JN01019 Souvenir d’un soir au KL. Jérém, Thibault et les deux pouffes.
(Mars 2001, deux mois avant « première révision »).
Ca se passe un samedi soir au KL, la mégaboîte de nuit de la Sesquière. J’y suis allé avec ma cousine Elodie, nous y sommes allés pour danser, pour rigoler, pour passer un bon moment tous les deux.
Et en effet, nous nous amusons comme des fous. Et les beaux garçons qui défilent autour de nous, sur le bord de la piste, au bar, ne font qu’ajouter un décor agréable à une soirée parfaite, car passée en bonne compagnie, et en dansant sur de la bonne musique disco. Car, parmi les multiples salles que compte le KL, nous avons fini par nous arrêter dans celle où l’on danse sur du Donna Summer, du Boney M, du Abba.
C’est vers 2h00 du mat qu’un « petit » grain de sable est venu dérégler et enrayer la parfaite complicité avec ma cousine.
Tout a commencé avec une envie d’aller au petit coin, envie qui m’a amené à quitter la salle disco (les toilettes y étant en panne), pour aller me soulager dans les toilettes de la salle Techno.
C’est en sortant de ces toilettes que je le vois. Mon camarade Jérémie, le bogoss que je kiffe à m’en rendre malade, en meute avec ses potes, installé autour d’une table basse.
T-shirt orange col en V qui va bien, chaînette de mec et tatouage au biceps bien en vue, jeans bien coupé, bon brushing de bogoss. Inutile de préciser qu’à partir de l’instant où l’image du petit con sexy a traversé ma rétine, ni la musique, ni même ma cousine n’existent désormais. Elodie est dans la salle d’à côté, et c’est comme si elle était sur une autre planète. Rien n’existe, à part lui.
De l’endroit où je me trouve, caché par un grand pilier délimitant la piste de danse, je peux observer le bobrun sans être vu. Alors, je ne m’en prive pas.
Je ne peux pas rater cette occasion bénie d’observer le bogoss en soirée, en « caméra cachée ». Je ne peux pas rater pareille occasion, non, non, non.
Parmi les mecs de sa « garde rapprochée », je reconnais son pote Thibault, très bogoss lui aussi, habillé d’un t-shirt gris du meilleur effet.
La bande de jeunes mâles est installée autour d’une table basse dans un coin de la salle, ils enchaînent les verres, les cigarettes, les rigolades. C’est beau de voir une bande de potes prendre du bon temps, c’est bon de capter leur camaraderie, les voir interagir, tenter de deviner les rôles de chacun à l’intérieur de la bande, essayer de déceler les hiérarchies, les rapports de force. C’est beau de les voir tout simplement exprimer leur jeune virilité au sein du groupe.
Je suis curieux de savoir comment tous ces mecs vont terminer leur soirée et, surtout, comment Jérémie va terminer la sienne.
Le bogoss est toujours assis avec ses potes, autour de la table basse, en train de boire et de fumer. Pourtant, depuis un petit moment, son regard semble aimanté par quelque chose sur la piste de danse.
A un moment, je vois le bobrun glisser quelques mots à l’oreille de son pote Thibault, tout en semblant lui indiquer quelqu’un vers la piste de danse.
Le regard de Thibault suit la direction indiquée, et revient aussitôt se planter dans celui de son pote. Ce dernier lui balance alors un sourire fripon à distance rapprochée, à bout portant, je dirai. Moi je dis qu’il faut bien être accroché à son hétérosexualité pour ne pas succomber à un sourire comme celui-là.
Jérémie lui parle à nouveau à l’oreille. Thibault écoute, il regarde à nouveau vers la poste de danse. À son tour, il glisse quelque chose à l’oreille de son pote. Je ne comprends rien à leur manège. Du moins, pour l’instant.
Jérémie se penche vers le centre de la table basse, et ses potes en font de même, comme pour entendre ce qu’il a à dire. Un instant plus tard, tout le monde regarde vers la piste de danse, puis éclate à rire. Des tapes amicales et complices atterrissent alors sur le dos du bobrun.
Jérémie et Thibault se lèvent ensemble et s’éloignent de la petite bande, alors que les mecs sont toujours en train de se marrer.
Là je suis intrigué : où est-ce qu’ils vont ainsi, ces deux-là ?
Quelque chose me dit que je vais assister à quelque chose de mémorable.
Les deux potes s’approchent du bar et repartent chacun avec une bière à la main. Puis, ils se séparent. Thibault disparaît quelque part dans la pénombre de la salle, alors que Jérémie se dirige vers la piste de danse.
Toute mon attention est désormais polarisée par les agissements du bobrun. Mais qu’est-ce qu’il fait ce petit con ? Je ne m’imagine pas vraiment mon Jérémie aller se trémousser, à fortiori tout seul.
Et en effet, si le bobrun s’approche de la piste de danse, c’est juste pour se poster en hauteur, sur la petite estrade à l’opposé du DJ. Il s’installe devant la rambarde surplombant la piste, les jambes un peu écartées, les pieds bien plantés sur le sol, les épaules bien ouvertes, la tête bien droite, le t-shirt orange épousant avec une précision diabolique son anatomie masculine, moulant ses épaules et ses biceps, dessinant le relief de ses pectoraux saillants. Et cette chaînette, si virile, posée bien en vue sur le coton entre ses pecs.
Une main tient sa bière, l’autre est cachée dans la poche du jeans. Son regard est rivé sur la piste, et c’est un regard excessivement brun, puissant, chargé de ce truc de magnétique qui n’appartient qu’à lui, son charme de fou. Dix-neuf ans seulement, et déjà si scandaleusement « mec » !
C’est dingue de voir comment il sait utiliser la puissance de son regard, comment il sait se la jouer jeune mâle, fort de cette assurance illusoire mais intense de cet âge où l’on ne connaît absolument rien à la vie, où l’on se sent invincible, presque immortel, car on ne se rend pas compte que la jeunesse et la beauté ne durent qu’un temps.
Mais en attendant, posté sur la petite estrade qui surplombe la piste de danse, dans son attitude d’insupportable et irrésistible petit coq, Jérém est une bombe atomique. Une infinité de regards convergent sur lui, alors que le sien ne semble se poser, dans un premier temps, nulle part.
Oui, le regard de Jérémie fait plusieurs fois le tour d’horizon, avant de se focaliser sur un point précis à l’intérieur de la piste. J’essaie de comprendre où le regard de mon beau brun a atterri, en vain.
Puis, la réponse à ma question arrive brutalement, comme une claque en pleine figure. En suivant son regard, je remarque une petite brune qui danse seule au milieu de la piste. Jérémie la mate sans répit. Elle lui lance un regard de temps à autre, de façon discrète mais de plus en plus insistante. Jérémie ne bouge pas d’un poil, sa seule arme étant son regard de b(r)aise braqué sur elle.
Un regard qui semble dire : « Je sais que t’as envie de moi ». C’est à tomber. Ça me déchire les tripes de voir ce regard adressé à une nana.
Les basses entêtantes d’une rythmique répétitive s’infiltrent dans mon corps et se superposent aux battements de mon cœur, ce cœur qui s’est accéléré et qui tape à tout rompre depuis que je mate ce documentaire sur les exploits d’un « beau mâle brun dans sa chasse à la femelle ».
Je suis à la fois écœuré et intrigué par ce que je vois. Ça me rend malade, mais j’ai très envie de voir comment cela va se finir.
Les deux bières que j’ai bues un peu plus tôt dans la soirée ont sur moi un effet à la fois excitant et apaisant, je ressens en moi une douce fatigue qui, dans une certaine mesure, semble apaiser ma contrariété. Je regarde Jérémie en train de draguer une nana, je l’imagine en train de s’envoyer en l’air et, aussi dingue que cela puisse paraître, je ressens à la fois de la jalousie et de l’excitation.
Ça doit être encore l’effet de l’alcool, à un moment, j’ai l’impression de rentrer comme en résonance avec la salle.
Les basses, envoûtantes, ont sur mon esprit embrumé, comme l’effet d’un mantra. Les jeux de lumière, multicolores, intenses, excitants pour la vue, ont un pouvoir presque hypnotique. La vue des nombreux bogoss circulant dans l’espace autour de la piste de danse a un effet enivrant. Les sensations olfactives, omniprésentes, parfois violentes pour mes narines, lorsqu’il s’agit du parfum trop fort d’une nana, tout simplement envoûtantes lorsqu’il s’agit du déo qui traîne derrière la plaisante plastique d’un beau garçon qui passe devant moi, me mettent dans un état second.
Je regarde, j’entends, je respire cette insouciance, cette envie de s’amuser, de plaire, de séduire, d’emballer, de baiser, d’oublier le quotidien, de profiter de la jeunesse, de se laisser aller à toute sorte de plaisirs pour faire la fête. Tout cela est comme une ivresse qui s’empare de tous mes sens, et qui me ferait presque oublier que mon Jérémie est en train de draguer une espèce de brunasse.
Hélas, je ne suis pas au bout de mes surprises. Je ne vais pas tarder à remarquer l’intégralité de son petit manège. Ainsi, je finis par me rendre compte que, de temps à autre, le regard de Jérémie se déplace légèrement sur la droite.
C’est en suivant à nouveau la direction de ses « yeux kalachnikov » que je repère une autre nana, une blonde, moins discrète que la première, qui n’arrête pas de le mater et de lui lancer de grands sourires.
Je le regarde draguer méthodiquement, froidement et je me dis que le seul cap qui semble guider sa vie de garçon de 19 ans semble bel et bien être la baise, c’est-à-dire les envies de sa queue.
Ah, ce sacré petit con de Jérémie : il faut le voir pour le croire, en train de draguer une nana et l’autre aussi, avec ce regard de b(r)aise qui est comme un aimant. Je me demande à quoi il joue, laquelle des deux nanas il a l’intention de lever ce soir-là.
Son regard du bogoss s’ouvre alors dans un sourire au charme ravageur. Le bogoss mate la brune et, tout en penchant légèrement la tête, lui fait signe de le rejoindre. Ça me paraît tellement gros que je me dis que ça ne va jamais marcher, que ça ne peut pas marcher, que ça ne doit pas marcher, que même son charme de fou n’a pas le pouvoir, ni le droit d’emballer de cette façon.
Crois-tu, mon Nico, tu es loin d’avoir tout vu ! Une seconde plus tard, je vois la nana amorcer lentement mais assurément une manœuvre d’approche de beau brun. Elle prend son temps, elle semble dériver imperceptiblement, tout en continuant à danser et à lui lancer des regards de plus en plus appuyés.
Franchement, ce mec n’est juste pas possible.
La manœuvre de la brune se poursuit. Jérémie balance un nouveau sourire, un sourire rempli d’une étincelle lubrique incandescente. Un petit je-ne-sais-quoi dans le regard de la nana, suivi d’un mouvement des lèvres, semble confirmer que le charme du beau mâle a fait son effet.
Oui, elle est complètement sous son charme, elle ne le quitte plus du regard, elle le dévore littéralement des yeux, et ce sont des yeux remplis d’un désir brûlant.
En fin de compte, je pense que Jérémie préfère les brunes, alors c’est cette petite brune qui cette nuit aura la chance de se faire défoncer par le plus beau mâle de Toulouse.
Ça, c’est ce que j’imagine. Mais les surprises ne sont pas du tout terminées ! Pendant que la brune approche, aimantée par son charme ravageur, le beau brun laisse à nouveau glisser son regard sur la piste, jusqu’à la nana blonde. Et là, même geste en penchant légèrement sa tête, même signe pour l’inviter à le rejoindre, même sourire à l’étincelle lubrique.
Je me dis que ce coup-ci ça ne va pas marcher, car ça serait vraiment trop. Et pourtant, la blonde balance à son tour un grand sourire tout aussi coquin, elle sort carrément de la piste, elle contourne la foule. Et, sans quitter le bobrun des yeux, elle s’approche de lui.
Jérémie semble avoir pris le contrôle total et inconditionnel de chacun des esprits des deux nanas, exploit réalisé en passant par la porte du désir, cette porte enfoncée par son charme incroyable. Il n’y a pas à tortiller, Jérémie est le maître, le maître du jeu, le maître charmeur.
Non, Jérémie n’était pas en train d’emballer une nana, il était en train d’en emballer deux ! Il est parti pour un plan à trois, ou quoi ?
En voyant Jérémie lever ces deux nanas avec cette facilité déconcertante, je me surprends à l’imaginer faisant le même numéro dans une boîte comme le On-Off ou le Shangay, devant des mecs qui aiment les mecs. Ça va de soi que là aussi ça marcherait comme du feu. Et l’idée me semble particulièrement insupportable.
Alors, si moi je ne peux pas l’avoir, je préfère encore le voir draguer des nanas au KL. Imaginer sa queue magnifique s’enfoncer dans une chatte, ça me donne envie de gerber, mais ça ne me détruit pas. Je ne peux pas lui offrir ce que peut lui offrir une nana. Je peux lui offrir autre chose, mais pas ce qu’il cherche. Mais je serais vraiment contrarié qu’il se tape des mecs, alors que moi je ne peux pas l’avoir.
Presque au même moment, comme dans une chorégraphie millimétrée, les deux nanas grimpent les marches de l’estrade, l’une côté droit, l’autre côté gauche, les conduisant en haut de l’estrade, auprès de l’objet de leur désir.
Alleeeeez, merde à la fin ! Mais réveillez-vous, les nanas ! Il doit bien y en avoir une de vous deux qui va trouver son attitude de petit macho vraiment énervante ! Putaaaaaaiiiiiiin ! Il faut que l’une ou l’autre, vous l’envoyiez chier ! Son charme ne peut pas avoir ce pouvoir absolu ! C’est hallucinant !
Hélas, tout se passe comme dans les plans du bobrun, les nanas capitulent devant sa bogossitude conquérante.
Le bobrun se penche à l’oreille de l’une, puis il en fait de même avec l’autre. Je ne sais pas ce que ce petit con vient de leur balancer, mais à en juger par leurs expressions, et par le sourire que les deux nanas échangent entre elles, il semblerait que mon Jérémie soit en passe de transformer son essai.
Un plan à trois, voilà le tableau que je me fais désormais à propos de la suite des évènements. Je ne vais pas tarder à découvrir que mon tableau est incomplet. Car il manque un dernier élément, un élément de taille.
Jérémie tourne la tête vers un coin de la piste. Les nanas suivent son regard. Un peu dissimulé dans la pénombre du bord de piste, bière à la main, voilà le beau Thibault, le regard à la fois amusé et charmeur.
Jérémie descend de l’estrade suivi par ses deux proies d’un soir : la chasse a été bonne, il a ramené quantité de gibier, il en a même ramené pour son pote.
Lorsque les deux rugbymen se rejoignent, ils échangent quelques mots. Je donnerais cher pour entendre ces mots.
Un instant plus tard, l’échange de bises avec le pote du bobrun qui vient de l’emballer est l’occasion pour la blonde de poser quelques mots à son oreille. Le sourire de Thibault qui s’en suit dégage une lumière sensuelle à couper le souffle. C’est beau un mec qui commence à s’exciter.
Ça y est, le tableau est complet, effroyablement complet. Non, ce n’est pas un plan à trois que le beau brun envisageait, mais plutôt un plan à quatre avec son pote Thibault. Ça, vraiment, je ne m’y attendais pas.
Devant le tableau de ces jeunes gens impatients de s’envoyer en l’air, je ressens un puissant sentiment de frustration et de malaise m’envahir. Jérémie va baiser des nanas, avec son pote Thibault, ils vont se retrouver tous les deux nus, dans le même lit, ils vont se regarder l’un l’autre en train de baiser. Comme je voudrais être à la place de Thibault, ne serait-ce que pour mater Jérém en train de prendre son pied, à défaut d’être à la place de la nana qui va se taper Jérémie !
La musique tape à fond dans la salle, tout comme mon cœur dans ma poitrine, déchiré comme je le suis entre l’incroyable puissance de cette scène et l’ampleur de ma frustration.
Ce n’est qu’à ce moment précis que je réalise que mes pieds ont dû avancer tout seuls alors que mon esprit était ailleurs, que je suis carrément sur le bord de la piste, complètement à découvert, à la portée du regard de mon Jérémie.
Et ça ne rate pas, à un moment, son regard brun s’enfonce dans le mien. Pendant un instant, nous nous fixons sans ciller. Et alors que mes yeux doivent exprimer ma déception et ma jalousie, les siens affichent une expression fière et triomphante.
Puis, pendant qu’il roule une pelle à la brune, son regard semble chercher le mien, avec une attitude de petit allumeur insolent. Mais peut-être que je ne me fais que des films.
Je les regarde, tous les quatre, les mecs devant, les filles derrière, en train de se diriger vers la sortie de la boîte. Je mate tristement le t-shirt orange et le t-shirt gris, je ne peux détacher mon regard des deux potes jusqu’à ce qu’ils disparaissent dans la pénombre de la salle, comme engloutis par la foule, par la musique entêtante, happés par la nuit, par la partie de jambes en l’air qui se profile.
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