JN01053 Rue d’Alsace-Lorraine avec Elodie et d’autres rencontres
Lundi 25 juin 2001
le lendemain de cette soirée de dingue dans les vestiaires du terrain de rugby, je me réveille mal en point. C’est d’abord à cause de la fatigue causée par une nuit agitée, par un sommeil entrecoupé de longs moments de veille pensive. Ensuite, à cause des courbatures, le prix à payer quand on abuse de son corps. Et pour terminer, à cause du malaise profond qui s’insinue partout dans mon être. Quel est le véritable Jérémie ? Celui qui commence timidement à accepter que je l’embrasse ou celui qui me quitte sans un mot, comme un voleur, après avoir tiré son (double) coup ?
Il est 9 heures du mat et les bruits de la maison vont bon train. Maman s’affaire en bas à ses occupations quotidiennes et je sais que je n’arriverai pas à retrouver le sommeil. Je n’ai pas envie de me lever, je n’ai envie de rien. Si, d’une chose j’ai envie.
J’allonge le bras vers ma table de nuit, je saisis mon portable. Mon cœur s’emballe à l’instant où je vois le symbole d’un message affiché à l’écran. Je commence illico à me faire des films. Ça pourrait être un message de Jérém. Je suis tellement excité que je fais plusieurs fausses manips’, je manque même de l’effacer, avant d’arriver à l’afficher. Mon excitation tombe lourdement s’écrasant sur la surface dure d’une réalité beaucoup plus prosaïque. C’est juste la notification de ma conso mobile du mois.
Oui, d’une seule chose j’ai envie ce matin-là : de voir Elodie. Je lui envoie un SMS. Je sais qu’elle est en vacances jusqu’à la fin du mois de juin. Je lui propose de nous voir et de passer la journée ensemble.
Elle est partante. J’ai envie d’être avec elle. J’ai envie de retrouver son humour, sa joie de vivre, ses blagues, notre complicité. Et détourner mon attention de ma frustration, de mon angoisse, de ma peur de ne pas le revoir, de mon désespoir à faire évoluer ma relation avec Jérém.
Accompagner ma cousine faire du shopping, ce n’est pas la première passion de ma vie. C’est pourtant la corvée qu’il me faut assumer aujourd’hui si je veux passer la journée avec elle. Elodie a décidé de faire une à une les boutiques du centre-ville et il n’y a pas eu moyen de lui faire changer de programme. Alors, pendant qu’elle passe un temps fou à regarder, essayer et discuter, je m’adonne à une occupation qui est loin d’être désagréable.
Toulouse est une ville qui a tant à offrir lorsqu’on est passionné de beauté masculine. De plus, l’été est là. Et les beaux t-shirts mettant en valeur de jolis corps sont de sortie. Je regarde les garçons défiler dans la rue et je ressens une douce sensation de bien-être s’emparer de moi. Je les regarde défiler devant mes yeux, avançant chacun dans sa propre vie, une vie qui m’est totalement inconnue, avançant droit devant eux sans se rendre compte que leur simple présence d’un instant, leur passage dans la rue, a amené une note de bonheur dans l’esprit d’un garçon qui aime les garçons.
Certes, personne ne porte aussi bien un t-shirt moulant que mon beau brun. Ma mémoire me ramène l’image de mon Jérém se rhabillant après la douche dans les vestiaires, avec son beau jean délavé et ce t-shirt noir moulant à se damner. Mais il faut bien admettre que le bogoss pullule dans les rues de Toulouse.
Et comme si l’image seule n’était pas suffisante pour troubler mon esprit, voilà qu’une traînée de parfum ou de déo vient me rappeler par surprise que le charme masculin a un effet ravageur sur le jeune homme de 18 ans que je suis.
La corvée boutiques se poursuit. Elodie est incroyable. Si on l’écoute, on trouverait le moyen de faire toutes les boutiques de la rue d’Alsace-Lorraine. On n’a même pas pris le temps de manger un bout ! Il est déjà 14h30 et mon estomac crie famine. Je dois la traîner presque de force dans un bar pour enfin se poser un moment.
Nous avalons notre « repas », un pauvre sandwich sur le pouce, et nous repartons aussitôt vers les boutiques. A cinq heures de l’après-midi, je suis carrément sur les rotules. J’ai l’impression que nous avons tellement sillonné les trottoirs de la rue d’Alsace-Lorraine qu’on a fini par les user.
« Mate un peu ce type qui est en train d’approcher, j’entends Elodie me lancer, ça c’est carrément le genre de gars qui me fait craquer. »
Je suis son regard, fixé au loin sur le trottoir devant nous et je capte le mec en question. Un mètre 70, des épaules larges, carrées, un torse solide, habillé d’un t-shirt marron dont les manchettes soulignent ses biceps musclés. Une démarche et une attitude tout naturellement viriles, sexy sans même l’intention de l’être. Un vrai bogoss, un bogoss nature.
« Moi aussi je le trouve craquant. Et c’est un pote.
— Tu le connais ?
— Oui, c’est le meilleur pote de Jérém. »
Thibault nous a vus à son tour, et son beau sourire est notre premier contact.
« Salut » il nous lance. Sa voix est comme une caresse pour mes oreilles. Apaisante et rassurante. Tout comme son allure. Car tout en lui respire le calme, la force et l’équilibre.
Je regarde ses cheveux châtains en bataille, son duvet de barbe, sombre bien que rasée de près, contrastant avec la couleur de peau plus claire du reste de son visage.
« Salut » je finis par lui répondre pendant qu’il fait la bise à Elodie. Nos mains se rencontrent dans une poigné puissante.
« Ça va ? » il me lance, sur un ton enjoué qui me met de bonne humeur.
« Oui, ça va, et toi ?
— Alors, ce bac, ça s’est bien passé ? » il enchaîne, les yeux plantés dans les miens, le regard solaire, bienveillant. Ah, qu’est-ce qu’il est sexy ce gars !
« Pas trop mal, on verra bien lundi à la publication des résultats.
— Et pour ce branleur de Jérém, ça va être bon aussi ?
— Je pense. Enfin, j’espère.
— Vous avez pas mal révisé, alors ça doit pouvoir le faire. »
Un frisson parcourt mon dos à l’évocation de nos révisions par Thibault.
« Je ne sais pas trop comment ça s’est passé pour lui. Depuis le début des épreuves je ne l’ai pas trop vu. »
Enfin, si, je l’ai vu pendant le bac, et de très près même. Je l’ai vu pendant le bac et même après le bac. Mais à chaque fois ce n’était pas dans des circonstances très propices à parler… bac.
« Vous faites quoi ce week-end ? il me questionne.
— Je ne sais pas trop. Et vous ?
— Je pense que l’on va aller au KL, comme d’hab.
— Tiens, ce samedi on pourrait se faire une soirée en boîte, je lance à ma cousine.
Elle n’a pas vraiment l’air ravie.
— Ça fait un petit moment que je ne suis pas sorti en boîte, depuis la soirée au Shangaï, j’insiste pourtant.
Je me souviens bien de cette soirée. C’est la fois où Jérém s’est battu pour me défendre de ce type saoul qui voulais me cogner parce mon regard l’avait chatouillé.
Thibault marque un petit silence, comme s’il voulait te demander quelque chose mais qu’il n’osait pas. Je me dis qu’il voudrait assurément me demander ce qui s’est passé ce soir-là, parce que Jérém n’a pas dû lui en parler. Mais je devine que ce n’est pas le bon moment. Je me dis qu’on pourra en parler une autre fois, quand vous ne serez que tous les deux.
— En tout cas, samedi soir Jéjé et moi nous serons au KL. Peut-être que nous verrons là-bas, il me glisses.
— Peut-être, oui…
Jéje. Ce petit surnom m’émeut car il me parle de leur complicité, de leur amitié, de leur vécu commun. Jéjé est le petit nom avec lequel Thibault appelle son meilleur pote depuis un temps que je devine remonter à leur enfance. Oui, Jérémie est « son » Jéjé à lui, tout comme il est « mon » Jérém à moi. Ces petits surnoms sont des raccourcis qui nous rapprochent, chacun à sa façon, de lui.
— Tu sais ce qu’il fait en ce moment ?
— Il s’est fait embaucher dans une brasserie à Esquirol en tant que serveur.
— Jérém travaille ? je demande, mi étonné, mi agacé par le fait que Jérém n’ait pas pensé à m’en parler.
— Il t’a pas dit ?
— Non, non…
— Il a commencé ce midi. J’allais justement le voir là-bas, conclut le beau mécano.
Mon Jérém serveur. Ce n’est pas exactement le genre de boulot dans lequel je l’aurais imaginé. Mais bon, quand j’y pense, ça tient la route. Avec sa belle gueule, il va faire des ravages.
J’essaie d’imaginer mon beau brun en tenue de serveur, beau et sexy comme pas permis, en train de se balader entre les tables, parmi les clients et les clientes qui ne peuvent détacher le regard de lui.
J’imagine les mille occasions de coucheries supplémentaires que ce taf pourrait lui offrir, et je ressens un violent pincement au cœur. Je me dis que parmi les mecs et les nanas qui vont le trouver beau et attirant, il y en aura bien qui oseront franchir le pas et lui faire des propositions. Je sens la jalousie s’emparer de moi, envahir mon esprit, brouiller ma tête.
C’est ma cousine qui me ramène sur terre lorsqu’elle me balance :
« Mon Dieu, qu’est-ce qu’il est sexy ce gars… avec ses bras puissants et son regard à la fois doux viril !
— Tu le reverras samedi en boîte.
— Bien essayé, cousin ! Mais c’est hors de question que je passe la nuit de ce samedi à me faire casser les oreilles au KL pour mater le beau cul de quelques mecs.
— Allez, Elodie !
— Tu iras tout seul mater tes beaux mâles.
— S’il te plaaaaaaaaîîîîîît !
— Tu as des nouvelles de ton beau brun depuis votre petite incartade à la piscine ? » elle enchaîne.
Je n’ai pas envie d’affronter cette longue discussion. D’autant plus que depuis la rencontre avec Thibault, mon esprit est tout entier happé vers ce resto inconnu, vers cette brasserie inconnue où j’imagine le charme de mon beau brun à pied d’œuvre pour faire rêver et fantasmer des client(e)s désormais fidélisé(e)s à la maison.
« Non, pas vraiment, je mens pour avoir la paix.
— C’est ça les mecs. Ça baise et puis ça ne donne plus de signes de vie ! »
J’entends à peine ses mots. J’ai de plus en plus envie de faire demi-tour et de courir à Esquirol. Mais pourquoi je n’ai pas proposé à Thibault d’y aller avec lui ? Elodie aurait compris. Très vite, mon désir d’aller voir Jérém devient insupportable. Je ne tiens plus en place.
« Elodie…, je fais, fébrile.
— Oui, cousin ?
— J’ai…
— Oui, je sais, t’as envie d’aller mater ton Jérém en tenue de serveur ! »
Commentaires
ZurilHoros
23/06/2020 18:44
Alors donc Thibaut ressemble à la photo de Herb Ritts… Je vois. 1.70m. Il est plutôt gentil.
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