Lundi 16 juillet 2001.
Le lundi après la finale du tournoi de rugby, je me réveille dans le même état dans lequel je me suis endormi la veille : avec un désagréable mélange de frustration, de déception et d’angoisse.
Il est 7 heures, la maison s’anime. Des bruits de vie viennent à moi depuis la salle de bain à l’étage et depuis la cuisine au rez-de-chaussée.
J’ouvre le rideau et je constate que la météo, grise, pluvieuse, triste, semble se mettre aux couleurs de mon état d’esprit du jour. Quand je suis triste, je n’ai pas envie d’une belle journée, car une belle journée appelle à être heureux. Alors, lorsque je ne le suis pas, je préfère la grisaille.
Conforté dans mon envie de rien faire par ce temps qui m’autorise à ne rien faire, ni aller courir sur le canal, ni aller à la piscine, ni grand-chose d’autre, voilà, je me remets au lit. Je vais faire la grasse mat, en attendant peut-être de trouver le courage d’affronter une nouvelle journée, une nouvelle semaine, et l’été devant moi, sans mon Jérém.
Car là, c’est bon, je pense. Ce qui s’est passé dans les vestiaires du terrain de rugby hier après-midi, c’était la der des ders, c’était une baise d’adieu. Au moment de nous quitter, lorsque je lui ai demandé quand est-ce que je le reverrai, je me suis entendu répondre froidement qu’il n’allait plus trop avoir de temps pour moi car il avait envie de profiter de ses potes avant son départ à la rentrée. Oui, après m’avoir sauté, le bogoss m’avait lâché cette bombe, qu’il comptait partir à la rentrée, partir loin de Toulouse. Et il avait lâché ça sur un ton complètement désinvolte et détaché, comme si ça ne lui faisait ni chaud et ni froid, et comme si ça devait m’être égal à moi aussi., Tu te feras sauter par un autre .
Son mépris m’a blessé. Parce c’est de cette façon qu’il me voit. Comme un mec qui se ferait sauter par n’importe quel mec, et non pas comme un garçon qui n’a envie que de coucher avec lui, coucher et bin plus encore.
Après des mots pareils, si définitifs, sans appel, si humiliants, quoi espérer encore ? J’ai l’impression de me retrouver désormais face à la désolation d’un avenir sans Jérém.
Je savais que ça se finirait un jour, qu’il partirait pour construire sa vie, un avenir professionnel. Mais je ne pensais pas que notre séparation arriverait si tôt, bien avant son départ, je me disais que j’avais tout l’été devant moi pour me préparer à l’inévitable. Je ne sais pas si j’y aurais été préparé un jour. Mais là, c’est trop brutal, et ça fait vraiment trop mal.
Le lundi passe dans une morosité que rien n’a le pouvoir de secouer. Je me balade en ville sans but, juste pour faire passer le temps et pour ne pas rester seul dans ma chambre. J’ai très envie de chialer, mais je ne veux pas. J’aurai bien trop le temps ce soir pour cela. En attendant, je n’ai envie de rien, je me sens comme vidé. Je n’ai même pas envie d’écouter de la musique, pourtant amie indéfectible depuis toujours. J’ai l’impression que toute chanson me rappelle des souvenirs avec Jérém, et que chaque souvenir est douloureux, car il appartient désormais au passé. Je n’ai même pas envie d’écouter le double cd du concert de Madonna à Milan trouvé dans la boutique à Jean Jaurès, c’est pour dire à quel point j’ai le moral dans les chaussettes.
Je passe toute la journée à chercher un prétexte pour approcher mon bobrun, en vain. Aller le voir à la brasserie, il me pulvériserait d’un simple regard. Lui envoyer un SMS, pour lui dire quoi ? De toute façon, il serait capable de m’ignorer.
D’une chose j’ai quand même envie, d’acheter la Dépêche du Midi et de la feuilleter pour chercher un article probable au sujet de la victoire de l’équipe de Jérém face à Colomiers. Je parcours fébrilement les pages Toulouse, et voilà l’article, en haut de page, sur quatre colonnes et avec deux photos quand même (je vais y revenir). Dans l’article, un résumé technique du match, soulignant l’exploit final de Jérém faisant basculer le résultat final.
Coincée entre deux colonnes, la photo noir et blanc de l’équipe gagnante. Sur cette photo, on voit mieux Thibault que Jérém, mais mon Jérém a droit à une petite photo à part, juste le visage et le col du maillot. Et même en noir et blanc, avec l’impression approximative d’un papier de quotidien, mon bobrun est grave sexy.
La légende de la photo récite : « J. Tommasi, ailier de l’équipe, auteur de la transformation qui a fait basculer le match ».
Pourtant, lorsque je regarde cette photo, c’est une autre légende qui s’affiche dans ma tête : « J. Tommasi, bogoss et charmeur impénitent, auteur du chamboulement qui a fait basculer mon cœur ».
S’il savait, le journaliste, à quel point ses efforts physiques ne se sont pas arrêtés à l’action sur le terrain, s’il savait à quel point la quatrième mi-temps dans les vestiaires a été fabuleuse, au moins autant que les deux premières sur le terrain, s’ils savaient les supporters qui apprécient ses exploits, si elles savaient, les nanas qui scandaient son prénom autour du terrain pendant le match, à quel point ce bogoss prend son pied en s’envoyant en l’air avec un petit pédé prénommé Nico !
Voilà le genre de vérité sous la surface des choses, faisant de ceux qui la connaissent des êtres un peu à part, détenteurs et dépositaires d’une info digne du secret défense, une info qui pourrait faire des ravages si elle devait être révélée au grand jour.
Je découpe soigneusement l’article et je le range dans le lieu le plus sacré qui soit à mes yeux, une vieille boite à chaussures en carton qui réunit les quelques objets qui me sont les plus chers. Ma première montre Casio à la forme si caractéristique, ma première calculette, des coquillages cueillis sur la plage de Gruissan, des cartes postales, quelques photos d’enfance, des petites figurines des Chevaliers du Zodiaque, ainsi qu’un certain nombre de photos des bogoss, acteurs et autres boys-band qui me faisaient bander, ado, et que je matais les soirs, seul dans ma chambre. Et, désormais, la toute première photo de Jérém en ma possession, découpée dans pages de la Dépêche.
Mais avant de la ranger, d’une autre chose j’ai envie, de me branler en matant cette photo, de me branler en passant le t-shirt que je lui ai piqué la dernière fois que j’ai passé la nuit chez lui, en reniflant le boxer que je lui ai subtilisé par la même occasion, j’ai envie de me branler en retrouvant sa présence olfactive, la seule chose qui me reste de lui, tant que le coton la conservera.
En me branlant, je ressens une envie déchirante de le revoir. Pendant la montée du plaisir, je me sens un peu soulagé, j’arrive à oublier un peu mon angoisse. Mais dès la jouissance passée, je retrouve ma solitude et mon désespoir.
En fin de journée, je repense à Stéphane, ce garçon qui a quand même compté dans ma courte mais intense vie sentimentale et dont je n’ai pas de nouvelles. Je lui envoie un message pour lui demander de ses nouvelles, et de Gabin. Ce soir, j’ai vraiment besoin de sentir que sa promesse de rester en contact n’était pas juste une promesse en l’air. Mais avant tout, ce soir j’ai besoin de parler à quelqu’un.
J’aurais pu contacter Elodie. Mais pour l’instant je ne me sens pas le courage de répondre à son inévitable interrogatoire, de lui raconter comment je me suis encore fait jeter après m’être fait baiser. Pour l’instant, affronter ma cousine c’est au-dessus de mes forces.
Il faut admettre qu’il n’y pas de meilleure branlette que celle du soir, dans son lit, avant de s’endormir, lorsque plus rien ne presse et que la nuit semble charger le lendemain de si belles promesses.
Je me branle tout doucement, retardant sans cesse mon orgasme. Plus ça va, plus je réalise que dans le sexe, l’essentiel du plaisir se trouve dans la longueur, dans l’attente à la limite de la frustration.
Très vite, l’excitation ouvre la boîte à fantasmes, ma tête se remplit d’images érotiques toutes les unes plus chaudes que les autres, mélangeant et mettant en scène situations et personnages, imaginant des plans croisés entre mecs appartenant à des univers différents, des mecs du lycée, des visages et des corps croisés dans la rue, avec des mecs connus, chanteurs, acteurs, sportifs.
Suivant mes impressions et mes envies, j’attribue à certains un rôle de passif et de soumis, à d’autres un rôle actif et dominant. Ainsi, dans ma tête, j’imagine ce type bien macho que je croise tous les jours dans les couloirs du lycée en train de couiner sous les coups de reins d’un pote qui lui mettrait une bonne raclée sexuelle. A contrario, j’imagine des petits mecs à l’air choupinous, se faire sucer et dévergonder, ma fantaisie étant la seule limite des combinaisons sexuelles possibles entre garçons, des occasions et des scènes qui n’existent que dans ma tête.
Bien sûr, mon bobrun s’invite régulièrement dans mes fantasmes de branlette, je revis nos ébats, chose qui m’est d’autant plus aisée lorsque le souvenir de ces ébats est encore bien vif dans ma chair.
Et lorsque l’orgasme vient, je jouis très fort avec cette image brûlante dans ma tête.
L’apaisement qui s’en suit laisse rapidement la place au sommeil, un sommeil qui vient clore cette journée de grisaille. Un sommeil qui sera peuplé de rêves où se mélangeront fantasmes et fantômes, des rêves dans lesquels mon Jérém sera omniprésent.
La météo et mon moral du mardi ressemblent en tout et pour tout à ceux du lundi, moroses, gris et apathiques. A un détail près, quand même. Car une idée me vient à l’esprit en me levant. J’ai l’intuition que, dans l’incertitude où ma vie a été plongée depuis 48 heures, un joker de type, Coup de fil à un ami pourrait m’être plutôt bénéfique.
Un sms au beau pompier est donc envoyé.
— Salut, comment ça va depuis dimanche ? Remis de la 3è mi-temps ?
Oui, j’ai envie de voir le beau mécano, j’ai envie de chercher du réconfort auprès du meilleur pote de Jérém. Car les proches de la personne aimée portent un peu de la personne aimée en eux. Avec eux, on peut parler d’elle autant qu’on en a envie, et on finit souvent pour en apprendre un peu plus à son sujet.
C’est la première fois que je lui envoie un sms et je ne sais pas quel est son comportement face à ce genre de communication. Je ne pense pas que le charmant Thibault soit du genre à passer son temps à mater l’écran d’un portable, Thibault est un mec dans le présent, dans l’action, dans le réel, dans le contact humain.
En lui envoyant un sms en fin d’après-midi, j’espère cependant qu’il répondra rapidement.
Hélas, sa réponse se fait attendre. A minuit, toujours rien de sa part. Ni, d’ailleurs, de la part de Stéphane. Je me dis que ça ne fait que quelques jours qu’il a emménagé et qu’il doit avoir d’autres chats à fouetter. Rien non plus de la part de ma cousine adorée, à laquelle j’ai enfin trouvé le courage de proposer un tête-à-tête-confession, à part un court message pour m’expliquer à quel point elle est accaparée par son taf, ainsi que par son rencard du soir.
Mercredi 18 juillet 2001.
Mercredi, toujours de la flotte et du vent froid, toujours aucune nouvelle de Thibault, ni de Stéphane.
Jeudi 19 juillet 2001.
Jeudi, nouvelle journée de pluie et de vent froid, mais où est-il passé l’été ?
Le silence de Thibault ne me dit rien qui vaille. Le bomécano n’est peut-être en effet pas du genre à consulter ses sms toutes les 5 minutes, mais il est un garçon qui, je pense, ne, négligerait pas sans raison de répondre à un message d’un, presque pote.
Pendant toute la journée, je sens monter en moi une irrépressible envie d’aller le voir à la sortie de son taf et de lui proposer d’aller prendre un verre. Après tout, ça a toujours été sympa de prendre un verre avec le beau mécano, il s’est toujours montré super gentil, et content de me voir.
C’est une décision qui me parait à la fois la bonne mais aussi un peu, risquée. Tout dépend évidemment de ce qui se cache derrière le silence du bomécano. De toute façon, j’ai besoin d’en avoir le cœur net.
Me voilà en train de rôder à proximité de la Gare Matabiau en attendant 18 heures, l’heure où le beau mécano débauche. Je ne veux pas le rater, mais je ne peux pas non plus faire les 100 pas devant le garage, équation délicate.
18h15, le voilà le bomécano, habillé d’un pull à capuche violet clair, un peu ample, la capuche remontant autour de son cou puissant et retombant derrière ses épaules. Il est juste à tomber. J’adore les pulls à capuche, ces pulls capables de mettre en valeur des sexytudes différentes, aussi bien d’un bad boy, d’un mec de banlieue, ou d’un mec comme Thibault, un mec adorable, bien dans ses baskets.
Il porte également un short bleu assez ajusté, mais pas trop, à ses fesses musclées, un short laissant apprécier ses mollets puissants et recouverts d’une bonne pilosité, des mollets de rugbyman.
Thibault est le genre de garçon à la fois sexy et touchant, à la fois très doux et très masculin. Il est juste indiciblement beau, il est tout simplement craquant.
Le bogoss m’a capté et s’est arrêté. Je traverse la rue pour aller à sa rencontre. Sa poigné de main est toujours aussi puissante et chaude, sa présence, toujours aussi troublante. En m’approchant de lui pour lui faire la bise, je réalise que ses yeux verts marrons changent de nuance suivant la lumière. Plutôt marrons à certains moments, bien verts à d’autres. En cette fin de journée nuageuse, ils auraient plutôt tendance à tirer sur un vert un peu éteint, mais profondément charmant.
Thibault a l’air fatigué, son beau sourire semble même un peu forcé. J’ai même l’impression que sa surprise de me voir s’accompagne d’un certain malaise. J’en viens très vite à me demander s’il se doute de quelque chose quant aux raisons du retard de Jérém dimanche soir au barbec chez l’entraineur.
— Ça va ? je lui demande.
— Oui, ça va, ça va, je l’entends me répondre. J’ai de suite l’impression que son attitude et le ton de sa voix ne sont pas ceux auxquels je suis habitué.
— Sale semaine ? j’enchaîne, comme pour trouver une explication à ce comportement que je trouve bizarre.
— Ouais, assez, oui, les garages commencent à fermer pour les congés, il y a du taf en pagaille, fait-il de façon évasive.
— Tu es en congés quand ? je relance pour essayer de le renvoyer à des choses agréables.
— J’ai trois semaines fin août, début septembre…
— Cool, je commente, tout en réorientant aussitôt la conversation.
- Je t’ai envoyé un sms l’autre jour, tu l’as eu ?
— Ah, oui, désolé, je n’ai pas répondu, j’ai pas trop l’habitude des messages.
Quelle belle époque, 2001, l’époque bénie où l’on pouvait encore entendre ce genre de phrase de la bouche d’un bomec de 19 ans.
— C’est pas grave, je relativise. Sinon, tu t’es remis du match ?
— Oui, ça va, fait-il, sans s’épancher davantage. J’ai de plus en plus l’impression qu’il n’a pas vraiment envie de taper la discute. Et qu’il est mal à l’aise. Est-ce qu’il s’est passé quelque chose dimanche soir après la quatrième mi-temps du match ?
— Vous avez fait la fête tard dimanche soir ? je tente d’en savoir un peu plus.
— Oui, assez tard… fait-il, toujours aussi minimaliste.
— Jérém, ça allait ?
— Il était super heureux d’avoir remporté le tournoi, il lâche sans que son regard s’illumine comme d’habitude en parlant de son pote. D’ailleurs, son regard semble résolument fuyant.
- Ça a dû être sympa le barbec, je commente, pendant que, à ma grande surprise, le beau pompier sort un paquet de clopes de sa poche, en pose une entre ses lèvres, et l’allume.
— Tu fumes, toi aussi ? je ne peux m’empêcher de lui demander, en dépit du fat que je trouve furieusement sexy sa façon de tenir la cigarette entre ses doigts, entre ses lèvres, de tirer dessus et d’expirer la fumée.
- Oui, enfin, non, parfois, j’ai repris il n’y a pas longtemps, fait-il, visiblement gêné par ma remarque.
— Et après le barbec vous êtes sortis ? je reprends alors mon projet de conversation initial.
— Oui, enfin, mais pas tous, on était nazes. Il lâche ces quelques mots sans me regarder dans les yeux, chose qui est plutôt une première chez lui, m’ayant habitué à la chaleur de son regard intense, franc et bienveillant.
- Nico, il va falloir que j’y aille, je l’entends couper court.
Celle-là, je ne l’ai pas vue venir. Moi, qui espérais pouvoir prendre un verre avec lui, discuter un peu de cette fameuse soirée chez l’entraîneur, retrouver notre complicité, je suis une nouvelle fois surpris et déçu. Et désormais un brin inquiet. Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui fait que le beau mécano est aussi différent que d’habitude ? Qu’est-ce qu’il ne me dit pas ?
— Dommage, je fais, j’aurais bien pris un apéro comme la dernière fois…
— Pas ce soir, Nico, on remet ça à un de ces quatre, ok ? fait le bomécano, en alignant ses mots sans conviction et en joignant un nouveau sourire encore plus forcé que le premier.
— D’accord, je capitule, en voyant le mec bien déterminé à s’extirper de ma présence.
— Je file, il lâche sans autre forme d’explication, sans même prendre le temps de me refaire la bise.
En le regardant avancer sur le trottoir d’un pas soutenu jusqu’à disparaître au détour d’une rue, j’ai l’impression qu’il me fuit.
J’avais voulu passer un moment avec Thibault pour me sentir réconforté par ses mots, par sa chaleur humaine, par sa voix et son attitude, d’habitude si apaisantes. Je n’ai rien eu de cela. Au contraire, d’autres inquiétudes s’agitent désormais dans ma tête. Car je me dis qu’n tel changement d’attitude chez un mec aussi droit et attentionné que Thibault, ce n’est vraiment pas normal.
Mais bon sang, qu’est-ce qui se passe ? Oui, qu’est-ce qui s’est passé depuis dimanche dernier ? Sur la pelouse, après la victoire, il avait été adorable avec moi, il m’avait encouragé à aller féliciter Jérém pour ses exploits, il m’avait trainé à la buvette pour me rapprocher de mon bobrun, il m’avait lancé un clin d’œil adorable en partant au barbec, j’avais l’impression qu’on avait vraiment une bonne complicité tous les deux.
Et là, quelques jours plus tard, je le trouve distant, fuyant, comme s’il y avait un malaise entre nous. Est-ce à cause de ce malaise qu’il n’a pas répondu à mon sms ? Est-ce qu’il m’évitait sciemment ? Qu’est-ce qui se passe dans la tête du Thibault ? Est-ce que Jérém a quelque chose à voir dans ce changement d’attitude ?
Je repense à ses reproches la dernière fois où j’ai débarqué rue de la Colombette, comme quoi Thibault lui avait fait des réflexions sur notre relation. Une fois de plus, qu’est-ce que Thibault avait bien pu lui dire ? Est-ce que le sujet est revenu sur le tapis entre eux par la suite, après le match de dimanche dernier ? Ça expliquerait peut-être pourquoi Thibault m’a semblé gêné à l’idée de parler de cette soirée.
Me voilà dans un beau pétrin, avançant à l’aveugle entre un Jérém qui ne veut plus me voir et un Thibaut qui m’évite. J’espère juste qu’ils ne se sont pas disputés, et surtout pas à cause de moi, ce serait la pire des catastrophes.
Dans ces conditions, si la première moitié de la semaine avait été grise et morose, la deuxième partie s’annonce encore plus difficile. Je ne suis pas bien.
Le samedi, je refuse l’invitation d’Elodie pour une soirée d’anniversaire chez une copine à elle. Je n’ai pas envie de faire la fête, et encore moins de lui tenir la chandelle, son rancard de mardi soir a eu une suite le jeudi et ce samedi. Son crush est également invité à cette soirée. Je suis content qu’elle ait rencontré quelqu’un, mais je sais que lors de cette soirée ma cousine sera accaparée par son nouveau mec, et que je ne pourrai pas profiter d’elle comme d’habitude, comme j’en aurais besoin. Alors, plutôt que de me retrouver seul dans une soirée où il y a plein de monde, je préfère rester seul chez moi.
Je passe mon samedi soir à lire, et je finis par me coucher tard quand-même. En me mettant au lit, je me laisse aller à imaginer ce que mon beau brun doit être en train de faire à cet instant. J’imagine des nanas qui lui tournent autour, je l’imagine en draguer une et la laisser lui offrir du plaisir, je l’imagine en train de se faire sucer, en train de baiser, en train de jouir. Loin de moi, sans même penser à moi, celui qui n’a été pour lui qu’un vide couilles de passage, un parmi tant d’autres possibles, pas le premier, et certainement pas le dernier, et probablement pas le plus marquant ou le plus spécial.
Ma frustration et ma tristesse se mélangent à une intense excitation pendant que je me branle, écartelé entre l’envie de jouir et celle de pleurer.
Et là, soudain, un bruit bien connu fait irruption dans ma conscience engourdie. Mon portable vient de couiner. Un petit son retentissant dans le silence de la nuit, retentissant dans mon esprit comme l’explosion d’une bombe.
Réflexe pavlovien, je lâche ma queue pourtant sur le point de jouir et je me précipite pour regarder de quoi il s’agit, un espoir insensé s’emparant de moi et provoquant une intense décharge d’adrénaline.
Et là, l’écran affiche une phrase magique :
« Appel manqué de Jérém ».
Voilà autre chose ! Jérém qui m’appelle à cette heure-ci, mais qu’est-ce qu’il me veut ? Pourquoi laisser juste sonner deux fois ? Une erreur ? Je ne tarde pas à avoir la réponse, une poignée de secondes plus tard, l’icône d’une enveloppe apparaît en haut de mon écran, un sms vient d’arriver.
Le souvenir d’SMS m’entraînant rue de la Colombette au milieu de la nuit fait s’emballer mon cœur au quart de tour.
« chez moi maintenant depech . ».
Ça sent le message d’un mec fatigué et bourré de retour de soirée qui a envie de se faire sucer la queue. Il semblerait que mon bobrun a envie de se vider les couilles et qu’une fois encore il m’appelle à la rescousse au beau milieu de la nuit. Soit il n’a pas trouvé de cul à baiser à son goût, soit il en a baisé mais il a envie de recommencer, soit il ne peut se passer de moi.
Quoi qu’il en soit comment ne serait-ce qu’envisager de refuser une telle proposition ? Comment ne pas être emballé à l’idée de retrouver un amant comme Jérém, à son invitation expresse, alors que dimanche dernier il m’a dit qu’il ne voulait plus me voir ?
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