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JN01101 Quand la rivière est trop large.

Toulouse, le samedi 28 juillet 2001, début de soirée.

Bien évidemment, mon SMS de la veille autant que mon message vocal de ce matin sont restés sans réponse. Impossible qu’il ne les ait pas vus. Et pourtant, il n’a pas pris la peine d’y répondre.

Dans quelques heures, ça fera une semaine que cette nuit de folie avec Jérém et Thibault a eu lieu. Une semaine déjà.

Ce soir, je n’ai pas envie de rester seul. Heureusement, quand ça ne va pas fort, je peux toujours compter sur la meilleure des cousines. C’est comme si elle sentait quand j’ai besoin de me changer les idées.

Son coup de fil est arrivé en milieu d’après-midi. C’était pour me proposer de nous faire un ciné le soir même. J’avais accepté de bonne grâce, bien heureux de profiter pendant quelques heures de sa compagnie.

— A propos, il faut que je te dise… elle m’avait lancé

— Me dire quoi ?

— Je ne serai pas seule, mon Nico…

— Tu te ramènes avec l’une de tes copines ?

— Naaaan…

— Ne me dis pas que tu viens avec un mec ?!

— Si !

— Il s’appelle ?

— Philippe !

— Tu le vois depuis quand ?

— Quelques jours…

— Et tu m’as rien dit…

— J’attendais de voir comment ça allait évoluer…

— Il est bien ?

— Il a l’air…

— Vraiment bien ?

— Je te dirai ça quand j’aurai testé toutes ses fonctionnalités…

— Ah, ok. Et tu veux aller voir quoi au cinéma ?

— Moulin Rouge.

— C’est quoi comme film ?

— Une comédie musicale haute en couleur. C’est à l’UGC Wilson, à 21 heures.

— Ok, ok, j’y serai.

— T’as intérêt !

Alors, ça, Elodie avec un mec… Je suis très heureux pour elle. Elle mérite sa part de bonheur, ma cousine.

Dans l’après-midi, le vent d’Autan se lève. En début de soirée, il souffle de plus en plus fort.

Lorsque j’arrive devant le cinéma, Elodie et son mec sont déjà là.

Philippe est un petit brun d’un mètre 70, avec un physique pas très musclé mais néanmoins très agréable à regarder. C’est un garçon très séduisant, avec de très beaux cheveux ondulés, qui ont l’air très doux. Il arbore un joli duvet de barbe de plusieurs jours. Ses yeux noisette projettent un regard doux, parfois rêveur, toujours charmant. Et ses lunettes carrées lui donnent un petit air d’intello sexy.

La première impression en l’entendant parler est celle d’un garçon d’une grande gentillesse, et même plutôt drôle.

Le film démarre sur un propos triste mais intriguant.

There was a boy/Il y avait un garçon

A very strange enchanted boy/Un garçon charmant très étrange

(…) And then one day/Et puis un jour

One magic day he passed my way/Un jour magique il a croisé ma route

(…) The greatest thing you’ll ever learn/La plus grande chose que vous apprendrez jamais

Is just to love and be loved in return/Est juste d’aimer et d’être aimé en retour

Puis, on est très vite entrainés dans le tourbillon de cette pure folie visuelle, de ce déluge de décors et de couleurs, doublée d’un incessant délire musical.

Moulin Rouge est une incroyable féerie cinématographique. Nicole Kidman est somptueuse. Quant à Ewan McGregor, assis devant sa machine à écrire, dans son petit débardeur blanc, il est juste craquant.

Les tableaux s’enchaînent, sans répit. Puis, vient cette fabuleuse scène chez Satine, dans l’Eléphant-alcôve. Et là, au milieu de ce délicieux pot-pourri d’extraits d’autres monuments de la chanson, la voix d’Ewan s’élève pour entonner un air et des mots qui ont une résonnance particulière en moi.

Love lift us up where we belong/L’amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d’une montagne

Je sais que j’ai déjà entendu ces couplets, cet air. Je sais qu’ils font partie d’une chanson très connue, j’essaie de me la passer et repasser dans la tête pour retrouver le souvenir qui m’échappe, mais impossible d’y mettre la main dessus. Mais où est-ce que j’ai déjà entendu cette chanson ? Qui la chante donc ? Aaaaah, ça m’énerve !

Les scènes se succèdent à un rythme infernal. Vient ensuite la seule chanson originale du film, celle qui me touche le plus profondément de toutes. La voix d’Ewan McGregor est une pure caresse pour les oreilles et pour l’esprit, et l’interprétation de Nicole n’est pas en reste. Mais c’est le texte qui me frappe le plus intensément. Car il colle si bien à ce que je ressens…

(…) aucune montagne n’est trop haute, aucun fleuve n’est trop large
(…) Les nuages de l’orage peuvent s’amonceler, les étoiles s’entrechoquer
Je t’aimerai jusqu’à la fin des temps

(…) Quoi qu’il advienne/Je t’aimerai jusqu’à mon dernier jour

Lorsque la chanson se termine, j’ai les yeux embués de larmes. Et je suis saisi par une puissante envie de courir à la brasserie, et dire tout haut à mon Jérém ce que je ressens pour lui.

Non, ça ne peut pas se finir comme ça entre nous deux. Ça ne peut pas se finir tout court, d’ailleurs !

Ça ne peut pas se finir chez moi, dans mon lit, blotti dans le noir, mon visage plongé dans sa chemise, dans son t-shirt, cherchant à retenir son odeur, et les souvenir de notre trop courte histoire.

Je dois me battre pour cela. Car, comme le dit la même chanson :

Soudain le monde semble être un endroit parfait
(…) Et tout tourne autour de toi

Le final étant annoncé depuis le départ, ça devrait préparer le spectateur à l’inéluctable. Ce n’est pas le cas, en tout cas pas pour moi. Les larmes me submergent. Elles me submergent à cause de ce final, justement. Mais elles me submergent aussi et surtout parce que je sais désormais ce que j’ai à faire vis-à-vis de mon bobrun. Aller le retrouver, sans plus attendre, et lui dire ce que je ressens pour lui. Aucune rivière n’est trop large, aucune montagne trop haute.

Lorsque nous quittons le cinéma, j’ai juste envie de courir à la brasserie pour crier à Jérém à quel point il me manque, à quel point il est tout pour moi.

Il est minuit lorsque ma cousine me dépose devant chez moi. Je la regarde repartir avec son Philippe, et je me dis une fois de plus que je suis vraiment content pour elle.

Les couplets de cette chanson me reviennent à l’esprit.

Love lift us up where we belong/L’amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d’une montagne

Mais bon sang, où est-ce que j’ai déjà entendu ça ? Je connais cette mélodie. Je la joue sans cesse dans ma tête, à chaque fois j’ai l’impression que je vais retrouver la source, puis non, l’espoir est une nouvelle fois déçu, dans ma tête l’écran reste noir.

J’ai dit à ma cousine que je rentrais pour ne pas qu’elle me pose de questions. Mais mes projets sont autres. Je remonte les allées, je laisse mes jambes me porter vers la rue de la Colombette.

Je passe devant la Ciguë, ce bar à mecs en bas de la rue de la Colombette, avec sa façade discrète et sombre. Je la remonte jusqu’à la façade de l’immeuble de l’appart de Jérém. Impossible pour moi de ne pas ressentir une profonde nostalgie, un déchirement intérieur, devant la façade aux volets bleus entourés de brique toulousaine, devant cette porte bleue que j’ai franchi tant de fois le cœur battant la chamade. Impossible de ne pas ressentir une grande tristesse à l’idée que plus jamais je ne pénètrerai dans ce théâtre bientôt désaffecté ou il s’est joué tant de scènes importantes de ma vie.

Je descends la rue, le cœur lourd, au bord des larmes, les paroles de — Your Song » en boucle dans ma tête.

It’s a little bit funny, this feeling inside/C’est assez drôle, cette sensation intérieure
I’m not one of those, who can easily hide/Je ne suis pas de ceux qui peuvent facilement la cacher

(…)

How wonderful life is while you’re in the world/Comme la vie est belle quand tu es dans le monde.

Je reviens vers boulevard Carnot, je marche vers le Capitole, je coupe rue d’Alsace-Lorraine. C’est l’une des rues les plus animées de la ville en pleine journée. Mais à cette heure-ci, avec ses boutiques fermées, et la plupart les vitrines carrément éteintes, elle affiche plutôt une allure de rue fantôme.

Une force d’attraction irrépressible m’attire vers Esquirol. En même temps qu’une autre, d’intensité égale mais contraire, semble ralentir mes pas. Le cœur crie « vas-y, putain, Nico, cours, tu en meurs d’envie. Alors que la tête dit « tiens-toi au loin, ce n’est pas une bonne idée ».

Mais jambes n’en font qu’à leurs pieds. A Esquirol, je le vois de loin, je le vois de suite. Le voilà, mon Jérém, beau comme un dieu dans son t-shirt noir, à l’aise avec son plateau comme s’il avait fait ça toute sa vie.

Si seulement je savais ce qui se passe dans sa jolie tête, si je savais ce qu’il ressent vis-à-vis de ce qui s’est passé samedi dernier avec Thibault. Si seulement je savais pourquoi il ne prend pas la peine de répondre à mes messages.

Il est beau, il est charmeur, et sa présence attire tous les regards. Et il le sait, le petit con. Il sait qu’il plaît, il sait qu’il peut avoir autant de nanas et de mecs qu’il veut, sans effort.

Alors, pourquoi il se prendrait la tête à comprendre ce qui s’est passé samedi dernier ? Pourquoi il reviendrait vers moi ? Pourquoi s’emmerderait-il à répondre à mes sollicitations ?

En dépit de ce que Thibault en dit, je ne crois pas que Jérém tienne si fort à moi. Il a aimé s’envoyer en l’air avec moi, il a aimé que je sois son soumis. Mais maintenant que notre relation devient trop compliquée à gérer pour lui, il appuie sur NEXT.

Et pourtant, je ne peux me résigner à accepter que cela se passe ainsi, qu’il balaie notre relation d’un revers de main, qu’il se débarrasse de moi de cette façon, sans la moindre explication, sans le moindre mot.

J’ai besoin de le voir une dernière fois, de lui parler une dernière fois.

Mais comment m’y prendre ? Aller le voir à la brasserie, ce ne serait vraiment pas une bonne idée.

Peut-être que je pourrais essayer de le capter à la sortie du taf. Si je me fie à l’heure où il a envoyé son SMS samedi dernier, il doit finir aux alentours de 2 heures. Il me reste encore une heure à attendre. Peut-être plus, car la terrasse est encore bondée.

L’idée de tenter de l’intercepter pendant qu’il rentre chez lui me plaît bien. Mais vais-je oser ?

En attendant de trouver le courage, j’ai le temps d’aller faire un petit tour. Je repars par la rue des Changes, je continue rue sainte Rome. En revenant au Capitole, je traverse le quartier de la Daurade, ce quartier que je connais si bien pour l’avoir fréquenté tous les jours pendant les trois ans du lycée. Je suis saisi par un pincement au cœur, par une immense nostalgie, en passant devant cette ancienne et magnifique bâtisse, ce lieu qui a été le théâtre du commencement d’un amour dévorant, ce site que je dois désormais m’habituer à appeler « mon ancien lycée ».

En arrivant place St Pierre, j’ai envie de me poser un instant. Je suis fatigué et assoiffé. Je m’assois à une table de café, seul. A la table juste à côté est installée une joyeuse bande de potes. Ça parle fort, ça rigole, ça taquine, ça fait les beaux pour plaire aux filles. Je laisse mon regard et mon ouïe se réjouir de leur spontanéité, de leur camaraderie, de cette insouciance de jeunes mecs qui font la fête dans la douceur de la nuit toulousaine. Des mecs pour qui la vie semble si facile, si heureuse. Ils ont à peu près mon âge mais aucun d’eux semble angoissé comme je le suis par une histoire compliquée, comme que celle que je vis avec mon Jérém.

Je ne me sens pas bien. Un sentiment de profonde solitude m’envahit au milieu de tout ce monde, de tout ce joyeux brouhaha. Un seul être manque, et le monde est dépeuplé.

Je me lève et je pars avant que le serveur n’ait eu le temps de venir prendre la commande.

Je me lève et je pars pour rentrer chez moi.

Oui, chez moi.

Finalement, je n’ai pas trouvé le courage d’aller à la rencontre de Jérém. Et je sais que je ne le trouvai pas, jamais, ni cette nuit, ni aucune autre. Il faut que je me fasse à l’idée que c’est fini. Toute rencontre que je pourrais provoquer, ce serait une rencontre de trop. Il faut savoir arrêter les dégâts à un moment.

Et tant pis si pour moi les montagnes sont trop hautes, les fleuves trop larges, et l’amour ne me soulève pas jusque-là où je suis censé être destiné. Peut-être que, justement, je n’y suis pas destiné.

Les films, les chansons, c’est une chose. La vie, ça en est toute autre.
Je traverse le pont St Pierre, direction la maison.

C’est en arrivant place St Cyprien que j’assiste à une scène inattendue.

Deux p’tits mecs qui ont l’air à peine plus âgés que moi sont assis dans un abribus. Ils ne sont ni beaux ni moches, ce sont juste deux mecs normaux. L’un est brun, l’autre est châtain.

Un je-ne-sais-quoi dans leur attitude m’intrigue instantanément. Intrigué, je m’arrête à une certaine distance, je dégaine mon portable et je fais semblant de textoter, tout en les matant discrètement.

Mon intuition semble se confirmer dans les regards qu’ils échangent, par des sourires qui ne trompent pas.

Et puis, vient ce petit rien qui dit tout. Le petit brun pose son front sur l’épaule de l’autre. Et, un instant plus tard, il pose des bisous légers, lents et tendres dans le creux de son cou. Le deuxième garçon lâche un petit sourire et penche la tête, le regard empli de ce bonheur intense, celui qu’on ressent et qu’on dégage autour de soi lorsqu’on contemple la personne qui est tout à nos yeux.

Je ne peux être qu’heureux pour eux, et jaloux de leur jeune passion, de cet amour naissant.

Je me dis que l’amour entre ces deux garçons, intense, palpable, réciproque, est la preuve que peu importe qui on aime, l’important, c’est aimer. Car, aimer, est la plus grande chose qui existe dans ce monde. Aimer et être aimé en retour.

Love lifts us up where we belong/ L’amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d’une montagne

Ça n’a plus d’importance de savoir où est-ce que j’ai déjà entendu cette chanson.

Ce qui est important à mes yeux désormais, c’est de foncer. Courage Nico. Tu dois aller le voir, et tu dois y aller cette nuit. Tu dois le prendre entre quatre yeux et lui parler, lui dire tout ce que tu ressens, lui ouvrir ton cœur.

S’il y a un minimum de sensibilité derrière sa plastique de fou et sa jolie petite gueule, il ne pourra pas rester insensible à ton amour. Et si toutefois ça devait être le cas, tu en auras le cœur net, et tu n’auras pas de regrets. Tu auras au moins exprimé clairement ce que tu ressens, et il l’aura au moins entendu. Tu dois lui dire, il doit savoir, à quel point il compte pour toi.

Je dois à tout prix l’intercepter à la sortie de son taf, il faut absolument que je le vois une dernière fois avant qu’il ne quitte l’appart de la rue de la Colombette. Après, ce sera bien plus difficile de se retrouver seuls.

Je marche au pas de course, j’ai l’impression de léviter au-dessus du pont Neuf.

Mais lorsque j’arrive à Esquirol, la brasserie est déjà fermée.

Un sentiment de désespoir m’envahit. Ça ne peut pas se terminer comme ça, à cause d’une stupide erreur de timing. Il faut que je le rattrape. Il est 2h30, je suis plutôt fatigué, mais je trouve la force de traverser une bonne partie de la ville pour aller retrouver mon bobrun.

Rue de la Colombette, je sonne à son interphone. Je suis fou, il est presque trois heures. Thibault l’a bien fait une semaine plus tôt, alors, pourquoi pas moi. J’ai le cœur qui tape à tout rompre.

J’attends pendant de longues interminables secondes, mais aucune réponse ne vient. Je sonne une nouvelle fois. Rien non plus.

Je suis envahi par un horrible sentiment de gâchis. J’aurais dû pister la fin de son service, avoir plus de volonté, l’avoir dès le départ, j’aurais dû oser. Au lieu de quoi, je l’ai laissé filer entre mes doigts, j’ai laissé filer la dernière occasion pour rentrer dans cet appartement à jamais perdu.

Qui sait où est maintenant mon bobrun. Il est peut-être en train de boire un verre quelque part dans la ville encore éveillée. Ou entre les cuisses d’une nana, d’une cliente de la brasserie, il y en a tant qui le dévorent des yeux. Il est peut-être avec un autre mec. Peut-être même avec Thibault.

Va le dénicher maintenant…

Je remonte vers le canal. J’ai envie de chialer. Mais au moment où je décide de revenir vers maison, une idée s’illumine à jour dans ma tête. Je sais peut-être où le trouver.

Je reviens vers Jean Jaurès. L’enseigne lumineuse du On Off me fait de l’œil, je l’ignore et je m’engage dans la rue Gabriel Péri, je la descends jusqu’à Carnot. Les terrasses des bistrots commencent à se faire clairsemées. Mais la Bodega n’est pas près de fermer ses portes.

Je rentre dans cette jolie bâtisse bien connue pour son ambiance festive.

Et bingo, mon Jérém est là, assis autour d’une table avec ses potes. Je reconnais Thierry, ainsi que quelques-uns de ses co-équipiers de rugby. Un grand absent, apparemment. J’ai beau chercher, je ne trouve pas Thibault. Le bomécano doit dormir à l’heure qu’il est, je sais qu’il travaille le samedi matin.

Je regarde mon bobrun en train de boire, de fumer, de discuter, de rigoler avec ses potes.

C’est toujours un spectacle émouvant que de regarder un beau mec partager une bière avec ses potes, tout absorbé dans une discussion animée et plaisante. Une discussion qui, même sans la bande son, sent la complicité, la camaraderie, le bonheur d’être entre potes.

Et qu’est-ce qu’il est beau, mon Jérém, dans son t-shirt noir, le même qu’il portait pendant le service à la brasserie. Le bord de la manchette gauche désormais nonchalamment retroussé au-dessus de son tatouage sexy, moulant ses biceps qui gonflent au gré des mouvements de ses bras.

Le bobrun porte la bouteille de bière à ses lèvres pour en avaler une nouvelle rasade. C’est beau cette pomme d’Adam qui s’agite nerveusement au gré de la déglutition.

Je prends une boisson, et je me planque dans un coin de l’autre côté de l’îlot du comptoir, à un endroit qui me permet d’observer discrètement mon bobrun, bien décidé à attendre qu’il quitte les lieux et à le rattraper lorsqu’il se décidera à rentrer chez lui. Pourvu qu’il rentre seul !

Et pourvu qu’il n’ait pas la mauvaise idée de continuer la soirée au KL. Ce qui me rassure, c’est qu’il est déjà 3h30 et qu’ils n’ont pas l’air d’être pressés de partir. Ce qui me fait imaginer qu’il est à une ou deux bières près de prendre la direction de son appart.

Pour une fois, j’ai vu juste. Je n’ai à attendre qu’une bière de plus et une petite demi-heure pour voir la bande de potes se lever et prendre la direction de la sortie du pub. J’attends quelques secondes et je sors moi aussi, profitant de la présence de nombreuses personnes en terrasse pour passer incognito.

Je regarde Jérém et ses potes se claquer la bise, se bousculer en rigolant, puis se séparer. Certains prennent la direction des allées Jean Jaurès. Jérém remonte la rue Gabriel Péri avec un autre gars.

Ah, non, pas ça ! Ils ne vont pas aller à l’appart pour une dernière bière entre mecs !

Je les suis à une distance de prudence, je les vois partager un petit bout fumant qui laisse cette odeur si typique dans son sillage.

Nous arrivons au canal, les deux potes tournent à droite. Putain, ils vont à appart !

Mais, au lieu de continuer vers la rue de la Colombette, ils traversent le boulevard, s’approchent d’une voiture garée côté platanes. Ah, non, ils ne vont pas partir au KL !

Et là, les deux potes ses serrent la main, se claquent la bise. Le mec rentre dans sa voiture et quitte le parking. Quant à mon bobrun, il continue, seul, en direction de son appart. J’aime mieux ça, enfin seul !

Je vais donc pouvoir passer « à l’attaque ».

Non, aucune montagne n’est trop haute, aucun fleuve n’est trop large…
Je le regarde traverser à nouveau le boulevard et s’engager dans la rue de la Colombette. Je presse mon pas, je le rattrape.

  • Jérém ! je l’appelle.

Le bobrun s’arrête, se retourne. Il me capte, il me regarde, sans un mot, sans expression. J’ai l’impression qu’il regarde un inconnu.

C’est la première fois que je vois Jérém de près après cette nuit avec Thibault. J’ai l’impression de regarder un inconnu.

— Tu fais quoi là ? il finit par lâcher.

— Moi aussi je suis content de te revoir, je tente de rigoler.

— T’arrives d’où ?

— J’étais en ville avec ma cousine et je t’ai vu sortir de la Bodega…

— Tu me pistes ou quoi ?

— Non, non, je mens.

Il reprend à marcher vers l’appart, sans un mot de plus.

— Tu vas bien ? je tente de le questionner.

— Qu’est-ce que ça peut te faire ? Qu’est-ce que tu veux ?

Sa froideur me fait mal, mais je prends sur moi.

— Je m’inquiétais, tu n’as pas répondu à mes messages…

— J’ai autre chose à foutre !

Je ne peux me contenter de ça, alors j’enchaîne.

— J’avais envie de te revoir…

Nous arrivons devant son immeuble. Jérém ouvre la porte et s’arrête sur le seuil, me barrant le passage.

— Si tu rentres, c’est pour me sucer et tu te tires après, il me balance. Mais si tu es venu pour me prendre la tête, tu peux te tirer tout de suite !

Ses mots sont violents, le ton de sa voix est dur. Je le regarde en silence, désemparé. Quoi rétorquer à de telles conditions ? C’est non négociable, c’est à prendre ou à laisser.

Sa beauté n’a d’égal que dans sa cruauté. Elle brûle mes rétines, elle vrille mes entrailles, c’est comme une morsure, ou comme la piqûre d’un acide, elle est insoutenable, insupportable. Ce gars m’attire à lui avec une force que je ne peux contrer. Il possède un pouvoir sur moi qu’aucun autre ne détient.

Je crève d’envie de sentir son corps se raidir, de voir sa belle petite gueule se crisper, d’entendre ses soupirs, ses gémissements, son râle sauvage au moment de l’orgasme.

Je crève d’envie d’être à lui.

— Laisse-moi rentrer, je finis par lâcher, tout en posant une main sur un de ses pecs durs comme du béton, pour l’inviter à reculer et à me laisser franchir la porte.

Le bogoss me toise, oppose une résistance à mon mouvement.

— S’il te plaît, j’insiste, tout autant avec les mots qu’avec la pression de ma main.

Et là, pour mon plus grand bonheur, il recule enfin, et je pénètre dans la petite entrée de l’immeuble.

Jérém n’a pas allumé la lumière. Le petit espace est de ce fait uniquement illuminé par la faible réverbération de l’éclairage public filtrant à travers les vitres opaques d’une petite lucarne située au-dessus de la porte d’entrée.

Jérém s’est arrêté en bas de l’escalier, le dos appuyé contre le mur, et il me regarde fixement. Sa respiration est rapide, je sens les relents de son haleine alcoolisée.

Le silence s’étire pendant de longues secondes. Jusqu’à ce que le bogoss ne se charge d’annoncer clairement la couleur.

— Suce-moi ! fait-il en dégrafant la ceinture et en ouvrant sa braguette, laissant apparaître son boxer blanc moulant son paquet, insoutenable invitation au plaisir.

— Ici ? je m’étonne.

— T’es venu pour ça, non ? Ici ou ailleurs, une pipe c’est une pipe !

— T’es sûr de ton coup ?

— Ecoutes, soit tu me suces là et maintenant, soit tu te casses !

Et là, je suis saisi par un furieuse envie d’être à genoux devant sa virilité conquérante, de l’avaler jusqu’à la garde, jusqu’à m’en étouffer, de le laisser me dominer avec ses coups de reins puissants et sauvages, de le laisser se défouler sans limites et sans retenue, jusqu’à avaler son jus brûlant. Ce n’est pas possible d’avoir envie de quelqu’un de la façon dont j’ai envie de ce mec !

Un instant plus tard, je suis à genoux devant lui. Vu l’heure tardive, je surmonte avec une relative facilité la crainte de nous faire gauler et je finis par trouver rapidement la situation plutôt excitante.

Et je commence à lui faire plaisir, doucement, lentement. Mais très vite ses mains saisissent ma tête, son bassin avance pour s’enfoncer de plus en plus profondément en moi, la puissance de sa virilité prendre possession de ma bouche, la remplit, l’envahit. Et j’en oublie la froideur humiliante de ses mots, de son regard, la cage d’escalier, mes inquiétudes.

— Tu aimes ça, hein, tu es vraiment une salope… je l’entends me glisser tout bas, t’as pas pu t’en empêcher, hein ? Tu ne peux pas te passer de ma queue, c’est ça ? T’es venu me trouver pour te faire remplir la bouche et le cul, hein ?

Je reconnais à l’éraillement de sa voix son état d’alcoolémie avancée.

Non, mon Jérém, je ne suis pas vraiment venu pour ça à la base. Il est vrai que je ne sais pas te dire non quand tu me commandes de te sucer. Mais moi, à la base, j’étais venu te parler de mon amour.

Mais pour l’instant ma bouche est indisponible pour la parole, on verra ça plus tard…

En attendant, je tente de communiquer avec toi avec le premier et le dernier de nos liens, le sexe.

Ses coups de reins se succèdent sans répit. Il fait chaud dans la petite entrée, je transpire, je me sens vite en apnée.

La situation commence à se faire inconfortable pour moi. Je me surprends à souhaiter qu’il ne tarde pas trop à venir. Mais au fil de mes va-et-vient, j’ai l’impression que son érection faiblit.

C’est peut-être pour tenter de remédier à cela qu’il se déchaîne aussi brutalement dans ma bouche.

Le bobrun doit chauffer aussi. Il remonte son t-shirt et le coince derrière la tête, dégageant ces putain de tablettes de chocolat qui me rendent dingue.

C’est beau à se damner. Et ça sent tellement bon ! Mon odorat est saisi par un parfum de propre, celui de la lessive de son t-shirt et de son boxer, ainsi que par une bonne petite odeur de douche déjà lointaine mais sans trop. Cet ensemble de bonnes petites odeurs de mec, désormais si familières, définit pour moi une empreinte olfactive que j’appellerais volontiers le « bouquet Jérém ». Et ce bouquet me rend absolument dingue dès lors que j’y suis confronté.

J’ai de plus en plus chaud. Alors, je m’emploie à abréger son chemin vers l’orgasme. Hélas, dès lors qu’on ressent la volonté d’abréger, cette volonté nous pousse à moins nous dévouer, et à obtenir par conséquent l’effet contraire de celui souhaité.

Ses mains saisissent mes épaules, me repoussent, je sens mon corps pivoter, j’ai l’impression d’être une poupée sans volonté dans ses mains. Je sais ce dont il a envie, j’en ai terriblement envie aussi.

Je me retrouve dos contre le mur, tête contre le mur. Ses coups de reins reprennent aussitôt, de plus en plus profonds, de plus en plus rapides, de plus en plus violents, comme s’il voulait m’étouffer avec sa queue. Je le repousse un peu pour reprendre mon souffle, il ne me laisse aucun répit.

Si je tiens bon, c’est parce que sa main s’est glissée dans le col de mon t-shirt pour aller titiller mon téton.  Et qu’importe s’il ne fait pas ça pour moi, s’il le fait juste parce qu’il sait que l’excitation que cela me procure me stimule à lui apporter un plaisir d’autant plus intense.

Le bobrun semble vraiment prendre son pied. Je lève les yeux et je le vois penché au-dessus de moi, les deux bras croisés appuyés au mur, le front appuyé à ses avant-bras. Je l’entends haleter comme un petit taureau excité.

Nos excitations se mélangent, nos transpirations aussi. Au fil de ses coups de reins des gouttes de transpiration tombent de son front et atterrissent sur mon nez, dans mon cou. Dans ce petit espace ça sent la transpiration de bogoss, la queue de bogoss, et l’orgasme de bogoss tout proche. L’ambiance est moite.

— Ah, tu aimes ça, hein, te faire défoncer la bouche… tu veux mon jus, hein ? Tu vas l’avoir et tu vas l’avaler comme une bonne chienne !

Bien sûr que je le veux…

— Je vais jouir, putain !

Le bobrun vient tout juste de m’annoncer la bonne nouvelle que j’attendais depuis un certain moment. C’est là qu’on entend des voix dans la rue, des voix qui approchent. Et là, mon Jérém s’arrache de ma bouche et remonte son boxer et son short à la vitesse de l’éclair.

Je viens de me remettre debout lorsque je réalise que les voix, une masculine et l’autre féminine, s’arrêtent devant la porte.

— Où est-ce que j’ai mis ma clef maintenant ? fait la féminine.

— Dans ton sac, je pense… va la trouver maintenant ! réagit la masculine, taquine.

Jérém, est clairement en panique. Il essaie de remballer son matos en vitesse. Mais l’alcool, la fumette, l’excitation et la panique le rendent maladroit, et il a du mal à tout caser dans ces enveloppes de tissu devenues soudainement trop petites. Il a du mal à boutonner son pantalon et à boucler sa ceinture.

— La voilà ! Tu n’es qu’une mauvaise langue, Quentin ! fait la fille, narquoise.

J’entends le bruit de la clef insérée dans la serrure. Jérém me bouscule, m’obligeant à m’éloigner un peu de lui.

La porte s’ouvre. Je regarde Jérém. Dans la précipitation, son t-shirt est resté à moitié coincé dans le pantalon, à moitié dehors. Sa ceinture est bouclée, mais le retour pendouille devant sa braguette. Son front est ruisselant de transpiration, son visage affolé. Au final, mon bobrun affiche un air débraillé qui le rend, certes, sexy en diable, mais qui semble raconter dans les moindres détails ce qui était en train de se passer un instant plus tôt.

La fille rentre en premier, le mec lui emboîte le pas.

— Ah… tiens… salut Jérémie, ça va ? fait la fille en lui claquant la bise.

— Très bien, et toi ? fait mon bobrun à bout de souffle.

— T’as couru le marathon ou quoi ? T’as l’air tout essoufflé !

Non, il vient de me baiser la bouche pendant de longues minutes. Et il allait jouir dans ma bouche si tu avais tardé encore quelques secondes !

— Je suis revenu très vite de… la brasserie… j’avais besoin de… de me mettre au lit… je suis KO… bafouille Jérém, tout en serrant la main du mec.

Ensuite, il détourne la conversation en se lançant dans les présentations. « Voici Nico, mon camarade de lycée, et voici Ludivine, la voisine du dessus, et son copain Quentin…

La fille me claque la bise, tout en me glissant :

— Je crois que nous nous sommes s’est déjà croisés une ou deux fois dans l’immeuble…

— C’est possible, on a révisé ensemble avant le bac… commente Jérém.

— Non, c’est plutôt à des heures plus tardives, quand je rentre de l’hôpital.

— Ludivine est aide-soignante, m’explique Jérém.

— Nico est venu parfois boire une bière à l’appart après une soirée en boîte, il explique à Ludivine.

— Il me semble que je t’ai croisé un dimanche matin, elle insiste.

Ah, si, elle a raison. Dimanche dernier, en quittant l’appart de la rue de la Colombette, je l’ai croisée dans les escaliers. Elle devait revenir de sa garde.

— Il me semble que c’était il n’y a pas si longtemps… elle persévère.

Mais qu’est-ce qu’elle cherche, celle-là à la fin ? Lâche-nous un peu les baskets, tu veux bien !

— Tu veux bien qu’on monte Ludi, on crève de chaud ici, fait Quentin, qui me devient soudainement très sympathique.

— Allez, bonne soirée les gars, amusez-vous bien, elle nous glisse en s’engageant enfin dans l’escalier.

On les regarde monter, on les écoute ouvrir la porte sur le palier du premier, rentrer et refermer derrière eux.

Sans un mot, Jérém s’engage lui aussi dans l’escalier, la démarche un brin titubante.

Sans instructions de sa part, je lui emboîte le pas, direction le palier du deuxième. Tout en imaginant que malgré ce qui vient de se produire, il doit avoir envie de terminer ce qu’il avait presque fini dans l’entrée.

Le bobrun est tellement rond qu’il a du mal à glisser la clé dans la serrure. Heureusement, quand il s’agit de fourrer sa queue dans ma bouche c’est une autre histoire.

Oui, l’amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés. A priori, cette nuit je ne suis destiné qu’à faire une pipe à un mec saoul dans un appartement au deuxième étage d’un immeuble en ville.

La porte s’ouvre sur un appart à moitié vide, avec du bazar partout et ces cartons jonchant le sol, ce qui me renvoie immédiatement au fait que c’est certainement la dernière fois que je fous les pieds dans cet appart.

Evidemment, Jérém ne trouve pas nécessaire de m’expliquer la raison de ce souk. Peut-être qu’il se dit tout simplement que ce ne sont pas mes oignons. Ou bien, il est tellement défoncé que ça lui passe à des kilomètres au-dessus de sa jolie petite tête.

A propos de sa jolie petite tête, je voudrais tant savoir ce qui s’y passe dedans.

Bien sûr, je suis content qu’il m’ait permis de monter. Cependant, je suis quand même saisi par une étrange sensation. Je le trouve froid, hostile, comme si ma présence le dérangeait.

En montant les escaliers, je m’étais dit qu’une fois la porte refermée derrière nous, au calme dans l’appart, il se décrisperait, se dessaperait et m’ordonnerait de le sucer, de le faire jouir sans plus attendre.

Mais une fois à l’appart, il ôte son t-shirt, allume une cigarette et s’allonge sur le lit. Je ne l’ai pas souvent vu fumer dans l’appart, sur le lit, cela semble confirmer le fait qu’il doit être vraiment bien défoncé. La fumée se répand vite dans le petit séjour, elle m’irrite le nez.

Le silence est pesant, son attitude bizarre. Je ne sais pas pourquoi il m’a fait monter, si c’est pour vivre ce malaise.

Ce malaise qui qui me rend impossible de lui parler comme je l’avais imaginé. Non, ce n’est pas cette nuit, alors qu’il est rond comme une bille, que je trouverai le courage de lui dire à quel point je l’aime.

Je le regarde fumer, allongé sur le lit. Son torse magnifique dépasse de son pantalon taille basse. Ce dernier a glissé un peu plus sur son bassin, révélant ainsi la naissance du pli de l’aine, ce détail de l’anatomie d’un garçon si furieusement sexy. Le regard perdu dans le vide, sa chaînette négligemment abandonnée entre ses pecs, son tatouage si sexy, son autre main coincée entre sa tête et l’oreiller, son aisselle finement poilue bien en vue. L’élastique de son boxer dépasse, la bosse de sa braguette aussi.

Le désir qu’il provoque en moi est si brûlant et si insoutenable que j’ai l’impression d’avoir de la lave incandescente qui coule dans mes veines.

En fait, je crois qu’il attend tout simplement que je lui défasse la braguette et que je le suce. Je me décide enfin à me glisser entre ses jambes et à aller à la rencontre de la bête.

— Vas-y, suce-moi ! il m’ordonne, tout en glissant sa cigarette entre ses lèvres et en défaisant sa ceinture et sa braguette en une fraction de seconde, à ma place.

Mon regard est désormais aimanté par ce boxer blanc dessinant avec une précision diabolique l’ampleur de sa virilité et de son envie qu’elle soit satisfaite sur le champ.

Tu prêches un convaincu, mon Jérém, évidemment que je vais te sucer, mon beau. Mais j’aime bien t’entendre me l’ordonner…

Je descends son boxer et je le prends dans ma bouche. Je le suce avidement, poussé par une seule envie, celle de sentir le jus de sa bogossitude se déverser à grands traits dans ma bouche.

Pourtant, en dépit de ma bonne volonté et de mon entrain, sa queue ne semble pas vouloir passer du statut de demi-molle à celui de très raide, statut dans lequel je l’avais laissée en bas des escaliers une poignée de minutes plus tôt.

— Vas-y, fais-moi jouir, putain ! je l’entends m’ordonner rageusement.
Je redouble d’entrain, d’inventivité, j’agace ses tétons, je caresse ses boules, je déchaîne ma langue partout là où je sais que ça l’excite.

Mais rien n’y fait. Malgré mes efforts, le bobrun finit par débander.

Je le sens frustré, de plus en plus énervé. Je ne veux pas le décevoir, je redoute sa réaction si je n’arrive pas à lui offrir son plaisir de mec.

Il finit par me repousser. Il se branle. La branlette, le plaisir qu’on se fait à soi-même, valeur refuge pour faire réagir un corps qui ne veut pas. Personne ne sait mieux nous offrir notre plaisir que nous-mêmes. C’est un plaisir moins exaltant, car il exclut la part que le désir et le contact de l’autre apporte à notre jouissance, mais un plaisir assuré. Ou presque.

Je dois admettre que c’est très excitant de le regarder faire sans pouvoir y toucher.

Sa respiration se fait de plus en plus bruyante, je sens qu’il fatigue. Pourtant, sous l’effet de sa main, sa queue semble reprendre de la vigueur.

Jérém se relève brusquement. Mais alors que j’apprête à le reprendre en bouche, ses mains me font me retourner, je me trouve à plat ventre sur le lit. Il veut s’enfoncer à moi. Mais là non plus ça ne se passe par comme il avait dû l’imaginer. Il essaie, n’y arrive pas, se retire, se branle, revient à la charge, mais rien n’y fait.

Après s’y être repris plusieurs de fois sans succès, il s’arrache de moi, se laisse retomber lourdement sur le lit, sans un mot. Pourtant, sa colère est palpable. Je le sens frustré et blessé dans son orgueil de mâle. Je voudrais trouver les bons mots pour l’apaiser, pour le rassurer. J’ai envie de lui dire que ce n’est pas grave, mais je sais très bien que ça l’est dans sa tête. Et je devine que le simple fait de prononcer cette « formule consacrée », au lieu d’apaiser, rend la chose encore plus réelle et difficile à assumer. Ça ne ferait que redoubler sa frustration et sa colère. Je devine que quoi que je dise, ça n’aurait d’autre effet que de le mettre encore plus en pétard et ça ne ferait que le pousser à me jeter méchamment.

Je pense à le serrer contre moi, à lui montrer que ça n’a aucune importance pour moi, que j’ai juste envie d’être avec lui. Mais avant que j’aie pu faire le moindre mouvement, le bobrun se lève d’un bond, passe un boxer, disparaît dans la terrasse, sans un mot, et s’allume une nouvelle cigarette.

J’imagine qu’il va falloir que je quitte les lieux rapidement. A quoi bon rester, alors que je sens que ma présence l’incommode ?

Pourtant, j’angoisse et je culpabilise à l’idée de le laisser. Je sens qu’il s’éloigne de plus en plus de moi. Ça avait commencé par cette nuit avec Thibault et moi qui ne s’était pas passée comme il l’avait prévu. Et maintenant, ce petit échec doit prendre des proportions inouïes dans son égo de mec. Dans les deux cas, pour chacune des claques qu’il a pris coup sur coup dans son égo, je suis l’une des causes.

Ça commence à faire beaucoup. Je crois que j’ai grillé toutes mes chances. Il n’y aura pas de rattrapage, il ne me laissera jamais l’occasion de rattraper le coup.

Et là, je le vois revenir vers la porte vitrée, s’arrêter sur le seuil, beau comme un Dieu.

— Tire-toi ! je l’entends me lancer, froidement.

— Jérém, s’il te plaît ! je tente de le raisonner.

— Dégage ! il finit par me balancer.

Voilà qui est lâché. Ce mot, ce ton que je considère le plus blessants de tous.

Terrassé par son « Dégage ! » je ne trouve plus la force de réagir, les mots me font défaut. Je perds tous mes moyens, je sens tous mes derniers espoirs partir en fumée.

Après son « Dégage ! », il n’y a plus rien à dire, plus rien à faire.

Alors, je dégage. Je quitte l’appart la mort dans le cœur, si sonné que je n’ai même pas la force de laisser couler les larmes qui se pressent au seuil de mes yeux.

Ce n’est que dans l’escalier que je les laisse monter comme une rivière en crue, embuer ma vue, ruisseler sur mon visage.

Quel gâchis de dire adieu à cet appart, ce lieu si magique pour moi, de cette façon, sur cette note horrible.

C’était l’appart de l’amour et des illusions, mais aussi de la frustration et des désillusions. Dans cet appart j’ai été heureux, mais aussi triste, très triste. Mais jamais encore comme cette nuit. Je crois que je n’ai encore jamais été si triste de ma vie.

J’ai le cœur lourd en passant dans la petite entrée où j’ai failli faire jouir Jérém. Je ressens un profond désespoir s’emparer de moi lorsque je remonte pour la dernière fois la rue de la Colombette.

Car, je le sais, je ne suis pas juste en train de quitter un lieu. Je suis aussi et surtout, en train de quitter le garçon que j’aime. Pour toujours.

Il n’y a pas de rivière trop large, quand on aime vraiment, dit la chanson. Et pourtant, elle l’est, parfois. Et, malgré tous nos efforts, nous n’arrivons pas à atteindre l’autre rive.

Commentaires

Yann

03/06/2017 20:18

Com du 03/06/2017 Bien d’accord avec Virginie ils nous ont vraiment beaucoup manqué. Depuis le début, même si ce sont des personnages de fiction ils sont entrés dans notre monde et on a envie de savoir ce qu’ils font comment ils vont…  Pas étonnant que Nico ait rêvé de cette nuit mémorable avec Jerem et Thibault. C’était si intense. Maintenant rien d’étonnant non plus qu’il se pose après coup des questions sur ce qu’ils ont fait. Ce n’est pas anodin pour leur relation entre eux trois ; comment Jerem et Thibault vont-ils  réagir ? Yann

Virginie-aux-accents

25/03/2017 23:25

Qu’est-ce qu’ils nous ont manqué ces deux (non trois)-là! Heureuse de retrouver les fantasmes déchaînés de Nico

Retrouve dans la galerie médias des coups de cœur pour des photos, des films et séries, des livres et bientôt de la musique.

Un film poignant. Avec un jeune acteur à la beauté bouleversante. Film complet sur Dailymotion en cliquant sur la photo.

Une histoire d’amitié authentique et poignante.

Deux acteurs incandescents.

La découverte de l’amour, du premier amour, le plus fort de tous.

Un autre film qui m’a beaucoup ému

Tu peux aider Fabien à écrire ses histoires !

Deux méthodes possibles :

OU

Merci FanB pour tes corrections et ton aide précieuse.

Merci Yann pour les graphismes du site et ton soutien.

Merci aux mécènes de tout temps, et en particulier à Cyril et Virginie, dont le soutien perdure depuis 2016.

Merci à vous tous pour votre fidélité et vos commentaires.

L’histoire de Jérém&Nico rentre dans sa phase finale.

Jérém&Nico est une belle aventure qui aura duré près de 10 ans et qui n’aurait pas été possible sans vous tous.

Et pour cela, un grand

Fabien

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