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JN01085 Si loin et si près de toi

Après le train, c’est le métro qui prend le relais pour nous amener à Earls Court. Nous sortons de la gare avec un plan à la main, en essayant de trouver le chemin de l’hôtel. Ma cousine et moi sommes tout aussi mauvais l’un que l’autre dans la lecture d’un plan. Aussi, nous avons un sens de l’orientation sensiblement identique, c’est-à-dire sensiblement mauvais.

Nous voyant perdus, une dame s’approche. « May I help you ? » Ils sont si gentils ces anglais. Nous lui montrons notre adresse sur le plan, elle nous explique, nous ne comprenons rien. Nous acquiesçons, nous remercions, nous continuons dans la direction indiquée par la dame, sans savoir où et quand il faudra tourner.

Nous continuons à marcher un long moment, tantôt tout droit, en tournant tantôt à droite, tantôt à gauche. Nous finissons par nous poser sur un banc à un croisement, perdus, affamés, épuisés. Par un coup de chance, nous arrivons à situer l’une des rues de l’intersection sur notre plan.

C’est là que nous réalisons enfin l’ampleur de notre détour. L’hôtel n’est qu’à cinq minutes de là où nous nous trouvons. Tout comme il l’était de la sortie du métro, tout à l’heure.

Il est déjà 16h00. Nous prenons possession de notre chambre, nous posons nos bagages et nous allons manger un bout.

Une fois rassasiés, la priorité c’est repérer la salle d’Earls Court. Même si le concert n’est que dans deux jours, nous avons besoin de savoir que… nous ne nous sommes pas trompés de ville !

Devant la façade massive de l’aréna, je n’arrive pas encore à réaliser que dans 48 heures je me presserai devant l’entrée pour aller voir Madonna. Je pense à mon billet resté dans mon sac de voyage à l’hôtel. Pourvu que personne ne me le pique.

En attendant l’heure du dîner, nous optons pour une petite excursion à bord d’un bus rouge à toit ouvert. Histoire de voir défiler, comme dans un menu déroulant, les sites que nous visiterons de plus près pendant les deux jours à venir.

« Regarde, cousin ! » fait Elodie en m’indiquant une affiche avec la photo de la jaquette de l’album Music. Sur l’affiche il est stipulé que le soir même, au « Fire », boîte de nuit dont l’enseigne éteinte trône juste au-dessus, il y aura une soirée Madonna.

C’est décidé, nous serons de la partie. Nous repérons la rue sur le plan, ce même plan que nous ne savons toujours pas lire. Ça promet !

Encore incrédules du fait d’être à Londres, et pour mieux nous convaincre que nous ne nous sommes pas trompés de destination, pour le repas du soir nous testons le « fish and chips ». Nous continuons notre soirée en faisant la tournée des pubs. Il y en a des dizaines, et ils ont l’air tous plus sympa les uns que les autres.

Nous débarquons au « Fire » à minuit pétante. La soirée a déjà commencé. Pendant que nous réglons notre entrée, le rythme et les basses étouffés mais puissants d’ « Express Yourself » joué dans la salle principale résonnent dans mes oreilles et se propagent dans mes membres. J’ai envie de danser comme jamais, de danser toute la nuit. J’ai envie de danser sur des tubes de Madonna, avec ma cousine, en territoire inconnu, sans la peur de me taper la honte devant des camarades ou, pire, devant Jérém. J’ai envie de me lâcher à fond, de me laisser submerger par le rythme. J’ai envie de rentrer dans le « bain », comme un avant-goût de ce que je vais vivre à l’Earls Court dans moins de 48 heures.

La boîte s’articule sur trois niveaux ouverts sur un grand espace central. La piste de danse en bas est grande. Et pourtant, elle est déjà bondée. Sur les deux niveaux supérieurs, on devine des fauteuils, un bar.

Happés par le rythme de l’immense « Music » qui vient d’éclater dans la sono, nous nous sentons, autant ma cousine que moi, irrésistiblement attirés par le dancefloor. Les tubes bien connus s’enchaînent, et nous nous éclatons. Ça fait du bien de se dépenser et de rigoler !

Bien que le « Fire » soit une boîte qui affiche clairement les couleurs de l’arc-en-ciel, nous y retrouvons presque autant de nanas que de garçons.

Ce n’est que la deuxième fois de ma vie que je mets les pieds dans une boïte gay, la première après l’exploit de Jérém au On Off. Et c’est la première fois que j’y vais en « célibataire ». Accompagné par ma cousine, certes, mais pas avec le garçon que j’aime. Et c’est la première fois que je remarque si nettement que des regards se posent sur moi.

Evidemment, à l’On Off j’étais trop occupé à recenser les regards qui se posaient sur mon beau brun, pour remarquer ceux qui auraient pu se poser sur moi. Mais là, délesté de l’occupation de surveiller mon beau brun, et l’absence de la bogossitude de ce dernier me laissant l’occasion d’être remarqué, je me rends compte que je peux attirer l’attention. D’autant plus que je suis une tête inconnue, et que je représente de ce fait l’attrait de la nouveauté.

« T’as une touche, mon cousin, fait Elodie en m’indiquant discrètement un petit mec aux cheveux châtains et pas dépourvu de charme, dansant tout seul à trois-quatre mètres de nous.

 — Il est charmant, oui, j’admets alors que nos échanges de regards se font de plus en plus marqués.

 — T’as pas envie d’aller lui dire bonjour ? elle me titille.

 — Mais ça va pas ?

 — Regarde-le comme il est mimi ! Et en plus, il n’attend que ça…

 — Ce soir j’ai juste envie de danser, de danser avec toi ! »

Oui, ce soir j’ai juste envie de me péter les tympans avec des rythmes familiers envoyés à mes oreilles avec une quantité de décibels complètement déraisonnable. Ce soir, j’ai besoin de me vider la tête. Jérém me manque terriblement, et la distance physique ajoute une angoisse nouvelle à la peur de ne plus jamais le revoir, de le perdre pour de bon. Quand je pense que la dernière chose que nous avons partagé est l’amour au petit matin, et des câlins. Comment m’expliquer ce qui s’est passé dimanche dernier au match ? Comment m’expliquer son silence ?

« Ça ne te dit pas de tester l’autochtone ? Un échange de langue… non ? elle plaisante.

 — Je n’ai pas la tête à ça, je lui balance.

 — Justement. Ça te remettrait peut-être un peu les idées en place. Et ça t’aiderait à prendre du recul sur tout ce qui te prend la tête. Je suis même prête à te laisser la chambre toute la nuit s’il le faut !

 — Non, vraiment pas ! »

Je repense à ses baisers, à la caresse de sa chaînette sur ma peau, à la douceur virile de ses coups de reins lorsqu’il m’a fait l’amour au petit matin. J’ai envie de Jérém, de lui et de personne d’autre.

Alors, tout ce dont j’ai besoin cette nuit, c’est de m’étourdir de cette musique, de cette voix, de sentir mon corps bouger. J’ai besoin de la musique de Madonna, j’ai besoin de ma cousine.

Deux heures, trois heures, quatre heures du mat, les tubes s’enchaînent, et la piste est toujours à nous. Il est plus de cinq heures lorsque nous nous décidons à quitter les lieux pour cause de… fermeture.

J’en sors les tympans explosés, les jambes en compote, mais l’esprit complètement vidé, léger, heureux. Je tombe de sommeil mais je me sens bien.

Sur la route de l’hôtel, nous prenons un mauvais café et une bonne pâtisserie dans une boulangerie qui ne ferme jamais.

Mercredi 11 juillet 2001

Visiter Londres sur deux jours, c’est mission impossible. Nous savons pertinemment que nous n’aurons pas le temps de tout faire, de tout voir. Alors nous nous cantonnons aux incontournables.

Une traversée d’Hyde Park, un petit détour par Buckingham Palace. Vu la file de touristes qui se pressent à l’entrée, ce n’est même pas la peine d’y penser. Westminster Abbey aussi c’est mission impossible.

En marchant de site en site, j’ai comme l’impression de jouer au Monopoly. Nous lançons les dés et quelques cases plus loin, les pions que nous sommes se retrouvent face à Big Ben, puis à « Telle Rue » ou à « Tel Monument ».

A seize heures, le manque de sommeil et la faim nous rattrapent. Nous nous arrêtons pour nous acheter un sandwich et reprendre le soufflé. Une demi-heure plus tard, un peu revigoré, je me sens prêt pour un deuxième round. Car il reste tellement d’endroits intéressants à voir !

Et si ma cousine est du même avis que moi, notre conception « d’endroits intéressants » diffère légèrement. Ainsi, alors que je consulte le plan pour optimiser nos déplacements afin de croiser le maximum de sites historiques et artistiques, dans sa tête à elle deux simples mots s’affichent en lettres clignotantes : Covent + Garden.

Oui, la journée avait bien commencé, et elle s’était plutôt bien poursuivie. Du moins jusqu’à ce qu’en milieu d’après-midi, la cousine ne prenne les dés de notre Monopoly londonien et laisse libre cours à ses pulsions de meuf dans une grande ville inexplorée.

Passe encore la visite de la place des artistes de rue. Mais remonter l’artère principale du quartier en s’arrêtant à chaque boutique de fringues, comme si on était dans la rue Alsace-Lorraine à Toulouse, ça c’est juste pas possible !

Et pourtant, cette interminable errance n’a pas que du mauvais.

Bien en vue dans la vitrine d’un magasin de vêtements de sport, un maillot de rugby blanc et rouge attire mon attention. Sur le devant, à hauteur de l’épaule droite, le nom du sponsor, une banque anglaise, s’affiche en grand. Un peu plus haut, en correspondance de l’épaule gauche, le dessin d’une aile, avec l’intitulé « Newcastle Falcons ».

Le maillot porte le numéro 10, accompagné du nom d’un joueur que je connais de nom pour l’avoir entendu mentionner un jour dans une conversation captée par hasard entre Jérém et le prof de sport. Une conversation au fil de laquelle, j’avais cru comprendre que mon beau brun vouait une réelle admiration pour ce jeune joueur, étoile montante du rugby anglais.

Soudain, une folle idée traverse mon esprit.

Cinq minutes plus tard, je repars avec un gros sac en plastique avec au fond un petit cadeau pour mon beau brun. J’espère qu’il va aimer. J’espère qu’il ne va pas mal le prendre. J’espère que je vais oser le lui offrir. J’espère surtout que je vais avoir l’occasion de le lui offrir !

Mon parcours de l’après-midi prévoyait de passer par les cases « Tour de Londres » et « Tower Bridge ». Hélas, le « Covent Garden Tour », avec ses interminables « sur place » devant une vitrine ou dans un magasin, ne laisse guère le temps de visiter autre chose. Ce pas de crabe incessant me fatigue bien plus qu’une longue marche au pas soutenu.

A 18h30, je suis HS, Elodie aussi. Nous rentrons à l’hôtel nous reposer un peu. Nous ressortons en début de soirée, bien motivés par une nouvelle tournée des pubs londoniens.

Nous enchaînons les apéros dans deux endroits différents, avant de rentrer dans un troisième établissement, plus grand que les précédents, plus animé, pour y manger un bout.

Lorsque nous passons la porte d’entrée, les premières notes de « Don’t cry » résonnent sous le plafond en bois. Dans un coin de la salle, quatre gros rockeurs barbus envoient du lourd.

« Cool ! Du Gun’s and Roses » s’exclame ma cousine, excitée.

Nous nous posons au bout de l’une des quatre grandes tables qui occupent l’essentiel de la salle, à côté d’inconnus côtoyant d’autres inconnus et dont le seul point les réunissant semble se situer dans un degré l’alcoolémie que je définirais comme homogène, certain et avancé. L’ambiance est joyeuse, elle est à la fête, et bien à la fête.

Et pendant que les musiciens enchaînent avec « Walk this way », la cousine trouve le moyen de se taper la discute avec un petit groupe de jeunes assis juste en face de nous. Elle baragouine avec son anglais moyen. Et moins d’une minute plus tard, elle a déjà réussi à les faire marrer. Elle me fera toujours halluciner. Car si son anglais ne casse pas plus de briques que le mien, sa communication envers l’autochtone est grandement facilitée par son naturel expansif, sociable, ainsi que par son statut de jolie fille.

Les musiciens carburent à la bière servie dans de grandes chopes. Par-dessus le brouhaha de la salle, j’entends ma cousine expliquer que nous sommes français et que nous sommes là pour le concert de Madonna du lendemain.

Et là, de façon complètement inattendue, l’un des mecs commence à taper dans les mains comme pour amorcer une rythmique. Puis, au bout de quelques secondes, il se lève et entonne un couplet en langue locale mais parfaitement familier à mes oreilles.

« I made it through the wilderness »

Ses potes ont commencé à taper dans les mains à leur tour, sur le même beat. Un pote à lui reprend le couplet suivant.

« Somehow I made it through »

Le troisième reprend à son tour :

« Didn’t know how lost I was/Until I found you »

Petit à petit, la table tout entière rentre dans le groove. Une voix à l’autre bout de la table s’élève pour déclamer le refrain, comme une délivrance, bien que de façon prématurée par rapport à la séquence originale :

« Like a virgin… ooooh !!! »

C’est juste avant que la table tout entière ne reprenne en cœur :

« Touched for the very first time »

La contagion musicale se répand vite et finit par toucher les musiciens qui écourtent leur abreuvement. Une guitare se fait entendre d’abord, suivie de la batterie et d’un clavier. Le chanteur corpulent et barbu se racle la gorge avec la grâce d’un camionneur. Et il entonne :

« Like a virgin/When your heart beats/Next to mine »        

« Like a virgin » chanté par la voix caverneuse et rocailleuse du gros moustachu, ça vaut son pesant de cacahuètes ! Ce sketch délicieux me fait penser à la reprise de cette chanson même dans le film Moulin Rouge, par le moustachu propriétaire du cabaret.

Dans le pub, il y a désormais une ambiance de dingue. Tout le monde chante à l’unisson, le refrain est répété au moins une dizaine de fois, le tout accompagné par l’impro des musiciens. Quelle ambiance de fou ! Et tout ça, grâce à la gouaille de ma cousine. Je l’adore !

Il est presque deux heures du mat lorsque Elodie et moi nous nous levons pour partir. Mais quelque chose nous retient. Quelque chose qui nous oblige, après un échange de regards complices, à nous rasseoir et à rester encore un peu. Ce « quelque chose » ce sont les premiers riffs de guitare d’une nouvelle chanson. S’il est une ballade rock que je considère comme un chef d’œuvre ultime, c’est bien celle-là.

Nous restons jusqu’à la dernière note, jusqu’au dernier raclement de gorge du chanteur barbu. Car il n’y a qu’en écoutant jusqu’à la dernière seconde qu’on rend justice au chef d’œuvre qu’est«November Rain ».

Commentaires

Yann

02/06/2016 15:57

 Ce souvenir du beau brun sous la douche qui remonte chez Nico est admirable, tellement sensuel et si bien raconté comme toujours. On a hâte qu’ils se retrouvent pour une contemplation réciproque et plus …peut être dans le prochain épisode.

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Et pour cela, un grand

Fabien

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