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JN01021 Souvenir d’un soir au KL. Le beau reubeu

(Mars 2001, le même soir, toujours deux mois avant « première révision »).

C’est avec le moral dans les chaussettes que je m’apprête à aller retrouver ma cousine.

Mais « quelque chose » retient mon attention.

Pile à l’opposé de la piste de danse, appuyé avec son épaule à l’un des piliers de la salle, un verre à la main. Un beau reubeu, bien foutu, avec un t-shirt blanc bien ajusté à son torse musclé, un bout de coton fin immaculé jouant un joli contraste avec sa peau basanée, redessinant avec un précision diabolique ses épaules charpentées, ses pecs saillants, et retombant sur un joli jeans.

Une tenue toute simple mais carrément craquante, la plus « mâlement » efficace qui soit.

Bien sûr, la petite gueule qui surmonte tout ça est carrément raccord avec le reste. Les cheveux bruns très courts autour de la nuque, beaucoup plus longs au-dessus de la tête, plaqués vers l’arrière par une bonne dose de gel, une petite barbe de trois jours, un regard ténébreux, une bonne petite gueule de mec des cités, sexy à mort !

Le mec doit avoir dans les 25 ans, et il dégage clairement cette prestance, ce charme et ce regard si particuliers, indiciblement virils, propres à ce genre de mec.

Son apparition est une claque puissante, le genre de claque qui, pour un peu, me ferait tomber à la renverse. C’est le genre de mec qui, à défaut de pouvoir le faire jouir, t’inspire illico une envie brûlante de te branler.

Le mec dégage une sensualité intense, vibrante, comme un fluide invisible qui irradie de lui en permanence et flotte dans l’air, qui se propage, c’est comme de la radioactivité.

Je le regarde et je me demande quand il a baisé la dernière fois, la nuit d’avant, celle encore avant ? Quand va-t-il rebaiser ? Ce soir, demain ? Avec quelle nana ? La même qu’hier ou une autre ? Qu’est-ce que kiffe un mec pareil au lit? Est-ce qu’il est doux ou plutôt du genre macho ? Comment jouit-il ?

Je me demande dans combien de bouches et de chattes sa queue a trempé, je hurle intérieurement en pensant aux nanas qui ont eu et qui vont avoir la chance de se retrouver dans le lit de ce beau mâle et de connaître la puissance de sa virilité, qui peuvent toucher son corps, qui peuvent sucer sa queue, avaler son jus.

Ce mec accapare désormais mon attention toute entière, et mon désir. J’oublie Jérémie, que je ne pourrai jamais avoir (c’est ce que j’imagine à cet instant précis, quelques mois avant la première « révision »), j’oublie Thibault, j’oublie leurs pouffes, leur plan à quatre, ma colère, ma déception.

Je regarde ce beau reubeu et je ressens en moi une seule, dévorante, urgente, irrépressible envie, celle de l’avoir en bouche, de connaître le bonheur de découvrir sa sexualité, d’avoir la chance de le faire jouir. Ce serait ma première fois avec un gars, et j’ai hâte de savoir enfin ce que ça fait de tenir un manche bien raide et bien chaud entre mes lèvres.

Face à ce mec, je ressens un désir dévorant et une frustration insoutenable. Ébloui par tant de sexytude, je le mate tout en sachant que, tout comme Jérémie, lui aussi m’est inaccessible, qu’il va disparaître de ma vie aussi vite qu’il est apparu, sans y laisser la moindre trace. Et j’en ai mal à m’en taper la tête contre les murs !

La seule façon de faire cesser au plus vite cette frustration déchirante, ce serait de partir au plus vite, de couper le contact visuel, d’aller rejoindre ma cousine dans la salle disco.

Je ne peux pas. Je ne me lasse pas de le regarder, pour tenter de capter la moindre nuance de sa sexytude aveuglante, pour essayer de deviner son tempérament, sa nature.

Dès le premier regard, je me suis fait l’idée d’un mec au « sang chaud », pouvant facilement s’énerver et devenir agressif si on le cherche, et à fortiori si on le chatouille au sujet de sa virilité.

Oui, consciemment ou inconsciemment, j’ai flairé presque instantanément le danger de mater ce mec. Mais ce n’est pas pour autant que j’ai su l’éviter.

Et comment j’aurais pu ?

Il est difficile d’exprimer, à quelqu’un qui ne l’aurait jamais vécu, ce nœud instantané qui se forme dans les tripes quand une telle aveuglante bogossitude vient brûler les rétines, quand un mec t’attire comme un aimant et que, malgré les tentatives deta raison pour te mettre en garde du danger, tu ne peux détacher ton regard de lui.

C’est ce qui m’est arrivé cette nuit-là. Malgré le fait d’avoir flairé le danger, je n’arrive pas à détacher mes yeux de sa petite gueule virile et de ce t-shirt moulant un corps de fou. J’ai envie de m’enivrer de sa virilité, de sa sexytude, de sa mâlitude, de cette présence chargée de testostérone qui fait vibrer tant des cordes sensibles en moi.

Le bogoss ultime émet une radiation de mâlitude d’une puissance inouïe, une radiation à la fois insoutenable et accaparante. J’ai rarement ressenti un truc aussi violent, mis à part en regardant mon petit con de Jérém.

Ainsi, je n’arrive pas à détourner mon regard de cet inconnu qui remplit mon horizon.

Quant au beau reubeu, même s’il tourne deux trois fois la tête vers moi, son regard balaie l’horizon, il croise le mien sur son passage, et repart aussitôt.

Pourtant à un moment, nos regards se croisent et le sien s’enfonce dans le mien. Le mec vient de capter que je le regarde. Intimidé, je détourne immédiatement mon regard. Lui aussi détourne le regard. Mais une seconde plus tard, il regarde à nouveau dans ma direction, comme s’il voulait vérifier si je le mate toujours.

Nos regards se croisent à nouveau. A cet instant, il n’y a plus de doute, le mec est en train de se dire : « ce mec me mate ».

Paniqué, je tente de faire diversion en tournant un peu la tête, tout en continuant de le mater du coin de l’œil. Je fais semblant de ne pas le regarder, mais lui me regarde toujours.

J’aimerais tellement savoir ce que ça lui inspire, si mon regard le met en pétard, s’il a compris que j’ai envie de lui, et si ça le met en pétard.

Puis, une idée complètement folle émerge dans mon esprit : au fond, son regard pourrait aussi être « intéressé ».Au fond, cela est dans le champ des possibles.

Deux bières, l’heure tardive, l’ambiance survoltée de la boîte, l’émoustillement des sens de mes 18 ans, la magie de la nuit, une déception (Jérém et ses pouffes) à oublier, plus un mégabogoss qui me fait tourner la tête : il n’en faut pas plus pour me faire rêver les yeux ouverts.

A cet instant précis, mon esprit est envahi par l’urgence du désir que ce mec suscite en moi. Mais comment l’approcher ? Comment lui exprimer ce dont j’ai envie ? Comment savoir s’il va y être sensible ? Pourquoi il y serait sensible ?

Mais, au fond, pourquoi pas ?

Je sens son regard sur moi, interrogateur, un regard qui se prolonge de façon démesurée. Le mec fait bien plus que me regarder, il me surveille carrément. Est-ce que ça l’amuse de se savoir maté et qu’il en joue, ou bien au contraire son attitude est de l’intimidation ?

Je ne sais pas trop ce qui m’a pris, mais à un moment je lève mon regard à la recherche du sien, comme dans une tentative désespérée de tenter de le déchiffrer. Et là, comme un fauve à l’affût de sa proie, son regard harponne le mien et il ne le lâche plus. Pris au piège, je tente le tout pour tout, je me fais violence pour soutenir son regard. J’ai même l’impression d’esquisser un petit sourire en coin. Jusqu’au bout, j’aurai joué avec le feu.

Et là, ce que je vois n’est guère encourageant. Son visage se fige dans une expression dure, hostile.

Je me rends brusquement compte qu’une fois de plus, j’ai pris mes rêves pour des réalités. J’ai le visage en feu, la panique s’empare de moi. Avec une manœuvre d’urgence je balance mon regard ailleurs, j’évite soigneusement de le regarder.

Mais le regard du beau reubeu est toujours braqué sur moi. Ce regard est tellement lourd que je le ressens sur moi comme s’il posait sa main sur mon épaule.

J’ai beau chercher à maintenir mon regard ailleurs : la puissance magnétique du sien finit par attirer mon attention, sans que je puisse m’y opposer. Une fois de plus, nos regards se croisent, une fois de plus mon désir est attisé par cette plastique virile, par cette gueule de mâle qui me font craquer.

Sous l’effet combiné de la fatigue, de l’alcool, de la poussée d’adrénaline, j’ai soudain l’impression de flotter, d’être enfermé dans une bulle, comme si je plongeais au fond d’un bassin d’eau.

Les basses impitoyables de la musique Techno semblent s’éloigner, s’estomper, arriver de plus en plus atténuées à mes tympans, et ce sont désormais mes pieds seuls qui captent la vibration de la musique par le sol.

Au fur et à mesure que la musique s’éloigne de moi, j’entends de plus en plus nettement les battements de mon cœur qui cognent à tout rompre dans ma poitrine. Dans ma bulle de plus en plus enveloppante, j’entends ma déglutition nerveuse, ma respiration qui se hâte sous l’effet de l’adrénaline.

Puis, à un moment, mon cœur, ma respiration, ma déglutition, tout semble s’arrêter d’un coup. C’est l’effet de la panique.

Alors que le mec continue de me braquer avec son regard, voilà que sa main, rendue à hauteur de ses pectoraux saillants, me fait signe d’approcher.

Aaahhhhh, putaaaain ! M’approcher de lui, c’est tout ce que je désire à cet instant précis !

Hélas, il y a comme un problème : son geste et son regard ne sont pas du tout raccord. Dans ses yeux, un regard qui me fait peur, dans ses gestes, une attitude agressive, sévère, intimidante, qui sent le danger. Une attitude qui est pourtant tellement, mais tellement sexy !

Un regard, une attitude, qui semblent être tout autant des interrogations que des accusations, du genre : « Qu’est-ce que t’as ? T’as un problème ? Tu me mates ? Pourquoi tu me mates ? ».

Désarçonné, je prends l’air étonné, en hochant la tête, en haussant les épaules, comme si je tombais des nues, comme si je ne voyais pas de quoi il parle.

Je tente de regarder ailleurs, mais ses yeux ne me quittent pas pour autant, de plus en plus agressifs, son regard attire le mien comme un aimant puissant.

Et lorsque je finis par le regarder à nouveau, je vois alors le mec faire un geste sans équivoque pour me faire comprendre que si, il a bien vu que je le regardais. Son index et son medium en V pointent vers ses yeux, puis vers moi, alors qu’avec un petit hochement de la tête, il semble me demander : « alors c’est quoi ton problème, pourquoi tu m’as maté mec, hein, pourquoi ? ».

Ça va de soi que cette attitude de petit macho qui ne supporte pas de se faire mater par un mec, est à la fois impressionnante et méga méga sexy. J’ai le cœur dans la gorge, mais en même temps mon corps vibre d’excitation.

J’essaie de prendre une nouvelle fois l’air étonné, genre « vraiment, je ne comprends pas ce que tu veux dire » et je lance mon regard ailleurs.

C’est la que les choses se corsent. Du coin de l’œil, je vois le beau reubeu commencer de contourner la piste, sans me lâcher du regard.

L’état de panique maximale se déclenche alors en moi. Un instant plus tard, je détale comme un lapin. Je hâte le pas pour rejoindre ma cousine dans la salle disco, tout en regardant derrière moi presque à chaque seconde si le beau reubeu énervé ne me rattrape pas.

J’avance tellement dans la précipitation, que je ne regarde pas où je vais, je finis par percuter un mec qui marche en direction opposée, je manque de peu de le faire tomber. Par chance le mec se rattrape, par chance le mec est un gentil, il sourit de mon étourderie.

« Pardon » je lui lance, tout en continuant ma marche forcée.

Dans la salle disco, je fonce vers ma cousine, je prétexte une fatigue soudaine pour lui demander de partir.

« Je suis fatiguée aussi, on y va maintenant », voilà sa réponse. J’adore ma cousine.

La présence d’Elodie à mes côtés me rassure, mais je ne me sentirai complètement en sécurité que lorsqu’on sera dans la voiture et que celle-ci sera sortie du parking du KL.

Un peu plus tard cette nuit-là, une fois en sécurité dans mon lit, je me demande comment j’ai pu prendre autant de risques avec ce mec, comment j’ai pu le mater au point de me faire remarquer, le chauffer au point de le mettre en rogne, persister dans ma provoc jusqu’à le pousser à venir me chercher des noises.

Certainement, parce que renoncer à mater une telle perfection faite mâle est un effort inhumain. Cette nuit-là, après le départ de mon inaccessible Jérém, ce mec était tout simplement la plus belle « chose » dans l’horizon proche. Si je l’ai autant maté, c’est tout simplement parce qu’il m’était impossible de regarder ailleurs.

Depuis toujours, à chaque fois que je croise un beau mec, un mec qui fait vibrer mes cordes sensibles, la séquence est toujours la même : désir violent, peur paralysante de me faire remarquer, frustration insupportable lorsque le bomâle a disparu de mon champ de vision à tout jamais.

C’est une frustration qui s’accumule en moi, séquence après séquence, et qui me rend chaque jour un peu plus malheureux, triste, solitaire, isolé.

Ce n’était pas la première fois que je me faisais repérer par un mec en train de le mater, mais jamais je m’étais fait gauler aussi clairement, et aussi vite. Et, surtout, jamais il n’y avait eu ce genre de réaction. Est-ce que, cette fois-ci, mon regard a été plus insistant et moins discret que toutes les fois précédentes?

C’est possible.

Et même si au fond de moi je ne me faisais aucune espèce d’illusion de pouvoir « intéresser » ce gars, j’avais envie d’essayer de briser le mur invisible qui me séparait de ma véritable nature, de ma sexualité, de ma vie.

Peut-être qu’inconsciemment, je me suis dit que je ne pouvais pas toujours laisser la peur diriger ma vie. Car si je laissais la peur gagner, il ne se passerait jamais rien dans ma vie, et je serais toujours seul et puceau. Je n’aurais pas Jérémie, le gars que j’aime. Et je n’aurais non plus aucun autre mec non plus.

Peut-être qu’inconsciemment je voulais voir s’il pouvait y avoir un petit jeu de séduction entre nous, et jusqu’où il pourrait aller.

Certes, une boîte de nuit hétéro bondée de monde, ce n’était pas vraiment la situation idéale pour ça. D’autant plus que, très vite, les voyants avaient tourné au rouge vif.

Pourtant, cette nuit-là, j’avais vraiment envie qu’il se passe un truc comme dans certains films ou histoires gays, où des mecs racontent au détour d’une réplique avec quelle facilité ils ont dragué un hétéro.

Qu’est ce qu’il y a de mal dans le fait de mater un bogoss ?

Rien à priori, pas plus que si j’étais une nana. Le fait est que moi, en tant que mec gay, je n’ai pas l’« habilitation » pour poser mon regard et mon désir sur des mecs hétéro.

C’est déchirant le décalage entre la bienveillance qui m’attire vers ce genre de mecs et l’hostilité, pouvant aller jusqu’à la violence, de leur réaction vis-à-vis de cette attirance.

Au fond, je ne fais que les admirer, m’extasier devant leur sexytude. Ce n’est quand même pas une marque d’irrespect, bien au contraire.

Pourquoi ce genre de mec – les hétéros un brin macho – vit si mal le fait qu’un mec s’intéresse à eux ? Est-ce que le fait de sentir le désir d’un autre gars est vécu comme une insulte à leur virilité ? Est-ce qu’ils estiment qu’un mec n’est tout simplement pas « digne » de le mater ?

Quel terrible gâchis qu’ils n’arrivent pas à réaliser à quel point, lorsqu’un gars les mate, les désire, ce gars ne demande pas mieux que de les laisser exprimer leur sexualité, leurs fantasmes, de se soumettre à la puissance de leur virilité.

Pourquoi un mec devrait s’énerver quand un autre mec le mate ? Ça devrait le flatter. Pourquoi ils ne comprennent pas qu’on leur veut juste du bien ? En quoi le fait d’aimer, ou d’avoir juste envie d’offrir du plaisir, mériterait le rejet, le dégoût, le mépris, la violence, bref, l’homophobie ?

Et, plus largement, en quoi le fait que deux hommes s’aiment serait répréhensible ? En quoi aimer est-ce répréhensible ? Quel est donc le délit que représente l’homosexualité vis-à-vis de la société ? En quoi le fait de disposer de son cul et de sa queue différemment de la majorité serait répréhensible, tant qu’il n’y a pas violence ou d’abus ?

Ne serait-il pas plus pertinent de s’occuper de ceux qui commettent de vrais délits ? De ceux qui violent ou violentent ou tuent des femmes, des hommes, des enfants, des « plus faibles qu’eux » ? De ceux qui vendent du poison, des voleurs en costard cravate, des politiques qui mènent des politiques sans perspective, des tradeurs qui spéculent sur ceux qui travaillent vraiment et qui mettent en danger la stabilité de notre civilisation toute entière ?Des multinationales qui exploitent leurs employés et qui se soucient moins de la planète et de notre santé que des dividendes à distribuer à leurs richissimes actionnaires ? Ne vaudrait-t-il mieux harceler ceux qui font vraiment du mal à notre société, plutôt que deux gars qui s’aiment, ou d’un gars dont le regard n’est pas celui qu’on attendrait ?

L’homophobie, tout comme le racisme, est enfant d’ignorance. Les deux fleurissent souvent ensemble, sur les murs des chiottes publiques remplis de haine, et ils ne sentent pas meilleur que le lieu où ils s’expriment.

Les deux naissent d’une peur qui ne s’avoue pas, et la peur de l’autre est avant tout le signe d’un manque d’assurance vis-à-vis de soi-même. L’ignorance engendre le manque d’assurance, le manque d’assurance engendre la peur, et la peur engendre la violence.

Quand on ne sait pas se construire « avec », il est toujours possible, et c’est la facilité, de se construire « contre » : contre ce ou celui qui est différent, différent parce qu’inconnu, sans même savoir en quoi cet inconnu est vraiment dérangeant ou nuisible.

La peur est un moteur puissant. Elle dirige une grande partie de nos actes sans même qu’on s’en rende compte. Pourquoi la peur des gays, l’homophobie ?

Homophobie, du grec homo, semblable, identique et phobos, effroi, peur. Mais peur de quoi ? Peur de nous, vous, les fringants hétéros ? Nos regards sont juste des regards et nos envie juste des envies. Et s’il vous arrive d’être sollicités et que vous n’êtes pas intéressés, il suffit de dire « non merci… ». Personne ne vous harcèlera, personne ne vous violera, vous, les gaillards hétéros.

Ce serait tellement bon de pouvoir dire ça à un mec : « tu es canon, je te trouve sexy ». Ce serait bon de pouvoir lui dire ce qu’on ressent, flatter son ego de mâle. Et, même s’il n’est pas intéressé, il pourrait nous offrir un sourire flatté, plutôt qu’une réaction violente.

Comment aurait réagi le beau reubeu du KL si j’avais osé lui dire : « tu es canon, je te trouve sexy » ? Certainement, ça l’aurait fait encore plus sortir de ses gonds.

Et après tout, comment être certain qu’il voulait me chercher des noises ? Tout pris dans ma panique, je n’ai pas su vraiment analyser dans quel état d’esprit était le gars. Est-ce qu’il était vraiment énervé, ou est-ce qu’il voulait juste savoir pourquoi je matais ?

Si ça se trouve, il voulait juste que j’arrête de le mater, ou bien il attendait seulement que j’assume. Peut-être que ça ne lui aurait pas plu non plus, mais ça aurait désamorcé sa colère.

Ce qui n’a vraiment pas dû lui plaire, c’est le fait que je cherche à l’ignorer et faire comme si je n’avais rien fait, car il a pu penser que je le prenais pour un con. C’était clair que je matais et j’avais compris qu’il avait compris, alors pourquoi le nier ?

Dans mon lit, en sécurité, je me dis que, dans une réalité 2.0, ça aurait aussi pu se passer autrement.

Pendant que le beau reubeu au t-shirt blanc contournait la piste, j’aurais pu prendre une bonne inspiration, chasser mes peurs et avoir le cran de l’« affronter ».

« Salut… » j’aurais pu lui balancer sur un ton neutre.

Dans cette réalité 2.0, je ne me laisse pas impressionner ni par mon attirance, ni par son regard, cette présence, cette brûlante mâlitude.

Probablement, le bogoss aurait été droit au but, sans passer par la case politesse :

« Pourquoi tu me mates ? Tu veux ma photo ? ».

Le ton, la cadence des mots, l’attitude auraient certainement été ceux un brin agressif propres aux mecs des cités, avec ce rythme mitraillette bien caractéristique. Le mec aurait été sur un mode un peu batailleur, mais il aurait été plutôt curieux et intrigué qu’énervé.

« Parce que tu es très sexy… » j’aurais eu le cran de lui répondre.

Le mec aurait été un brin désarçonné face à la simple clarté de mes mots. Mais toujours pas réellement agressif ou menaçant.

« Tu me mates parce que je ressemble à un pd ? » il aurait peut-être voulu savoir.

 « Je te mate parce que tu es viril et sexy à tomber ! »

« Je kiffe pas les mecs… ».

« Mais les mecs te kiffent… tu le sais, ça, non ? ».

« Je m’en bats les couilles… ».

« Tu as tort… peut être que si t’essayais, tu pourrais aimer… ».

« Sans façon… ».

Peut-être qu’après sa réplique « Sans façon… », il serait reparti, me mettant une veste en bonne et due forme. Et pourtant, le mec ne se serait pas montré agressif, juste surpris, curieux. Et, hélas, pas intéressé.

Ce petit « accident » avec le beau reubeu m’a fait réaliser que, s’il le faut, il y a peut-être bien plus de mecs qui captent mon attirance que je ne le crois. Alors, pourquoi je ne tombe pas sur ceux qui sont « réceptifs » ?

Si je veux rencontrer des mecs, il ne me reste qu’à aller dans le milieu gay, dans les boîtes gay, dans les lieux de drague.

Mais franchement, ça ne me fait pas envie, ça me fait même peur. L’idée de devoir aller dans des lieux dédiés, comme des « réserves » pour se rencontrer, pour baiser, ne m’enchante pas du tout. C’est tellement dur de me dire que je ne pourrai jamais faire une rencontre au hasard du quotidien, comme les hétéros. C’est dur de me dire que, contrairement aux hétéros, je ne pourrai pas aller vers quelqu’un qui m’attire et le lui faire comprendre.

L’épisode avec le reubeu du KL m’a fait repenser à un autre qui s’est déroulé vers la fin de la classe de première. Ce jour-là, après la fin des cours, j’avais été boire un coup avec quelques camarades. Nous étions quatre ou cinq garçons et deux nanas, et nous nous étions installés en terrasse d’un café, en plein centre-ville.

Et LUI était là, à une autre table, pas loin de la nôtre, en train de boire un coup avec ses potes. LUI, c’était un bogoss inconnu, il devait avoir 20 ans, ce qui faisait de lui, à mes yeux d’ado de première, un « grand ». Il avait les cheveux châtain clair, un peu en bataille, une bonne gueule de mec, il était habillé d’une chemisette bleue, les deux boutons du haut ouverts, les deux pans de tissu écartés permettant d’admirer un torse légèrement poilu. Les manchettes enveloppaient des jolis biceps et ses yeux étaient très clairs, il avait un regard intense dans lequel on avait envie de se perdre.

Il était incroyablement charmant et sexy. Je le regardais discuter avec ses potes, avec aisance, parler fort, rigoler fort, c’était une grande gueule.

Dès que le bogoss était rentré dans mon champ de vision, je n’avais pu m’empêcher de le mater discrètement, tout en essayant de prendre part à la conversation à ma table, conversation qui n’avait évidemment plus aucun intérêt pour moi face au désir violent que ce jeune mâle avait suscité en moi.

Parfois, nos regards s’étaient croisés. Plusieurs fois. Mais toujours très furtivement. Jusqu’à cette fois, celle de trop peut-être, où le gars avait ferré mon regard.

Timide comme je l’étais, j’avais illico débrayé, j’avais essayé de me réfugier dans la conversation de mes camarades. Mais je n’avais pas pu m’y résoudre bien longtemps. Au bout d’une minute à peine, j’avais eu besoin de regarder à nouveau le gars inconnu. Au plus profond de moi, je cherchais son regard, je voulais le retrouver.

Et lorsque cela était arrivé, il ne m’avait pas semblé déceler de l’hostilité, mais pas de sourire non plus, rien de rien.

Une nouvelle fois j’avais détourné mon regard, une nouvelle fois j’y étais revenu. Je voulais essayer de comprendre ce qu’il y avait dans son regard. Et là, ses yeux avaient capté les miens en plein vol, comme un rapace plongeant sur une proie facile.

Le gars me fixait : j’avais l’impression que lui aussi essayait de lire dans mon regard. Est-ce qu’il était intéressé ? Par moi ? Est-ce que les miracles existent, donc ?

Je trouvais ce petit échange de regards extrêmement grisant. C’était comme si une sorte de lien s’était établi entre ce mec et moi, et rien qu’entre nous deux, sans que les personnes qui nous entouraient, de son côté comme du mien, en soient conscientes.

L’un de mes camarades avait alors commencé à me parler, ce qui m’avait détourné de ce délicieux petit jeu de regards avec le bel inconnu. Et alors que l’échange s’éternisait, j’avais capté du coin de l’œil que le bel inconnu et sa petite bande étaient en train de se lever pour partir. Et voilà, le bel inconnu allait disparaître de ma vie comme il y était « entré », je n’aurais jamais su ce qu’il y avait dans son regard. Une énième occasion manquée…

Pour atteindre la sortie, la petite bande était obligée de passer à côté de notre table. J’avais continué à discuter avec mon camarade, tout en regardant du coin de l’œil les potes du bogoss passer à côté de nous les uns après les autres.

Puis, à un moment, poussé par l’envie de voler une dernière image de ce petit mâle avant qu’il ne disparaisse à tout jamais de mon existence, j’avais levé mon regard.

Le gars était le dernier du petit cortège, il avançait vers la sortie, le visage légèrement tourné vers notre table. Et là, comme si mon dernier regard l’avait attrapé par l’épaule et retenu, il s’était brusquement arrêté. Il s’était retourné, il avait planté ses yeux dans les miens, des yeux affichant un regard clairement agacé, il avait allongé le bras et il avait dégainé un magistral doigt d’honneur. Puis, il avait rejoint ses potes qui étaient déjà de l’autre côté de la rue et qui n’avaient rien vu.

Son geste avait clairement été dégainé à mon intention, mais il avait également dégainé devant mes camarades, mes camarades qui ne savaient pas que j’étais gay, du moins « officiellement ». Mes camarades qui n’avaient visiblement rien capté des échanges de regards entre le bel inconnu et moi, puisqu’ils avaient l’air très étonnés, mes camarades qui étaient même sur le point de se lever pour rattraper le mec et lui demander des explications. J’avais heureusement réussi à les dissuader de le faire.

C’est dur de vivre dans un monde à moi, seul avec mon « secret », frissonnant à la vue d’un bogoss, mourant d’envie de l’approcher, mourant d’envie de lui tout court, mais l’angoisse au ventre de me découvrir, de lui parler, et que mon secret se dévoile au grand jour.

Combien de désirs silencieux échappent à notre regard, dans la rue, le bus, le tram, les terrasses des cafés ? Combien de mecs matent d’autres gars, ces gars inaccessibles qui ne captent pas ou qui n’acceptent pas le regard rempli de désir qu’un autre mec pose sur eux ? Combien de ces histoires muettes et silencieuses se déroulent sous nos yeux, sans qu’on s’en rende compte ?

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Merci aux mécènes de tout temps, et en particulier à Cyril et Virginie, dont le soutien perdure depuis 2016.

Merci à vous tous pour votre fidélité et vos commentaires.

L’histoire de Jérém&Nico rentre dans sa phase finale.

Jérém&Nico est une belle aventure qui aura duré près de 10 ans et qui n’aurait pas été possible sans vous tous.

Et pour cela, un grand

Fabien

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