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JN01004 Envie de Jérémie pendant les cours

Jeudi 3 mai 2001

Le lendemain de ce premier après-midi de baise avec le beau Jérémie, je me rends en cours très impatient de le revoir et surtout de tenter de savoir s’il a envie de recommencer.

Oui, je suis impatient, mais aussi un peu dérouté.

Le bogoss a bien précisé que je devais rester discret, que personne ne devait savoir, sous peine de me faire défoncer la gueule.

Alors, quelle attitude adopter ? Comment me comporter avec lui après ce qui s’est passé ? Faire comme si de rien n’était ? L’éviter ? Attendre et voir d’abord son comportement à mon égard ? Comment savoir s’il a envie de recommencer ?

Guidé par la profonde naïveté qui était la mienne à cette époque, je me dis que cette bien sympathique « révision » pourrait nous rapprocher, qu’une sorte de complicité pourrait prendre la place de la distance qu’il m’a montrée jusque-là.

Oui, j’étais un jeune garçon rêveur, dérivant au milieu de son plus beau rêve. Et je rêvais les yeux ouverts.

Dès mon arrivée au lycée, je balaie de mon regard fébrile l’espace autour de moi, le cœur qui bat à mille à l’heure, impatient de capter sa plastique de fou.

Je le retrouve à sa place habituelle dans la cour, à côté des scooters, en train de discuter et déconner avec les camarades, en train de fumer une clope. Le bogoss a l’air tout à fait naturel, comme si rien ne s’était passé hier après-midi.

Alors que moi, je suis tout chamboulé. J’ai l’impression d’avoir le dessin de ses abdos imprimé sur le front, comme si on pouvait lire sur ma peau ce qui s’est passé la veille. J’ai l’impression d’avoir l’air d’un mec qui s’est fait divinement dépuceler.

Un t-shirt noir col rond, parfaitement coupé, nouveau coton fin sculptant le relief de ses pectoraux et dessinant avec une précision redoutable la forme en V de son torse de rugbyman. Un short camouflage, des chaussures de couleur rouge intense, tout comme sa casquette, rouge et estampillée du logo Ferrari : un cheval cabré, certainement un étalon, presque une métaphore de cette puissance sexuelle avec laquelle il m’a retourné, au sens propre comme au sens figuré, lors de notre première « révision ».

Bref, voilà sa tenue, un ensemble comme toujours très simple mais tellement masculin, redoutablement sexy.

Mon regard prend un plaisir intense à se balader entre sa chaînette posée sur le coton noir, le petit grain de beauté dans le cou juste au-dessus de la ligne du col du t-shirt, et le tatouage dessiné juste en dessous de la manchette gauche, gravé sur cette peau mate que je sais désormais être d’une douceur incroyable.

Brun, jeune, musclé, débordant de virilité, un sourire ravageur, Jérémie est vraiment trop bandant.

Le fait est que tout en lui – sa plastique de fou, sa bonne petite gueule, ses attitudes de mec, sa réputation de tombeur de nanas – appelle violemment au sexe. Plus qu’un appel, c’est un cri insupportable. Définitivement, ce mec est né pour faire l’amour.

Au fil des années, j’ai fini par lui donner un surnom, dans ma tête : « Mr Sexe ». Et maintenant que j’ai goûté à la puissance sexuelle de « Mr Sexe », je n’ai qu’une envie, de me mettre à genoux devant lui et de le sucer.

Je le regarde serrer des mains, faire des bises à ses potes, déconner avec. Je le regarde, assumant parfaitement ce corps de fou, sa petite gueule à faire jouir d’urgence, cette canonitude hors normes, se faufilant le plus naturellement du monde dans l’épais faisceau des fils invisibles que sont les désirs violents qu’il inspire. Je suis fasciné par sa façon d’évoluer avec nonchalance à travers la jungle dense de regards qui se posent sur lui à chacun de ses pas, qui essaient de le retenir, d’attirer son attention. Je suis interloqué par sa façon d’être à la fois sensible (car il sait bien à quel point il plaît) et imperméable à ces regards (car il sait très bien faire semblant de les ignorer).

Je n’arrive pas à comprendre comment son attitude arrive à exprimer à la fois autant de conscience de son charme hors normes, le sentiment assez exceptionnel d’être constamment le plus beau mec à l’horizon, et autant d’aisance et de naturel à l’assumer.

Je sais parfaitement ce que ça fait d’être considéré comme le mec qui ne « compte pas », le camarade qu’on ne calcule pas, le dernier à être choisi pour former une équipe de foot lors des cours de sport, celui qui a l’air tellement « pas dans le coup » qu’on ne lui propose même pas le tarpé qui circule dans une soirée, celui qui est pointé du doigt comme étant pd, tout simplement à cause de sa timidité, de son manque de passion pour les sports et toute autre activité « de mec », ou bien parce qu’il n’arrive pas à empêcher son regard de se balader là où « il ne devrait pas ».

Mais comment un super bogoss vit-il son statut de « mégabombasse », comment vit-il sa popularité ? Comment, quand on est un tel canon de mec et qu’on en a, à l’instar de Jérém, pleine et parfaite conscience, comment vit-on cela au quotidien, au plus profond de soi-même, comment vit-on le fait de voir tant de regards et de désir se poser sur soi ?

Ça fait quoi d’être aussi en vue que Jérémie, aussi respecté, d’être presque tout le temps nommé capitaine de l’équipe et pouvoir choisir ses coéquipiers, d’être celui qui est toujours « dans le coup », celui qui est admiré, désiré ?

À l’époque, je me suis souvent posé ce genre de questions.

Plus tard, j’arriverai à la conclusion que si un mec comme Jérémie peut être pleinement conscient de son charme et des désirs qu’il inspire, il n’est pas du tout certain qu’il soupçonne l’existence de ce frisson insoutenable que sa vision provoque dans certains êtres, les plus fins gourmets de la beauté masculine. Est-il conscient des remous que sa beauté provoque dans la sensibilité de ces esprits passionnés ?

Comment pourrait-il l’être ? Comment pourrait-il, si au moins une fois dans sa vie il n’a pas ressenti ce truc déroutant, ce désir qui coupe le souffle, qui happe l’esprit tout entier, ce désir qui est d’autant plus exacerbé qu’il s’accompagne de l’insupportable certitude de l’inaccessibilité de l’autre ?

Peut-être qu’un bogoss comme Jérém doit ressentir d’autres frissons, celui du défi qu’il se lance à chaque fois qu’il repère une « proie », puis celui de sentir cette même « proie » tomber dans les filets de son charme tout puissant, avant de la sentir soumise à ses envies et ses désirs.

Mais se rend-il seulement compte à quel point sa simple présence est à la fois un bonheur sans limites et une brûlure cuisante ?

Est-ce qu’il a un jour senti un truc aussi bouleversant pour quelqu’un, un truc si puissant et dévastateur que celui que j’ai ressenti dès le premier instant où je l’ai vu, un truc qui est comme une révélation ?

Non, je ne peux pas l’imaginer. Pour un mec comme lui, c’est normal de désirer les nanas. Un mec comme lui, n’a qu’à claquer les doigts pour assouvir son désir. Ainsi, le désir ne demeure pas assez longtemps inassouvi en lui pour qu’il puisse ressentir ce que ressent un homo attiré par un hétéro canon qu’il n’aura jamais.

« Salut » je lui lance en classe, tout en esquissant un petit sourire.

« Salut » il me jette froidement, en passant son chemin.

Bah, me voilà fixé. Pour la nouvelle complicité, on repassera. J’ai l’impression que notre petite galipette va plutôt amener une nouvelle froideur entre nous.

Cinq minutes plus tard, le cours de philo démarre. Je ne peux décoller les yeux de lui, je n’arrive pas à décrocher mon regard de ce corps magnifique qui m’a donné tant de plaisir la veille.

Et je n’arrive pas encore à croire qu’hier après-midi ce beau mâle m’a laissé accéder à sa sexualité, qu’il m’a fait ce cadeau. Ma bouche se souvient de la puissance de ses assauts, elle garde le souvenir de la vigueur de ses jets et de son goût de jeune mâle. Mes doigts, ma langue et mes fesses conservent le souvenir du contact avec sa peau, avec la raideur puissante de son manche. Et mon entrejambe vibre encore de l’écho de ses coups de reins.

Je sens ma queue gonfler dans mon boxer rien qu’en y repensant.

Assise à côté de lui, voilà Anaïs, sa copine du moment. Si elle savait !

Je la regarde et je me surprends à me demander comment le bogoss lui fait l’amour. Est-ce qu’il est aussi macho avec elle qu’avec moi ? Est-ce qu’il la traite de salope ? Est-ce qu’il est aussi directif, aussi dominant ?

Je la regarde et je l’imagine en train de le sucer, en train de s’offrir à lui, images d’horreur. Je me demande si le bogoss prend avec elle autant de plaisir qu’il semble en avoir pris avec moi. Est-ce qu’elle lui offre tout ce dont il a envie, comme je me sens prêt à le faire moi-même ? A l’évidence non, puisqu’il va voir ailleurs. Et tant mieux pour moi…

Evidemment, le cours de philo est le cadet de mes soucis, car mille questions fusent dans ma tête et monopolisent mon attention.

C’était quoi au juste ce qui s’est passé hier ? Rien qu’un coup sans lendemain ? Une curiosité, un « juste pour voir » ?

Je sais que ce mec est un mec à nanas, et qu’il enchaîne les aventures. D’ailleurs, c’est bien la première fois que je lui connais une copine pendant plusieurs semaines.

Je me demande si, au moins, j’ai été le premier mec pour lui, tout comme lui il l’a été pour moi. Je me dis qu’un mec comme lui pourrait se taper n’importe qui. Qu’en est-il des vestiaires de rugby ? Je me souviens avoir entendu que, parfois, dans les douches, il se passerait des choses entre mecs. Est-ce que Jérémie a déjà essayé le sexe entre garçons ? Il semblait bien à l’aise hier après-midi, très sûr de lui…

En attendant, rien que le fait de le regarder assis à son banc est un pur bonheur. Négligemment appuyé au dossier de sa chaise, le buste incliné, les jambes allongées et croisées sous la table, le t-shirt tendu sur son torse parfait, la petite chaîne abandonnée sur le coton noir, ses pecs ondulant au rythme de sa respiration ample et paisible, le regard fixé vers un point indéfini : à ce moment précis, tout ce qui constitue pour moi la beauté du monde est là, sous mes yeux.

Ce mec est une bombe ; et la petite brise qui rentre par les fenêtres ouvertes et caresse ma peau, c’est l’« étincelle ».

Et à un moment, tout cela s’embrase. Je sens exploser en moi une excitation qui part de mes tétons, une vibration qui se propage à mon nombril, à mon ventre, à ma queue jusqu’à irradier entre mes fesses là où le souvenir du premier passage de son manche est encore très vif. Mon désir est brûlant, mon envie de lui totale, ma queue dure comme un piquet. J’ai l’impression que ma peau est en feu, que mon visage est en feu, je ressens un besoin viscéral de lui sauter dessus.

Je suis complètement absorbé dans mes pensées, je dois avoir l’air totalement ailleurs. Lorsque la prof de philo finit par me rappeler à l’ordre, j’ai du mal à redescendre. J’entends quelques ricanements monter du fond de la classe. Je commence à transpirer à grosses gouttes. Heureusement qu’elle s’est limitée à me tirer de mes rêveries, gentiment, avec un brin d’humour. Sans relever, bien qu’elle l’ait peut-être remarqué, que je n’arrive pas à détacher les yeux du beau Jérémie qui m’accapare bien plus que son cours…

Le problème c’est que, lorsqu’on regarde quelqu’un fixement, on finit immanquablement par attirer l’attention des gens qui nous entourent. Ce qui peut devenir très gênant, aussi bien pour le mateur que par le maté, et créer de sérieux problèmes.

C’est même souvent l’un des obstacles les plus redoutables auxquels ont doit faire face en tant qu’homo, celui de savoir doser l’attention qu’on porte à un bogoss, sous peine en effet de nous attirer son hostilité.

Oui, lorsqu’on regarde quelqu’un aussi fixement, on finit immanquablement par attirer son attention. C’est ainsi qu’à un moment, je finis par rencontrer son regard de b(r)aise.

C’est inattendu, et presque violent, je suis sidéré de voir dans ses yeux, en lieu et place de son sourire charmeur, un regard bien noir qui ne signifie qu’une seule chose, à savoir, qu’il faut que j’arrête de le mater, et tout de suite !

Putain que je suis con, je l’ai vexé. De plus, j’ai l’impression que tout le monde a remarqué mon manège. J’ai envie de disparaître plusieurs mètres sous terre. J’aurai dû me maîtriser, mais c’est plus fort que moi : je crève d’envie, d’envie de lui, d’envie de ses envies à lui.

Pendant la pause, j’ai l’impression qu’il m’évite. Toujours pendant la pause, je le vois rouler un patin à Anaïs. Je me surprends à éprouver un sentiment violent et jamais encore ressenti avec une telle puissance viscérale : la jalousie.

Mais ce qui me trouble encore plus, c’est le fait de reconnaître dans le regard de cette fille le même désir qui fait vibrer mon corps à la simple vue de Jérémie. Je la déteste.

Cerise sur le gâteau, cet après-midi-là, nous avons Sport. Les exercices d’échauffement, la course, le foot, autant d’occasion de solliciter mes muscles endoloris, de me rappeler ce que j’ai vécu la veille. Autant de malaise, plus encore que d’habitude, à trimballer mon corps maladroit, à supporter les regards, les quolibets, alors que j’ai l’impression que tout le monde sait, ou devine, ce qui s’est passé hier après-midi.

Oui, le cours de sport, autant de violences que je suis obligé de m’infliger pour éviter Jérémie, son regard, sa proximité ; alors qu’une attirance inouïe, renforcée par le lien sensuel que cette première révision a tissé entre nous, me ramène à lui sans cesse.

Le cours de Sport est un calvaire qui trouve son apothéose dans le moment des vestiaires, surtout des vestiaires d’« après », le plus redouté. Les vestiaires, c’est le regarder se dessaper, voir son torse exhibé avec nonchalance, mater la bosse de son boxer, la proximité avec ce corps dont je connais désormais les moindres recoins, les envies, le plaisir.

Je ne veux pas le regarder, car je suis profondément gêné par son torse dénudé. C’est con, mais j’ai l’impression que les camarades pourraient faire le rapprochement entre le dessin de ses abdos et ce même dessin, imprimé sur mon front.

J’essaie de ne pas le regarder, mais je ne peux pas. Je le regarde disparaître dans les douches, je l’entends passer sous l’eau. Et je le vois revenir, une serviette autour de la taille, portée bien basse sur les hanches, à hauteur du pli de l’aine. Elle est tellement basse que son diabolique chemin du bonheur est totalement dévoilé, que les premiers poils de son pubis dépassent.

Non, je ne peux pas ne pas le regarder, je suis subjugué par ce mec.

Ma contemplation est tellement insistante, qu’à un moment nos regards finissent à nouveau par se croiser. Le sien est bien noir, et il contraint le mien à se détourner.

J’ai attendu toute la journée un signe de sa part, en vain. A la fin des cours, je le vois partir avec sa pouffe, je le regarde disparaître dans la rue.

Le soir, dans mon lit, pendant que je me branle pour trouver le sommeil, je me dis que je n’ai été pour lui qu’une aventure sans suite ; et que, de toute manière, j’ai tout gâché avec mon comportement, mes regards qui ont fini par l’agacer.

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