quoi l’avenir de Jérém sera fait. Mais quoi qu’il fasse, qu’il trouve un autre boulot, un autre appart, qu’il reste sur Toulouse ou qu’il parte je ne sais où, il ne pourra pas se passer de toi…

    — J’aimerais que ce soit vrai…

    — J’aimerais que tu gardes un œil sur lui…

    — J’aimerais bien… mais est-ce qu’il va seulement m’en donner l’occasion ?

    Le regard de Thibault vaut plus que mille mots. Dans ce regard, je vois toute l’amitié qu’il porte à son pote, et son désir de s’assurer qu’il ne se mette pas en danger. C’est de la bienveillance à l’état pur. Et si d’autres sentiments sont là, son abnégation et son dévouement sont admirables.

    — Je te promets que je ferai de mon mieux, j’arrive à lui répondre, la voix cassée par l’émotion.

    Je cherche du réconfort dans ses bras, j’essaie de cacher mon émotion.

    — Porte toi bien, Nico, et si ça ne va pas, tu sais que ma porte est toujours ouverte. Et mon téléphone toujours allumé, toujours.

    Dans le bus, je valide le ticket que Thibault m’a filé en quittant l’appart. Je me dis que vraiment, ce mec est un ange, un el ange musclé avec un esprit touchant au possible.

    Dans le bus, je feuillète sans cesse les trois photos qu’il m’a données, autant de trésors à la valeur inestimable à mes yeux.

    Thibault a été adorable, et très honnête avec moi. Il m’a rassuré, remonté le moral. Il a apporté des réponses à pas mal de mes questions, il a apaisé pas mal de mes inquiétudes. Je me suis confié à lui, il s’est confié à moi.

    Pourtant, en partant de l’appart aux Minimes, je m’inquiète un peu pour lui. Une partie de moi a comme l’impression que derrière son attitude et son discours de mec bien dans ses baskets, il y a des choses non dites. J’ai comme l’impression qu’entre son envie de voir son pote heureux avec moi et moi heureux avec son pote, il est en train de s’oublier, une fois de plus.

    Mais, comme d’habitude, je trouve le moyen de me rassurer, en me disant que Thibault est un garçon solide et que tout ira bien pour lui.

    J’aurais dû m’inquiéter davantage, car sous ses attitudes rassurantes, il y avait bel et bien un malaise.

    Commentaires

    ZurilHoros

    03/07/2020 22:02

    Un épisode qu’il est très difficile de commenter, tant il est riche d’enseignements. Je dirais qu’il illustre la différence de personnalité entre Nico et Thibaut qui ont pourtant le même âge. Thibaut est à l’écoute de ses amis et il veut bien évidemment aider ceux qu’il aime. Comme il s’y intéresse, il sait quoi faire. Il a aidé Jérémie quand ils étaient enfants, et là, il est disposé à aider Nico, qui possède à ses yeux, la plus grande des qualités: celle d’aimer Jérémie. Ils aiment le même mec, du même amour mais pas avec les mêmes armes ni les mêmes réussites. Thibaut a du caractère et des valeurs. Il réprouve l’attitude de Jerem et on sent qu’il a été déçu de voir son copain se comporter comme un porc avec Nico. Pour des raisons que lui seul connait, il pense, malgré tout, que Jerem tient à Nico, mais qu’il ne sait pas l’exprimer. En se joignant à eux, il a pensé que Jérém suivrait son exemple car il a de l’influence sur son copain d’enfance.  C’est à mon avis plus complexe que ça. Thibaut voulait connaitre l’intimité homo de Jérémie et s’en approcher. Il s’agissait de ressentir la même chose que Jérém pour connaître la seule proximité qui lui manque encore avec lui, et elle passe par Nico. Seulement à ce jeu, si il accepte de laisser son Jérém à Nico, il semble bien qu’il finisse lui aussi par aimer aussi Nico.  Quand il dit à Nico, qu’il doit s’affirmer et ne pas se laisser faire, il se défend aussi, car il se voit à sa place. La violence de Jérém est aussi une violence qui lui est faite. Ensuite il a ce geste magnifique de lui donner des photos de Jérém, puisqu’il a compris que les deux ne partagent aucune intimité. Nico était venu dans l’espoir d’avoir des nouvelles de Jérém et il aussi connaitre l’état d’esprit de Thibaut. st-il sincère en s’inquiétant de l’image que Thibaut aurait de lui? Un passif qui s’est donné à plusieurs mecs, porte facilement le stigmate de celui qui est un objet. C’est d’ailleurs le jeu que Jérém prétendait jouer devant Thibaut. Thibaut a t-il révélé quelque chose à Nico qu’il ignorait, comme celui-ci se persuade? Je n’en suis pas sûr, Nico s’est surtout servi de Thibaut pour faire passer un message à Jérém. Nico est très ému de voir les photos et de penser que des pans entiers de la vie de Jérém lui échappent encore. Nico ne connait que le sexe avec Jérém puisque Jérém ne lui donne rien d’autre. Mais si Nico avait été différent, en aurait-il été autrement. Si il n’avait pas abdiqué toute volonté en échange de coups de bite, en saurait-il plus sur Jerem. Il a eu une occasion, une petite semaine de vraies révisions pendant laquelle il n’a pas compris que Jérém était dyslexique. Il n’a donc pas du être très attentif, pour ne pas y voir la raison de l’illisibilité de ses sms par exemple.Pourquoi Jérém n’a pas le besoin de se confier à Nico? peut être croit-il que seul le sexe l’intéresse et cela doit bien l’arranger de penser ça. Et d’ailleurs, Nico est surprenant. Rien que dans cet épisode, que ce soit en croisant un type dans un bus, en s’asseyant à coté de Thibaut, ou après avoir versé des larmes sur son épaule, il fantasme de les sucer. Quand il voit les photos défiler devant ses yeux, certes il s’attendrit sur Jérém enfant, mais à chaque fois, il pense à sa sexitude, à sa virilité, à l’attirance que les bogosses doivent avoir les uns pour les autres, à la vigueur d’un étalon de 19 ans. Il a pourtant le même âge qu’eux. C’est comme si il appartenait à une autre humanité. C’est un drôle de garçon obsédé par la virilité et j’en arrive à penser qu’il n’a pas de réelle amitié à offrir. Il ne voit les autres qu’en fonction de ses envies et de ses besoins. On l’a vu dans l’épisode précédant quand il pense envoyer un sms à Stephane dans le seul espoir que Stéphane s’intéresse à lui. Quand il s’inquiète un peu pour Thibaut, car il est très observateur, il se rassure vite, en se disant que Thibaut est fort. Il peut repenser à la seule chose qui l’intéresse, lui et ses problèmes. Je m’en veux de penser ça de Nico, parce qu’il a beaucoup à donner et que son attachement est bien réel. Mais il va lui falloir dépasser son nombrilisme, et dompter sa fascination pour la puissance masculine. Tant qu’il sera soumis dans sa tête, il ne pourra pas se prendre en charge et s’imposer et donc être fiable. 

    Laurent

    16/02/2017 01:37

    C’est toujours aussi plaisant de lire une de tes suites . Très beau moment de complicité entre Nico et Thibaut. Si Jérem dort chez Thibaut, ça promet de nouvelles expériences . A bientôt j’espère

    Yann

    14/02/2017 18:59

    Vraiment bel épisode qui montre l’amitié que porte Thibault pour Nico et Jerem. De ce point de vue Nico doit être rassuré pour ce que pense Thibault le concernant. Quant à Jerem, on le savait déjà mais on comprend un peu plus la complexité de sa personnalité face à cette part de sa sexualité qu’il refuse d’assumer.

  • JN01098 Les jours d’après

    JN01098 Les jours d’après

    Le lundi d’après.

    Je n’en reviens toujours pas que, depuis hier matin, alors que je suis rentré en plein petit déjeuner après avoir découché – sans prévenir, qui plus est – ni maman ni papa ne se soient lancés ni dans des brimades ni dans des questions indiscrètes. Je trouve bizarre qu’ils aient gobé mon récit d’un verre avec les potes du lycée qui se serait fini au petit matin chez Dimitri.

    A mon avis, ils doivent croire que j’ai une copine. Si tel est le cas, je vais laisser leur fausse croyance devenir mon alibi. Tout en étant conscient qu’un jour, il faudra bien qu’ils sachent. Mais pas encore, pas aujourd’hui.

    En attendant, l’absence presque totale de sommeil la nuit de samedi à dimanche, passée à faire des galipettes avec les deux potes, le sommeil en pointillés de la nuit dernière, ponctué par un rêve de fou où Jérém et Thibault en venaient aux mains, avant de se résoudre à en venir aux queues, tout cela m’a mis KO.

    Bref, ce soir le lit m’appelle de bonne heure.

    Le mardi d’après.

    Le lendemain, l’esprit ne cesse de ressasser les questionnements qui tournent en boucle dans ma tête depuis un peu plus de 48 heures. Pour tenter de mettre de l’ordre dans le bazar qui règne dans ma tête, je décide d’aller me mettre au frais et au calme le long du Canal.

    En marchant au bord de l’eau, à l’ombre des platanes, je laisse venir à moi les innombrables questionnement autour de cette folle passée en compagnie de Jérém et de Thibault.

    Questionnements vis-à-vis de Jérém.

    Est-ce qu’au fond de lui Jérém se doutait de la véritable raison qui l’amenait à débarquer chez lui à cette heure-là ? Est-ce que ma présence avait empêché quelque chose ?

    Quant au malaise de Jérém, que recourait-il, au juste ?

    Était-il uniquement un malaise vis-à-vis de Thibault à cause de ma présence ? Ou bien un malaise vis-à-vis de moi, à cause de l’arrivée de Thibault ? Chez qui, de moi ou de son pote, avait le plus peur d’éveiller des doutes ?

    Et pourquoi, si malaise y avait, Jérém avait laissé rentrer Thibault dans notre intimité ?

    Son meilleur pote venait de sonner à son interphone, il ne pouvait pas l’envoyer balader en prétextant « ne monte pas, je suis en train de me faire sucer par Nico ».

    Mais pourquoi alors ne pas le laisser partir la première fois qu’il l’avait proposé ? Pourquoi avoir insisté pour qu’il reste, en lui balançant, justement, que j’étais en train de lui sucer la queue juste avant son arrivée ?

    Tout cela était-ce uniquement la conséquence de son état de stonitude avancée ?

    Ou bien, il était encore assez lucide pour sauter sur une opportunité inespérée ?

    Le bomécano est au courant de la véritable nature des relations entre Jérém et moi, de par son intuition d’abord, et de par nos conversations ensuite. Mais Jérém n’est pas censé être au courant du fait que son pote est dans la confidence. A moins que j’aie raté un épisode, à moins que les deux potes aient fini par avoir une explication à ce sujet.

    Quoi qu’il en soit, envisager ce plan permettait à Jérém de faire ou de parfaire son « coming out » auprès de son pote, tout en gardant son statut de « vrai mec ». Tout était dans la formule, dans la façon d’exposer les choses, en me présentant comme « le mec qui était en train de lui sucer la queue », même pas comme son amant. La clé de son raisonnement étant de justifier ma présence chez lui à cette heure tardive comme celle d’un simple jouet sexuel pour satisfaire ses envies de fin de soirée. Un jouet sexuel sans importance, car il était prêt à le partager avec son pote. Et si moi, son jouet sexuel n’avait pas d’importance à ses yeux, ce qui se passait entre nous n’en avait pas non plus. Dès lors, ce n’était pour lui qu’un passetemps, un loisir, une lubie, possiblement, probablement, assurément passagère. Un truc d’autant plus sans importance que, vu son état, il pouvait aisément pu être mis sur le dos de la fumette et de l’alcool, éloignant Jérém de tout soupçon d’aimer spécialement les garçons. « Il était juste en train de me sucer la queue ». Une pipe, ça ne se refuse jamais, n’est-ce pas, mon Jérém ?

    Est-ce que ce plan, lui était venu sur le moment, où est ce qu’il était d’une certaine façon prémédité ?

    Je me souviens d’une fois où Jérém avait évoqué cette possibilité de coucherie avec Thibault. C’était pendant une galipette. Je me souviens qu’il m’avait demandé sur un ton accusatoire et méprisant si Thibault me plaisait, lui aussi, et si j’avais envie de baiser avec lui aussi. 

    Sur le moment, j’avais mis ça sur le dos de son excitation, je m’étais dit que ce n’étaient que des mots en l’air, le genre de mots qui traduisent des fantasmes qui font surface et semblent si réalisables à l’instant où le plaisir nous fait perdre pied, des fantasmes qui disparaissent dès l’excitation retombée.

    Peut-être qu’au contraire l’idée de ce plan à trois trottait dans sa petite tête depuis un moment.

    Mais qu’en est-il de cette tentative de manipulation de son pote pour le tromper vis-à-vis de la véritable nature de notre relation et de ses préférences sexuelles ? Est-ce que ça lui était venu sur le moment, où est-ce que c’était là aussi prémédité ?

    Est-ce que Jérém avait d’autres raisons pour envisager ce plan ? Comme des raisons impliquant une attirance refoulée vis-à vis de son Thib ?

    Questionnements vis-à-vis de Thibault.

    A commencer par le plus évident. Pour quelle raison le bomécano était-il venu voir son pote Jé à cette heure tardive ?

    Son prétexte de l’insomnie qui l’aurait poussé à aller faire un tour jusqu’à la rue de la Colombette ne m’a pas totalement convaincu. Il devait forcément y avoir une autre raison derrière sa visite chez son pote au beau milieu de la nuit.

    Avait-il quelque chose d’urgent à lui dire ? Quelque chose de trop important pour attendre un autre moment ou pour se contenter d’un coup de téléphone, d’un SMS ?

    Il est vrai aussi qu’avec les horaires décalés du job de serveur de Jérém, il était difficile pour le bomécano de voir son pote en semaine. Alors, ne travaillant pas lui-même le lendemain, ce samedi soir il avait pu attendre que Jérém débauche pour aller le voir. Mais, une fois de plus, qu’avait-il à lui dire pour avoir besoin de le voir entre quatre yeux à cette heure improbable ?

    Manque de bol, Jérém n’était pas seul. Et ce dernier avait l’air aussi surpris et mal à l’aise que moi vis-à-vis de l’arrivée impromptue de son pote.

    Pourquoi, après que Jérém ait lancé l’idée de ce plan, et alors que dans un premier temps il avait sérieusement envisagé de partir, était-il finalement resté ? S’était-il simplement laissé entraîner par son pote ? S’était-il laissé tenter par ses mots qui lui annonçaient tout le bien que j’allais lui faire ?

    Comment le beau pompier était-il arrivé à surmonter tant de barrières – l’amitié profonde avec Jérém, l’amitié naissante avec moi, le fait de savoir que je ressens des sentiments forts pour son pote – pour se laisser aller ?

    Ses hésitations, à plusieurs reprises, avaient très bien traduit son tiraillement entre ses désirs et ses alarmes intérieurs qui le sommaient de ne pas céder aux invitations de son pote.

    Questionnements au sujet de moi-même.

    J’ai beau me dire que ce plan m’est tombé dessus sans que je n’aie rien demandé. Lorsque ça s’est présenté, je n’ai pas dit non.

    J’ai beau me dire que je n’avais pas le choix, qu’une fois ce plan lancé par Jérém, j’étais incapable de partir et de laisser très vraisemblablement les deux potes se faire du bien sans moi.

    La vérité est que l’envie de découvrir le corps du bomécano, sa sexualité, son plaisir, était bel et bien là, en moi. Tout comme l’envie de savoir si la jalousie de mon bobrun se pointerait comme ça avait déjà été le cas avec Romain.

    Et sa jalousie s’est bel et bien pointée, précise, ponctuelle, dès que j’ai commencé à m’occuper de Thibault. Elle a vraiment explosé lorsque son pote a commencé à s’occuper de moi, avec fougue et tendresse, faisant foirer ses plans. Une jalousie peut-être différente, mais encore plus évidente, encore plus ravageuse que celle provoquée in lui par l’inconnu Romain, une jalousie provoquée justement par l’attitude de son pote Thib à mon égard.

    Mais est-ce que j’ai été trop loin ? Est-ce que, au fond, je ne vaux pas mieux que de l’opinion que Jérém a de moi ?

    J’ai beau me dire, pour me rassurer, que cette folie sensuelle à laquelle je me suis peut-être trop facilement abandonnée, était due en très grande partie à l’effet du tarpé.

    La vérité est que je me suis laissé emporter par mes propres désirs.

    Par moments, je me dis que cette nuit était probablement une erreur. Une erreur que je regrette. Pour les conséquences qu’elle peut entraîner dans nos relations. D’ailleurs, le silence radio des deux potes depuis dimanche matin ne me dit rien qui vaille.

    Et puis, il est d’autres moments où je me dis que si cette nuit était une erreur, quelle belle et bonne erreur !

    Car, si je m’étais interdit cette « erreur », je n’aurais pas connu le bonheur que Thibault avait à m’offrir.

    Initier le bomécano au plaisir entre garçons a été une expérience délicieuse. Le voir dépasser ses réticences, ses peurs, ses barrières mentales à fur et à mesure que je m’occupais de lui, le voir chercher ses marques, les trouver, se décontracter petit à petit, voir que le plaisir que je lui offrais balayait rapidement ses réticences, le rendant de plus en plus entreprenant. Tout cela a été une expérience fabuleuse. Si différente, mais tout autant grisante, que celle de me laisser faire par Jérém le jour de notre première révision.

    Le mercredi d’après.

    Je n’ai rien foutu de ma journée. Je ne suis pas sorti de la maison, de ma chambre. Je lis, tout en ressassant tout ça en boucle.

    Le jeudi d’après.

    Jeudi, je ressens à nouveau l’envie d’aller me balader sur le Canal.

    Aujourd’hui, une toute autre question s’impose à moi pendant que je marche à l’ombre des platanes.

    Comment j’en suis arrivé avec mon Jérém à une telle situation de dominant/soumis, limite de méprisant/méprisé, tout en étant amoureux fou de lui ?

    Et je ne parle pas de notre vie sexuelle, où j’assume parfaitement son côté macho dominant, je parle de notre relation dans sa globalité.

    Plus tard dans cette histoire, lorsque je repenserai à mon abnégation de l’époque, à mon aveuglement, à ma faiblesse face au désir insensé que ce petit con de Jérém m’inspirait, lorsque je me souviens à tout ce que j’étais disposé à faire, essayer, attendre, souffrir pour garder ce mec, je me demanderai comment j’ai pu en endurer autant.

    Encore aujourd’hui, tant d’années plus tard, je me dis que si j’avais la possibilité de monter dans une Delorean volante et de rattraper le Nico de mes 18 ans, je lui mettrais des baffes, et je lui crierais à tue-tête, Bon sang, réveille-toi ! Ne te laisse pas faire, dis-lui tes quatre vérités ! Il a besoin de ça, d’être remis à sa place ! A force de ne pas oser, tu rends service à personne, ni à toi, ni à lui, ni à votre relation.

    Mais lorsque tout cela se passait, j’étais jeune, et j’étais amoureux. Je n’étais pas préparé à ce qu’un gars comme Jérém fasse de moi son jouet sexuel. Je n’avais aucune expérience, j’étais fou de lui, et il le savait. Jérém a fait irruption dans ma vie une première fois le premier jour du lycée, et une deuxième le premier jour de nos révisions. Mon bonheur était si grand que je l’ai laissé faire tout ce dont il avait envie. J’ai essayé de gérer tout ça avec les moyens que j’avais à l’époque.

    Nico et Jérém.

    Quatre jours après cette nuit de folie je n’ai toujours aucune nouvelle de la part de Jérém. Je n’en ai pas pris non plus. Je n’ose pas. Je ne sais pas si ça lui ferait plaisir que je le contacte. Depuis le début de nos révisions, je me suis souvent demandé pas si ça lui arrivait seulement de penser à moi en dehors des moments où nous sommes emboîtés. J’ai trop peur de le déranger, et de me faire jeter.

    Mais plus les jours passent, plus le sentiment de manque et de tristesse se fait sentir. Et ce n’est pas seulement un manque de sexe. J’ai terriblement envie de le revoir, d’être avec lui.

    Oui, Jérém me manque à en crever. Il me manque au-delà de la folie sensuelle de l’autre nuit, il me manque plus que tout, plus que personne. Et ce t-shirt que je serre chaque soir contre moi, avec le souvenir olfactif qui se dégage toujours de ses fibres, ne suffit pas pour combler ce manque, bien au contraire, il ne fait que rendre cette absence encore plus insupportable.

    Comment le retrouver après cette nuit ? Quelle attitude pourrait-il désormais avoir à mon égard ?

    Comment va-t-il depuis cette nuit ? Qu’a-t-il ressenti lorsqu’il s’est rendu compte que cette nuit qu’il avait envisagée comme un plan cul s’est transformée en tout autre chose, du moins pour Thibault et moi ?

    Je peux toujours rêver qu’il puisse prendre conscience tout seul de cette évidence, que Thibault m’a apporté exactement ce que je voudrais qu’il m’apporte, lui. Oui, je peux toujours rêver que Jérém puisse s’inspirer de la voie esquissée par son pote pour la suite de notre relation.

    En réalité, je crains, au contraire, que dans l’avenir proche il soit encore plus dur avec moi, comme pour me punir d’avoir obtenu de Thibault, son meilleur pote, ce que lui-même est incapable de m’apporter.

    Mais ce que je crains le plus, c’est qu’il ne veuille pas me revoir tout court.

    J’ai pensé à lui envoyer un SMS, j’y ai renoncé. Je sais qu’il ne répondrait pas. L’appeler, quand ? Comment être sûr de ne pas le déranger vis-à vis de ses horaires de travail décalés et variables à la brasserie ? De toute façon, il serait capable de filtrer. Essayer de le contacter c’est prendre le risque de le cabrer encore plus. Et, puis, surtout, essayer de le contacter, pour quoi lui dire ?

    Malgré tout, j’ai pensé aller prendre un verre à la brasserie, ou même juste de passer devant la terrasse, même de l’autre côté de la rue. Juste pour le revoir ne serait-ce qu’un instant.

    J’en crève d’envie, mais je m’interdis de le faire, j’ai trop peur de son regard hostile, peur de le saouler, de me faire jeter.

    Il ne me reste alors qu’à attendre qu’il revienne vers moi. Mais je sais que c’est un pari très risqué.

    L’attente est une lame à double tranchant. Le temps peut lui permettre de se calmer, de relativiser ce qui s’est passé. Mais il peut aussi laisser le malaise et la distance s’installer. Il peut aussi penser que j’ai « lâché l’affaire » et le décourager de revenir vers moi, si tant est qu’il l’envisage à un moment ou à un autre.

    Nico et Thibault.

    Quatre jours après cette nuit de folie je n’ai pas non plus la moindre nouvelle de la part de Thibault.

    Quel regard porte-t-il sur moi après cette nuit vis-à-vis du fait que je n’ai pas cillé quand Jérém m’a demandé de lui faire plaisir à lui aussi ? A quel point a-t-il été déçu par mon attitude vis-à-vis de son pote, par mon incapacité à me faire respecter ?

    Comment retrouver désormais après m’être donné à lui sans limites, lui avouant ainsi mon attirance à son égard ? Comment reprendre le fil de notre amitié naissante après y avoir laissé rentrer cette sublime note sensuelle ? Mais nous avons été encore plus loin. En ajoutant de la tendresse au plaisir, ne nous sommes-nous pas engouffrés dans une voie sans issue ?

    Qu’a-t-il découvert au cours de cette nuit au sujet du plaisir entre garçons ? Qu’a-t-il découvert de lui-même, se ses désirs, de ses attirances ? Quel effet ont eu sur lui toutes ces découvertes ? Comment va-t-il depuis dimanche matin ?

    Aussi, en repensant une fois de plus à la douceur de Thibault, je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi il a été aussi attentif et doux avec moi. S’il ressent quelque chose pour moi.

    Je me demande ce que je ressens à mon tour pour ce mec formidable. Car il est impossible de ne pas être touché par un garçon si fort et si doux à la fois, par un esprit si droit et généreux. Je crois que Thibault est typiquement le genre de garçon dont j’aurais pu facilement tomber amoureux, si je ne l’étais pas déjà, à cœur perdu, de son meilleur pote.

    Jérém et Thibault.

    Non, je n’ai aucune nouvelle de personne, ni de Jérém, ni de Thibault. Mais est-ce qu’il se sont vus, seul à seul, depuis dimanche matin ?

    Est-ce qu’ils ont parlé de ce qui s’est passé le weekend dernier, et de comment cela s’est passé ? Est-ce qu’ils ont parlé de moi ? En quel termes ? Est-ce que Jérém a encore essayé de convaincre son pote que je ne suis qu’un cul à baiser ? Est-ce que Thibault va, au contraire, a essayé de le raisonner et de lui faire comprendre qu’il se comporte parfois injustement avec moi ?

    Est-ce qu’ils ont parlé de leur attirance réciproque qui s’est manifestée à plusieurs reprises pendant cette nuit ?

    Quels sont donc ces désirs ? Depuis quand sont-ils là, tapis dans leurs esprits ?

    A en croire à mon ressenti, Thibault n’a jamais pris un plaisir aussi intense avec un garçon. S’il s’est déjà passé quelque chose entre lui et Jérém, ce n’est probablement que quelque chose de très soft. Mais maintenant que Thibault a connu une grande partie du plaisir entre garçons, et si vraiment l’attirance pour son Jé est là, et si vraiment elle est réciproque, qu’est-ce qu’il les empêcherait de remettre ça, sans moi ?

    Certes, l’autre nuit ils ont joué tous deux le rôle de mec actif. Mais si l’attirance est là, ils trouveront toujours le moyen de se faire plaisir.

    Peut-être qu’au final, ils n’ont eu besoin de moi que pour bien se faire chauffer, pour ensuite commencer à explorer cette attirance. Et une fois dévoilé les désirs de l’autre, ce sera sans doute plus simple de remettre ça. L’idée de les imaginer en train de se faire du bien m’excite autant qu’elle m’est insupportable.

    Malgré mon malaise et mes inquiétudes, je ne peux rester plus longtemps dans cette attente, assailli par tous ces questionnements. C’est au-dessus de mes forces. Il faut que j’essaie de renouer le contact avec Jérém et Thibault. Et je crois savoir avec lequel des deux il me sera le plus facile d’y parvenir dans l’immédiat.

  • JN01097 Une nuit, deux potes et moi (partie 3)

    JN01097 Une nuit, deux potes et moi (partie 3)

    Une nuit, deux potes et moi (partie 3, Au réveil).

    Lorsque j’émerge de mon sommeil, j’entends un oiseau solitaire chanter quelque part au loin, probablement posé sur les frondaisons des arbres autour de St Aubin. Son piaillement semble appeler le nouveau jour qui se lève. Une légère brise entre dans la chambre et caresse ma peau, m’arrachant peu à peu de ma torpeur et mettant mes sens en éveil.

    J’ouvre les yeux, la lumière du matin commence à filtrer des battants de la porte fenêtre. Et je réalise qu’au gré des mouvements pendant le sommeil, je me retrouve désormais face à Thibault. Le bomécano dort toujours.

    Derrière moi, en revanche, Jérém semble bien réveillé. Et sa queue aussi. Elle affiche une belle trique matinale.

    D’ordinaire, cela me réjouirait, et je seconderais ses envies avec un bonheur entier. Mais pas ce matin. Le fait est qu’après cette intense nuit, je ne suis pas super motivé par recommencer. Et surtout, après la douceur de Thibault qui a rendu cette nuit si magique, je n’ai pas forcément envie d’une baise « à la Jérém », je n’ai pas envie d’une baise de trop qui pourrait tout gâcher.

    Mais le petit con est déjà en train de prendre ce qu’il estime lui appartenir. Sa queue tendue se faufile dans mon entrejambe, s’enfonce en moi d’un seul trait. Ses mains bien agrippées à mes épaules, il commence à coulisser en moi.

    Dès les premiers coups de reins, j’ai l’impression de déceler une certaine virulence, comme si sa frustration, contenue par les interventions de Thibault, explosait désormais sans retenue. Il y a de la colère dans ses gestes, dans son attitude. Ou, plutôt, de l’amertume.

    D’où vient-elle cette amertume, mon Jérém ? Regrettes-tu déjà de t’être laissé aller à cette étreinte à trois, à la tendresse avec ton pote et, par reflet, avec moi ? Regrettes-tu déjà ces baisers que tu as acceptés de moi, même si de façon si fugace ?

    Es-tu jaloux du fait de m’avoir vu prendre du plaisir avec ton pote ? Es-tu jaloux de voir que ton Thib n’est pas dans le même trip que toi, celui de me traiter comme un simple jouet sexuel ?

    Très vite, son attitude finit non seulement par m’ôter tout plaisir, mais également par me faire ressentir des douleurs de plus en plus insupportables au fil de ses va-et-vient. Je commence à avoir hâte que cela se termine.

    D’autant plus que Thibault vient de se réveiller. Je croise son regard, et c’est un regard inquiet. Je crois qu’il a bien compris que je me fais violence pour ne pas dire à Jérém d’arrêter.

    Je sens le bobrun haleter de plus en plus fort, mais ce n’est pas le genre de halètements qui annoncent l’imminence de l’orgasme, c’est plutôt celui qui exprime une recherche de l’orgasme à tout prix, alors que le corps épuisé refuse de l’apporter.

    Ses gestes sont nerveux, ses mains s’agrippent tour à tour à mes fesses, à mes hanches, à mes épaules, ses doigts labourent ma peau, ses genoux s’agitent entre mes cuisses. J’ai l’impression qu’il me pilonne machinalement, je ne sais même pas s’il prend son pied, je commence à penser qu’il va avoir du mal à arriver au bout.

    Lui aussi il doit s’en rendre compte, et je sens que ça l’énerve encore plus. Ses assauts augmentent encore d’intensité, ça ressemble à un acharnement, comme s’il s’entêtait à ne pas vouloir échouer, quoi qu’il en coute.

    Je le savais que c’était le coup de trop, j’ai eu tort de me laisser faire. J’ai de plus en plus mal. Je sens que je pourrai plus tenir longtemps.

    Soudain, un souvenir remonte en moi. C’est le souvenir d’une baise triste et douloureuse dans un chiotte du lycée au cours d’un après-midi juste avant le bac, le souvenir de m’être dit ce jour-là que plus jamais je ne laisserai ni Jérém, ni personne d’autre, recommencer ça, me forcer à accepter son plaisir contre mon gré, juste parce que je ne sais pas dire non.

    Non, plus jamais ça, et surtout pas en présence du bomécano. D’autant plus que je sens que si je ne m’impose pas très vite, il va surement intervenir. Je sais que si cela arrive, ça pourrait très mal se passer. Alors, autant prendre les devants.

    • Je peux plus, je finis par lâcher, tout en avançant brusquement le bassin pour me dégager de lui.
    • Qu’est-ce que tu me fais-là ? il me crache à la figure sur un ton très méprisant.
    • Je n’en peux plus, c’est tout !

    Je me retourne et je m’assois le dos contre la tête du lit.

    • Ramène ton cul ! me lance Jérém, l’air ahuri.
    • Arrête Jé, tu vois bien qu’il ne peut plus, j’entends Thibault intervenir, une intonation ferme dans sa voix.
    • Quoi donc ? s’emporte Jérém, comme excédé par les mots de son pote, et il enchaîne, mauvais, il est venu pour se faire baiser, non ?
    • On est là pour s’amuser tous ensemble, considère le bomécano calmement. Alors, il faut que tout le monde s’amuse, sinon ça ne marche pas…

    Le ton de sa voix est posé, chaud, et il en impose. Les mots sont forts, bien choisis, ils remettent les pendules à l’heure sans reproches directs. Comment ne pas avoir envie d’aller dans son sens ?

    La tension est pourtant palpable dans le petit séjour, les yeux très bruns de Jérém fulminent.

    Le bobrun est sur les nerfs, frustré de ne pas pouvoir arriver au bout, avec en prime son pote qui lui fait la morale vis-à-vis de son comportement à mon égard. Je flaire le danger, je sens que ça pourrait vite exploser.

    Non, surtout pas ça, il ne faut pas que les deux potes se disputent, et surtout pas à cause de moi.

    C’est Thibault qui se charge de désamorcer la tension.

    • On est tous fatigués, c’est pas la peine de nous disputer, fait le beau Thibault. On va rentrer chez nous, et on va dormir un bon coup. Ça ira mieux après.

    Jérém passe son boxer et part en terrasse fumer une cigarette, sans un mot. Quant au bomécano, il ramasse ses fringues et part à la douche.

    Je sais que cette nuit est sur le point de se terminer. Nous allons nous séparer, et je ressens une profonde tristesse. Je voudrais pouvoir retenir cette nuit, je voudrais qu’elle dure à tout jamais. Mais déjà le petit séjour baigne dans la lumière du matin, le battant de la porte fenêtre resté ouvert ramène l’air frais des aurores, ainsi que les premiers bruits d’une ville qui se réveille doucement, des voitures qui passent, un chien qui aboie au loin.

    Le bomécano revient de la douche en t-shirt et boxer, les cheveux encore humides, et il sent très bon. Il est à croquer. Il ramasse son short, l’enfile, boutonne sa braguette. Rien de tel que le cliquetis d’une boucle de ceinture ou celui du cuir glissant sur le cuir pour raconter la fin d’une nuit de bonheur entre garçons. C’est souvent le moment le plus dur, le moment de se séparer, celui qui déchire les tripes.

    Je n’arrive toujours pas à croire que ça s’est vraiment passé, que j’ai couché avec ce beau et touchant pompier.

    Le bogoss passe ses baskets, il récupère sa montre sur la table de chevet, la fixe à son poignet, le voilà prêt à partir. Je le regarde une dernière fois pour voler un dernier éclat de cette bogossitude aveuglante.

    Le bogoss lance un rapide « A plus, Jé » à travers la porte vitrée. Il me dit au revoir et quitte l’appart dans foulée, le battant de la porte d’entrée se referme derrière lui comme la dernière de couverture sur une belle histoire finie trop tôt.

    Voilà. Thibault est parti. Et il me manque déjà. Lorsque je repense à cette nuit, deux mots s’affichent dans mon esprit en lettres capitales, MERCI THIBAULT !

    Merci pour tous ces câlins, merci de tes attentions, merci de tous tes regards gentils pendant toute cette nuit de plaisir, merci d’avoir contrebalancé, par ta douceur, la dureté de Jérém, merci d’avoir su apprivoiser et adoucir ton pote, merci de m’avoir montré du respect, merci pour ce plaisir partagé.

    Je pars à la salle de bain à mon tour. Je me douche rapidement, car je viens de réaliser que j’ai oublié d’envoyer un message à maman pour lui dire que je découchais. Mais la douche dure plus que prévu, car je trouve un certain apaisement dans l’eau chaude qui coule sur ma peau, un apaisement du corps et d’esprit. En sortant de la salle de bain, ma priorité est de rattraper ma négligence.

    Mais là, surprise, les volets de la porte vitrée qui donne sur la terrasse sont fermés, l’appart est à nouveau plongé dans la pénombre.

    Jérém est allongé sur le lit, sous les draps, et il semble assoupi. Je saisis mon portable et je découvre un message en absence à 6h42, que je n’ai pas entendu à cause du mode discret, et il est déjà 8h19. Maman doit être très inquiète. J’envoie très vite un message rassurant, « Tout va bien, je rentre », et je me chausse.

    Je regarde Jérém dormir paisiblement dans la pénombre et je me dis que notre relation pourrait être si belle, si seulement il était capable de me prendre dans ses bras, de m’accorder de la tendresse, d’accepter ma tendresse et de me faire l’amour comme Thibault a su le faire.

    Ça me ferait un bien fou, et ça lui ferait un bien fou à lui aussi.

    Je le regarde longuement, et j’hésite si lui dire au revoir ou le laisser dormir. Mais je finis par choisir cette dernière option, celle qui me permet d’éviter tous les risques de prise de tête.

    Je descends quatre à quatre les escaliers de l’immeuble, je remonte la rue de la Colombette d’un pas soutenu. Je m’apprête à déboucher sans le boulevard Carnot mais je suis obligé de m’arrêter pour laisser passer des voitures.

    Et là, derrière la vitrine d’un café au bout de la rue, j’aperçois le bomécano assis seul à une table en train de siroter un café.

    Une partie de moi voudrait aller le voir, prendre un café en sa compagnie, sonder son humeur, tenter de retrouver la chaleur de son sourire, la douceur de sa voix, la bienveillance de ses mots. Car une partie de moi s’inquiète et a besoin de savoir comment il va, et où en est notre relation après cette nuit.

    Mais une autre partie de moi me dit que le beau mécano a peut-être besoin de rester un peu seul pour digérer tout ce qui vient de se passer. Et puis, je suis pressé, je dois rentrer au plus vite. Aussi, je suis trop fatigué, tout aussi physiquement que mentalement. Mon esprit est embrouillé. Je sais que je serais incapable d’affronter son regard, et d’aligner trois mots cohérents.

    De toute façon, il ne m’a pas vu. Alors, je trace direction le Grand Rond. Tout en me demandant à quoi le bomécano pense à cet instant précis, en buvant son café.

    En parcourant les allées Verdier, je réalise que le vent d’Autan est toujours là, et souffle, souffle, souffle.

    Commentaires

    Nisse

    10/01/2017 02:07

    Intéressant j’attends juste de voir les réactions de chacun ensuite

    YuriIsthar

    08/01/2017 21:34

    Ce chapitre est merveilleux il m’a transporté !! Merci a toi, tu as tout mon soutient ! ton histoire me plait tellement que l’attente entre les chapitre en devient insupportable; à quand la suite ?

    Yann

    05/01/2017 17:29

    Les câlins, la sensualité et la tendresse sont si bien décrits (comme dans les autres épisodes) qu’on a l’impression de partager les sommets auxquels Jerem, Nico et Thibault se sont envolés. Il faut hélas craindre que plus dure sera la chute. Bravo Fabien pour cet épisode mais aussi pour les versions audio, la voix est top. Très heureux aussi pour toi que la version papier se concrétise.

    BADREMILA

    05/01/2017 14:28

    WAWWWWWWWWWW Quelle imagination tu mas bouleverser la suite sera comment

  • JN01096 Une nuit, deux potes et moi (partie 2)

    JN01096 Une nuit, deux potes et moi (partie 2)

    Une nuit, deux potes et moi (partie 2, Thibault ôte son t-shirt)

    Après que le bomécano ait remis Jérém à sa place, j’ai encore plus envie de lui faire plaisir.

    Alors, tout en continuant à faire exulter sa virilité, j’attrape le bord inférieur du t-shirt, j’impulse un mouvement vers le haut, j’arrive à le soulever un peu. Et là, dans un mouvement bien coordonné, le jeune pompier décolle le dos du canapé, il attrape son t-shirt par l’arrière du col avec ses deux mains, le fait glisser le long de ses bras, puis le balance négligemment à terre.

    Une petite séquence de gestes chargés de cette grâce typiquement masculine, un mélange de puissance, d’élégance, de maîtrise. Et de précipitation, de cette impatience provoquée par la fougue et l’excitation.

    Et Thibault, ôte (enfin) son t-shirt. Me voilà confronté à la vision de sa nudité intégrale, de sa beauté plastique enfin dévoilée. Je me perds dans la contemplation de ce torse puissamment charpenté, et délicieusement velu.

    L’épais chemin de bonheur se perd dans la région vallonnée de ses abdos, laissant la place à une pilosité plus légère, mais régulière. A partir de là, une nouvelle piste de beaux poils semble indiquer la direction du relief de ses pecs, également fournie d’un poil régulier, mais un peu plus dense. Et là, plantés au milieu de ce bonheur, deux magnifiques boutons de mecs, saillants, charnus, appétissants. J’ai terriblement envie de me jeter dessus, de les caresser, les lécher. Hélas, ça chatouille !

    Juste à côté, Jérém se branle vigoureusement, le regard rivé sur la gâterie que je suis en train de dispenser au beau mécano. Et c’est un regard surexcité et un peu frustré.

    Je décide de m’occuper de lui, car je l’ai bien trop délaissé depuis le début de ce plan. De plus, depuis l’intervention de Thibault en ma faveur, il semble mordre son frein. Je m’applique tout autant à son bonheur qu’à celui de Thibault, je ne veux pas qu’il pense que je m’occupe davantage de son pote que de lui. Et puis, malgré la présence de la nouveauté que représente la chance inouïe d’accéder à la virilité du bomécano, la virilité de Jérém m’inspire comme toujours un désir ravageur.

    Mais, contrairement à Thibault, il n’y a pas de tendresse ni de sensualité dans l’attitude de Jérém. Au contraire, il y a même une certaine violence. Sa main sur ma nuque ne caresse pas, ne cherche pas à exciter. Elle cherche à contraindre. Les mouvements de son bassin cherchent à me dominer, avec une violence inédite. J’ai l’impression que son attitude toute entière a pour but de m’humilier, avant même de chercher son propre plaisir.

    Je n’ai pas envie de ça cette nuit, pas devant Thibault. Du coup, je me dégage de lui. Et je reviens entre les cuisses du beau mécano.

    Dès l’instant où je le reprends en bouche, je le sens prendre une grande inspiration, suivie par une expiration tout aussi intense, la combination des deux semblant traduire un grand frisson de plaisir. Comme si un poids, le poids d’un tabou, s’était définitivement envolé de lui.

    Je sens tous ses muscles se détendre. Le garçon profite à fond du plaisir que je lui offre. Je suis aux anges. Mais mon bonheur atteint des sommets lorsque je reprends mon souffle, cessant pendant un instant de le sucer. Ses doigts s’enfoncent alors dans les cheveux. Non pas dans un geste de contrainte, mais dans une sorte de caresse sensuelle. Et là, je l’entends chuchoter, la voix déformée par l’excitation :

    — Encore…

    On ne dévergonde pas si facilement un mec aussi pudique et droit que Thibault. C’est justement ceci qui rend l’entreprise d’autant plus excitante. Le chemin est souvent long et semé d’embûches pour amener un mec jusque-là hétéro à découvrir le bonheur sensuel entre garçons. Mais lorsque les barrières tombent et le plaisir triomphe des tabous, c’est grisant, beau à voir et indiciblement bon à vivre.

    « Encore ». Comme c’est bon d’entendre Thibault lâcher ce petit mot, alors que je cherche à me dépasser pour lui faire plaisir. C’est la confirmation que mon but est atteint, que j’existe à ses yeux, que je compte pour lui, du moins pendant ces instants magiques de bonheur sensuel, de complicité.

    Il en redemande, et je lui en redonne avec le plus grand plaisir. Aussi loin et aussi longtemps que je le peux. Autant de fois dont il a envie. Et le garçon est fou de bonheur. Son abandon désormais total à mes caresses est d’une sensualité et d’un érotisme brûlants.

    Du coin de l’œil, je capte le regard de Jérém, lourd, insistant, mauvais. Suis-je allé trop loin avec Thibault ?

    Quoi qu’il en soit, au point où j’en suis, je ne peux plus faire marche arrière, je dois amener le jeune pompier jusqu’à sa jouissance. Après quoi, je m’occuperai de mon bobrun, et je le ferai tellement jouir, qu’il en oubliera de me faire la gueule.

    C’est la première fois que je suce le beau pompier, je ne connais pas sa façon de jouir. Mais il est des signes qui ne trompent pas, les changements de respiration, les ahanements qui se rapprochent.

    Son souffle s’accélère encore. Jusqu’à ce que, la voix étranglée par cet arrachement de soi qu’est l’orgasme, le jeune pompier se fasse entendre :

    — Fais gaffe, je vais jouir…

    De la pure poésie pour mes oreilles.

    Vas-y jouis ! je pense tout bas.

    —Vas-y jouis ! j’entends Jérém lui lancer.

    Ah, non, adorable Thibault, je ne vais pas faire gaffe, je ne vais pas te lâcher tant que tu ne te seras pas déchargé dans ma bouche.

    — Fais gaffe, ça vient, là, j’entends le beau mécano répéter, au bord du précipice de sa jouissance.

    C’est beau ce déchirement, ce mec tiraillé entre l’envie animale de jouir, et sa conscience qui décidément ne le quitte jamais, même après plusieurs taffes tirées sur le joint, même au bord de l’orgasme, sa conscience qui témoigne d’une grande considération de moi, un respect qui lui rend inenvisageable de m’imposer quelque chose dont il ne sait pas si j’ai vraiment envie.

    Quelle différence entre un Jérém qui, la première fois où on a baisé il m’a lancé « Je vais jouir et tu vas tout avaler », et un Thibault qui me met deux fois en garde contre sa propre jouissance !

    Mais j’en ai envie, j’en ai même très envie. D’autant plus que je pense que je prends moins de risque avec le petit mécano qu’avec mon bobrun.

    • Vas-y, fais-le jouir ! m’intime Jérém.

    Mais le petit con ne se limite pas à chauffer son pote avec des mots. Joignant le geste à la parole, il pose sa main sur les pecs velus du beau mécano, et il entreprend de les caresser.

    Mais en dépit de mes va-et-vient rapides et des caresses de son pote, ça ne vient toujours pas. J’ai l’impression que le bomécano n’est pas à l’aise avec sa jouissance à venir. J’ai même l’impression qu’il se retient de jouir.

    • Tu peux y aller, j’aime ça ! je tente de le rassurer, avant de le reprendre aussitôt en bouche.

    Le jeune pompier semble enfin se détendre un peu. A partir de là, ce n’est qu’une question de secondes. Ses doigts s’enfoncent, se crispent dans mes cheveux, reflexe inconscient, expression merveilleuse du débordement des sens qui emporte sa conscience.

    Le plaisir du bomécano explose dans ma bouche sous la forme d’un feu d’artifice liquide, chaud, puissant. Et c’est un peu de lui qui vient en moi, un peu de sa virilité, de sa beauté, de sa force, de sa douceur. Ce nouveau goût de mec que je découvre me fait carrément tourner la tête, me donne une nouvelle ivresse, me rend aussi stone que le tarpé.

    A cet instant précis, je n’ose pas lever mon regard, de peur de croiser le sien. Je pense avec appréhension à l’image qu’il doit désormais avoir de moi, maintenant que le sexe s’est invité entre nous. Jusque-là, j’étais pour lui un nouveau pote, un pote gay, l’amant de son meilleur ami. J’étais un pote qu’il appréciait bien, un pote qu’il embrassait de son regard bienveillant.

    Et maintenant ? Est-ce que l’image qu’il avait de moi, celle d’un gars un peu timide, maladroit mais digne de son amitié et de son respect, n’est pas d’ores et déjà définitivement remplacée par l’image d’un mec aux mœurs faciles, un mec qui suce et qui avale n’importe quel bomec ? Est-ce que le sexe ne va pas mettre un terme à notre amitié ?

    Soudain, je me sens pris au piège tendu par Jérém. Il voulait que son pote me voie comme un jouet sexuel, il a réussi son coup. Je me sens perdu, humilié. Je voudrais pouvoir lui expliquer que je ne ferais pas ça avec n’importe qui, que je ne suis pas la salope que Jérém a tenté de dépeindre tout au long de ma fellation. Mais le moment ne se prête pas à des explications.

    Pourtant de petits gestes peuvent parfois remplacer très efficacement de longs discours. Lorsque je lève enfin les yeux, je suis saisi par l’image d’un jeune pompier encore haletant après l’effort, le torse moite de transpiration. Dans son regard repu, un petit sourire semble m’être destiné. Et ce petit sourire adorable balaie d’un seul coup ma solitude et ma honte.

    Je me sens épuisé, mais heureux. Mais je n’ai pas le temps de me remettre de mes émotions. Déjà la prise ferme et un peu brutale de la main de Jérém se fait sentir sur mon épaule. Mon bobrun est debout, juste à côté de moi. En tournant à peine mon visage, je me retrouve avec sa teub tendue pile sous mon nez, tellement proche que mes narines en captent les petites odeurs que je lui connais si bien.

    Elle n’est qu’à quelques centimètres de mes lèvres, et elle réclame son dû.

    Jérém en a assez de rester sur le banc de touche, il veut que je le suce, tout de suite. Alors, devant sa virilité bien tendue, palpitante, entêtante, je capitule.

    Dès que sa queue glisse entre mes lèvres, il plaque sa main derrière ma tête pour la retenir, tour en imprimant de bons coups de reins. Son excitation n’a d’égal que sa virulence. Le petit con y va sans ménagement, sa queue s’enfonce dans ma bouche sans relâche, je me sens étouffer.

    Heureusement, son excitation est très avancée, tellement avancée qu’il finit par se lâcher rapidement dans ma bouche, sans même prévenir, pour jouir dans un grand râle difficilement contenu, pour mélanger son jus, son goût de mec, dans ma bouche, à ceux de son pote.

    Jérém vient tout juste de jouir il se dégage instantanément de ma bouche. Il se dirige vers la terrasse. Thibault se lève du canapé à son tour, me tend la main pour m’aider à me remettre debout et lui emboîte le pas.

    Je regarde les deux jeunes mâles partir vers la terrasse, leurs anatomies complètement dévoilées.

    Comme tout à l’heure, les deux potes s’installent contre le rebord, dos vers la rue, dans le silence et la fraîcheur de la nuit du mois de juin. J’entends le crissement et je vois la flamme du briquet. Jérém est en train d’allumer une cigarette entre les lèvres de Thibault. Un deuxième crissement, une deuxième flamme, et c’est sa cigarette qui commence à se consumer entre ses lèvres. Je les regarde en train de fumer en silence, dans le noir. Les deux potes sont incroyablement beaux dans leur nudité assumée. Et je suis si heureux de les avoir fait jouir à tour de rôle. Heureux et incrédule tellement cette nuit me parait surréaliste.

    Je m’interroge déjà sur ce que la suite de cette nuit peut nous réserver. Est-ce que le spectacle vient de se terminer ou alors, est-ce qu’il vient tout juste de commencer ?

    Le fait que Jérém ne m’ait pas sommé de me tirer, me ferait plutôt pencher pour la deuxième solution. Mais avec un petit con de son envergure, on ne peut jamais présager.

    Et puis, il y également l’inconnue Thibault. Est-ce qu’il sera « open » pour aller encore plus loin dans le partage de nos plaisirs ?

    La réponse à mes questions ne se fait pas attendre longtemps. Jérém rentre en premier, toujours en silence, il s’installe sur le lit, assis, le dos contre les oreillers. Il avale les dernières gorgées de sa bière.

    Thibault, quant à lui, se tient dans l’embrasure de la porte vitrée, l’épaule appuyée à un montant, sa petite bouteille vide dans la main.

    Jérém, le regard empli de lubricité, se branle lentement. Visiblement, il n’en a pas eu assez. Thibault le regarde faire, les yeux rivés sur la teub de son pote. Sa demi-molle prometteuse me laisse imaginer que le bomécano non plus n’est pas tout à fait rassasié. Et qui sait de quoi et de qui il a vraiment envie désormais qu’il a embrassé le plaisir entre garçons…

    Quant à moi, je bande grave. Je n’ai toujours pas joui, et l’idée de me frotter une fois de plus aux puissances sexuelles des deux potes m’enchante.

    Nos regards se cherchent, se rencontrent, se quittent, s’aimantent, se frôlent, se caressent, se frottent, se choquent. Et, par-dessous tout, se comprennent. Je trouve que c’est une très belle façon de communiquer entre garçons, sans mots, juste avec des regards et des queues fringantes.

    Quelques secondes plus tard, nous nous retrouvons tous les trois sur le lit, entièrement nus.

    Jérém est allongé sur le dos, un bras relevé, le coude plié, la main coincée entre sa nuque et l’oreiller.

    Avec l’autre main, il vient de porter un nouveau joint fumant à ses lèvres.

    Je suis calé sur le flanc, collé contre lui, en train de le branler, tout en laissant ma langue se délecter sur son téton le plus proche. Quant à Thibault, son torse velu enveloppe désormais mon dos de sa chaleur et de sa douceur, ses avant-bras se sont glissés sous mes aisselles, ses doigts caressent mes tétons. Sa barbe douce frotte sur ma peau, et ses lèvres posent de petits baisers dans mon cou, sur mes épaules, sur mes oreilles. Coincé entre les deux jeunes mâles, je ressens mille frissons.

    Qui se transforment en feu d’artifice lorsque l’un de ses avant-bras du bomécano se glisse le long de mon flanc, lorsque sa main se pose sur ma queue, la saisit et commencer à la branler avec une douceur infinie. C’est là que je réalise que sa demi-molle s’est promptement transformée en un manche bien tendu, désormais calé dans mon entrecuisse.

    Jérém ôte le tarpé de sa bouche et le tend à son pote, ce dernier relève un peu le buste pour le saisir, je perds le contact avec sa peau chaude et velue, je perds le contact avec sa main aux caresses de plus en plus plaisantes. Soudain, je me sens nu. Et c’est super désagréable. On s’habitue facilement à se sentir dans les bras puissants de ce bomécano.

    Après avoir tiré une taffe sur le petit bout fumant, au lieu de le repasser directement à Jérém, Thibault me propose d’en tirer une taffe à mon tour.

    Pendant quelques secondes, le joint fume dans le vide. Je m’étais dit qu’il ne fallait plus que j’y touche, que j’en avais assez eu pour une première fois, qu’il fallait que je retrouve la maîtrise de moi-même avant de me laisser aller à faire de trop grosses bêtises.

    Mais comme c’est si gentiment proposé, je ne peux répondre que par l’affirmative. Je tire une petite taffe, puis je le passe à Jérém. Je reprends à le branler, je reviens agacer son téton.

    Le torse du bomécano suit le mouvement, son torse de fous revient envelopper mon dos. Je me sens comme « habillé » de lui. Très vite, sa main revient se poser sur ma queue, et il s’y prend de mieux en mieux, il apprend vite le garçon !

    Coincé entre ces deux jeunes mâles puissants et sexy, je nage en plein bonheur. Un bonheur qui doit beaucoup à la présence de Thibault. Je suis fou de ses mains et de ses lèvres tactiles qui parcourent ma peau avec fougue, qui me laissent même songer qu’il puisse trouver mon corps attirant, j’adore ce regard neuf qu’il pose sur moi.

    Son attitude fait de cette nuit un moment à la fois excitant et apaisant. Sa virilité tranquille, sa tendresse, sa sensualité, son envie de se faire plaisir à l’autre sont communicatifs. Au contact d’un mec comme Thibault, aimer le corps d’un garçon, coucher avec un garçon n’a plus rien d’honteux. Avec lui, tout devient beau et lumineux.

    Au point qu’une partie de moi s’autoriserait presque à reprendre espoir que ce qui est en train de se passer n’aura pas de conséquences sur notre amitié.

    A ce stade, je crains plutôt que ce soit du côté de Jérém que cette nuit fasse le plus de dégâts. Les choses ne se passent pas comme il l’avait envisagé, et il n’arrive pas à se laisser aller, à suivre le mouvement amorcé par Thibault.

    Si seulement il arrivait à se laisser aller lui aussi à ce moment de plaisir partagé, à prendre son pied comme Thibault, avec cette spontanéité, cette douceur, ce naturel touchant. Si seulement il arrivait à faire taire ce déchirement intérieur, ce tiraillement entre ses envie profondes et l’image qu’il veut défendre à tout prix, celle d’un mec hétéro qui ne fait que baiser un pédé qui lui sert de jouet sexuel, sans qu’on puisse l’accuser d’être gay pour autant, une image qu’il veut imposer aux yeux de son pote, et avant tout à ses propres yeux.

    Si seulement il pouvait profiter de cette ambiance chaleureuse, détendue que la simple présence de son pote a le don d’apporter, s’il acceptait de se laisser entraîner dans son mouvement. S’il acceptait d’admettre qu’il aime ça, coucher avec les garçons !

    C’est déroutant comme sensation, celle de me sentir au beau milieu de ces deux jeunes mâles aux attitudes si différentes. Ça fait des mois que Jérém couche avec moi, et avec d’autres gars, et il refuse toujours d’admettre qu’il aime ça, plus qu’autre chose. Pour Thibault, c’est sa première fois. Et pourtant, après un premier instant de réticence, il semble parfaitement assumer son plaisir. Son attitude me surprend, me touche, m’émeut tout particulièrement.

    En deux temps, trois mouvements, le jeune pompier s’occupe de moi plus que Jérém ne l’a jamais fait en plusieurs mois de coucheries. Je lui ai fait découvrir une nouvelle voie de plaisir, il est en train d’en faire de même en retour. J’ai voulu l’apprivoiser, il est en train de m’apprivoiser en retour.

    Thibault débute, certes, mais Thibault prend vite goût à ce bonheur entre garçons. Son attitude se fait de plus en plus assurée. Ses envies se dévoilent peu à peu.

    Alors, il prend des initiatives, il tente des choses. Ses mains caressent, branlent, s’enhardissent, son torse m’enveloppe de sa chaleur rassurante, le contact de sa queue bien droite se fait sentir entre mes fesses, mais toujours en douceur, testant peut-être ma réceptivité. Serait-il donc en demande de cela ?

    Bien sûr, j’ai envie du bomécano, car il faudrait être fou pour ne pas avoir envie d’un mec comme lui. Mais est-ce que je suis prêt à aller jusqu’à là avec le meilleur pote du mec que j’aime ? Une pipe, l’avaler, ce sont déjà des actes très intimes. Faire l’amour, c’est encore une autre dimension. Et Jérém dans tout ça ? Qu’est-ce qu’il va en penser ?

    Je suis toujours sur le flanc, calé contre mon Jérém, et le bomécano m’enveloppe toujours avec son corps puissant. Sa barbe soyeuse et ses lèvres douces parcourent ma peau, ses mains caressent mes épaules, mes cheveux, excitent mes tétons. Je suis dans un état indescriptible, je transpire, je tremble. J’ai envie de lui, j’ai envie de Jérém, j’ai envie d’être possédé et rempli par ces deux jeunes mâles, j’en ai envie à en crever.

    Toutes mes réticences disparaissent alors sous l’effet d’une excitation, d’un désir qui me dévore.

    Mon désir violent, déchirant de m’offrir au jeune pompier me pousse à imprimer des petites ondulations de mon bassin, lui signifiant mes intentions, l’encourageant à les seconder, nous procurant quelques bons frissons de bonheur réciproque.

    Je sens le bomécano frissonner dans mon dos. Ses baisers et ses caresses s’animent désormais d’une fougue inédite. La douceur est toujours de mise, mais une nouvelle ardeur s’y combine, rendant l’instant brûlant.

    Une fois de plus, j’aime cette communication silencieuse entre garçons, une communication qui se passe de mots et, cette fois-ci, même de regards. C’est l’expression du désir par le simple contact des corps.

    Je sens son bassin avancer, exercer une pression de plus en plus forte, je sens mon esprit s’évaporer, je perds pied dans ce bonheur inouï.

    Pourtant, ce bonheur m’est brusquement arraché lorsque les bras du jeune pompier me délaissent, lorsque son bassin recule. Lorsque, du coin du regard, je vois sa main gauche approcher du poignet droit et dégrafer le bracelet de sa montre. Elle atterrit ensuite sur la table de chevet de Jérém, exactement à l’endroit où je l’avais vue le samedi après mon retour de Londres.

    Petit geste, en apparence anodin, geste pourtant source de mille questionnements. Si le jeune pompier est du genre à poser sa montre avant de se lancer dans des galipettes sérieuses, est-ce que le fait qu’elle ait atterri sur la table de chevet de Jérém pendant mon voyage à Londres ne signifierait-il pas qu’il s’est passé un truc avec son pote à ce moment-là ? Et le fait qu’il l’ait oubliée, serait-ce le signe qu’il est reparti précipitamment de l’appart ? Ou bien qu’il en soit reparti l’esprit embrumé par une ivresse des sens capable de lui faire oublier l’existence même de sa belle montre ?

    Je me perds dans mes cogitations, et un malaise grandissant commence à me détourner de la tension érotique du moment. Pendant une fraction de seconde, j’ai envie de partir, de rentrer chez moi, de me glisser dans mon lit et de me mettre en boule sous les couvertures.

    Puis, le jeune pompier revient m’enserrer dans ses bras, me caler contre son torse, me caresser avec sa barbe, avec ses lèvres. Et j’en oublie toutes mes inquiétudes.

    Son bassin revient se caler contre le mien, sa queue raide se faufile à nouveau entre mes fesses. Je frémis, je me prépare à sentir le bomécano venir en moi. Putain, j’ai grave envie de lui !

    Ses mains puissantes saisissent mes fesses, j’apprécie la prise de ses mains qui me possèdent pour la toute première fois, c’est une prise ferme, mais douce.

    Et lorsque ses lèvres frôlent cette région chez moi hypersensible à la base de ma nuque, je sens instantanément tous mes muscles se relâcher. Le bomécano commence à glisser lentement en moi, toujours à l’écoute de la réceptivité de mon corps.

    Et le bonheur atteint de nouveaux sommets lorsque je sens Thibault pousser un long et profond soupir, suivi d’un :

    • Oh, c’est bon…

    Quelques instants plus tard, il commence à coulisser en moi. Ses lèvres, inlassables, curieuses, parcourent mon cou, caressent ma peau, le contact avec sa barbe douce est si viril. Sa main chaude se pose à plat sur mon téton, c’est simplement diabolique, c’est une torture de plaisir, je suis fou, fou, fou !

    Submergé par ce bonheur, je me demande quand même ce que Jérém est en train de ressentir en me voyant prendre mon pied sous les coups de reins de son meilleur pote. Mais mon bonheur sensuel est tel que la réponse, que ce soit de l’excitation ou de la jalousie mal placée, ne fait qu’augmenter ma propre excitation.

    D’autant plus que Jérém, toujours allongé sur le dos de tout son long, les mains croisées sous la tête, les yeux pratiquement fermés, il a l’air a l’air stone au possible, un mec que rien ne saurait perturber, du moment qu’on le laisse planer et qu’on n’arrête pas de lui sucer la queue, chose que je ne manque pas de faire.

    Mais ce que le bomécano est en train de me faire est tellement bon que mon corps finit par être débordé par le plaisir. Et je finis par quitter la queue de mon Jérém.

    Et là, presque instantanément, ses paupières s’ouvrent, je capte son regard aux yeux rouges-tarpé. Faute grave, celle de délaisser sa queue ne serait-ce qu’un instant. Mais avant que puisse remédier à ma défaillance, la main de Thibault prend la place de ma bouche et commence à le branler.

    Le bobrun se détend illico, ses paupières retombent aussitôt, je ne sais même pas s’il s’est rendu compte que ce n’est pas ma main qui le caresse.

    Mais moi, oui !

    Je me doutais bien qu’à un moment ou à un autre il y aurait un contact sensuel entre les deux bogoss.

    Une question se présente à mon esprit. Jusqu’où les deux potes sont-ils prêts à aller cette nuit ? Et demain ? Et demain, peut-être sans moi ? Cette nuit, ne serions-nous pas en train d’ouvrir une sorte de boîte de Pandore sexuelle entre nous trois, dont nous ne mesurons absolument pas les conséquences ? Est-ce que cette boîte de Pandore a déjà été ouverte par les deux potes pendant que j’étais à Londres ?

    En attendant, Jérém semble bien aimer les caresses de son pote. Ses abdos ondulent comme des vagues sur une mer calme. Sa peau lisse, parfumée et mate est un bonheur à regarder, à humer.

    Et là, dans le feu de l’action, je décide de me laisser aller, de tenter l’impardonnable. Je pose mes lèvres sur les siennes, je l’embrasse, comme une nécessité, je l’embrasse impétueusement.

    Et là, contre toute attente, sa langue se lâche, puissante, rageuse, elle se faufile dans ma bouche comme par effraction, envahissante, virulente, je ne peux y opposer aucune résistance, je n’ai plus qu’à me laisser faire, à me laisser baiser les lèvres par sa langue fringante.

    C’est excitant de recevoir les assauts de la langue de Jérém dans ma bouche tout en recevant ceux de la virilité de son pote entre mes fesses. Hélas, ce bonheur ne dure pas bien longtemps. En tout cas, pas autant que je le voudrais. Car, très vite, trop vite, les mains du bobrun enserrent mon visage pour l’éloigner brutalement du sien, pour me repousser.

    Non, Jérém n’est pas encore dans le rythme. On dirait qu’il a envie de danser avec nous, qu’il tente de danser, mais que quelque chose en lui, plus fort que lui-même, l’empêche de lâcher totalement prise.

    Tout à l’heure, en captant son regard noir, je m’étais dit qu’il était jaloux et énervé de me voir sucer Thibault, et de me voir autant à l’aise avec son pote. Désormais, face à son attitude, je me demande si en réalité il n’est pas furieux contre lui-même, furieux de ne pas pouvoir se lâcher aussi naturellement que son pote, de ne pas arriver à prendre son pied sans se torturer l’esprit, de ne pas arriver à vivre pleinement ce moment qu’il a pourtant provoqué.

    Allez, Jérém, il suffit de si peu, est-ce possible que tu sois insensible à ce groove !

    Come on, vogue (vogue)/Allez, vogue (vogue)

    Let your body move to the music (move to the music)/Laisse ton corps bouger au rythme de la musique (bouger au rythme de la musique)

    Come on, vogue (vogue)/Allez, vogue (vogue)

    Let your body go with the flow (go with the flow)/Laisse ton corps suivre le courant (suivre le courant)

    You know you can do it/Tu sais que tu peux le faire

    Faute de pouvoir l’embrasser plus longtemps, je déchaîne ma langue sur son téton, je pose ma main sur ce manche de fou que Thibault vient tout juste de délaisser, je le branle, je le caresse, je lui offre tout le plaisir que je suis en mesure de lui offrir.

    Mais quelques instants plus tard, le beau brun quitte sa position allongée, se retourne vers moi et se colle contre mon torse. Dans le même temps, les de Thibault s’ouvrent pour accueillir un torse supplémentaire dans son étreinte.

    Je sens la queue bien chaude de Jérém se faufiler entre mes cuisses, je seconde son mouvement, je l’enserre à fond pour qu’il puisse se faire plaisir.

    Les biceps des deux potes se tendent, nos torses se pressent l’un contre l’autre. Je me retrouve coincé entre Jérém, ses pecs contre mes pecs, et Thibault, ses pecs contre mon dos. Enserré entre ces deux corps musclés, chauds, puissants, vigoureux, fringants, fougueux, odorants, entre ces deux virilités qui me possèdent, je ressens un bonheur indescriptible.

    Les mains du bomécano dispensent des caresses douces, généreuses, sensuelles, elles se posent tour dans les cheveux bruns de mon Jérém, dans mes propres cheveux, elles glissent sur nos visages, nos joues, nos cous, nos nuques, nos épaules. C’est juste irréel.

    Sous les caresses de Thibault, je connais un bonheur total. Et je crois qu’il en est de même pour Jérém.

    Son visage s’enfonce dans le creux de mon épaule, je le sens souffler très fort, se relâcher, perdre de sa sauvagerie, comme un petit taureau apprivoisé.

    Mais je ne suis pas au bout de mes surprises. Sa queue se dégage de l’étreinte de mes cuisses, elle se cale contre la mienne. Sa main vient enserrer les deux, et les branler. C’est sacrement bon. Je sens qu’à ce rythme-là, je ne vais pas tarder à jouir.

    Mais je ne veux pas jouir, je veux garder mon excitation intacte pour pouvoir apprécier à fond l’explosion du plaisir de ces deux beaux mâles.

    Et là, immense surprise, ses lèvres remontent lentement mon cou et s’aventurent jusqu’au seuil de mon oreille. Elles avancent, s’enflamment, redescendent le long de ma mâchoire, elles débordent sur mon menton, remontent un peu, pilent brusquement, hésitent, recommencent, mais s’interdisent toujours d’approcher ma bouche.

    Allez Jérém, encore un petit effort !

    All you need is your own imagination/Tout ce dont tu as besoin c’est ta propre imagination

    So use it that’s what it’s for/Alors utilise-la voilà pourquoi c’est fait

    Go inside, for your finest inspiration/Entre, pour ta plus belle source d’inspiration

    Your dreams will open the door/Tes rêves ouvriront la porte

    Putain, Jérém, il suffirait de si peu pour que ce moment soit parfait,

    Pendant un instant, j’y ai vraiment cru, cru qu’il aurait le cran de m’embrasser. Hélas, le bobrun ne va pas au bout de son voyage, son visage replonge dans le creux de mon épaule, s’immobilise, pendant que ses va-et-vient sur nos queues s’intensifient. Je sens qu’il veut jouir, au plus vite.

    S’il jouit, je sais que je vais jouir avec lui. Et je ne le veux toujours pas, pas encore, pas avant que Thibault n’ait atteint son bonheur.

    Et là, quelque chose d’inattendu se produit. Je sens le torse de mon Jérém glisser sur le mien, son bassin remonter un peu. Son cou se redresse, son visage passe par-dessus mon épaule. Je sens le torse du bomécano remuer dans mon dos, son bassin avec, son menton, sa barbe passent par-dessus mon épaule.

    Je ne sais pas exactement ce qui se passe par-dessus mon épaule, je donnerais une fortune pour pouvoir regarder les deux potes s’attarder dans ce contact, dans ce partage que j’imagine très intime et très intense.

    Car un nouveau bonheur sensuel semble ravir les deux jeunes mâles. Peu à peu, leurs coups de reins semblent se cadencer sur un même rythme, sur la même intensité, visant un seul et même but, l’aboutissement de leurs jouissances, presque le partage de leurs jouissances.

    J’ai l’impression qu’ils prennent chacun du plaisir à regarder l’autre en prendre, qu’ils se chauffent l’un l’autre, et que l’un et l’autre ne sont pas loin de l’orgasme. Je commence même à me dire qu’ils seraient capables de jouir pile au même moment, je commence à fantasmer, à souhaiter que ce soit le cas.

    En attendant, je perds pied, je sens monter en moi ce frisson intense qui précède l’orgasme. Mais je ne veux pas jouir, toujours pas, pas encore.

    Puis, soudainement, tout s’arrête dans mon dos, Thibault recule son bassin, se déboîte de moi, je l’entends respirer très fort, et je sens son front humide se poser à la base de mon cou.

    — Vas-y ! l’encourage Jérém, excité au possible.

    — Non… si je continue… fait le bomécano, comme désolé.

    — Vas-y ! je l’encourage à mon tour, fais-toi plaisir !

    — T’es sûr, Nico ? il me glisse tout bas à l’oreille, la simple caresse de sa barbe provoquant en moi mille frissons, la simple caresse de sa voix prononçant mon prénom découplant mon envie d’aller jusqu’au bout avec lui.

    — Oui… oui ! je me lâche, fou d’excitation et d’envie.

    Le bomécano était prêt à tout arrêter, par respect. Mais, ainsi encouragé, il ne se fait pas prier deux fois pour revenir en moi. Le jeune pompier a beau être un mec formidable, il n’en reste pas moins un jeune mâle à deux doigts de jouir, un jeune mâle qui a envie de prendre son pied à fond.

    Jérém recommence à nous branler. Je sens sa respiration chaude sur ma peau, je sais qu’il ne va pas tarder.

    Mais c’est Thibault qui vient en premier. Un premier râle, son corps se raidit, ses bras serrent mon buste avec une force incontrôlée.

    — C’est bon… je l’entends me glisser à l’oreille, pendant qu’il jouit, en moi.

    Ses souffles chauds et lents sur ma nuque me parlent de son plaisir. Qu’est-ce que c’est beau de voir, et sans le voir, même simplement entendre, sentir un beau mec jouir !

    Le bomécano vient tout juste de reprendre son souffle que déjà les mains de Jérém me saisissent, m’obligent à me déboîter de son pote, me font me retourner. Il y a de l’urgence dans ses gestes, de la précipitation, de la violence même. Il vient en moi sans aucun scrupule. Ses coups de reins sont brutaux, expéditif. Mais pas très nombreux.

    Un deuxième râle de plaisir retentit dans le petit séjour, c’est celui de Jérém. Il vient de jouir à son tour, en moi, il vient de mélanger son jus à celui de son pote.

    Un troisième râle de plaisir se fait entendre dans le silence de la pièce, je jouis à mon tour. Je jouis au contact de ces deux puissances sexuelles de fou, je jouis en ressentant au plus profond de moi le plaisir sexuel de ces deux beaux mâles. Nos plaisirs se mélangent, comme une énergie qui circule entre nos corps, qui monte, monte, monte et qui explose comme un feu d’artifice, la jouissance de chacun trouvant écho dans celle de l’autre, comme si les ondes de nos plaisirs se rencontraient, se combinaient, s’amplifiaient.

    Je jouis avec mes narines, prises d’assaut par cet intense bouquer olfactif qui se dégage de ces deux beaux mâles, un mélange de gel douche, de déo, de baise, de plaisir de mec. Et je jouis dans ma tête, là où toutes ces sensations remontent, retentissent, explosent.

    Je crois que je n’ai jamais joui aussi fort de ma vie.

    Lorsque nos jouissances prennent fin, je n’ai qu’une envie, c’est de prolonger cette étreinte magique à l’infini.

    Mais très vite, Jérém se charge de rompre le charme de l’instant. Il se dégage de moi, et il part en terrasse. Un instant plus tard, j’entends le bruit du briquet, suivi des expirations typiques.

    Heureusement, côté Thibault c’est une toute autre histoire. Ses bras continuent de m’enserrer, son torse de me protéger. Le jeune pompier me laisse profiter du contact apaisant de son corps contre le mien. Il demeure silencieux, il récupère lentement de ses efforts et de ses émotions.

    J’ai envie de lui faire mille câlins, mais je le laisse tranquille. Mais je ne me lasse pas de le regarder. Car quelque chose a changé en lui, et c’est beau à voir. Un je-ne-sais-quoi dans les traits, soudainement encore plus lumineux, une légère rougeur sur sa peau, la transpiration sur le front. Un petit sourire doux et charmant se dégage de son regard, le regard d’un mec qui vient de jouir et qui est juste heureux.

    Chez moi, le plaisir appelle la tendresse. Cette tendresse qui est le parachute le plus doux pour atterrir lorsqu’on s’est envoyé en l’air. Je suis happé par une furieuse envie de l’embrasser.

    Mais avant que je puisse céder à la tentation, le bogoss me parle.

    • Ça va, Nico ?
    • Très bien. Et toi ?
    • Très bien, très bien, il me répond, son regard empli de sa virilité tranquille.
    • C’était juste insensé, j’abonde ma réponse, dans l’espoir de le pousser à se livrer un peu plus.

    Et quel bonheur de l’entendre me confier :

    • Jamais j’aurais pensé que ce serait si…
    • … si incroyable, il reprend, après une petite pause.

    Inutile de préciser que, après ces quelques mots, j’ai encore plus envie de l’embrasser. Nos visages sont tout proches, nos lèvres aussi. Mais est-ce que je vais oser m’approcher de sa barbe toute douce ?

    Moi, je ne sais pas. Mais lui, oui. Il avance son visage vers le mien, ses lèvres effleurent les miennes, c’est une caresse légère. Ses lèvres son chaudes, douces et sa barbe est un pur bonheur.

    Ce petit baiser me fait un bien fou. Thibault serait-il le genre de garçon qui, après l’orgasme, a besoin davantage d’un câlin que d’une cigarette ? Ca ne m’étonne pas de lui, et ça m’émeut au plus haut point.

    Je l’avais deviné rien qu’en le côtoyant et là j’en ai la preuve. Dans ses bras, je me sens bien, je me sens en sécurité. Dans ses bras, c’est le bonheur. Dans ses bras, j’ai vraiment l’impression que rien ne peut m’arriver. Je me sens si bien que je ne voudrais jamais en partir.

    Oui, Thibaut débute, mais Thibault a l’air mieux dans sa tête que Jérém et moi mis ensemble.

    Quand je pense qu’un peu plus tôt cette nuit je m’étais dit que j’avais envie de lui montrer que l’amour entre garçon peut être beau, intense, puissant et tendre à la fois, je me sens bien idiot. Car là, c’est bien lui qui est en train de m’apprendre que le plaisir entre garçon peut être infiniment sensuel, touchant, et assumé.

    Thibault a non seulement calmé son pote, lui montrant une voie qu’il a failli emprunter, une voie de sensualité et de respect mutuel, mais il est également en train d’ouvrir un boulevard d’espoir devant moi, l’espoir que l’amour entre garçons puisse être autre chose que de la baise qui ne s’assume pas.

    Je ne sais pas si Thibault est gay, ou bi, hétéro curieux, ou que sais-je d’autre, et je m’en fiche. Tout ce que je sais c’est que, pour certains aspects, Thibault me rappelle Stéphane. Avec Thibault, je me sens aussi bien qu’avec Stéphane.

    Jérém revient de la cigarette et lorsqu’il nous voit enlacés, il s’arrête net, jetant sur nous un regard fixe et grave. Que ressent-il à cet instant ?

    Un peu plus tard dans la nuit, je m’emploie une nouvelle fois à faire plaisir aux deux potes. Deux potes dont les attitudes demeurent très différentes. Car, si les mains du bomécano caressent sans cesse ma peau, mon cou, mes cheveux, ma nuque, mes épaules, mes tétons, Jérém demeure complètement inerte face à mes efforts pour lui faire plaisir.

    Heureusement le bomécano a bien repéré la géographie de mes points sensibles. Mais celle de Jérém également. Ses mains passent désormais de moi à Jérém et de Jérém à moi, de corps en corps, de peau en peau, sorte de boucle de tendresse qui nous relie tous les trois.

    Ses caresses sont douces, légères, c’est un contact qui excite et apaise à la fois.

    J’adore le groove de Thibault Allez, Jérém, laisse-toi aller, viens toi aussi dans ce groove, tu peux le faire.

    Get into the groove/Rentre dans le groove

    Boy you’ve got to prove/Mec tu as à prouver

    Your love to me, yeahTon amour pour moi, ouais

    Get up on your feet, yeah/Lève-toi, ouais

    Step to the beat/Marche dans le tempo

    Boy what will it be/Mec qu’est-ce que ça va être

    Allez, Jérém, est-ce possible que tu sois insensible à ce rythme ?

    Viens, danse avec nous, il suffit de si peu pour se laisser aller.

    Allez Jérém, s’il te plaît !

    Au fil des câlins, j’ai l’impression qu’une communication silencieuse est en train de s’établir entre nous trois, mais surtout entre les deux potes.

    Le souffle de mon bobrun se fait plus bruyant, il devient saccadé, on dirait presque un pleur silencieux. Jérém frissonne, comme si le plaisir se mélangeait à une intense émotion, et qu’il se retrouvait débordé par tant de sensations physiques et mentales.

    Puis, quelque chose semble céder en lui, ses lèvres se posent dans mon cou et se laissent aller à des caresses légères.

    Oui, mon Jérém, comme ça, exactement comme ça.

    Live out your fantasy here with me/Vis ton fantasme ici avec moi

    Just let the music set you free/Laisse juste la musique te libérer

    Touch my body, and move in time/Touche mon corps, et bouge en rythme

    Now I now you’re mine/À présent je sais que tu es mien

    Ses caresses s’enchaînent, je ferme les yeux, plongé dans ce nouveau bonheur.

    Soudain, je réalise que le bomécano est le seul de nous trois à ne pas recevoir de caresses.

    Tu fais des câlins à tout le monde, mais qui te fait des câlins à toi, mon bon Thibault ? C’est l’histoire de ta vie, n’est-ce pas ?

    Quelques minutes plus tard, Jérém est à nouveau en train de me pilonner. Après quelques hésitations, Thibault est venu chercher son bonheur dans ma bouche. Nous exécutons une chorégraphie sexuelle parfaite.

    Mais quelque chose va créer une diversion. Quelque chose va se passer entre les deux potes. Je sens les bassins changer d’angle, les deux bustes se plier l’un vers l’autre. Leurs bras se lèvent, se mélangent, les mains de l’un atterrissent sur les épaules de l’autre.

    Une image chargée d’une sensualité rare se présente alors à mon esprit, faute de pouvoir l’apprécier de mes propres yeux. L’image des deux potes se regardant l’un l’autre, les visages marqués par l’excitation, l’image d’un échange de regards intenses, débordants de désirs.

    Les coups de reins du bobrun ralentissent petit à petit, jusqu’à presque s’arrêter. Et pour que mon bobrun en oublie les envies de sa queue, c’est qu’un autre bonheur encore plus intense accapare son esprit. J’imagine les mains de l’un caresser, enserrer, tâter. J’imagine l’autre répondre de la même façon, désirer, exciter, palper.

    Est-ce que, dans l’excitation, les deux potes auraient trouvé le moyen de faire se rencontrer des désirs refoulés jusque-là ? Et ma présence dans tout ça ? Elle a peut-être contribué à créer les conditions de cette rencontre, de ce déclic, mais est-ce qu’elle n’empêche désormais que tout cela puisse aller jusqu’au bout ? Jusqu’où pourraient-ils se laisser aller, ainsi bien chauffés, si d’un coup de baguette magique je m’évaporais ? Est-ce que leurs envies de mecs, leurs sexualités, leurs excitations si semblables trouveraient le moyen de s’exprimer ?

    Je ne m’y trompe pas, l’excitation des deux potes est montée en flèche depuis qu’il se passe quelque chose dans mon dos. Jérém laisse échapper un premier râle étouffé. Il vient de jouir. Presque au même moment, les giclées chaudes du bomécano se délivrent dans ma bouche.

    Un instant plus tard, Jérém s’extirpe de moi, Thibault se retire de ma bouche. Les mains lâchent leurs prises, les caresses cessent, les bras se délient, les corps s’éloignent.

    Le bobrun s’allonge sur le matelas, se cale sur le flanc, il me tourne le dos. Sa respiration est haletante. Mais elle se calme vite, laissant très rapidement la place au souffle léger du sommeil. Pour qu’il renonce à aller fumer sa clope, c’est qu’il est vraiment HS, cette nouvelle jouissance a dû être particulièrement intense.

    Je cherche le regard du beau pompier, confiant d’y trouver du réconfort, de la douceur. Son regard bienveillant me fait du bien, c’est bon de pouvoir se regarder en face après l’amour, ça aide à surmonter cette petite tristesse naturelle qui succède l’orgasme, ça aide à ne pas regretter ce qui vient de se passer.

    Mais, contrairement à Jérém, le bomécano n’a pas oublié que je n’ai toujours pas joui. Et j’ai l’impression qu’il a une idée derrière la tête.

    —        Viens là, je l’entends chuchoter. Sa voix est douce, ses mots sont une invitation, un envoûtement.

    Je me retrouve assis entre ses jambes, mon dos une fois de pls enveloppé et chauffé par son torse, enlacé dans ses bras.

    Avec une main, il me branle, doucement, tandis qu’avec l’autre il caresse mon torse, mes pecs, il s’attarde sur mes tétons. L’excitation est si forte que je ne tarde pas à lâcher quelques bons traits chauds sur la couette.

    La puissance de mon orgasme n’a d’égal que l’intensité de l’épuisement qu’elle laisse derrière elle. Soudain, je me sens vidé de toute énergie, je me sens partir, je commence à dériver dans ce no man’s land entre veille et sommeil. Je me sens partir, mais un mouvement du torse du bomécano me secoue de ma torpeur.

    Le bomécano quitte le lit. Pendant un instant, je suis saisi par la crainte qu’il se rhabille et qu’il rentre chez lui. Mais je le vois traverser le petit séjour et disparaître dans la salle de bain.

    Presque au même instant, le bobrun se met à remuer dans son sommeil. Des petits mouvements nerveux secouent son corps. Pendant un instant, je me dis que le bogoss va se réveiller. Mais il n’en est rien. La seule conséquence de ce petit remue-ménage inconscient, c’est le fait que Jérém se retrouve allongé à plat ventre, le visage tourné vers moi.

    Il est vraiment beau mon Jérém, beau à tomber. Et lorsqu’il est endormi, il est juste craquant. J’ai envie de le regarder et de le caresser pendant toute la nuit, pendant toute la vie.

    Mais je ne peux pas. Parce que je respecte son sommeil, et parce que je trouve ça tellement apaisant, le regarder dormir. Le peu de fois que j’ai connu ce bonheur, j’ai été touché par la beauté, la douceur qui émanent de lui pendant ces précieux instants hors du temps. Pendant le sommeil, le bobrun ténébreux, le jeune mâle arrogant laisse la place à un petit mec sans défenses, un puit à câlins émouvant au possible. Pendant qu’il dort, il est là, et je peux m’illusionner qu’il est tout à moi. En tout cas il l’est à cet instant précis, pendant son sommeil.

    Ou peut-être même pas. Le bobrun gigote, émet de petits bruits. Je me demande ce qui agite ainsi son sommeil, à quoi il rêve. Je me dis que je paierais cher pour posséder le pouvoir magique des caresses de Thibault, le pouvoir de l’apaiser.

    Le bomécano sort de la salle de bain, il attrape le paquet de cigarette sur la table et part promener sa nudité sur la terrasse, bravant la fraîcheur du petit matin.

    Je me surprends à me demander comment Jérém va gérer tout ça à froid, l’effet tarpé bien derrière lui. Je me dis qu’il s’en vouloir de ne pas avoir vu venir la complicité qui s’installerait entre Thibault et moi.

    Et qu’il ne va pas aimer l’idée que la situation lui soit totalement échappée des mains.

    C’est pas la première fois que ça arrive. Ça s’était déjà produit pendant le plan avec Romain. Mais avec Thibault, ça va bien au-delà de ça. Dans le plan avec Romain, même s’il avait été déstabilisé à un moment, Jérém avait conservé une grande partie de son contrôle. Cette nuit, en revanche, à partir d’un certain moment, le bobrun ne semblait plus rien maîtriser. Il avait voulu partager son jouet sexuel avec son pote, ce dernier lui avait offert des attentions inattendues. Sur ce point, il avait échoué.

    Je me dis aussi qu’en lançant ce plan, Jérém avait peut-être une autre idée en tête, autre que celle de relativiser aux yeux de son pote l’importance de ses coucheries avec moi. Cette idée pourrait être de lui permettre de partager un moment sensuel avec Thibault sans pour autant craquer directement l’un pour l’autre. Bref, une manière de se dire « j’ai couché avec mon pote mais c’est parce qu’il y avait Nico entre nous pour nous chauffer ». Sur ce point, il a peut-être atteint son but, du moins en partie.

    Mais il n’est pas impossible qu’il regrette également ces quelques moments de partage sensuel avec son pote. Tout en ayant peut-être envie de les reproduire. Jérém n’est pas à une contradiction près.

    On pourrait croire que Jérém a fini par lâcher prise, qu’il s’est laissé aller. Et ça a pu être le cas à un moment. Mais peut-être que tout cela n’a été possibles que grâce à l’effet du tarpé, combiné à l’« effet Thibault ». Une fois sobre, il se peut qu’il ne voie plus du tout les choses de la même façon.

    Et que le bordel laissé dans sa tête après cette nuit ne présage rien de bon pour la suite.

    L’odeur de la cigarette de Thibault pénètre dans le petit séjour, portée par la brise nocturne.

    Soudain, je réalise que sa cigarette semble durer bien longtemps, ça commence à ressembler à une cigarette « de réflexion ». A quoi pense-t-il le bomécano ? Quel regard porte-t-il sur la folie de cette nuit ? Est-ce qu’il va rester ou partir ?

    Ne pars par Thibault !

    Au fond de moi, je sais que le mieux ce serait de partir dès maintenant, ce serait le plus simple, ça éviterait les déconvenues du réveil, notamment vis-à-vis de Jérém. Mais je tombe de fatigue. Je me dis que je vais me détendre juste quelques minutes, avant de partir avant que Jérém ne se réveille.

    Je commence à m’assoupir.

    C’est là que Thibault revient. Je ne l’entends pas rentrer dans le petit séjour, mais je le sens venir se glisser derrière moi. C’est cool, il reste finalement !

    Encore plus cool, son torse se colle à mon dos, ses bras m’enlacent, me serrent contre lui.

    A cet instant, Jérém vient à son tour se serrer contre moi, je sens son souffle chaud dans le creux de mon cou.

    Thibault me fait un bisou dans le cou et il s’endort. Bien au chaud entre les deux potes, je m’endors à mon tour. Je voudrais que cette nuit ne se termine jamais.

    Commentaires

    badremila

    26/12/2016 17:06

    ou est la suite de cette épisode

    Yann

    24/12/2016 12:45

    J’ajoute à mon commentaire qui précède que Jerem a fait l’erreur de croire que Thibault était comme lui. Qu’il regarderait Nico comme le petit mec qu’il suffit d’appeler pour assouvir ses envies et à qui on ne doit rien. Or ce n’est pas du tout le tempérament de Thibault. Il va être lui aussi marqué par ce que vient de lui faire découvrir Nico. Il ne le regardera plus jamais comme seulement un simple pote. Est-ce le début d’une nouvelle histoire ? Le plus difficile pour Nico c’est que c’est peut être son choix qui fera comme je le disais un ou des malheureux entre Jerem, Nico et Thibault.

    Yann

    24/12/2016 12:03

    Je partage les commentaires sur cet épisode, Fabien tu te surpasses à chaque fois. Autant de désir, d’amour, de sensualité si bien racontés… Nico est aux anges il a enfin ce dont il rêvait. Il fait le rapprochement entre ce que Thibault vient de lui faire partager et ce qu’il a connu avec Stéphane. Reste que là, la situation risque de devenir compliquée comme Nico semble en prendre conscience. Ce qu’il vient de partager avec Thibault le marquera à tout jamais tout comme Thibault et peut être même Jerem. Ce plan à trois a été le révélateur de quelque chose de profond entre Thibault et Nico. Encouragé par Jerem, Thibault a laissé exploser tout ce qu’il retenait en lui depuis si longtemps. Mais lui comme Nico vont devoir faire des choix. Faire passer en premier leur amitié pour Jerem ou au contraire privilégier leur envie de continuer plus avant cette relation naissante. Quel que soit le choix qui sera fait ce sera difficile à vivre pour un ou plusieurs des trois…

    badremila

    24/12/2016 19:57

    premièrement merci merci merci pour cette magnifique épisode second un amis a moi ma dit un jours c’est impossible de décrire une sensation, un plaisir, un orgasme avec des mots, aujourd’hui tu à prouver que c’est possible tu arrives à décriver tous les sensations vécus, tous les désires avec une tel précision qui nous permettra erre avec les trois étalons dans cette petite chambre, quand je lu tes mots je vivais avec les personnages, je me projette sur la personnage de Nico, vraiment chapeau comment va réagir la cousine de Nico quand ce dernier vas lui raconter cette aventure ? qu’elle est la réaction de Jerymée. et surtout Thalibut va t’il tomber amoureux de Nico et Nico comment vas l prendre ces nouvelle circonstance

    Etienne

    23/12/2016 23:10

    Je ne dirai qu’un mot: « WAOUHHHH » ! Très bel épisode qui va provoquer sûrement des remous dans les têtes. Justement, on sait ce qu’il y a dans celle de Nico, mais que pense Thibault, et comment Jerem a t’il vécu l’épisode…? J’espère revoir Nico & Thibault très très très proches l’un de l’autre 😉 Merci Fabien. Etienne