Bienvenue sur le site Jérém & Nico

Auteur/autrice : fabien75fabien

  • JN0306 Le seul moyen de se délivrer de la tentation…

    JN0306 Le seul moyen de se délivrer de la tentation…

    Lundi 22 avril 2002.

    Le lendemain, en cours, je n’arrive pas à cesser de penser au complexe faisceau d’émotions que j’ai ressenties pendant la rencontre avec Thibault. J’ai éprouvé beaucoup d’admiration et d’estime pour ce garçon qui a le courage d’assumer ses responsabilités si jeune, j’ai été ému de le voir si heureux avec son petit Lucas dans les bras. Mais j’ai aussi ressenti quelques craintes pour son avenir.
    Je repense à cette double image que je me fais de lui, à la fois adorable jeune papa comblé, mais aussi jeune garçon en quête de son bonheur sentimental et sensuel. Cette double image est touchante, attendrissante.
    Mais ce qui me trouble le plus, c’est ce « quelque chose » que j’ai une nouvelle fois ressenti entre nous. Un « quelque chose » qui est plus fort et plus complexe que l’amitié, sans être pour autant de l’amour. C’est une affinité dans laquelle il y a beaucoup d’affection, de bienveillance, d’estime réciproque. Mais aussi, pourquoi le nier, de l’attirance, du désir. Comment ne pas être ému, comment ne pas être « mis en émoi », comment ne pas être émoustillé par un gars aussi beau, aussi charmant, aussi charismatique, aussi bon, que mon pote Thibault ? Il faudrait être de marbre. Et encore…

    Du côté de Thibault, je ne sais pas vraiment ce qui le touche en moi. Peut-être qu’il voit en moi un gars qui n’a pas honte de se montrer tel qu’il est. Il apprécie peut-être la belle complicité née lors de notre première rencontre. Il se souvient peut-être du plaisir et de la sensualité que nous avons partagés lors de la nuit que nous avons passée ensemble chez Jérém il y a bientôt un an.
    Je suis à la fois flatté et ému par le fait qu’il puisse penser que dans une autre vie, dans un autre univers, il aurait pu se passer quelque chose entre nous. Et je ne peux pas dire sans mentir que, dans une autre dimension spatio-temporelle, cette possibilité ne m’aurait pas déplu. Malgré ce que je ressens pour Jérém, ce gars me touche et m’émeut au plus haut point, en tout point.

    Est-ce que l’on peut ressentir ce genre de sentiments pour un gars qu’on prétend être un pote lorsqu’on prétend également être amoureux de quelqu’un d’autre ? D’aucuns diront que non. Mais quand on a la chance de côtoyer un gars comme Thibault, je pense que la réponse est bien plus complexe à donner que ça.

    Mais au final, tous ces sentiments flottent dans une immense tendresse, et dans un respect de l’amitié qui fait bien de l’ombre à tout le reste.

    « Etes-vous fidèles ? me questionne Albert au détour d’une conversation pendant laquelle j’en suis venu à parler de mon P’tit Loup.
    —    Je peux parler pour moi… je le suis, depuis l’accident de capote… quant à Jérém, j’espère qu’il l’est aussi… il m’a dit « je t’aime « , alors je pense que… ».

    Tu t’appelles Jérémie Tommasi et dans cette grande ville qu’est Paris, dans la position où tu es, beau garçon évoluant dans un milieu sportif, tu attires les regards, tu attises les désirs. Tu les sens ces regards, dans les soirées, dans le stade, à la fac, dans la rue, partout où tu te balades. Les regards des nanas, tu y as été sensible très tôt. Quant aux regards des garçons, tu les as longtemps ignorés. D’abord, parce que tu ne les voyais pas, puis parce que tu ne voulais pas les voir. Jusqu’au jour où il t’est devenu impossible de les ignorer. Et plus ça va, moins tu arrives à les ignorer.
    Et tes regards, où vont-ils tes regards ? Vers les garçons qui te regardent, bien entendu. Et même, parfois, vers ceux qui ne te regardent pas. Pour toi qui n’as jamais eu de mal à emballer des nanas, pour toi qui as très tôt appris à te sentir irrésistible, c’est frustrant de te sentir ignoré par quelqu’un qui te fait envie. Tu as très vite remarqué qu’il y a des garçons sur lequel ton charme opère. Mais il y en a, hélas, et ce sont notamment ceux qui attirent ton regard, sur lequel ton charme n’a aucune prise. C’est le lot des gars comme toi, les gars qui aiment les gars et qui sont parfois, souvent, attirés par des gars qui ne sont pas comme eux.
    Tu essaies de rester discret, mais tes regards vont aussi vers les douches des vestiaires. Ils vont toujours vers les mêmes « cibles ». Car, si tu aimes les garçons, tu n’aimes pas tous les garçons. Et parmi ces « cibles », il y en a une qui t’émoustille en particulier. Tu sais qu’il ne se passera jamais rien entre lui et toi, mais tu ne peux t’empêcher de poser ton regard sur lui. Tu ne te lasses pas de le regarder, surtout lorsqu’il est nu. Son torse te fascine, son regard te transperce, sa chevelure et sa barbe blondes, tu trouves ça sexy à un point insoutenable. Tu le trouves vraiment beau, et tu trouves qu’il dégage une sensualité et un charme qui te font un effet de dingue.
    Est-ce que l’on peut ressentir ce genre de sentiments pour un gars qu’on prétend être un pote lorsqu’on prétend également être amoureux de quelqu’un d’autre ?
    Côtoyer un gars comme Ulysse peut rendre la question à cette réponse assez difficile à donner.

    « Je pense qu’on peut profondément aimer quelqu’un et ne pas savoir résister à une tentation » fait Albert .

    Alors, Mr Tommasi, et Nico, dans tout ça ?
    Quand tu es avec Nico, et même quand tu penses à Nico, tu es heureux. Car tu es bien avec lui. Et tu es bien avec Nico parce que tu sens qu’il t’aime malgré tes failles, ton inconstance et ton incapacité à t’assumer.
    Mais Nico n’est pas là. Tu voudrais parfois qu’il soit là. Mais tu sais aussi que tu ne pourrais pas assumer une vie commune, un quotidien, une routine. Et encore moins les regards. Et surtout pas les conséquences que cela entraînerait.
    Cette histoire d’invitation au mariage de la cousine de Nico t’a fait te poser des questions. Non, tu n’es vraiment pas prêt pour ça, pour la famille, les repas, les présentations. Est-ce que cette vie va te convenir un jour ? Est-ce qu’un jour tu vas arriver à t’assumer jusqu’au bout ?
    Tu te dis aussi que tu es encore trop jeune pour ça, et que tu n’es pas prêt à te caser, à renoncer à ta liberté.
    Quand tu lui as dit « je t’aime », tu avais certes un peu bu, mais tu savais ce que tu faisais, et tu le pensais vraiment, tu le ressentais vraiment. Quand tu es avec lui, tu ressens son amour, et celui que tu lui portes. Quand tu es avec Nico, tu oublies toutes tes peurs, et tu te sens vraiment bien.
    Mais quand tu es seul à Paris, tu n’es pas le même gars. La solitude te pèse, et elle te pèse encore plus depuis qu’au rugby ça ne se passe pas très bien pour toi, depuis que tu te sens sur la sellette, depuis que tu as l’impression de voir ta carrière sportive s’éloigner un peu plus chaque jour.
    Alors, tu as besoin de compenser, tu as besoin de respirer. Te sentir désiré ça te fait te sentir bien, ça remonte ton égo si malmené. Et te sentir désiré par des mecs, tu trouves désormais ça bien plus agréable que te sentir désiré par des nanas. Et renoncer à toutes ces tentations, à toutes ces sollicitations, c’est de plus en plus dur pour toi.

    « Moi je n’ai pas envie d’aller voir ailleurs… je réagis après un moment de flottement.
    —    Mais ton Jérémie doit être très sollicité à Paris, continue Albert.
    —    J’imagine…
    —    Ça te blesserait si tu savais qu’il va voir ailleurs ? Juste pour le cul, je veux dire…
    —    Je voudrais pouvoir dire que non… mais je crois que ça me blesserait, oui… ».

    Mr Tommasi, tu as été toi-même étonné de la piqûre de jalousie que tu as ressentie lorsque tu as réalisé comment le réceptionniste à l’hôtel à Poitiers matait ton Ourson. Parce que ça t’a rappelé le mal que ça t’avait fait de savoir qu’il avait eu cette aventure à Bordeaux.
    Non, tu ne veux pas savoir ce qui se passe dans sa vie quand il n’est pas avec toi. Tout comme tu ne voudrais pas qu’il sache ce qui se passe dans la tienne lorsque tu n’es pas avec lui. Non, tu ne voudrais pas qu’il apprenne ce qui s’est passé avec ce gars qui a voulu te sucer dans les chiottes de la fac, ni avec cet autre dont le regard a aimanté le tien en plein jour et en plein campus, et que tu as baisé en plein après-midi dans son petit studio dans la résidence universitaire.
    Tu culpabilises, mais tu ne peux pas t’empêcher de chercher le contact physique et le bonheur sensuel avec des garçons.
    Des tentations, tu en as partout, tout le temps. Et sans même connaître la célèbre phrase d’Oscar Wilde, tu sais qu’il y a un seul moyen d’en être délivré.

    « J’ai toujours pensé qu’il faut faire la part de l’affectif et du sexuel…
    —    Peut-être…
    —    Je pense que la fidélité n’est pas quelque chose de simple à assumer.
    —    J’imagine bien…
    —    Et l’infidélité non plus ».

    Le soir même, Jérém m’appelle et m’annonce qu’il aurait un créneau pour se voir le lendemain. Il me donne rendez-vous à 17 heures au même hôtel à Poitiers à côté du Futuroscope. Je suis tellement excité et heureux que j’ai du mal à trouver le sommeil. J’en oublie même de brancher mon téléphone pour le charger.

    Le lendemain, je prends la route en début d’après-midi. Je réalise que mon téléphone est presque en panne de batterie lorsque je suis déjà loin de Bordeaux. Je ne veux pas faire demi-tour, je ne veux pas prendre du retard, je ne veux pas faire attendre Jérém. Je ne veux pas me priver d’un seul instant en sa compagnie. Ils sont trop rares, trop précieux.
    Je suis sur place à 17 heures pétantes. Je cherche la voiture de Jérém sur le parking, mais je ne la vois pas. Apparemment, mon beau brun n’est pas encore arrivé. Je regarde mon téléphone pour voir s’il y a un message, mais il est éteint. Je me pointe à la réception, et je retrouve le beau Jonas et son regard fripon, son sourire charmeur, son aisance, ses gestes amples et décomplexés, sa bonne gouaille, son rire léger et sensuel. Sa chemise blanche lui va comme un gant et lui confère une élégance par ailleurs sublimée par sa sexytude naturelle.

    « Mr Tommasi a prévenu qu’il a été retardé, il m’annonce en me tendant la carte magnétique.
    —    Retardé comment ?
    —    A priori il prévoit d’être ici vers 20 heures.
    —    Ah zut…
    —    Ça vous fait un sacré moment à attendre !
    —    Ouais… je fais, un brin contrarié.
    —    C’est très calme à cette heure-ci. Je peux vous offrir un café ?
    —    Pourquoi pas. »

    Je le suis dans le coin bar et le gars commence à me raconter sa journée, ses péripéties avec les clients compliqués.

    J’adore l’entendre et le voir raconter, il a une façon de balancer qui attire l’attention, il est vraiment très drôle. Tout son corps participe au récit, il parle beaucoup avec ses bras et ses mains, il occupe bien l’espace, c’est beau à voir. Quant à son regard, pénétrant, fouilleur, il aimante l’attention. De plus, il sent terriblement bon. Il est vraiment craquant.

    « Je vous ai à nouveau attribué une chambre avec un grand lit… ça va aller ? il me lance, pendant que la machine expresso gronde son effort pour expulser la boisson chaude.
    —    Ça va aller, oui.
    —    Vous êtes très proches, Mr Tommasi et vous.
    —    Oui, c’est un très bon pote. »

    Jonas sourit, malicieux.

    « Ton pote ou… ton copain ? » il me balance sans détour, en passant soudainement au tutoiement.

    J’hésite un peu. Je souris de sa tentative de me faire craquer par le rire, en levant l’un de ses sourcils d’une façon à la fois marrante et plutôt sexy.

    « Allez, tu peux me dire ! C’est pas moi qui vais te faire la morale. Je suis comme vous, mec ! Je n’ai pas honte, parce qu’il n’y a pas à avoir honte !
    —    D’accord, c’est mon copain, oui. »

    Jonas sourit, coquin.

    « Vous êtes très beaux tous les deux !
    —    Merci !
    —    Mais moi j’ai de suite craqué sur toi !
    —    Sur moi ?
    —    Ça t’étonne ?
    —    Un peu… en général c’est sur Jérém que les mecs craquent…
    —    Je ne dis pas que c’est pas un beau mec, même un très beau mec, mais ce n’est pas vraiment mon style. J’aime pas trop les mecs genre « movie star », tu vois ? Je préfère les gars pas super musclés, j’aime les gars simples, naturels, mais grave charmants. Les gars comme toi, quoi…
    —    Tu m’en vois flatté…
    —    Et toi, tu me trouves comment ?
    —    Je ne sais pas, je lâche bêtement, pris de court par sa question très directe.
    —    Tu me kiffes pas ? il me lance, l’air faussement vexé.
    —    La question ne se pose pas…
    —    Pourquoi donc ?
    —    Parce que je viens de te dire que je suis avec Jérém…
    —    Et tu crois que lui à Paris il ne kiffe pas d’autres mecs ?
    —    Je ne sais pas, je ne veux pas savoir.
    —    T’as jamais fait d’écart ?
    —    Si, mais c’est fini maintenant…
    —    Si jeune et déjà si sage ?
    —    Eh ben, oui !
    —    Dommage…
    —    Dommage, quoi ? Je suis bien comme ça.
    —    Dommage pour moi ! Je suis bientôt en pause et je t’aurais bien tenu compagnie pendant une heure. J’ai une petite chambre au dernier étage.
    —    Je suis flatté, vraiment, tu sais. Tu es un très beau mec et, crois-moi, si j’étais célibataire, je ne dirais pas non, sûrement pas. Mais je suis désolé, c’est fini les bêtises pour moi.
    —    Tu ne sais pas ce que tu rates ! il fait, mi frimeur, mi fripon.
    —    J’imagine, mais je m’en remettrai, je plaisante.
    —    Bon, je n’insiste pas. J’accuse le râteau que tu viens de me mettre et il ne me reste qu’à aller soigner mon amour-propre blessé avant qu’il décide de se pendre…
    —    Arrête un peu ton cirque ! Bogoss comme tu es…
    —    Ah, maintenant tu me trouves bogoss ? il me coupe.
    —    Tu ne dois pas avoir de mal à t’amuser, je continue sans faire cas de sa boutade.
    —    En effet, on ne me dit pas souvent non.
    —    Ça t’arrive de coucher avec des clients ?
    —    Ça m’arrive, surtout quand je fais le soir.
    —    Allez, raconte.
    —    Il y a beaucoup de VRP qui crèchent à l’hôtel. Des hommes seuls qui parfois ne sont pas contre à un peu de compagnie dans leur lit.
    —    C’est toi qui les abordes ?
    —    Non, le plus souvent c’est eux. Les regards ne trompent pas, surtout tard le soir. J’ai aussi quelques habitués, des gars qui ne reviennent sûrement pas pour la cuisine dégueu de notre chef…
    —    Eh, ben, on ne s’ennuie pas à Poitiers !
    —    Et comment ! Tu veux voir ?
    —    Non, je te dis !
    —    Une pipe ça ne se refuse pas !
    —    Eh ben, si !
    —    Ton rugbyman n’en saura jamais rien !
    —    Je m’en bats les steaks ! Moi je saurais et je ne me sentirais pas bien. Je ne veux pas lui faire ça.
    —    Tu sais, je te kiffe vraiment bien !
    —    Ça, j’ai compris ! Ça me touche, vraiment, mais…
    —    Mais tu as un mec, et patati et patata. Bon, blagues à part, je respecte ça, t’inquiète. Et ça te rend encore plus sexy à mes yeux.
    —    Merci.
    —    Ceci dit, si jamais ton beau rugbyman ça le branche, je ne suis pas contre le fait de passer un moment avec tous les deux. Pour info, je finis à 23 heures… je dis ça, je dis rien ! »

    Un étrange mélange de sentiments s’agite en moi lorsque je me retrouve seul dans la chambre. Le rentre dedans de Jonas me flatte et me met mal à l’aise, ça m’excite et ça me fait peur, tout à la fois. Je suis à la fois satisfait de ma réaction et frustré par ma réaction. C’est difficile de refuser les avances d’un beau garçon.
    Quand je pense qu’il suffirait que je décroche le téléphone sur la table de chevet pour que le beau Jonas monte et qu’on s’envoie en l’air, je ne peux m’empêcher de commencer à me branler. L’excitation monte, et elle déforme ma volonté. Pourquoi je ne décrocherais pas ce téléphone ? Pourquoi je n’accepterais pas cette pipe offerte de si bon cœur ? Au fond, il a raison, si ça se trouve, Jérém ne doit pas être tout à fait sage à Paris.
    Mais non, je ne peux pas.
    Mais plus je me caresse, plus j’en ai envie. J’essaie de penser à Jérém, au bonheur de faire l’amour avec lui. Le souvenir de la dernière fois où il m’a fait l’amour avant de partir de ce même hôtel un mois et demi plus tôt remonte violemment à la surface de ma conscience, avec toute sa charge érotique, sensuelle. Je revis le plaisir de le sentir coulisser en moi, de me sentir à lui. Je revis son intense grognement de bonheur lorsqu’il est venu, lorsqu’il a fourré son jus en moi. J’ai envie de lui, j’ai envie de ça, de le sentir à la fois très mâle et si doux.
    Mais il n’est pas là.
    Jonas est là, sexy comme pas permis. Bandant. A quelques pas de moi. Et il n’attend que ça.
    Finalement, pourquoi pas un plan à trois avec Jérém ? Est-ce que vais-je oser le lui proposer ? De quelle façon ? Comment va-t-il le prendre ? Est-ce qu’il serait partant ? Est-ce que ça me ferait plaisir qu’il soit partant ou bien je préférerais qu’il dise non ? Est-ce qu’il va mal le prendre ?
    Si je continue à me branler, je vais jouir. Pas maintenant, pas deux heures avant l’arrivée de Jérém !
    Dans un sursaut de volonté j’arrête de me caresser, je referme ma braguette et j’allume la télé. Je zappe et je me fais violence pour ne pas recommencer. Mon excitation se calme un peu lorsque je réalise qu’il est 18h15, que désormais la pause de Jonas est terminée et qu’il m’est à nouveau inaccessible. L’émission de Ruquier m’aide à me distraire pendant une heure. Il est 19h15 lorsque je commence à avoir faim. Et j’ai toujours envie de jouir. Se sentir désiré par un beau mec ouvre l’appétit.

    Il est 20h15 lorsque j’entends la serrure de la porte se déverrouiller. Le battant s’ouvre aussitôt et Jérém apparaît dans l’encadrement. Il est beau comme un Dieu, avec son brushing de bogoss, les cheveux très courts autour de la nuque et sa belle chemise bleu électrique.
    Mais c’est son sourire qui me fait chavirer, son beau sourire à la fois sexy et doux, ce sourire qui me dit à quel point il est content de me retrouver. Je suis amoureux de ce sourire. Je bondis du lit et je le prends dans mes bras. Je le serre très fort contre moi et je l’embrasse, et je le caresse, et je me sens si heureux.

    « Qu’est-ce que je suis content de te voir !
    —    Moi aussi !
    —    T’as fait bon voyage ?
    —    Oui… désolé pour le retard.
    —    Ça fait rien. L’important est que tu sois là !
    —    J’ai essayé de te joindre…
    —    Désolé je n’avais plus de batterie.
    —    T’as eu mon message ?
    —    Oui, le réceptionniste m’a dit que tu avais appelé pour dire que tu avais été retardé.
    —    Ouais, il fait d’un air amer.
    —    Rien de grave ?
    —    Non, t’inquiète… »

    Et là, sans transition, il commence à m’embrasser dans le cou et à défaire ma braguette.

    « Ah, tu vois les choses de cette façon ! je plaisante.
    —    Ça fait depuis ce matin que j’ai envie de ça, il me chuchote.
    —    Ça fait depuis la dernière fois que tu m’as fait l’amour que j’ai envie de ça », je lui réponds.

    Le beau brun m’enlève le t-shirt d’un geste pressant, impérieux, et prend illico mon téton entre ses lèvres affamées. Sa langue musclée et bien mouillée me rend fou. Un instant plus tard, il est à genoux devant moi et il me pompe, alors que ses doigts prennent le relais pour agacer mes tétons, démultipliant ainsi mes sensations, mes frissons, mon délire. Le plaisir se diffuse dans mon corps et dans mon esprit à une vitesse délirante, me submerge.
    Le bonheur de ma queue se mélange au bonheur visuel de voir sa tête au brushing de bogoss s’affairer pour me faire plaisir. Je suis sous le charme de cette belle chemise qui lui va comme un gant, pas trop moulante, juste comme il faut pour mettre en valeur son beau torse. Mon regard essaie sans cesse de plonger au-delà du premier bouton ouvert, de déceler ses beaux poils bruns, la naissance de ses pecs. En attendant, j’apprécie la facture de cette chemise, le revers du col et de la boutonnière en tissu blanc, délicieux contraste avec le bleu électrique.
    Trop vite, je sens approcher l’apothéose de mon plaisir. C’est trop tôt, j’ai envie de donner du plaisir à mon Jérém avant de venir. Je me fais violence pour me retirer de sa bouche, pour me priver des caresses délicieuses de sa langue. Le bogoss avance aussitôt son torse, l’air avide de me reprendre en bouche, comme s’il était lui aussi déçu de cette soudaine privation, comme s’il voulait à tout prix me faire jouir.
    Je stoppe son mouvement en opposant mes mains à l’avancée de ses épaules solides, avant de les glisser sous ses aisselles.
    Jérém suit mon invitation, il se remet debout. Je le plaque contre le mur et je l’embrasse, sur la bouche, dans le cou, je plonge mon nez dans l’ouverture de sa chemise, à l’affût du parfum de sa peau, et je suis aussitôt assommé par la fragrance intense qui remonte dans mes narines et vrille ma conscience. Instinctivement, je plaque ma main contre sa braguette bien rebondie. C’est une envie irrépressible, complètement déraisonnable.
    Pendant que je l’embrasse comme un fou, je défais sa ceinture et sa braguette avec des mouvements fébriles. Je caresse le tissu chaud et rebondi de son boxer, je tâte la puissance de son érection. Je glisse ma main dans le boxer, j’empoigne son manche raide et brûlant, je le caresse, je le branle lentement, je laisse mon pouce traîner légèrement sur le frein pour le rendre dingue. Mon beau brun frissonne, ahane bruyamment. J’ai terriblement envie de le sucer. Mais avant cela, je ne peux renoncer au plaisir de défaire comme il se doit le délicieux emballage de sa plastique virile qu’est cette belle chemise bleue.
    Je suis impatient de le faire jouir, et il est impatient de jouir. Mais je sais que l’attente ne fera que décupler l’excitation et la puissance du feu d’artifice final.
    Alors, je décide de me faire plaisir.
    Le premier bouton déjà ouvert, ainsi que les quelques poils bruns que j’arrive à deviner, semblent demander avec insistance au regard, à mes narines, à ma bouche et à mes doigts de plonger bien plus profondément dans l’intimité du beau mâle.
    J’ouvre le deuxième bouton, je découvre le creux de son cou, ainsi qu’une pilosité un peu plus franche, délicieuse caresse visuelle. Une nouvelle note de son parfum intense me fait vaciller, troublante caresse olfactive.
    Le bouton suivant me laisse apercevoir sa chaînette posée sur la naissance de ses pecs, ainsi qu’une belle pilosité brune. Gifle visuelle. La mélodie de son parfum monte d’une octave, c’est une gifle olfactive qui me secoue de fond en comble.
    L’ouverture d’un autre bouton dévoile ses pecs en entier, me laisse deviner ses tétons. C’est un coup-de-poing visuel. De nouvelles notes tièdes de parfum mâle se dégagent, donnent l’assaut à mes narines sans pitié. C’est un coup-de-poing olfactif, asséné par cette fragrance qui me terrasse.
    C’est trop, je dois faire une pause pour ne pas basculer dans la folie. Je plonge mon visage entre les deux pans à moitié ouverts, je me shoote à la tiède et intense fragrance masculine qui se dégage de sa peau. Et mon bonheur explose comme un feu d’artifice lorsque je sens sa main caresser ma nuque, tout en pressant doucement mon visage contre ses pecs. Là, je me sens carrément perdre pied.
    Je reprends mon fabuleux voyage, et j’ouvre un nouveau bouton. Voilà ses abdos, un tsunami visuel. Les petites odeurs viriles qui se dégagent de cette région me mettent en état de KO olfactif.
    Bon soldat, je continue jusqu’au bout. Un bouton encore et je rencontre son nombril si sexy. Un dernier bouton et je tombe sur cet alignement de petits poils bruns qui semblent indiquer le chemin à suivre pour atteindre le bonheur ultime. L’élastique de son boxer me nargue. Je pose mon nez juste au-dessus, je l’écarte à peine, assez pour humer pleinement la douce tiédeur qui se dégage de sa belle bosse chaude encore enfermée dans sa prison de coton élastique.
    Désormais à genoux devant mon beau Jérém, je descends lentement son boxer. Sa belle queue raide se dresse fièrement devant mes yeux, devant mes lèvres. Je le prends délicatement en bouche et je commence à la pomper sans plus attendre.
    Au gré de mes va-et-vient, agrémenté par de petits coups de reins de sa part, les pans de sa chemise brassent l’air et convoient les effluves de sa peau mate vers mon nez.
    Je retrouve le souvenir d’une autre fois où j’ai eu le bonheur d’ouvrir sa chemise, et de le pomper dans cette tenue, tout en me laissant assommer par la fragrance de sa virilité. C’était dans l’appart de la rue de la Colombette, il y presqu’un an, et la façon de Jérém de prendre son pied à l’époque n’avait rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Il était dominant, et ses coups de reins étaient sauvages. Il est désormais tout aussi viril en étant bien plus doux avec moi, et bien plus attentionné.
    J’ai été fou d’un gars dominant, je suis fou amoureux d’un gars qui exprime désormais sa virilité de cette façon, sans avoir besoin d’en faire des tonnes, tout simplement en étant lui-même, en assumant son plaisir et son envie de faire plaisir.
    Je suis ivre, je suis stone de lui. Je le pompe comme si ma vie en dépendait.

    « Vas-y suce bien ! Je sais que tu adores ma queue ! » je l’entends lâcher dans un râle chargé d’excitation. J’adore sentir qu’il n’a pas perdu ses réflexes de petit mâle.
    Galvanisé par ses mots, je redouble d’efforts pour lui faire plaisir, je m’active comme il aime.

    « Comme ça c’est bon, allez pompe bien ! », il me souffle dans un grognement excité, alors que sa main vient de se poser sur ma nuque, légère mais ferme.
    Ses coups de reins augmentent d’intensité, jusqu’à s’arrêter d’un coup. Jusqu’à ce que je sente son corps se raidir, et que je l’entende me souffler :

    « Je vais jouir…. Et tu vas tout avaler… »

    Bien évidemment, je n’ai pas besoin de son encouragement pour cela. Depuis le temps que j’attends ça ! Mais j’adore toujours autant le sentir m’annoncer la couleur, le sentir exprimer ses envies de mec. Charmante réplique, qui me ramène elle aussi un an en arrière, le jour de notre première révision, l’instant magique et inoubliable où j’ai découvert le goût de son jus.
    Un premier jet puissant percute aussitôt mon palais. Puis un autre, et un autre encore. Je goûte, je savoure, j’avale lentement. J’adore le sucer, j’adore le goût, la chaleur, l’impatience de sa queue en érection, bien excitée. Mais encore plus j’adore le goût de son sperme, le garder dans ma bouche. Je ne sais pas même décrire cette sensation de bonheur que sa jouissance me procure, et surtout dans ma bouche. J’aime l’acte de l’éjaculation dans ma bouche ou sur moi. Et son goût, bien sûr son goût, le goût de l’amour et de la passion. Rien que d’y penser, j’ai envie de lui, tout le temps.
    Son orgasme est tellement puissant qu’il en tremble. Après le passage de la « tempête », le bogoss a l’air assommé de plaisir. Et qu’est-ce qu’il est beau !
    Après avoir repris son souffle, et alors que je viens de me relever pour poser de doux bisous dans son cou, le bogoss me fait me retourner, il crache dans ma raie et glisse sa queue entre mes fesses. Mes chairs s’ouvrent sans opposer de résistance à ce manche puissant qui leur a bien manqué. Sa queue glisse en moi, me remplit, m’envahit. Sa virilité m’assomme. Il commence à me pilonner, tout en me branlant d’une main et en caressant mes tétons de l’autre. Enveloppé par son torse, ses bras et sa virilité bouillonnante, mon orgasme est géant.

    Jérém part s’installer à côté de la fenêtre pour fumer sa clope, et je m’allonge sur lit pour récupérer de mes émotions. Le beau brun regarde par la fenêtre entrouverte. Et moi, je ne peux détacher mes yeux de lui, du gars dont je suis fou amoureux. Je me sens comme ivre du bonheur sensuel qu’il a su m’apporter.
    Mais une note dissonante vient trop vite se glisser dans mon bonheur. Plus je le regarde, plus j’ai l’impression que Jérém est quelque peu soucieux, pensif. Jusque-là, l’excitation avait fait écran. Mais désormais, en ce moment de nudité émotionnelle qui suit l’orgasme, j’ai l’impression de pouvoir lire dans son cœur comme dans un livre ouvert.

    « Ça va, mon Jérém ?
    —    Oui, très bien, il me répond machinalement, sans décoller le regard d’un point inconnu dans le parking de l’hôtel.
    —    A quoi tu penses ? je le questionne.
    —    A rien du tout…
    —    Non, je ne crois pas que tu ne penses à rien, je vois bien qu’il y a quelque chose qui te tracasse.
    —    Mais qu’est-ce que tu vas chercher ?
    —    C’est la raison qui t’a retardé cet après-midi qui te tracasse ?
    —    Lâche-moi, tu veux bien ?
    —    Allez, Jérém, tu sais que tu peux tout me dire ! »

    Il s’ensuit un long silence. Un silence ponctué, côté Jérém, par des taffes à rallonge, par d’interminables expirations. Je vois bien qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, mais je ne veux pas insister, je ne veux pas le braquer. Il m’en parlera peut-être plus tard.

    « Oui, je sais, il finit par lâcher, à ma grande surprise, en écrasant son mégot.
    —    Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
    —    Si je suis à la bourre, c’est parce que le coach m’a convoqué dans son bureau en début d’après-midi.
    —    Et il te voulait quoi ?
    —    Quand un coach te convoque, c’est rarement pour te féliciter. Il voulait me dire qu’il n’est pas content de moi.
    —    Pourquoi, ça se passe mal ?
    —    Ouais, mal. L’équipe n’arrive pas à remonter la pente et je n’arrive pas à jouer comme je voudrais. Ulysse n’arrête pas de me dire que je progresse chaque jour, mais moi, j’ai l’impression de jouer beaucoup moins bien que quand j’étais à Toulouse. En fait, j’ai l’impression que c’est de pire en pire. Plus ça se passe mal, plus je perds mes moyens.
    —    C’est vraiment si grave que ça ?
    —    Le coach m’a carrément dit que si je ne me ressaisis pas d’ici la fin de la saison, il n’y aura plus de place pour moi dans l’équipe la saison prochaine. Je fais tout ce que je peux, je m’entraîne jusqu’à l’épuisement, j’essaie de faire attention à tout, mais ça ne suffit pas, ça ne suffit jamais, il y a toujours des ratés.
    —    Il ne faut pas que tu te décourages. C’est une période de transition, tu dois prendre tes marqu…
    —    Arrêtez tous de dire ça ! Ça fait toute une saison que je cherche mes marques et que je ne les trouve pas ! La vérité est peut-être ailleurs. La vérité est peut-être que je ne suis pas si bon que ça. Peut-être que je devrais tout laisser tomber et me trouver un vrai taf.
    —    Je ne connais pas grand-chose au rugby, certes, mais j’en sais assez pour savoir que tu es un bon, et que tu ne dois pas renoncer à ton rêve. Je sais que tu peux y arriver.
    —    En plus, si je me sors de cette merde, on pourra se voir plus facilement.
    —    Mais je m’en fous de ça ! Bien sûr que je voudrais te voir plus souvent, mais je veux avant tout que tu sois heureux, tu entends ? Et je veux savoir que tu es heureux parce que tu poursuis ton rêve. Je veux te voir te battre jusqu’au bout, je ne veux pas que tu aies des regrets. Tiens bon mon amour, tiens bon. Je crois en toi, je suis ton plus grand fan.
    —    Eh, je ne suis pas Madonna !
    —    Mais tu es le gars que j’aime. Les efforts vont finir par payer, et je suis sûr qu’il y a quelque part un entraîneur et une équipe qui sauront tirer le meilleur de toi.
    —    C’est ce que dit Thibault aussi. Mais c’est facile pour lui de dire ça, pour lui tout marche comme sur des roulettes. Il est dans une grande équipe qui va sûrement gagner le championnat. T’imagines l’exploit ? Il a des chances de soulever le Brennus dès sa première année de titularisation, à tout juste 20 ans ! Son coach, il l’a dans la poche, lui. Moi, je suis dans une équipe de pro D2 qui risque de se retrouver en Fédérale l’année prochaine et je suis quasi certain que je ne serai pas renouvelé…
    —    Tu ne peux pas renoncer au rugby, tu l’aimes trop !
    —    Oui, j’adore le rugby, mais je ne me suis jamais senti autant à côté de mes pompes que cette année. A Toulouse je me sentais bien, j’étais presque une star. Ici, je me sens sans cesse mis à l’épreuve, sur le banc de touche, sur un siège éjectable. Je me sens constamment observé, jugé, je sens qu’on ne me fait pas confiance, et qu’on ne m’apprécie pas vraiment.
    —    Il y a d’autres équipes…
    —    Je n’ai pas envie d’essayer…
    —    Si tu sors du circuit maintenant, tu dis adieu au rugby professionnel !
    —    J’ai l’impression d’entendre Thib ! Vous vous êtes donné le mot ou quoi ?
    —    D’une certaine façon…
    —    Tu lui as parlé ?
    —    Je l’ai vu.
    —    Ah bon ? Et quand ça ?
    —    Pas plus tard que ce dimanche. Tu sais, j’étais au mariage de ma cousine à Toulouse. Et j’avais promis à Thibault de passer le voir quand il m’avait appelé pour m’annoncer qu’il était papa…
    —    Il va bien ?
    —    Il a l’air très heureux d’être papa.
    —    Et son gosse ?
    —    Vraiment très mignon !
    —    Et avec Nath ?
    —    Avec Nath, c’est plus délicat. Thibault a envie d’aller vers les garçons, mais il a peur.
    —    Sa situation est compliquée.
    —    Heureusement, Nath est au courant et elle s’est montrée très ouverte d’esprit.
    —    Il lui a dit ?
    —    Oui…
    —    Et avec toi ?
    —    Avec moi… quoi ?
    —    Il est comment Thib avec toi ?
    —    Il est très sympa, on a une belle amitié.
    —    Et c’est tout ?
    —    Quoi d’autre ?
    —    Il te kiffe, non ?
    —    Je ne sais pas…
    —    Allez Nico, je te rappelle que nous avons fait un plan tous les trois. Je sais que tu le kiffes et je sais qu’il te kiffe…
    —    Quand on a couché avec quelqu’un, il est difficile de ne pas y penser. Mais je suis heureux avec toi et je n’ai aucune intention de gâcher ce que nous vivons.
    —    Vraiment, tu n’as rien ressenti de plus de sa part ? »

    Je ne veux pas lui mentir.

    « Ecoute, Jérém. Oui, entre Thibault et moi il y a quelque chose qui est plus fort que l’amitié. Je ne vais pas te mentir, je l’apprécie beaucoup. Et si je n’étais pas fou de toi, il aurait peut-être pu se passer quelque chose entre lui et moi. Mais je suis avec toi, et je suis bien avec toi. Et Thibault le sait. L’autre jour, il a été très correct, comme toujours. Et comme toujours il a essayé de me rapprocher de toi.
    —    Mais il te kiffe. Et un jour, il risque de craquer avec toi, comme ça s’est passé avec moi ! Et toi tu vas craquer avec lui !
    —    Je te promets que je vais faire attention. De toute façon, Thibault respecte trop ce qu’il y a entre nous, il respecte trop notre amitié et votre amitié. Et puis, après ce qui s’est passé entre vous, je pense qu’il a appris que mélanger le sexe à l’amitié ça peut faire de gros dégâts, et que ça ne le mène nulle part…
    —    Si j’ai mis de la distance entre lui et moi, c’est aussi pour ne pas craquer. Et je pense que tu devrais en faire de même. »

    Tu y penses souvent, Mr Tommasi. Thib était ton meilleur pote, jusqu’à ce que le sexe vous éloigne. Il s’est passé presque un an depuis ce soir d’été, et ça n’a plus jamais été comme avant. Tu sais que ça a été un bon moment, parce que vous en aviez envie tous les deux. Mais après, tu as eu l’impression d’avoir profité de l’ascendant que tu avais sur lui, et tu t’en es voulu d’avoir quelque part « joué » avec ses sentiments. Tu n’avais rien à lui proposer, à part du sexe. Et tu sais qu’il avait besoin de plus. Tu sais qu’il a beaucoup morflé . Et tu n’arrives toujours pas à te débarrasser de ce sentiment de culpabilité.
    Tu as repris contact avec lui depuis, mais ce n’est toujours pas comme avant. Et tu n’as jamais eu le courage de lui parler de ce qui s’était passé ce soir d’été sur son clic clac. Lui parler, pour lui dire quoi ? En attendant, le malaise persiste, et la distance avec.
    Thib est toujours le gars que tu admires le plus au monde, celui qui t’a rendu le sourire lorsque ton enfance était en train d’être abîmée par les adultes, le gars qui t’a permis de devenir celui que tu es aujourd’hui. Mais Thib est aussi le gars qui te fait le plus peur vis-à-vis de Nico. Car tu y penses depuis la nuit que vous avez passée ensemble, Thib pourrait craquer pour Nico, et Nico pourrait craquer pour lui. Et ça, tu ne le supporterais pas, vraiment pas. Et si ça te fait peur, c’est parce que tu t’es parfois dit que Thib serait un bon gars pour Nico, sûrement mieux que toi.

    « Thib est un très bon pote, certainement mon meilleur pote, et j’ai envie de continuer à le voir.
    —    Promets-moi de ne jamais coucher avec lui !
    —    Jérém !
    —    Nico, pas touche à Thib, s’il te plaît. Pas Thib !
    —    Tu es mal placé pour me demander ça !
    —    Je sais. Et je ne suis pas fier de ce qu’il s’est passé. Je n’aurais pas dû, vraiment pas, je lui ai fait trop de mal, et il n’a pas besoin de morfler encore.
    —    Je te promets, je finis par céder. Mais tu n’as rien à craindre de Thibault. Vraiment.
    —    Allez, on va manger un bout avant que le resto ferme », il change de sujet sans transition.

    Je ne veux pas qu’il se fasse des idées, je ne veux pas qu’il se mette à douter, qu’il s’inquiète. Je veux dissiper tous les doutes.
    « Jérém ! Tu as entendu ce que je viens de dire ? j’insiste, tu n’as rien à craindre, aucun souci à te faire ! j’insiste.
    —    Ouiiiiiiiiiiiiiii, on va manger maintenant ! » il coupe net.

    Lorsque nous passons devant la réception pour aller au resto, Jonas nous regarde de façon appuyée, tout en glissant son plus beau sourire fripon, comme une promesse de plaisir. Je sais à quoi il pense, je sais ce qu’il attend. Je suis un tantinet mal à l’aise. D’autant plus que Jérém ne manque pas de remarquer l’insistance de son regard et d’y opposer un regard noir de bobrun contrarié.

    « Il n’arrête pas de te mater, il me lance dès que nous sommes attablés.
    —    Je ne sais pas… enfin… je crois, oui… mais ça n’a pas d’importance.
    —    S’il n’arrête pas je vais lui mettre les pendules à l’heure ! »

    Ça te va bien, Mr Tommasi, de te montrer jaloux. Et pourtant, tu ne peux pas t’en empêcher.

    Est-ce que je vais oser lui parler de sa proposition de plan à trois ? Comment m’y prendre ?

    « Tu le trouves comment ?
    —    Qui donc ?
    —    Le mec de la réception…
    —    Gonflant !
    —    A part ça… je veux dire… il est pas mal, non ?
    —    Vite fait…
    —    Allez, dis-moi !
    —    Il est pas mal… dans son genre…
    —    Et toi, tu kiffes « ce genre » ? »

    Evidemment que tu le kiffes, Mr Tommasi. C’est tout à fait le genre de mec, une bonne tête à claques qui a besoin d’un bon coup de queue pour se calmer, que tu as envie de baiser.

    « Tu veux le baiser ou quoi ?
    —    Je dis juste qu’il n’est pas mal. On a le droit de regarder, non ?
    —    Ouais…
    —    Ça pourrait être sympa d’échanger à propos des mecs qu’on kiffe…
    —    Oui, mais non… »

    Jérém a l’air plutôt fermé à ce sujet. Ça me décourage d’aller plus loin. De toute façon, je ne me sens pas à l’aise pour un nouveau plan à trois. Car si ce genre d’expérience peut paraître marrante sur le papier, elle peut avoir des conséquences fâcheuses. Pour l’avoir expérimentée à plusieurs reprises avec Jérém, on ne sait jamais jusqu’où elle peut nous amener. Et je n’ai franchement pas envie de le découvrir, surtout maintenant que nous ne sommes désormais plus que des simples sex friends.
    Le serveur vient prendre nos commandes et Jérém change aussitôt de sujet. Nous passons tout le dîner à parler de choses et d’autres et je ne me sens pas le cœur de revenir sur le sujet « Jonas ».

    En sortant du resto pour revenir à notre chambre, nous passons à nouveau devant la réception. Jonas est toujours en poste, et il nous souhaite une bonne soirée. Je le remercie et je la lui souhaite à mon tour. J’espère qu’il va se contenter de ça, qu’il va comprendre que mon silence vaut rejet de sa proposition. Mais juste avant que les portes de l’ascenseur ne se referment, je l’entends lancer :

    « Peut-être à tout à l’heure…
    —    Qu’est-ce qu’il vient de dire ? » me lance Jérém dans la seconde, alors que les portes de l’ascenseur se referment.

    Belle façon de ce petit con de Jonas de forcer les choses. Mince, là, il faut que je sois clair avec Jérém.

    « Il faut que je te dise un truc…
    —    Quel truc ?
    —    Au sujet du réceptionniste.
    —    C’est quoi ?
    —    Attends qu’on soit dans la chambre, je vais tout te dire. »

    La porte de la piaule claquée derrière nous, Jérém revient aussitôt à la charge.

    « Il veut baiser avec toi ?
    —    Disons qu’il m’a branché… mais je l’ai vite découragé. Je lui ai dit que je n’avais aucune envie d’aller voir ailleurs.
    —    Tu lui as dit qu’on était ensemble ?
    —    De toute façon, il nous avait repérés la dernière fois.
    —    J’espère qu’il a compris, alors.
    —    Oui… et non…
    —    C’est-à-dire ?
    —    Quand je lui ai dit que je ne voulais pas coucher avec lui, il m’a proposé autre chose…
    —    C’est quoi « autre chose » ?
    —    De nous rejoindre… ce soir… dans cette chambre…
    —    T’es sérieux ?
    —    Oui… il m’a dit qu’il finit à 23 heures et que si on veut…
    —    Et tu lui as dit quoi ?
    —    Mais rien ! Je ne pouvais pas prendre ce genre de décision sans t’en parler avant… »

    Le beau brun réfléchit avec sa cigarette entre les lèvres. Je ne sais pas à quoi il pense, je n’arrive pas à lire dans les émotions contradictoires qui semblent se succéder dans son regard fuyant.

    « Et tu en as envie ? il me glisse après un long silence.
    —    Seulement si tu en as envie toi aussi.
    —    Tu le kiffes ?
    —    Il n’est pas moche, non ?
    —    Ouais…
    —    Il t’inspire quoi ce gars ?
    —    De quoi ?
    —    Je veux dire… s’il était là avec nous… tu aurais envie de lui faire quoi ?
    —    Je ne sais pas…
    —    Allez, dis-moi ! »

    Les mots ne viennent pas mais c’est son corps qui parle en leur place. Sa main caresse sa bosse rebondie. Je le rejoins, j’ouvre sa braguette et je commence à le pomper.

    « Dis-moi ce que tu as envie de lui faire !
    —    Suce et tais-toi ! »

    Je le suce avec bon entrain, il frissonne de plaisir.

    « Allez dis-moi !
    —    Suce ! il m’intime en posant sa main sur ma tête et en m’obligeant à retourner m’occuper de sa queue.
    —    Je veux savoir, dis-moi ! » j’insiste, en me faisant violence pour rompre le contact entre mes lèvres et sa queue, tout en le branlant lentement.

    Pour toute réponse, il dégage ma main de son manche et le fourre à nouveau dans ma bouche.
    Je l’avale jusqu’à la garde. Mon beau brun lâche un intense grognement de plaisir. C’est le frisson magique qui le décide enfin à se lâcher.

    « Je voudrais qu’il nous suce… tous les deux…
    —    Oui… et après ? je le questionne, en quittant sa queue pendant tout juste une fraction de seconde et en y revenant aussitôt.
    —    Je kifferais te mater en train de le baiser… Et puis le baiser, moi… j’aimerais aussi que tu me mates en train de le baiser », il lâche, la voix étranglée par l’excitation.

    Et là, il me fait me relever, il se met à genoux devant moi, il défait ma braguette avec une précipitation sauvage et il me pompe. Une tempête de frissons secoue mon corps tout entier.

    « Et toi, alors… tu voudrais faire quoi avec ce type ? » je l’entends me lancer entre deux va-et-vient sur ma queue.

    Je suis trop heureux qu’il accepte de se prêter à ce petit jeu. Je trouve cela extrêmement excitant. Et je me laisse aller avec un bonheur non dissimulé.

    « Je kifferais trop le regarder en train de te pomper… et aussi le sucer pendant que tu me baises… ou me faire sucer pendant que tu le baises, et nous embrasser pendant que nous sommes tous les deux en lui… »

    Je sens mon excitation monter en flèche, je me sens approcher dangereusement de l’orgasme.

    « T’as pas envie qu’il te baise ? m’assomme Jérém.
    —    Bien sûr que j’en ai envie… »

    S’il continue de me parler et de me pomper comme ça, je vais venir très vite…
    Et là, soudainement, Jérém quitte ma queue sur le point de jouir. Juste à temps.

    « Appelle-le ! » il me lance, tout en remontant son boxer, en cachant sa queue tendue dans le coton souple, et en partant fumer une cigarette.

    Je me retrouve comme un con, la queue en feu, frustré de ne pas avoir joui. Je suis tellement excité que tous mes questionnements et mes doutes au sujet de l’opportunité et des conséquences possibles de ce genre de plan semblent s’être évaporées de mon esprit comme si elles n’avaient jamais existé. A cet instant précis, j’ai juste envie de prendre mon pied.
    J’attrape le combiné sur la table de nuit et je compose le numéro de la réception.

    « Hôtel du Plan à Trois, bonsoir ! fait Jonas en décrochant, en ayant visiblement reconnu le numéro de la chambre.
    —    Ah ah, très drôle.
    —    Merci. J’imagine que si tu appelles, c’est que c’est bon…
    —    En effet…
    —    Cool ! C’est très calme ce soir, je devrais finir un peu avant.
    —    Ne tarde pas trop…
    —    Vous avez commencé à vous chauffer, si je comprends bien.
    —    Dépêche-toi !
    —    Donne-moi dix minutes !
    —    Ok, à tout.
    —    Gardez vos ardeurs les mecs !
    —    Ouais… »

    En raccrochant le combiné, j’ai le cœur qui tape à mille. Jérém revient de la clope et s’installe sur le lit à côté de moi, en silence. Il attrape la télécommande et allume la télé. Il fait trois fois le tour des chaînes avant de s’arrêter sur une chaîne sport qui parle de rugby. Ses gestes sont nerveux, je le sens tendu. Le coton du boxer aussi est toujours tendu, sa bosse bien rebondie. Il déboutonne la chemise et l’envoie sur une chaise devant le lit. Il dévoile son torse de fou. J’ai tellement envie de le pomper, de l’avoir en moi, de le faire jouir.
    Comment va se passer ce plan ? Pourquoi a-t-il fallu que je me laisse embarquer dans cette histoire ? On ne serait pas mieux rien que tous les deux, à faire l’amour, à nous aimer ? Mais maintenant que les dés sont lancés, on ne peut plus les arrêter. On ne peut qu’attendre pour voir quelles faces vont sortir.
    Le parfum de sa peau dénudée se fraie un chemin jusqu’à mes narines et me rend dingue. Je ne peux me retenir, je me glisse sur lui, je l’embrasse partout, sur la bouche, sur le cou, sur les joues, sur le front, ivre de lui. Nos deux virilités tendues se frottent l’une à l’autre, et nos excitations ne font que monter en puissance.
    Les secondes s’égrènent, et je sens monter en moi une irrépressible envie de me faire prendre par Jérém, de le sentir en moi, de le voir et de le sentir jouir en moi. Je glisse mes fesses sur son paquet, je sens sa queue comprimée par le coton de son boxer frotter sur ma raie cachée par mon boxer. C’est à la fois terriblement frustrant et incroyablement excitant. C’est à la limite du supportable.

    « Prends-moi Jérém, gicle-moi dans le cul, je sais que tu en as envie ! »

    Le beau mâle réagit au quart de tour. En une fraction de seconde, je me retrouve allongé sur le ventre. Le bobrun se débarrasse de son boxer en un éclair, je le vois atterrir sur un oreiller. Je sens ses mains descendre le mien tout aussi précipitamment, puis écarter mes fesses. Je l’entends cracher dans ma raie, je sens son gland mettre ma rondelle en joue. Je me prépare à le sentir s’enfoncer en moi, je me prépare à me laisser défoncer, à me laisser remplir. Je me prépare à ce que son orgasme arrive vite, car je sais que dans l’état d’excitation dans lequel il est, il ne va pas tarder à gicler.

    C’est alors que j’entends tapoter à la porte.

    « C’est Jonas… »

    Jérém retire aussitôt sa queue de ma raie, il remonte mon boxer, il passe le sien et il se rue sur la porte J’ai tout juste le temps de changer de position, de me mettre assis sur le lit, lorsque le battant s’ouvre.

    « Rentre…
    —    Bonsoir beau mec… » fait Jonas en s’attardant sur la plastique largement dénudée de mon beau brun.

    Jérém referme aussitôt la porte derrière lui.

    « Eh, ben, les gars, je constate que vous avez commencé sans moi…
    —    On n’allait pas t’attendre, fait Jérém en s’allumant un pétard.
    —    Toi c’est Jérémie, c’est ça ?
    —    Ça n’a pas d’importance.
    —    Bah, si, j’aime bien connaître le prénom des mecs avec qui je vais coucher…
    —    Bon, et après ? fait mon bobrun en expirant longuement la fumée de son tarpé.
    —    Je dirais qu’on va passer aux choses sérieuses sans plus attendre. »

    Sur ce, Jonas ôte sa chemise blanche, ce qui a pour résultat de dévoiler un beau petit corps imberbe, délicieusement élancé, finement musclé. Jérém semble lui aussi sous le charme, puisque, l’air de rien, il n’arrête pas de le détailler du regard.
    Une fois à poil, Jonas vient direct sur le lit, se glisse sur moi, et m’embrasse ardemment. Sa langue gourmande et ses lèvres habiles descendent lentement le long de mon torse, s’attardent sur mes tétons, les excitent à mort. Elles descendent encore, jusqu’à la lisière de mon boxer, s’y attardent là aussi. Ce gars a décidé de me rendre dingue. Jérém m’avait mis dans un état d’excitation indescriptible. Et Jonas prend brillamment le relais. Je bande comme un âne. Mon envie de jouir tourne à l’obsession.
    Le beau réceptionniste glisse ses deux doigts dans mon boxer, le fait glisser lentement le long de mes cuisses, il libère ma queue de sa prison de coton. Délicieuse sensation que de sentir mon manche tendu enfin à l’air libre. Jonas fait glisser mon boxer le long de mes jambes, puis le jette derrière lui sans regarder et commence à me pomper lentement, d’une façon très sensuelle. Il ne semble pas pressé, il semble au contraire bien décidé à bien faire durer le plaisir.
    Jérém me regarde, visiblement excité. Il finit sa clope et il vient s’installer sur le lit, bite en l’air, juste à côté de moi.

    « Vas-y pompe le bien ! » fait Jérém, tout en posant sa main sur la nuque du beau Jonas et en secondant ses mouvements de va-et-vient.

    Les secondes passent, puis deviennent des minutes. Jonas s’affaire inlassablement sur ma queue, sur mes tétons, sur ma bouche. Jérém essaie à plusieurs reprises de le détourner de son labeur acharné, de lui faire changer de queue. Il l’attrape tour à tour par l’épaule, par le biceps, par le cou, mais le beau réceptionniste ne se laisse pas faire. Il continue de me pomper, comme si on n’était que tous les deux. Le beau brun se branle à côté, l’air excité à l’idée de découvrir jusqu’où ce petit con de Jonas est prêt à aller. Je trouve cela terriblement excitant, mais Jonas semble toujours l’ignorer.
    Jonas a beau y aller doucement, je sens que s’il continue, je vais vite jouir. Pas encore, j’ai envie de varier les plaisirs, d’assouvir quelques fantasmes.

    « Vas-y, suce-le lui ! » je lance à Jonas.

    Et là, le beau réceptionniste consent enfin à s’occuper un peu de Jérém aussi. Mais sans pour autant me délaisser complètement. En fait, il nous pompe et nous branle à tour de rôle. Et pourtant, j’ai toujours l’impression qu’il a surtout envie de s’occuper de moi, car ses lèvres semblent davantage aimantées par ma queue que par celle de Jérém. Je décide alors de m’activer pour rééquilibrer les plaisirs.
    C’est là le départ d’un jeu sensuel qui nous amène à explorer toutes les combinaisons du plaisir.
    Je suce Jérém pendant que Jonas me suce.
    Je pompe Jonas pendant qu’il pompe Jérém, et alors que ce dernier lui baise bien la bouche comme pour se rattraper d’avoir été trop longtemps délaissé.
    Je suce Jonas pendant que Jérém me suce.
    Je pompe Jérém pendant qu’il pompe Jonas.
    J’essaie de sucer Jonas pendant qu’il suce Jérém et que ce dernier me suce.
    J’essaie de pomper Jérém pendant qu’il pompe Jonas et que ce dernier me pompe.
    Ces deux dernières ne sont pas les expériences les plus folles, car elles demandent beaucoup de souplesse et de coordination. Mais c’est plaisant d’essayer et d’entendre le fou rire contagieux de Jonas qui détend l’ambiance et rend ce plan bien plus fun que je ne l’avais imaginé.
    Oui, nous explorons toutes les combinaisons du plaisir autour de la pipe. Jusqu’à ce que nous ayons envie d’explorer d’autres horizons. Et c’est Jonas qui donne le « là ».

    « J’ai envie de toi ! » il me lance de but en blanc.

    Un instant plus tard, Jonas est à quatre pattes sur le lit. Jérém sort une capote de son sac de sport – je renonce à me questionner sur le pourquoi Jérém a toujours des capotes dans son sac de sport – il me la passe en me regardant avec un air à la fois excité et complice. Je déchire le petit emballage et je la déroule sur ma queue.
    Quand on pense à des fantasmes avec un inconnu, comme nous l’avons fait avec Jérém un peu plus tôt dans la soirée, on pense rarement à des capotes. Mais lorsque la mise en pratique de ces mêmes fantasmes se concrétise, il faut impérativement penser à se protéger. C’était vrai en 2002, et ça l’est toujours, malgré les progrès des soins des MST, et du SIDA en particulier.
    Je me laisse glisser dans le beau réceptionniste et je commence à le pilonner sous le regard aimanté et lubrique de Jérém, Jérém qui est à nouveau assis à côté de la fenêtre, qui est à nouveau en train de fumer son bout de pétard et de se branler, tous pecs et abdos et tatouages et peau mate dehors. J’ai envie de baiser Jonas, mais j’ai aussi et surtout envie de me faire baiser par mon beau brun. Quand je le vois affalé sur cette chaise en train d’astiquer son manche, je me dis qu’il va peut-être se faire jouir tout seul, et ça, j’ai du mal à l’accepter. Je voudrais tellement lui offrir du plaisir ! Mais peut-être que je lui en offre, en réalisant son fantasme de me regarder en train de baiser un autre gars.
    Je prends mon pied, un plaisir décuplé par le regard insistant et excité de Jérém. Jonas aussi semble prendre son pied, preuve en sont ses ahanements appuyés et ses exhortations à y aller franco, ainsi que des mots assez crus exprimant le bonheur de se faire défoncer par « un gars aussi sexy que moi ».
    Jérém me regarde faire pendant un petit moment. Puis, après avoir une nouvelle fois éteint son joint, il vient se faire sucer par le beau réceptionniste, alors que je le baise toujours, et il m’embrasse.
    Je me sens perdre pied. Et pile au moment où je sens mon excitation s’envoler vers des sommets extrêmes et appeler mon orgasme, Jérém se retire de la bouche de Jonas, et il vient se glisser derrière moi. Il cale sa queue raide dans ma raie, il colle son torse contre mon dos, il pose des baisers légers sur mon cou, à la base de ma nuque. Je ressens son souffle sur ma peau, le léger frottement de sa barbe, et je l’entends me souffler, de la façon la plus sensuelle qui soit : « prends ton temps ». Et, ce disant, il entreprend de caresser mes tétons, alors que son gland effleure ma raie de façon de plus en plus appuyée. Tout cela a pour effet de ralentir mes coups de reins. Mais certainement pas l’envolée de mon excitation. Je sens que je ne vais plus pouvoir me retenir longtemps.

    « Je ne vais pas pouvoir me retenir plus, je laisse échapper à voix haute, alors que mes sens sont sur le point de s’embraser.
    —    Vas-y, fais-toi plaisir beau mec ! j’entends Jonas me lancer tout haut.
    —    Gicle dans mon cul ! » j’entends Jérém me glisser tout bas, dans un chuchotement chargé d’une sensualité extrême.

    Rien ne pourrait me faire plus plaisir que cette demande de mon Jérém.
    Le beau brun s’allonge à coté de Jonas, et comme lui se met sur le ventre. Je me retire illico du cul du beau réceptionniste, je me débarrasse de ma capote, et je me laisse glisser entre les fesses musclées de mon rugbyman. Je sens tout de suite que je ne vais vraiment pas tarder à jouir. En effet, même avant de commencer mes va-et-vient, rien qu’en sentant sa rondelle se contracter autour de ma queue, je me sens perdre pied.

    « Ça ne va pas vraiment être long, désolé, je le préviens.
    —    Je m’en fous, fais toi plaisir ! »

    Je m’allonge sur lui et je commence à le limer doucement, en me concentrant davantage sur le bonheur d’embrasser son cou et sur sa nuque que sur le plaisir de ma queue. Mais un frottement inattendu de mes tétons sur son dos a raison de ma raison. Je perds définitivement pied et je ne peux plus rien pour me retenir. Je viens, je sens de nombreuses giclées jaillir de ma queue et aller se loger dans le cul de mon beau brun.
    Un instant plus tard, Jérém se déboîte de moi et lance à Jonas :

    « Vas-y, mets-toi sur le dos…
    —    J’aime quand on sait me parler… »

    Jonas s’exécute, tandis que Jérém sort une autre capote de son sac de sport et la passe sur sa queue. Ses va-et-vient ont quelque chose de sauvage, d’animal. Son attitude est très virile, sa beauté est aveuglante. Il baise Jonas sans pratiquement jamais me quitter du regard.
    Jonas, quant à lui, semble ravi de se faire démonter par mon beau brun. Il ne cesse de manifester son plaisir, que ce soit par des ahanements bruyants, ou en tâtant fébrilement les pecs et les biceps de mon Jérém, comme pour se convaincre qu’ils sont bien réels.

    « Arrête de me tripoter, lui lance sèchement mon beau brun à un moment.
    —    Pardon, beau mec ! fait Jonas, taquin. Vas-y, défonce-moi ! »

    Mon beau brun augmente aussitôt la cadence et la puissance de ses coups de reins. Et il ne tarde pas à jouir. Voir sa belle petite gueule traversée par la vague de l’orgasme, voir son corps secoué par l’onde de choc du plaisir est toujours un spectacle magnifique, même lorsque sa jouissance ne vient pas de moi, ni en moi.
    Jonas, quant à lui, profite des derniers instants de la présence de la virilité de Jérém en lui pour se branler vigoureusement et jouir à son tour.

    Jérém reprend son pétard, et le partage avec Jonas et moi.

    « Vous êtes chauds les gars ! lance le beau réceptionniste.
    —    Si tu le dis ! fait Jérém, peu bavard.
    —    Je le dis et je l’affirme ! Au fait, vous voulez boire quelque chose ?
    —    Tu proposes quoi ? fait Jérém, soudainement intéressé.
    —    Ce que propose le bar de l’hôtel. Sodas, bières, alcools plus forts…
    —    Une bière fera l’affaire.
    —    Ok, et toi, Nicolas ?
    —    Un coca pour moi, merci. »

    Jonas se rhabille et quitte la chambre pour aller chercher les boissons. Jérém demeure silencieux.

    « Ça va ? je le questionne.
    —    Il a raison, c’était sacrément chaud ! il me lance, sans détours, avec un sourire complice.
    —    C’est clair ! »

    Ça me fait plaisir qu’il ait aimé. Et que notre complicité demeure intacte.
    Jonas revient une minute plus tard avec les boissons et des chips. Nous buvons, nous fumons, nous grignotons. Et nous discutons. Jonas est vraiment sympa, et marrant en plus. Son humour arrive même à entraîner Jérém, d’habitude plutôt peu démonstratif avec les « outsiders » des autres plans auxquels j’ai eu l’occasion de prendre part. Je pense à son cousin Guillaume, je pense au beau barbu Romain qu’on avait levé au On Off. Ce n’était que de la baise pure. Mais depuis que Jérém assume son plaisir, tout va mieux dans sa tête. Et la bonne humeur contagieuse de Jonas n’y est pas pour rien non plus.

    « En tout cas, vous êtes mes meilleurs clients-amants depuis longtemps ! lâche Jonas au détour de la conversation.
    —    Ça t’arrive souvent de baiser avec des clients ? le questionne Jérém, tout comme je l’ai fait un peu plus tôt dans la journée.
    —    Pas si souvent. Ça m’arrive, mais c’est rarement aussi bon.
    —    T’as bien kiffé de te faire baiser… le cherche Jérém.
    —    Et comment ! Au point que je pourrais affirmer que je ressens comme un petit goût de « reviens-y »…
    —    Je crois que nous avons tous les trois dans le boxer un petit goût de « reviens-y » », je considère.

    Considération qui fait marrer Jonas et Jérém aussi.

    Quelques instants plus tard, je suis allongé sur le lit, sur le dos, et je me fais baiser par Jonas. Jérém me regarde, tout en se branlant. Jonas est un bon amant, à la fois fringuant et respectueux. Il prend son pied, je prends mon pied. Et Jérém prend le sien aussi, en me regardant me faire baiser par ce gars.
    Lorsque Jonas jouit, je me délecte de sa façon d’affronter l’onde de choc de l’orgasme, avec de longs soupirs, le corps traversé par des spasmes. Lorsqu’il se déboîte de moi, j’ai le réflexe de regarder si la capote a tenu le coup. Heureusement, c’est bien le cas.
    Puis, Jérém vient à son tour en moi. Il me remue avec ses gros bras, il me prend avec son manche puissant et il commence à me pilonner avec une ardeur intense. Les ondulations de son bassin ont quelque chose de profondément érotique. Quant aux ondulations de son torse, c’est beau à en pleurer. Je caresse et j’agace ses tétons, je veux le rendre dingue. Mais ce sont ses biceps qui aimantent mes doigts. Ils sont tellement puissants, ces biceps.

    « A lui tu ne lui dis pas de ne pas te tripoter ! se marre Jonas.
    —    Lui, il sait y faire, alors il a le droit !
    —    Mais quel petit con tu fais !
    —    Ferme ta gueule, tu me déconcentres ! » gronde Jérém.

    Et là, pour toute réponse, je vois Jonas se placer derrière mon beau brun, et glisser ses mains sous ses aisselles pour atteindre ses tétons. Jérém est d’abord surpris, puis il semble ravi de ce bonheur inattendu qui a pour effet de précipiter son orgasme. Quelques coups de reins encore, et il lâche tout son jus en moi.

    « Vraiment, vous n’êtes pas croyables, les gars ! fait Jonas en revenant de la douche. Si vous repassez à l’hôtel, et si ça vous fait envie, surtout n’hésitez pas à me sonner ! il nous lance en se rhabillant.
    —    Mets ça sur la note, fait Jérém en indiquant les boissons.
    —    Mais non, tu plaisantes ? Ça, c’est pour moi.
    —    Merci alors !
    —    Ça a été un plaisir ! »

    La porte vient de se refermer derrière le beau réceptionniste et Jérém vient aussitôt me rejoindre sur le lit. Il se glisse sur moi et m’embrasse doucement.

    « Alors, c’est quoi que t’as kiffé le plus ? je le questionne.
    —    Quand tu m’as baisé après t’être bien chauffé avec lui…
    —    Ah, c’était bon ça…
    —    J’ai aimé tout autant que gicler dans ton cul après qu’il t’a baisé …
    —    Et le gars ?
    —    Ça m’a excité… mais c’est pas lui qui m’a excité le plus ! Tu es un sacré coquin, toi !
    —    Moi aussi j’avais surtout envie de faire l’amour avec toi.
    —    Coquin, va !
    —    Et toi non ! »

    Je suis tellement bien dans les bras de mon Jérém, bercé par les bisous légers qu’il glisse dans mon cou, de plus en plus légers au fur et à mesure que le sommeil le rattrape.
    J’avais peur de découvrir jusqu’où un nouveau plan pouvait nous amener. Et ce que je viens de découvrir m’enchante.
    Ourson sait qu’il n’a jamais fait l’amour comme il le fait avec P’tit Loup depuis les retrouvailles à Campan après le clash de l’été dernier. Même pas avec Stéphane, même pas avec Thibault lors du plan à trois. Et il a vu de ses propres yeux que P’tit Loup n’était pas le même avec le Renardeau Jonas qu’avec lui.
    Oui, Ourson et P’tit Loup ont une façon de faire l’amour entre eux qui est unique. Car non seulement l’alchimie entre leurs corps est unique, mais celle entre leurs esprits l’est tout autant.
    Et je m’endors avec la rassurante certitude que quoi qu’il arrive, définitivement Ourson et P’tit Loup font bande à part.

    Le lendemain matin, je me réveille en sursaut à cause du réveil on ne peut plus sonore du téléphone de Jérém. Il est 5h30 et le bobrun bondit du lit comme une sauterelle. Après une nuit d’amour avec le gars qu’on aime, le matin arrive toujours trop vite. Jérém passe à la douche en vitesse et revient en boxer pour finir de se rhabiller. Sa presque nudité et ses cheveux bruns encore humides me vrillent les neurones de bon matin.

    « Je t’ai réveillé, désolé, il me lance, alors que je suis déjà habillé et prêt à l’accompagner au petit déj.
    —    Ton réveil tirerait du sommeil une bûche !
    —    Désolé !
    —    C’est pas grave, ça me fait plaisir de t’accompagner au petit déj. Tu as le temps de prendre ton petit déj, hein ?
    —    Oui, j’ai le temps, je dois être à l’entraînement à 10 heures.
    —    Cool ! Viens faire un bisou ! »

    Jérém finit de faire disparaître sa plastique de fou sous le tissu brillant de sa belle chemise et se penche sur moi pour m’embrasser.

    Lorsque Jérém sort de la douche et se rhabille après une nuit d’amour, et alors que mon cœur se serre à l’idée de le quitter, ça fait du bien de me rappeler qu’il nous reste encore ce moment magique du petit déjeuner à partager. Une façon de jouer les prolongations. Chaque instant gagné en compagnie de mon Jérém est une petite victoire.
    Ces rencontres à l’hôtel sont des moments uniques. Dans cette chambre, nous sommes loin de tout et de tous. Nous ne sommes que tous les deux, et tout disparaît autour de nous. Pendant quelques heures rien ne semble pouvoir nous atteindre, et tous les soucis disparaissent.
    Mais l’attente entre chaque retrouvaille est si longue, et les moments passés ensemble filent si vite ! Tellement vite que je ne suis jamais rassasié de lui, de sa présence. Mais c’est peut-être justement le propre de l’amour, le fait de ne jamais être rassasié de la présence de l’Autre.
    Nous sommes les clients les plus matinaux, la salle du petit déj est vide à notre arrivée. Nous nous servons au buffet et nous nous asseyons à l’une des petites tables du resto, les yeux pas complètement en face des trous, fatigués à cause d’une nuit tout aussi courte qu’intense. Jérém ne parle pas, il n’est pas très bavard le matin.
    Les écrans sans son aux quatre coins de la salle régurgitent des infos passées en boucle par une chaîne spécialisée. Mon beau Jérémie est assis en face de moi, tout beau, bien habillé, le brushing de bogoss, dégageant une fragrance d’une fraîcheur déroutante. Je le regarde enchaîner les tartines de pain grillé et confiture, de boire son café, et je ne peux m’empêcher de penser que dans quelques minutes il va repartir dans la vie, sans moi.

    « Ça va ? je le questionne en le voyant le regard perdu dans un coin de la pièce.
    —    Si tu savais comment je n’ai pas envie d’aller à l’entraînement ! Je n’aurais jamais cru que je dirais ça un jour. J’ai tellement aimé le rugby…
    —    Mais tu l’aimes toujours…
    —    Alors c’est lui qui ne m’aime plus…
    —    Si, vous traversez juste une crise…
    —    La fameuse crise des 7 ans ?
    —    On va dire ça, oui… »

    Je déteste ces adieux dans la chambre d’hôtel, au pied du lit où nous avons fait l’amour. Et pourtant, ces adieux sont si doux. Avant de nous quitter, nous nous prenons dans les bras l’un de l’autre, et tout autant moi que Jérém semblons avoir un mal de chien à quitter cette dernière étreinte. Je pose ma joue dans le creux de son cou, je cherche à m’enivrer une dernière fois de la chaleur et du parfum de sa peau. Ses baisers et ses caresses sont intarissables. Les miens aussi. Je ne me lasse pas de lui poser des petits bisous dans le cou, je ne suis jamais rassasié de caresser ses cheveux, la peau douce de son cou, ou de laisser mes doigts se balader sous sa chemise et caresser la région entre ses omoplates, une caresse qu’il affectionne tout particulièrement.
    Mais j’ai beau le caresser et l’embrasser, mon esprit ne s’apaise pas. Se quitter après s’être fait autant de bien en si peu de temps est très dur, autant pour lui que pour moi. De plus, je le sens toujours tendu, soucieux, en plein questionnement sur lui-même et sur son avenir, et ça me rend triste de ne rien pouvoir faire de concret pour l’aider. Alors, oui la tristesse est bel et bien là, elle submerge mon esprit, et je ne peux rien faire pour l’en empêcher.

    « Rentre bien, P’tit Loup…
    —    Toi aussi, Ourson ! »

    Lorsque la porte se referme derrière P’tit Loup, Ourson a envie de pleurer. Pourvu que la prochaine rencontre arrive vite.

    Hélas, ce ne sera pas le cas.

    Commentaires

    Etienne

    27/08/2021 20:15

    Bravo Fabien pour ce bel équilibre entre sensualité, introspection, sexe, détails de la vie quotidienne…
    Mais où tout ceci va t’il nous mener (j’aime pas trop la dernière phrase…)
    Pourquoi bien des années plus tard Nico se rappellera t’il toute cette période…?
    Je continue à parier que ce sera à l’occasion d’un mariage gay… le sien… ou pas..

    Fred

    25/08/2021 09:14

    J’aime toujours autant ça prend se la puissance et de l’ampleur a chaque fois . J’aime les passages dans la tête de …bravo

    Yann

    21/08/2021 20:34

    Depuis déjà quelques épisodes les passages « dans la tête de » ont pris une nouvelle forme et là encore ils sont devenus plus courts et plus en explication, sur tel ou tel événement, du ressenti des personnages qui ne sont pas le narrateur. J’aime beaucoup, car ça permet de comprendre leur ressenti autrement qu’au travers du récit qu’en fait Nico.

    Yann

    21/08/2021 20:32

    Beaucoup de chemin a été parcouru depuis Campan surtout pour Jérem qui, maintenant assume son attirance pour les garçons, même s’il n’est pas prêt à le faire au-delà du cercle de ses proches amis. Cet épisode marque la fin de quelque chose qui, même si ce n’est pas la fin de l’histoire, signifie que ce ne sera plus comme avant entre eux. Pourquoi ? Le contrat de Jerem avec son club qui n’est pas renouvelé et le risque de trouver un nouveau club qui les éloignent plus encore ? Ou faut-il trouver dans le titre une explication ? Jerem a déjà cédé à la tentation et ne semble pas prêt à y renoncer. Qu’en sera-t-il de Nico ? A-t-il cédé à la tentation de Thibault ? De toute évidence, comme le dit Jerem, il n’est pas prêt à assumer une vie commune, un quotidien, une routine. Ils sont tous les deux trop jeunes pour cela. Avant de rencontrer Jerem, Nico n’avait connu aucun garçon et quant à Jerem, on ne peut pas dire qu’il s’agissait de réelles relations. Beaucoup de jeunes dans leur quête du bonheur multiplient les rencontres et les expériences avant de trouver « LE PARTENAIRE ». D’autres pensent l’avoir trouvé et réalisent plus tard qu’ils se sont trompés. Enfin certains le trouve dès la première rencontre. Ne serait-ce pas le cas de J&N ? Peut être à tort je l’ai toujours pensé quand Nico dit 15 ans plus tard « vivre toujours avec cette blessure qui ne s’est jamais complètement refermée » … »Jérém en short, torse-nu au soleil, beau comme un Dieu … il y a des instantanés comme ça, qui nous quittent jamais… et cette image, aujourd’hui encore, tant d’années plus tard, elle est là, en moi, vive comme à cet instant précis… » 

    Yann

    21/08/2021 20:29

    Depuis Campan, l’amour entre J&N n’a cessé de grandir et, paradoxalement, c’est alors qu’il est peut-être à son apogée que les choses vont se compliquer comme Fabien le laisse entendre dans la dernière phrase de l’épisode. Certes, on s’y attendait, c’était annoncé depuis le début. 
    Pourtant, cette rencontre à Poitiers était la révélation de leur complicité à son plus haut niveau. On est bien loin du dernier plan à trois avec Romain où la tension était palpable et où Jerem cherchait dans cette tension à comprendre les raisons de son mal-être. Là, je dirais que c’était plus un plan à deux plus un tellement leur complicité était grande. D’abord, c’est Nico qui propose ce plan à Jerem qui l’accepte. Mais surtout ce que j’ai aimé, c’est qu’avant de demander à Jonas de les rejoindre, ils échangent leurs fantasmes pour ce plan et après son départ, ils font le « débriefing » de leur ressenti.

  • JN0305 Un jeune papa.

    JN0305 Un jeune papa.

    Je rentre de la fête au petit matin. Je n’ai pas eu de nouvelles de Jérém depuis jeudi soir. J’ai essayé de l’appeler après le passage en mairie, mais je n’ai pas pu l’avoir. Il me manque à en crever.
    Je me réveille plusieurs heures plus tard, en tout début d’après-midi. Je grignote un peu et pense à ma promesse faite à Thibault de passer voir son gosse. Aujourd’hui, c’est jour de match. Je ne veux pas le déranger, je lui envoie un message pour lui proposer de passer le voir dans la soirée, s’il est disponible.
    Je passe l’après-midi à comater, à penser à Jérém, à avoir envie de ne rien faire, à broyer du noir. La fatigue est un catalyseur de tristesse. Heureusement, un rayon de lumière vient illuminer la fin de journée. En même temps que les infos sportives à la télé annoncent que cet après-midi le Stade Toulousain a remporté la victoire haut la main contre Montferrand, je reçois un message de Thibault qui me propose de passer pour une soirée pizza.
     
    Sur le coup, je suis étonné que Thibault m’invite chez lui un soir après un match victorieux. Quid de la troisième mi-temps ? Mais très vite, je me dis que le jeune papa doit avoir d’autres priorités en ce moment. L’ex-mécano n’a pas précisé si Nathalie sera là ou pas. J’imagine que trois semaines après l’accouchement, elle n’a pas encore dû reprendre le boulot  , et que par conséquent elle sera présente. J’espère que ça va bien se passer, j’espère qu’elle ne va pas me regarder de travers. J’espère que je ne vais pas me sentir mal à l’aise. De toute façon, j’ai décidé de ne pas tenir compte de ce dont elle m’a parlé lorsque Thibault était KO après son accident à AZF. Non, je ne vais pas couper les ponts avec Thibault pour ne pas la froisser, pour qu’il puisse rester dans le droit chemin de l’hétérosexualité. Thibault est mon pote. Et même s’il y a de la tendresse entre nous, je ne ferai rien qui puisse le déstabiliser.
    Lorsque je débarque à l’appart des Minimes, l’ancien mécano m’accueille avec la chaleur bienveillante que je lui connais. Thibault est un gars très démonstratif, et il sait montrer à quel point la visite d’un pote lui fait plaisir. Il me prend dans ses bras, il me claque la bise. Même devant sa copine.
    « Tu connais Nathalie…
    — Oui, bien sûr !
    — Salut Nico, ça gaze ? » m’accueille cette dernière, en me claquant la bise à son tour. Elle a l’air de bon poil, ça fait plaisir .
    « Ça va bien. Mais c’est plutôt à toi qu’il faut le demander… d’ailleurs, félicitation la nouvelle maman !
    — Merci, merci !
    — Viens, je vais te présenter Lucas ! » fait l’adorable Thibault .
    Il a l’air vraiment heureux. Ça me fait un plaisir fou de le voir si joyeux.
    «  Fais gaffe, il vient de s’endormir, j’ai eu un mal fou à le calmer, glisse la jeune maman.
    — Yes ! »
    Le jeune rugbyman m’amène dans la chambre, sa chambre, puisque l’appart n’en comporte pas d’autres. A côté d’un grand lit, un berceau est installé. Lucas est là, tout petit, tout fripé comme un nourrisson, dormant à poings fermés, les quatre fers en l’air. La vision de cette petite vie qui commence provoque en moi une intense émotion. Parce que cette petite vie provoque chez son papa un bonheur infini, et son papa mérite vraiment d’être heureux. Mais aussi parce que cette petite vie va bouleverser celle de son papa, pour qui plus rien ne va être comme avant. Parce que j’ai toujours du mal à réaliser que ce gars avec qui j’ai fait l’amour une nuit n’est plus seul, mais qu’il y a désormais un petit être qui dépend de lui. Et c’est une grande responsabilité.
    « Ça va, Nico ? s’inquiète le beau pompier.
    — Tu ne peux pas savoir comment je suis heureux pour toi, mon grand ! » je lui répète bêtement .
    Je ne trouve pas d’autres mots pour exprimer le mélange de sentiments que je ressens en moi.
    « Tu es adorable, Nico, fait le jeune papa, tout aussi ému, en me serrant très fort dans ses bras.
    — Alors, vous allez les chercher ces pizzas ? » nous lance Nathalie qui vient de nous rejoindre.
     
    Depuis sa petite mise au point quelques mois plus tôt, je pensais que Nath ne me portait pas vraiment dans son cœur, car je représentais à ses yeux un danger pour la stabilité de son couple. Pendant mon trajet vers les Minimes, j’avais craint qu’elle ne m’accueille froidement, que ce soit pénible, et que ça gâche cette soirée de retrouvailles avec mon pote.
    Contre toute attente, l’ambiance du repas est bien sympathique, malgré la présence de Nathalie. Je dirais même grâce à la présence de Nathalie. Ce soir, elle me parle comme si on se connaissait depuis toujours, alors que nous ne nous sommes croisés qu’une seule et unique fois, et que notre échange n’a pas été des plus engageants. Ce soir, c’est comme si cet échange n’avait jamais existé. Elle s’intéresse à moi, me met à l’aise. Au final, je découvre une nana plutôt rigolote, avec beaucoup d’humour, de l’autodérision, de l’éducation, et une belle intelligence. Ça me fait plaisir que ça se passe bien et je me laisse embarquer dans ce moment sympa entre potes.
    Lors d’une digression dans le thème « Bébé », thème qui monopolise en grande partie la conversation de la soirée – les jeunes parents ont souvent l’impression que, puisque leur rejeton est le centre de leur monde, il doit forcément l’être pour tout leur entourage aussi – j’arrive à féliciter Thibault pour la victoire de l’après-midi et à lui demander des nouvelles de sa blessure au genou.
    « Ça va, j’ai bien récupéré, le chirurgien a bien réparé la pièce, il a fait une révision complète, je suis reparti pour 30 000 km » il plaisante.
    Je suis sur le point de lui demander s’il a des nouvelles de Jérém, s’il est au courant du fait qu’il traverse une mauvaise passe avec son équipe, mais déjà le petit Lucas attire à nouveau toute l’attention.
    « C’est l’heure du bib, fait Nath, qui a l’air épuisée.
    — Tu as l’air très fatiguée, je lance.
    — J’y vais, fait l’adorable rugbyman.
    — Fatiguée , c’est faible comme mot ! Je suis sur les rotules. Je te raconte pas les nuits blanches à essayer de calmer le petit monstre ! Heureusement que tu m’aides, mon chéri ! » elle ajoute à l’intention de Thibault qui vient de se lever de table et qui est déjà en train de préparer le biberon.
    Nous le suivons dans la chambre. Et là, je le vois attraper le petit Lucas avec une attention infinie, une délicatesse qui contraste avec la vision de ses grosses paluches. J’ai l’impression que le bébé tiendrait presque entièrement dans une de ses grandes mains. Thibault dépose le petit Être en équilibre entre son avant-bras et son torse, la tête délicatement posée sur son biceps rebondi. Lucas se calme vite, comme s’il se sentait bien, en sécurité, protégé. Je te comprends, petit Lucas, je sais combien il fait bon de se retrouver dans les bras de ton papa. L’image de Thibault donnant le biberon à son gosse est d’une beauté émouvante. Le petit glouton termine vite son repas et lâche un petit rot qui rassure ses jeunes parents.
    Le biberon est terminé, mais Thibault ne semble pas pressé de poser Lucas dans son berceau. Le demi de mêlée est vraiment touchant avec ce bébé dans les bras. Il ne le quitte pas des yeux, il lui fait des papouilles, il fait le zouave pour essayer de le faire sourire.
    « Tu vas être un papa gâteau… je lance.
    — Un papa gaga, oui !
    — En tout cas, il est vraiment mignon… »
    Et là, Thibault va me faire une proposition qui me trouble. Je la voyais venir, et je la redoutais.
    « Tu veux le tenir ? »
    Qui, moi, si maladroit, prendre Bébé dans mes bras ? Mais je ne sais pas comment le tenir ! Je n’ai jamais tenu un bébé ! Et si je lui fais mal ? Et puis… est-ce que Nath est d’accord ?
    « J’ai peur de ne pas savoir le tenir…
    — Mais c’est simple, fait Nathalie, tu l’allonges sur ton bras, la tête un peu relevée ».
    Je ne suis toujours pas rassuré, mais déjà l’avant-bras de Thibault frôle le mien pour la passation de « témoin ». Je me retrouve ainsi avec le petit Lucas dans mes bras, ses mains dans le vide, ses yeux écarquillés plantés dans les miens et qui semblent demander : « mais c’est qui cet abruti-là ? Il a l’air d’une poule devant un couteau ! Papa, au secours  ! »
    « Vas-y, pose-le sur ton bras, contre ta poitrine, fait Nath.
    — J’ai peur de lui faire mal…
    — Mais il n’est pas en sucre. Il est plutôt en caoutchouc ! » s’amuse Thibault.
    Les jeunes parents ne semblent pas inquiets le moindre du monde. Mais moi, je ne suis toujours pas à l’aise. J’ai du mal à tenir ce bébé dans les bras. Il a l’air si fragile ! Et puis, ses grands yeux ne cessent de me dévisager . Comme s’ils me questionnaient. Comme s’ils me demandaient : et toi, tu vas avoir un jour un bébé comme moi avec qui je pourrais jouer ? Peut-être que tu ne m’offriras jamais un pote avec qui jouer parce que tu n’es pas normal. Tu as encore le temps pour changer. Tu ne veux pas rater ta vie, hein ? Te retrouver à 50 piges en te disant que tu t’es trompé ?
    J’ai de plus en plus de mal à supporter ce regard à la fois innocent et « accusateur » malgré lui.
    Comment un être si minuscule et sans défenses peut-il autant me perturber par sa simple présence ? Peut-être parce que le regard innocent d’un nourrisson est un miroir qui oblige à se regarder en face et à se poser des questions sur soi .
    Le petit Lucas commence à s’impatienter, je crois qu’il va bientôt commencer à chialer. Non, pas ça ! Je m’empresse d’écouter les conseils de ses parents et j’arrive enfin à trouver une position rassurante pour lui.
    « Tu vois, rien de compliqué ! fait Thibault.
    — Mais attends… il enchaîne en approchant son nez de la couche du bébé, je crois qu’il faut le changer.
    — Encore ? fait Nath, l’air à bout de forces.
    — Si tu nous prépares un café je m’en occupe.
    — Si tu t’en occupes je vais t’en faire 10 des cafés ! »
    Nathalie disparaît dans le séjour et Thibault récupère le gosse de mes bras, le pose sur une table à langer et commence à défaire la couche avec des gestes assurés. Je le regarde essuyer, soigner, caresser, incapable de quitter son gosse du regard.
    Puis à un moment, il se retourne vers moi, les yeux humides et il me lance, la voix cassée par une intense émotion :
    « Je n’arrive toujours pas à réaliser que ce beau petit gars est le mien ! »
    Son émotion est contagieuse et je ne peux m’empêcher de le prendre dans mes bras et de le serrer très fort contre moi.
    « Il a tellement de chance, ce gosse ! »
     
    Ça me fait toujours bizarre de voir Thibault avec un gosse. C’est beau, émouvant et déroutant, tout en même temps. Parce que le jeune rugbyman n’a qu’un an de plus que moi, parce que je l’ai connu faisant partie de la bande de Jérém, une bande de jeunes mecs célibataires qui avaient l’air de vouloir profiter de leur jeunesse , de leur insouciance, et pour qui les priorités dans la vie ne semblaient être autres que le rugby, les potes, les soirées en boîte, les nanas. Tout s’est passé si vite, tout a changé si vite. Trop vite. Je n’ai pas eu le temps de m’y préparer. Est-ce qu’il a eu le temps de s’y préparer ? Parce que je sais que ce gosse, qui est arrivé « par accident » va changer toute sa vie, en dévier le « cours naturel ». Je sais que Thibault vient de découvrir qui il est, et s’engager avec une femme et un gosse va le ralentir dans la quête de son identité et de son épanouissement. Même si le voir si heureux me rend heureux aussi, j’ai peur que cela ne dure. Je sais que Thibault aspire à aller vers les garçons. Comment va-t-il faire pour faire cohabiter en lui ce désir avec l’envie d’être un papa pour Lucas et un compagnon pour Nathalie ?
    J’espère qu’il va être heureux, je lui souhaite d’être heureux tous les jours de sa vie comme ce soir. Il le mérite vraiment, ce petit mec.
     
    Après le café, Thibault s’isole quelques minutes pour répondre à un coup de fil d’un co-équipier. Ce qui me laisse en tête à tête avec Nathalie. Le coup de fil s’éternise et je ne suis pas à l’aise. Même si ce soir elle s’est montrée aimable avec moi, je crains qu’elle profite de ce moment pour remettre sur la table le sujet de mon amitié avec Thibault. Je voudrais remplir le vide, mais je ne sais pas de quoi lui parler et le silence s’installe.
    « Je voulais te dire, Nico… »
    Aïe, aïe, on y est…
    « Je voulais m’excuser pour ce que je t’ai dit la dernière fois. »
    Ah, si je m’étais attendu à ça…
    « Je n’ai pas le droit de gérer la vie de Thib, elle enchaîne. Il a le droit de voir qui il veut. Tu as bien fait de ne pas m’écouter. J’étais un peu sur les nerfs à ce moment-là et c’est tombé sur toi.
    — Je ne t’en veux pas.
    — Merci.
    — Thibault est vraiment un ami pour moi.
    — Je sais. Et je sais aussi ce qui s’est passé entre vous.
    — Il te l’a dit ?
    — Oui. Un soir, il m’a tout dit. Qu’il a couché avec toi et avec Jérém. Et il m’a dit aussi qu’il est toujours attiré par les mecs.
    — Ah, ok… et… tu en penses quoi ?
    — Je pense que je ne peux rien faire pour changer les choses… tu sais, Nico, Thib, je l’aime, vraiment. Je n’ai jamais rencontré un gars aussi chouette. Je voudrais faire ma vie avec lui, faire d’autres gosses avec lui. Mais je sais qu’il aspire à autre chose. Je sais que son bonheur ne sera pas avec moi. Il sera un excellent papa, mais malgré tous les efforts qu’il pourra produire, il ne sera jamais un homme heureux avec moi. Et s’il n’est pas heureux, je ne le serais pas non plus. Je ne regrette rien, tu sais ? Je ne regrette pas d’avoir fait un gosse avec lui, même si ce n’était pas prévu… ».
     
    Tu t’appelles Nathalie Rouget et tu es folle amoureuse de Thibault Pujol depuis la première fois que tu lui as parlé en boîte deux ans plus tôt. Tu l’as trouvé sympa, rassurant, touchant. Il faisait déjà tellement « mec » que tu ne l’as pas cru quand il t’a dit qu’il n’avait que 18 ans. Et pourtant, c’était bien le cas. Tu t’es dit : il est un peu jeune pour toi, cinq ans d’écart ça commence à faire. D’autant plus que tu as toujours aimé les garçons plus âgés. Tu as toujours trouvé qu’avant 25 ans, un gars c’est juste bon pour le sexe. Car, côté intellectuel et affectif, la plupart du temps, il reste du câblage à faire à cet âge-là. Mais bon, ce petit mec tout en muscles et au regard apaisant avait l’air tellement plus mûr que les gars de son âge. Il t’a surpris par sa droiture, par sa douceur, par son esprit. Tu as fait l’amour avec lui. Il t’a fait l’amour comme aucun gars ne te l’avait fait auparavant. Il avait voulu te donner du plaisir, il avait voulu te faire te sentir bien. Et tu n’as pas pu t’empêcher de tomber amoureuse de lui. Plus que ça, même. Tu t’es rendu compte que tu l’aimais comme tu n’avais jamais aimé personne d’autre .
    Mais entre ton travail, son bac, son boulot au garage, le rugby, ses potes, et le fait que vous n’habitiez pas ensemble, ce n’était pas facile d’avoir une relation suivie. Vous vous aimiez, vraiment, mais en pointillés. A chaque fois que tu faisais l’amour avec lui, c’était un pur bonheur. Car il te respectait, il te montrait que tu comptais pour lui, il te faisait te sentir belle, désirable, importante. Et ce gars généreux, bienveillant, fougueux, attentionné, protecteur, tu l’aimais de plus en plus.
    Mais au fil du temps, tu as senti que quelque chose se passait en lui. Tu as capté ces regards  qu’il posait sur certains mecs. Tu as voulu les ignorer. Mais un doute avait commencé à s’installer en toi. A partir d’un certain moment, tu as commencé à le sentir de plus en plus soucieux, comme si quelque chose le tracassait. Tu lui as demandé ce qui se passait, il t’a dit que ce n’était rien. Tu as fait semblant d’y croire, mais tu savais qu’il y avait autre chose. C’était au printemps précèdent. Tu avais senti que Thibault avait besoin de prendre l’air et tu as accepté d’espacer vos rencontres pour le laisser respirer. Ça a été dur, mais tu as pris sur toi, et tu lui as rendu sa liberté.
    Tu l’as revu un soir en boîte, tu es tombée sur lui presque par hasard. Ce soir-là, Thibault avait vraiment l’air d’être à coté de ses pompes. Tu lui as proposé de prendre un verre et il t’a raconté que son pote Jéjé venait de se bagarrer avec un type dans les chiottes de la boîte et qu’il venait de rentrer avec un pote. Il t’a dit qu’il avait envie de rentrer mais qu’aucun de ses potes ne voulait décoller. Tu lui as proposé de rentrer et de le déposer. Mais tu es montée dans son appart et vous avez fait l’amour. C’était toujours aussi bon, mais ce n’était pas comme avant. Tu avais l’impression que pendant qu’il te faisait l’amour, c’était à quelqu’un d’autre qu’il pensait.
    Pendant des semaines, tu n’as pas eu de ses nouvelles, à part quelques échanges de SMS. Puis, un jour, c’est ton corps qui t’en a données. Tes règles n’ont pas été au rendez-vous. Ça t’était déjà arrivé, alors ça ne t’a pas surpris plus que ça. Mais le retard a fini par devenir « suspect » et tu as fini par faire le test. Positif. Aucun doute sur la paternité. Thib était le seul garçon avec qui tu avais couché depuis des mois.
    La nouvelle t’avait bouleversée. Pendant un temps, tu avais pensé à Thibault comme au futur papa de tes enfants. Mais plus depuis que tu l’avais senti s’éloigner de toi.
    Tu ne savais pas vraiment quoi faire. Peu d’options se présentaient à toi. Avorter aurait été la plus simple. Mais pour toi ça n’en était pas une. Tu t’es imaginé élever ton enfant en mère célibataire, sans impliquer le père. Tu as hésité, et puis tu t’es dit que tu ne pouvais pas lui faire ça. Tu devais le lui dire. Il avait le droit de savoir. Tu as attendu quelques semaines pour être sûre et tu le lui as annoncé.
    Après avoir accusé le coup d’une nouvelle à la fois aussi inattendue et bouleversante, Thibault a sauté de joie. Il t’a pris dans ses bras musclés qui t’ont toujours donné tant de bonheur et il a pleuré avec toi.
    Et tu as su que tu avais fait le bon choix en décidant de l’impliquer.
    C’est à ce moment-là que tu as voulu avoir une conversation avec lui. Tu sentais qu’il en avait envie, qu’il en avait besoin. Toi aussi tu en avais besoin. C’est cette nuit-là qu’il t’a parlé de son attirance pour les garçons, et en particulier pour son pote Jéjé.
    Même si tu t’y attendais un peu, ça t’a fait un choc d’entendre cela par le gars dont tu attendais ton enfant.
    Il t’a dit qu’il ne pourrait jamais assumer le fait d’être homo. Et surtout, surtout, surtout maintenant qu’il allait être papa. Il t’a dit qu’il renfermerait tout ça dans un coin de sa tête et que tout ce qui comptait c’était cet enfant qui arrivait et qu’il voulait l’assumer, qu’il voulait être à tes côtés. Tu l’as cru, tu as voulu lui faire confiance.
    Mais lorsque Nico était venu le voir après son accident dans les décombres d’AZF, lorsque tu avais capté le regard que le futur papa de ton enfant posait sur ce pote, tu t’es sentie trahie. Alors, tu t’es montrée possessive, jalouse, autoritaire, menaçante même.
    Chose que tu as vraiment regretté depuis.
    Alors, quelques temps après la venue de Nico, en regardant Thibault immobilisé sur le canapé à cause de ses blessures, tu as ressenti une profonde tendresse s’emparer de toi. Tu t’es assise à côté de lui et tu lui as dit qu’il ne devait pas renoncer à être heureux, que tu l’aimais toujours et que tu savais qu’il t’aimait lui aussi. Tu lui as dit aussi qu’il est ton plus grand amour et peut être l’amour de ta vie. Tu lui as dit que cet enfant était un enfant d’amour, et que tu ne lui empêcherais jamais de le voir grandir, quoi qu’il arrive .

    « Ça va pas être facile de gérer tout ça… je considère.
    — Non, mais nous allons tout faire pour que les choses se passent bien, fait Nathalie. Pour l’instant, nous n’allons rien changer. Nous sommes tous les trois et nous sommes bien. Je vais bientôt recommencer à travailler, et nous allons nous organiser pour nous occuper de Lucas.
    — Et s’il rencontre quelqu’un ? Et si toi tu rencontres quelqu’un ?
    — On avisera. Mais même si demain nous ne vivons plus ensemble, je ne l’empêcherai pas de voir son gosse grandir. Je pense à une garde partagée avec beaucoup, beaucoup de souplesse et de bienveillance .
    — Je t’avais mal jugée Nath, tu es une bonne personne.
    — Il arrive … »
     
    « Désolé, Nico. C’était Loris, un mec du rugby, un véritable moulin à paroles. Nath, ça t’embête pas si je sors prendre un dernier verre avec Nico ?
    — Mais pas du tout ! Après avoir changé la couche de Lucas tu peux prendre ta semaine ! elle plaisante.
    — Une heure suffira.
    — Oui, c’est ça… quand un rugbyman qui sort prendre un verre te dit  » je reviens dans une heure  « , ça veut dire le lendemain matin. Alors, comme je serai couchée depuis longtemps, Nico, bonne chance pour tes études, et au plaisir de te revoir.
    — Merci, bon courage à toi aussi, avec le taf et avec le petit Lucas ! »
     
    En terrasse d’un bar de la rue Péri, Thibault me demande comment ça se passe entre Jérém et moi. Je lui parle de nos rencontres depuis Noël, de ses visites surprises à Bordeaux, de notre nuit à l’hôtel à Poitiers. Et aussi de cette dernière période où il ne trouve plus le temps pour me voir à cause du stress de la fin de saison.
    « Il ne te ment pas, tu sais. A la fin de la saison, le management nous met une pression de fou. On est fatigués de tous ces mois de compétition et il faut donner encore plus. C’est dur ! »
    — Je le sais, mais c’est dur aussi de ne pas le voir. Mais j’attendrai ce qu’il faut. Ce qu’il faut.
    — Et, toi, Thib, tu en es où dans ta vie ? j’enchaîne .
    — Je suis papa…
    — Ça je sais, mais je te parle du reste.
    — J’ai envie d’aller vers les mecs. Mais je n’ose pas sauter le pas.
    — Par rapport à Nath ?
    — Un peu. Mais pas tellement. Nous venons de mettre les choses à plat entre nous. Tu sais, je lui ai tout dit et elle me soutient. J’ai beaucoup de chance d’être tombé sur une nana comme elle. Non, je suis surtout mal à l’aise par rapport au mon petit bout de chou. Je me demande ce qu’il penserait de moi…
    — Je pense qu’il voudrait que son papa soit heureux…
    — Je le pense aussi. Mais il y a autre chose qui me tracasse.
    — C’est quoi ?
    — Le fait même de coucher avec un gars…
    — Mais c’est pas ta première fois, non ? Je veux dire, toi, Jérém et moi, cette nuit…
    — Avec Jé et toi, ce n’était pas pareil. C’était nous trois, tu vois… nous trois… »
    Parce que c’était vous, parce que c’était nous, je paraphrase une célèbre citation dans ma tête.
     
    Tu t’appelles Thibault Pujol. Et tu sais désormais que ce sont les garçons qui attirent ton attention et attisent ton désir. Au fond de toi, tu le savais depuis longtemps. Depuis un soir en camping, l’été de tes 13 ans, lorsque tu as fricoté avec Jé, ton meilleur pote. Depuis ce soir-là, et certainement même avant, tu as été amoureux de lui. Mais ton amour était un amour secret, parce que tu as voulu faire passer l’amitié avant l’attirance, avant tes sentiments. L’amitié avant tout. De toute façon, tu ne voulais pas non plus ressentir ces choses-là pour un garçon. Tu as essayé de ne pas y penser, mais ce truc te taraudait sans cesse, sans pitié.
    Avec le temps, tu t’étais accommodé tant bien que mal de cette amitié derrière laquelle tu cachais ta souffrance. Mais quand Nico est arrivé dans la vie de ton pote, quelque chose a basculé dans ta tête. Et la nuit que vous avez passée tous les trois ensemble, ça a réveillé en toi des démons que tu avais essayé d’enfouir depuis des années au plus profond de toi.
    Puis, après cet accident où tu as vraiment cru perdre ton pote, tu as décidé de lâcher prise. Ça a été dur, ça a été au prix de mettre une grande barrière entre lui et toi, mais tu as réussi à aller de l’avant. Cette épreuve a eu le mérite de t’ouvrir les yeux sur le fait que toi, Thibault Pujol, tu aimes les garçons et que tu as envie d’aller vers eux.
    Ça t’avait fait un bien fou d’acter cet état de choses, même si tu ne savais pas encore comment tu allais l’assumer. Et pile au moment où tu arrivais enfin à voir clair dans ton esprit, ta vie a été une nouvelle fois retournée par un évènement inattendu et bouleversant. Nathalie t’a annoncé qu’elle attendait un enfant de toi.
    Ça fait deux ans que tu as rencontré Nathalie. Votre relation n’a jamais été vraiment une relation de couple. Vous vous êtes trouvés, vous vous êtes fait du bien, de temps en temps. Vous étiez amis, confidents, amants. Tu ressens une profonde affection pour elle et tu sais que tu comptes beaucoup pour elle. Vous ne vous êtes jamais rien promis, ni rien interdit. Vous aviez chacun une bande de potes, et des aventures chacun de votre côté. Et vous vous retrouviez parfois, pour vous faire du bien.
    Mais cette belle relation est devenue plus difficile quand tu as réalisé que les sentiments de Nathalie pour toi avaient changé, et qu’elle était vraiment amoureuse de toi. Ça t’a fait peur, et tu as voulu prendre un peu de recul. Tu sais que tu lui as fait de la peine, et tu t’en veux. Mais tu n’as pas pu faire autrement. Tu as voulu être sincère avec elle, tu lu as dit que tu ne ressentais pas les mêmes sentiments qu’elle ressentait pour toi. Tu avais quelqu’un d’autre en tête, et ce quelqu’un c’était Jé. Et même si tu savais que c’était un amour impossible, tu n’arrivais pas à t’en faire une raison.
    Vous êtes restés plusieurs mois sans vous voir, Nathalie et toi. Et tu es retombé sur elle, une nuit, en boîte, où tu avais le moral dans les chaussettes. Tu venais d’apprendre que ton pote Jé venait de se battre dans les toilettes de la boîte avec un autre gars, son t-shirt blanc était souillé de sang. Tu venais de le voir repartir de boîte avec Nico, son camarade de lycée, et tu savais que cette nuit-là ils allaient faire l’amour. Tu étais heureux pour eux, mais au fond de toi, tu étais malheureux comme jamais. Car Nico avait pris la place que tu voulais auprès de ton Jé.
    C’est à ce moment-là que tu es retombé sur Nathalie. Tu avais le cœur en miettes et elle a su te réconforter. Ce soir-là, tu es rentré avec elle. Et vous avez fait l’amour. Tu lui as fait l’amour. Mais ce n’était pas comme d’habitude. Ton corps était avec le sien, mais ton esprit était ailleurs. Tu n’arrivais pas à cesser de penser à Jé, à Nico. Nathalie s’est rendu compte que tu n’étais pas vraiment avec elle. Elle t’a questionné. Tu n’as rien voulu lui cacher. Elle a été très chouette avec toi. Elle t’a dit qu’elle t’aimait et qu’elle voulait que tu sois heureux, même si ce n’était pas avec elle.
    Trois mois plus tard, elle t’a annoncé que tu allais être papa.
    Tu étais super heureux de devenir papa. Mais quelque chose te tracassait. Cette attirance pour les garçons qui t’empêcherait d’être un bon compagnon. Vous avez parlé, et elle t’a dit que tu avais le droit de vivre ta vie comme tu l’entendais, que tu avais le droit d’être heureux. Et qu’elle te laisserait jouer ton rôle de papa sans te poser d’obstacles. Cette discussion t’a enlevé un grand poids du cœur. Depuis, tu te sens mieux. Tu te sens libre. Tu laisses enfin parler tes envies. Et ce sont des envies de sensualité et de plaisir avec un garçon que tu ressens. Ça fait des mois que tu n’as pas touché un garçon, senti un corps masculin contre le tien. Depuis que tu as couché avec ton pote Jé, quelques jours avant son accident. Ça commence à faire un bail. Alors tu as envie de ça, très envie. Mais aller trouver d’autres gars…
     
    « Mais aller trouver d’autres gars… je n’arrive pas à franchir le pas. J’ai l’impression que si je couchais avec un gars ma vie basculerait, et que je ne pourrais plus jamais revenir en arrière, continue le jeune pompier.
    — Ça te fait peur d’être homo, c’est ça ?
    — Ouais. Tu sais, autour de moi, dans les vestiaires, sur le terrain, je n’entends que des moqueries et des insultes vis-à-vis des gars comme nous… »
     
    Oui, tu t’appelles Thibault Pujol et tu es quotidiennement confronté à une mentalité machiste et homophobe. « Sale pédé » est une expression utilisée à tort et à travers pendant les entraînements. Tu trouves de plus en plus dérangeant le fait qu’elle remplace un simple « tu as fait une erreur de jeu » ou toute autre invective vis-à-vis de l’autre en cas de désaccord. Tu n’arrives pas à comprendre pourquoi le mot « pédé » est utilisé comme la plus polyvalente et méprisante des insultes. Tu n’arrives pas à comprendre en quoi pédé doit être une insulte. Tu te demandes pourquoi cette haine est enracinée si profondément et comment elle se transmet d’une génération à l’autre.
    Tu te souviens avoir été invité par l’un de tes co-équipiers à assister à un match de foot de l’équipe dans laquelle jouait son petit frère de 8 ans. Tous les gamins avaient entre 7 et 10 ans. Dès les premières minutes du match tu as assisté à quelque chose qui t’a frappé.
    Tu te souviens avoir vu des petits gars jouer les machos avant l’heure, singer les attitudes, répéter bêtement les expressions de leurs frères aînés ou de leurs pères. Il y avait ceux qui veulent être les leaders, ceux qui veulent attirer l’attention, les agressifs, et puis il y avait les souffre douleurs. C’était plutôt caricatural, et ça t’aurait fait sourire, si seulement tu n’avais pas vu le regard des petits gars qui subissaient ce grossier jeu de rôles. Si seulement tu ne t’étais pas dit que cela annonçait les futurs comportements de certains et les futures souffrances pour d’autres.
    Tu te souviens que le petit Alex avait reçu le ballon et tu te souviens de sa démarche hésitante, de son regard apeuré par deux gars plus grands qui fonçaient sur lui et qui n’auraient pas hésité à le bousculer pour récupérer le ballon. La collision était inévitable. Alex avait pris peur. Il s’était débarrassé du ballon juste avant que les deux mecs ne le dégomment. Son coup de pied était faible, le ballon était parti en sucette, et Alex était tombé.
    « Tu joues comme un pédé ! » tu avais entendu fuser.
    Ce ne sont que des mots, et personne ne les avait relevés. Ni l’entraîneur, ni les parents autour du terrain. Personne ne s’était insurgé contre ces mots stigmatisants. Ce ne sont que des mots, mais ils t’ont profondément touché, comme ils ont touché le petit Alex.
    Tu aurais voulu intervenir et dire : « Eh, il a juste raté un coup ! C’est pas ça être pédé ! Être pédé, c’est un gars qui aime un autre gars. Et ce n’est pas une insulte, en aucun cas. Car on a tous le droit d’aimer qui on veut ! » Mais ce n’était ni le lieu ni le moment. Tu n’avais aucune autorité sur ces gamins. Ils étaient à fond dans le match et personne ne t’aurait écouté. Mais si tu avais été leur entraîneur, tu aurais arrêté le jeu sur le champ et tu aurais fait une saine mise au point.
    « Tu joues comme un pédé  ! »
    Oui, ce ne sont que des mots, mais tu sais que ce sont les mots qui enracinent le rejet, la haine et la honte de demain. Un enracinement qui survient très tôt, trop tôt. Tu t’es dit qu’il faut que ce cycle infernal soit cassé. Parce que l’homophobie est ni plus ni moins que du racisme.
    Ce rejet, cette haine, cette honte, tu les ressens chaque jour dans les vestiaires. Tu fais genre plutôt hétéro et ça t’arrange bien. Tu as une copine, et maintenant un gosse, tu joues bien le rôle qu’on veut te voir jouer. Mais tu sais que tout ça ce n’est pas toi, que ce n’est pas « tout » toi. Tu es attiré par les gars et tu voudrais faire des rencontres. Mais tu as peur. Ton visage commence à être placardé sur les affiches des matches, et tu as peur qu’on te reconnaisse.
    Tu sais qu’il y a une partie de toi que tu dois taire, au risque de tout perdre. Si « ça se savait », tu sais qu’on te pousserait à bout, on te pousserait à partir et à renoncer à ta carrière sportive.
    Tu entends des insultes qui t’affectent parce qu’ils laissent entendre qu’un pédé mérite la double peine d’être considéré comme un malade et d’être puni pour sa maladie. La banalisation de la haine contre les gays te révolte, mais tu ne peux pas vraiment t’insurger , sous peine de te faire remarquer et être pris pour cible. Pas une fois, tu as entendu un discours positif sur les homos. Pas de la part d’un coach, d’un président, n’importe qui dans le staff. Personne .
    Tu sais qu’il n’y a pas de place pour un homo dans les sports d’équipe. Cacher sa sexualité est une source de peur constante. Faire semblant tout le temps est fatiguant. Ça te prend de l’énergie et ça mine ton mental. Et ça, ce n’est pas bon, pas bon du tout.
    Tu as l’impression de jouer ton avenir sportif à chaque entraînement. Cela est source de stress et tu ne dors plus aussi bien qu’avant. C’est difficile de se reposer sans être en paix avec soi-même.
    Dans un sport comme le rugby, c’est le mental qui détermine si tu perces ou pas. La performance sportive est avant tout un exploit mental.
    Tu as passé les six derniers mois à avoir peur. Et maintenant, depuis que le petit Lucas est arrivé, tu te prives parce que tu veux être un papa « digne ». Mais Nico a raison, Lucas ne voudrait pas savoir que son papa se rend malheureux par peur de son jugement. Lucas voudrait que son papa soit heureux. Car un papa heureux, est un papa meilleur .
    Alors, ce soir, assis à cette table avec Nico, tu décides de dire adieu à ta honte et ta peur. Tu as la chance inouïe d’avoir le soutien de la mère de ton enfant. Tu ne veux pas que ton bout de chou te voie malheureux. Quant au rugby, tu l’aimes comme peu de choses dans la vie, ça t’apporte beaucoup de bonheur. Mais tu sais désormais que tu n’es pas prêt à sacrifier ton bonheur, tes bonheurs, tes autres bonheurs, pour le ballon ovale.
    Alors, ce soir, tu décides de vivre ce que tu as à vivre, sans tenir compte du regard des autres. Tu feras tout ce que tu pourras pour être un bon joueur, un bon coéquipier, un bon pote, un gars sur qui on peut compter. Tu seras irréprochable. Tu ne crieras pas sur les toits qui tu es. Mais si on te pose des questions, tu seras franc. Si des ragots circulent, tu mettras les choses au point. Tu diras haut et fort que tu aimes les garçons et que cela ne fait pas de toi un pestiféré. Tu diras à tes coéquipiers que tu ne feras rien pour les mettre mal à l’aise, mais que tu mérites leur respect, et ta place dans l’équipe. Et que tu as le droit de jouer comme eux tous.
    Et si malgré tout ils te rejettent toujours, si tes qualités sportives et humaines ne font plus le poids, tu partiras. Tu seras pompier, ou mécano, ou autre chose. Mais tu seras un papa et un homme épanoui. Et ça, c’est non négociable.
     
    « C’est pas facile d’être homo, et encore moins dans un environnement comme celui du sport de haut niveau. Jérém a les mêmes peurs, et je comprends la pression qui pèse sur vous, je considère.
    — Jérém a la chance de t’avoir, je suis sûr que ton soutient est précieux pour lui. Et moi j’ai la chance d’avoir Nath, car son soutient est précieux pour moi.
    — Au fait, tu as dit à Jérém que tu es papa ? » je lance, sans transition.
    Je sais qu’il a appelé Jérém, car ce dernier m’en a parlé vite fait un soir au téléphone. Jérém ne s’étant pas vraiment épanché à ce sujet, j’ai envie de connaître le ressenti de Thibault.
    « — Oui, je l’ai appelé.
    — J’imagine qu’il était heureux pour toi…
    — Il l’était. Mais c’était un peu bizarre.
    — Bizarre comment ?
    — C’était bizarre de reprendre contact après tous ces mois, de lui annoncer que je venais d’être papa après ce qui s’était passé entre nous, après ce que j’ai ressenti pour lui pendant si longtemps. J’ai eu l’impression qu’il était gêné, et moi aussi je l’étais. J’ai aussi eu l’impression que nous n’étions plus en phase, comme si nous étions maintenant à différents stades de notre vie. Tu comprends ce que je veux dire ?
    — Je crois, oui. Tu as désormais des responsabilités qui te font revoir tes priorités alors que ce n’est pas le cas de Jérém.
    — C’est ça !
    — Il t’a parlé de son équipe ?
    — Oui, et ça a été l’autre sujet compliqué à aborder…
    — Parce que pour toi et ton équipe ça se passe plutôt bien… je m’avance.
    — Et que lui et son équipe galèrent sévère en ce moment… il complète.
    — Ça l’affecte beaucoup…
    — Il pense qu’il ne sera pas renouvelé pour la saison prochaine… je n’ai même pas osé lui dire que moi, je le suis déjà…
    — Tu crois qu’il pourrait trouver une autre équipe ?
    — Je ne sais pas, mais je ne l’ai pas senti motivé pour chercher.
    — Tu crois qu’il pourrait laisser tomber le rugby ?
    — J’ai l’impression qu’il est tellement déçu qu’il pourrait tout envoyer chier sur un coup de tête, oui. Il en est tout à fait capable. Le fait est que s’il sort du circuit maintenant, c’est fichu. Il faut qu’il tienne bon. Jé est un super bon joueur, et ce n’est pas parce qu’il n’a pas trouvé comment s’intégrer dans une équipe qu’il est moins bon. Il n’a peut-être pas rencontré les bonnes personnes, les bons joueurs, les bons entraîneurs. « Bons », dans le sens où ils sauraient mettre en valeur son talent. Parce que du talent, Jé il en a à revendre. Mais il faut qu’il ait en face quelqu’un qui sache le canaliser.
    — Et tu lui as dit tout ça ?
    — Bien sûr que je le lui ai dit. Mais j’ai l’impression que cette saison et cette équipe ont sapé son moral et sa confiance en lui. Je l’ai connu davantage battant que ça. J’ai essayé de le secouer, mais j’ai senti qu’il était moins réceptif qu’avant. Si nous jouions dans la même équipe, si on se voyait chaque jour, si je connaissais en détail les problèmes qu’il a rencontrés, ce serait différent, je pourrais l’aider. Mais là, à l’aveugle, c’est difficile de taper juste.
    — Je voudrais pouvoir faire quelque chose pour arranger les choses.
    — Ça fait longtemps que tu ne l’as pas vu ?
    — Plus d’un mois. Il n’a pas le temps.
    — Je pense qu’il n’a surtout pas la tête à ça. Mais ça lui ferait du bien de te revoir.
    — Il faut que je monte à Paris.
    — Je pense, oui.
     
    Thibault est un garçon intéressant, avec une conversation agréable et variée, agrémentée d’une bienveillance de chaque instant qui me fait me sentir meilleur et qui me tire vers le haut. Il y a des gens comme ça, qui savent tirer le meilleur de chacun. Et Thibault est de ces personnes-là, des personnes rares et précieuses. Nous parlons longtemps et je ne vois pas le temps passer. Lorsque la fatigue commence à se faire sentir et que je regarde enfin l’heure, il est déjà deux heures du matin passé.
     
    « J’adore discuter avec toi, Thibault, mais là je dois vraiment y aller. Demain je dois rentrer à Bordeaux, et le réveil va sonner de bonne heure.
    — Ça marche, Nico. En tout cas, ça m’a fait vraiment plaisir de te revoir. Tu passes quand tu veux, tu es toujours le bienvenu ! ».
    Au moment de nous quitter, en bas des allées Jean Jaurès, je sens que nous n’en avons pas envie, ni lui, ni moi. Dans ses regards, dans son attitude, je retrouve cette tension, ces non-dits qui m’ont beaucoup troublé la dernière fois.
    « Je le sais, merci, je finis par lui répondre après un instant de flottement. Et toi aussi tu es le bienvenu chez moi à Bordeaux. Si un jour tu passes par là…
    — Je passerai avec grand plaisir !
    — Prends soin de toi, mon grand ! » fait l’adorable demi de mêlée tout en me prenant dans ses bras et en me plaquant contre son torse musclé.
    Cette douce et chaude accolade se prolonge, chaque instant est plus troublant que le précédent et moins que le suivant. C’est plus fort que moi, le contact avec ce gars me fait un effet de dingue. Ses bras puissants sont si rassurants et sa douceur est attendrissante. Beau jeune papa, comme tu es jeune pour avoir tant de responsabilité sur tes épaules ! Elles sont si solides, mais elles sont tellement chargées. Tiendras-tu sur la durée ? Bonne chance, mon pote Thibault.
    Dans cette étreinte où se mélangent amitié, émotion, tendresse, sensualité, je me dis, j’en suis certain, que dans une autre vie, sur une autre planète, dans une autre dimension, nos destins et nos cœurs auraient pu marcher ensemble. Et dans les mots que Thibault me glisse tout bas, pendant que notre étreinte se défait doucement, je trouve un écho saisissant à mes pensées.
    « Si on s’était rencontrés dans d’autres circonstances, si on n’avait pas été fous du même gars, peut-être que toi et moi… » il souffle tout bas dans mon oreille, alors que ses lèvres effleurent mon lobe provoquant d’intenses frissons en moi.
    Je suis à la fois flatté, touché, et gêné par ses propos. Mais je ne peux pas ne pas être aussi sincère avec lui qu’il vient de l’être avec moi.
    « Tu sais, Thib, j’y ai pensé aussi.
    — Qu’est-ce que j’ai aimé, cette nuit-là !
    — Moi aussi j’ai aimé.
    — Ça a été un déclic pour moi.
    — Je pense que ça l’a été pour tout le monde.
    — Bon courage mon grand » il me glisse, tout en me claquant une double bise sonore. Une bise amicale, suivie par deux petits bisous légers dans le cou que je reçois comme une douce notification de ce quelque chose qu’il y a entre nous et qui ne saura pas éclore.

    Bonjour à toutes et à tous ! Bienvenue sur le site Jérém&Nico

    Chat Jérém&Nico.

    Le chat sur Discord est toujours ouvert à tous. Vous pouvez venir échanger au sujet des épisodes de Jérém&Nico ou de n’importe quel sujet, actualité, artistique, culturel, ayant trait à la communauté LGBT, ou pas. Tous les sujets sont possibles.

    Le chat est accessible en cliquant ici

    Histoire du nu masculin

    Yann a entrepris une intéressante rétrospective sur l’histoire ce cette forme d’art largement méconnue.

    Elle est accessible en cliquant ici

    Commentaires

    Florentdenon

    14/08/2021 16:48

    Un récit tout en sensibilité oû l’on retrouve en effet avec plaisir le Bomecano. Et qui ouvre des portes pour la suite ? Thibaut incarne le double positif de Jérem à bien des points de vue et ce ne serait pas illogique que Nico cède à la tentation…Encore merci Fabien !

    Yann

    08/08/2021 12:12

    C’est avec grand plaisir que je retrouve le bomécano pompier. Un Thibault inquiet, déterminé et responsable qui aborde avec sérieux ses nouvelles responsabilités de père.
    Sans en avoir l’air, cet épisode soulève deux problématiques de l’homosexualité.

    D’abord celle des couples hétéros quand l’un des partenaires se découvre homo. L’aparté entre Nathalie et Nico m’a beaucoup touché. Nath n’est pas la nana revêche et possessive de leur précédente rencontre. Au contraire, elle est lucide et généreuse. Elle accepte Thibault tel qu’il est, et elle lui laisse sa liberté. C’est certainement avec beaucoup d’intelligence et de bienveillance qu’ils vont avancer dans leur vie de parents et c’est tant mieux pour le petit Lucas qui n’aura pas à pâtir de déchirements inutiles. Ca pourrait être le sujet d’une autre histoire : Thibault – Nath – ? – ?.
    Il y a aussi ce bref passage où Nico porte dans ses bras le petit Lucas et lit dans ses yeux cette question : « et toi, tu vas avoir un jour un bébé comme moi avec qui je pourrais jouer ? ». En faisant prendre conscience à Nico qu’il ne sera peut être jamais père, Fabien pose de façon plus générale la question de la paternité chez les gays.

    Coup sur coup, nous avons deux épisodes successifs avec un passage « dans la tête de … » et sous une forme un peu nouvelle.
    Le précédent, c’était dans « la tête de jérém » qui résumait magnifiquement bien sa personnalité : les fantômes de son enfance qui le font désespérer d’être un jour heureux, de ne vouloir dépendre de personne, son besoin de découvrir et comprendre qui il est avec Nico, mais aussi et surtout son impréparation à s’assumer face à ses partenaires.
    Cette fois-ci, c’est un passage tout aussi magnifique « dans la tête de Thibault » que nous livre Fabien. Un Thibault solide qui regarde les choses avec calme et détermination. Mais aussi un Thibault anxieux face à ses envies et son inexpérience avec les garçons même s’il est résolu à ne pas se cacher.
    Je trouve bien vue l’idée de faire se succéder ces deux exercices narratifs. On y découvre deux personnalités qui, sur la question de leur sexualité sont à l’opposé. Un Jérém résolument décidé à rester dans le placard tandis que Thibault lui est prêt à ne pas se cacher quoi qu’il en coûte à sa carrière de rugbyman.
    On apprend aussi que Jérém pourrait ne pas être renouvelé la saison prochaine. Je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec ce que Fabien nous disait sur le Chat : « Pour Thibault, le garage terminé, il joue dans l’une des meilleures équipes du top14. Pour Jérém, il va changer d’équipe en 2002, et les deux potes vont se retrouver sur les terrains devant les caméras à plusieurs reprises, ainsi que sur un fameux calendrier. Quant aux pompiers, Thibault a ça dans le sang… »

    Yann

    08/08/2021 12:01

    Bon anniversaire à J&N, cette histoire qui me captive depuis que je l’ai découverte il y a 6 ans et un grand merci à toi Fabien de nous la faire partager.

  • JN0304 Un mariage et quelques entraînements.

    JN0304 Un mariage et quelques entraînements.

    Cet épisode est dédié à la mémoire de tous les Zelim Bakaev du monde.


    14 février 2002.


    Aujourd’hui, c’est la Saint Valentin. On a beau se dire que c’est un jour comme tous les autres. On a beau être agacés par le bombardement médiatique dont cette « fête » fait l’objet. Ou bien s’insurger contre cette « obligation » de montrer qu’on aime, tout en attendant qu’on nous le montre en retour, comme s’il y avait besoin d’une date « consacrée » pour faire la démonstration de nos sentiments. On a beau se dire que c’est une fête commerciale avant tout.
    Et pourtant, lorsqu’on est séparé de l’être aimé, on ne peut s’empêcher d’attacher une signification à cette date, une importance. Car la Saint Valentin est un jour, ou du moins un soir, qu’on a envie de passer avec la personne qu’on aime. Et quand cela n’est pas possible, ça fait un bon gros pincement au cœur.
    Mais je sais que je ne suis pas à plaindre. Ma Saint Valentin, je l’ai eue au moins trois fois depuis Noël. La semaine passée à Campan, avec le premier « je t’aime » de Jérém à l’aube de la nouvelle année, sa nouvelle visite surprise à Bordeaux en janvier, et ce séjour récent à l’hôtel à Poitiers.
    Oui, il y a encore moins de 48 heures, j’étais avec mon Jérém. Définitivement, son attitude me touche et me bouleverse. J’ai longuement eu besoin d’être rassuré quant à ses sentiments, et tout ce que je viens de vivre depuis Noël prouve sans équivoque qu’ils sont bien réels.
    Et je suis d’autant plus touché que je suis conscient de l’effort que tout cela lui demande. Je pense à la route, au temps de repos auquel il renonce pour me voir. Mais je pense surtout et avant tout au conflit qui gronde en lui, à ses peurs, à ses angoisses. Au tiraillement entre l’envie de donner une chance à notre histoire et les peurs qui parasitent son élan vers moi.
    Je repense à mon réveil dans la nuit, je repense à Jérém en train de fumer un joint dans la pénombre. Je pense aussi au coup de fil qu’il a reçu lorsque la neige lui a fait rater un entraînement, à son malaise après s’être fait gronder par son entraîneur.
    J’ai l’impression qu’il marche en permanence sur des œufs, qu’il n’est pas complètement serein même lorsque nous ne sommes que tous les deux, comme s’il avait peur à chaque instant de faire un faux pas, de se trahir, de se faire repérer.
    « Tu peux pas imaginer ce que j’entends dans les vestiaires, Nico. Il y a tant de haine pour les gars comme nous, tu ne peux pas savoir. Si ça se sait, ma carrière est foutue. Il vaudrait encore mieux que je me casse une jambe… Il vaudrait encore mieux que je tue mon père et ma mère… Ulysse m’aide à garder les apparences… mais si la vérité se sait, il ne pourra rien pour moi… ».
    Je me rends compte de sa difficulté à s’assumer dans un environnement « hostile ». Et je mesure ma chance d’évoluer dans un milieu où je n’ai pas trop de difficultés à être moi-même, beaucoup moins contraignant que celui de Jérém, avec un entourage qui a intégré mon orientation sexuelle sans trop d’accrocs.
    Je suis entouré, Jérém l’est beaucoup moins. Certes, il pourrait parler à Charlène, à son frère Maxime, et il y a toute une bande de cavaliers qui le soutiendrait. Mais ils sont tous loin, et le contact téléphonique ne vaut pas une bonne discussion autour d’un verre avec une cousine, un pote, ou une présence bienveillante de l’autre côté de la cour, à quelques mètres de chez soi. Ulysse est dans la confidence, mais je ne pense pas non plus que Jérém se sente à l’aise de lui parler de notre relation, de ses doutes, de ses angoisses aussi ouvertement que je le fais avec Elodie, avec Julien, ou avec mes deux papis. D’autant plus que Jérém n’est pas quelqu’un qui s’ouvre facilement, mais il a tendance au contraire à garder tout pour lui. Notamment lorsqu’il se sent sous pression.
    Oui, aujourd’hui c’est la Saint Valentin et je voudrais être avec Jérém. Mais je n’ai pas à me plaindre, non. J’ai l’impression que si Jérém prend le temps et le risque de faire vivre notre histoire, c’est parce qu’il vient chercher du réconfort auprès de moi, et qu’il en trouve. Et même s’il n’est pas complètement serein, ça me rend heureux de pouvoir lui apporter du réconfort. Au fond, il n’y a qu’avec moi qu’il peut être complètement lui-même, sans faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Je veux qu’il se sente bien avec moi, je veux que nos rencontres soient pour lui un havre de paix et de bonheur.
    « Joyeuse Saint Valentin, mon amour », je lui envoie par sms.

    Les cours, les coups de fil de Jérém le soir, voilà mon quotidien des semaines suivantes. Jérém me manque, mais je sais que nous allons nous revoir bientôt. Du moins, je l’espère. C’est cet espoir qui m’aide à supporter l’absence, le manque. Une absence, un manque qui me hantent tout particulièrement le soir, au moment d’éteindre la télé et de chercher le sommeil. Pendant toutes ces nuits loin de Jérémie, je me refugie dans son t-shirt, dans son odeur, dans mes souvenirs avec lui.
    Mais mon quotidien est hélas fait aussi de ce compte à rebours commencé le soir où la capote de Benjamin a cassé. On s’habitue à tout, même à l’attente d’une réponse qui pourrait faire basculer notre vie tout entière. Mais lorsque la date du test, et surtout du résultat, approche, lorsque les mois glissent les uns sur les autres et qu’ils deviennent semaines, puis une semaine, des jours, puis 6 jours, 5 jours, 4, 3, 2, 1, l’angoisse reprend le dessus.
    J’ai fait le test hier, le 13 mars, et j’aurai mes résultats demain à 15 heures. Ces 48 heures d’attente sont les plus longues de toute ma vie. J’ai envie de savoir, j’ai envie que demain arrive le plus vite possible. J’ai envie qu’il n’arrive jamais. Je compte les heures, j’ai l’impression qu’elles passent à la fois au ralenti et trop vite. Je ne voulais pas parler à Jérém du test, pour ne pas le faire angoisser avec moi, mais je n’ai pas pu m’en empêcher. Il m’a demandé si j’avais fait le test le jour même où je me suis rendu à l’hôpital pour faire le prélèvement. Du coup, depuis 48 heures, il est tout aussi angoissé que moi. Je l’ai senti au téléphone. Il m’a dit de l’appeler dès que je sais que je suis négatif. A l’entendre, il n’y a que cette option, que je sois négatif. Il n’arrive même pas à envisager que ça puisse en être autrement. C’est sa façon de me soutenir, et de vouloir y croire en même temps. Il est vraiment adorable mon Jérém.

    Vendredi 15 mars 2002.

    L’heure de vérité approche, je sèche les derniers cours de l’après-midi pour me rendre au centre de dépistage. A chaque fois que je me rends à l’hôpital depuis l’ « accident », je ressens un malaise insistant. J’ai l’impression que tous et tout me jugent. Les hôtesses d’accueil, les infirmières, les médecins, les autres « testés », les couloirs, le mobilier. Et moi-même. Je me sens honteux. Dans la salle d’attente, nous sommes 5 gars à ne pas tenir en place sur les chaises en plastique. Une infirmière les appelle par leur prénom à tour de rôle, ils disparaissent derrière une porte, dans une pièce où leur vie peut basculer à tout jamais. Ils passent l’un après l’autre, mais ils ne réapparaissent pas, ils doivent sortir par un autre côté du bâtiment. D’autres arrivent après et passent avant moi. Tout ce va-et-vient me stresse, je commence vraiment à avoir peur. Seigneur, donne-moi une chance, s’il te plaît ! Ça n’est arrivé qu’une fois et ça a vraiment été un accident, je ne l’ai pas cherché ! Ça ne peut pas se passer comme ça !
    Et pourtant, si, bien sûr que ça peut se passer comme ça. Quelle va être ma vie si je suis séropositif ? Comment vais-je l’annoncer à ma famille, à mes proches ? A Jérém ? Que va devenir notre belle histoire ? Comment va-t-il appréhender cet état de choses ? Est-ce qu’il va pouvoir gérer ? Est-ce qu’il va culpabiliser ? Je lui ai dit et je lui redirais qu’il n’a pas à culpabiliser, car ce n’est pas lui qui a fabriqué la capote qui a cassé, et encore moins lui qui m’a poussé dans les bras de Benjamin. Mais est-ce qu’il va y arriver ? Est-ce qu’il va supporter de me voir prendre mon traitement au quotidien ? Est-ce qu’il va supporter de continuer à mettre la capote ? Est-ce que nous allons pouvoir un jour pouvoir arrêter la capote ? Est-ce que j’y arriverais un jour, même si un médecin m’y autorise ? Si je suis positif, la peur de l’infecter me hantera toute ma vie, capote ou pas. C’était déjà le cas depuis Noël, mais le doute faisait que je pouvais continuer à espérer, à me dire que les quelques petits risques que nous nous sommes accordés étaient minimes. Mais du moment où je saurai, la peur ne me lâchera plus. Même l’embrasser me fera peur. C’est idiot, certes. Je ne sais pas encore si je suis positif et je me sens déjà comme un pestiféré.
    Une infirmière appelle enfin mon nom et sa voix me fait sursauter. Du coup tout devient encore un peu plus réel. L’heure de vérité est arrivée. Ça y est, je vais savoir.
    Le médecin qui me reçoit doit avoir une soixantaine d’années, il est grand, maigre, grisonnant. Il a les sourcils en chapeau, les traits tendus et l’air pas commode. Il parcourt deux fois les feuilles de mes résultats sans m’adresser la parole. J’ai l’impression que soit il cherche à gagner du temps avant de m’annoncer une mauvaise nouvelle, soit qu’il prend du plaisir à me faire mijoter.
    J’ai l’impression que tout se bouille dans ma tête, que mon cœur tape dans ma gorge, dans mes tempes.
    « Dites-moi, s’il vous plaît, je m’entends lâcher, la voix basse, comme éteinte.
     — Vous avez de la chance Mr Sabathé, il m’annonce froidement un instant avant que mon cœur n’explose.
     — Ça veut dire que je suis…
     — Négatif, oui. »
    Le stress, l’angoisse, la peur accumulés depuis trois mois et oubliés d’une certaine façon par le quotidien remontent d’un coup. Et je pleure.
    « Vous n’êtes pas content ?
     — Si si, c’est juste que j’ai eu tellement peur.
     — Qu’est-ce qui vous est arrivé ? »
    J’ai beau être soulagé, je me sens toujours honteux à raconter pour la énième fois les circonstances qui m’ont amené à ce test.
    « La capote a cassé pendant un rapport.
     — Anal ?
     — Oui.
     — Et vous étiez actif ou passif ? »
    Mais qu’est-ce que ça peut bien faire ? Que cherche-t-il à la fin ? Tout ça n’a plus d’importance désormais. Du coup, je trouve humiliant de devoir répondre à ce genre de question.
    « C’était un accident, je me contente de répondre, pressé de me sortir de là.
     — Ce genre d’accident arrive le plus souvent aux hommes comme vous.
     — Un accident c’est un accident, je lui lance sur un début d’agacement.
     — J’espère que cette mésaventure vous apprendra peut-être à faire davantage attention à ce que vous faites. Il n’y a pas toujours de deuxième chance… »
    Le ton et l’air accusateurs du médecin ne gâcheront pas ma joie d’être délivré de cette angoisse avec laquelle j’ai vécu depuis trois mois. Je le remercie, et je me tire de là au plus vite. Je m’empresse de quitter l’hôpital. Dès l’instant où je suis dans la rue, et où je sens l’air frais circuler dans mes sinus, emplir mes poumons, les rayons de soleil chauffer mon visage, j’ai l’impression de renaître. Je me sens léger, heureux, euphorique.
    Je prends quelques bonnes inspirations, je me retiens de pousser un grand cri de joie et j’appelle mon Jérém. Je tombe sur son répondeur, mais rien que le fait d’entendre sa voix enregistrée me fait du bien. Je lui laisse un long message décousu pour lui dire qu’il n’a plus à s’inquiéter. J’aimerais tant qu’il soit avec moi, le prendre dans mes bras, pleurer de joie dans son étreinte, le sentir contre moi, partager ce moment de joie et de sérénité retrouvées.
    En attendant, j’envoie un message à Julien pour le prévenir. Il me répond dans la seconde.
    « Je suis content pour toi, mon poto ! »
    Définitivement, Julien est un pote formidable.

    Jérém me rappelle une heure plus tard alors que je viens de rentrer chez moi et de faire part de la bonne nouvelle à mes deux adorables papis.
    « Je le savais ! Je le savais ! Putain, je le savais ! Ça ne pouvait pas être autrement ! ! ! »
    Je sens que mon beau brun est très heureux, mais aussi ému.
    « Tu peux pas savoir comment je suis content pour toi ! il ajoute, la voix vibrante d’émotion.
     — Merci mon amour…
     — Tu sais ce qui va t’arriver maintenant ? il enchaîne sans transition.
     — Non, qu’est-ce qui va m’arriver ?
     — Des bricoles ! ».
    Je commence à comprendre où il veut en venir et je sens instantanément mon excitation monter.
    « Quel genre de bricoles ? je le cherche.
     — Moi je pense que tu sais très bien ce que je veux dire.
     — Tu peux être plus clair ?
     — Tu verras quand je t’aurai chopé ! »
    Là, c’est ma queue que je sens monter.
    « Tu vas t’occuper de mon cas ?
     — Oh que oui ! Et tu vas prendre cher ! »
    J’ouvre mon pantalon, je glisse ma main dans mon boxer.
    « Ah bon ? Tu vas me faire l’amour ?
     — Je vais te défoncer ! »
    Ah, ça a le mérite d’être clair. Clairement bandant.
    « Mais encore ?
     — Je vais te… il lance, puis s’arrête net, il me fait languir, je suis suspendu à ses lèvres.
     — Tu vas… quoi ? »
    Je sais à quoi il pense, je pourrais y parier un million. Mais j’ai envie de l’entendre me le dire.
    « Je vais te… gicler dans le cul !
     — T’en as envie, hein ?
     — Et pas qu’un peu !
     — Moi aussi !
     — Je sais…je l’entends lâcher dans un chuchotement accompagné d’un ahanement que je reconnais sur le champ.
     — Tu te branles ?
     — Ouais…et toi ?
     — Aussi…j’ai tellement envie de toi !
     — Moi aussi !
     — J’ai envie de te sucer…
     — Quand je pourrai te coincer, je te baiserai direct !
     — Tu ne me laisseras pas te sucer un peu avant ?
     — Non ! »
    Soudain, le souvenir de Jérém qui me colle violemment contre le mur, et qui m’encule direct après le bac philo s’affiche dans ma tête. Au fond de moi, j’ai envie de ça. De beaucoup de tendresse, de mille autres choses, mais de ça aussi, de sentir sa fougue, sa force, son animalité, tout en même temps.
    « T’as autant envie de me gicler dans le cul ? » je le cherche. Cette perspective, ces simples mots, m’excitent au plus haut point.
    « Tu peux pas savoir…
     — T’as la queue bien dure ?
     — Tu vas pas être déçu !
     — T’as les couilles bien pleines ?
     — A ras-bord !
     — Il est bien chaud ton jus ?
     — Brûlant !
     — Et tu vas tout me l’offrir ?
     — Tu vas me supplier d’arrêter !
     — Ça, je ne crois pas, non !
     — C’est ce qu’on verra !
     — J’ai hâte de t’avoir en moi !
     — Et moi d’être en toi ! »
    L’image de Jérém tous pecs et abdos dehors en train de me tringler, en train de prendre son pied, de perdre pied, de lâcher son jus en moi s’affiche dans ma tête dans toute sa violence. C’est comme une gifle puissante.
    « Je viens… » je lâche, alors que mon premier jet atterrit sur l’un de mes tétons.
    Les ahanements vibrants et prolongés à l’autre bout de la ligne ne me laissent pas de doute quant au fait que le beau brun a également atteint son orgasme.
    « Quel dommage !  je lâche.
     — De quoi ?
     — Que tu n’aies pas pu me remplir, là.
     — C’est clair !
     — T’as giclé où ?
     — Sur mon torse ! »
    L’image de son torse musclé et de sa peau mate parsemés de giclées chaudes, denses et odorantes me rend dingue.
    « J’ai tellement envie de tout lécher !
     — Bientôt ! »

    Le lendemain, je suis d’humeur joyeuse. Je suis tellement bien que ça doit se voir.
    « Tu as l’air en forme, ce matin, ça fait plaisir à voir ! me lance Monica.
     — Eh, qu’est-ce qui t’arrive, tu as gagné au loto ? me taquine Fabien.
     — T’as tiré ton coup ? » me taquine Raph à son tour.
    Après la bonne nouvelle d’hier après-midi, mon horizon se rouvre enfin, comme après un orage. Je retrouve l’intérêt pour les cours que j’avais un peu perdu depuis quelques temps, et tout me paraît à nouveau possible. Et il y a quelque chose qui ajoute encore du bonheur à cet état de choses. Un mot prononcé par Jérém juste après notre petite gâterie en télécom, et qui ne cesse de tourner en boucle dans ma tête : « Bientôt ».
    Le beau brun a sous-entendu qu’il me ferait bientôt tout ce qui m’a promis. Ça voudrait dire que nous allons bientôt nous revoir, qu’il a peut-être même déjà une petite idée du quand et du comment. Hâte de savoir ce qu’il prévoit, hâte de le retrouver. Hâte de faire l’amour avec lui. Mais hâte avant tout de le serrer dans mes bras et de le sentir contre moi, sans cette distance, cette peur et cette culpabilité que l’attente du test a mises entre nous depuis Noël.
    Je rentre à l’appart, j’allume la télé, je me cale devant « On a tout essayé », cette émission que je suis depuis la rentrée et qui égaye mes fins d’après-midi. Une interview de Hugues Delatte demandant à une Nicoletta morte de rire si son titre « Mamy blue » est inspiré par la Grand-mère Schtroumpf, me fait également rire aux larmes.

    https://www.facebook.com/raphmezrahi/videos/231102304915987

    Je m’apprête à dîner, tout en pensant au coup de fil avec Jérém qui va tomber aux alentours de 20 heures, comme chaque soir, lorsque le bruit strident de l’interphone résonne dans la petite pièce. Au bout du combiné, le bonheur m’attend.
    « Oui ?
     — C’est moi… »
    Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Sa voix à l’interphone. Jérém est là. Ah, c’était donc ça « bientôt ». Vraiment « bientôt ». Je pensais que ce serait dans pas longtemps, mais en aucun cas je n’avais pas osé espérer imaginer que ce serait si vite.
    J’appuie sur le bouton, je me précipite à la porte de mon appart, je me rue dans la petite cour.
    Dès que l’image de mon beau brun traverse ma rétine, je suis KO. Pull à capuche gris, le zip ouvert sur un triangle de coton blanc au col arrondi, mon Jérém me fait craquer au premier regard.
    « Qu’est-ce qui se passe Nico ? » j’entends Denis me questionner en me voyant débouler comme un fou hors de chez moi. Depuis leur baie vitrée ils ne ratent par une miette de ce qui se passe dans l’entrée de l’immeuble.
    « Va voir, il y a peut-être le feu à l’appart ! j’entends Albert lui lancer.
     — Oui, il y a le feu…mais pas celui que tu crois ! » lui répond Denis qui a dû voir Jérém avancer dans le passage couvert.
    Je profite de la discrétion offerte par la configuration des lieux qui nous permet de n’être vus que par mes deux propriétaires, pour sauter au cou de Jérém.
    « Tu es là… »
    Sur le coup, le beau brun se raidit. Il regarde partout autour de lui, je ne le sens pas à l’aise vis-à-vis de mes effusions.
    « T’inquiète, personne ne peut nous voir ici, à part les propriétaires… »
    Et là, Jérém m’embrasse. Je prends ça pour un feu vert, je le prends dans mes bras, je le serre très fort contre moi, je l’embrasse comme un fou.
    « Je suis tellement heureux que tu sois là !
     — Je ne pouvais pas attendre…
     —  Jérém ! j’entends Albert lancer, ça fait plaisir de te revoir !
     — Bonjour monsieur ! »
    Sa façon de dire « monsieur » et le respect avec lequel il semble charger ce mot lui donnent un côté « petit garçon devant son prof » qui le rend craquant.
    « Venez prendre l’apéro, enchaîne Albert.
     — Mais laisse-les tranquilles, un peu ! fait Denis, ils ont d’autres chats à fouetter que de gâcher leur soirée avec deux vieux ! »
    Ça me fait sourire. Et ça fait sourire mon Jérém.
    « Viens ! » je lui lance tout bas, tout en saisissant sa main et en l’attirant vers moi, impatient de me retrouver seul avec lui.

    Une seconde plus tard, nous sommes dans le petit studio. Jérém me colle contre le mur, il prend mes lèvres comme s’il ne m’avait pas embrassé depuis des siècles. Il me serre très fort contre lui, il couvre mon cou de bisous. Je sens son souffle sur ma peau, je sens son bonheur d’être avec moi. Je sens qu’il est bien, là, avec moi. Qu’est-ce qu’il me touche ce petit gars !
    Son bassin collé contre le mien, je sens son érection monter à vitesse grand V. J’ai envie de le pomper, j’ai envie de l’avoir en moi. Mais en même temps, je n’ai pas envie de quitter cette étreinte qui me fait un bien fou et qui me montre à quel point je compte pour lui, plus que tous les mots du monde.
    Je ne sais pas me décider, alors je me laisse porter. De toute façon, tout va très vite. Le bobrun est chaud bouillant. Il a envie de câlins, mais il a aussi envie de prendre son pied. Pendant qu’il m’embrasse sans retenue, il ouvre le zip de son pull, il s’en débarrasse. Le coton molletonné glisse sur le coton de son t-shirt avec un petit crissement qui a la douceur d’une caresse. Je suis aveuglé par l’éclat du t-shirt blanc qui moule terriblement bien ses pecs et ses biceps. Mais le bogoss se débarrasse aussitôt de cette dernière couche de coton. Son torse en V à la peau mate s’offre à moi dans toute sa splendeur virile. Sans attendre, il défait sa ceinture – le cliquetis de la boucle qui s’ouvre est un son terriblement excitant à mes oreilles – puis sa braguette, puis ma ceinture, et ma braguette à moi. Les gestes sont secs, rapides, ils trahissent la délicieuse précipitation du désir.
    D’un coup rapide et puissant, il fait glisser mon pantalon à mi-cuisse. Il me fait alors me retourner face au mur. Définitivement, tout ça me rappelle le jour où je l’avais suivi chez lui après le bac philo, après l’avoir chauffé à bloc pendant l’épreuve. Ce jour-là, dès la porte claquée derrière nous, il m’avait plaqué contre le mur, il avait presque arraché ma ceinture et ma braguette, et il m’avait baisé direct, sans autre forme de procès. Il m’avait baisé avec une fougue presque bestiale, comme un animal en rut, tout en me traitant de sale pute. Il m’avait fait sentir à lui comme ce n’est pas permis, et il m’avait giclé dans le cul.
    Aujourd’hui, Jérém ne me traite plus de sale pute, mais il me fait toujours sentir autant à lui. Les gestes n’ont pas la brutalité de ceux du jour du bac philo, ils sont désormais empreints d’un mélange de douceur et de fermeté virile qui me fait délirer.
    Je sens le souffle chargé d’excitation de mon mâle glisser sur mon cou, sur ma nuque. Je suis aux aguets de ses ahanements empreints de désir. Jérém mordille nerveusement mon oreille, il passe ses mains sous mon t-shirt, agace mes tétons, me rend dingue d’excitation. Je sens sa queue chaude et raide tendre le tissu élastique de mon boxer, s’enfoncer dans ma raie. Je crève d’envie de lui.
    Tout comme le jour du bac philo, le beau brun attrape le bas de mon t-shirt, le pull en plus, le retourne, le fait glisser le long de mon torse. J’ai tout juste le temps de seconder son mouvement, et je me retrouve torse nu, mon dos enveloppé par sa présence virile.
    Et lorsque son bassin relâche enfin la pression, je n’en peux plus. Je charge mes mains de descendre mon boxer, comme une urgence, mais Jérém m’en empêche. C’est lui qui se charge de le descendre, doucement, lentement, sensuellement. Je me retrouve avec le boxer à mi-cuisse et la langue de Jérém qui lèche ma rondelle avec un entrain jouissif.
    Le beau brun cale son torse contre mon dos, sa queue raide dans ma raie humide et hypersensible, il frotte et tapote son gland contre ma rondelle. Jérém n’est pas encore venu en moi, et pourtant je me sens déjà dominé par sa virilité. Je n’en peux plus !
    « J’ai envie de toi ! je finis par lui lancer, fou de lui.
     — Je vais te défoncer !
     — C’est tout ce que je demande ! »
    Son bassin exerce une pression de plus en plus forte, lente et impitoyable, jusqu’à ce que je sente mes muscles humides céder, jusqu’à le sentir venir en moi lentement, mais inéluctablement. Sa pénétration est lente, puissante mais tout en douceur. Ses va et vient sont délicieux. Sa façon d’agripper tour à tour mes hanches, mes épaules ou mes biceps pour mieux me secouer me rend fou.
    Je sens son souffle dans mon dos, ses ahanements de plaisir, je perçois ses frissons, je ressens son envie.
    « Qu’est-ce que c’est bon ! je l’entends lâcher.
     — Mais grave ! »
    Et pourtant, quelques secondes plus tard à peine, il s’arrête net. Envahi par sa queue, je suis instantanément en manque de ses coups de reins.
    « Fais-moi l’amour Jérém !
     — Si je continue comme ça, je vais jouir de suite…
     — Fais-toi plaisir, beau mâle ! »
    Ses coups de reins reprennent, mais pas pour longtemps.
    « Je vais te remplir… » je l’entends souffler.
    Ses mains se crispent, ses doigts s’enfoncent dans ma chair. Un réflexe nerveux, lorsque son corps et son esprit perdent pied. Son souffle s’emballe, ses va-et-vient ralentissent jusqu’à se caler sur le rythme de ses éjaculations. Et son plaisir s’exprime par des râles puissants et étouffés.
    Ça y est, pour la première fois depuis des mois, mon beau brun vient de gicler en moi. Je suis tellement heureux de lui offrir ce plaisir, cet aboutissement sensuel qui avait l’air de tant lui manquer !
    Je suis tellement excité que je pourrais jouir sans même me toucher. Mais je me retiens, car j’ai envie de faire durer cet instant de bonheur le plus longtemps possible. La sensation, l’idée d’avoir son jus en moi me rendent dingue.
    « Je suis désolé…je l’entends me glisser, entre deux bisous posés sur mon cou alors qu’il est toujours en moi.
     — Désolé de quoi ?
     — Je suis venu trop vite…
     — Mais c’est pas grave du tout !
     — C’est meilleur quand ça dure…
     — C’était intense, il y avait le feu !
     — Un feu de paille…
     — Un feu de dingue !
     — T’as aimé, quand même ?
     — Et comment !
     — Moi aussi !!! Putain qu’est-ce que ça m’a manqué !
     — A moi aussi… »
    Le bogoss se déboîte lentement de moi. Il me fait me retourner, il se met à genou et il me pompe à bloc. Il ne faut pas longtemps pour me sentir perdre pied à mon tour.
    « Je vais jouir ! » je lui annonce.
    Jérém cesse de me pomper. Il empoigne ma queue et la branle vigoureusement. Un instant plus tard, je gicle sur son torse musclé et poilu, sur sa peau mate. Le beau brun avale une dernière fois ma queue, comme s’il ne pouvait pas résister à l’envie de goûter à mon sperme. Je suis surpris par cela. Et avant de revenir à moi et de me rappeler que je n’ai plus aucune raison de le faire, je me retiens de justesse de l’en empêcher. Lorsque la peur s’installe, c’est difficile de la faire repartir. Il faut du temps.
    Le bogoss passe son pull à capuche à même la peau, referme approximativement le zip et entrouvre la fenêtre pour griller une clope. Lorsqu’il revient au lit, il me prend dans ses bras. Le bonheur que ce gars sait m’offrir est un cadeau du ciel.

    Jérém a l’air plutôt fatigué, alors je lui propose de lui préparer à manger. Mais je n’ai pas grand-chose dans mon frigo. Alors, pendant que je le laisse se reposer à l’appart, je pars en expédition de survie à la superette du coin. J’achète de quoi lui faire une bolognaise maison, des escalopes milanaises. Je suis tellement content que Jérém soit là, et de pouvoir m’occuper de lui.
    En rentrant des courses, je retrouve le beau brun assoupi. Il est vraiment fatigué. Et il est touchant comme un enfant. Je baisse le son de la télé et je fais attention à ne pas faire trop de bruit en cuisinant. Je regarde ma bolo en train de mijoter et je ressens un tel bonheur ! C’est le bonheur des petites choses du quotidien qu’on a envie de partager avec l’homme de sa vie. J’ai un jour entendu quelqu’un dire que quand on aime, on cuisine. J’ai tellement envie de cuisiner pour Jérém !
    Un couvercle qui glisse et tape contre la poêle dans un grand bruit métallique fait revenir brutalement mon beau brun de sa petite sieste.
    « Putain, je me suis endormi…
     — Tu étais fatigué…
     — Ah oui… »
    Il est tellement mignon !
    « C’est prêt dans 5 minutes, je lui annonce.
     — Ça sent très bon tout ça, il considère en regardant en direction des fourneaux.
     — C’est rien…
     — Non, ce n’est pas rien. C’est beaucoup pour moi » je l’entends me glisser à l’oreille un instant plus tard.
     
    Pendant notre petit dîner improvisé et en amoureux, Jérém me parle de son quotidien, de ses entraînements, de sa progression sportive, de son intégration au sein de l’équipe. Je le sens enfin à nouveau épanoui, bien dans sa peau, confiant. Il me raconte comment, avec Ulysse, il a l’impression de retrouver le parfait tandem au rugby, comme avec Thib. Dans sa façon de me raconter ses nouveaux exploits dans l’équipe je retrouve le Jérém un brin frimeur que j’ai connu à Toulouse. Mais ce qui le rend encore plus craquant, c’est le fait que cette « assurance » retrouvée n’est pas dénuée de quelques craintes. Son assurance revient, mais j’ai l’impression qu’elle n’est plus si nette qu’avant. Comme si elle était toujours marquée par le choc inattendu avec cette nouvelle réalité dans laquelle il s’est senti d’abord rejeté, où il a dû lutter pour se faire accepter. Comme si sa sérénité était toujours entremêlée par l’incertitude du lendemain, parasitée par la pression qu’il doit supporter au quotidien.

    « Tu es retourné à Toulouse depuis Noël ? il me questionne au détour d’une conversation.
     — J’y suis retourné une fois en février, et je vais y retourner dans un mois pour le mariage de ma cousine. Je suis son témoin.
     — Ah, tu vas te faire tout beau ! Et tu vas encore te faire draguer !
     — N’importe quoi !
     — J’en suis sûr !
     — T’as qu’à venir pour me surveiller…
     — Je ne suis pas invité !
     — Si !
     — Quoi ?
     — Ma cousine m’a dit de te dire que tu es le bienvenu si tu veux venir.
     — Moi ?
     — Oui, toi !
     — Et pourquoi, moi ?
     — Parce que tu es le copain de son cousin préféré qui est aussi son témoin de mariage, banane ! »
    Jérém ne répond pas, il semble soudainement pensif.
    « Je ne suis pas prêt à jouer le parfait petit copain pédé, il finit par lâcher à mi-voix.
     — Tranquille, je ne te demande pas ça. Je n’ai pas besoin de te présenter autrement que comme un pote. Ce qu’il y a entre nous ne regarde que nous.
     — Je ne suis pas prêt pour ça… la famille, les repas, tout ça…
     — T’inquiète, je comprends. J’aimerais bien que tu viennes, bien sûr, mais je ne vais pas insister. Je te le dis juste parce qu’elle me l’a proposé. Elle voudrait juste te montrer que tu es le bienvenu dans ma vie et que dans ma famille tout le monde n’est pas comme mon père.
     — Ah, oui, ton père. Je n’ai vraiment pas envie de le croiser ! Et puis, de toute façon, je déteste les mariages…
     — Il n’y a pas de mal, vraiment.
     — C’est cool que tu aies eu un jour de repos, je change de sujet.
     — Mais je n’en ai pas eu !
     — Et comment tu as fait pour venir ?
     — J’ai dit que j’avais rendez- vous chez le dentiste.
     — T’es génial !
     — Mais demain matin je dois être impérativement aux entraînements à 9 heures…
     — Mais ça va te faire lever super tôt ! je considère.
     — Il va falloir que je prenne la route à 3 heures du mat’.
     — Mais tu ne vas jamais arriver à temps !
     — Neuf heures plus ou moins le quart d’heure toulousain, il plaisante.
     — Mais tu es fou !
     — J’avais trop envie de te voir…
     — Tu es adorable…
     — Et de te faire l’amour comme il se doit…
     —     »
    Mon beau brun a traversé la moitié de la France pour venir me faire l’amour, alors nous refaisons l’amour. Après le dîner, Jérém me fait m’allonger sur le dos et il vient en moi une nouvelle fois. Il me pilonne lentement, les ondulations de son bassin sont divines. La vision de son torse nu sculpté par le sport, de ses poils bruns, de ses tatouages, de sa belle gueule défaite par le plaisir sont autant d’images de bonheur. Cette fois-ci, mon beau brun prend son temps. Il me pilonne, il m’embrasse, il me lime, il me caresse, il me défonce, il me branle, et il me fait jouir. Mes jets chauds atterrissent sur mon torse au moment même où le corps et la petite gueule de mon beau brun se crispent dans l’expression de son nouvel orgasme, à l’instant même où il lâche de nouvelles bonnes giclées viriles en moi.

    Après son immanquable cigarette, Jérém m’annonce qu’il a besoin de dormir et il passe à la douche aussitôt. A travers l’encadrement de la porte laissée ouverte et des vitres translucides de la cabine, je regarde mon Jérém en train de se doucher. J’entrevois, j’entends l’eau tomber sur son corps musclé, je sens le parfum du gel douche se répandre dans la pièce. Je le regarde sortir de la cabine, les cheveux et la peau ruisselants d’eau, sa nudité spectaculaire, beau comme un Dieu. Je le regarde s’essuyer, les cheveux, le dos, les bras, les aisselles, l’entrejambe, les jambes, les pieds. Je le regarde faire disparaître sa virilité dans un boxer rouge à l’élastique blanc.
    Un petit passage devant le miroir pour dompter un minimum ses cheveux bruns en bataille et il revient dans la pièce principale, sans me quitter du regard.
    J’adore capter la fraîcheur qui se dégage de sa peau à la sortie de la douche. Qu’elle soit portée par les notes enivrantes d’un gel douche de petit con, ou bien par la douce sensualité d’un savon neutre qui laisse s’exprimer l’odeur naturelle de sa peau, cette fraîcheur de la peau qui vient d’être douchée me rend complètement dingue.
    Je lui demande de s’allonger à côté de moi et le bogoss s’exécute sans me quitter des yeux. Au fond des siens, une étincelle coquine qui me confirme ce que j’avais deviné. Nos envies se complètent.
    Le temps nous est compté, les quelques heures de sommeil devant nous sont précieuses. Surtout pour Jérém. Et pourtant, le beau brun est chaud comme une baraque à frites, et il ne compte pas vraiment se coucher avec les poules. Il préfère coucher avec son poulet toulousain.
    Il me caresse et il m’embrasse partout, tout en jouant délicatement avec ma queue déjà bien tendue. C’est entre la caresse et la branlette, et c’est juste divin. Excitant, frustrant, un truc de fou. Jérém me suce, longuement, amoureusement. Il enlève son boxer lentement, me regardant fixement dans les yeux. Sa queue tendue est magnifique. Je crève d’envie de le prendre en bouche, mais je sais que le beau brun a envie d’autre chose. Je le regarde s’allonger sur le lit, m’appeler silencieusement pour que je lui fasse l’amour à mon tour. Tu peux le faire, Nico, tu n’as plus rien à craindre.
    Alors je lui fais l’amour, je me laisse glisser entre ses fesses musclées de rugbyman. Je le pilonne en faisant bien attention à son plaisir, en prenant du plaisir à le voir frissonner au rythme de mes coups de reins. Me sentir coulisser en lui est une sensation incroyable. Et me sentir perdre pied, sentir mes giclées se répandre en lui, c’est juste délirant.
    Juste après l’amour, j’enserre Jérém très fort dans mes bras. Je suis tellement heureux. Et je le suis d’autant plus que mon beau brun a l’air lui aussi vraiment heureux. Une visite surprise, un dîner improvisé, et beaucoup d’amour. Et ce petit appart de 13 m² devient le plus beau des endroits sur Terre. Il est près de 22 heures, il faut dormir. J’éteins la lumière.
    Nos lèvres se cherchent dans le noir, se rencontrent, et ont du mal à se quitter.
    « C’est gentil de la part de ta cousine, quand même » je l’entends me glisser, la voix déjà pâteuse, juste avant de glisser dans le sommeil.

    Tu t’appelles Jérémie Tommasi mais tout le monde t’appelle Jérém ou Jéjé ou Jé. Aussi loin que tu te souviennes, tu te dis que tu n’as jamais été heureux. Dans ton enfance, tu vois tes parents se disputer sans cesse. A dix ans, ils divorcent et ta mère part refaire sa vie loin de toi. Très jeune tu comprends à quel point ça fait mal de se sentir abandonné. Ça te déchire le cœur et tu n’arrives pas à le réparer. Tu veux oublier cette souffrance, mais tu ne peux pas. Tu apprends à jouer au rugby, tu deviens un petit champion, tu te fais des potes, tu te tapes des meufs, mais tu n’arrives pas à oublier. Tu veux t’endurcir, mais tu n’arrives à t’endurcir que de l’extérieur. Car au plus profond de toi, les pleurs silencieux d’enfant résonnent toujours. Et les fantômes de ton enfance reviennent sans cesse te hanter.
    Tu finis par te convaincre que tu ne seras plus jamais heureux, parce que tu ne mérites peut- être pas d’être heureux. Parce que tu ne mérites pas d’être aimé. Et tu essaies de t’accommoder de cet état de choses. Tu te bâtis un personnage, et un monde dans lequel le faire graviter. Une sorte de réalité virtuelle, définie par les regards que tu arrives à attirer. Ton bonheur ne vient pas de ton cœur, mais du regard des autres. Tu n’arrives pas à aimer parce que tu ne veux pas que ton bonheur dépende des autres, mais tu as besoin du regard des autres pour te sentir heureux. Tu fais tout pour plaire, pour être admiré. Tu ne montres que ce que tu veux montrer et tu caches soigneusement cette partie de toi que tu as découverte bien assez tôt et qui te perturbe depuis. Tu essaies d’oublier ton attirance pour les mecs, mais tu n’y arrives pas.
    C’est difficile pour toi de penser à ce mot, gay, et surtout de l’imaginer s’appliquer à toi. Au fond de toi, tu sais que c’est le cas, mais tu veux croire que tu peux oublier. Les autres te rappellent sans cesse qu’être pédé n’est pas bien, alors tu apprends à faire semblant. Tu te dis que tu trouveras le moyen de garder les apparences. Tu fais ce que tu peux pour survivre, mais un sentiment de culpabilité t’envahit. Tu te sens comme une merde.
    Tu baises des meufs, mais tu n’oublies pas. Tu as envie d’aller vers les mecs, mais tu ne peux pas. Tu te caches, des autres, de toi-même. Tu te dis que tu ne peux pas être pédé, jamais. Tu vis dans la peur qu’un regard te trahisse. Tu finis par avoir des aventures avec quelques mecs. Tu prends ton pied mais tu culpabilises un max. Mais tu arrives à donner le change, à garder les apparences. Tout cela est bien fragile, mais tu arrives à tenir en t’aidant avec l’alcool et la fumette.
    Puis, un jour, tu croises le chemin d’un gars qui fait voler tout ça en éclat. Son regard rebat toutes les cartes. Tu as eu envie de lui, et tu as fini par assouvir cette envie. Ce que tu n’avais pas prévu, c’est de te sentir aimé, et ça t’a fait peur. Tu avais l’impression d’être libre quand tu couchais avec toutes les nanas que tu voulais – et parfois un mec, vite fait – et tu aurais voulu continuer ainsi. Tu n’as jamais eu l’intention de tomber amoureux, et encore moins d’un gars.
    Et pourtant, quand tu as croisé son chemin tu as ressenti quelque chose que tu n’avais jamais ressenti auparavant. Il t’a fallu un certain temps pour apprivoiser cet amour. Avant votre première révision, et malgré les apparences, tu étais en train de te noyer. La présence de Nico a donné un nouvel élan à ta vie. Grâce à lui, tu as pu enfin comprendre et accepter qui tu es.
    Tu te demandes ce qui se serait passé si tu n’avais pas croisé le chemin de Nico. Si tu n’avais pas connu le bonheur qu’il a su t’apporter.
    Oui, tu t’appelles Jérémie Tommasi et ce soir tu es heureux. Tu es heureux parce que tu as eu tellement peur pour Nico. Tu ne voulais pas croire qu’il ait pu être contaminé, tu ne pouvais pas. Et pourtant, tu avais peur. Tu y pensais chaque jour, chaque heure. Tu n’as vraiment pas envie qu’il arrive du malheur à ce petit gars. Parce que ce petit gars, tu l’aimes. Cette nuit, tu es tellement bien dans ses bras. Tu te sens en sécurité, tu te sens libre. Quand tu es avec lui, tu as l’impression de respirer enfin, à pleins poumons, comme après une trop longue apnée. Quand tu es avec lui, tu recharges ton moral, tu remontes ta jauge de bonheur. Penser à lui, te rend ton quotidien plus supportable. Le voir heureux, te rend heureux. C’est pour ça que tu aimes être avec lui.
    Oui, ce soir tu es heureux. Et si cet instant est si précieux pour toi, c’est parce que tu sais que dès que tu auras quitté cet appartement minuscule, dès que tu ne sentiras plus sa présence rassurante, tes fantômes vont revenir te hanter. Tu sais que dès demain matin 9 heures, tu seras à nouveau prisonnier d’un monde où tu devras faire semblant, où il ne te sera pas autorisé d’être toi-même. Alors tu profites de cet instant, de cette étreinte dans le noir, de ses bisous, de son amour.
    Tu aurais envie d’être avec lui plus souvent mais tu te dis aussi que tu ne peux pas prendre le risque. Tu ne veux pas tout gâcher maintenant que tout semble s’arranger pour toi, alors que tu es de mieux en mieux intégré dans l’équipe, alors que le coach semble enfin apprécier ton jeu, alors qu’il te montre enfin de l’estime, alors que tu retrouves enfin peu à peu les sensations et les regards que tu ressentais à Toulouse, celles et ceux qui t’ont tant manqué et que tu essaies désespérément de retrouver depuis 6 mois : la sensation d’être un bon joueur, la sensation d’être à ta place, les regards admiratifs, les regards bienveillants, les regards qui te portent, les regards qui te font rêver, parce qu’ils te montrent que toi, tu fais rêver. Tu as envie de briller, tu as envie de te sentir le meilleur, à nouveau. Tu ne veux plus jamais ressentir l’humiliation de te sentir scruté, jugé, exclu, regardé avec méfiance, avec défiance.
    Oui, être avec Nico te paraît difficile. Mais ça c’est uniquement parce que le monde n’est pas prêt à accepter votre amour. Mais dans l’absolu, tu sens qu’être heureux est à ta portée. Il suffirait de saisir sa main, tendue vers toi depuis votre première révision, et même depuis le premier jour du lycée. Et même si tu ne peux pas la saisir autant que tu veux, tu sais qu’il suffirait d’un geste pour la saisir. Et ça, ça te met du baume au cœur.

    Lorsque le réveil sonne, c’est comme un coup de fouet impitoyable. J’entrouvre les yeux et je regarde mon radio réveil. Il est 2h45. La seule note de douceur dans ce réveil brutal est la présence de Jérém contre moi, ses bras autour de ma taille. Mais cela ne dure pas. Mon beau brun me fait un bisou dans le cou et bondit hors du lit. Un instant plus tard, j’entends le jet dru tomber dans la cuvette, suivi par celui de la chasse d’eau. Jérém revient près de moi, il commence de s’habiller. Il passe son t-shirt blanc et sa queue mi-raide attire mon regard. Je suis dans le coltard, mais ma main part toute seule, elle ne peut résister à la tentation de la caresser. Le bogoss se retourne illico. Dans ses yeux, une étincelle lubrique qui m’enchante.
    Un instant plus tard, il se glisse sous les draps, il se glisse sur moi, il glisse entre mes fesses, il glisse en moi. Il me pilonne une dernière fois, il me refait l’amour, ses mains fébriles saisissent mes hanches, je l’entends souffler son plaisir de mec. Et il gicle une dernière fois en moi au petit matin.
    « Oh, putain, qu’est-ce que c’est bon… » je l’entends souffler, la voix basse, ralentie, comme assommé par son orgasme.
    Jérém se déboîte aussitôt et termine de s’habiller. Sa queue disparaît dans le boxer et le jeans, son t-shirt blanc sous le pull à capuche dont il referme la fermeture zip jusqu’en haut. Une minute, un dernier bisou et un « bon retour, fais attention sur la route, envoie-moi un message quand tu es arrivé. Je t’aime » plus tard, le beau rugbyman quitte mon appartement et repart dans sa vie loin de moi.

    Vendredi 29 mars 2002.

    Ce vendredi est un jour de grandes annonces. Déjà, le soir, en rentrant des cours, je trouve dans ma boîte aux lettres l’invitation officielle du mariage d’Elodie. Puis, le même soir, vers 21 heures, alors que je viens tout juste de raccrocher d’avec Jérém, la sonnerie de mon portable retentit à nouveau. Je regarde le petit écran et je vois « Thibault » s’afficher. Au fond de moi, je sais pourquoi il m’appelle. Je sens que je vais apprendre une bonne nouvelle.
    « Thibault, ça va ? je fais en décrochant.
     — On ne peut mieux. Nico… »
    Puis, après un petit moment de flottement, l’adorable pompier finit par lâcher la grande nouvelle :
    « Ça y est… je suis papa ! Nathalie a accouché cet après-midi. C’est un beau petit gars, Nico ! Il s’appelle Lucas ! »
    Sa voix est fébrile, transportée par l’émotion. Je le sens tellement heureux que j’en ai les larmes aux yeux.
    « Félicitations mon grand, félicitations ! Tout le monde va bien ?
     — Oui, le gosse, la maman, tout le monde va bien. Ça a été un peu long, mais tout s’est bien passé.
     — Et comment va le papa ?
     — Le papa a failli tomber dans les pommes, mais il se remet peu à peu de ses émotions !
     — Je suis vraiment, vraiment heureux pour toi, Thibault ! »
    Oui, je suis heureux pour Thibault. Même si j’ai encore du mal à imaginer ce petit mec de 20 ans avec un gosse, ce gars avec qui j’ai fait l’amour quelques mois plus tôt alors que sa copine était déjà enceinte – bien que nous l’ignorions encore à ce moment là – je suis certain qu’il fera un papa merveilleux.
    « Merci Nico, merci !
     — Et tu as annoncé la bonne nouvelle à Jérém ? je ne peux m’empêcher de le questionner.
     — Non, pas encore. Je vais le faire.
     — Ça lui fera plaisir, il sera heureux pour toi
     — Oui, je pense… »
    Je sens de l’hésitation dans sa voix. Comme s’il n’était pas à l’aise avec la perspective de contacter Jérém.
    « Ça fait un moment que nous ne nous sommes pas parlé, il finit par ajouter.
     — Tu sais, il me demande souvent de tes nouvelles. Ce sera l’occasion de lui en donner directement.
     — Je me demande ce qu’il va ressentir quand je vais lui annoncer que je viens d’avoir un petit gars…
     — Ça va le bouleverser, c’est sûr… mais il va être heureux pour toi.
     — Merci Nico.
     — Encore félicitations Thibault. Et félicitations à Nathalie. Et à Lucas. Il a de la chance d’avoir un papa comme toi.
     — J’espère que je vais être un bon père.
     — Je ne me fais pas de souci pour ça, vraiment pas.
     — Merci Nico. Il va falloir que tu passes faire sa connaissance quand tu viendras sur Toulouse.
     — Je n’y manquerai pas ! »

    L’occasion de tenir ma promesse se présente trois semaines plus tard, le week-end où je remonte sur Toulouse pour le mariage de ma cousine.
    J’arrive dans la Ville Rose le vendredi soir. Je fais un bisou à Maman, nous discutons un peu tant que nous ne sommes que tous les deux. Dès que Papa rentre à la maison, je me sens mal à l’aise et la belle complicité entre Maman et moi doit se faire discrète. Les mots doivent se prononcer à voix basse pour ne pas provoquer, les rires doivent s’étouffer pour ne pas heurter. Fait chier. La présence de mon père plombe l’ambiance. Le dîner est lugubre. Papa ne décroche pas un mot et Maman se charge de faire la conversation pour ne pas laisser le silence assourdissant s’installer. La discussion tourne essentiellement autour du mariage d’Elodie qui va avoir lieu le lendemain soir. J’essaie de lui donner le change, mais je ne suis vraiment pas à l’aise. J’ai l’impression que Papa juge chacun de mes mots comme étant dénué de tout intérêt, qu’il trouve ma voix pas assez virile, mes attitudes pas assez viriles, et ma présence dérangeante. Ce n’est peut-être que dans ma tête, mais j’ai l’impression d’étouffer et il me tarde de partir de là. Ça me fait chier pour Maman, parce que je voudrais passer plus de temps avec elle. D’ailleurs, je ne sais pas comment elle fait pour le supporter. Je ne veux pas que mes parents divorcent à cause de moi, pas du tout. Mais Papa se comporte vraiment comme un con. Maman doit vraiment beaucoup l’aimer, ou elle a dû vraiment beaucoup l’aimer, pour lui pardonner son attitude depuis mon coming out.

    Samedi 20 avril 2002, 8h17.

    Ce matin, je me réveille avec le moral en berne. A vrai dire, ça fait un petit moment que mon moral est chancelant. Et l’ambiance du dîner d’hier soir n’a rien arrangé.
    Ça fait désormais plus d’un mois que je n’ai pas revu Jérém. Il m’avait prévenu que pendant cette dernière ligne droite avant la fin du championnat ça allait être dur de se voir. Parce qu’il allait devoir être à fond dans le rugby, parce qu’il allait devoir tout donner.
    Et cela s’est confirmé au fil des dernières semaines, depuis que son équipe traverse une phase difficile.
    La dernière fois que Jérém était venu à Bordeaux, je l’avais senti confiant, vis-à-vis de sa place dans l’équipe. Il avait l’air de dire que tout se passait bien et que le plus dur était derrière lui.
    Hélas, dans le sport, non seulement on ne peut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir attrapé, mais même quand on l’a attrapé, il vaut mieux rester prudent car l’ours en question peut s’échapper à tout moment. Dans le sport, notamment le sport d’équipe, la réussite dépend d’une multitude d’acteurs, d’une infinité de paramètres, ainsi que d’un facteur chance. Autant de variables qu’on ne peut contrôler individuellement et dont la défaillance passagère, peut très vite faire tout basculer. Oui, dans le sport d’équipe, tout peut changer très vite. Un jour aux Anges, le suivant en Enfer, sans transition.
    Après un lot de matches en début d’année plutôt satisfaisants, depuis quelques semaines le Racing se fait régulièrement dominer. Au dire de Jérém, l’ambiance dans les vestiaires et aux entraînements est de plus en plus difficile. Je le sens de mauvaise humeurs, soucieux, distant. Je sens qu’il essaie de ne pas me faire subir tout ça, mais je ressens son malaise.
    J’essaie de l’encourager, de lui dire que les choses vont s’arranger, que son équipe a connu des temps meilleurs et qu’elle va en connaître d’autres. Mais entre le fait que je ne connais pas les tenants et les aboutissants des problèmes que traverse son équipe, et le fait que mes compétences en rugby sont d’un niveau plus bas que terre et mer, mes propos doivent sonner bien creux aux oreilles de mon beau brun, dénués de toute crédibilité. Ce qui fait que l’encouragement que je souhaite lui apporter doit tomber à plat.
    Preuve en est le fait que lors de nos derniers échanges téléphoniques, dès que j’essaie de lui demander des nouvelles, il se contente de répondre « ça va » et il change direct de sujet.
    Je sens qu’il est fatigué, physiquement, mentalement, moralement. Ces défaites multiples l’affectent beaucoup. Je sais, parce que ça lui a échappé un soir, qu’il se sent de plus en plus sur la sellette, qu’il commence à craindre de ne pas être reconduit pour la saison prochaine. Je sens que ces problèmes sont à nouveau en train de nous éloigner, mais je me fais surtout du souci pour lui. Je ne veux pas que son rêve se termine si tôt. Je ne veux pas qu’il soit malheureux. Je ne veux pas le voir partir en vrille, parce que je ne sais pas si j’aurais la force de l’en empêcher. En attendant, son inquiétude déteint sur moi.
    Il me manque, j’essaie de tenir bon. Mais ce n’est pas facile tous les jours. C’est de plus en plus dur pour moi de ne pas savoir quand je vais le revoir. La fin du championnat c’est dans plus d’un mois. Est-ce que je vais devoir attendre jusque-là ? Est-ce que notre relation va être ça, tout le temps ? Se voir de temps en temps, une fois par mois au plus, beaucoup moins quand il doit être à fond dans le rugby ?
    J’essaie de me réconforter en me disant qu’en dépit de la faible quantité de nos rencontres, leur qualité est excellente. Je repense à cette visite éclair de mon beau brun un mois plus tôt, après le résultat négatif de mon test HIV. Quand je pense à la façon dont il s’est tapé deux fois six heures de route pour venir me voir l’espace d’une soirée et d’une nuit écourtées, pour venir me faire l’amour comme il me l’a fait, pour me faire me sentir bien et aimé comme il a su le faire, je me dis que je suis un garçon chanceux.
    Quand j’ai su que j’aimais les garçons, j’ai toujours pensé au fond de moi que mon orientation sexuelle et sentimentale rendrait plus difficile la recherche de mon bonheur. Le peu d’œuvres, films, livres, chansons, traitant des histoires entre garçons que j’avais eu l’occasion de connaître, se terminaient rarement avec un final heureux. Moi, mon bonheur, je l’ai trouvé. Il arrive par petites touches, ou plutôt par grandes touches isolées, mais il est bien là. Et cette idée m’aide à tenir bon. Mais pas à faire taire le sentiment de manque et d’inquiétude. Que fait Jérém à Paris, entre deux entraînements, entre deux cours à la fac ?
    Le mariage de ma cousine a lieu dans quelques heures. Je vais faire la fête. C’est en pensant à cela que j’arrive à m’extirper de ma morosité.

    Samedi 20 avril 2002, 16h00.

    Le mariage a lieu à la mairie de Blagnac. La cérémonie est courte, mais solennelle. Je suis ému de voir ma cousine s’engager à partager sa vie avec un garçon. Ma cousine est toute en beauté dans sa robe blanche, très sobre et élégante, plutôt classe, tout à fait dans son style. Son Philippe est lui aussi tout en beauté dans son costume noir très bien taillé.
    Et je suis vraiment ému lorsque, après les vœux et l’échange des alliances, je me retrouve à signer les papiers du mariage avec la sœur de Philippe, qui est aussi son témoin. Je suis toujours autant touché qu’Elodie ait pensé à moi pour ce rôle.
    La fête se poursuit dans une salle des fêtes où le DJ chargé de l’animation de la soirée ne nous épargne absolument rien de la « beaufitude » légendaire des mariages. Déjà, il se fait remarquer par un choix musical sans originalité, par une voix très envahissante crachée dans un micro trop sonore, par des blagues grasses et souvent douteuses, par des animations grossières entraînant les invités dans des situations gênantes.
    J’aimerais m’extraire de ce carcan, partager davantage ce moment avec ma cousine, mais elle est occupée à faire le tour des invités. En attendant, je me fais chier. Et pour « soulager ma peine », je bois et je mate la faune masculine en présence. Il y a en effet quelques beaux spécimens, notamment dans la « garde rapprochée » des potes de Philippe. Mais the « bogoss » de la soirée est sans conteste mon cousin Cédric, celui qui a été à l’origine de mes premières et nombreuses branlettes solitaires dans mon adolescence. Il est toujours aussi canon, et chaque année il gravit une nouvelle marche dans l’ascension vers l’accomplissement de sa beauté virile. Ce soir, dans sa tenue chemise blanche, cravate, et costume sur différents tons de bleu, il est juste craquant.
    Sans que je cherche à lui parler, parce que je ne sais vraiment pas de quoi lui parler, parce que je n’ai pas envie de le sentir étaler sa vie parfaite, le déroulement de la soirée fait que nous finissons par tomber l’un sur l’autre et par échanger quelques mots. Il me parle de ses études en médecine et j’ai l’impression d’entendre le résumé d’un épisode de « Grey’s anatomy ». Ou plutôt d’« Urgences ». Je n’ai que peu l’occasion de lui parler de mes études à moi. Mais qu’importe, je l’écoute moins que je ne le regarde. Sa présence est magnétique, comme capiteuse.
    « Alors tu as une copine ou tu es toujours puceau ? il finit par lâcher au détour d’une conversation.
     — Non, j’ai pas de copine » je réponds, un brin agacé.
    Et là, l’alcool aidant, je décide d’aller au fond de mes pensées.
    « Mais j’ai un copain, j’ajoute aussitôt.
     — Ah…
     — Ça t’étonne ?
     — Pas vraiment…
     — Tu t’en doutais ?
     — J’ai toujours pensé que tu me kiffais…
     — Et c’était le cas… et c’est toujours le cas… »
    Le cousin semble soudainement mal à l’aise avec la franchise de mes mots. Il me regarde un brin interloqué, il cherche quelque chose à répondre.
    « Mais moi je ne suis pas…
     — T’inquiète, je le coupe, las de me faire prendre de haut par ce petit con. A une époque, je continue, si tu avais dit oui, je n’aurais pas dit non. Mais maintenant j’ai un copain canonissime et je ne fantasme plus sur toi ! »
    Cédric me regarde sans savoir quoi répondre, l’air un tantinet déstabilisé.
    Et bam ! Ça s’est dit… Cassé !!!! comme s’exclamera quelques années plus tard un célèbre philosophe niçois.

    C’est vers la fin de la soirée, ou plutôt de la nuit, que j’arrive enfin à approcher ma cousine. Elle est épuisée par les obligations mondaines, et elle est heureuse de prendre un dernier verre avec moi.
    «  Ça va mon Nico ?
     — Très bien et toi ?
     — Ta cousine est désormais une femme respectable, elle me balance en me montrant son alliance avec un geste excessivement théâtral qui me fait mourir de rire.
     — Je vois ça, oui…
     — Ton copain n’a pas pu venir, alors ? elle enchaîne.
     — Je lui ai proposé, mais il n’a pas voulu. Il n’est pas prêt pour ça.
     — Ne lui en veux pas…
     — Je ne lui en veux pas.
     — Ça se passe toujours bien entre vous deux ?
     — Ça fait plus d’un mois que nous ne nous sommes pas vus, mais je crois que oui.
     — Je suis certaine que ça va bien se passer. Dans votre histoire, il y aura des hauts et des bas, mais vous vous retrouverez toujours.
     — Je l’espère…
     — Ta cousine a quelque chose à t’annoncer, mon petit Nico, fait Elodie sans transition.
     — Ah bon ?
     — Tu vois cette robe blanche ?
     — Oui…
     — Elle est un tantinet… comment je dirais… abusive !
     — Pourquoi ça ?
     — Parce qu’il y a Polichinelle dans le tiroir !
     — Quoi ?
     — Je suis enceinte, gros couillon ! De plus de deux mois !
     — Tu es… tu …
     — Oui, j’attends un bébé. Tu es l’une des premières personnes à qui je le dis. Je ne l’ai même pas encore dit à Tata.
     — Elle m’en aurait parlé… félicitations ma cousine, je suis vraiment content pour toi ! »

    Je rentre de la fête au petit matin. Je n’ai pas eu de nouvelles de Jérém depuis jeudi soir. J’ai essayé de l’appeler après le passage en mairie, mais je n’ai pas pu l’avoir. Il me manque à en crever.
    Je me réveille plusieurs heures plus tard, en tout début d’après-midi. Je grignote un peu et pense à ma promesse faite à Thibault de passer voir son gosse. Aujourd’hui, c’est jour de match. Je ne veux pas le déranger, je lui envoie un message pour lui proposer de passer le voir dans la soirée, s’il est disponible.
    Je passe l’après-midi à comater, à penser à Jérém, à avoir envie de ne rien faire, à broyer du noir. La fatigue est un catalyseur de tristesse. Heureusement, un rayon de lumière vient illuminer la fin de journée. En même temps que les infos sportives à la télé annoncent que cet après-midi le Stade Toulousain a remporté la victoire haut la main contre Montferrand, je reçois un message de Thibault qui me propose de passer pour une soirée pizza.


    Zelim Bakaev
    23 avril 1992 – 8 août 2017

    0304 Un mariage et quelques entraînements.



    A cause de sa notoriété dans son pays et en Russie, Zelim est devenu le symbole des exactions infligées en Tchétchénie aux personnes LGBT au nom de la « purification du sang de la nation ». L’horreur aux portes de l’Europe.


    https://eurovision-quotidien.com/zelimkhan-bakaev-trois-ans-deja/

    Nous savons et nous n’oublierons pas ce qu’ils t’ont fait, comme à tant d’autres gars comme toi, ni pourquoi ils l’ont fait.

    Paix à ton âme.

    Commentaires

    Florentdenon

    26/07/2021 09:55

    On prend toujours autant de plaisir à suivre nos deux héros dans leur cheminement intérieur. Tu sais toujours aussi bien exprimer les tourments de celui qui doute, qui attend et qui espére… Hâte de lire la suite ! Merci Fabien et bravo

    Chris-j

    12/07/2021 18:38

    Heureux de savoir Nico enfin tiré d’affaire. Jérém devient plus humain et bientôt, nous allons retrouver Thibaut, ce qui me réjouit. 

    Yann

    12/07/2021 08:41

    Cet épisode a pour moi une résonance toute particulière au travers du récit qui est fait de l’angoisse de Nico pour son test et de sa joie de se savoir définitivement négatif. Tout était suspendu à un mot : positif ou négatif. Positif c’est toute une vie qui bascule car elle ne sera peut être plus ou tout du moins plus jamais comme avant. Négatif c’est le soulagement d’un poids psychologique immense qui disparait et tout redevient possible. Pour l’avoir personnellement vécu (sauf le soignant con) je trouve que c’est magnifiquement raconté et c’est touchant de voir nos deux amoureux partager cet instant ensemble et pouvoir à nouveau s’aimer sans barrière.
    La réaction de Jérém à l’invitation d’Elodie à son mariage est révélatrice de tout le chemin qui lui reste à parcourir pour s’assumer. Mais pas que, cette fête, tout comme ce qui relève de la famille lui est étranger compte tenu de son vécu enfant.
    La partie de l’épisode, un peu comme un portait de Jérém est assez inattendue mais la bienvenue. C’est une forme narrative à la fois dans la tête de Jérém et un peu comme en rêve. Elle résume bien sa personnalité et les fantômes de son enfance qui le font désespérer d’être un jour heureux. Ne vouloir dépendre de personne, mais découvrir et comprendre avec Nico qui il est. Reste pour lui la difficulté de devoir faire semblant dans le milieu du sport.
    J’ai bien aimé comment Nico recadre Cédric son cousin prétentieux mais je me demande si ce n’est pas aussi une façon à lui de régler ses compte avec son père qui a toujours vu dans Cédric le fils qu’il aurait voulu avoir.
    Thibault papa Elodie bientôt maman, ce sont de bonnes nouvelles par contre les nouvelles difficultés de Jérém et son équipe dans le championnat font craindre des lendemains difficiles pour nos amoureux.  

    Yann

    11/07/2021 21:21

    Fabien je trouve que c’est un beau geste de dédier cet épisode de J&N à la mémoire de Zelim Bakaev et avec lui à celle de toutes les victimes d’homophobie. Tu as su trouver les mots justes et touchants. Toutes les fois où c’est possible il faut dénoncer cette infamie qui est faite de façon totalement gratuite aux minorités qui ne demande rien d’autre que simplement aimer à leur façon la personne qui les attire, façon qu’ils n’ont pas choisie.

    Virginie-aux-accents

    11/07/2021 00:40

    Quel soulagement pour Nico et Jérèm d’être tranquillisés sur le test. Et quel con ce médecin! Un beau moment de partage pour conclure cet épisode éprouvant.
    Thib’ va faire un super papa.
    Petite anecdote : j’ai été témoin au mariage de ma sœur dans la mairie de Blagnac, et elle m’a annoncé sa grossesse la veille! Le monde est petit…

    Fred

    10/07/2021 04:00

    Tranche de vie quotidienne. Comme j’aime. J’aime toujours autant les appartes de Jerem . Et un plein de bonnes nouvelles pour Nico Thibault et Élodie ..

  • JN0303 Sur les chapeaux de roues.

    JN0303 Sur les chapeaux de roues.

    Dimanche 6 janvier 2002, au soir.

    Oui, quitter Jérém après ces jours magiques à Campan est un véritable déchirement. Les derniers instants avant de sortir de sa voiture, garée non loin de la maison de mes parents, sont les plus difficiles, les plus tristes. Les mots nous font défaut. Mais pas les regards, et l’émotion qu’ils savent véhiculer, pas le contact fébrile de nos mains, pas le bisou furtif que nous nous échangeons avant de nous quitter.
    « Fais attention sur la route ! Appelle-moi quand tu arrives à Paris.
     — Toi aussi fais attention ! Appelle-moi quand tu es à Bordeaux.
     — Tu vas me manquer !
     — Toi aussi, Ourson ! »
    Nos derniers mots sont des mots simples, les mots de ceux qui s’aiment.

    A la maison, l’accueil de Maman est tout aussi chaleureux que celui de Papa  est glacial. Le repas de midi ne s’éternise pas. Mon  père demeure silencieux et ne lève pas les yeux de son immanquable « Dépêche », le bouclier derrière lequel il essaie de cacher son mépris. Comme d’habitude, il cherche à fuir la conversation à table, tout en guettant les détails des exploits de son club de cœur, le Stade Français. Maintenant que j’y pense, cette préférence sportive est plutôt originale de la part d’un Toulousain  pure souche. Et pourtant, aussi loin que je m’en souvienne, je l’ai toujours entendu parler de ce club « fabuleux » qu’il allait voir jouer à chaque fois qu’il passait par Toulouse. Il m’y avait même amené une ou deux fois dans mon adolescence. Mais vu le désintérêt que je témoignais au rugby, il n’avait pas réitéré l’expérience. Bientôt le match Stade Toulousain vs Stade Français va avoir lieu. Et ce n’est pas maintenant qu’il sait que je m’intéresse aux rugbymen qu’il va me proposer de l’accompagner.
    Oui, Papa est un grand supporter de l’équipe désormais dirigée par un personnage haut en couleurs, l’équipe à l’origine d’un calendrier plutôt sympathique, l’équipe qui quelques années plus tard choquera le monde du rugby en exhibant fièrement des maillots roses. L’équipe qui quelques mois plus tard risquera fort de perdre le soutien de son supporter toulousain.  Mais cela est une autre histoire .
    Maman se charge de dissiper la mauvaise ambiance en me questionnant sur mon séjour à la montagne, en se limitant exclusivement à des sujets « politiquement corrects », comme le ski, mes révisions pour les exams, la neige, les amis du cheval.
    Mais dès la fin du repas, dès que papa monte faire la sieste, elle veut tout savoir sur comment se sont passées ces retrouvailles avec le gars que j’aime. Je lui raconte mon bonheur retrouvé, et mes espoirs en l’avenir.
    « Je suis heureuse de savoir que tout s’arrange pour toi. Je n’aimais vraiment pas te voir abattu comme avant Noël. J’avais peur que tu sois malade. Mais je suis contente de savoir que ce n’était que la maladie d’amour !
     — Tu penses que papa va arrêter un jour de me faire la tête ? » je change vite de sujet.

    Je ne dirai rien à maman au sujet de cette autre chose qui me préoccupe, de cette autre maladie potentielle suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus de moi, je ne peux pas.

    « Laisse-lui le temps, il finira par se fatiguer d’attendre que tu sois autre chose que celui que tu es. »
    Il est 15 heures lorsque mon portable se met à sonner.
    « C’est lui…
     — Vas-y, réponds ! »

    « Ourson !
     — Hey… ça fait plaisir de t’entendre ! Tu es où ?
     — Je viens de passer Brives… Je me suis arrêté pour prendre un sandwich. J’avais envie d’entendre ta voix. Tu me manques !
     — Toi aussi !
     — J’aimerais tellement que tu sois avec moi !
     — Moi aussi, si tu savais !
     — Tu fais quoi ?
     — Je discute avec Maman.
     — Ne lui raconte pas tout ! il se marre.
     — T’inquiète …
     — Allez, je vais continuer.
     — Tu m’appelles quand tu arrives, ok ?
     — A tout’, Ourson !
     — A tout’, bisous ! »

    « C’est beau d’être amoureux, n’est-ce pas, mon Lapin ? »
    De Ourson à Lapin, j’ai l’impression d’être un drôle d’animal.
    « Oui, c’est génial !
     — On n’est jamais aussi heureux que quand on aime et qu’on se sent aimé en retour.
     — C’est tellement vrai.
     — Alors, profitez bien de ce bonheur. C’est dommage que ton père ne soit pas un peu plus ouvert d’esprit, ton copain aurait pu rester déjeuner.
     — C’est gentil, Maman.
     — Ça viendra un jour, je suis persuadée que ça viendra. »

    Je profite de cet après- midi sur Toulouse pour rendre visite à ma cousine Elodie et à mon pote Julien. Mais au lieu de sauter dans un bus tout de suite, je prends le temps de marcher, de retrouver ma ville toujours défigurée par l’explosion d’AZF. Bientôt cinq mois que la catastrophe s’est produite. Toulouse, toujours Rose mais en vrac, se relève peu à peu et soigne ses blessures les unes après les autres. Il faudra du temps pour que ses cicatrices matérielles disparaissent, beaucoup de temps. Quant à celles humaines, de nombreux Toulousains les porteront dans leur chair et dans leur tête toute leur vie.

    « Maintenant, quand je mets un casque, je suis obligée de régler la balance droite et gauche pour avoir un son à peu près équilibré ! » plaisante Elodie.
    Elle a retrouvé une partie de son audition à l’oreille touchée par l’onde de choc de l’explosion, mais les médecins sont formels, elle ne récupèrera jamais totalement. Mais elle n’a pas perdu son humour et sa joie de vivre. Sa capacité à affronter les aléas de la vie et de dédramatiser me bluffe toujours.
    « Alors, on a beaucoup de choses à se raconter, elle enchaîne. Depuis que tu es à Bordeaux, c’est plus compliqué…
     — Depuis que tu es une femme mariée, aussi ! je la taquine.
     — Pas encore, pas encore, mais bientôt ! C’est vrai que nos vies changent. Mais une chose ne changera jamais. C’est l’amour que ta cousine te porte. Même si on se voit moins, rien ne change pour moi, je te retrouverai toujours comme si on s’était quittés la veille. Je peux tout entendre et je sais que je peux tout te raconter. »
    Si seulement c’était vrai, si seulement. Il y a des choses que je voudrais lui raconter mais que je garde pour moi de peur de la faire souffrir.

    « Alors ces retrouvailles à la montagne ? » elle questionne.

    « Vous avez dû niquer comme des hamsters ! » me taquine Julien, que je retrouve en fin d’après-midi dans un bar du centre-ville.

    A l’un et à l’autre, je raconte les jours que je viens de vivre avec Jérém, son « je t’aime » juste avant l’arrivée de la nouvelle année.

    ELODIE. —  Je suis tellement heureuse pour toi, mon cousin ?

    JULIEN. — C’est qu’il devient sentimental le rugbyman !

    Et je leur raconte aussi les derniers mois avant Noël, les difficultés de notre relation à distance, notre couple « ouvert » pour mieux nous retrouver quand nous le pouvons.

    ELODIE. — Un couple libre ? Pas facile à gérer, ça, quand on aime…

    MOI. — Je ne te le fais pas dire…

    JULIEN. — Un couple libre ? Il est malin ton Jérémie. Il pourrait vendre du sable aux Touaregs et de la glace aux Esquimaux ! Avoir un PQR et des extras, c’est le rêve de tout mec normalement conformé ! Moi je dis que quand un mec arrive à faire gober à sa copine ou à son copain que c’est dans l’intérêt du couple qu’il aille voir ailleurs, il mérite mon respect !

    MOI. — Les choses ne se posent pas vraiment dans ces termes… il couche avec des nanas pour faire comme ses potes et pour qu’ils lui foutent la paix…

    ELODIE. — Et toi, tu es censé faire quoi ?

    JULIEN. — Et toi tu attends sagement qu’il revienne au bercail ?

    MOI. — Il ne m’interdit pas de voir d’autres gars, mais je sais que ça le fait chier… tout comme ça me fait chier de le savoir avec une nana, ou avec un autre mec…

    ELODIE. — Ah, parce qu’en plus…

    JULIEN. — … il se tape des mecs, aussi ? Vraiment, le gars est mon héros !

    MOI. — On s’est promis de n’avoir que des aventures, de nous protéger et d’être toujours spécial l’un pour l’autre quand nous nous retrouvons.

    ELODIE. — J’imagine qu’en étant gay et joueur pro il doit avoir une pression de dingue.

    JULIEN. — Blagues à part, une relation à distance c’est compliqué, il faut agrémenter ça avec un peu de fun. Être joueur pro c’est prise de tête, et le sexe est une façon d’évacuer le stress. Il vaut mieux qu’il tire son coup de temps en temps plutôt qu’il se mette minable avec l’alcool ou la drogue, non ?

    MOI. — C’est clair.

    ELODIE. — Les mecs te font davantage peur que les nanas ?

    MOI. — Oui, je crois que oui. Jérém n’a jamais eu de sentiments pour une nana. Mais il en a pour moi. Alors, je me dis qu’il pourrait en avoir un jour pour un autre gars.
    Ce qui me rassure c’est le fait que nous nous sommes promis de nous voir plus régulièrement, à mi-chemin entre Paris et Bordeaux. De toute façon, j’ai décidé d’arrêter de me prendre la tête, et de lui lâcher les baskets.

    ELODIE. — Tu as raison de lui lâcher les baskets. Lâche-lui du leste, il reviendra vers toi tout seul.

    JULIEN. — Tu as raison de lui lâcher les baskets. Mais dis-moi, le petit veinard, t’as niqué avec d’autres gars depuis que tu es à Bordeaux ?
     — Oui…
     — Le petit coquin ! Tu m’as rien dit la dernière fois !
     — Je n’en suis pas fier, tu sais ! »
    Et là, soudain, j’ai envie de parler à Julien de ce qui me préoccupe.
    « Il faut que je te dise un truc, Julien.
     — Quoi donc ?
     — J’ai eu un souci…
     — Quel souci ?
     — J’ai baisé avec un gars et… la capote a cassé…
     — Ah… ça m’est déjà arrivé…
     — Et comment ça s’est passé, après ?
     — On a fait le test direct, et on a été vite rassurés.
     — Toi t’es un bon gars, Julien… mais le type n’a pas voulu faire le test…
     — Et pourquoi ?
     — Des raisons fumeuses… il est prof et il avait peur que des parents de ses élèves le reconnaissent à l’hôpital…
     — N’importe quoi !
     — Oui, c’est n’importe quoi. Mais en attendant, je ne sais pas à quoi m’en tenir. Et dans le doute, je prends des médocs pendant un mois.
     — Ah, le fameux traitement…
     — Eh oui…
     — Et tu vas devoir attendre de faire le test à 3 mois pour en avoir le cœur net…
     — C’est ça.
     — Ça s’est passé quand ?
     — Il y a trois semaines…
     — Ah, tu as encore un bon moment à attendre !
     — Ouais…
     — Et tu lui as dit à ton rugbyman ?
     — Bien sûr ! On s’est protégés à chaque fois qu’on a fait l’amour.
     — Vous aviez un bon stock de capotes, alors !
     — C’est pas faux…
     — Ça n’a pas dû être simple de le lui dire.
     — Non, mais il l’a bien pris. Il a même culpabilisé…
     — Ce sont les risques du  » métier  » …
     — Je sais, mais quand j’y pense, je flippe.
     — Ça va aller, Nico, je suis sûr que ça va bien se passer ! »

    Je suis soulagé d’avoir parlé à Julien. Ça m’a fait du bien de me confier. Je ne sais pas pourquoi Julien plutôt qu’Elodie, mais c’est avec lui que je me suis senti à l’aise pour le faire.
    Si je n’ai pas le cœur à raconter cela à Elodie, c’est parce que je ne veux pas l’inquiéter, alors qu’elle est toute projetée dans la préparation de son mariage.

    « La date est fixée, c’est le samedi 20 avril à la mairie de Blagnac. Tu n’oublies pas mon cousin !
     — Je ne pourrais jamais oublier !
     — De toute façon je vais t’envoyer un faire- part de mariage. Je suis tellement heureuse que tu sois mon témoin !
     — Moi aussi je suis content que tu m’aies demandé d’être ton témoin.
     — J’ai toujours su que ce serait toi !
     — Je t’aime ma cousine.
     — Je sais. Moi aussi je t’aime. Alors, tu viens avec ton chéri ?
     — Ça me paraît compliqué. Jérém s’assume maintenant, mais je pense qu’il n’en est pas encore là…
     — Mais je ne te parle pas de venir en tant que couple, ou de le présenter comme ton petit copain. Je l’invite en tant que pote…
     — C’est super gentil de ta part. Mais ça me paraît impossible. Surtout après ce que je lui ai raconté de la réaction de Papa quand je lui ai parlé de nous…
     — Quoi ? J’ai raté un épisode de Nico & Jérém ? Tu as fait ton coming out paternel  ?
     — Oui, j’ai fait ça le week-end où je suis venu à Toulouse après AZF… Jérém est venu à Toulouse pour voir son frère qui avait été blessé lui aussi. Je lui ai proposé de dormir à la maison. Il a vachement sympathisé avec Papa, surtout à cause du rugby… quand Jérém est reparti, j’ai eu envie de lui dire que ce n’était pas qu’un pote…
     — Et ça s’est mal passé…
     — Oui, il m’a mis plus bas que terre, il m’a dit de me faire soigner. Je l’ai envoyé chier. Depuis, il ne me parle plus, il me regarde de travers.
     — Mais quel idiot, Tonton !
     — Mais je m’en fiche. Je ne le vois presque pas. Heureusement, Maman me soutient…
     — Tata est géniale !
     — Bref, je préfère éloigner le risque de clash à ton mariage !
     — Ah, non, pas ça, vous vous débrouillez comme vous voulez, mais vous n’allez pas me voler la vedette de cette journée avec un psychodrame familial ! elle plaisante.
     — Je préfère éviter… Et Jérém aussi, j’en suis sûr. En plus je ne sais pas si les mariages c’est vraiment son truc.
     — Oui, oui, je comprends tout ça, bien évidemment. Mais même s’il ne vient pas, parle-lui quand même de mon invitation, ça lui montrera que tu as envie de lui faire partager ta vie, et aussi que tout le monde n’est pas borné dans ta famille. »

    Il est environ 20h30 lorsque mon téléphone retentit. Manque de bol, je suis encore à table. Mon père sursaute au déclenchement intempestif de la sonnerie.
    « Mets ça en sourdine ! » il me lance sèchement.
    Je ne prends même pas la peine de lui répondre. Après un échange de regards avec Maman, je pars répondre dans ma chambre.
    « Ourson !
     — Tu es arrivé, P’tit loup ?
     — A l’instant…
     — Tu as fait bonne route ?
     — Oui, mais je suis naze.
     — Tu vas pouvoir te reposer…
     — Oh, oui, demain j’ai une journée chargée !
     — Tu me manques P’tit loup !
     — Toi aussi, putain, toi aussi ! »

    Ce soir-là, dans mon lit, Jérém me manque terriblement. Malgré nos promesses, je ne sais pas quand je vais le revoir. La double distance, géographique et temporelle, m’angoisse. Je tourne et retourne dans mon lit. J’écoute de la musique, je lis un livre, je me branle. Le sommeil ne vient pas.
    Je repense aux mots de Charlène, à la difficulté rencontrée par Jérém à Paris pour trouver sa place. A la solitude qui a été la sienne pendant les premiers mois, au choc qu’il a encaissé en passant du jour au lendemain du statut de joueurs admiré et populaire de Toulouse à celui du dernier arrivé qui a tout à prouver. Je n’arrive même pas à imaginer l’effort et l’énergie qu’a dû lui demander le fait de tout recommencer à zéro.
    Charlène a raison, Jérém est quelqu’un qui aime briller, être remarqué, admiré. Et ça a dû sacrement lui manquer à Paris. Je suis triste de ne savoir que maintenant qu’il a failli tout quitter à cause de la pression. Pour les études, je savais, mais le rugby, carrément… J’aurais voulu savoir ce qui se passait dans sa tête, j’aurais voulu l’aider. Mais est-ce que j’aurais su le faire ? Est-ce qu’il aurait voulu de mon aide ?
    Je ne m’étais pas douté non plus que mon premier voyage à Paris l’avait mis mal à l’aise vis-à-vis de ses potes. Et je comprends qu’en étant déjà bien sous pression, il ne voulait pas en ajouter en prenant le risque qu’ils se doutent pour nous.
    Ça me fait mal qu’il ne se sente toujours pas assez à l’aise avec moi pour me parler quand ça ne va pas. Je lui ai dit, nous en avons parlé. Mais comme le dit Charlène, Jérém ne changera pas du jour au lendemain. Jérém c’est Jérém, et il a sa façon d’appréhender les choses. Lui mettre la pression pour que cela change, ça ne servirait à rien. J’en ai fait l’expérience. Jérém a besoin de se sentir aimé, pas jugé. Le stress, il l’a chaque jour autour de lui, il remplit sa vie. Je veux lui apporter le calme dont il a besoin. Je ne veux pas lui prendre de l’énergie, mais lui en donner, avec mon soutien.
    On ne peut pas aider l’autre jusque parce qu’on aime. Mais on peut écouter, et montrer qu’on est là.
    Je dois me montrer fort. Je ne veux plus que Jérém se sente en dessous de mes attentes, je ne veux plus qu’il pense qu’il me déçoit. Je ne veux plus lui demander davantage que ce qu’il peut me donner, parce que je sais désormais qu’il me donne tout ce qu’il peut me donner.
    Là aussi, Charlène a raison : quand on aime, on n’essaie pas de changer l’autre. Essayer de changer celui qu’on aime, c’est ne pas l’aimer tel qu’il est. C’est une contradiction.
    Jérém et moi nous sommes dit l’essentiel, à savoir qu’Ourson et P’tit Loup font bande à part. Alors, tout le reste, tous les autres, ça n’a pas vraiment d’importance. Tant qu’un autre Campan est à l’horizon.
    « Jérém est heureux quand il est avec toi. Je pense qu’il se sent plus fort quand vous êtes ensemble. Grâce à toi, il sait désormais qui il est et il l’a accepté. Mais il n’est pas habitué à se sentir aimé et ça lui fait toujours peur . »
    Ces mots de Charlène tournent en boucle dans ma tête. Je l’aime tellement, ce petit gars !

    Lundi 7 janvier 2002.

    « Ah toi, ça a l’air d’aller mieux. Moi je pense que tu as retrouvé ton Jérémie pendant les vacances ! me lance Albert, en me voyant débarquer dans la cour au sol rouge en fin de matinée tout en fredonnant l’air de  » Memory « .
     — Tu connais les classiques… » me taquine Denis.
    Ça me fait plaisir de retrouver mes sympathiques propriétaires, voisins et amis. Définitivement, je ne peux rien leur cacher.

    Mes examens démarrent dans deux jours et j’en profite pour faire un dernier tour de révisions. Je suis rassuré de voir que je n’ai pas de grosses lacunes. Pendant les jours à Campan, j’ai bien révisé et j’ai l’impression que j’ai rattrapé le retard accumulé pendant les dernières semaines avant Noël.
    Il faut dire que la méthode de révision « Jérém&Nico », l’association des connaissances au plaisir physique et sensuel, a déjà fait ses preuves pendant la préparation du bac. Mais cette première recette a été considérablement enrichie avec l’ajout de nouveaux ingrédients tels que les câlins, la complicité et la tendresse. Il en résulte une méthode d’apprentissage à l’efficacité redoutable.
    En reparcourant ces notes que j’ai bûchées pour la première fois en faisant l’amour et les câlins avec Jérém, j’ai à nouveau envie de faire l’amour avec lui, et très envie de câlins. Je révise, je me branle, je révise, je me branle, je révise, encore et encore.
    Chaque soir mon téléphone sonne et lorsque je décroche, lorsque je m’entends m’appeler « Ourson », c’est comme une caresse à mon esprit. Chaque soir nous parlons de nos révisions et de nos exams et nous nous encourageons l’un l’autre. De centaines de bornes nous séparent et pourtant je ressens toujours la vibration de notre complicité, l’écho du bonheur de Campan. Je suis heureux. La distance me rend toujours triste, me fait toujours peur. Mais j’ai envie d’y croire.

    Mercredi 9 janvier 2002

    C’est à partir de cette date que Jérém et moi passons nos examens. Chaque soir nous faisons un point, nous nous encourageons, nous nous félicitons, nous sommes là l’un pour l’autre. Les miens se passent plutôt bien. Pour Jérém, c’est un peu plus en dent de scie, mais ça reste satisfaisant. Il y a un loupé, mais il m’explique que ce n’est pas grave, car pour les sportif aux cursus aménagés il y a toujours un rattrapage possible.
    « Je voudrais avoir une tête comme la tienne.
     — Ne dis pas de bêtises, ta tête est très bien.
     — Dehors, oui… mais dedans, moins…
     — Tu dis n’importe quoi, espèce de petit con ! » je réagis à sa réplique à la fois culottée et touchante. Une réplique de petit con, mais de petit con adorable.
    « Je te voyais en cours, au lycée, tu captais au vol et moi j’avais du mal, ça me demandait beaucoup plus d’effort que toi.
     — Tu es un gars intelligent. Et puis c’est un exploit de mener à la fois une carrière de sportif pro et un cursus d’étudiant. »

    Mon dernier examen a lieu le vendredi, et je ne suis pas mécontent de cette session. Le soir, au téléphone, Jérém me félicite. Il me manque tellement !
    Le week-end sans lui est long, très long, chaque jour sans le voir me pèse.
    Je retourne en cours dès le lundi suivant, et le rythme retrouvé de la vie universitaire m’aide à penser à autre chose. Le mardi, Jérém passe son dernier exam. Le beau brun m’appelle entre midi et deux pour m’annoncer que ça s’est plutôt bien passé. Je suis content pour lui.

    Le mercredi, après notre dernier cours, et alors que les filles s’empressent de rentrer chez elles, Raph m’invite prendre un verre. Une fois installés à une table d’un bar près de la fac, il m’entraîne dans une drôle de discussion.
    « J’ai repensé à ton speech de l’autre jour…
     — Lequel ?
     — Quand tu m’as dit que tu étais gay…
     — Je pense que j’ai été un peu vif, c’était une mauvaise période, j’étais sur les nerfs. Désolé que ce soit tombé sur toi. Tu es un bon gars et je te considère comme un pote.
     — Tu as eu raison de me recadrer, le respect de l’autre passe avant tout par le langage. On ne peut pas utiliser les mots à tort et à travers. Chaque mot a son importance et son sens.
     — Je pense que tu as compris désormais, je plaisante.
     — Ouais ! Je te remercie de m’avoir fait réaliser à quel point le langage peut être homophobe sans même qu’on s’en rende compte.
     — Je n’avais aucun doute sur le fait que tu es un garçon intelligent. Hétéro, mais intelligent, je plaisante.
     — Je suis un mec de gauche, alors je me dois de défendre toutes les minorités et toutes les différences. Mais je veux juste savoir un truc, ok ? il enchaîne après une petite hésitation.
     — Quel truc ?
     — Je voudrais savoir si… tu…
     — Quoi donc ?
     — Est-ce que tu es attiré par moi ? » il accouche enfin.
    Me voilà pris au dépourvu. Je ne m’attendais pas à une question aussi directe. Je ne sais pas vraiment quoi lui répondre et à quoi il s’attend comme réponse.
    Comment lui expliquer que je le trouve très séduisant mais que je ne lui sauterai jamais dessus ? Car le « risque » de ce genre d’explication est double. Qu’il prenne mal le fait que je le trouve séduisant, ou qu’il prenne mal le fait que je le trouve séduisant… mais pas assez pour lui sauter dessus !
    « Raph, tu es un gars très charmant, mais je te considère comme un pote, je finis par jongler.
     — Tant mieux, parce que je suis 100% hétéro !
     — Ça, j’avais cru comprendre, oui ! je le taquine.
     — C’est juste pour que les choses soient claires, je ne veux pas qu’il y ait d’ambiguïté et des non-dits entre nous.
     — T’inquiète, il n’y en a pas. De toute façon, je ne suis pas célibataire.
     — T’as un mec ? il semble s’étonner.
     — Oui !
     — Ici à Bordeaux ?
     — Non, il est à Paris.
     — C’est cool… enfin, c’est cool que tu aies un mec, mais pas cool qu’il soit aussi loin…
     — C’est vrai, la distance complique les choses. Mais nous avons passé toutes les vacances de fin d’année ensemble dans les Pyrénées.
     — Il s’appelle comment ?
     — Jérémie.
     — Et il fait quoi dans la vie ?
     — Il est rugbyman pro dans un club à Paris.
     — Le Stade ?
     — Non, son petit frère, le Racing. Il débute.
     — C’est déjà pas mal pour débuter. Mais dis-moi, tu n’as jamais essayé avec une nana ? il enchaîne sans transition.
     — Non, jamais.
     — Et ça ne t’a jamais chatouillé l’esprit ?
     — Non, parce qu’aussi loin que je me souvienne, j’ai été attiré par les mecs. Coucher avec une nana, ça ne m’a jamais rien dit.
     — Comme moi de coucher avec un mec…
     — Chacun ses préférences. On ne choisit pas ses goûts…
     — Ceci étant dit, je ne sais vraiment pas ce que vous pouvez vous trouver entre mecs… un mec n’a pas de seins, de jolies fesses, de jolies jambes, de chatte…
     — Je ne sais pas ce que vous trouvez aux nanas, vous les hétéros, je le prends à contrepied, une nana ça n’a pas de pecs, pas d’abdos, pas de poils, pas de bi…
     — Ça va, ça va, j’ai compris ! »
    Son malaise vis-à-vis de mes mots aussi explicites que les siens me fait sourire.
    Je lui raconte rapidement ma rencontre avec Jérém le premier jour du lycée, mes années passées à le désirer sans pouvoir l’approcher, les révisions pour le bac, les hauts et les bas de notre relation, les difficultés de sa nouvelle vie à Paris.
    « Je préfère être hétéro, c’est moins compliqué pour baiser ! » il conclut, pragmatique.

    Dans le bus qui me ramène dans mon quartier, je repense à cette conversation avec Raph. Je me demande pourquoi il a eu besoin de cette mise au point. Est-ce qu’il a eu besoin de savoir si Monica ou Cécile étaient attirées par lui pour que leur amitié se fonde sur des bonnes bases ? Non, je ne crois pas. L’acceptation de l’homosexualité ressemble trop souvent à un effort de l’esprit, au mieux à une posture de « grand seigneur ». Alors qu’elle devrait être un réflexe inconscient, comme le fait de respirer.

    En arrivant chez moi, je n’ai qu’une envie, celle de m’allonger sur mon clic clac et de me taper une bonne branlette en pensant à l’amour avec Jérém. Mais dès l’instant où je passe le lourd portail en bois, je sais que mes plans vont être « contrariés ». Car, dans la petite cour, Denis et Albert sont en train de discuter avec… Jérém !
    Ah putain, si je m’étais attendu à ça ! Blouson en cuir, pull à capuche, simplement mec, le bobrun est là !
    « Ah, beh, le voilà ! s’exclame l’aîné de mes propriétaires en me voyant débarquer.
     — Salut ! me lance le jeune rugbyman, avec son plus beau sourire.
     — Tu fais quoi là ? je ne trouve pas mieux à dire pour exprimer ma joie mêlée d’incrédulité.
     — Je crois qu’il est venu pour moi, plaisante Albert. A croire que je peux encore faire de l’effet à 80 ans ! »
    Jérém se marre et il est tellement beau ! Son geste de venir me voir une nouvelle fois par surprise me touche beaucoup. Je m’approche de lui, je le prends dans mes bras. Le contact avec son corps me fait beaucoup de bien, ses bras qui m’enserrent me font du bien, le double contact de nos mains qui se glissent dans les cheveux de l’autre m’émeut. Je plonge mon visage dans le creux de son épaule et son parfum m’enivre. Je ne peux m’empêcher de poser quelques bisous fébriles dans son cou.
    « Ah, qu’est-ce qu’ils sont beaux ! s’exclame Albert.
     — Nous aussi nous avons été beaux… fait Denis.
     — Je me demande ce que ça fait que d’être aussi jeune … je crois que j’ai oublié ce qu’on ressent quand on a vingt ans », fait Albert, rêveur et nostalgique.
    Je relève mon cou, je prends son visage entre mes deux mains, je le regarde, fou de lui. J’ai besoin de le regarder droit dans les yeux pour réaliser pleinement qu’il est bien là. J’ai tellement envie de l’embrasser, il a tellement envie de m’embrasser. Si nos lèvres se retiennent de se jeter les unes sur les autres, c’est par pudeur. Et pourtant, l’envie d’unir nos lèvres nous consume, nos regards brûlent d’impatience.
    « Et maintenant, le marié peut embrasser le marié ! » se marre Albert.
    Et là, dissipées par l’humour du vieil homme, nos dernières réticences s’évaporent d’un coup. Nous nous embrassons à pleine bouche, et ça me donne mille frissons, ça me fait un bien fou.
    « Eh ben, voilà ! fait Denis, c’était pas si compliqué ! Les jeunes sont si pudiques de nos jours !
     — Tu es là jusqu’à quand ? je questionne le beau brun.
     — Je dois repartir demain matin, de bonne heure.
     — Je suis tellement content que tu sois là !
     — Moi aussi !
     — Allez, vous n’avez pas beaucoup de temps, les gars. Nous allons vous laisser. Profitez bien l’un de l’autre tant que vous êtes jeunes ! »

    Une poignée de secondes plus tard, nous sommes dans mon petit studio. Son blouson en cuir a volé, son pull à capuche aussi, son t-shirt pareil. Nos torses nus s’aimantent, nos bras sont avides d’enlacer, de serrer, nos mains insatiables de chercher l’autre, nos baisers intarissables. J’ai terriblement envie de lui, et lui de moi, mais le besoin de nous câliner est plus fort encore que le désir sexuel. Je bande comme un âne, j’ai envie de le pomper à en crever, mais je n’arrive pas à me résoudre à casser le flux ininterrompu de nos baisers et de nos caresses.

    A genoux devant lui, je le pompe avec entrain. J’ai envie de lui faire plaisir, de le rendre dingue. Le beau brun est très excité. Nous oublions la capote. Comme la dernière fois. J’empoigne ses fesses, je les malaxe vigoureusement. Un mec qui rabat sa tête vers l’arrière, qui dirige le visage vers le ciel, qui bombe ses pecs, qui prend une profonde inspiration et qui avance son bassin, est un mec qui prend sacrement son pied. Je kiffe comme un fou et je me donne corps et âme  pour me surpasser. Ses mains prennent appui sur mes épaules, les serrent fermement, son bassin envoie de bons petits coups de reins.
    Son orgasme arrive au grand galop. Je sens le beau brun frissonner et pousser un long souffle de plaisir. Ses mains se crispent sur mes épaules. Des bonnes giclées lourdes et chaudes percutent mon palais et s’étalent sur ma langue, son goût de jeune mâle se répand dans ma bouche.
    Sans attendre, il retire sa queue d’entre mes lèvres, il glisse ses mains sous mes aisselles, il me fait me relever. Il se met à genoux devant moi, défait ma braguette, descend mon jeans et mon boxer à mi-cuisse. Sa main saisit ma queue, la branle. Quelques instants plus tard, je jouis comme un fou sur son torse musclé et poilu.

    Jérém s’allonge sur le lit, sans même passer par la case cigarette. Je m’allonge près de lui, je le prends dans mes bras, je le serre très fort contre moi.
    « Qu’est-ce que je suis content que tu sois venu !
     — Dès que j’ai su que j’avais un moment de libre, j’ai foncé.
     — Qu’est-ce que je t’aime, Mr Tommasi ! »
    Pour toute réponse, le beau brun se blottit un peu plus dans mes bras. Il saisit ma main, la porte à hauteur de sa bouche et pose un chapelet de bisous doux sur le revers, puis remonte le long de mon avant-bras.
    Nous nous assoupissons amoureux et heureux.

    C’est la nouvelle érection de mon beau brun qui vient me tirer du sommeil. Je sens son gland frotter dans ma raie, lentement, langoureusement, et ça m’excite à mort. Je bande quasi instantanément. J’ai envie de lui à en crever. J’ai envie de l’avoir en moi, de le sentir coulisser en moi. J’ai envie de me faire prendre et défoncer par mon beau Jérém. Son gland s’attarde sur ma rondelle, de façon de plus en plus insistante. Je n’ai qu’une envie, celle de le laisser faire, de sentir mes chairs céder à l’assaut de sa virilité, de le laisser me défoncer, de le laisser gicler au plus profond de moi. Mais je ne peux pas. Toujours pas. C’est dur de ne pas pouvoir faire l’amour comme on le voudrait, mais je ne peux baisser la garde.
    Le beau brun me fait pivoter sur le flanc et je me retrouve sur le ventre, sa queue bien calée entre mes fesses, son gland mettant dangereusement en joue ma rondelle. Ses mains empoignent fermement mes fesses, autrefois le signal de l’imminence de sa venue en moi. J’ai tellement envie de lui que l’idée folle d’ignorer le risque me traverse l’esprit pendant une fraction de seconde. Mais je me ravise aussitôt, pris de panique :
    « Attend, Jérém, mets une capote, s’il te plaît !
     — Shuuuut ! T’inquiète, fais-moi confiance ! »
    Et là, je sens ses mains empoigner mes fesses et les rapprocher l’une de l’autre, les resserrer autour de sa queue bien chaude. Ses va-et-vient commencent, et je suis fou d’excitation.
    Je sais désormais qu’il n’a pas l’intention de prendre le risque de venir en moi sans capote, et je réalise avec bonheur qu’il trouve quand même le moyen de me faire l’amour. Le sentir coulisser entre mes fesses, sentir son gland frotter sur mon trou, le sentir prendre son pied de mec, tout en réalisant qu’il ne viendra pas en moi, voilà qui est à la fois terriblement excitant et horriblement frustrant. Je réalise que la frustration ajoute de l’excitation et de l’inventivité.
    « Ah putain, c’est bon ! je l’entends ahaner, ivre de plaisir.
     — Oh que oui, c’est bon ! »
    Puis, le beau mâle brun s’arrête net, ma rondelle délicieusement harcelée par sa queue dure comme l’acier.
    « T’as envie que je t’éclate le cul, hein ?
     — Putain qu’est-ce que j’en ai envie ! »
    Rien que le fait de l’entendre énoncer cette promesse de bonheur me rend dingue. Pendant une fraction de seconde, je me dis que finalement, pour une fois on pourrait…
    Mais non, non, non. Ma raison reprend le dessus sur ma libido et la peur et la précaution recouvrent le contrôle de mes actes.
    « J’en ai trop envie, mais…
     — Tais-toi ! Montre-moi comment tu as envie de ma queue ! »
    Je m’exécute, fou de plaisir. Je serre bien mes fesses, je fais coulisser ma raie le long de sa bite.
    Je le sens frissonner.
    « Tu as envie que je te gicle dans ton beau petit cul… »
    Je comprends que tout cela n’est qu’un jeu, un jeu bien excitant auquel se prête Jérém, qui exorcise notre frustration et nous offre des frissons sexuels inédits. Je décide de me donner à fond dans ce jeu.
    « J’ai trop envie que tu me remplisses !
     — Vas-y, redis-moi de quoi tu as envie !
     — Prends-moi, défonce-moi, gicle bien au fond de mon cul ! Montre-moi qui est le mec dans ce pieu ! »
    Et là, il s’allonge sur moi, la queue bien calée dans ma raie. Je sens le poids de son corps, la chaleur de sa peau, je me sens dominé par sa présence virile.
    « Pourquoi, tu ne sais pas qui est le mec dans ce pieu ? il me glisse si près de mon oreille que ses lèvres, sa barbe et son souffle frôlent ma peau et provoquent en moi des frissons géants.
     — C’est toi le mec, putain, c’est toi ! je lui balance, fou de lui.
     — Tu veux me vider les couilles, hein ? »
    Ah putain, si en plus il me prend par les « sentiments » !
    « Oh que oui, je ne demande que ça, beau mec ! »
    Et là, je sens le beau brun se relever. Une grosse goutte de salive tombe dans ma raie. Je sens ses mains resserrer un peu plus mes fesses autour de sa queue. Ses va-et-vient sont lents mais implacables. Tout ce que j’aime. Il ne faut pas vraiment longtemps pour entendre mon Jérém pousser un grand soupir de bonheur, pour sentir ses jets chauds taper sur ma rondelle, glisser dans ma raie, voler sur mes reins. Un instant plus tard, ses doigts s’insinuent dans mon trou et poussent son jus en moi.

    Faire l’amour avec le gars que j’aime est un bonheur inouï. Mais il y a des choses que j’aime tout autant partager avec lui. Des choses simples, comme un repas au restaurant, ce que nous faisons ce soir-là, ou une nuit dans ses bras, ce que nous faisons cette nuit-là. Ou le café du matin, ce que nous faisons avant de nous quitter alors que le jour n’est pas encore levé.

    Les semaines suivant  la venue de Jérém à Bordeaux, sont le récit d’un bonheur ininterrompu. Je suis comme sur un petit nuage. Mes journées sont ponctuées par les cours, par les discussions avec mes camarades, par les dîners partagés avec mes proprios, et par les coups de fil de Jérém. Je sens qu’il est heureux de me retrouver chaque soir – d’ailleurs c’est lui désormais qui m’appelle le plus souvent – qu’il a envie de me raconter ses journées, mais aussi de savoir ce que je fais des miennes. Je le trouve détendu, bien dans ses baskets. Et ça me fait un plaisir fou d’entendre que ses progrès sportifs sont appréciés, qu’il est de mieux en mieux intégré dans l’équipe. Ses efforts paient, et son amitié avec Ulysse aussi.
    Je suis porté par le sentiment que ma relation avec le beau brun est définitivement en bonne voie, par la sensation que plus rien ne pourra nous séparer. Je suis heureux.

    20 janvier 2002

    J’ai terminé mon traitement trois jours plus tôt et je me suis empressé de refaire le test. Aujourd’hui, je viens chercher les résultats au centre de dépistage. J’ai le cœur qui tape de plus en plus fort au fur et à mesure que je m’approche du guichet. L’attente est assommante. Lorsque je tiens l’enveloppe dans ma main, je n’ose pas l’ouvrir pendant de longs instants. Et si ? Qu’est-ce que je vais faire… si ?
    Contrairement à ce qui se passe dans presque tous les autres domaines, un résultat négatif pour un dépistage est en général une bonne nouvelle. Et je suis négatif partout, le HIV et toutes les MST possibles et imaginables. C’est une petite victoire qui me permet de reprendre mon souffle. Du moins une partie. Car ce n’est qu’une petite bataille que je viens de gagner, et il reste encore à gagner la guerre. Et ça ne se jouera que dans deux mois.
    J’ai hâte de revoir Jérém, hâte de le serrer contre moi. Les jours s’accumulent, les semaines aussi. Il me manque de plus en plus, j’ai envie de monter à Paris. Mais il n’a jamais envisagé cette possibilité. J’attends qu’il me dise quand il est disponible pour nous voir quelque part entre Paris et Bordeaux. Il me tarde ! Mais je dois être patient et confiant, je dois rester positif.

    La première fois où Jérém m’a proposé de le rejoindre pour passer la nuit ensemble dans un hôtel à mi-chemin entre Paris et Bordeaux, ça m’a rendu heureux comme un gosse à Noël. Son coup de fil est tombé le dimanche soir, à 22 heures.
    Le bobrun m’annonce qu’il pourra se libérer assez tôt le mardi après-midi, et que le mercredi ses entraînements ne commenceront qu’en milieu de matinée. C’est l’occasion rêvée.
    En raccrochant, je réalise que la Saint-Valentin approche et que nous allons la rater de très peu. Mon côté romantique dit : quel dommage ! Mon manque d’assurance dit : est-ce que je devrais marquer le coup ? Mon côté réaliste semble trancher : ça ferait peut- être trop pour Jérém, il n’est pas du genre à donner une quelconque importance à ce genre de truc. Je finis par me dire que nous n’avons pas besoin de ça pour nous montrer notre amour.
    En attendant, le lundi après mes cours je ne peux m’empêcher d’acheter un petit cadeau pour marquer le coup. Je passe ma soirée à le « personnaliser ». Je ne sais pas si je vais oser le lui donner, mais lorsque je le glisse dans mon sac de voyage, je suis heureux.

    Mardi 12 février 2002.

    Ces retrouvailles tombent en plein milieu de la semaine. Evidemment, je sèche mes cours de l’après-midi pour aller le rejoindre. Ce n’est pas sérieux, mais c’est inévitable. La route qui m’amène vers le garçon que j’aime me paraît être un escalier vers le Paradis.
    Jérém a réservé un hôtel à Poitiers, à proximité du Futuroscope. Lorsque je rentre dans le parking de l’établissement, le beau brun est là, l’épaule nonchalamment appuyée au mur à côté de l’entrée, une main dans la poche du pantalon, l’autre tenant sa cigarette, le blouson de cuir ouvert, une belle chemise bleue entrouverte sur un t-shirt blanc sexy à mort. Et par-dessus le coton immaculé, sa chaînette de mec négligemment posée.
    Lorsqu’il me voit, un grand sourire ravageur illumine instantanément son visage. Qu’est-ce que je suis content de le retrouver, putain ! Et qu’est-ce que c’est beau de ressentir cette impression, ou plutôt une certitude, qu’il est tout aussi heureux de me voir ! Là encore, je suis sur un nuage. Le retrouver dans ce nouveau décor me réjouit. Car c’est une nouvelle terre vierge, un territoire hors de tout, comme Campan, un endroit où nous ne connaissons personne et où nous pouvons vivre discrètement et un peu plus librement notre amour.
    Je lui souris à mon tour, et je m’empresse de le rejoindre.
    « Salut mec ! il me lance sur un ton enjoué.
     — Salut p’tit Loup ! Tu as fait bon voyage ?
     — Pas mal, pas mal… je te raconterai ça… »
    Je pressens au ton de sa voix, à son regard, à son attitude que ce n’est pas de bavarder dont il a envie là, tout de suite. Je sais qu’il a envie de moi. Et moi j’ai envie de lui. L’attente a assez duré.

    Nous traversons le parking et la traînée de parfum de bogoss que Jérém laisse derrière lui m’assomme. Nous franchissons la porte de l’hôtel et nous nous dirigeons vers la réception. La première chose qui capte mon attention est le regard du réceptionniste. Un regard qui se révèle à chaque pas davantage pétillant, pénétrant, charmeur, sexy.
    Le mec, dans les 25 ans je dirais, arbore de beaux cheveux bruns sculptés dans un bon brushing de bogoss, ainsi qu’une barbe de quelques jours, bien taillée, aux bords bien nets. Ses yeux, qui de loin m’avaient semblé plutôt sombres, sont en réalité d’un beau gris éclatant, mais entourés de cils bruns, ce qui donne une profondeur et un charme terribles à son regard.
    Jonas, comme l’indique le badge collé à sa chemise blanche qu’il porte avec un style certain, nous salue de façon sonore et accueillante.
    « Bonsoir, Messieurs !
     — J’ai réservé une chambre au nom de Tommasi », lance Jérém.
    Le gars consulte son registre, puis il regarde Jérém droit dans les yeux et lui balance :
    « Je crois qu’il y a un problème… Je ne trouve pas votre réservation…
     — Mais j’ai réservé !
     — Je ne trouve pas de chambre à votre nom… il persiste.
     — Vous n’avez qu’à nous en donner une autre !
     — Le fait est que nous sommes complets ce soir…
     — Quoi ? fait Jérém, regardez mieux !
     — Je ne fais que ça, regarder, mais je ne vois pas de Mr Tommasi…
     — C’est vrai, ça ? commence à chauffer le beau brun.
     — Non, en vrai, je vous fais marcher, fait Jonas en lâchant un sourire fripon.
     — Je préfère, fait Jérém en se décrispant.
     — Ça, ça marche à tous les coups ! » se moque le réceptionniste .
    Je le trouve sympa. Jonas a un visage très expressif, avec une mimique très variée, ponctuée de petits sourires, de plissement des yeux, de regards franchement charmeurs. Il dégage une bonne humeur solaire et communicative. Son sourire léger, sa voix sonore, son aisance sont pleins de charme.
    Pendant qu’il remplit les papiers de séjour, j’ai l’impression qu’il mate mon Jérém du coin de l’œil. Et je suis presque certain qu’il me mate moi aussi. Ce qui provoque un moi un certain malaise.
    « Blagues à part, je crois qu’il y a une erreur, il ajoute tout en nous rendant les pièces d’identité.
     — Quoi encore ? Une autre bêtise ?
     — Non, ça c’est vrai, pour le coup. On vous a attribué un grand lit à la place de deux lits individuels…
     — On s’en bat les… on s’en fout de ça, fait Jérém.
     — Alors au temps  pour moi, fait Jonas en plissant les yeux d’une façon très malicieuse, je vous souhaite un agréable séjour Messieurs.
     — Merci ! fait Jérém machinalement.
     — Vous prendrez le dîner dans notre restaurant ou bien vous allez sortir ?
     — Je ne sais pas, on verra.
     — D’accord. A plus tard peut-être… » fait le beau réceptionniste en nous tendant les clés et les pièces d’identité.

    Une minute plus tard, nous sommes dans notre chambre au premier étage. Le beau brun me colle contre le mur, m’embrasse fougueusement. Puis il attrape mon visage, il me fixe à quelques centimètres à peine de mon visage. Et dans son regard je retrouve une étincelle sensuelle, coquine, mélangée à une tendresse infinie. La fougue et la douceur. Voilà une alchimie virile qui me fait fondre.
    Je soutiens son regard pendant un court instant, un instant chargé d’un érotisme et d’une sensualité insoutenables. Car son regard brun me déshabille et me caresse, tout à la fois. Sa façon de passer le bout de sa langue entre les dents, c’est sexy à crever. Happé par ses yeux qui brillent, qui brûlent de désir, j’ai comme l’impression, excitante et grisante, de l’avoir déjà dans la bouche. Putain de mec !
    Son blouson vole, sa chemise tombe. Seule  reste devant mes yeux la beauté simple et étourdissante de ce t-shirt blanc tendu sur sa plastique, épousant ses pecs, redessinant le V de son torse, moulant ses biceps, offrant un délicieux contraste avec la couleur mate de sa peau, avec ses tatouages, le brassard juste en dessous de la manchette, et celui qui part du biceps, glisse sur son épaule, disparaît sous le coton blanc, réapparaît à la base de son cou, remonte jusqu’à son oreille.
    Je m’approche de lui, je le serre contre moi, je l’embrasse, je passe et repasse fébrilement mes doigts dans ses cheveux courts, je m’attarde à caresser cette petite zone très érogène entre le haut de son cou et la base de sa nuque.
    Je recouvre son cou, et notamment la petite région autour de son grain de beauté, de bisous tendres et sensuels, tout en inspirant avidement l’odeur de sa peau, en enivrant mes mains du contact avec son visage et sa barbe de trois jours.
    Par-dessus le tissu fin et doux, je tâte ses biceps, je caresse ses pecs qui semblent se bomber au fil des entraînements, j’agace ses tétons qui pointent délicieusement, je les mordille. Je sens sa respiration s’accélérer.
    Je glisse mes mains sous le t-shirt, je lis les lignes de ses abdos, je le sens frissonner à chaque caresse. Mes doigts fébriles s’attaquent à sa ceinture, la dégrafent, puis à sa braguette, la défont bouton par bouton, lentement, le dos de mes doigts effleurant le coton doux et chaud de son boxer, détectant au passage la puissance de son érection.
    Jérém attrape mon pull, puis mon t-shirt, m’oblige à les quitter. Ses lèvres et sa langue avides s’attaquent à mes tétons. Ses doigts défont ma braguette à leur tour. Sa main se glisse dans mon boxer, attrape ma queue, me branle. C’est indiciblement bon.
    Une minute plus tard, je suis à genoux, en train de le pomper. Et le beau brun surexcité finit par remplir ma bouche de bonnes giclées chaudes, denses, et de ce goût délicieux de jeune mâle que je connais si bien.
    Jérém me fait m’allonger sur le lit, puis se glisse contre moi. Et là, tout en bouffant à pleine bouche mon téton le plus à sa portée, il me branle. Mon orgasme ne tarde pas à venir, et il s’exprime avec de longues traînées atterrissant sur mon torse.
    Et là, à ma grande surprise, le beau brun vient se glisser sur moi.
    « Fais gaffe ! Tu vas en avoir partout !
     — M’en branle… »

    Jérém est fatigué de ses entraînements du matin. Ainsi, nous descendons dîner au resto de l’hôtel. Pour rejoindre la salle, nous sommes obligés de repasser devant la réception.
    « Bon appétit Messieurs ! » nous lance promptement le charmant Jonas. Je me tourne vers lui pour le remercier et je capte son regard, un regard discret mais presque caressant.
    Il en est de même lorsque nous faisons le parcours inverse, de la salle de resto à la chambre. Nouveau passage devant la réception, devant Jonas, et devant son regard souriant, charmeur, pénétrant.
    « Bonne soirée Messieurs ! il nous lance sur un ton cordial et pourtant presque taquin.
    J’ai l’impression qu’il nous drague. Et, pour étonnant que cela puisse me paraître, j’ai surtout l’impression qu’il me drague. Je ne peux pas ne pas me sentir flatté par le fait d’attirer l’attention d’un si beau garçon. Affirmer le contraire, ce serait mentir. Mais en même temps, je suis gêné que cela se produise là et maintenant, alors que je suis si heureux avec Jérém. En mon for intérieur, depuis le « je t’aime » de Jérém, je suis le garçon le plus comblé qui soit. Je n’ai aucune envie d’aller voir ailleurs.  Certes, je sais que nous nous sommes promis la fidélité des cœurs, mais pas celle des corps. Et pourtant je sais que l’un comme l’autre préférons « ne pas savoir » ce qui se passe « à côté » quand nous sommes loin.
    Mais là, c’est différent. Ça m’a toujours fait chier que Jérém se fasse mater sous mes yeux. Ça m’a excité, certes, mais ça m’a bien fait chier. Et ça n’a pas changé, ça me ferait toujours autant chier. Et je sais qu’il en est de même pour lui. Je connais bien sa jalousie. Je le regarde tracer vers l’escalier et je suis étonné par son calme. N’a-t-il donc rien capté ?
    La réponse à ma question ne tarde pas à venir. Je viens tout juste de fermer la porte de la chambre derrière nous, lorsque le bobrun se lâche :
    « Il est rélou ce type !
    —  Quoi ? je tente de temporiser pour chercher comment le rassurer.
     — Le type à la réception… il n’arrête pas de mater !
     — Tu es bogoss…
     — Mais c’est toi qu’il mate !
     — Je crois qu’il nous mate tous les deux…
     — Non, c’est toi qu’il mate, je te dis ! »
    Visiblement Jérém est jaloux. Mais de quoi est-il jaloux ? Du fait que je me fasse mater, ou du fait que j’aie une touche… à sa place ?
    « Mais il peut mater autant qu’il veut, tu es beaucoup plus beau que lui. Et puis, tu es mon Jérém à moi. Et ça, c’est unique ! » je tente de le rassurer sur tous les tableaux.
    Ça semble marcher, car le beau brun me claque un long bisou en guise de réponse.
    « Et puis, c’est de toi dont j’ai envie. Tu peux pas savoir à quel point…
     — Ah oui ??? il fait, le coquin.
     — Si tu savais…
     — Je ne sais pas, il me cherche.
     — Tu veux que je te montre ?
     — Oui, ce serait bien d’être plus clair à ce sujet… » il lâche, la voix basse, sensuelle, tout en commençant de déboutonner lentement les boutons de sa chemise.
    Les deux pans de tissu bleu nuit se rouvrent peu à peu sur le paysage de coton immaculé. Il défait sa ceinture, sa braguette, dévoile un triangle de tissu du boxer, tendu par l’érection. Je suis fou de lui.
    Pendant que nos langues s’affrontent dans un duel des plus excitants, je laisse ma main droite glisser vers son entrejambe. Son érection est puissante, conquérante.
    Je soulève son t-shirt, j’embrasse langoureusement ses abdos, je suis happé par le bouquet olfactif tiède, viril et délicieux qui se dégage de sa peau mate et d’où j’arrive à distinguer la fragrance de son gel douche, de son parfum. Mais aussi et surtout, les petites odeurs naturelles de sa peau.
    Sa queue n’a pas encore été libérée de sa prison de coton, mais j’ai l’impression de sentir l’odeur de son érection s’échapper de son boxer. J’adore l’odeur entêtante de sa queue en pleine érection. J’adore le goût quand je la pompe. Et ce qui me fait carrément chavirer, c’est d’arriver parfois à l’exciter au point de faire suinter ce petit jus de mâle qui accompagne son excitation violente et ravit mes papilles.
    Et son souffle de pleine satisfaction à l’explosion de son orgasme, lorsque ses giclées puissantes et chaudes fusent dans ma bouche, ravit mon être tout entier. Qu’est-ce que j’aime lui faire plaisir !

    Nous allumons la télé, nous la regardons distraitement, en nous faisant des papouilles. Mon beau Jérém finit par tomber très vite dans les bras de Morphée. J’éteins la lumière et la télé, je me colle contre lui, et je m’assoupis aussi.

    Je me réveille dans la nuit, seul dans le lit. Mais où est donc passé Jérém ? Je le retrouve aussitôt, dans la pénombre, à proximité de la fenêtre, en train de fumer. Le t-shirt blanc tendu sur son torse capte et renvoie la faible luminosité de la pièce venant de la fenêtre entrebâillée. Une odeur intense de tarpé envahit la pièce.
    « Tu dors pas ? je le questionne
     — J’avais envie de fumer. Je t’ai réveillé ?
     — Oui, mais c’est pas grave.
     — J’ai fait du bruit ?
     — Je crois que c’est le fait de ne plus te sentir à côté de moi qui m’a réveillé… je dors tellement bien quand je suis avec toi ! »
    Le bobrun écrase son mégot, expire une dernière volute de fumée et referme la fenêtre. Puis, il ôte son t-shirt et vient me rejoindre au lit. Il se glisse sur moi, il m’embrasse sensuellement. Sa douceur me fait fondre. Le contact avec son corps me fait bander sur le champ. J’ai à nouveau envie de lui et je sais qu’il a encore envie de moi. Je sens son érection contre la mienne. L’intense bouquet olfactif qui se dégage de sa peau mate fraîchement dénudée me rend dingue.
    Ses doigts relèvent mon t-shirt, puis défont ma braguette, font glisser mon boxer le long de mes cuisses. Ses lèvres bouffent fébrilement mes tétons, puis descendent vers mon nombril, caressent mes boules, remontent le long de ma queue, et… l’avalent. Ça se passe comme dans un éclair, mon excitation et ma surprise montent si vite que je n’ai pas la présence d’esprit de m’opposer à sa fougue. Jérém entreprend de me pomper. Je bande à bloc, et c’est terriblement bon. Mais je ne suis pas à l’aise, pas du tout.
    « Jérém ! Jérém ! Jérém ! Passe une capote ! »
    Mais le bobrun ignore mes sollicitations et continue de me pomper. C’est bon, terriblement bon, terriblement excitant, malgré l’interdit, ou justement à cause de l’interdit. Le plaisir vrille peu à peu ma volonté, l’étouffe jusqu’à la faire disparaître. Le plaisir prend très vite le contrôle de mon corps et de mon esprit. Plus il me pompe, plus j’ai envie de jouir dans sa bouche. Jérém y va avec une telle ardeur que je me sens très vite happé par le précipice de l’orgasme.
    Dans un dernier sursaut de volonté, je fais tout mon possible pour me retenir. Mais je sens que je ne vais pas pouvoir tenir longtemps.
    « Jérém, arrête, s’il te plaît arrête ! je le somme, la queue en feu, tout en posant mes mains sur ses épaules musclées et en essayant de l’éloigner de ma queue de toutes mes forces.
     — Ne fais pas ça, fais-moi l’amour ! »
    Et là, le bogoss se relève, il attrape une capote dans son sac de voyage. Je me relève aussi, je lui prends le petit emballage des mains, je le déchire, je pose le préservatif sur son gland et je le déroule lentement sur son manche bien raide. Je le branle un peu, je l’excite. Jérém m’embrasse.
    Quelques instants plus tard, il vient en moi, lentement, sans me lâcher du regard, m’offrant tout le bonheur d’assister au spectacle magnifique de son désir pour moi. La pénombre qui enveloppe nos corps et nos gestes apporte quelque chose de magique à cet acte d’amour. La communion de nos esprits, la connexion de nos êtres est parfaite.
    Les ondulations de son corps sont douces et sensuelles, ses va-et-vient lents et langoureux. Le bogoss s’allonge sur moi, le visage enfoui dans le creux de mon épaule. J’écoute sa respiration, ses ahanements de bonheur, sa déglutition, les battements de son cœur. Je m’enivre de l’odeur douce et tiède de sa peau. Je vibre au rythme des frottements de nos corps excités à bloc, mais encore plus amoureux qu’excités. Je dérive dans ce bonheur de la donation réciproque du plaisir qui est le pendant de l’amour .
    Jérém me fait l’amour, en silence. Cette nuit il n’a pas besoin de savoir quel effet me fait sa queue, si je prends mon pied, si je jouis, si je kiffe ses assauts virils, si je sais qui est le mec dans ce lit. Cette nuit, notre complicité est plus forte et intense que tous les jeux de domination et soumission auxquels nous avons pu, et nous pouvons nous livrer à d’autres moments.
    Puis, soudain, je sens son corps se crisper, ses va-et-vient s’espacer, se faire plus appuyés, ses lèvres se resserrer sur ma peau, sa bouche pousser un grand souffle de délivrance.
    Le bonheur de sentir jouir le gars que j’aime, combiné aux frottements de ses abdos sur mon gland me fait très vite perdre pied à mon tour.
    Jérém s’abandonne sur moi, assommé de plaisir. Nous échangeons quelques bisous et nous pivotons sur un flanc. Et nous rendormons dans les bras l’un de l’autre.

    Le lendemain matin, une surprise de taille nous attend au réveil. Une épaisse couche neigeuse s’est déposée dans la nuit, et ça continue de tomber dru.
    « Putain ! Comment je vais faire ? j’entends Jérém pester.
     — Tu vas pas prendre la route avec ce temps !
     — Mais j’ai promis au coach que je serai à l’entraînement ce matin !
     — Mais il neige à bloc ! Il peut bien entendre ça !
     — Je n’étais pas censé quitter Paris !
     — Tu fais ce que tu veux dans tes jours de repos, non ?
     — Il va me défoncer…
     — Allez, il n’y a pas mort d’homme. Appelle-le et explique-lui.
     — De toute façon, je n’ai pas le choix ! »
    Le bobrun s’assoit sur le bord du lit et passe donc un coup de fil pour prévenir qu’il ne peut prendre la route dans l’immédiat et qu’il ne pourra dont pas être présent à l’entraînement. Je regarde son dos solide, ses cheveux bruns. Je l’écoute parler, se justifier. Je capte vite qu’il n’en mène pas large, car à l’autre bout du fil on lui met la pression. Je le sens mal à l’aise, contrarié, frustré.
    Après avoir raccroché, Jérém demeure un long moment sans bouger, assis sur le bord du lit, le téléphone entre les mains, le regard dans le vide, muet, comme un gosse qui vient de se faire gronder. Et je le trouve terriblement touchant.
    « Alors ? je finis par l’interroger.
     — Ça me casse les couilles !
     — Qui, l’entraîneur ?
     — L’entraîneur, la neige… »
    Je m’approche de lui, je le serre dans mes bras, je pose des bisous dans son cou, sur sa joue. Le bobrun est toujours crispé, mais ses lèvres finissent par se laisser aimanter par les miennes.
    « Allez, je vais prendre une douche ! » il me lance.

    Une poignée de minutes plus tard, il revient de la salle de bain, complètement à poil, tout pecs, abdos et queue dehors, promenant sa virilité et sa jeunesse avec un naturel désarmant. C’est tellement beau la nudité masculine et l’aisance avec laquelle mon beau brun sait la porter !
    J’adore capter la fraîcheur du bouquet olfactif qui se dégage de sa peau à la sortie de la douche. Qu’elle soit portée par les notes enivrantes d’un gel douche de petit con, ou bien par la douce sensualité d’un savon neutre qui laisse s’exprimer l’odeur naturelle de sa peau, son odeur naturelle, cette fraîcheur du matin me rend complètement dingue.

    Je le regarde passer un t-shirt gris, un boxer et des chaussettes propres, son jeans, ses baskets. A chacun des mouvements de ses avant-bras ses biceps se gonflent et sollicitent les manchettes, mettent en valeur ses beaux tatouages. Je le regarde se mettre debout, boucler sa braguette, puis sa ceinture, laisser retomber le t-shirt par-dessus. Regarder un beau mec se rhabiller après une nuit d’amour, repu de plaisir, est presque aussi excitant que de le voir se dessaper en pleine excitation. Le bogoss complète sa tenue en passant sa belle chemise bleue par-dessus le t-shirt, et en la laissant complètement et nonchalamment ouverte. Sexy à mort. Et adorable.
    « Qu’est-ce qu’il y a ? il me demande, en captant mon regard subjugué.
     — Qu’est-ce que je t’aime ! je lui lance simplement, comme une évidence.
     — Allez, file te doucher ! » il me lance du tac au tac, le ton railleur, mais l’air flatté.

    A la réception, la place du très charmant Jonas est désormais prise par Solène, une nana blonde et un peu enrobée, mais très souriante. Elle nous explique que nous pouvons garder notre chambre jusqu’à 17 heures, mais qu’il faudra régler une nuit supplémentaire si nous ne pouvons pas repartir d’ici-là. Je sens Jérém un tantinet tendu.
    A travers les grande baies vitrées de la salle du petit déj, je regarde la neige tomber sans discontinuer.
    « Jamais on va pouvoir partir d’ici ! » il lance, son regard inquiet faisant des allers-retours incessants entre les voitures couvertes de poudreuse sur le parking de l’hôtel et le reportage sur l’épisode neigeux qui s’est abattu sur une partie du pays qui est en train de défiler à la télé en face de nous.
    Je n’ose pas lui dire que cette neige me met vraiment de bonne humeur, car elle m’offre un bonus de temps en sa compagnie. Aussi, elle me rappelle celle de Campan, le jour de l’an lorsque nous étions bloqués à la petite maison dans la montagne, le premier « Je t’aime » de Jérém après avoir fait l’amour. La neige me rappelle ce bonheur.
    « Mais si, ça va bien s’arrêter à un moment… » je tente de le rassurer.
    Mais mes mots ne semblent pas apaiser ses soucis. Je le trouve tellement touchant quand il est contrarié. J’ai tellement envie de le prendre dans mes bras, et de le couvrir de bisous. Lorsque nous serons à nouveau seuls dans la chambre, je vais le prendre dans mes bras et le couvrir de bisous.
    En attendant, je profite du petit déjeuner . Un bon petit déjeuner à l’hôtel est une bonne façon de commencer la journée. Car un petit déjeuner à l’hôtel est d’abord un petit déjeuner qu’on n’a pas besoin de préparer et qui, de ce simple fait, ouvre l’appétit. Et a fortiori quand il s’offre à moi étalé sur une longue table de buffet, copieux, à volonté, plein de promesses gustatives – viennoiserie, jus de fruit, café, cappuccino, pain grillé, confiture, salade de fruits – comme une rafale de caresses. D’une certaine façon, et toutes proportions gardées, ce petit déjeuner me rappelle ceux que me préparait Maman quand j’allais au lycée. Tout était prêt, je n’avais qu’à me servir. Ça a bien changé depuis que je suis à Bordeaux.
    Le lycée, tiens, c’était mon quotidien encore il y a quelques mois, et pourtant ça me paraît déjà si loin. La rue de la Colombette aussi, ça me paraît très loin. Je repense à toutes ces années de lycée où Jérém me semblait complètement hors de ma portée, à cette peur qui m’a habité pendant des mois en terminale, et même encore pendant nos révisions, celle de ne plus jamais le revoir après le bac. Lorsque je repense à ces angoisses, tout en regardant mon beau brun là, devant moi, en train d’avaler son petit déjeuner après une nuit d’amour dans une chambre d’hôtel, je ressens une sorte de délicieux vertige.
    Oui, un bon petit déjeuner est une excellente façon de commencer la journée. Quant à un bon petit déjeuner à l’hôtel, en compagnie de la personne qu’on aime, sans avoir à se presser de repartir chacun de son côté parce que les éléments en ont décidé ainsi, c’est juste le bonheur absolu.
     
    Pendant que Jérém fume une cigarette sous l’avancée de toit devant l’entrée de l’hôtel, je retourne dans notre chambre. J’allume la télé et je tombe sur une rediffusion d’une série qui a marqué mon adolescence. Voilà une autre bonne façon de bien commencer cette journée.
    Jérém revient quelques minutes plus tard, alors que je rigole comme un bossu devant le sketch de Niles se faisant passer par Maxwell et demandant à C.C. de caqueter comme une poule pour l’exciter .
    « On t’entend rigoler depuis le fond du couloir ! il me lance, le regard sombre.
     — Viens regarder avec moi, tu vas rigoler aussi ! »
    L’épisode se termine et un autre démarre dans la foulée. J’adore ce type d’humour, je ne peux retenir mes fous rires. Quant à Jérém, d’abord plutôt crispé, il finit lui aussi par éclater de rire devant un gag particulièrement hilarant centré sur Miss Fine, Sylvia et grand-mère Yetta. Je crois que c’est la première fois que je l’entends rire aussi franchement, la première fois que j’entends son rire éclater, sans retenue. Et c’est tellement beau, ça me touche tellement.
    « C’est drôle, hein ?
     — C’est très con !
     — Mais très drôle quand même !
     — Ouais, j’avoue ! »
    Je ne peux résister à l’envie de lui claquer un bisou. Nous continuons de regarder, et de rigoler ensemble. Rigoler ensemble, c’est rigoler beaucoup plus. Qu’est-ce que j’aime partager ce moment avec Jérém. C’est tellement bon de passer du temps avec lui. Chaque heure, chaque minute, chaque instant est un cadeau arraché au temps.
    A 10 heures, à la faveur d’une page de pub, je pars nous chercher des cafés. A 11 heures, à la faveur d’une érection soudaine, nous repartons sous la couette et nous refaisons l’amour.

    Lorsque nous redescendons au resto pour prendre notre déjeuner, la neige s’est arrêtée de tomber. La nana à la réception nous prévient que l’autoroute est désormais dégagée et que le parking de l’hôtel va l’être incessamment sous peu. La petite parenthèse enchantée va prendre fin. Quel dommage, j’aurais tellement aimé passer encore une nuit dans les bras de mon Jérém.
    Pendant le déjeuner, je lui demande de me parler de la façon dont ça se passe dans l’équipe. Le beau rugbyman m’explique que côté sportif ça se passe plutôt bien pour lui, que sa mise à niveau est bien avancée et il qu’il a trouvé ses marques dans le schéma de jeu de l’équipe. Ce qui le tracasse, ce sont les difficultés de l’équipe à gagner des matchs et des points.
    « Si ça continue comme ça, on risque la relégation en Fédérale la saison prochaine ! Il faut vraiment mettre les bouchées doubles pour les derniers matchs ! »

    Après le café, nous remontons dans la chambre. Il est 14 heures, Jérém m’annonce qu’il va prendre la route pour rentrer à Paris.
    « Déjà ? je ne peux me retenir de lui lancer, alors que je m’étais imaginé que nous passerions au moins une partie de l’après-midi ensemble.
     — Je ne veux pas me laisser rattraper par la nuit, surtout si ça se remet à neiger…
     — Je comprends… Et on se revoit quand, petit Loup ?
     — Je ne sais pas… Je risque d’être moins dispo d’ici la fin de la saison…
     — Moins dispo comment ?
     — Je ne sais pas encore, mais je risque de ne pas avoir trop de jours de repos, et quand j’en aurai, il faudra vraiment que je me repose… si je ne suis pas au top, l’entraîneur ne me rate pas. Et puis il y a les cours aussi…
     — C’est vrai que tu es bien chargé. Mais alors, ça veut dire qu’on va pas se voir au mieux jusqu’à la fin du championnat ?
     — Je ne sais pas, je ne peux rien te promettre.
     — Et ça se finit quand le championnat ?
     — Mi-mai…
     — Mais c’est dans trois mois ! Je pourrais venir te voir à Paris, non ?
     — Peut-être, mais pas à l’appart…
    — Et où alors ?
    — On essaiera l’hôtel…
    — Pourquoi l’hôtel ?
    — Parce qu’à l’appart, ça va être galère…
     — Tu as peur que tes potes débarquent à l’appart ?
     — Ça peut arriver. Je préfère ne pas prendre le risque. S’ils débarquent et qu’ils te voient, ils vont forcément se poser des questions. Il suffit qu’ils s’imaginent des trucs pour qu’ils me fassent la misère. Et s’ils commencent à lancer des ragots, c’est fichu pour moi. Je peux rentrer à Toulouse direct.
     — Tu crois qu’ils te feraient chier, un bon joueur comme toi, juste parce que tu es…
     — Oh que oui. Tu peux pas imaginer ce que j’entends dans les vestiaires, Nico. Il y a tant de haine pour les gars comme nous, tu ne peux pas savoir. Si ça se sait, ma carrière est foutue. Il vaudrait encore mieux que je me casse une jambe… Il vaudrait encore mieux que je tue mon père et ma mère…
     — Mais tu n’exagères pas un peu ? Ulysse te soutient et…
     — Ulysse m’aide à garder les apparences… mais si la vérité se sait, il ne pourra rien pour moi… D’autant plus que l’année prochaine il ne sera certainement plus au Racing…
     — Il veut partir ?
     — Oui, il a eu une proposition au Stade. Pour l’instant ce n’est pas signé, mais ça ne va pas tarder.
     — Le Stade Toulousain ?
     — Non, le Stade Français !
     — Il va rester à Paris, alors…
     — Oui, mais on ne va plus se voir  comme maintenant. »
    Les mots de Jérém m’ont un peu secoué. La perspective de ne pas nous revoir pendant des mois me replonge dans mes angoisses de l’automne. Je sais que je dois être fort, j’ai pris cette résolution et je veux m’y tenir. Mais c’est dur. Jérém n’est pas encore parti et il me manque déjà.
    « Mais on s’appellera, ok ? Tu ne vas pas recommencer à me laisser des semaines sans nouvelles, hein ?
     — Nico…
     — Promets-moi !
     — Mais oui, on s’appellera ! »
    Jérém me prend dans ses bras et m’embrasse.
    « Ne t’inquiète pas, Ourson ! »
    Je l’embrasse à mon tour, je caresse ses cheveux, son visage, j’inspire son parfum, comme pour m’imprégner de sa présence, comme pour me « charger » de sa présence, comme pour essayer de repousser le moment où son absence sera insupportable.
    « Je vais y aller, Nico.
     — Fais bonne route, petit Loup…
     — Je t’appelle ! » fait le beau brun en quittant notre étreinte. Puis, il attrape le sac avec le logo de son club et s’apprête à quitter la chambre. Ainsi, c’est là que nous nous quittons. C’était si court. Tout va si vite. Encore il y a quelques minutes je pensais qu’on passerait une partie de l’après-midi ensemble, et qu’on se reverrait à son prochain jour de repos, dans une semaine, deux au max, et là Jérém est en train de partir, sans transition, et pour une durée indéfinie. Il n’y a rien de plus angoissant que les délais indéfinis.
    Soudain, en voyant sa main se poser sur la poignée de la porte, je repense à ce petit cadeau que j’avais prévu de lui donner.
    « Attends ! J’ai un truc pour toi !
     — Quel truc ?
     — Tiens, je lui lance, tout en lui tendant le petit paquet que je viens de sortir de mon sac de voyage.
     — C’est quoi ?
     — Ouvre ! »
    Le bogoss repose son sac à terre, il saisit le cadeau et déchire le papier.
    « Un baladeur ! Ça fait un moment que je veux m’en acheter un pour m’en servir pendant la muscu et quand je vais courir…
     — Je sais, tu m’en avais parlé la dernière fois…
     — Merci Ourson, merci ! Il fallait pas ! fait-il, visiblement touché, avant de m’embrasser.
     — J’y ai mis quelques-unes des chansons que nous avons chantées avec les cavaliers…
     — Tu es trop mignon… mais il ne fallait pas !
     — Demain c’est un jour pas comme les autres, et je voulais marquer le coup…
     — Demain c’est jeudi et… fait Jérém, interrogatif, en cherchant visiblement en quoi le lendemain serait un jour spécial.
     — Et c’est le 14 février… je l’aide.
     — Ah… zut… j’ai l’air con… moi j’ai rien prévu…
     — Si, tu as prévu ce moment, l’hôtel, le resto…
     — Mais j’avais pas percuté… je ne pense pas à ces trucs…
     — Mais tu as pensé à moi, on s’en fout que ce soit le 14 ou le 12 ou le 37 du mois ! »
    Et là, après un instant de silence, après avoir aimanté mon regard avec ses yeux bruns remplis de douceur, il me serre une nouvelle fois dans ses bras. Puis, il approche ses lèvres de mon oreille si près que son souffle et sa barbe chatouillent ma peau et me glisse :
    « Tu sais, je suis vraiment content d’avoir redoublé ma seconde…
     — Quoi ?
     — Si je n’avais pas redoublé, je ne t’aurais jamais rencontré… »

    La voiture de Jérém vient de quitter le parking de l’hôtel et je remonte chercher mes affaires. Dans la salle de bain, je repère quelque chose qui n’est pas à moi. Jérém a oublié son t-shirt blanc de la veille. Sans réfléchir, je l’attrape, je ferme les yeux, le porte contre mon nez. L’empreinte olfactive dont sont imprégnées ses fibres me vrille les neurones, fait battre très fort mon cœur. Pendant un instant, Jérém est à nouveau là, avec moi. En un instant, je bande. Un instant après, je me branle. L’excitation est un très bon moyen de chasser les angoisses. Ça ne dure qu’un temps, le temps de l’arrivée de l’orgasme, mais c’est radical.

    Je traverse le parking et je m’apprête à mon tour à prendre la route qui m’éloignera du gars que j’aime. Je regarde la neige qui brille au soleil et redessine le paysage autour de moi et je me dis que c’est grâce à elle que j’ai eu quelques heures de sursis avec mon Jérém. Si seulement ça avait pu durer encore un peu, j’aurai eu une autre nuit avec lui. Dommage !
    Devant le volant de ma voiture, je n’arrive pas à me décider à repartir. Je suis sur le point de laisser couler les larmes qui alourdissent mon cœur, lorsqu’un petit utilitaire se gare à l’opposé du parking. La porte s’ouvre et un gars en descend aussitôt. Je reconnais la silhouette dégagée et la gestuelle franche de Jonas, le réceptionniste de l’après-midi. Le mec me capte et me fait un grand signe de la main accompagné d’un grand sourire. Je retiens mes larmes et je lui réponds avec un petit coucou. Pendant un instant, j’ai l’impression qu’il va venir me parler. Je n’ai vraiment pas envie de me faire brancher. Je démarre le moteur comme pour l’en dissuader. Jonas trace son chemin et continue vers l’entrée de l’hôtel.

    Je viens tout juste de quitter le parking lorsque l’envie de pleurer qui monte en moi depuis plusieurs minutes éclate dans un chapelet de sanglots incontrôlables.

    https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=que+se+siente+al+ser+tan+joven+la+casa+azul

    COMMENTAIRES & CHAT

    Chers lecteurs, vous pouvez laisser vos commentaires ici même. Si vous souhaitez débattre de cet épisode ou de cette histoire vous pouvez le faire dans le salon « Général » de Discord.
    Lien ici : https://discord.com/channels/717731300680925277/717736066915762207
    Tout le monde est le bienvenu.
    Merci à vous tous.
    Fabien

    Commentaires

    John1

    18/06/2021 15:42

    Épisode reposant. les bonnes résolutions de Nico, du genre, je n’avais pas compris les problèmes de Jerem mais maintenant qu’on m’en a parlé je vais respecter sa discrétion dans le monde du rugby… mais patatras, la première neige qui met Jerem en difficulté vis à vis de son entraîneur réjouit Nico. Petit égoïste immature dont les bonnes résolutions fondent si rapidement

    Florentdenon

    12/06/2021 10:42

    Je vais manquer d’originalité mais il est toujours aussi plaisant de retrouver les deux amoureux. J’ai apprecié aussi l’humour décalé de Julien sur Jerem. Plus le temps passe et plus je regrette que cet amour soit impossible…Continue de nous transporter, Fabien !

    Chris-j

    10/06/2021 13:39

    cet épisode nous rapproche du clash que j’attends avec impatience. Dommage pour Jonas même si il était un peu relou, à sa façon Nico l’est tout autant LOL

    Virginie-aux-accents

    06/06/2021 08:39

    Quel bel épisode! Personnellement, je l’ai fait durer en le lisant en trois temps pour le savourer plus longtemps. Quelle belle complicité entre nos deux amoureux. C’est toujours un plaisir de les retrouver et de te lire. Bravo!

    Yann

    05/06/2021 14:51

    J’ai littéralement dévoré cet épisode sensuel qui m’a ravi. Je m’attendais à rentrer dans ce qui allait être la rupture annoncée et puis, peut être parce que j’avais demandé en plagiant Edit Piaf que tu nous laisses encore un peu nos amoureux, ce magnifique épisode s’est révélé être un peu comme un sursis dans le prolongement de la parenthèse Campan. Alors je n’ai pas boudé mon plaisir, j’ai adoré la capacité de nos deux amoureux à sublimer leur relation mais aussi et surtout la façon dont tu traduits par tes mots leurs moments intimes.
    J’ai peur que la suite ne soit pas si heureuse mais comme on dit profitons de l’instant présent et c’est ce que j’ai fait en te lisant.
    Merci pour ce bel épisode

    Fred

    05/06/2021 03:32

    Ça fait plaisir de les voir heureux nos amours .une belle tranche de vie ..j’avais hâte de te lire tu le sais …

  • JN0302 La suite nous le dira.

    JN0302 La suite nous le dira.

    Mardi 1er janvier 2002.
     
    Le lendemain de cette nuit où pour la première fois Jérém m’a dit « je t’aime », où pour la première fois de ma vie je me suis entendu dire « je t’aime », je ne me réveille pas vraiment de bonne heure. Nous avons passé la première nuit de l’année à faire l’amour, c’est-à-dire, à nous aimer. Mon corps avait besoin de récupérer.
    Après son « je t’aime », nous n’avons pas beaucoup parlé. Et pourtant, les caresses, les baisers, les regards, les gestes complices, l’envie réciproque de nous donner du plaisir et de la tendresse se sont chargés d’exprimer notre bonheur d’être là, l’un avec l’autre, sans détours. Le feu brûlait entre nos corps, nos esprits baignaient dans une osmose totale, nos cœurs battaient sur un accord parfait. Tout était limpide, comme une évidence, il n’y avait pas d’erreur possible.
     
    Le premier matin de la nouvelle année, je me réveille dans les bras de Jérém. Son torse enveloppe mon dos. Je sens sa respiration cadencée sur ma peau, son souffle léger dans mon cou. Le beau brun dort toujours, et pourtant je ressens son bonheur d’être avec moi, même dans son sommeil. J’en prends pour preuve le fait de me réveiller comme je me suis endormi, c’est-à-dire enlacé par le gars que j’aime.
    Le premier réveil de la nouvelle année est enveloppé d’un bonheur immense. Je n’ai qu’une envie, que cet instant parfait ne cesse jamais. Parce que je crois, j’en suis même sûr, de ne pas avoir été un jour plus heureux qu’à cet instant précis.
    Hélas, les emballages de capote sur la table de nuit me rappellent que tout n’est pas rose dans ma vie. En regardant l’intensité de la réverbération du soleil qui rentre par la petite fenêtre, je pense que mon heure de prise habituelle des médocs du matin, 8 heures, est largement dépassée. Et alors que tout mon être veut continuer à profiter de ce réveil dans les bras de mon Jérém, je ne peux pas attendre plus longtemps pour me lever.
    Je dois me faire violence pour quitter ce bonheur de tiède douceur virile. Je ne veux pas le réveiller, je n’ai pas envie qu’il me voie prendre mes médocs, et qu’il se sente encore coupable de ce qui m’est arrivé. J’ai envie de faire ça discrètement, et de revenir aussitôt dans ses bras.
    Je prends mille précautions pour quitter le lit, pour quitter ses bras. Mais avant que j’aie pu mettre un orteil à terre, je sens le bogoss remuer derrière moi. J’entends sa respiration changer, et je l’entends me lancer, la voix pâteuse, le ton presque enfantin :
    « Bonjour Ourson ».
    Sa façon de m’appeler « Ourson » m’émeut toujours autant. Surtout quand je pense qu’au début de nos révisions c’était plutôt avec « salope », « sale pute », « chienne en chaleur » qu’il s’adressait à moi. Un contraste qui ne cesse de me sauter aux yeux et qui me fait à chaque fois réaliser qu’en quelques mois mon statut a bien changé à ses yeux. Je me demande même comment j’ai pu accepter d’être autant soumis à ce gars, comment j’ai pu le laisser m’humilier comme il le faisait parfois. Je me sens tellement mieux maintenant, alors que je suis dans une relation de respect réciproque, une relation d’amour. Mais à l’époque de nos premières révisions, je n’avais pas vraiment le choix. Jérém donnait le ton de notre relation, et c’était à prendre ou à laisser. Ses envies façonnaient les miennes. Mais je ne regrette rien, ça a valu le coup d’en passer par là, pour en arriver là où nous en sommes aujourd’hui.
    « Bonjour P’tit Loup ! » je ne peux renoncer à lui répondre, tout en abandonnant momentanément mon projet de quitter le lit, à me retourner, à le prendre à mon tour dans mes bras, et à l’embrasser tendrement.
    Jérém émerge peu à peu de son sommeil, il me regarde fixement, le regard encore vide, les cheveux en bataille, le haut des pecs qui dépasse des draps, il est beau.
    « Tu as bien dormi ? je le questionne.
     — Comme un bébé, et toi ?
     — Très bien aussi. Quand je suis avec toi, je dors toujours bien !
     — Ravi d’apprendre que je te fais l’effet d’un cachet pour dormir ! il plaisante.
     — Andouille ! Je dors bien parce que je suis bien, parce que je suis heureux avec toi !
     — Moi aussi je suis heureux d’être avec toi ! »
    Et là, mon adorable Jérém me serre un peu plus fort contre lui, il glisse de doux baisers dans mon cou, sur ma joue, sur mon oreille.
    « Putain ! je l’entends chuchoter.
     — Quoi ?
     — Je ne peux pas te toucher sans bander dans la seconde !
     — C’est triste, ça ! » je plaisante, tout en glissant une main contre son boxer tendu.
    En effet, malgré les heures supp de la nuit, sa queue est à nouveau bien fringante. Elle ne semble vraiment pas vouloir prendre de RTT.
    Je glisse ma main dans son boxer et je l’empoigne, je la caresse doucement. Son manche me remplit bien la main, chauffe bien ma paume et mon désir. Je me glisse sous les draps, je me glisse sur son corps musclé à la peau mate. Ce matin non plus les mots ne sont pas notre moyen de communication favori. Les regards et les envies manifestes des corps suffisent à dire tout ce qu’il y a à dire.
    Je le branle sans cesser de l’embrasser, et je me sens bander à mon tour. Et lorsque sa main vient exciter mes tétons, je laisse mes lèvres glisser vers ses pecs saillants. Le bogoss frissonne de plaisir, ahane bruyamment. C’est dur de ne pas pouvoir le sucer librement, j’ai tellement envie de le prendre dans ma bouche ! Ce matin je n’ai vraiment pas envie de passer une capote, alors j’invente. Je fais glisser son boxer le long de ses cuisses, et je le branle, je l’embrasse, je le caresse, je l’excite pour le faire grimper au rideau.
    Sentir mon Jérém vibrer de plaisir est pour moi un bonheur indescriptible. Sentir venir son orgasme, alors que je l’embrasse, sentir sa respiration changer, son souffle trahir ses frissons, ses lèvres frémir sur les miennes, son corps tout entier se contracter à la venue de l’apothéose, c’est à la fois terriblement excitant et d’une certaine façon émouvant. Oui, faire plaisir au gars que j’aime m’émeut.
    Je n’ai pas besoin d’aller chercher bien loin pour sentir sa queue frémir sous la pression de son jus qui monte, pour sentir plusieurs jets bien lourds et bien chauds percuter mon torse, jusqu’à mon menton. Certains retombent sur son torse à lui. Et alors que son torse ondule sous l’effet de la respiration et de la récupération après le plaisir, je ne peux résister à la tentation d’aller chercher son goût délicieux sur sa peau mate, dans les vallées de ses abdos, entre ses poils bruns qui repoussent. Et je dois me faire violence pour ne pas aller astiquer son gland humide.
    Lorsque j’émerge des draps, Jérém m’embrasse à nouveau. Je me laisse glisser sur son flanc et je le regarde en train de récupérer, il tellement beau mon beau brun après l’amour.
     
    Jérém part fumer sa première cigarette de la journée, et j’en profite pour me lever enfin. Je jette un œil par la fenêtre. L’horizon qui entoure la petite maison est blanc, très très blanc. Depuis hier soir, il est tombé au moins 50 centimètres de neige. Jérém remet du bois dans la cheminée, et ravive le feu. Je crois qu’il en a remis pendant la nuit, mais je ne me suis rendu compte de rien.
    Et j’en profite enfin pour passer à la salle de bain et prendre mes médocs discrètement. Mais pas assez. Une boîte remplie de gros comprimés qui glissent les uns sur les autres fait toujours son bruit.
    « T’en as jusqu’à quand ? je l’entends me questionner depuis le petit séjour.
     — Trois semaines, je lui réponds en m’approchant de lui.
     — Si tu savais comme ça me fait de la peine de te voir prendre ça ! »
    Son regard est triste, affecté. C’est exactement ce que je voulais éviter, éviter de gâcher ce matin heureux de bonheur intense.
    Je tente de faire bonne figure, je le prends dans mes bras.
    « Tu sais, Jérém, je n’ai rien ! Ces médocs ne sont qu’une précaution. A tous les coups le gars n’avait rien. Et avec ces médocs ça va encore réduire un risque très faible. Il ne faut pas que tu te prennes la tête comme ça !
      — Je sais, mais…
     — C’est pas toi qui m’as dit de coucher avec ce gars. Ce n’est pas de ta faute si la capote a cassé. C’est la faute à pas de chance. Un point, c’est tout. »
     
    « C’est beau ! » s’exclame Jérém en regardant par la fenêtre, avec le ton et l’attitude fébriles d’un gosse le matin de Noël. Je le rejoins aussitôt et je regarde avec lui, joue contre joue.
    « C’est beau ! je lance à mon tour.
     — Oui, mais on n’est pas sorti de l’auberge, c’est bien le cas de le dire ! » il tempère.
    C’est vrai qu’en regardant l’épaisse couche blanche qui encombre la cour, et forcément le petit chemin qui depuis la route départementale mène à la petite maison, on a l’impression qu’on va être coupés du monde pendant un moment. Ceci dit, l’idée d’avoir mon beau brun rien que pour moi pendant un temps indéfini est une perspective qui ne me déplaît pas du tout.
     
    Nous passons à la douche l’un après l’autre. L’envie de la prendre ensemble ne manque pas, mais l’exigüité de la cabine rend cela compliqué . En fait, c’est plutôt une cabine pour faire l’amour à deux que pour prendre une douche à deux.
    Je passe en premier. Et pendant que Bobrun passe à son tour sous l’eau, j’en profite pour préparer le petit déj. Il revient de la salle de bain habillé d’un jeans et d’un t-shirt blanc tout propre, parfaitement tendu sur ses épaules, sur ses pecs, sur ses biceps, son éclat créant un contraste détonnant avec sa peau mate et inspirant chez moi de chauds frissons. Le café vient de monter, le pain est grillé, beurré et tartiné de confiture.
    « Ah bah, c’est le luxe ce matin !
     — Prends ton café, chéri, je lui dis en lui servant la boisson chaude.
     — J’ai très faim ! il s’exclame.
     — Nous n’avons pas trop mangé hier soir.
     — Et nous avons beaucoup fait l’amour ! il me lance. Ça ouvre l’appétit, ça !
     — C’est clair ! »
    Le beau brun attrape une tartine et en croque une grande bouchée. Une deuxième bouchée suffit à la faire disparaître. Une deuxième tartine y passe en quelques secondes. Bobrun prend son petit déj avec un bonheur manifeste, très concentré sur le plaisir apporté par la nourriture, l’air d’apprécier à fond, comme s’il n’avait pas mangé depuis des jours. Je trouve son côté bon vivant très sensuel. Je ne peux quitter du regard ce gars à la beauté presque surnaturelle. Et pourtant, malgré la folle attirance que je ressens pour lui, je sais désormais que l’essentiel de ce qui me lie à lui est ailleurs. J’aime ce gars pour ce qu’il est, parce que je ne suis jamais aussi bien que lorsque je suis avec lui.
    « Tu comptes rester planté là à me regarder pendant que je prends mon petit déj ? il finit par me lancer, entre une gorgée de café et une troisième tartine, le petit sourire taquin en coin, le clin d’œil ravageur.
     — Oui, peut-être…
     — Et tu fais quoi, là, au juste ?
     — Je me disais juste que je suis fou de toi.
     — Viens là, il me lance, approche ! »
    Je contourne la table sans attendre. Et dès que je suis à sa portée, sa main attrape la mienne, m’attire contre lui avec un geste rapide, fougueux. Jérém enserre ses bras autour de ma taille et plonge son visage dans mon t-shirt, à hauteur de mon ventre.
    « Câlin ? je lui demande, touché, ému.
     — Câlin ! » il me répond, touchant au possible.
    Je me penche sur lui, je plonge mon visage dans ses cheveux bruns encore humides, et je le serre à mon tour dans mes bras à hauteur de ses épaules solides. Je pose des bisous sur son oreille, sur sa joue, dans son cou.
    Jérém soulève mon t-shirt et entreprend de poser des bisous légers et terriblement sensuels juste au-dessus de l’élastique de mon boxer. Je sens son souffle, la douceur de ses lèvres qui caressent, le piquant de sa barbe qui chatouille. Et cela déclenche d’intenses frissons dans tout mon corps.
    « Tu vas encore me faire bander ! je lui lance.
     — Vas-y bande petit mec ! »
    Et, ce disant, il défait ma braguette et prolonge ses baisers sur le coton désormais tendu de mon boxer. Mon excitation monte en flèche. Et lorsque ses deux mains font glisser mon jeans et mon boxer le long de mes cuisses, lorsque je sens ma queue jaillir à l’air libre, j’ai terriblement envie de jouir. Mais l’excitation est vite contrariée par la peur que Jérém veuille se passer des nécessaires précautions.
    « Jérém ! je le rappelle à l’ordre.
     — T’inquiète, je vais juste regarder et caresser ! »
    Et en effet, pendant un bon petit moment, le bobrun caresse mes couilles, ma queue, il fait des bisous, il laisse traîner sa langue. Sans jamais effleurer mon gland, il me chauffe à blanc.
    Puis, soudain, il remonte mon boxer, il se lève de la chaise, et part s’allonger sur le lit. Il s’installe en position demi-allongée, épaules appuyées à nos deux oreillers superposés. Puis, en dégainant le regard le plus coquin qui soit, il passe sa main droite sous son t-shirt, le fait remonter un peu, en dévoilant au passage l’élastique du boxer ainsi qu’une partie du relief incroyable de ses abdos.
    Et alors que sa main cachée sous le coton immaculé caresse négligemment sa peau mate au-dessus de son nombril, son regard me cherche, m’aimante, m’attire, m’enflamme.
    Au bout d’une poignée de secondes, je n’en peux plus, j’ai trop envie d’aller le rejoindre et de faire encore l’amour avec lui. Mais lorsque j’amorce le mouvement pour quitter ma chaise, le bogoss me lance, d’un ton ferme :
    « Reste assis ! »
    Tout en m’intimant cet ordre, il déboutonne son jeans, il l’enlève carrément, tout comme le boxer. Il dégaine sa belle queue tendue et commence à la branler sans me quitter du regard, le coquin.
    « J’ai envie de toi ! je lui lance, frémissant de désir, ne tenant plus en place.
     — Assis, j’ai dit ! »
    Et là, le bogoss attrape une capote dans la boîte posée sur la table de nuit, ainsi que le tube de gel. Il jette tout ça sur le lit, entre ses pieds. Puis il me regarde, l’œil coquin, le regard brun et charmeur, l’attitude terriblement érotique. Je n’y tiens plus, je me précipite vers le lit, je grimpe dessus. Je déchire l’emballage de la capote, je l’attrape entre mes doigts et je me prépare à la lui passer. Et là, le bogoss me repousse doucement mais fermement.
    « C’est toi qui vas me faire l’amour, P’tit mec… »
    Ah, c’est de ça dont il a envie ! Alors, j’en ai envie aussi. C’est simple, j’ai envie de tout ce dont il a envie. Je me déshabille en vitesse, je me glisse sur lui, je l’embrasse comme un fou. Nos regards se croisent, se figent l’un dans l’autre.
    « Tu es beau, Ourson !
     — Et toi, alors ?
     — Ça je sais, ça fait des années qu’on me le dit, il crâne exprès pour me faire râler.
     — Petit con, va ! »
    Son beau sourire amusé me rend dingue.
     
    Sentir sa rondelle se relâcher au passage de mon gland et se resserrer autour de ma queue est une sensation indescriptible. Je commence de le  limer, et mon plaisir monte très vite. Et voir, sentir son corps musclé frémir sous mes assauts, c’est juste délirant. Jérém prend son pied, et il est aussi avide de bisous. Je n’arrive toujours pas à croire que mon beau mâle brun a désormais envie de ça aussi, parfois. Je ne peux cesser de contempler son visage frémissant de bonheur. Nos regards finissent par s’accrocher, se figer l’un dans l’autre. Quand les regards se croisent et se figent pendant l’amour des corps, sans pudeur, sans crainte, c’est que l’amour des esprits est là aussi.
    Je jouis longuement, je jouis comme un fou, un fou amoureux.
    Mon beau et adorable Jérém vient en moi à son tour, me remplit de sa virilité débordante, me fait me sentir à lui comme personne d’autre n’a su le faire.
    Et pendant que le bogoss au t-shirt blanc moulant me fait l’amour, nos lèvres fébriles se cherchent toujours. Mes mains tout aussi fébriles n’ont de cesse de tâter ses biceps, ses épaules, ses pecs d’acier, comme pour m’imprégner de sa beauté, de sa virilité.
    L’espace d’un instant, l’orgasme vient ravager d’une intense grimace sa belle petite gueule de mec.
     
    « J’espère que les autres ne se sont pas inquiétés hier soir, je considère, pendant qu’il fume cette cigarette qui est depuis toujours une sorte de générique de fin de nos ébats.
     — Non, je ne pense pas. Ils ont dû se douter qu’on a été bloqués par la neige. Elle était annoncée. »
    C’est là qu’un ronronnement commence de se faire entendre. C’est un bruit qui monte en intensité, comme si un engin motorisé était en train de se rapprocher. Pas une voiture, quelque chose de plus gros.
    « C’est quoi, ça ? je m’étonne.
     — Les secours, je pense, fait Jérém avec un beau sourire. Ils arrivent pile au bon moment, ils nous ont laissé le temps de faire l’amour !
     — C’était tellement bon !
     — Grave ! »
    Nous revenons à la petite fenêtre. Pendant quelques instants, le bruit continue d’augmenter d’intensité sans que sa source se présente devant nos yeux. Jusqu’à ce que la silhouette d’un tracteur bleu avec un chasse neige à l’avant n’apparaisse à l’entrée de la petite cour.
    « J’étais sûr que c’était lui !
     — Lui, qui ?
     — Benjamin !
     — Benjamin ? je m’étonne.
     — Benji, mon pote qui fait du fromage !
     — Ah, oui, ton pote… »
    Je n’y étais pas du tout. Le prénom Benjamin évoque désormais pour moi de mauvais souvenirs.
    « Merde ! » je l’entends lâcher, tout en se précipitant vers la table de nuit pour faire disparaître la boîte de préservatifs. Je l’aide à ramasser les capotes et les emballages de la nuit et à arranger le lit.
    Jérém sort pour accueillir son pote. Malgré la température pas vraiment engageante, je le rejoins. Mon beau brun fait des grands signes avec ses bras, et son pote semble le saluer de la même façon joueuse derrière son parebrise. Jérém a l’air heureux. J’adore le voir si heureux.
    Le tracteur avance dans la cour et s’arrête à proximité de la voiture de Jérém. La porte s’ouvre et le pote barbu descend, toujours aussi gaillard.
    « Eh, les gars, ça va ? il nous lance en approchant.
     — Tu peux pas savoir comment je suis content de te voir ! fait Jérém.
     — Je me doute… surtout de voir mon chasse-neige, je pense ! »
    Jérém sourit.
    « J’ai vraiment de super amis… se marre le barbu, mais j’en ai deux fois plus après une bonne neige !
     — C’est ça ! » fait Jérém. Les deux potes se font la bise. Puis, c’est à mon tour de recevoir la bise de la part de Benjamin, de sentir le contact avec sa barbe douce.
    « Charlène m’a appelé ce matin, et elle m’a dit de passer voir si vous étiez toujours vivants, il nous explique.
     — Eh bien, nous le sommes, comme tu le vois… tu veux un café ?
     — C’est pas de refus… je me suis levé de bonne heure pour faire du « ménage « .
     — Je ne savais pas que tu nettoyais les routes, fait Jérém.
     — J’ai passé un deal avec la mairie il y a deux ans, ils ont acheté l’outil et ça me permet d’arrondir mes fins de mois l’hiver. Sinon, ça a été votre réveillon, les gars ?
     — Vite fait, tu sais, on n’avait pas grand-chose à bouffer et le courant était encore coupé.
     — Chez moi aussi ça avait coupé, mais il est revenu dans la nuit. Et ici ?
     — Non, il n’y a rien du tout.
     — Vous avez de quoi bouffer, les gars ?
     — Pas vraiment…
     — Comme hier soir tout a été annulé, Charlène fait un repas chez elle ce midi pour manger la bouffe qui était prévue…
     — Même si tu as déneigé, je ne sais pas trop si c’est une bonne idée de partir chez Charlène. S’il neige à nouveau, on va être bloqués chez elle, fait Jérém.
     — Tranquille, mec, je vous y emmène !
     — En tracteur ? je fais, par reflexe, étonné.
     — Oui, en tracteur. Il faudra se serrer, mais ça va aller, il fait avec assurance. »
     
    Dans la cabine exigüe du tracteur de Benjamin, la proximité est telle qu’elle ressemble à de la promiscuité. Je sens l’odeur de la lessive de ses vêtements, je détaille de très près son profil, sa mâchoire carrée, sa belle barbe rouquine. Je regarde Benjamin comme dans une sorte de contemplation du masculin. Mais je regarde mon Jérém avec cet émoustillement, cette émotion, cette tendresse, ce désir, cette soif de l’esprit qu’inspire la personne qu’on aime et avec qui on vient de faire l’amour.
    Les deux potes discutent pendant tout ce voyage au ralenti vers le centre équestre de Charlène. Pendant ce temps, je regarde le paysage d’un blanc immaculé. Le ciel est couvert, on dirait qu’il va neiger à nouveau.
    Au centre équestre, l’accueil de Charlène est comme d’habitude très chaleureux.
    « Je suis heureuse de vous voir les garçons ! fait-elle en nous claquant la bise.
     — On dirait qu’on ne s’est pas vus depuis des mois ! On s’est vus avant-hier !
     — Depuis qu’il a quitté le Sud, on dirait qu’il est devenu con, non ? fait Charlène, en faisant semblant de me prendre à parti, mais avec humour et bonhomie.
     — Quoi ? » fait Jérém, amusé.
    Qu’est-ce que j’aime le voir si complice avec Charlène, le voir réagir comme un gosse avec sa mère.
    « J’ai eu tout le temps de m’inquiéter hier soir, banane ! Pendant que je passais ma soirée toute seule avec mes chiens ! Tu parles d’un réveillon !
     — On n’a pas bougé de la maison, fait Jérém.
     — Ça je me doute ! Vous aviez au moins de quoi bouffer ?
     — C’était pas copieux, mais on a fait avec.
     — Allez, on va se rattraper à midi avec les autres.
     — Qui vient ? demande Jérém.
     — Presque tout le monde, je pense. »

    Charlène nous propose un café que nous acceptons volontiers. Jérém demande à pouvoir utiliser le téléphone pour appeler son frère Maxime. J’en fais de même, pour appeler maman et lui souhaiter la bonne année.
    Après la pause-café prolongée, nous nous rendons à l’écurie. L’odeur typique de cet endroit, un mélange d’odeur de fourrage, de crottin et du cuir des harnachements monte très vite à mes narines, c’est presque la signature olfactive de mon bonheur. Jérém file direct faire des papouilles à Bille, Téquila et Unico. Je ressens une immense tendresse en le voyant poser sa chevelure brune contre l’encolure tout aussi brune d’Unico, et lorsque ce dernier semble se frotter tout doucement contre son cavalier, comme en quête de câlins.
    Nous aidons Charlène à terminer de soigner les chevaux, puis à évacuer quelques brouettes de fumier des box. A nous quatre, ça va vite. Nous sommes complémentaires. Charlène a de la technique, mais elle manque de force. Jérém a de la force, mais il me semble qu’il manque de technique. Surtout quand je le compare à Benjamin qui, en bon éleveur, cumule la force et la technique dans ce genre de tâche, qu’il exécute à une allure dingue. Quant à moi, j’ai de la bonne volonté, mais il n’y a pas de quatrième fourche. Alors je m’attèle à vider les brouettes sur le tas de fumier. La corvée se fait dans la bonne humeur, et elle se termine bien trop vite pour moi.
    Nous venons tout juste de ranger les fourches et la brouette lorsqu’une sonnerie sonore retentit dans l’écurie.
    « Je vais répondre », nous annonce Charlène.
    Elle revient une minute plus tard pour charger Benjamin d’aller délivrer Ginette et son mari bloqués par la neige.
    « J’y vais, fait le grand gaillard.
     — Tu es notre ange gardien, fait Charlène, il ne te manque que les ailes !
     — Mais j’ai un chasse-neige, et ça suffit pour avoir ce titre ! » il plaisante, en déclenchant le rire sonore de Charlène.
     
    Benjamin vient de partir et Charlène demande à Jérém de sortir l’« appalooza » de son box pour lui faire faire un tour dans le manège couvert. Elle soupçonne un problème de pied, et elle voudrait avoir un avis extérieur. Le bobrun s’exécute. Il selle l’équidé en question, un mâle castré à la robe noire à l’avant et blanche tachetée à l’arrière, le conduit dans le carré de travail et commence de le  faire tourner en longe, au pas.
    Charlène et moi nous tenons un peu à l’écart. Le bruit léger du sabot sur le sable est apaisant. Regarder mon Jérém tout concentré à la tâche m’attendrit.
    « Alors, mon petit Nico, ça a l’air de bien se passer avec notre rugbyman préféré ! me glisse Charlène discrètement.
     — Très bien, très bien, c’est vrai…
     — Ça me fait plaisir de vous revoir ensemble, tu as l’air heureux, et lui aussi.
     — On n’est jamais aussi heureux qu’ensemble et ici, loin de tout.
     — Vous devriez venir plus souvent, alors !
     — Si seulement on pouvait…
     — En tout cas, je suis rassurée. J’avais peur que la distance ne vous éloigne.
     — Tu sais, Charlène, depuis la dernière fois que nous sommes venus ici, ça n’a pas toujours été facile…
     — Je me doute bien. Quand Jérém est sous pression, il n’est pas facile à vivre…
     — Il a eu quelques difficultés, au début, je considère.
     — Oui, y a pas mal de choses qu’il n’avait pas anticipées.
     — Il t’en a parlé ?
     — Oui, il m’appelait assez régulièrement. A Paris, il a eu du mal à trouver sa place. A Toulouse, il avait ses potes. A Paris, il n’avait personne. Il est arrivé comme une fleur dans une équipe constituée et on ne l’a pas vraiment accueilli à bras ouverts. A Toulouse il était The Jérémie Tommasi, l’un des meilleurs joueurs de son équipe. A Paris, il n’était plus qu’un gars parmi tant d’autres. Il était le dernier arrivé, celui qui avait du mal à faire ses preuves. Il a cru qu’il trouverait facilement sa place, mais il lui a fallu ramer. »
    « Au trot, allez, au trot ! » j’entends mon bobrun lancer à l’appalooza. Le bruit cadencé des sabots qui foulent le sable se fait plus sonore, plus rapproché.
    « Tu dois t’en être rendu compte, continue Charlène, mais Jérémie est quelqu’un qui aime bien briller. Il aime être remarqué, admiré. A Toulouse il y arrivait presque sans effort, et ça le faisait se sentir bien. Jérémie aime se sentir le meilleur et montrer qu’il n’a besoin de personne. Mais, au fond de lui, c’est tout le contraire. Ce dont il a le plus besoin, c’est du regard des autres. Jérém n’a jamais eu de reconnaissance de ses parents. Sa mère est partie quand il n’était qu’un gosse et son père est quelqu’un de très dur. Il a eu une enfance difficile à l’école. Il s’est construit dans le regard des autres. Sans ce regard, il se sent un moins que rien. »

    « Galop ! Galop ! Galop ! » j’entends mon Jérém lancer. Sa voix claque et se diffuse dans le grand espace, estompée par le sol en sable et la structure en bois. Le bruit rythmé et très rapproché des sabots qui tapent le sable gagne encore en puissance, résonne dans le grand espace, se transmet par le sol, jusqu’à mes pieds, mes jambes. Il est accompagné par le crissement du cuir de la selle et des harnachements secoués à chaque foulée.
     
    « Jérémie aime bien frimer, se montrer sûr de lui, continue Charlène, les yeux rivés sur l’appalooza.
    C’est l’idée qu’il se fait d’un « vrai mec « . C’est l’idée que son père lui a fichu dans la tête. L’idée que, quand on est un bonhomme, il ne faut surtout ne jamais montrer ses faiblesses. Alors il a foncé là-dedans. Il s’est construit une image, celle qu’il voulait renvoyer de lui, une image qui lui offrait des regards admiratifs, et avec laquelle il se sentait bien. Le fait est que quand on veut montrer autre chose que ce que l’on est, on se condamne à jouer un rôle, sans jamais pouvoir en changer, sous peine de décevoir, et de recevoir par la même occasion un retour du bâton insupportable. Plus on s’éloigne de qui on est vraiment, plus c’est difficile de faire marche arrière.
    Cette image de jeune premier qu’il s’était construite  dans sa tête s’est fracassée sur la réalité de Paris, et ça lui a mis un sacré coup au moral. Jérém est trop orgueilleux pour l’admettre, mais parfois, je crois bien qu’il aimerait pourvoir lâcher prise, et se laisser porter.
    Être « quelqu’un d’autre », c’est épuisant, surtout quand on n’arrive plus à tenir le rythme. Parfois l’énergie manque, mais les attentes des autres poussent à continuer à renvoyer cette image fausse. On ne veut pas dévoiler le mensonge. Et on devient prisonnier de l’image qu’on s’est construite. On devient prisonnier de soi-même.
     — Ça a dû être plus dur que je le pensais pour lui, je considère. A moi, il ne m’a pas dit tout ça. Quand ça ne va pas, il se ferme comme une huître et il me tient à distance  ! J’ai beau attendre, faire profil bas, ou bien essayer d’être présent, rien ne marche !
     — Notre rugbyman a sa fierté, il ne doit pas être vraiment à l’aise à l’idée que tu le voies en position de « faiblesse ». Et pourtant, je ne pense pas trop me tromper en disant que si tu l’aimes, c’est justement parce que tu as vu que derrière sa carapace, il y avait un garçon qui a besoin de se sentir aimé, non ?
     — Non, tu ne te trompes pas, pas du tout !
     — Pour aimer vraiment, il faut connaître l’autre. Être amoureux, c’est facile. Quand on est amoureux, on est simplement en extase devant une image idéalisée, fantasmée. Mais si après avoir découvert les défauts et les faiblesses de l’autre, on a toujours envie d’être avec lui plus qu’avec n’importe qui, je pense qu’on peut dire que l’amour est là .
     — Je pense que l’amour est là, alors. J’étais attiré par lui parce qu’il est très beau garçon. J’étais amoureux de lui parce que sa présence me faisait me sentir bien. Mais j’ai vraiment commencé à l’aimer quand j’ai compris que son allure de frimeur n’était qu’une façon de cacher ses peurs . Et depuis ce moment-là, j’ai eu vraiment envie d’essayer de l’aider. Mais il ne veut pas de mon aide. Et je commence à penser qu’on ne peut pas aider quelqu’un juste parce qu’on l’aime ».
     
    « Au pas… eh ! Ooooh ! Au pas ! Au pas ! » s’emporte le bobrun pour ralentir l’équidé trop fougueux.
     
    « Jérém ne s’ouvre pas parce qu’il ne s’aime pas, elle continue, et il pense ne pas être digne de l’amour qu’on pourrait lui porter. Il a peur de l’amour, et sa façon de refuser de se dévoiler, est une façon de garder l’amour à distance. Mais toi, il n’a pas pu te garder à distance… »
     
    « Hep hep hep hep hep !!! elle s’empresse de crier en voyant Jérém mettre un pied à l’étrier.
     — Quoi ? fait mon bobrun sur un ton agacé en remettant son pied à terre.
     — Tu poses pas ton cul sur la selle sans la bombe !
     — Je vais juste faire un petit tour !
     — Petit tour ou pas, tu mets la bombe ! fait Charlène en se dirigeant vers un pan de mur où plusieurs casques sont accrochés.
     — Allez, me casse pas les couilles, tata !
     — Ne m’appelle pas tata ! Et je te les casse si je veux ! Attrape ça !
     — T’es vraiment chiante ! fait Jérém en se saisissant de la bombe que Charlène vient de lui lancer avec un geste brusque, et en la passant sur sa tête avec des gestes tout aussi emportés.
     — Tête de mule ! lui lance Charlène.
     — Ta gueule ! » lâche Jérém en montant en selle avec un élan à la fois puissant et tout en souplesse.
     
    « Au pas ! » fait le bobrun en accompagnant la voix par un tout petit coup de talon dans le flanc.
    L’appalooza se met à avancer.
     
    « Regarde-le comme il est beau en selle ! fait Charlène. Il a une position magnifique, le buste un peu penché vers l’arrière, droit comme un « I », le menton dégagé, les épaules à la fois bien placées et souples, les mains à la bonne hauteur, les rênes courts mais souples, le bassin souple lui aussi, les genoux écartés juste ce qu’il faut, en contact parfait avec l’animal.
     — C’est vrai que mon Jérém à cheval dégage une aisance et une élégance certaines. Il est très sexy.
     — Il monte super bien, mais il monte vraiment comme un mec, elle ajoute.
     — C’est-à-dire ?
     — Les mecs montent en général avec une attitude dominante vis-à-vis du cheval. Regarde-le, il ne lui laisse rien passer, il le corrige dès qu’il bouge une oreille. Alors que nous, les nanas, on est plus dans l’écoute et dans l’empathie…
     — Je vois…
     — Jérém est un mec, et il raisonne comme un mec. Pas étonnant qu’il réagisse comme un con quand ça ne va pas fort pour lui…
     — Mais être avec quelqu’un c’est ça aussi, non ? Lui parler, chercher son soutien et accepter son aide quand ça ne va pas… Sinon ça sert à quoi d’être avec quelqu’un ?
     — Moi perso, je vois les choses de cette façon… mais moi je suis une nana, elle rigole.
     — Peut-être qu’il ne me fait pas confiance…
     — Je ne pense pas que ce soit une question de confiance, mais de pudeur, et de fierté, je dirais même de fierté mal placée. »
     
    Jérém vient de passer l’appalooza au trot et la lente ondulation de son bassin sur la selle est plutôt suggestive.
     
    « Il n’était pas préparé à supporter tant de pression sur lui, elle continue. Il t’a dit qu’il a failli tout quitter ?
     — Je sais qu’il voulait quitter les études…
     — Non, il voulait carrément tout plaquer et revenir à Toulouse ! Il n’a pas tardé à se raviser, mais il y a pensé pendant un temps.
     — C’était dur pour lui de te dire de ne pas aller le voir à Paris, elle enchaîne. Lui aussi crevait d’envie de te voir. Mais il ne voulait pas prendre le risque qu’on sache qu’il est homo. Il n’aurait pas supporté une pression supplémentaire. Alors il allait faire la fête avec ses potes.
     — Et il couchait avec des nanas !
     — Oh oui, ça alors ! Il m’a dit ça, oui, ce grand couillon. Qu’il couchait avec des nanas pour que les gars lui fichent la paix.
     — Ouais…
     — La première fois que tu es allé le voir à Paris, apparemment il t’a fait sortir avec lui et avec ses potes.
     — Oui, c’est exact…
     — Je ne sais pas s’il te l’a dit, mais cet élan de confiance l’a exposé aux railleries de ses potes. Comme il n’avait pas de nana à présenter et qu’il ne couchait pas avec les nanas qui l’approchaient, ils ont vite fait de se poser des questions. Ça le minait, et ça l’empêchait d’avancer dans son intégration à l’équipe. Et ça avait empiré quand il s’était fait draguer par ce gars et…
     — Qu-quoi ? je la coupe net.
     — Ah… il ne t’a pas raconté ça…
     — Non, je ne crois pas ! C’est quoi cette histoire ?
     — Ça me gêne de t’en parler, vu qu’il n’a pas voulu le faire lui-même.
     — Tu en as trop dit maintenant !
     — Du calme, Nico, il n’y a pas de quoi s’affoler. Jérém m’a dit qu’il ne s’était rien passé avec ce gars.
     — Mais c’était qui ce type ?
     — Un gars qui lui avait fait des avances dans les chiottes d’un bar où il était avec ses potes…Il voulait baiser avec lui, quoi…elle précise, en captant mon regard ahuri. Mais Jérém n’a pas voulu. Et en plus, l’un de ses co-équipiers, a débarqué et a surpris leur conversation…
     — Qui, ça ?
     — Je ne sais plus, un petit con qui n’arrête pas de le faire chier…
     — Léo ?
     — Oui, c’est ça, Léo…
     — Il est toujours là pour faire chier, celui-là !
     — Evidemment, il est allé raconter ça à tout le monde, ce qui n’avait rien arrangé dans la tête de Jérém. »
    Je suis scié. Et ça doit sacrement se voir sur ma tronche puisque Charlène s’empresse d’ajouter :
    « Ne t’en fais pas une montagne, Nico, ok ? Je suis certaine que s’il ne t’en a pas parlé, c’est justement pour ne pas t’inquiéter. Il me l’aurait dit s’il s’était passé quelque chose, il n’a aucune raison de me mentir. De toute façon, Jérém est un très beau garçon. Tu dois t’en douter, il attire les regards, ceux des nanas comme ceux des mecs. Et depuis que grâce à toi il a pris conscience qu’il aime les mecs, il doit désormais plutôt regarder de ce côté-là. Et il doit parfois se faire repérer. Toi aussi tu dois regarder les beaux garçons à Bordeaux, non ? Et parfois, il doit y en avoir qui sont sensibles à tes regards… »
     
    Le beau brun vient de faire passer sa monture au petit galop. Il est vraiment beau en selle, tout concentré sur sa tâche.
     
    « C’est vrai, ça arrive.
     — Pour lui, c’est pareil. Alors, soit, vous vous faites confiance, soit vous devenez fous tous les deux. Sans confiance, il n’y a pas de relation, surtout à distance.
     — Il t’a parlé de son idée de couple libre ?
     — Oui, il m’en a parlé. Et tu sais pourquoi il m’en a parlé ?
     — Non…
     — Parce que ça le faisait flipper à mort !
     — Flipper ?
     — Comme il couchait avec des nanas, il ne pouvait pas t’empêcher de coucher avec d’autres gars. Alors il a eu cette idée du couple libre. Mais ça le faisait vraiment chier, et pas qu’un peu !
     — Alors il ne fallait pas proposer ça !
     — Dans sa tête, il avait imaginé que ces « à côté » ne gâcheraient pas ce qu’il y a entre vous. Il avait pensé qu’il arriverait à gérer ça, mais l’idée que tu puisses coucher avec d’autres gars ne passait pas. Ça le tracassait beaucoup que tu puisses te faire draguer à Bordeaux Il m’a dit que tu lui avais déjà montré que tu pouvais plaire à d’autres mecs quand il n’était pas assez présent dans ta vie.
     — C’est vrai, mais personne n’a compté à part lui.
     — Plus il essayait de s’intégrer à l’équipe, elle continue, plus il sortait faire la bringue avec ses potes, plus il avait l’impression de s’éloigner de toi. Il essayait de prendre sur lui, mais ça le tourmentait. Et c’était plus facile à assumer quand il ne te voyait pas. Même t’appeler c’était devenu difficile pour lui. Il te sentait de plus en plus triste, en souffrance, en colère contre lui. Il avait peur qu’à force de te demander des efforts, un jour tu allais en avoir marre et que tu allais le quitter. Et ça, il n’aurait pas supporté. Jérém a trop souffert de l’abandon pendant son enfance, et il a trop peur de revivre ça. Il ne peut pas supporter l’idée qu’on le laisse tomber. Et surtout pas toi. Tu comptes vraiment pour lui, n’en doute pas. Crois-moi, il avait tellement peur de te perdre !
    S’il a couché avec des nanas, c’est d’abord pour faire taire les rumeurs autour de lui. Il a voulu montrer à ses potes qu’il était comme eux, fêtard et hétéro. C’était sa façon de se faire respecter.
    Il avait aussi besoin de retrouver un peu de confiance en lui, alors qu’il doutait de plus en plus de ses capacités en tant que joueur de rugby. Il ne trouvait plus de regards admiratifs  autour de lui, et il a voulu au moins se sentir désiré en tant que mec. Et ça le rassurait de voir qu’au moins ça, ça ne changeait pas par rapport à Toulouse.
     
    Jérém vient de faire tomber deux vitesses à sa monture, l’appalooza est désormais à nouveau au pas.
     
    « Bref, à Paris il a voulu s’étourdir avec les sorties, l’alcool, le sexe, continue Charlène, tout en fixant les jambes du cheval. Et ça l’aidait à ne pas trop penser à quel point tu lui manquais, à quel point il avait mal de te faire souffrir, et à quel point il ne se sentait pas à la hauteur de tes attentes…
     — Il ne se sentait pas à la hauteur de mes attentes ?
     — Tu aimes Jérém et tu as envie de construire une vie de couple avec lui. Mais pour l’instant, il ne peut pas te donner ça.
     — Je ne lui ai jamais demandé ça !
     — Peut-être, mais c’est ce que tu veux, au fond de toi, non ?
     — Oui, c’est vrai…
     — Jérém l’a senti, et ça le rendait triste de ne pas pouvoir t’apporter tout ça .
     — Parfois j’ai l’impression que je m’y prends comme un pied avec lui…
     — Pour faire face à une personnalité difficile comme la sienne, je pense que tu pourrais déjà essayer de comprendre les craintes et les appréhensions qui motivent ses comportements . Ici vous êtes loin de tout, comme tu l’as dit, et vous êtes surtout ensemble. Mais dans quelques jours, vous serez à nouveau séparés. La distance sera toujours difficile à gérer. Jérém sera toujours difficile à gérer quand il sera sous pression. Et il le sera, sous pression, encore et encore. Je pense que tu ne dois pas te leurrer en te disant qu’après ces vacances tout sera différent entre vous parce que vous vous êtes retrouvés. Dans les mois à venir, vous rencontrerez les mêmes difficultés.
    Les mots de Charlène font écho aux conseils de Thibault, de Denis et d’Albert. Pourquoi je n’ai pas su en faire meilleur usage ?
    « Tu ne le changeras pas, du moins pas tout de suite, elle continue. De toute façon, quand on aime, on n’essaie pas de changer l’autre. On essaie de le comprendre, et on essaie de faire avec. Tu dois être prêt à accepter de sa part des changements progressif ou incomplets. Tu dois exprimer tes besoins et tes limites, et tu dois le pousser à exprimer les siens. Parce que, nous le savons tous les deux, il ne le fera pas de son propre chef. Mais n’essaie pas de lui faire la morale. Pense à ce qui est essentiel pour toi dans cette relation, dis-lui clairement ce qui est insupportable pour toi, et tiens bon sur ce point .
    Jérém est heureux quand il est avec toi. Je pense qu’il se sent plus fort quand vous êtes ensemble. Grâce à toi, il sait désormais qui il est et il l’a accepté. Mais il n’est pas habitué à se sentir aimé et ça lui fait toujours peur. Le rugbyman a besoin d’être rassuré…
     — Je vais essayer de le rassu…
     — Chut, il arrive !
     — C’est quoi ces messes basses, vous deux ? nous questionne Jérém, l’air à la fois amusé et intrigué.
     — On parlait géopolitique, se marre Charlène.
     — C’est ça, oui… prends moi pour un con !
     — Alors, tu en dis quoi de ce cheval, mon cher Jérém ?
     — Je pense qu’il n’a rien, à part des aplombs de merde…
     — C’est ce que je pense aussi. Ça me fait plaisir qu’on arrive à la même conclusion. Je vais en parler à son propriétaire. Merci mon grand, le la bombe te va à merveille !
     — Mais ta gueule !
     — Ah, bah, tiens voilà les Toulousains ! j’entends une voix féminine bien connue nous lancer. Carine est là.
     — Tu devrais plutôt parler d’un Parisien et d’un Bordelais  désormais » fait JP.
    C’est toujours un plaisir de revoir ces gens sympas. Car ce sont vraiment des gens charmants, chacun à leur façon. Carine est une nana attachiante. JP est un gars très bienveillant.
    Autour d’un véritable repas de fête, nous retrouvons la plupart des cavaliers.
    « Ça fait plaisir de vous revoir les garçons ! » nous lance Martine avec sa voix naturellement amplifiée au mégaphone, en nous claquant des bises sonores. Avec son rire franc, son exubérance, son humour, son énergie, elle est une sorte de tornade de bonne humeur contagieuse.
    Arielle est là, avec son immanquable quiche ratée.
    « Personne ne lui a dit que pour un repas de Premier de l’An, elle pouvait faire autre chose ? fait Daniel en s’adressant à Charlène d’une façon théâtralement discrète.
     — Ou bien que pour un repas de Jour de l’An elle aurait pu s’abstenir ? relance JP, tout aussi moqueur.
     — Même le Premier de l’An vous vous foutez de ma cuisine ?
     — Mais regarde la tête de cette quiche ! Tu nous donnes le bâton pour te battre ! fait Martine.
     — Je ne sais pas comment fait ta fille qui est obligée de manger au moins un repas par jour à la maison… enchaîne Satine.
     — Elle n’a pas le choix… c’est ça, ou dépérir ! » surenchérit Martine.
    Nadine  ponctue cet échange avec ses rires tonitruants et interminables. Benjamin, qui est revenu depuis, a pris place à côté d’elle et semble tenter d’installer une complicité avec la jolie blonde.
    Ginette et son mari, les aînés de l’assemblée, comptent les points.
    Florian vient de se pointer avec un gars. Il fait les présentations entre les cavaliers et son Victor.
    « Alors, raconte-nous, Florian… où tu es allé débusquer un si beau garçon ? fait Carine.
     — En Pologne …
     — Tu es Polonais, Victor ? elle minaude.
     — Ah oui, fait le bel étranger.
     — Et tu viens d’arriver en France ?
     — Non, je suis là dans ? de-depuis ? Il y a… tro… trzy… trois années, il trime.
     — Depuis trois ans, l’aiguille JP.
     —Depuis trois ans » il se corrige, avec un sourire charmant, avec un accent craquant, notamment autour de l’intonation des voyelles. C’est un accent charmant, un accent d’ailleurs .
     — Ça ne fait que quelques semaines que nous nous sommes rencontrés, explique Florian.
     — Trinquons aux belles rencontres ! fait Daniel en levant son verre.
     — T’as pas besoin des belles rencontres pour trinquer, toi ! fait sa compagne Lola, avec cet humour décapant qui est leur « marque de couple ».
     — Tu sais que je suis un bon vivant…
     — Très bon vivant ! »
     Leur complicité est toujours aussi forte, marrante, touchante.
    « Trinquons à l’amour, et à l’amitié, qui est aussi une forme d’amour. Ce sont les biens les plus précieux dont nous disposons !
     — Bien dit JP, s’exclame Martine.
     — A l’amitié, à l’amour ! fait l’assemblée.
     — Quelqu’un se souvient de cette image de la Terre prise par une sonde américaine il y a une dizaine d’années ? fait JP de but en blanc.
     — Quelle image ? fait Satine.
     — Quelle sonde ? fait Martine.
     — La sonde Voyager. Cet engin a été lancé dans les années ‘70 pour explorer les limites de notre système solaire. Il y a une dizaine d’années, il nous a envoyé une dernière photo de notre planète, juste avant que la distance n’empêche les instruments d’en faire d’autres. On y voyait une image granuleuse, sombre, avec un épais rayon de soleil au milieu. Et dans ce rayon de soleil, on y distinguait tout juste un petit point bleu pâle . Ce point pâle c’était notre Terre, qui faisait figure de minuscule grain de sable dans l’immense nuit de l’Univers.
     — L’astronomie nous apprend l’humilité… fait Daniel, inspiré, avec une attitude de druide.
     — Quand on regarde ce point insignifiant dans cette grande photo, continue JP, on a presque du mal à se dire que c’est là que se trouvent tous ceux qu’on connaît, tous ceux qu’on aime, ceux qu’on déteste, tous ceux dont on a entendu parler, et qu’il porte la somme de nos joies et de nos souffrances. Si je dois retenir une leçon de cette photo, c’est que nous sommes perdus au beau milieu de nulle part, dans l’espace et dans le temps. Perso, ça me donne le tournis .
     — C’est clair que ça remet les idées en place ! fait Ginette.
     — Tout cela devrait nous aider à relativiser pas mal de choses, fait Charlène.
     — Tout ça, ça nous montre que nous ne sommes pas immortels, et que rien ne nous appartient. Et que, par conséquent, nous devons respecter tout ce qui nous entoure, notre Terre et nos semblables. Et l’amitié et l’amour ce sont des façons de respecter nos semblables.
     — Des verre bien remplis aussi c’est une façon de respecter ses semblables ! fait Daniel en réservant une tournée. »
    Autour du dessert, un Mont Blanc très généreux en calories préparé par Charlène, Daniel sort sa guitare et ses cahiers de textes de chansons. A partir de là, tout s’enchaîne sans répit.


    Je vais vous raconter/avant de vous quitter/l’histoire d’un petit village près de Napoli/Nous étions quatre amis/Au bar tous les samedis/A chanter à jouer toute la nuit…
     
    J’habite seul avec maman/Dans un très vieil appartement/Rue Sarasate/J’ai pour me tenir compagnie/Une tortue, deux canaris/Et une chatte


    Colchiques dans les prés/Fleurissent, fleurissent/Colchiques dans les prés/C’est la fin de l’été/La feuille d’automne/Emportée par le vent/En rondes monotones/Tombe en tourbillonnant


    Je me sens perdre pied, j’ai l’impression de flotter. Je ressens en moi cette douce fatigue, cette dérive délicieuse, ce lâcher prise libératoire, cette abdication provisoire de la volonté, cette impression que tout est possible et que le bonheur est là, juste devant moi. C’est l’effet de l’alcool.
    J’ai la tête qui tourne un peu, je me laisse porter par l’ambiance festive et chaleureuse. Jérém est heureux, je le suis aussi, tellement heureux. Depuis son « je t’aime » de la veille, je suis fou de lui comme je ne l’ai jamais encore été.
    Je me sens bien et tout me paraît encore plus beau et heureux depuis que je suis pompette. Plus jamais je ne veux repartir de Campan, plus jamais. Je me sens tellement bien ici. Charlène a raison, dans quelques jours nos problèmes d’avant Noël vont nous rattraper. Et Campan est le seul endroit où je suis sûr d’être heureux avec mon Jérém. Ici il ne peut rien arriver à notre amour.
    Porté par les vapeurs de l’alcool, je dérive très vite, très loin. Je nous verrais bien tout laisser tomber et vivre ici à Campan, ensemble. Je ne sais pas de quoi on vivrait, mais je suis sûr qu’on trouverait et qu’on serait bien, j’en suis sûr ! Tiens, pourquoi pas ? J’ai une idée formidable ! Puisque Charlène va bientôt prendre sa retraite et que Jérém a du mal à se faire à l’idée que le centre équestre pourrait fermer ses portes, pourquoi ne reprendrions-nous pas l’affaire à notre compte ? Jérém est un très bon cavalier, et je l’aiderais, je l’aiderais, tout serait si simple…
    Florian vient d’embrasser Victor dans le cou. Ils sont beaux tous les deux. Ça me fait plaisir de les voir heureux ensemble. Je regarde mon Jérém qui est en train de discuter avec Martine. Je ne peux m’empêcher d’attirer son attention en saisissant son bras. Le beau brun se retourne, il me regarde et me sourit. Je me penche vers lui et je l’embrasse sur la bouche. Le bobrun est surpris, mais il ne se retire pas.
    Il n’est que 16 heures, mais le jour se retire déjà. Dehors il a recommencé de neiger. Les cavaliers s’empressent de rentrer chez eux.
    « Regardez ce que j’ai eu ce matin au magasin ! fait Martine en sortant un billet de la poche de sa veste et en l’exhibant fièrement.
     — C’est quoi, ça ? demande Satine.
     — Un billet de Monopoly !
     — Quoi ?
     — Une nana m’a filé un billet de 20 euros ! Mon premier !
     — Mon précieux ! fait Daniel en imitant la voix visqueuse et la grimace de Gollum.
     — En ville, les billets ont été changés pendant la nuit… lance JP.
     — La nana venait de Bagnères. De la civilisation, quoi ! »
     
    Peu à peu le grand séjour se vide et la magie de cette belle journée s’évapore. Je suis triste que ça se termine déjà, cette chaleur humaine est addictive, ça fait du bien et j’en redemande. Qu’est-ce que ça fait du bien de faire la bringue avec des gens aussi sympas ! Je ne veux pas laisser les fêtes se terminer, je n’ai pas envie de m’éloigner à nouveau de Jérém.
    « Tu nous ramènes, Benji ? fait ce dernier.
     — Allez, on y va, répond le beau barbu.
     — Ah non, vous n’y allez pas, non, fait Charlène sur un ton péremptoire.
     — Quoi, tu vas nous mettre au box ? fait Jérém, railleur.
     — S’il le faut, oui ! Il va reneiger et je ne veux pas vous savoir là-haut isolés et sans courant ! Vous restez dormir ici cette nuit, c’est non négociable !
     — On a du bois, on va pas mourir de froid !
     — Vous ne bougez pas d’ici, c’est tout !
     — Dis plutôt que t’as besoin d’un coup de main aux chevaux parce que tu t’es pété le bide à midi ! la taquine Jérém.
     — Eh, petit con, de quoi je me mêle ! Bon, d’accord, il y a un peu de ça aussi… »
     
    Après ce petit échange d’amabilités, Jérém finit par accepter, et avec plaisir, la proposition de Charlène « coup de main contre gîte et couvert pour la nuit ». Ça me fait tellement plaisir de jouer un petit peu les prolongations de cette belle journée. Nous finissons les restes de midi et nous passons la soirée en jouant au rami tout en ignorant un indigeste vidéogag de l’année qui défile à la télé avec l’audio coupé.
    « C’est vrai que tu t’es fait draguer par un gars, à Paris ? je ne peux m’empêcher de questionner Jérém lorsque nous nous retrouvons seuls dans la chambre d’amis de Charlène.
     — D’où tu sors ça ?
     — Charlène…
     — Mais elle ne sait pas tenir sa langue !
     — Ça lui a échappé…
     — Celle-là, je te jure !
     — Alors, c’est vrai ?
     — Ouiiiiiii, c’est vrai…
     — Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ?
     — Parce que c’était déjà très compliqué entre toi et moi, je ne voulais pas en rajouter. Et surtout parce qu’il ne s’est rien passé.
     — Il était beau ?
     — Pas mal…
     — Pas mal ou… plutôt sexy ?
     — D’accord, il était plutôt sexy.
     — Et ça t’a fait quoi de te faire draguer par un mec ?
     — Ça m’a mis en rogne. Le gars était insistant. Et en plus ce con de Léo est arrivé pendant que je l’envoyais balader. Et il en a fait tout un foin avec les autres gars. Il m’a fait chier, putain !
     — Et si tu n’avais pas été avec tes potes ?
     — Tu veux savoir si j’aurais eu envie de coucher avec lui ?
     — C’est le sens de ma question, oui.
     — Je n’ai pas envie de coucher avec d’autres gars, Nico. C’est de toi dont j’ai envie. J’ai couché avec des nanas pour faire comme les autres. Mais c’est à toi que je pensais…
     — Moi aussi j’ai toujours pensé à toi quand je…
     — N’en parlons plus… » il me chuchote. Et il me fait des bisous, beaucoup de bisous, accompagnés par la caresse inlassable de ses doigts qui glissent dans mes cheveux, qui massent la base de ma nuque. J’ai envie de me laisser porter par ce bonheur apaisant, doux et sensuel. J’en ai vraiment envie. Et pourtant, quelque chose me tracasse. Je pense aux non-dits entre nous, ces non-dits qui, s’ils persistent, feront que notre vie après Campan ressemblera à celle qu’on a connue avant Campan. Je ne veux plus qu’on dérive à nouveau chacun de notre côté.
    Charlène a raison, pour mettre toutes les chances de notre côté pour que notre relation marche, nous devons avoir une discussion, mettre certaines choses au clair, fixer des limites. Je ne peux pas laisser passer ce moment parce que je sais que ce sera toujours difficile d’affronter ce genre de sujet. Je ne crois pas non plus que Jérém va le faire de son initiative, alors je décide de prendre les choses en main.
    Jérém vient de se coller dans mon dos et de me serrer dans ses bras.
    « S’il te plaît, P’tit Loup, ne m’éjecte plus de ta vie si tu as un problème, parle-moi, je lui glisse.
     — Je te le promets, Ourson.
     — Tu vois comment notre relation quand nous serons revenus à Paris et à Bordeaux ? j’enchaîne. J’imagine que nous ne pourrons pas nous voir chaque week-end…
     — Je ne pense pas…
     — Et tu vas tenir bon ? »
    Je sens sa respiration dans mon cou, il ne répond pas.
     « Je veux dire, tu as 20 ans et je sais que tu as des besoins… je t’aime, Jérém, je n’ai pas envie que tu ailles voir ailleurs, mais je ne veux pas que tu me promettes quelque chose que tu ne peux pas tenir. Tu es un super beau mec, et les nanas ne vont pas te lâcher. Et des gars comme celui des chiottes du bar tu vas en croiser d’autres…
     — Et toi, tu vas pouvoir tenir ? Si un très beau mec te draguait, est-ce que tu sais comment tu réagirais ? » il me questionne à son tour.
    « Je tente de lui répondre, sans trop savoir comment, mais le bogoss enchaîne direct :
    « Je préfère ne pas savoir, en fait.
     — Moi non plus je préfère ne pas savoir… je crois.
     — Tant que ça ne reste que du sexe… il considère.
     — Tant qu’on met une capote… je considère, avant d’ajouter : elles ne cassent pas en général…
     — Tant qu’on sait qu’Ourson et P’tit Loup font bande à part, il me glisse tout bas.
     — Oui, Ourson et P’tit Loup font bande à part !
     — Et quoi qu’il arrive, ça ne changera pas.
     — Exactement. Donc, maintenant que tout ça est dit, n’en parlons plus » je conclus.
     
    Nous n’en parlons plus et nous faisons l’amour, longuement, tendrement. Et puis, nous retrouvons le bonheur de nous prendre l’un dans les bras de l’autre. Et je ressens un bonheur d’autant plus fort et sincère dans la mesure où il n’est pas basé sur de promesses insensées, tout en étant bâti sur l’essentiel. Et nous nous endormons comme des gosses heureux.
     
    Les entraînements de Jérém commencent le lundi 7 janvier. Mes partiels commencent le 9 janvier, et les siens la semaine suivante. Par chance, nous pouvons rester ensemble jusqu’à la fin de la semaine.
    C’est la plus longue période que nous ayons passée ensemble jusqu’à maintenant. A chaque fois que je repense aux trois petits mots qu’il m’a glissés au moment où l’année 2001 laissait la place à l’année 2002, je sens un élan de joie et de motivation. Le bonheur de ces jours avec Jérém me donne de l’énergie pour réviser.
    Jérém révise lui aussi, il a l’air motivé à réussir ses partiels. Ces révisions « parallèles » me renvoient aux révisions dans l’appart de la rue de la Colombette. Car ce sont des révisions entrecoupées par des bonnes pauses sexuelles. Le beau brun a besoin d’être détendu pour réviser, et je me charge de lui rendre service plusieurs fois par jour. La capote s’invite presqu’à chaque fois, en tout cas dès que sa présence est nécessaire. Mais qu’importe, c’est devenu un geste mécanique et nous nous y habituons. Notre tendresse, notre complicité sensuelle sont telles que cela ne pose plus de problème.
    Certes, le fait de réviser des cours différents me renvoie aux vies séparées que nous retrouverons dans quelques jours. Mais être avec lui, ici et maintenant, c’est tout ce qui compte pour moi. Je veux profiter, et je profite, de chaque instant, de chaque regard, de chaque sourire.
    En fait, non, ces révisions ne ressemblent pas du tout à celles de la rue de la Colombette. Ni dans le sexe, qui était alors domination et soumission et qui est désormais partage et tendresse. Ni dans mon état d’esprit, qui était alors pétri de tristesse de ne pas pouvoir atteindre le cœur de mon bobrun, et de peur que chaque « révision » soit la dernière. Une tristesse et une peur qui se sont envolées définitivement à Campan lorsque j’ai entendu mon bobrun me dire « je t’aime ».

    Dimanche 6 janvier 2002.

    Lorsqu’il glisse sur le bonheur, le temps semble filer plus vite, trop vite. Et la fin de la parenthèse enchantée et enneigée finit par arriver. Le dimanche matin, il est temps de dire au revoir à Campan, à la petite maison et à tout le bonheur qu’elle contient.
    Avant de nous quitter, j’ai envie d’offrir quelque chose à mon beau brun. J’ai envie de lui offrir et de m’offrir une dernière bonne gâterie, mais sans capote. Je me dis que le risque est minime.
    J’ouvre sa braguette, je descends son jeans et son boxer, et je le pompe. Le bobrun se laisse faire, il attendait ça depuis nos retrouvailles. Une bonne pipe, son sperme qui gicle dans ma bouche, qui glisse dans ma gorge.
    « J’avais presque oublié que c’était si bon ! il me glisse en me prenant dans ses bras, l’air ivre de plaisir.
     — Moi je n’avais pas oublié » je lui réponds.

    « Prenez bien soin l’un de l’autre, les gars, nous lance Charlène qui nous a rejoints à la superette chez Martine pour nous dire « au revoir ».
     — Toi, Jérém, sois sage. Et toi, Nico, je compte sur toi pour kafter s’il ne l’est pas. Je m’occuperai de son cas…
     — Il m’a promis qu’il le serait ! je lance.
     — Il a intérêt !
     — On vous revoit quand, les gars ? nous questionne Martine.
     — Cet été, je pense, fait Jérém.
     — Pas avant ? Ça fait loin, ça ! »
    Oui, dans ma tête aussi, ça fait loin.
    « Ça me paraît compliqué… la deuxième partie de la saison est une période tendue. Et puis, y a les partiels… »
    Je repars de ce séjour à Campan, de ces jours ensemble avec pas mal d’éléments qui devraient me rassurer . L’attitude de Jérém, celle d’un gars amoureux qui a l’air d’être aussi bien avec moi que je le suis avec lui, ses regrets pour m’avoir fait souffrir en m’imposant de la distance, ses promesses de ne plus m’éjecter de sa vie, le fait de pouvoir compter sur la bienveillance d’Ulysse, la perspective de se voir à mi-chemin entre Paris et Bordeaux, cette mise au point avec Jérém sur ce qui est important entre nous.
    Mais aussi le fait de savoir que Jérém se confie à Charlène, de savoir que je peux compter sur le soutien de cette dernière. Et, cerise sur le gâteau, de disposer désormais de son numéro de téléphone.
    Mais ça ne m’empêche pas d’être triste. Nous étions montés là-haut alors que nous venions juste de nous retrouver après avoir cru, lui comme moi, que nous nous étions perdus pour de bon. Et nous descendons en nous étant dit « je t’aime ». Se séparer à nouveau après de telles retrouvailles est un déchirement.
     
    Je regarde l’autoroute défiler. Je regarde Jérém conduire. Nous approchons de Toulouse où je dois faire une étape pour récupérer des affaires et faire un bisou à maman avant de repartir à Bordeaux.
    Demain, après demain, et les jours suivants, je serai seul à Bordeaux. Seul avec mes médicaments, seul avec cette attente, avec cette angoisse. Ma tristesse, ma désolation vis-à-vis de l’idée de ne plus avoir Jérém à mes côtés ravivent d’autres angoisses que le bonheur de ces jours à Campan avait maintenu à bonne distance.
    Car même si nous nous sommes promis de nous appeler chaque soir, je sais que ce ne sera pas la même chose. Sentir sa présence à côté de moi, pouvoir le prendre dans mes bras, me sentir enveloppé dans les siens, notamment la nuit, dans le lit, m’apaise et me rassure. Ça me fait un bien fou. Tout cela va terriblement me manquer à Bordeaux, je le sais déjà.
    Le trajet vers Toulouse est le dernier moment que nous allons passer ensemble avant longtemps. Je ne sais pas quand nous allons nous revoir à nouveau.
    J’ai envie de pleurer. Ça doit vraiment se voir sur mon visage. Car, juste après le péage de Saint-Gaudens, j’entends mon Jérém me lancer :
    « Tu as l’air si triste, Nico !
     — Tu vas me manquer ! je lui lance, les larmes aux yeux.
     — Toi aussi tu vas me manquer, Ourson. Je te promets qu’on se verra dès que possible, dès que j’ai un jour de repos, après les partiels. »
    Je ne trouve rien à dire, alors que la tristesse me submerge.
    « Je n’aurai jamais dû coucher avec ce type ! je m’entends lancer, comme si mon angoisse trouvait le moyen de sortir malgré moi.
     — Eh, Nico ! » me lance le beau brun, tout en passant une main derrière ma nuque et en caressant mes cheveux.
    Je le regarde, il me regarde. Son regard est tendre, touchant, adorable. Je crois que c’est de ce regard dont je suis fou amoureux.
    « Ça va bien se passer, ok ? il assène, sur un ton à la fois doux, ferme et rassurant. Tu finis ton traitement et tout va s’arranger !
     — J’espère…
     — Viens-là ! » fait-il, tout en se penchant vers moi et en attirant mon buste avec sa main.
    Jérém me fait le bisou le plus doux et le plus amoureux qu’il ne m’ait jamais fait. Son beau petit sourire lorsque nos lèvres se séparent me met du baume au cœur. Tout comme les mots qu’il me glisse tout bas :
    « Je t’aime, Ourson. »

    Un coup de cœur de ces derniers jours, La Casa Azul, des textes qui parlent de vrais sujets, sur des rythmes entrainants : un mix explosif, qui donne une belle énergie, et de l’espoir. pas besoin de comprendre l’espagnol pour cette chanson, le clip parle de lui même :

    Voy a salir
    Aquí no puedo respirar
    Sellé ventanas para dejar de sentir
    Y ahora no siento más que astenia emocional

    Je vais sortir
    Je ne peux pas respirer ici
    J’ai scellé les fenêtres pour arrêter de ressentir
    Et maintenant je ne ressens rien d’autre qu’une asthénie émotionnelle


    Commentaires

    Etienne

    26/05/2021 19:23

    Fabien mannie très bien les contre-pied…
    Ce n’est pas fini entre Nico et Jerem, j’en suis sûr !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    John1

    16/05/2021 10:38

    L’histoire est de mieux en mieux écrite et le temps de lecture passe trop vite

    Florent

    14/05/2021 20:19

    Quel plaisir de retrouver Jerem et Nico ! Le recit est toujours aussi finement ciselé du point de vue de la peinture des personnages et des situations. Hâte de voir le debut de l’histoire avec Ruben que je n’ai pas vu venir. Bravo encore Fabien et merci !

    Chris-j

    11/05/2021 09:27

    Bravo pour ce nouvel épisode. Rendre compte de la relation entre Jérém et Nico en dehors de la tension, ou d’évènements plus théâtraux, me semblait particulièrement difficile. Il y avait déjà eu de ça dans les randonnées de Campan, mais dans ce huis clos, leurs échanges ont un charme irrésistible. On les sent tactiles, amoureux sans démonstration excessive. Ils s’entendent bien, ce qui en fait un couple naturel qui, grâce à Jérém, échappe à la mièvrerie. Même pour le sexe, c’était un peu nouveau, plus simple mais bien chaud.
    En tant que scénariste, je trouve que Fabien joue avec un bel équilibre dans les temps qui sont consacrés à chaque scène. Les personnages entrent et sortent au bon moment, et c’est très vivant.

    Virginie-aux-accents

    10/05/2021 23:24

    Encore un épisode super sensible et vrai, tout simplement.

    Yann

    10/05/2021 19:05

    Avec cet épisode on replonge à la fin de la saison 2 au début de l’année 2002 à Campan. On n’est donc pas encore entré de plain pied dans la saison 3.
    Charlène par sa longue conversation avec Nico se fait la narratrice d’un Jérém que l’on découvre toujours  un peu plus. Elle est très touchante par sa compréhension des choses et surtout sa connaissance du caractère de Jérém qu’elle regarde comme son fils et dont elle est la seule confidente. Même si on pouvait s’en douter on apprend que c’est à elle que Jérém se confie quand ça va mal et il ne serait pas surprenant que Charlène ait, dans les prochains épisodes lorsqu’ils seront séparés, un rôle central à jouer à la fois auprès de Jérém mais aussi de Nico puisqu’il sait qu’il peut compter sur elle, elle lui a donné son numéro.  Servira-t-elle de trait d’union entre eux pendant cette rupture qui s’annonce d’autant plus difficile que leur bonheur à Campan est grand ?
    Avec le précédent, cet épisode nous révèle combien l’amour réciproque que Jérém et Nico se portent s’est transformé pour devenir intense et fusionnel. Pour Nico, il est passé du stade de l’extase devant le beau mec, comme l’explique si bien Charlène, à celui de l’acceptation de l’autre avec ses défauts et ses faiblesses. Il s’agit d’un réel amour comme on pouvait déjà s’en douter quand Nico se raconte 15 ans plus tard. Un amour de ceux qui marquent une vie  parce qu’il est exceptionnel.
    C’est là tout ce qui fait la beauté de cette histoire, si bien écrite et racontée, qui n’a rien d’une bluette car elle parle avec beaucoup de sensibilité des sentiments les plus profonds de deux personnes qui s’aiment.

    Fred

    10/05/2021 01:04

    Magnifique ….hâte a la suite

    Fred

    10/05/2021 01:03

    Magnifique ….hâte a la suite

    Fred

    10/05/2021 01:03

    Magnifique ….hâte a la suite

  • JN0301 Une histoire peut en cacher d’autres.

    JN0301 Une histoire peut en cacher d’autres.


    La sœur de Ruben, son mec et leur gosse de trois ans vont arriver dans peu de temps, mais nos corps réclament de nouveaux frissons. Le sien, surtout. Ça ressemble à l’urgence du désir. Pour la troisième fois, rien que cet après-midi. Ruben a tout le temps envie de faire l’amour avec moi. Je crois que je ne me suis jamais senti autant désiré de ma vie.

    J’ai été le premier gars pour Ruben. Avant moi, il avait embrassé une ou deux nanas, mais il était puceau. J’ai été toutes ses premières fois : le premier baiser avec un garçon, les premiers câlins, la première fois où il a senti un corps masculin contre le sien, la première fois où il a fait l’amour. Et la première fois où il est tombé amoureux.
    Au début, il était pudique et timide, et j’ai pris du plaisir à le dévergonder en douceur. Très vite, il a kiffé que je m’impose, que je « dirige » au pieu, et que je le fasse sentir « à moi », que je lui montre ce dont j’ai envie. Et son plus grand plaisir semblait être celui de satisfaire tout ce que je lui demandais.
    Pour le faire kiffer encore plus, j’avais appris à exiger au lieu de demander. Plus je jouais au petit macho, plus ça le rendait fou. Au début, je me trouvais vraiment peu crédible dans ce nouveau rôle qui n’avait jamais été le mien. Mais à force de répéter sous le regard d’un « public » qui veut y croire, les gestes, les mots et les attitudes sont devenus peu à peu naturels, et j’avais fini par devenir celui qu’il attendait que je sois.
    Ruben a vu en moi « un gars avec de l’expérience » et « qui sait ce qu’il veut ». Je me suis employé à combler ses attentes et j’ai appris à être ce gars. Tu parles d’expérience ! Avec une relation foirée et une poignée d’aventures au compteur, je suis loin d’être une référence. Mais je lui fais de l’effet et il a vu en moi ce qu’il avait envie de voir.
    Dans une certaine mesure, Ruben me fait penser à moi, au début des « révisions » dans l’appart de la rue de la Colombette. Un gars à la recherche de repères, à la recherche de la virilité qu’il ne trouve pas chez lui. Et bien qu’au début cela ait pu me paraître un brin surréaliste, cette virilité il a cru la trouver en moi.
    Mais il a suffi de me laisser faire, le laisser aller chercher mon égo masculin, le déballer, et le galvaniser. Et peu à peu mon plaisir a basculé.
    Je me suis laissé entraîner à jouer « le mec ». Un changement de taille, pour moi qui ai toujours préféré faire exulter la virilité de l’autre plutôt qu’envisager qu’on fasse exulter la mienne.
    Et force est de constater que me sentir désiré en tant qu’actif, en tant que « mâle », ça m’a quand même fait du bien à l’égo.

    Oui, Ruben me fait parfois penser au Nico que j’étais il y a un an et demi, lors des révisions avant le bac.
    A quelques nuances près, quand-même. Si j’ai fini par jouer au petit macho, c’est parce que j’ai senti qu’il kifferait ça. Quelque part, c’est lui qui l’a « demandé ». Je ne lui ai rien imposé, je n’ai pas voulu le dominer, et surtout pas en dehors de nos jeux sexuels. Je n’ai pas non plus exigé des trucs fous de lui dès le premier jour, je ne l’ai pas brusqué. Ça s’est fait tout en douceur, je lui ai montré des choses et je lui ai laissé trouver ses repères, à son rythme.
    Après l’amour, après le sexe, après parfois les mots crus, Ruben a toujours cherché mes bisous, mes caresses, mes bras pour s’y blottir, comme pour se sentir en sécurité, enveloppé par mon corps. Et je ne lui ai jamais refusé cette tendresse.

    Ruben me colle contre le mur, m’enlace fougueusement. Ses mains fébriles défont ma ceinture, ouvrent ma braguette, se glissent dans mon boxer, empoignent ma queue, la caressent, la branlent lentement. En un quart de seconde, je suis fou d’excitation.
    « Encore, t’as envie ? je le taquine, alors que je sens monter en moi une seule et unique envie, celle de jouir à nouveau.
    – J’ai tout le temps envie de toi, beau mec !
    – Vas-y, suce, je sais que tu as envie de ça ! »
    Pas de réponse verbale à ma boutade, mais un regard embrasé de désir, son corps qui s’exécute au quart de tour, ses genoux qui touchent le sol, ses mains qui font glisser mon boxer et mon pantalon le long de mes cuisses, et ses lèvres qui avalent mon gland et coulissent le long de ma queue.
    Ses mains se glissent sous mon t-shirt, ses doigts excitent mes tétons. La pression, le mouvement, le doigté, tout est parfait. Il ne lui a pas fallu beaucoup de temps pour repérer mes touches sensibles, et guère plus pour en devenir un virtuose.

    Je me souviens de la dernière fois où je l’ai sucé, deux jours après le réveillon à l’omelette, juste avant de quitter la nouvelle parenthèse inattendue et enchantée de Campan, après le réveillon du nouvel an, avant de repartir dans nos vies. Il sortait de la douche et je n’avais pas résisté à la tentation de défaire sa serviette nouée autour de la taille, et de lui faire plaisir une dernière fois.

    Je le regarde pendant qu’il me suce, moi débout, lui à genou, je kiffe ça et je sais qu’il kiffe ça. Dès qu’il sent mon regard sur lui, son regard vert-marron est au rendez-vous. Et je lis une envie débordante de me rendre dingue de plaisir. Je sens cette envie dans la fougue de ses va-et-vient le long de ma queue, dans la fébrilité de ses caresses autour de mes tétons. Je renonce à caresser les siens, car je sais qu’il n’est pas sensible de ce côté-là. Je pose une main sur sa nuque, je sais qu’il kiffe ça, juste la présence de ma main sur sa nuque, sans même forcer. J’envoie quelques petits coups de reins, il kiffe ça aussi.
    Très vite, nous basculons dans cette dimension, nous nous retrouvons sur cette corde raide, tiraillés entre l’envie de faire durer ce plaisir partagé et une furieuse envie de précipiter le feu d’artifice final.

    Notre complicité était parfaite. Il avait balancé sa cigarette dans le feu et ses mains étaient venues exciter mes tétons. Elles sentaient la fumée, je me souviens très bien de ça. Ses petits coups de reins me rendaient dingue. L’excitation de l’un embrasait celle de l’autre. C’était une réaction en chaîne, une réaction explosive. J’avais cherché son regard. Et dans le sien, tout comme dans le mien, il n’y avait pas que de l’excitation, mais aussi une immense tendresse.

    Ruben me pompe de plus en plus fougueusement, m’approchant dangereusement du point de non-retour. J’essaie de me contrôler, de faire durer. Je lutte sciemment contre son envie de conclure, de me faire jouir, d’accueillir mes giclées dans sa bouche et de les avaler. C’est un petit jeu entre nous, un petit jeu tacite, et très plaisant. Plus j’arrive à me retenir, plus mon orgasme va être géant. Mais le petit coquin est de plus en plus fûté et je sens que je ne vais pas y arriver longtemps…

    J’étais tellement fou de lui et tellement triste de devoir le quitter. J’avais décidé de lui donner ce dont il languissait depuis nos retrouvailles après Noël, le bonheur de jouir en moi, du moins dans ma bouche, sans capote. Je m’étais dit qu’au fond, le risque était minime.
    J’avais très envie de retrouver enfin le goût fort et délicieux de son jus, mais je m’employais à l’amener au bord du précipice de l’orgasme et à le retenir de justesse, à lui faire sentir l’appel de sa jouissance et à la reporter sans cesse.

    Je regarde son physique élancé, pas vraiment musclé, mais très sensuel, sa peau claire, ses beaux cheveux châtains un peu bouclés…
    Je sens sur mon cou la caresse de cette chaînette qui était celle de Jérém et qu’il m’avait offerte au moment de partir après notre premier séjour à Campan, au moment de nous séparer, au moment où nos vies empruntaient deux chemins divergents. Malgré tout ce qui s’est passé, je n’ai jamais pu me séparer de cette chaînette.

    Je revois son corps de rugbyman, de jeune mâle fringant, sa peau mate, son brushing de bogoss, ses cheveux bien bruns, coupé très court autour de la nuque, ses abdos, ses pecs, ses tatouages sexy à mort, le petit grain de beauté, lui aussi sexy à mort, dans le creux de son cou, la chaînette que je lui avais offerte pour son anniversaire, nonchalamment posée sur sa peau mate, entre ses pecs saillants…

    Ruben me pompe sans reprendre son souffle. Je sens une chaleur intense, brûlante, presque douloureuse monter dans mon bas ventre. Je sens que je perds pied. Et lorsque l’orgasme me submerge, le bonheur de sentir mon jus partir dans sa bouche me rend dingue…

    Je repense au bonheur de le sentir perdre pied, de sentir son corps musclé trembler de plaisir. Je repense à ses giclées chaudes et puissantes qui explosent dans ma bouche et qui me rendaient dingue…

    « Vas-y, avale ! », je lui lance, pour lui faire plaisir

    « Vas-y, avale ! », il m’avait lancé, pour me faire plaisir.

    Ruben vient de se relever. Il m’embrasse comme un fou. Il est ivre de moi, ivre du plaisir de passif, celui qu’il kiffe par-dessus tous, et que je viens de lui offrir. Je le sens à la fébrilité de ses gestes, au frémissement de son regard.

    Il avait glissé ses mains sous mes aisselles, il m’avait aidé à me relever. Il m’avait serré très fort contre lui, je l’avais serré très fort contre moi. Je l’avais embrassé comme un fou, j’étais ivre de lui.

    « T’as aimé ? me demande Ruben.
    – Tu veux me tuer, je lui balance, assommé par ce nouvel orgasme, comme abasourdi.
    – Non, je veux juste te faire plaisir ».
    Pour toute réponse, je pose quelques bisous dans son cou.
    « Alors t’as pas aimé ? il revient à la charge.
    – Si, si, bien sûr que si! Et toi, t’as aimé ?
    – Moi aussi, beaucoup! Je t’ai bien excité, hein ?
    – Oui, grave !
    – Tu me rends dingue, Nico… »
    Et là, il me serre très fort contre lui. Puis, il approche ses lèvres de mon oreille et me glisse tout bas :
    « Nico… je t’aime… »

    J’avais approché mes lèvres de son oreille et je lui avais glissé :
    « Je t’aime, Jérémie Tommasi
    – Je t’aime Ourson, je t’aime tellement ! »

    Ça faisait quelques temps que je sentais ces trois petits mots au bord de ses lèvres. Et les voilà enfin. Ce sont des mots qui peuvent apporter toute la joie du Monde quand on les attend et toute l’angoisse de l’Univers quand on les redoute. Hélas, avec Ruben j’étais malheureusement dans ce dernier cas.
    Pourquoi est-ce que je redoutais d’entendre Ruben prononcer ces mots ? J’imagine, pour la simple et bonne raison qu’ils appellent les mêmes en retour, sous peine de décevoir, de faire de la peine, de tout gâcher.
    Des mots que, je le sens, je ne pourrais lui retourner qu’en mentant, qu’en le trompant.
    Parce que je sais que mes sentiments pour lui ne sont pas les mêmes que les siens pour moi. Je ne sais vraiment pas pourquoi, alors que tout est réuni pour me rendre heureux.
    Ruben est un garçon qui s’assume, qui ne demande qu’à être en couple avec moi, qu’à s’afficher avec moi. Depuis qu’il est avec moi, il a fait son coming out auprès de ses parents, de sa sœur, de ses amis. Et il m’a présenté tout ce monde, il m’a fait rentrer dans sa vie. Ruben m’a offert tout ce que j’ai toujours espéré d’une relation avec un gars.
    Depuis que je suis avec Ruben, j’ai même trouvé une passion : le vélo. Ruben fait partie d’une association de cyclistes basée à Mérignac qui organise des randonnées sur des circuits dans la région. Après une période de mise à niveau, j’ai pu l’accompagner sur des boucles pas trop exigeantes.
    La première fois que j’ai randonné avec les cyclistes de l’asso, ça m’a rappelé les balades à cheval à Campan. J’ai retrouvé les sensations de liberté, de dépaysement, la déconnexion du quotidien. Avec en prime, la sensation de mieux maîtriser mon nouveau moyen de locomotion avec deux roues, des vitesses et des freins, plutôt qu’un cheval dépourvu de tout ça. La première fois que nous avons fait une grande boucle dans une zone boisée, j’ai pensé à Téquila et à Unico. J’ai eu envie de pleurer. J’ai retenu mes larmes pour que Ruben ne me pose pas de questions.
    La pratique sportive m’a aidé à aller de l’avant. Avec le vélo, j’ai retrouvé le plaisir du grand air. Avec le vélo, j’ai aussi trouvé des nouveaux amis, et une sorte de nouvelle famille. Une famille dont les membres sont loin d’être si hauts en couleurs que les cavaliers de Campan, mais avec qui je me sens bien.
    Avec Ruben, nous avons d’autres passions communes. La musique classique et les classiques de la littérature. Je lui ai fait redécouvrir Tchaïkovski, il m’a fait redécouvrir Bach. Je lui ai fait découvrir Proust, il m’a fait me passionner pour l’Iliade et l’Odyssée.
    Nous avons régulièrement de longues et belles conversations, et nos échanges sont très enrichissants. Ruben me pousse à être curieux, me donne envie de découvrir. Il nous arrive de parler philo. Ruben est très calé sur le sujet, et il est passionnant. Il me parle souvent de ses études. Il étudie l’italien, et il l’étudie à fond. Il étudie la grammaire, la syntaxe, le vocabulaire, mais aussi la littérature, la civilisation, l’histoire et la culture qui va avec. Il pousse la passion jusqu’à suivre des cours de latin, la base de l’italien, comme de tant d’autres langues. Il est passionné par ses études et il m’a redonné envie de me passionner aux miennes après la baisse de motivation, proche de l’extinction, que j’avais connue avant, pendant et après la rupture.
    Avec Ruben, je devrais être le plus heureux des garçons. Je devrais être tout autant amoureux de lui qu’il l’est de moi. Et pourtant, je ne sais pas vraiment pourquoi, ce n’est pas le cas.

    Il y a un an, peu avant minuit, Jérém m’avait dit « je t’aime » pour la toute première fois. Soudain, un Univers nouveau s’était ouvert devant moi.
    Au fond, j’avais toujours su que ça viendrait un jour. Et ça ne pouvait venir qu’à Campan, ce Campan « qui n’était qu’à nous », Campan magique, Campan notre refuge.
    Je me souviens de notre complicité parfaite, de l’embrasement de nos sens, de mon bonheur après son – je t’aime », ces trois petits mots qui m’avaient donné des ailes.
    Et pourtant, j’avais vraiment eu du mal à réaliser ce qui venait de m’arriver. Ce dont j’étais certain, c’est que je n’avais jamais été aussi heureux de ma vie.
    Pendant que nous faisions l’amour, dans les toutes premières minutes de l’année 2002, je n’arrêtais pas de me dire que la nouvelle année s’annonçait si douce, si belle !


    Bordeaux, mercredi 1er janvier 2003, 4h54


    Ruben dort paisiblement à côté de moi. Nos invités viennent de partir et mon petit cuistot est tombé comme une masse. J’écoute sa respiration apaisée et apaisante, je sens la chaleur de son corps irradier sous les draps.

    Et mon esprit vagabonde au loin.

    Oui, il y a un an, l’année 2002 s’ouvrait sous les meilleurs augures. En 2002, il y a eu de la joie, du bonheur, mais aussi beaucoup de tristesse et de déception. Et tout cela mélangé pêle-mêle. Des montagnes russes émotionnelles, terminées avec un déraillement inattendu et très douloureux pour moi.

    Malgré tout, il me manque tellement. Il ne s’est pas passé un jour sans que la nostalgie et la tristesse ne me prennent aux tripes. Mais jamais comme cette nuit, pendant cet « anniversaire » si spécial. Parce que je l’aimais ce beau brun, putain qu’est-ce que je l’aimais !

    J’ai été amoureux de Jérém depuis le premier jour du lycée. Au début, je parle des tout premiers instants où je l’ai capté dans la cour du lycée, j’ai été aimanté par sa beauté masculine redoutable. Il n’avait même pas 16 ans, et il était déjà tellement sexy !
    Très vite, mon cœur battait la chamade dès que je pensais à lui. J’avais des papillons dans le ventre dès que je m’apprêtais à le retrouver, ou dès qu’il s’approchait de moi. Il occupait toutes mes pensées, matin, midi, soir, et même la nuit. J’aurais voulu tout savoir de lui.
    Au départ, il n’y avait même rien de sexuel dans mes sentiments. J’imagine que j’étais trop jeune, trop innocent ou naïf ou abruti pour penser au sexe. J’étais amoureux de son sourire, de sa voix, de sa façon d’être, de son assurance, de l’image de petit gars bien dans ses baskets et plutôt marrant qu’il renvoyait.
    Tout ce que je désirais au monde, c’était de me blottir dans ses bras. Tout ce dont j’avais besoin, était d’avoir un pote avec qui me sentir bien. Quelqu’un à qui pouvoir parler, avec qui pouvoir être moi-même, sans avoir peur. J’avais besoin de câlins, de tendresse, de répit. J’avais besoin de me sentir accepté, aimé.
    Je me souviens de notre retour du voyage en Espagne, en bus, lorsqu’il s’était assoupi sur mes genoux. Je m’en souviens comme de l’un des moments les plus sensuels avec lui. Je me souviens de mon bonheur, hélas doublé d’effroi, lorsque je m’étais réveillé et que j’avais réalisé que ma main s’était glissée sous son t-shirt et qu’elle était posée à plat sur ses abdos bien chauds. J’étais tellement bien à cet instant, et pourtant, j’avais tellement peur ! C’est tellement injuste de devoir avoir peur d’être si heureux.
    Ce qui m’avait le plus marqué dans cet instant, c’était le fait d’avoir croisé brièvement son regard. Et d’avoir compris qu’il s’était rendu compte de la présence de ma main. Et que, dans l’obscurité du bus, ça ne le dérangeait pas, au contraire, il avait l’air de kiffer. Évidemment, lorsque le bus avait ralenti et s’était engagé dans la voie de décélération d’une aire de repos, avant que les lumières ne s’allument, il s’était relevé et avait cassé la magie.
    C’est peut-être à ce moment-là que j’avais entrevu pour la première fois ce qui se cachait derrière sa carapace de petit frimeur. A savoir, un petit gars qui avait tout autant besoin de tendresse et d’amour que moi j’en avais besoin, mais qui ne savait pas l’assumer.
    Et là, mes sentiments avaient franchi une étape importante. J’étais fou de lui, fou de ce cœur sensible que j’avais entrevu l’espace d’un instant. Je me languissais désormais de mieux le connaître, mais je savais qu’il ne m’en laisserait pas la chance.

    Plus tard, après le début de nos révisions, c’était dans sa jalousie, dans ses excès de colère, et parfois dans ses besoins d’affection et de tendresse, comme lorsqu’il m’avait demandé de rester dormir chez lui et de le prendre dans ses bras, que j’avais reconnu sa sensibilité. Une sensibilité qu’il avait peur d’assumer, qu’il refoulait.
    Au fil de nos « révisions », j’avais réalisé que je n’étais plus simplement amoureux de ce garçon. J’avais réalisé que je l’aimais, avec sa sensibilité, ses fêlures. Que je l’aimais comme un fou.
    Mon erreur, ma naïveté ont été de croire que je pourrais l’aider à être heureux en lui offrant mon amour. Que je pourrais lui offrir tout ce dont il avait besoin. Et que je pourrais le changer.

    Je n’aurais pas dû lui mettre la pression pour notre relation comme je l’ai fait depuis notre première révision et jusqu’à notre éloignement après son installation à Paris.

    J’aurais dû l’écouter davantage, être plus attentif à sa souffrance, à ses doutes.

    J’aurais dû lui montrer qu’il pouvait se confier à moi, le soutenir davantage, l’encourager.

    J’aurais dû lui montrer que j’étais là pour lui.

    J’aurais dû comprendre qu’il avait autant peur de me perdre que j’avais peur de le perdre. Qu’il luttait en permanence contre cette peur de souffrir, parce que l’Amour est le seul domaine où la carapace ne suffit pas, car elle peut se briser dès que les sentiments naissent. Car dans sa tête, il ne cessait de se répéter que je pouvais sortir de sa vie à tout moment.

    J’aurais dû lui montrer davantage que je l’aimais tel qu’il était, avec ses qualités et ses défauts, et non pas pour son image de beau mec bon baiseur.

    Mon engouement sexuel pour son corps et sa virilité a pu lui montrer à un moment que je ne m’intéressais qu’à ça. Mais ça n’a jamais été le cas. Sinon, je n’aurais pas enduré tout ce que j’avais enduré.

    J’avais pensé, parfois, à renoncer à lui. J’y avais pensé quand j’avais trop mal, ou bien quand je me disais qu’il serait plus heureux sans moi. J’y avais pensé, mais je ne l’ai pas fait. Peut-être parce que je l’aimais.

    Mais, au fond, quelle aurait été la plus belle preuve d’amour ? Renoncer à lui pour le libérer d’une relation compliquée, lui permettre d’être heureux sans moi ? Ou bien être là, encore et toujours, avec mon amour et tous ses défauts, tout en essayant de trouver la force d’accepter que le gars que j’aime me fasse parfois souffrir ?

    Où se situe la limite entre tout faire pour rendre heureuse la personne aimée et se rendre malheureux soi-même ? Jusqu’où peut-on aller, jusqu’où peut-on prendre sur soi par amour ?

    Pendant cette dernière année, j’ai essayé de suivre les conseils avisés de gens qui m’entourent. J’ai le chance d’avoir des amis tels que Thibault, Denis, Albert, Charlène, et j’ai décidé qu’il était temps de mettre leur sagesse à profit. J’ai essayé d’éviter les erreurs que j’avais commis par le passé et qui nous avaient conduits, mon beau brun et moi, à nous éloigner à deux reprises. Je pensais avoir changé, avoir tout fait pour mettre mon Jérém à l’aise, en confiance, pour le faire se sentir bien avec moi.

    Mais visiblement, ça n’a pas suffi, je n’ai pas su lui apporter ce dont il avait besoin. En essayant d’éviter les erreurs du passé, j’en ai fait d’autres. Non, l’année 2002 n’a pas tenu ses promesses. Je n’ai pas su lui faire tenir ses promesses. Et Jérém non plus. Je l’aimais, il m’aimait. Mais aimer ne suffit parfois pas pour rendre l’autre heureux.

    Je regarde Ruben dans la pénombre, je le regarde dormir. Il est beau, doux, c’est un petit ange. Il me touche, il m’attendrit, et je suis bluffé par son intelligence. Et pourtant, avec lui je ne suis pas passé du stade d’être amoureux, d’être heureux dans le bonheur que nous procure l’autre, à celui d’aimer, de trouver son plus grand bonheur dans le bonheur de l’autre.
    Sexuellement, avec Ruben, une partie de moi n’est pas comblée. Mais dans le fait que mes sentiments pour lui ne soient pas les mêmes que les siens pour moi, la raison principale est ailleurs.
    Ce qui me manque avec Ruben, c’est cette étincelle qui faisait frémir tout mon corps et toute mon âme, et que je n’ai ressentie que pour Jérém.
    Lorsque Ruben était arrivé comme une bouée de sauvetage alors que je me noyais, j’ai cru pendant un temps qu’avec sa douceur, sa tendresse, son amour, il m’apportait à nouveau cette étincelle. J’ai cru que Ruben était mon prince charmant.
    C’en est un, un adorable prince charmant. Mais si son baiser m’a fait me relever, il ne m’a pas réveillé de mon sommeil. Sa présence apaise mes blessures mais ne les guérit pas. Peut-être que je lui en demande trop, c’est même sûr. Au fond, ma rupture est récente. Et elle a été très difficile. Peut-être qu’elle a desséché mon cœur. Peut-être que quelque chose me retient toujours dans le passé.
    Alors, les sentiments de Ruben me font peur, tout comme son impatience d’installer notre relation. Je trouve que ça va trop vite pour moi. En général, quand on a l’impression que ça va trop vite avec quelqu’un, c’est que nous ne sommes pas prêts. Parfois, nous ne le sommes pas encore. Mais le plus souvent, c’est que nous ne le serons jamais.

    JEREM

    Paris, le 31 décembre 2002, 23h42.

    C’était il y a un an. Déjà un an, putain ! Jérém se souvient du silence et de la pénombre de la petite maison sans électricité, de la chaleur, de la flamme, du bruit, de l’odeur du feu dans la cheminée. Il se souvient de son corps contre le sien, de ses câlins, de ses baisers. Il se souvient de son regard amoureux.
    Il se souvient qu’il était tellement bien avec lui. Il se souvient qu’il était heureux, il se souvient comment il était heureux, Nico, il se souvient combien il était heureux de le voir heureux. Il se souvient qu’ils étaient tellement bien ensemble.
    Il se souvient lui avoir enfin dit ces mots qui lui brûlaient les lèvres depuis qu’ils étaient montés à Campan, ces mots que Nico lui avait dits à plusieurs reprises et qu’il n’avait jamais su lui décrocher, malgré l’envie de le faire.
    « Je t’aime, ourson! »
    Il se souvient du bonheur de Nico quand il lui avait dit ce « je t’aime ».  Il se souvient de comment il s’était senti bien après avoir lâché ces mots, si simples et si lourds à la fois.
    Il se souvient qu’ils avaient fait l’amour et que c’était incroyable. Il se souvient que tout était parfait à cet instant.
    Il se souvient lui avoir fait la promesse que le prochain réveillon, celui de ce soir, ils le fêteraient avec les cavaliers. Il se souvient y avoir cru très fort, comme un vœu, comme pour éloigner la peur que ce ne soit pas le cas, que la vie en décide autrement, que le bonheur qui était le leur à cet instant leur file entre les doigts. Il se souvient avoir eu peur que la vie leur fasse à nouveau emprunter des chemins qui s’éloignent. Il avait eu peur de faire encore des bêtises. Il avait eu peur de le faire souffrir encore, et de tout gâcher une fois de plus.
    Jérém se connait. Sa peur était justifiée. Il a encore fait des bêtises. Il a encore fait de la peine à Nico. Et il tout gâché une fois de plus.
    Dans quelques minutes, il sera minuit, et ça fera pile un an qu’ils étaient si heureux. Ça sonne si loin, tout ça. Cette année 2002 se termine sans Nico. Car Nico, il l’a perdu. Cette fois-ci, il n’y aura pas de rattrapage, il n’y aura pas de retrouvailles à Campan.

    Le bruit de la fête du Nouvel An au « Pousse au Crime » résonne jusque dans la rue où Jérém est sorti fumer une cigarette, mais surtout pour se retrouver seul, pour reprendre son souffle, pour essayer d’échapper à cette tristesse qui lui enserre le cœur et qui l’étouffe. Mais il n’y arrive pas. C’est tellement dur de devoir faire la fête quand on a le cœur en miettes.
    Il regarde le briquet avec lequel il vient d’allumer sa clope, le briquet que Nico lui avait offert à Campan, juste avant de partir pour Paris. Plus minuit approche, plus son cœur est lourd.

    « Eh, Jérém, c’est presque l’heure ! »
    Jérém a entendu la porte du bar s’ouvrir et la puissance des décibel sde la fête foncer sur lui. Mais il a été étonné d’entendre la voix d’Ulysse. Il n’aurait jamais pensé qu’il viendrait le voir. Pas après ce qui s’est passé. Depuis quelques temps, ils s’évitent. Enfin, c’est surtout lui qui évite Ulysse. Car il a cru avoir perdu son amitié. Définitivement, Jérém a perdu pas mal de choses en cette foutue année 2002. Alors, il est content d’entendre sa voix, et qu’il soit venu le voir. Il aimerait tellement que les choses redeviennent comme avant.
    « J’arrive.
    – Tu fais quoi ?
    – Tu vois, je fume une clope.
    – Ca fait un bon moment que tu fumes !
    – Ouais… ouais…
    – Tu as l’air à côté de tes pompes, mec.
    – T’inquiète, tout va bien.
    – Non, tout ne va pas bien. Je commence à te connaître un peu et je sais quand tu ne vas pas bien.
    – Occupe-toi de tes fesses, Ulysse, tu veux ?
    – Allez, Jérém, ne fais pas l’idiot. Viens trinquer avec nous.
    – Ouais, ouais…
    – Tu penses à Nico…
    – Non, pourquoi tu me demandes ça ?
    – Je ne te le demande pas, je le sais… »
    Jérém a envie de lui parler de tant de choses, mais ça ne sort pas. Il a mal et il n’a envie de rien. Il a juste envie de rentrer chez lui et de dormir et d’être au lendemain, pour ne plus penser à cette foutue nuit d’il y a un an.
    « Écoute, Jérém, tu ne crois pas qu’on devrait arrêter de se faire la gueule ?
    – Je ne te fais pas la gueule !
    – Tu ne vas pas me faire croire qu’il n’y a pas un malaise entre nous depuis quelques temps, hein ?
    – Je voudrais faire comme s’il ne s’était rien passé, mais je n’y arrive pas.
    – Mais il ne s’est rien passé !
    – Je t’ai quand même montré une partie de moi que tu n’as pas aimé…
    – Je m’en fous de ce que tu m’as montré, ça ne change rien pour moi.
    – Mais ça change pour moi.
    – Foutaises ! Tu veux qu’on soit à nouveau amis, oui ou non ?
    – Oui , bien sûr.
    – Et moi aussi. Tu sais, notre amitié m’a manqué.
    – A moi aussi, tu peux pas savoir !
    – Je t’aime beaucoup, Jérémie.
    – Moi aussi je t’aime beaucoup.
    – Je t’ai trouvé sympa depuis le premier jour. Tu es un bon gars.
    – Moi aussi je t’ai trouvé super sympa. Tu es le seul qui soit venu me parler quand j’ai débarqué à Paris.
    – Viens-là, mec ! »
    Ulysse le prend dans ses bras et le serre très fort contre lui. Vraiment, ce gars a le pouvoir de le faire se sentir bien, de le rassurer.
    « Je suis désolé pour ce qui s’est passé l’autre soir.
    – Ne le sois pas, il n’y a pas de mal.
    – Il y a des choses que je ne peux pas contrôler.
    – Tu n’as rien fait de mal.
    – J’aurais dû fermer ma gueule.
    – Non, au contraire. T’as bien fait de ne pas garder ça pour toi. Mais pour moi tout va bien. Tu penses que ça va aller pour toi ?
    – Oui ça va aller.
    – Tout va bien alors. Je n’aimais pas qu’on se fasse la tête. Il n’y a pas de malaise de mon côté, d’accord ? Il n’y en a jamais eu. Et il ne faut pas qu’il y en ait de ton côté non plus. Tu n’as rien à te reprocher.
    – Merci Ulysse.
    – Pourquoi tu es ici ce soir ?
    – De quoi ?
    – Pourquoi tu n’es pas avec Nico ? Tu en crèves d’envie !
    – C’est fichu entre nous.
    – Ne dis pas ça. Quoi qui se soit passé entre vous, je suis sûr que tu peux rattraper le coup, ce gars t’aime comme un fou. Appelle-le, va le voir dès demain.
    – Je lui ai fait trop de mal et je n’arrête pas de lui en faire.
    – Tu es bien avec lui ?
    – Oui, tellement bien.
    – Et pourquoi tu es bien avec lui ? »

    Pourquoi je suis bien avec Nico ? Il y en a tellement, de raisons…

    Parce que grâce à Nico, je sais enfin qui je suis. J’ai arrêté de me dire que je suis hétéro et que je me tapais un « pédé » juste pour le fun. J’ai accepté que je suis attiré par les mecs. Et par Nico, en particulier. Aujourd’hui, je sais que je suis homo. Et ça fait du bien de savoir qui l’on est.
    Parce qu’il a su me montrer qu’aimer un garçon peut être quelque chose de très beau, et qu’il ne faut pas avoir honte. Et même si j’ai encore peur du regard des autres, je n’ai plus peur de mon propre regard. Aujourd’hui, j’ai fait la paix avec moi-même vis-à-vis de tout ça.
    Parce qu’il m’a montré que je peux être aimé, pour qui je suis, et pas juste pour mon physique.
    Parce que je sais désormais qu’il m’aime pour ce que je suis, avec mes imperfections, mes défauts, mes faiblesses.
    Parce que je sais que Nico me comprend, il connait mes failles, et il ne les fait pas peser.
    Parce qu’il supporte mes mauvais côtés, mon mauvais caractère et qu’il fait ressortir le meilleur de moi.
    Parce qu’il m’a donné envie de croire que moi aussi j’ai droit au bonheur, et de me battre pour l’obtenir.
    Parce qu’il ose me tenir tête, et me faire avancer.
    Parce que quand je suis avec lui je me sens plus fort et tout me semble plus simple.
    Parce que le voir heureux me rend heureux.
    Parce que je kiffe le prendre dans mes bras.
    Parce que je kiffe quand il me prend dans les siens.
    Parce que j’aime ce qu’il a fait de moi.
    Parce qu’il ne m’a jamais lâché.
    Parce qu’au fond, je sais qu’il m’attend.
    Parce que je ne veux pas le perdre.

    Il y a tellement de raisons qui font dire à Jérémie qu’il est bien avec Nico ! Mais s’il doit en retenir une, pour répondre à la question d’Ulysse :

    « Parce que j’aimais le gars que j’étais quand j’étais avec lui.
    – Rien que ça ?
    – Quoi, rien que ça ?
    – Ce que tu viens de dire…
    – De quoi ?
    – Que tu aimes le gars que tu es quand tu es avec lui. C’est super, c’est beau. Et ça montre à quel point ce gars te fait du bien, et à quel point tu es fou de lui. Alors, fonce, mec. N’aie pas peur de te faire jeter. Si tu l’aimes, ne baisse pas les bras. Si tu lui montres que tu l’aimes, il ne pourra pas résister !
    – J’ai merdé. Comme d’habitude. J’ai tout gâché, et pour de bon cette fois-ci.
    – Je suis sûr qu’il saura te pardonner.
    – De toute façon, je ne fais plus partie de sa vie, et je n’en ferai plus jamais partie. J’avais une place spéciale dans son cœur, mais je l’ai perdue. Et maintenant, c’est un autre gars qui a pris cette place. Je ne lui en veux pas, ni à Nico, ni à ce gars. Je pense qu’il saura rendre Nico plus heureux que je n’ai jamais su le faire et que je n’aurais jamais su le faire. Alors, je suis heureux pour lui, je suis heureux de le savoir heureux.
    – Mais toi, tu es malheureux, Jérém ! »

    Mercredi 1er janvier 2003, 3h12

    Jérém a trop bu ce soir. Et trop fumé. Quand les gars sont partis du Pousse pour aller terminer la nuit dans une autre boîte, il a déclaré forfait. Mais il n’est pas rentré chez lui. Il est parti faire un tour dans une boîte gay qu’il a repérée quelques semaines plus tôt. Il s’y est rendu quelques fois, après la rupture. Il s’y est rendu pour s’étourdir, quand l’alcool et le joint ne suffisaient plus. Quand l’envie de baiser le tyrannisait. Quand les regrets le tenaillaient. Quand le bonheur perdu l’attrapait par traîtrise. Quand la solitude le prenait à la gorge. Quand la peur de rentrer seul l’angoissait.
    Il s’est réveillé quelque fois le matin avec la gueule de bois, un inconnu à ses côtés, et l’envie de gerber, de chialer, de hurler. Les excès de la veille ne pardonnent pas au réveil.  

    Il n’a même pas retenu son prénom. Tout ce qu’il a retenu c’est son sourire, sa belle gueule, ses cheveux bruns, son brushing sexy, son t-shirt blanc moulant, son regard qui le dévorait. Il a retenu la promesse du bonheur de la découverte d’un corps inconnu, de quelques instants de plaisir et d’étourdissement. Il est venu pour se sentir désiré, pour laisser un beau gars inconnu essayer de lui remonter le moral.
    Ils sont allés chez lui. Il lui a proposé à boire. Mais avant d’avoir fini les verres, le petit brun bien foutu était à genoux devant lui en train de le pomper.

    Ses lèvres coulissent le long de sa queue, ses mains empoignent ses fesses et les malaxent, trop fort, trop vite. Ça ne l’excite pas vraiment. Il ôte son t-shirt, attrape ses mains, les conduit à ses tétons. Le gars les caresse, trop peu, les pince, trop fort. La pression, le mouvement, rien n’est comme il aime.

    Jérém repense à l’amour avec Nico juste après le réveillon de l’année d’avant. Les lèvres de Nico sur sa queue faisaient des étincelles, lui offraient des frissons de fou. Et ses doigts sur ses tétons, putain ! Même avec une capote, c’était dingue !

    Très vite le gars retire ses mains de ses pecs, et revient tripoter ses fesses.
    « Tu as un cul d’enfer ! », il lui glisse à un moment, en reprenant sa respiration, avant d’avaler sa queue à nouveau.

    Ses caresses étaient à la fois terriblement sensuelles et incroyablement douces, l’amour avec Nico c’était tendre et excitant…

    Il regarde le gars en train de le sucer. Le gars cherche son regard, Jérém le fuit. Il n’a pas envie de croiser son regard.

    Pendant que Nico le suçait, il avait croisé son regard. Il avait vu son excitation, son envie de le rendre dingue de plaisir, mais comme un gars amoureux.

    Le gars le pompe de plus en plus vite, Jérém sent qu’il ne va pas tarder à jouir. Et il ne veut pas se retenir. Au fond de lui, il a envie d’en finir au plus vite, et de se tirer. Il sent son orgasme arriver, mais le gars arrête de le sucer juste avant.

    « Baise moi, beau mec ! »

    Jérém avait voulu que Nico lui fasse l’amour. Il en avait tellement envie !

    Jérém passe une capote, il encule ce gars, il le baise. Le gars gémit de plaisir, il lui dit qu’il ne s’est jamais fait baiser par un mec aussi canon que lui, que sa queue le fait jouir comme aucune autre. Il veut être défoncé comme un malade, il veut qu’il lui casse le cul. Le gars n’est pas déçu. Jérém le pilonne tellement fort qu’il finit par se déboîter de lui. Le gars veut qu’il enlève la capote et qu’il lui gicle dans le cul. Jérém regarde son cul offert, assoiffé. Il hésite. Le gars le chauffe, lui dit qu’il va jouir deux fois plus sans. Il lui dit que ça ne craint rien, car il s’est fait dépister. Jérém est saoul, il vient de se faire un pétard. Il est à deux doigts de jouir, et il très excité.
    Mais il refuse. Il l’encule encore, il lui tarde de venir…

    Nico était si tendu, il avait peur que la capote casse.
    Jérém n’en pouvait plus de cette saleté de capote. Parce qu’elle le privait d’une partie de son plaisir, certes. Mais aussi et surtout parce qu’elle lui rappelait sans cesse ce qui endurait Nico depuis quelques jours, cet accident de capote avec le gars de Bordeaux, le risque que cela représentait, et la peur. Jérém ne pouvait s’empêcher de se sentir d’une certaine façon responsable de la mésaventure de Nico. S’il n’avait pas refusé de le laisser le rejoindre à Paris, s’il n’avait pas recommencé à faire le con avec les nanas, s’il ne lui avait pas demandé de faire cette maudite pause, s’il avait eu les couilles d’assumer leur relation et leur amour, ça ne serait pas arrivé.
    Nico était tendu, angoissé. Mais Jérém lui avait fait plein de bisous et il avait fini par se détendre. Il s’était allongé sur son torse, il était venu en lui tout doucement. Il lui avait fait l’amour et c’était tellement beau et tellement bon. Nico lui avait donné envie de faire ça, et il l’avait rendu beau. Jérém était si heureux de le sentir prendre son pied.
    Jérém se souvient de la douceur de sa peau, de ses cheveux, de son regard amoureux.
    Et pendant que Nico s’amusait comme un petit mec, leurs lèvres n’étaient jamais rassasiées de bisous, leurs mains de caresses, leur bras d’étreintes.
    Quand Nico était venu, Jérém était fou, fou de ce petit mec qui le rendait si heureux ! Il l’avait pris dans ses bras, et il l’avait couvert de bisous.
    Nico venait de jouir, et lui avait demandé de lui faire l’amour à son tour

    L’amour avec Nico était un bonheur sans fin. Il aurait voulu que ça dure longtemps ! Car il y avait le plaisir, intense, mais il y avait aussi cette délicieuse confiance et cette merveilleuse complicité de leurs corps et de leurs esprits.
    Et il avait fini par jouir en embrassant Nico fébrilement, comme ivre de plaisir, en le serrant très fort contre lui, en plongeant son visage dans le creux de son épaule, et en pensant à tant de fois où il était venu en lui sans capote.

    Jérém finit par conclure avec le gars, mais en pensant à tant de fois où il avait giclé dans le beau cul de Nico… et à son regard amoureux…
    Il se déboîte du gars, il retire ma capote. Il n’a qu’une envie, se tirer de là.

    Jérém était sorti de Nico, ils s’étaient embrassés longuement. Il avait dû se faire violence pour mettre les câlins en pause le temps de retirer la capote. Il n’avait qu’une envie, c’était de le serrer très fort dans ses bras et que cette nuit ne se termine jamais.


    Merci à Fan B pour la rigueur de son travail. Merci à la team J&N sur Discord pour ses suggestions et pour avoir alimenté le blog pendant 5 mois déjà. Merci à Cyril et à tous les autres tipeurs. Merci à tous les lecteurs, à leur fidélité, à leur soutien et à leur patience.

    Commentaires

    Chris-j

    04/05/2021 06:49

    J’aime particulièrement le chapitre intitulé « Bordeaux mercredi 1er janvier 2003 4h54. » J’ai pensé qu’avec la distance qui le sépare maintenant de sa rupture, Nico avait pu ressentir avec plus d’honnêteté, la nature et l’importance de ses sentiments, tous entrevus de façon kaléidoscopique durant les saisons précédentes.Nico mesure ce qui lui manque le plus dans l’absence de Jérém à ses côtés et il analyse avec plus d’acuité sa part active dans l’échec de cette relation. Une autre étape est franchie, parce qu’il regarde en face ses manquements envers Jérém, mais aussi, il est capable de dire que son Bobrun a été décevant. J’ai même l’impression que ce cap bien à été plus dur à franchir pour lui que d’endurer le reste. C’est dans la justesse des sentiments plus que dans leur exaltation qu’on ressent sa sincérité.Avec ce travail de mise en perspective, le lecteur ne peux plus douter que Nico aimait Jérém, complètement et avec une intensité rare. C’est un texte que j’ai trouvé très poignant par sa sensibilité, son écriture et son intelligence émotionnelle. Ce qui le rend encore plus émouvant, c’est que Nico se retrouve dans la position de celui qui ne va pas pouvoir rendre à Ruben l’amour qu’il est en droit de recevoir. A cette mise à distance très réussie, s’ajoute une audace qui monte d’un cran supplémentaire l’attrait de l’épisode. Tu as fait quelque chose de très casse gueule en intégrant un de tes textes les plus appréciés, qui est le voyage en Espagne. Ce voyage scolaire, que l’on retrouve désormais sur 3 épisodes et un chapitre du livre, est le vrai départ de la relation entre Jérém et Nico, parce que par un regard échangé, Nico sait qu’il n’est pas seul dans cette histoire.

    John1

    23/04/2021 13:50

    Ton écriture est toujours aussi agréable à lire et tes personnages toujours attachants Le résumé m’est utile, pour savoir ou on en est. Nico détaille les raisons profondes de son amour pour Jerem au delà de la simple attraction physique. C’est nouveau ! Peut-être s’est-il transformé au cours de l’année ? Quoi qu’il en soit, c’est bienvenu et cela donne plus d’épaisseur au personnage. Ruben aime Nico à la manière dont ce dernier aime Jerem, Nico n’aime pas Ruben à la Jérém, Jérém ne retrouve pas Nico dans les mecs qu’il croise ». Le suspens ne sera donc pas de savoir s’ils s’aiment encore.

    Yann

    23/04/2021 08:15

    Un premier amour c’est quelque chose de tout nouveau, d’inédit et d’unique, qui fait découvrir des ressentis intenses : amour, peur, jalousie, reconnaissance, questionnement… Plus la relation est forte émotionnellement plus elle va marquer la vie au point que la personne peut chercher à retrouver les mêmes sentiments de son premier amour toute sa vie. Autant on peut oublier d’autres relations qui lui ont succédé autant un premier amour, s’il a été intense, est destiné à s’ancrer au plus profond de soi pour ne jamais être oublié. 
    Nico va-t-il connaitre cette situation ? C’est encore trop tôt pour le dire mais il semble en tout cas prendre ce chemin.
    Quand à 35 ans Nico se replonge dans son passé on sent chez lui la frustration de n’avoir toujours pas trouvé la relation avec la même intensité que celle qu’il a connu la première fois. Il est toujours amoureux de Jérém et donc on peut peut être s’attendre à voir d’autres Ruben se succéder sans plus de succès.

    Chris-j

    20/04/2021 07:04

    Quel plaisir de retrouver Jerem et Nico après une si longue interruption ainsi que la sensibilité de la plume de Fabien

    Alex

    19/04/2021 17:41

    Un plaisir de retrouver les 2 protagonistes! Mais dans quelle galère Nico s’est il encore embarqué, pauvre Ruben de transition…. J’aurai aimé en avoir un peu plus sur la soirée dans la tête de Jerem, plus tard ?

    Yann

    19/04/2021 12:37

    @FanB oui on est bien d’accord. Les anaphores et les parallélismes sont les bienvenus dans cet épisode particulier.

    Yann

    19/04/2021 08:41

    L’anaphore figure de rhétorique qui consiste à reprendre plusieurs fois de suite les mêmes mots en début de phrase est bien venue dans cet épisode. Elle donne du rythme au texte et par son effet d’insistance elle souligne certains passages importants de l’histoire.

    Yann

    18/04/2021 19:05

    Ca fait vraiment plaisir de retrouver cette histoire et ses personnages après cette pause de quelques mois.
    Révélation, on découvre un Nico sous un nouveau jour, plus dominant que soumis ce qui prêtera moins à le prendre pour une lope. On découvre aussi un Nico plus épanoui qui, avec Ruben, s’intéresse au sport, la musique classique, la littérature… Pour jerem il s’assume finalement comme Gay là au moins on est fixé, il sort même dans des boîtes Gay. Par contre sa vie sentimentale ne semble pas être top.
    Toujours avec ton écriture aussi fluide on est alternativement transporté entre les souvenirs du réveillon de 2001 et le présent  réveillon de 2002 où  Nico comme Jerem se laissent aller à comparer ce même moment passé ensemble il y a un an à Campan et celui qu’ils vivent au présent mais séparés. C’est particulièrement touchant. Peut être plus pour Jerem car Nico semble avoir trouvé dans sa relation avec Ruben un certain équilibre, sans véritable amour car il aime toujours Jerem vers qui souvent vont ses pensées. Jerem repense lui aussi souvent à Nico. Tous les deux se font le reproche d’avoir gâché quelque chose. Que c’est-il réellement passé ? Quant à Ulysse le mystère reste entier. Que c’est –il aussi passé entre lui et Jerem ? Bravo pour ce magnifique épisode qui nous permet de renouer avec l’histoire.

  • JN0300 Saison 3 Intro.

    JN0300 Saison 3 Intro.

    31 décembre 2002, 18h56

    « Je te promets que le prochain réveillon ce sera à Campan, et avec les cavaliers ».
    « J’adore l’effet que Campan a sur toi, Jérém ».
    « Quel effet ? ».
    « Il fait ressortir ta véritable personnalité. Et tu es si adorable ! »
    « Campan n’est qu’à nous ! » il s’exclame.
    « Oui, c’est notre refuge ».

    Sous la douche, je repense à ce rendez-vous manqué avec les cavaliers à cause de la neige qui nous avait bloqués à la petite maison, sans électricité, sans beaucoup de provisions. Je repense à cette omelette avec laquelle on avait fait un repas de fête. Ce soir-là, il n’y avait que la cheminée, une omelette et notre amour, et ça nous suffisait pour être heureux.
    Je me souviens de chacun des instants du réveillon d’il y a an, de chacune de mes sensations, de toutes les nuances de bonheur que m’apportait sa présence. Je me souviens de chacun de ses regards, de chacun de ses sourires, de chacun de ses mots. Et surtout de ces trois petits mots dont il m’avait fait cadeau juste après avoir fait l’amour une dernière fois, à l’approche de minuit.
    « Je t’aime ».
    Trois petits mots sur l’oreiller, trois mots, un monde entier.
    Longtemps j’avais rêvé d’entendre ces mots de sa bouche, sans pour autant espérer que cela arrive. Et ce cadeau était enfin venu, à l’instant même où une année se terminait et une autre prenait le relais. C’était le plus beau cadeau qu’on ne m’ait jamais fait.

    L’eau chaude de la douche glisse sur ma peau, elle me fait du bien. Elle revigore mon corps qui, après un après-midi passé à faire l’amour, demanderait plutôt à rester tranquille qu’à faire la fête.
    Mais ce soir c’est le réveillon, un autre, et je n’ai pas le temps de me reposer. Dans une heure, je vais être assis à table avec nos invités, et pendant une longue soirée. Car ce soir, l’année 2002 va se terminer, et une nouvelle va commencer. Et il faut fêter ça, le temps qui passe.
    J’arrête l’eau, je me sèche, je m’habille. J’arrange mes cheveux et je quitte la salle de bain pour aller rejoindre le gars qui me fait du bien, qui égaie ma vie, qui comprend mon besoin d’être aimé et rassuré, et qui sait pardonner mes erreurs.
    Je le retrouve dans la cuisine, il est en train de terminer le repas pour ce soir. Il est vraiment doué aux fourneaux.
    Je le regarde en train de cuisiner et je ne peux résister à l’envie de m’approcher doucement de lui, de glisser mes bras autour de sa taille, de le serrer contre moi, de lui faire plein de bisous dans le cou.
    Il tourne la tête, et je croise son regard plein d’amour, de l’amour à donner, de l’amour à recevoir. Ce gars est un véritable puits à câlins.
    Après avoir éteint la plaque chauffante, il se tourne vers moi, et nous nous enlaçons, nous nous embrassons.
    J’adore laisser glisser mes doigts dans ses beaux cheveux châtains, j’adore me noyer dans ses yeux verts, dans son regard doux et timide.
    La vie est faite de surprises. Je n’aurais jamais pensé qu’on se retrouverait un jour tous les deux.
    « Tu es très beau, Nico » il me lance, adorable.
    « Toi aussi, tu es beau, Ruben ».

    Commentaires

    Etienne

    01/01/2021 19:29

    Je souhaite à tous les commentateurs/commentatrices des aventures de J&N une excellente année 2021.
    Et je partage une idée qui m’est venue: toute l’histoire de J&N repasse dans la tête de Nico  bien des années plus tard alors qu’il est témoin du mariage entre Jérémie et Thibault… A moins que ce ne soit l’inverse, Jérémie étant témoin au mariage de Nico et Rubens.
    Fabien décidera, il suffit d’attendre…

    Celio

    29/12/2020 08:42

    De retour, ça c’est une surpriseMérité pour Jerem. Il a trop exagéré

    Florentdenon

    23/12/2020 11:36

    C’etait trop beau pour etre vrai…En meme temps, cela aurait ete surprenant que tu nous laisse sur un happy end de convention. Bravo Fabien ! On attend la suite comme d’habitude avec impatience….

    Étienne

    07/12/2020 07:39

    Ah oui, Ruben, le gars du bus…

    Etienne

    06/12/2020 18:38

    Douche froide après Campan… J’avoue que je ne m’y attendais pas du tout. Sale coup de l’auteur…
    Mais à la réflexion, on voit bien que Jerem ne sait pas vivre avec le rugby et Nico… Probablement il aura rapidement choisi le rugby.
    Comme Yann le dit, depuis 5 ans que je lis leur histoire, c’est un peu comme si Nico et Jérem était un couple de mes amis: j’ai un peu mal pour eux… On anticipe que Nico est retombé sur ses pieds, mais qu’en sera-t-il de Jérem ?
    Au fait, c’est qui ce Ruben ? Déjà croisé ?
    Ca va être long d’attendre le Printemps.

    Yann

    29/11/2020 16:04

    En fait il y a 2 façons de considérer cette histoire : sur le plan purement sentimental et sur le plan de l’intrigue.
    Sur le plan sentimental : je me suis bien sûr réjoui de l’épisode Campan 2 et de les voir à l’unisson. Mais ce que j’ai trouvé frustrant dans cette perspective de séparation, même si on ne sait pas qui ni pourquoi, c’est que depuis 5 ans que je suis cette histoire, c’est un peu bête à dire, mais J&N je m’y étais attaché comme à des amis pour lesquels on s’inquiète, ce qui les touche nous touche et de les savoir malheureux ne laisse pas indifférent. L’amour qu’ils ont partagé l’un pour l’autre c’est quelque chose qui ne s’efface pas. 5 ans plus tard Nico pense toujours à Jerem. Qu’en est-il de Jerem ? Se voient-ils même s’ils ne sont plus ensemble ? Ont-ils des regrets ? Il va falloir attendre pour le savoir. Donc ça c’est pour mon coté sensible et fleur bleue.
    Sur le plan de l’intrigue, je ne connais pas de roman pour raconter que tout baigne et que tout est idyllique. Au contraire il faut une intrigue. Après Campan 2, les imaginer en couple, heureux je me demandais bien ce que Fabien allait pouvoir imaginer pour les 3 autres saisons à venir. A part quelques disputes parce que l’un n’a pas fait le plein du frigo ou que l’autre n’a pas fait la lessive …. ce serait d’un banal lol. Un peu comme les contes pour enfants quand on a dit ils se sont mariés, vivent heureux avec beaucoup d’enfants il n’y a plus rien à raconter car il n’y a plus d’histoire. 
    Enfin ce Ruben il a intérêt à faire de gros efforts auprès de Nico pour nous faire oublier le coté attachant de Jerem.

    Jean

    28/11/2020 15:37

    L’idée de les séparer est bonne ! Cela patinait, rythmé par les états d’âme de Jerem : charmant pas charmant ouvert/fermé Campan 1 puis 2 puis ….Heureusement pour lui, Nico n’est pas réticent à l’idée de se faire dorloter par un autre Cette fois sur un plan d’égalité gagnant-gagnant Confort bourgeois et petits platsLa passion peut attendre …Ça ne devrait pas traîner !

    Chris-j

    27/11/2020 12:34

    Tu m’étonnes qu’on va le laisser écrire fissa, d’autant qu’il nous fait une belle vacherie en dévoilant cet extrait. On va se creuser la tête pour savoir ce qui a bien pu se passer? J’échafaude déjà des scénarios… 
    La vie a repris son cours, les rv se sont espacés, les déceptions se sont accumulées, Nico en a eu assez. Il a recroiser Justin, un autre? 
    Jérémie l’a mal pris. Sinon, pourquoi Nico parlerait-il d’être pardonné, si la responsabilité ne lui revient pas. Là, je suis très en colère après Jérém, même si ça ne m’étonne pas de lui. 
    Les bonnes nouvelles sont, qu’on va sauter dans le temps, quitter le rythme hebdomadaire qui aurait pu conduire au sur place, lire autre chose.
    C’est réconfortant de voir Nico capable de reconstruire une relation, sans doute moins intense, moins passionnelle. Nico avait envie d’une vie à deux, mais avec Jerem, ce n’est pas possible, coming out ou pas. POUR L’INSTANT et de ce qu’on a vu, ils n’ont pas les mêmes envies ni les mêmes rythmes. Mais ils vont pouvoir évoluer, j’ai l’espoir qu’un garçon sympa aide Nico à se renforcer, sans passer par la case drame. Il en a tellement bavé, ca va le changer. 
    On aura peut être une chance de le voir autrement.

    Pour Jérém, j’ai moins de convictions. Ma lecture freudienne LOL, me fait penser qu’il a sauté sur une occasion pour fuir Nico et échapper à son attachement???? à l’homosexualité (qui doit bien l’emmerder au quotidien). Ce n’est pas incompatible avec l’idée que Nico a pu le blesser réellement. Comme il gère mal les émotions, il a pu tout envoyer balader.
    Mais ensuite, Jérém est-il si bien que ça sans le regard de Nico, ou même rien que l’idée de ce regard. Est ce qu’il va déconner? A ce stade, quel sera le role de Ulysse? va t-il conseiller son protégé. Thibaut va t-il saisir l’occasion pour se rapprocher de l’un, ou de l’autre. 

    Et puis, comment vont-ils se retrouver? puisque c’est ça l’enjeu. Lequel fera le premier pas?

    À chaque jour recommencé, 
    À se vouloir, à se garder, 
    À se perdre, à se déchirer

    Mille fois perdus, retrouvés, 
    Nous restons là, émerveillés, 
    Ton indocile, ton difficile
    Et puis docile, ton si fragile
    (Barbara)

    Chris-j

    26/11/2020 18:30

    C’est vrai qu’il a l’air gentil ce Ruben(s?). Et après tout, Nico a le droit d’être avec un copain qui ne le met pas dans un placard, sitôt les vacances terminées. Ça me fait plaisir pour lui, qu’il puisse vivre ça. Peut être que Jerem va devoir réfléchir aussi.

    Yann

    26/11/2020 17:05

    C’est un peu la douche froide après Campan 2 fin 2001qui était idyllique. Il n’y aura pas de Campan 3 ni de réveillon 2002 comme promis. Bien sûr comme tu le dis Fabien on ne sait pas quand cela arrive ni comment dans la saison mais quand même. J’aurais presque préféré ne pas savoir avant et découvrir les choses au fil du temps. Le titre de l’histoire va-t-il changer ou reste-t-il toujours Jerem & Nico ?

    Chris-j

    26/11/2020 11:18

    non mais, ce Ruben, c’est pas possible  je le hais

  • JN0242 Une année peut en cacher une autre.

    JN0242 Une année peut en cacher une autre.

    Après un petit déj avec Charlène et un nouveau coup de main pour nourrir la troupe d’équidés, nous passons chez Martine pour faire quelques courses, avant de gagner la petite maison.

    Un beau soleil nous accompagne ce matin, et la petite construction est à moitié ensevelie par la neige. Nous commençons par déblayer les fenêtres et la porte d’entrée.

    La maison est froide et humide et elle sent la pièce restée longuement fermée. C’est une ambiance très différente de celle, chaleureuse et réconfortante, avec laquelle elle m’avait accueilli quelques mois plus tôt. Un grand feu brûlait alors dans la cheminée, dans l’âtre maintenant sombre, muet et froid.

    Mais mon Jérém, le maître du feu est là, et je sais que le miracle va bientôt se répéter. Je l’aide à ramener le bois que Charlène nous a donné pour démarrer la flamme. Il nettoie le foyer des cendres qui l’encombrent. Puis, il fait un petit tas de bois fin, et il ajoute du papier. Il sort le briquet de sa poche et il fait démarrer la magie. Je regarde la flamme prendre peu à peu, tandis que mon bobrun approche une cigarette pour l’allumer.

    « Viens là » il me lance, m’invitant à le rejoindre près du feu.

    Les heures, les jours et les nuits qui suivent sont le récit d’un bonheur parfait. Nous sommes un vrai petit couple qui vaque aux corvées du quotidien – repas, ménage, feu – en parfaite harmonie.

    Les gestes du quotidien ont un charme particulier en présence de mon Jérém. Je le regarde en train de cuisiner – il est vraiment doué aux fourneaux, et la cuisine le rend très sexy – et je ne peux résister à l’envie de m’approcher doucement de lui, de glisser mes bras autour de sa taille, de le serrer contre moi, de lui faire plein de bisous dans le cou. Le bobrun se retourne, je croise son regard brun et doux. Un regard plein d’amour, de l’amour à donner, de l’amour à recevoir. Lorsqu’il tombe son armure, ce gars est un véritable puits à câlins.

    Parfois, c’est moi qui essaie de faire à manger. Et c’est Jérém qui se glisse derrière moi, qui me serre contre lui et qui m’enivre de bisous.

    Le temps passé avec Jérém est tellement magique que j’arrive presqu’à oublier l’« accident », l’attente du test, l’angoisse. La prise de mon traitement devient presque un geste mécanique, accompli entre deux moments de bonheur et cesse peu à peu d’être le sombre pivot de mes journées.

    L’un des moments que je préfère, ce sont les instants avant de m’endormir, lorsque je me retrouve blotti bien au chaud sous ses draps et dans ses bras. Pendant ces instants, je me sens tellement bien, tellement en sécurité. Je voudrais ne pas m’endormir, je voudrais passer la nuit à profiter de son étreinte, de la chaleur de son corps, de sa respiration silencieuse et calme.

    Cette petite maison est un nid de bonheur. Je n’ai besoin de rien de plus.

    Un autre moment que je chéris tout particulièrement, c’est le réveil à ses côtés. Ce que j’aime, c’est émerger un peu avant lui et me dire « il est là, avec moi, la vie me fait le cadeau d’une nouvelle journée en compagnie du gars que j’aime ». J’aime me réveiller avant lui pour avoir le temps de nettoyer la cheminée, aller chercher du bois, faire repartir le feu, et préparer le café. Bref, de faire de cette maison ce nid douillet que j’aime tant.

    J’adore voir mon bobrun se laisser doucement réveiller par le bruit de la cafetière italienne et par l’arôme de la boisson chaude qui monte. J’adore lui apporter son café au lit, le voir émerger des draps, le regard encore un peu vaseux, mais touché par mon geste. Et j’adore recevoir des bisous, des caresses, et beaucoup de tendresse.

    J’aime regarder le bogoss boire son café par petites gorgées, le regard dans le vide, se réveiller peu à peu. Et lorsqu’il pose sa tasse vide par terre, et que la mienne atterrit juste à côté, j’adore m’allonger à côté de lui, et poser ma tête sur son épaule, sur ses pecs ou ses abdos.

    Parfois, Jérém me prend dans ses bras, et il pose mille bisous dans mon cou. Nos lèvres se cherchent, nos doigts s’enlacent. Bien entendu, j’aime aussi le réveiller avec une gâterie matinale. Mais c’est tellement bon de prendre un café et de faire des câlins… d’abord.

    La situation me rend inventif. Ne pouvant pas vraiment lui faire plaisir avec ma bouche à cause de la capote, j’innove. Je me glisse derrière lui, je l’enserre dans mes bras, je me blottis contre son torse solide. Être si proche de son cou puissant, de ses tatouages, de ses épaules, de ses cheveux bruns, de ses beaux biceps, des petites odeurs tièdes qui se dégagent de sa peau mate, ça me fait vraiment un effet de dingue.

    Je pose des bisous dans son cou, j’envoie ma langue titiller ses oreilles. Elles m’excitent terriblement et elles sont également, je le sais, un point très érogène chez mon bobrun. J’arrive ainsi à lui arracher un premier frisson.

    Je glisse ma main sous son t-shirt, je conduis mes doigts à l’aveugle mais en sachant parfaitement où les envoyer. Ils suivent les creux de ses abdos, remontent lentement le long de la ligne médiane de son torse, s’énivrent au contact du reliefs saillant de ses pecs, apprécient toutes les nuances du contraste entre la puissance de ses muscles et la douceur de sa peau, de ses poils. Je sens son excitation monter en flèche.

    Et là, et seulement là, je glisse ma main sur sa queue déjà raide, je la saisis délicatement et je commence à la branler doucement.

    J’adore sentir ses ahanements de tout près, ses petits spasmes d’excitation, voir sa tête basculer en arrière sous le frisson du plaisir, et profiter de cette proximité pour mordiller ses oreilles.

    J’adore sentir la vibration de son bonheur sexuel se propager dans mon corps grâce à ce contact si rapproché. J’adore sentir que je tiens mon beau mâle dans mes bras, son plaisir entre mes deux mains, j’adore sentir son orgasme retentir partout en moi.

    Le lendemain de notre arrivée, nous sommes conviés au relais pour une soirée fondue organisée par JP et Carine.

    C’est avec un plaisir intact que je retrouve Arielle, toujours aussi peu douée pour la cuisine – sa tarte salée est un affront aux papilles, Martine – sa bonne humeur est toujours aussi pétaradante et contagieuse, Carine – sa curiosité et sa minauderie jamais démenties, Jean Paul – la bienveillance personnifiée, mais habillée d’un humour fin et poilant, Nadine au rire tonitruant et implacable, Marie Line et Bernard – un couple dont la simple présence dégage une zénitude incroyable, Ginette et son mari – autre couple légendaire, que ce soit pour leur belle complicité après tant d’années de vie commune, ou pour leur infinie gentillesse.

    Je retrouve également Loïc, et cette fois-ci sans Sylvain – Satine m’expliquant en aparté que leur idylle serait bel et bien terminée, Charlène ajoutant que Florian, l’ex de Loïc, chez qui nous sommes allés prendre un verre au détour d’une balade, aurait depuis quelques temps un nouveau compagnon avec qui il filerait le parfait bonheur.

    Mais aussi Daniel et sa Lola, Daniel et sa grande gueule, Daniel et son humour détonnant, Daniel et ses grimaces à la « De Funes », Daniel et ses blagues de cul. Mais surtout, Daniel, sa guitare et sa voix.

    Une guitare et une voix qui nous font voyager et qui nous portent loin dans la nuit sur des airs populaires, dans une ambiance bon enfant qu’on a envie de faire durer encore, encore et encore. Même au-delà de cette vingtième fois où ce fou chantant nous annonce sans y croire, et sans le souhaiter vraiment, que « mesdames et messieurs, ceci sera mon dernier rappel ».

    La nuit s’étire dans la bonne humeur, dans cette ambiance déjantée qui réchauffe le cœur, dans le partage de l’un de ces moments de convivialité que je n’ai trouvé ailleurs que dans ce village, dans cette salle, avec ces cavaliers. Et des moments comme ça, ça fait tellement de bien.

    D’autant plus que, dans cette ambiance magique, mon Jérém a l’air tellement heureux. Définitivement, c’est ici à Campan que je retrouve le Jérém que j’aime.

    Daniel est en train de tout donner sur « L’amour c’est comme une cigarette », lorsque je vois mon bobrun se lever et se diriger vers la cheminée pour, justement, fumer une cigarette.

    Une autre chanson démarre, et Jérém est seul à côté du feu, l’air pensif. Je ne peux m’empêcher d’aller le rejoindre et de lui demander :

    « Ça va ? ».

    « Je suis heureux » il me lance, sans quitter le feu des yeux.

    « Moi aussi je suis heureux ».

    « C’est ça que j’aime te proposer, pas ce que je peux te proposer à Paris » fait mon Jérém, sa main cherchant la mienne.

    « Je sais, je sais ».

    « OOOOOh les amoureux » j’entends Satine nous charrier.

    Puis, une seconde plus tard, un chœur composé de toutes les nanas et de quelques gars également, et certainement de la somme de tous les verres descendus depuis le début de la soirée, répétant à tue-tête :

    « Le bisou, le bisou, le bisou, le bisou, le bisou ».

    Jérém a l’air surpris, mais très vite je le vois lâcher un magnifique sourire canaille, craquant à souhait.

    « Ok, nous allons nous embrasser » je l’entends annoncer « mais à condition que tous les couples se roulent une pelle en même temps que nous ».

    « Chiche ! » fait JP.

    « Oui, chiche ! » fait Daniel.

    « Et ceux qui sont célibataires ? » s’insurge Satine.

    « Tu cherches un célibataire et tu lui roules une pelle » fait Jérém, joueur.

    « On va se contenter d’une bise ».

    « Allez, au trois, tout le monde s’embrasse » fait mon bobrun, avant de poser ses lèvres sur les miennes .

    Pendant la semaine entre Noël et le jour de l’an nous nous penchons sur nos révisions pour les partiels. Je découvre un Jérém en mode « étudiant », à la fois sexy et touchant. Un Jérém appliqué, motivé, qui me demande parfois de l’aider à comprendre certains passages, avec une attitude de gosse qui interpelle son prof, comme si ça le gênait de me déranger ou de montrer ses faiblesses.

    Je n’avais jamais réalisé que sa dyslexie compliquait à ce point son apprentissage. Il faut dire que je ne l’avais jamais vraiment vu bosser auparavant. Nos « révisions » rue de la Colombette étant plus « récréatives » que studieuses.

    Je suis ému de le voir autant d’énergie pour lire et comprendre un texte, butant parfois longtemps sur un mot, le plus souvent des mots « abstraits ».

    Mais sa motivation, sa persévérance et son courage me touchent, et suis heureux de pouvoir l’aider. J’essaie de l’encourager pour qu’il se sente à l’aise à m’interpeller autant que nécessaire, et ça finit par devenir un jeu, un plaisir partagé.

    Nous retrouvons les cavaliers deux jours avant le réveillon de fin d’année pour une journée ski. Au menu, pistes bleues et noires pour les plus expérimentés, rouges et bleues pour les débutants comme moi. Sur le papier, une belle journée en vue.

    Mais tout ne va pas se passer pour le mieux. Déjà, la première journée de ski de ma vie commence mal. Je réalise trop tard, c’est-à-dire une fois sur la piste, que mes chaussures de ski sont trop petites. Du coup, je ne suis pas à l’aise dedans, ce qui me déconcentre.

    Heureusement, comme ça avait déjà été le cas pour le cheval, Jérém ne me lâche pas d’une semelle – là encore, mention spéciale pour le panache avec lequel il arrive à porter ce bonnet improbable, à pompon et multicolore, qu’il a pu se procurer au magasin de location de skis, le sien étant resté à la petite maison. Alors que moi, avec un bonnet semblable, acheté dans le même rayon, j’ai vraiment une tête de con.

    Le bobrun m’apprend les rudiments de la glisse – évidemment, en plus d’être rugbyman pro, cavalier expérimenté, très bon nageur, il sait aussi bien skier – et il fait preuve d’une patience remarquable. Et comme ça avait été également le cas pour le cheval, Charlène et JP apportent chacun leur contribution à mon apprentissage « sur le tas ».

    Malgré cela, j’enchaîne les maladresses, les chutes, les déchaussements de skis. Une fois, alors que je viens de déchausser à nouveau au beau milieu d’un virage, je n’arrive pas à me relever tout de suite. Et là, je vois mon ski commencer à glisser dans le sens de la pente. Je le regarde, impuissant, en train de se diriger vers la falaise boisée hors-piste.

    Et là, je vois Jérém arriver comme une fusée et rattraper le ski de justesse, juste avant qu’il se perde dans le grand blanc.

    « Mais qu’est-ce que tu fiches ? » il me gronde gentiment, tout en se marrant « tu pouvais pas appeler ? T’as failli perdre ton ski ».

    « Je pensais que j’arriverais à le rattraper ».

    Jérém m’aide à me relever et à rechausser mon ski. Nous reprenons la descente. Le bobrun repart à l’aise. Quant à moi, on dirait un canard dans le désert. Je suis peureux et donc maladroit et empatté.

    Régulièrement, des skieurs chevronnés passent tout près de moi, lancés comme des fusées. Le bruit de leur vitesse, presque un vrombissement, m’impressionne. Leur arrivée et leur passage me surprennent, me font peur. J’ai l’impression que leur vitesse m’aspire, comme lorsqu’on double un semi-remorque sur l’autoroute. Je perds toute concentration, je me raidis, mon équilibre précaire est mis à rude épreuve.

    Mais à force de persister et de prendre sur moi, peu à peu j’arrive presque à trouver un début d’assurance. Je reprends la descente et je commence à avoir l’impression de m’en sortir un peu mieux. Déjà, je ne tombe plus. Et ce, depuis plusieurs… secondes !

    Mais ça ne va pas durer.

    Au milieu de la descente, je finis par tomber à nouveau. Je me sens de plus en plus épuisé, et j’ai vraiment du mal à me relever. Jérém est déjà en bas de la piste et il ne peut plus venir m’aider. Je serre les dents, et c’est au prix d’un grand effort que j’arrive à me remettre debout. Une fois d’aplomb, je tiens péniblement sur mes jambes et sur mes genoux déjà bien fatigués.

    Je regarde en bas, Jérém a disparu. Je pense qu’il a dû repartir au télésiège pour remonter et venir me rejoindre. Je prends une grande inspiration et je m’apprête à reprendre la descente. Et là, un skieur en combi rouge feu passe si près de moi qu’il m’effleure. Le contact est tout léger. Mais rien qu’à cause de la surprise, je tombe à nouveau.

    « Mais quel connard ! » j’entends Jérém pester quelques instants plus tard, tout en m’aidant à me relever.

    « Je ne pense pas qu’il ait fait exprès ».

    « Il n’a pas fait attention non plus ce con ! ».

    Cette fois-ci, Jérém m’accompagne, il descend à mon rythme, c’est-à-dire au ralenti. Ce n’est que vers la fin de la piste, lorsque la pente se fait plus douce, que j’arrive enfin à retrouver confiance et à glisser avec un peu plus d’aisance.

    « Ça te dit de refaire cette piste ? » me questionne le bobrun.

    « Oui, je veux bien » je lui réponds, boosté par ma réussite sur les dernières longueurs de la descente.

    Le télésiège est à l’arrêt, et il y a quelques skieurs en train d’attendre. Parmi eux, on ne voit que la combi rouge feu.

    « Tiens, le voilà, lui » j’entends Jérém lâcher « je vais aller lui expliquer un truc ».

    « Non, Jérém, laisse tomber, je ne pense vraiment pas qu’il l’ait fait exprès » je tente de l’en dissuader, en craignant l’approche de Jérém, la réaction du mec, et une bagarre en vue.

    Mais évidemment, Jérém n’en fait qu’à sa tête.

    « Eh mec ! » il lui lance sur un ton agressif.

    Le mec se retourne, il nous toise et il lâche :

    « C’est à moi que tu causes ? ».

    « A toi, oui » fait Jérém, sur un ton bagarreur.

    « Tu me veux quoi, toi ? ».

    « Tu devrais faire plus attention aux autres skieurs ».

    « Mais de quoi je me mêle ? ».

    « Tu as fait tomber mon pote ».

    « S’il ne sait pas skier, il a qu’à faire du fond ».

    « Si tu veux aller vite, t’as qu’à faire des pistes noires ».

    « C’est ton œil qui va être noir si tu n’arrêtes pas de me casser les couilles ».

    « Tu veux voir ? » fait mon bobrun, remonté à bloc.

    « Oui, je veux bien voir » fait le gars, de plus en plus insolent et provocateur.

    « Arrête Jérém, ça ne fait rien ».

    « Tu dois vraiment bien l’aimer ton pote si tu es prêt à te faire casser la tronche pour lui ».

    Soudain, j’ai peur. J’ai peur parce que je sens la bagarre venir. Soudain, je repense à une autre occasion où j’ai vu Jérém monter en pression. C’était dans les chiottes de la boîte de nuit à Toulouse, la nuit où il m’avait débarrassé d’un type saoul qui voulait me cogner. Ça m’avait profondément touché qu’il vienne à mon secours. Mais j’ai tellement peur de la bagarre, et des dangers qu’elle comporte. La violence et l’affrontement me tétanisent. Je ne me suis jamais battu de ma vie, et je m’en passe bien.

    Aujourd’hui comme lors de cette nuit déjà lointaine, je sens cette escalade entre jeunes coqs monter en puissance et atteindre un point de non-retour. Je me sens bloqué, je suis incapable d’intervenir. Et j’ai terriblement peur qu’il puisse arriver malheur à mon bobrun.

    « Tu fermes un peu ta gueule, connard ou c’est moi qui vais te la fermer » j’entends Jérém atteindre le point de non-retour, le regard noir comme le ciel qui annonce un violent orage d’été.

    Et là, je vois le gars s’avancer vers mon bobrun, l’air vraiment belliqueux. Sa carrure est massive, son attitude impressionnante.

    « Oh, les gars, vous arrêtez ça tout de suite ! ».

    C’est une voix familière et ô combien rassurante qui vient à notre secours. Je me retourne et je vois JP et Martine ralentir sur leurs skis et s’arrêter tout près de nous. La voix de cette dernière, ferme, autoritaire, suffit à bloquer l’énergumène dans son élan.

    « T’es sa mère, toi ? ».

    « Non, je ne suis personne, mais si vous vous battez j’appelle le type des remontées et votre journée ski à tous les deux est finie sur le champ. C’est ça que vous voulez, les gars, pour cette journée ensoleillée, parfaite pour skier, vous faire jeter à 15 heures ? ».

    « C’est pas moi qui ai commencé » fait le type.

    Jérém ne dit rien, mais il conserve son regard bien noir et menaçant, et il est sexy à mort.

    « Mais t’as quel âge ? » se moque Martine.

    « Allez, on ne va pas se fâcher pour ça. Désolé pour l’incident. Tu as raison, je ferais mieux d’aller sur des pistes de mon niveau » fait le gars, en changeant d’attitude du tout au tout, visiblement intimidé par la présence et le caractère de Martine.

    Mais avant de partir, il glisse à Jérém :

    « T’as pas intérêt de croiser ma route une deuxième fois ».

    « Toi non plus, je t’assure ».

    « Regarde ce gars, le pauvre. Tu lui as foutu la frousse, Martine » fait JP, moqueur.

    « Grand bien lui fasse ».

    « Tu sais que tu m’as fait peur à moi aussi ? » il continue, taquin.

    « N’importe quoi ».

    « Je t’assure, j’ai les poils des bras qui se sont dressés ».

    « Mais qu’est-ce qui s’est passé ? » elle nous questionne.

    « Le gars descendait vite, et il m’a effleuré. Mais comme je ne suis pas très assuré, ça m’a fait tomber » j’explique.

    « Il n’a pas du tout fait attention, on aurait dit que la piste n’était que pour lui » fait Jérém, sur un ton très irrité.

    « Et ça c’est une raison pour en venir aux mains ? ».

    « Je n’avais pas besoin de ton aide ».

    « Non, c’est sûr, tu n’avais pas besoin de mon aide pour te battre. Mais tu avais besoin de mon aide pour ne pas te battre. Et ne pas se battre est toujours mieux ».

    « Il doit vraiment t’aimer pour aller s’attaquer à un type plus solide que lui » me glisse Martine pendant que nous attendons le télésiège.

    Il faut plusieurs remontées et plusieurs descentes à Jérém pour se calmer.

    « Ca me touche beaucoup ce que tu viens de faire » je trouve le cran de placer, pendant une nouvelle remontée en télésiège « mais je ne veux pas que tu te mettes en danger pour moi. J’ai trop peur qu’il t’arrive quelque chose. Je tiens trop à toi »

    « Je n’aurais pas dû chercher ce type. Mais je ne supporte pas qu’on te fasse du mal » finit par admettre Jérém, avant d’ajouter « Si je m’écoutais, j’irais à Bordeaux chercher ce type qui n’a pas voulu se faire dépister et je lui casserais la tête ».

    « Mais ça ne servirait à rien ».

    « Je sais ».

    Jérém ayant retrouvé le sourire et sa complicité avec Martine, la journée se termine ainsi dans la bonne humeur. Le soir, nous nous retrouvons pour une soirée raclette au relais.

    Une nouvelle fois, l’ambiance bon enfant réchauffe la grande salle au même titre que le feu qui brûle dans la grande cheminée. Une nouvelle fois, la guitare de Denis a le dernier mot pour clore un délicieux moment entre potes.

    Charlène insiste pour que nous restions à nouveau dormir chez elle, « vous n’allez pas rentrer à cette heure dans une maison glaciale, de toute façon, je n’ai pas enlevé les draps dans la chambre d’amis ». Ce soir nous sommes bien fatigués, car le ski est un sport très physique. Ce soir, nous ne faisons pas l’amour. Nous nous contentons de tendresse, de câlins, et du bonheur apaisant de sentir le contact du corps chaud de l’autre contre le sien. Et dans notre étreinte, c’est notre amour réciproque que nous ressentons, sans besoin d’ajouter le moindre mot.

    Pendant ces derniers jours de l’année, le sexe ponctue nos journées, notamment nos pauses entre révisions, et nos nuits. Peu à peu, nous nous habituons à cet « intrus » en latex qui s’invite de force entre nous à chaque fois que nous avons envie de faire l’amour.

    Le fait de se protéger devient un automatisme, et je finis par trouver les gestes de chausser la capote avant l’amour et de la retirer après, bien pleine, à la fois terriblement frustrants mais aussi terriblement érotiques.

    La capote ne fait pas qu’imposer sa présence, elle impose également ses temps. Jérém est bien plus long à jouir avec le préservatif. Mais ce n’est pas plus mal, c’est même très plaisant. Il n’est plus dans la « performance », ni dans le « timing », ni dans l’étalage de sa puissance virile. Désormais, il prend son temps, il prend son pied, avec moi, et c’est délicieux.

    Un soir nous sommes invités avec quelques autres cavaliers à dîner chez Ginette et son mari. La soirée se termine vers 2 heures du mat. Jérém a un peu bu et il me passe les clefs de sa voiture. A vrai dire, je ne me sens pas très à l’aise à l’idée de conduire sa voiture dans le chemin étroit et verglacé qui conduit à la petite maison. Mais mon bobrun a l’air assez éméché, alors je prends sur moi et j’accepte de prendre le volant.

    Oui, mon bobrun a l’air un tantinet saoul, ce qui, le connaissant un peu, laisse présager une fin de soirée très fougueuse.

    Je ne m’y suis pas trompé. A la petite maison, dès la porte refermée derrière nous, le bobrun se jette sur moi, ses lèvres et sa langue comme affamées de mes lèvres, de ma peau, de mes oreilles, ses mains avides de caresser mes cheveux, de se glisser sous mon t-shirt, et dans ma braguette.

    Très vite, nous nous retrouvons nus, sous la couette, nos corps cherchant fébrilement dans celui de l’autre à faire monter l’excitation, à provoquer le frisson qui appelle le plaisir.

    Je me retrouve à faire glisser ma langue dans la ligne médiane de son torse, cette délicate vallée courant au beau milieu du double relief de ses pecs, descendant jusqu’à ses abdos, cette « plaine » creusée par ailleurs par d’autres délicieux sillons transversaux, un bas-relief magnifique, expression d’une musculature parfaite.

    Nos mains et nos doigts caressent et excitent nos tétons respectifs. Je sens son excitation, elle nourrit la mienne, la mienne nourrit la sienne. Nous sommes embarqués dans une spirale qui nous mène tout droit vers une dimension de désir inouï.

    Après l’avoir longuement branlé, tout en agaçant ses tétons avec ma langue, je me retrouve à cheval sur son bassin, sa queue calée entre mes fesses, mes reins ondulant lentement pour provoquer de légers frottements de son gland dans ma raie et décupler encore son excitation. Je sais que je vais devoir mettre une capote. Mais j’ai envie de faire durer cet instant d’excitation.

    Le bobrun me fait basculer avec ses bras puissants, et je me retrouve allongé sur le dos, dominé par son corps musclé. Son haleine alcoolisée et sa fougue rajoutent de l’excitation à cet instant de pur bonheur sensuel.

    Jérém se faufile entre mes cuisses, et je sens son gland glisser dans ma raie et amorcer des petits frottements très excitants. Une excitation qui se teinte d’inquiétude lorsque je réalise qu’il vise précisément mon trou, et qu’il vise à le pénétrer « à cru ».

    Ça m’excite terriblement, car j’en ai sacrement envie aussi. Mais la peur est plus forte que l’envie. Dans ma tête, les mots du médecin lors de la deuxième consultation, résonnent toujours avec la même cinglante intensité : « Surtout, surtout, si vous avez des rapports, que vous soyez actif ou passif, protégez-vous et protégez votre partenaire. N’oubliez pas le préservatif sous aucun prétexte »

    « Non, Jérém, pas comme ça, il faut une capote ».

    « Allez… j’en peux plus des capotes… j’ai envie… de te gicler dans le cul » fait-il avec une voix ralentie par un mélange d’alcool et d’excitation.

    Rien que ses derniers mots ont le pouvoir de provoquer en moi une montée d’excitation qui me ferait presque perdre de vue le fait que je dois continuer à nous protéger. Mais j’arrive quand-même à garder raison.

    « Non, on ne peut pas, on ne peut pas ».

    « Allez, laisse-toi aller, ça va aller » il insiste.

    « On ne peut pas faire ça comme ça ».

    « Allez ! S’il te plaît… juste une fois » il persiste, tout en continuant à forcer son gland sur ma rondelle.

    Je sens que la pression qu’il exerce va vite vaincre la résistance de mes muscles.

    « Non, Jérém ! » je m’entends lâcher brusquement, tout en saisissant ses biceps si développés que mes mains n’arrivent pas à en faire le tour, et en le faisant basculer sur le côté.

    « Tu fais chier ! Bordel ! » il me balance, en quittant le lit comme un ressort qui vient d’être relâché. Il passe un t-shirt et un boxer. Il attrape son paquet de cigarettes et il part en fumer une à côté du feu. Ses gestes sont brusques, ils traduisent son agacement.

    « Moi aussi j’ai envie de toi sans capote » je lui explique en m’installant à côté de lui « si tu savais comment j’ai envie de te sentir jouir en moi ! ».

    « Désolé » je l’entends chuchoter, soudainement ravisé « c’est toi qui as raison ».

    « Je ne veux pas t’exposer au moindre risque. J’ignore comment tout ça va se finir, si je vais être négatif ou bien si… ».

    « Ne dis pas de bêtises, tu seras négatif ! » il me coupe, tout en me serrant fort contre lui.

    « Mais je sais que si jamais je te contaminais » je continue, ému « je ne m’en remettrais pas ».

    « C’est de ma faute tout ça, si tu savais comment je m’en veux ».

    « Je te le répète, ce n’est pas de ta faute. C’est la faute à pas de chance. Ne laissons pas cet accident gâcher ces moments. L’important c’est que nous soyons ensemble, et que nous soyons heureux ensemble. C’est ce qui compte le plus pour moi ».

    « Je ne te mérite pas ».

    « Maintenant c’est toi qui dis des bêtises ».

    Mes mots sont suivis pas un long moment de silence. Pendant de longs instants, j’ai l’impression que Jérém veut me dire quelque chose sans y parvenir, comme si les mots restaient bloqués au fond de sa gorge. C’est une impression qui me vient d’après sa respiration agitée, ponctuée par des inspirations qui ressemblent à celles qu’on prend juste avant de parler.

    Je voudrais lui demander de me parler, je voudrais savoir qu’est-ce qui est si difficile à dire. Mais je n’ose pas, je ne veux pas le forcer, je ne veux pas gâcher la magie de cet instant. Mais ma curiosité travaille à bloc, et pendant ce temps mon cœur tape à mille.

    J’attends un mot, mais ça ne vient pas. Ce qui vient en revanche, c’est une pluie de câlins et de la tendresse.

    De retour au lit, nous recommençons ce que nous avons interrompu un peu plus tôt. Jérém passe une capote, et nous faisons l’amour. Et, en dépit de cette protection, c’est divinement bon. Nous nous aimons, nous nous respectons, nous nous protégeons.

    Tous mes sens sont envoûtés.

    La vue, par la beauté de son corps et sa présence, ses attitudes de mec viril et amoureux.

    L’odorat, par l’empreinte olfactive de sa présence, la fragrance tiède de la peau et de sa virilité.

    L’ouïe, captivée par le crépitement du feu dans la cheminée, par la sensualité de sa respiration, le frottement de nos corps, et par les innombrables claquements de nos bisous.

    Le goût, celui de sa peau, et celui de sa bouche que je ne cesse d’embrasser.

    Et le toucher, mon Dieu comment le toucher est un feu d’artifice pendant l’amour avec Jérém ! Le contact de nos corps, de nos torses, la présence de sa queue en moi, les caresses de ses mains, de ses doigts habiles, de sa langue adroite, la chaleur virile et sensuelle de son corps de mâle.

    Oui, tous mes sens sont concernés par les bonheurs de l’amour. Un plaisir qui ne tarde pas à s’embraser, provoquant mon orgasme. Et ce, sans le moindre contact sur ma queue, juste en regardant, en sentant mon beau mâle brun coulisser lentement et sensuellement en moi.

    Je jouis en premier. Et là, je vois Jérém relever son torse, et me dominer avec toute l’envergure de son torse musclé. Ses coups de reins prennent de l’ampleur. Sentant son orgasme approcher, j’envoie mes doigts caresser et agacer ses tétons pour amplifier encore son plaisir.

    Une poignée de va-et-vient plus tard, il jouit à son tour, lentement, longuement, assommé par le plaisir. Et, à en juger de l’expression se son visage, je dirais qu’il vient de vivre l’un des orgasmes les plus intenses de sa vie. Tout comme ça a été mon cas quelques instants plus tôt.

    Une autre nuit, Jérém veut que je le prenne. Bien sûr, ça commençait à me manquer. Et pourtant, je suis mort de trouille. J’ai trop peur que quelque chose se passe mal, que la capote casse, je suis tétanisé.

    « Tu n’as pas envie ? » il me questionne, face à mon hésitation.

    « Bien sûr que j’ai envie mais j’ai trop peur qu’il y ait un accident ».

    « Tu vas faire doucement et il ne va rien arriver ».

    Je finis par me laisser convaincre. Je rentre en lui, mais la peur me fait débander. Mais Jérém ne s’avoue pas vaincu. Il s’occupe de moi, il excite mes points sensibles, jusqu’à ce que je rebande.

    Un brin rassuré, reboosté par ses caresses, je ressaie, je me laisse à nouveau glisser en lui. Et pendant que je coulisse doucement entre ses cuisses musclées, j’ai l’impression que le plaisir que mon bobrun retire pendant que je lui fais l’amour n’a jamais été aussi intense.

    « Qu’est-ce que tu m’excites, beau mec ! » je l’entends me lancer, rugissant d’excitation, tout en empoignant mes pecs et mes tétons avec ses mains avides de contact sensuel.

    « Tu aimes ça, hein ? » je me surprends à prendre plaisir à jouer au mec sûr de lui.

    « Je kiffe grave ».

    « Je vais jouir… ».

    « Fais-toi plaisir, beau mec ! ».

    Lorsque je jouis, Jérém jouit à son tour, presque en même temps que moi, parsemant son torse puissant de traînées brillantes et odorantes.

    Après l’apothéose du plaisir, je me sens comme lessivé. Je me retire vite, pressé de vérifier la tenue de ma capote. Tout va bien de ce côté.

    Jérém vient de s’essuyer, et je me colle contre son torse, je m’enivre des petites intenses odeurs de mâlitude qui se dégagent de son corps après l’amour. Mon bobrun me prend dans ses bras et je me laisse happer par cet abandon des sens, par cette petite absence qu’est le contrecoup des plus beaux orgasmes.

    « C’était très bon » je l’entends me chuchoter à l’oreille.

    « Faire l’amour avec toi, c’est toujours bon, et plus que ça même ».

    « Tu y prends goût à jouer les petits mecs ».

    « C’est pas faux ».

    « Et tu te débrouilles plutôt pas mal ».

    « J’essaie, je découvre ».

    « Tu prends de l’assurance ».

    « Tu trouves ? Je me trouve toujours maladroit ».

    « Ah, non, tu es même plutôt sexy quand tu fais le « mec »… ».

    « J’ai un bon prof depuis sept mois ! ».

    Le bogoss sourit, avant d’ajouter :

    « Au début, j’étais attiré par toi justement parce que tu n’étais pas très viril. Je te voyais comme un mec passif, soumis, qui adorait mon corps et ma queue et qui ne me refuserait jamais rien. Au début, je croyais que c’était ça qui me faisait de l’effet. Mais en fait, c’est pas ça. En tout cas, ce n’est plus ça ».

    « Et c’est quoi alors ? ».

    « Plus tu gagnes de l’assurance, plus tu deviens « mec », plus je te trouve bandant ».

    « Parce que je te fais l’amour ? ».

    « Aussi. Mais ce sont tes attitudes que je trouve très excitantes. Le fait que tu me tiennes tête. Et cette petite barbe que tu te laisser pousser, putain, je kiffe vraiment ! ».

    « Merci ».

    « Avant de coucher avec toi » il ajoute après s’être allumé une cigarette « je pensais que les types qui se font prendre n’étaient que des pd qui aiment faire plaisir aux mecs ».

    « Ah, tu avais une sacrée image de moi » je plaisante.

    « Mais en couchant avec toi, je me suis rendu compte que tu prenais beaucoup de plaisir à ça » il enchaîne « Et ça a commencé à m’intriguer. Mais c’était pas simple à assumer.

    En étant exclusivement actif, c’était facile de continuer à me dire que je n’étais pas vraiment gay, que je ne faisais que baiser un gars qui kiffait ça.

    Et je me disais qu’au moment où je me laisserais prendre, je ne pourrais plus revenir en arrière, et je devrais accepter le fait que j’étais vraiment gay ».

    « C’est bizarre, parce que tu étais le seul gars avec qui je me voyais tenter cette expérience » il continue, après avoir jeté son mégot dans le feu « mais en même temps, je pensais que si je te montrais que j’avais ce genre d’envie, ton regard sur moi changerait. Et je ne pouvais pas accepter ça ».

    « Et pourtant, c’est exactement l’inverse que je ressens. Je ne t’ai jamais trouvé autant couillu que depuis que tu acceptes tes envies, toutes tes envies ».

    « Je ne voyais pas les choses comme ça. Je me disais que si je cédais à ça, je ne serais plus jamais un vrai mec.

    Je sentais que tu en avais envie depuis un certain temps, mais jamais tu m’as mis la pression. Et quand le moment est venu, tu as été très doux. Tu as su rendre ça beau et sensuel. C’était juste parfait ».

    « Et depuis, tu kiffes… » je considère.

    « Je kiffe, c’est sûr. Quand tu es là avec moi, tout ça me paraît tellement naturel. Mais quand tu es loin, tout se complique dans ma tête ».

    Nous avions prévu de faire le réveillon du nouvel an chez Charlène, avec une partie de la petite bande de cavaliers, et de rester dormir une nouvelle fois au centre équestre.

    Mais la météo vient d’en décider autrement. En fin d’après-midi, alors que nous venons de faire l’amour une nouvelle fois et que nous nous apprêtons à bouger, une puissante tempête de neige vient ajouter plusieurs dizaines de centimètres de poudreuse, rendant la petite route impraticable et provoquant de surcroît une coupure d’électricité.

    Nous voilà isolés du monde, un soir de 31 décembre.

    Nous nous arrangeons avec les quelques provisions restantes pour préparer un semblant de repas de réveillon. En fait, il reste des œufs, du râpé, de la salade. Une omelette en guise de repas du nouvel an, c’est original. C’est pas le luxe, mais c’est mieux que rien. Et puis, tout est délicieux du moment que c’est partagé avec le gars que j’aime.

    Après ce mémorable « banquet », nous nous réchauffons devant la cheminée. Jérém est blotti dans mes bras, sa main caresse doucement mon avant-bras. J’ai l’impression que nos cœurs ont rarement été aussi proches. Et alors que je suis sur le point d’amorcer la discussion concernant notre avenir, une discussion qui, malgré tout, m’angoisse toujours, j’entends le bobrun me lancer :

    « C’est qui ce gars avec qui tu as couché à Bordeaux ? ».

    « Un mec qui m’a abordé dans le train ».

    « Et c’était quoi entre vous ? ».

    « C’était une distraction, rien de plus. Tu me manquais à en crever et ce gars me changeait les idées ».

    « Je t’ai laissé tomber, et je n’aurais pas dû ».

    « J’ai mes torts aussi. Mais le passé est passé, et on ne peut pas le changer. Ce qui est important, maintenant, c’est ce qui va se passer quand tu vas rentrer à Paris et moi à Bordeaux ».

    « Maintenant j’ai une voiture, et je pourrai bouger plus facilement ».

    « Mais tu n’as pas le temps de venir à Bordeaux ».

    « C’est vrai. Mais nous pourrions nous retrouver quelque part à mi-chemin, genre à Tours ou à Poitiers. Je serai loin de Paris et je serai plus serein. Nous pourrions prendre un hôtel, si tu peux te libérer quand j’ai un après-midi off. Tiens, je ne suis jamais allé au Futuroscope. Il paraît que c’est génial, nous pourrions y aller tous les deux ».

    « Ce serait merveilleux ».

    « Et ça le sera. Je ne veux plus qu’on se perde, je ne veux plus rester des mois sans te voir ».

    « Moi non plus je ne veux plus rester des mois sans te voir, plus jamais ça ! ».

    « Mais pour le reste, on va faire comment ? » j’enchaîne, tant que nous sommes dans les perspectives d’avenir « Je veux dire… tu vas continuer à te taper des nanas pour garder les apparences ? ».

    « Je pense que je leur ai suffisamment montré de quoi j’étais capable. Et puis, j’ai désormais un allié de taille ».

    « Un allié ? ».

    « J’ai parlé à Ulysse ».

    « Tu lui as parlé… de quoi ? » je fais, interloqué.

    « De moi. Je lui ai dit qui je suis ».

    « Tu lui as parlé de… ».

    « De toi, de nous ».

    Je suis scié. Jérém a fait un coming out auprès de son co-équipier.

    « Le soir avant mon départ pour Toulouse, il y a deux jours, je n’allais vraiment pas bien » il me raconte « il m’a fait parler. Il a fini par me demander si je voyais toujours ma copine de Bordeaux ».

    « Et tu lui as répondu quoi ? ».

    « Que c’était compliqué. Alors il a voulu savoir pourquoi c’était si compliqué. Et là, je lui ai dit que ça l’était parce que ce n’était pas une copine mais un copain… un petit copain ».

    « Et il l’a pris comment ? ».

    « Bien, très bien ».

    [« Tu sais, Jérém, ça ne change rien pour moi. Tu es mon pote et je prends comme tu es ».

    Les mots d’Ulysse lui avaient ôté un grand poids du cœur, et il s’était senti comme revivre.

    « Je m’en voulais de te mentir ».

    « Tu m’en as parlé quand tu t’es senti prêt à le faire ».

    « Ça me soulage que tu le prennes comme ça ».

    « Vraiment, je veux que ce soit clair, ça ne change rien entre nous. Au contraire, ça me touche que tu me fasses confiance. Et tu peux me faire confiance. Bien entendu, ça restera entre nous, je n’en parlerai à personne, même pas à ma copine. Et tu peux compter sur moi si tu as besoin de quoi que ce soit.

    Mais arrangez-vous pour vous voir en dehors de Paris. Bordeaux c’est loin, mais vous pouvez peut être vous retrouver quelque part à mi-chemin. Vous serez plus tranquilles, vous serez mieux ».

    « Merci beaucoup, je ne sais pas quoi dire… tu es un vrai pote… ».

    « Je ne t’en ai jamais parlé, mais mon petit frère est gay lui aussi. Nous sommes très proches, et je sais à quel point c’est compliqué d’être heureux quand on est différent des autres. Ce que je regrette, c’est de ne pas le voir plus souvent, et de ne pas être là pour le soutenir, pour l’aider.

    Tu sais, si je me suis autant rapproché de toi, c’est parce que d’une certaine façon, tu me fais penser à lui. Tu as à peu près le même âge que Dylan, et tu es un gars génial, tout comme lui. Le fait de pouvoir être là pour toi me donne l’impression de me rattraper, et apaise mon regret de ne pas pouvoir être présent pour lui »].

    « Ulysse est un vrai pote. Ça m’a fait du bien de lui en parler ».

    « C’est une bonne chose qu’il ait bien réagi. Et alors, il se doutait de quelque chose ? ».

    « Il m’a dit qu’il avait eu un doute la première fois qu’il t’avait vu, au Pousse. Surtout quand Léo avait parlé de cette nana avec qui il disait que j’avais couché. Il a eu un doute parce que tu faisais la tête. Après, quand il t’a vu te pointer chez moi par surprise, il a compris ».

    « Je n’aurais peut-être pas du débarquer de cette façon ».

    « Quand tu as débarqué à l’appart, j’étais contrarié parce qu’Ulysse était là. Mais ça m’a fait super plaisir que tu sois venu, même si je t’avais dit de ne pas venir. Ou justement parce que tu es venu malgré mon refus. Dès que je t’ai vu, j’ai eu envie de te serrer dans mes bras, et de te faire l’amour. Ta présence me fait du bien ».

    « C’est la même chose pour moi. Je me sens plus fort quand je suis avec toi ».

    « Je voudrais ne plus te faire souffrir ».

    « Je voudrais que tu me parles davantage quand ça ne va pas ».

    « Je ne suis pas habitué à me sentir aimé et ça me fait peur ».

    « Qu’est-ce qui te fait peur, au juste ? ».

    « Tes sentiments, ton attachement ».

    « Et pourquoi, ça ? ».

    « Au début, tes sentiments me faisaient peur parce que ça rendait nos baises trop… « pd ». Et puis, tu m’as obligé à cesser de me mentir. Mais c’était dur d’admettre la vérité ».

    « Et quelle était cette vérité ? ».

    « La vérité c’est que je m’attachais trop à toi. Et que je n’arrête pas de me dire qu’un jour tu en auras marre de moi et que tu me laisseras tomber. Et je ne peux pas supporter l’idée qu’on me laisse tomber. J’ai trop souffert de l’abandon pendant mon enfance, j’ai trop peur de revivre ça ».

    La peur, encore la peur. Tant de fois j’ai entendu parler Jérém de peur, et je me suis entendu moi-même parler de peur. En fin de compte, c’est la peur avant toute chose qui nous empêche d’être heureux.

    « Tu sais, Jérém, moi aussi j’ai peur de te perdre. Tout le temps, et depuis toujours. J’avais déjà peur de te perdre quand nous n’étions même pas encore ensemble. J’avais peur de te perdre quand on ne faisait que baiser chez toi, et que tu me disais que tu ne voulais rien de plus. A chaque fois que je repartais de chez toi, je me disais que je ne te reverrais probablement plus jamais.

    J’avais peur de te perdre même avant qu’on commence à coucher ensemble. En fait, j’ai eu peur de te perdre dès le premier jour du lycée, dès que je t’ai vu dans la cour avec tes potes, dès que j’ai croisé ton regard ».

    « Et comment tu arrives à gérer cette peur ? ».

    « Je pense qu’aimer quelqu’un, c’est lui donner la clé de son propre cœur, de son propre bonheur. Oui, aimer, c’est s’exposer au risque de souffrir. Mais quand on aime, on est tellement heureux. Je pense qu’on ne connaît le vrai bonheur que lorsqu’on connaît l’amour.

    Alors, est-ce qu’il faut s’empêcher d’aimer pour écarter le risque de souffrir, et ne jamais connaître non plus le vrai bonheur, ou bien faut-il prendre le risque ? ».

    « Je n’en sais rien ».

    « Moi, perso, je prends le risque. Je prends le risque parce que dans tes bras je me sens bien. Dans tes bras, je me sens chez moi. Alors, si toi aussi tu te sens bien dans mes bras, c’est qu’il y a quelque chose de spécial entre nous. Et qu’il vaut le coup de le vivre, malgré les difficultés et les peurs.

    Si tu me laisses une place dans ta vie, même quand tu es à Paris, même quand ça ne va pas fort, si tu me parles, si tu me fais confiance, je te promets que je ne te laisserai pas tomber, Jérém, jamais ».

    « Et toi, tu vas gérer comment avec les gars qui te draguent à Bordeaux ? ».

    « Je ne me fais pas non plus draguer à chaque coin de rue ».

    « Tu es beau mec, Nico, et tu attires des beaux mecs ».

    « Quand ça va bien entre toi et moi, je n’ai aucune envie de coucher avec d’autres gars. Je suis attiré, je ne dis pas le contraire, mais je ne franchirai pas le pas.

    Bien que nous soyons loin, je n’ai pas l’intention de vivre la vie d’un célibataire Je ne vais pas saisir toutes les occasions qui se présentent, et encore moins provoquer les rencontres. Je ne vais pas sortir dans le milieu, ni traîner dans les lieux de drague.

    Après, la vie est imprévisible. Tu peux faire des rencontres, je peux faire des rencontres. Ça peut arriver.

    Mais comme tu l’as dit, rien ni personne ne pourra changer ce qu’il y a entre nous, jamais ».

    Je sens mon Jérém touché. Soudain, son téléphone émet un petit son. Ce qui crée une diversion et casse la magie du moment.

    « C’est Maxou, il nous souhaite la bonne année ».

    « Ah, mince, je n’ai pas fait gaffe. Il est presque minuit » je considère.

    « A l’heure qu’il est on devrait être en train de triquer avec les cavaliers » il ajoute.

    « Tu es déçu de ne pas être avec eux ? ».

    « Non, parce que je suis avec toi ».

    « Je te fais la promesse » il enchaîne « que le prochain réveillon ce sera à Campan, et avec les cavaliers ».

    « J’adore l’effet que Campan a sur toi, Jérém ».

    « Quel effet ? ».

    « Il fait ressortir ta véritable personnalité. Et tu es si adorable ! »

    « Campan n’est qu’à nous ! » il s’exclame, l’air heureux.

    « Oui, c’est notre refuge ».

    Nous refaisons l’amour, et c’est doux, tendre. Ce petit gars viril au regard amoureux est tellement touchant. Lorsqu’il jouit, je jouis avec lui.

    « Bonne année, ourson » je l’entends me glisser, le visage dans le creux de mon épaule.

    « Bonne année, p’tit loup ».

    Et là, tout comme le soir de retour de la soirée chez Ginette, après que je l’ai empêché de me prendre sans capote, je sens que mon bobrun veut me dire quelque chose mais qu’il n’y arrive pas. Je perçois la même respiration agitée, ponctuée par des inspirations qui ressemblent à celles qu’on prend juste avant de parler.

    Mon cœur s’emballe, l’attente est insupportable. Je suis sur le point de lui lancer : « Parle-moi, Jérém, parle-moi », lorsque mon bobrun se lâche enfin.

    « Ourson… ».

    « Oui, p’tit loup ? ».

    Et là, après un court mais interminable instant de silence pendant lequel j’ai l’impression que nos cœurs vont exploser, je l’entends me glisser tout doucement :

    « Je t’aime, ourson ».

    Trois mots sur l’oreiller, trois petits mots, un monde entier.

    Bonjour à tout le monde, chers lecteurs,

    La saison 2 de Jérém&Nico vient de s’achever. A l’occasion de cette étape importante, je souhaite partager une soirée chat avec vous pour recueillir vos impressions, vos commentaires, vos ressentis, vos critiques sur ces deux dernières années d’écriture, ainsi que pour connaître vos attentes pour la saison 3 à venir.

    La soirée se tiendra le mercredi 25 novembre 2020 à 21h00.

    Pour y participer, rien de plus simple, il suffit de cliquer sur le lien suivant :

    https://discord.com/invite/QxErkvW

    J’espère vous retrouver nombreux.

    Ps : au cours de la soirée chat, un extrait de la saison 3 sera dévoilé.

    Jérém&Nico ce sont plus de 150 épisodes sur 6 années d’écriture, avec un cumul de vues qui approche désormais les 3 millions.

    Merci à chacun et chacun d’entre vous  pour votre fidélité, pour vos commentaires, pour votre soutien.

    Un merci particulier à FanB pour son engagement et son aide précieuse dans la finalisation des épisodes.

    Fabien

    Commentaires

    Yann

    25/11/2020 17:28

    Je ne pourrais pas participer au tchat de ce soir et je le regrette beaucoup. Je souhaite à tous ceux qui vont y prendre part une très bonne soirée.

    Chris-j

    25/11/2020 15:51

    « je n’arrête pas de me dire qu’un jour tu en auras marre de moi et que tu me laisseras tomber. Et je ne peux pas supporter l’idée qu’on me laisse tomber. J’ai trop souffert de l’abandon pendant mon enfance, j’ai trop peur de revivre ça ». 
    Le petit Nico prend une sacrée responsabilité sur ses épaules! je ne sais pas si l’auteur en est bien conscient  

    Chris-j

    24/11/2020 19:16

    D’autres choses me viennent à l’esprit. Je me suis demandé quel était l’intérêt d’introduire dans le récit l’histoire de la contamination, et surtout d’en prolonger les conséquences. 
    Cela fait perdre aux scènes de sexe, leur saveur, surtout le matin. L’avantage c’est que l’intérêt fait plus que se déplacer sur le reste de l’histoire. En ce qui me concerne, c’est le cas depuis longtemps, mais j’ai ainsi pu vérifier le pouvoir évocateur hors du commun de l’écriture. Au moment ou Jérém dit « j’ai envie de te gicler dans le cul », il fait de l’effet à Nico, mais aussi au lecteur, donc moi. Intéressant! 

    l’épilogue est formidable, et quand Nico dit à J : « Si tu me laisses une place dans ta vie, même quand tu es à Paris, même quand ça ne va pas fort, si tu me parles, si tu me fais confiance, je te promets que je ne te laisserai pas tomber, Jérém, jamais », il fait entendre ce que j’ai pensé en lisant leur histoire. 
    Par contre, comme j’ai un peu plus de recul que Nico, ce genre de promesses me font peur. Qu’est ce qu’on sait de ce qui se passera après. 

    Pour ce que Jérém n’arrive pas à dire, je m’attendais à un truc, dramatique, qui créer une tension avant la fin. Genre, « je vais me marier », « j’ai une copine qui attend un enfant », « je pars à l’étranger », mais pas du tout à un « je t’aime ». C’est désarmant, et ça fait pleurer de joie ou d’émotion. 

    Chris-j

    23/11/2020 20:11

    Bien qu’en tous points semblables aux autres chapitres de la saga Campan, cet ultime épisode ne dégage pas la même atmosphère. Je pense que cela vient de Nico, qui s’exprime avec une absence d’insécurité qui donne une couleur neuve, résolument optimiste. Nico est enfin heureux et il n’y a plus de nuages, lui et Jérémie forme un couple. A ses propres yeux, mais aussi à ceux de Jérémie. 
    Débarrassé de ses craintes quant à l’affection que Jérém lui porte, il est beaucoup plus serein. Sa vision de Jérémie est plus large, et il en est même à ne plus avoir besoin d’explications. Au moment ou Jérém tente d’exprimer ses difficultés, il le rassure d’un « je sais ». Sa patience, son amour sans limite ont sorti peu à peu Jérém de l’impasse où il s’était réfugié. Même son impulsivité ne lui fait plus peur et il trouve l’espace et le bon moment pour mettre des mots sur la colère de Jérém et la désamorcer. En plusieurs petites touches, on voit que Nico a pris de l’ascendant, et peut être l’ascendant sur Jérém, du moins à ce moment précis. Que ce soit pour des révisions réelles, mais aussi, tout au long de l’épisode. Jerem « s’inquiète» sans trop le montrer, de l’attitude de Nico vis à vis d’autres mecs. Quand il lui demande comment il gère sa peur, c’est comme si il était entré dans un monde ou il n’a pas de repaires. Il faut que Nico, le rassure, l’encourage et le guide. Vue sa réponse, Nico à d’ailleurs compris les craintes de Jérém.Je suis souvent épaté et enchanté de voir que Fabien retombe sur ses pieds, quelques soient les chemins pris. Cela a permis à cette saison 2 de ne pas être artificielle. Dans le dernier tiers de la saison 2, Jérém est comme aspiré par un tourbillon qui le ramène à ce qu’il était en saison 1, jusqu’à paraitre incohérent ou inconséquent. J’ai même trouvé que c’était un peu inquiétant pour la suite. De cela, il n’est plus question puisque l’épisode apporte les réponses.
    Maintenant, on sait que Jérém n’a pas été indifférent à ce qu’il faisait subir Nico. Si il finit par se confier à Ulysse, c’est qu’il était à bout et qu’il ne savait plus comment s’en sortir sans aide extérieure. La solution d’Ulysse, est tellement simple et efficace que je suis vexé de ne pas l’avoir envisagée. On pourra rire aussi, au passage, des craintes de Nico, qui voit des rivaux partout. On voit précisément, ce qui dans la tête de Jérém, relève des contingences sociales, sa vie à Paris, le rugby… Et ce qui relève de son inconscient.La raison principale qui bloque Jérém, est bien la peur panique de revivre une rupture qui ressemblera à un abandon. Comment pourrait on lui en vouloir, puisqu’il est le mieux placé pour savoir de quoi il s’agit. C’est très connu que l’on s’arrange pour vivre les situations auxquelles on tente d’échapper. Sans l’avoir voulu, depuis qu’il était à Paris, Jérém à mis Nico à l’épreuve. Peut être qu’il voulait se convaincre qu’il n’était pas fiable, qu’il finirait par l’oublier, ou par le remplacer. Il est convaincu de ne pas mériter l’attention que Nico lui porte, puisqu’il est habité par le sentiment d’être responsable du départ de sa mère. Thibaut disait de lui « il ne s’aime pas », donc il ne peut pas croire que Nico l’aime pour ce qu’il est. Il croyait que Nico était là pour le physique, pour l’image virile, pas pour lui. Alors, il fait beaucoup d’efforts pour ne pas se dévoiler, ne pas parler, ne pas montrer ce qu’il ne sait pas faire. Derrière son apparence « aveuglante de réussite », Jérémie est un mélancolique, qui ne demande qu’à être heureux et qui ne sait pas comment faire. On peut presque voir dans la tirade finale de Nico, une sagesse en forme de conclusion. Je ne m’attendais pas du tout à ce que Jérém allait dire. j’ai adoré cette simplicité. Maintenant, la Saison 3, est comme une page blanche et si le meilleur est possible, on sait bien qu’il ne suffit pas d’un « je t’aime » pour que l’avenir devienne radieux.

    Yann

    23/11/2020 14:27

    « L’amour est plus fort que toutes les raisons » (Mme de Sévigné).
    « L’amour n’est jamais si fort que quand on le croit prêt à finir » (Ninon de Lenclos).
    C’est un peu ce que cette saison vient de démontrer. Encore une fois Campan est le lieu des dénouements où chacun (surtout Jerem) retrouve ses marques, un certain équilibre et relativise les choses. 
    Lorsqu’il est sincère, partagé à deux avec force et conviction, je pense que l’amour peut vaincre bien des obstacles.
    Jerem a fait un pas de plus en révélant à Ulysse qu’il aime les garçons. Il a désormais un « allié » que cette question ne choque pas car son frère est lui aussi gay. Progressivement il s’assume de plus en plus comme gay. Il a eu raison de se confier, cela permet de regarder les choses avec une autre perspective, de ne pas grossir les problèmes plus qu’ils ne le sont réellement. 
    C’est une très belle fin de saison, dommage de devoir attendre plusieurs mois pour la saison 3 mais je gage qu’elle sera de qualité…pour notre joie à tous de les retrouver.

    Merci Fabien

    Virginie-aux-accents

    23/11/2020 10:18

    Quel soulagement de voir Jérèm enfin si ouvert, si assumé. Il n’hésite pas à accepter d’embrasser Nico devant la bande des cavaliers car ils sont « comme les autres couples » du groupe, il s’est ouvert à Ulysse, il se qualifie enfin de « gay » et l’accepte. 
    Et il dit enfin à Nico ces mots qu’il retenait depuis si longtemps…
    C’est une fin de saison touchante, vibrante, émouvante et heureuse.

    Celio

    22/11/2020 17:04

    Enfin heureux ! Merci pour ton travail

    Alex

    22/11/2020 11:56

    Superbe fin de saison, merci

    Etienne

    21/11/2020 19:02

    Enfin, il l’a dit…
    Merci Fabien pour cette très belle histoire !
    A bientôt.

    GEBL

    21/11/2020 16:11

    J’aime cette fin de saison sans récit sexuel, hard, tout en douceur . Cette histoire, romance,  est belle de la sincérité, de la vérité qui tiraille les hommes. 
    Quand un  homme accepte ses relations , sa sexitude est effectivement d’autant plus belle. 
    Ce récit  aborde aussi ces hommes qui ne se disent pas bisesuel,  aiment ce taper un « pd » , parce qu’ils ne sont pas prêts à admettre que l’amour entre les hommes est tout aussi plaisant qu’avec les femmes.
    Et qu’au delà de l’amour physique , on peut aussi aimer l’âme . 
    Merci pour ton oeuvre  

    Chris-j

    21/11/2020 01:56

    « L’amour c’est comme une cigaretteCa flambe comme une allumetteCa pique les yeux, ça fait pleurer et ça s’envole en fumée »J’ai essayé d’attendre jusqu’à demain, j’ai tout fait pour faire durer la lecture, mais voilà, c’est fini. C’est fini avec élégance, mais c’est un peu triste quand même, de devoir attendre si longtemps avant de les retrouver. 
    Après 6 années d’écriture, et 7 mois vraiment éprouvant pour Nico, et même pour le lecteur, il a mérité amplement, sa semaine. 
    Merci de nous avoir rajouté des épisodes, pour mieux installer le climat. 

  • Résumé des saisons 1-2 de Jérém&Nico

    Résumé des saisons 1-2 de Jérém&Nico

    Précédemment, dans Jérém&Nico.

    0301 Une histoire peut en cacher d’autres.

    Résumé Jérém&Nico Saison 1

    Nico, c’est moi : j’ai 18 ans, j’habite Toulouse, et je viens de passer mon bac.

    Jérém, c’est le garçon dont je suis fou depuis le premier jour du lycée. Brun, gaulé comme un dieu, avec une petite gueule à faire jouir d’urgence ; rugbyman et coureur de nanas, depuis trois ans il occupe toutes mes pensées et toutes mes branlettes.

    C’est par une belle journée de mai que j’ai trouvé le courage de lui proposer de réviser les maths chez lui. Il a dit oui.

    Mais au lieu de réviser, il a voulu que je le suce ; alors, je l’ai sucé. Il a aussi voulu me baiser : là non plus, je n’ai pas dit non. Je n’ai pas pu dire non. J’en avais tellement envie.

    Depuis ce jour, on s’est vus régulièrement pour de très plaisantes « révisions » : chez lui, dans les chiottes du lycée, dans les vestiaires du terrain de rugby, chez moi.

    Le sexe avec Jérém, c’est explosif. Il fait ça comme un Dieu. Il fait ça plusieurs fois dans une nuit ou dans un après-midi. Un jeune mâle inépuisable.

    Le sexe, c’est le moteur de notre « relation » : et Jérém, n’en demande pas plus.

    Mais pour moi, c’est différent : car moi, je suis amoureux de lui.

    Pendant des mois, avant le bac, notre relation a connu des hauts et des bas, principalement à cause du fait que le bobrun n’assume pas nos coucheries et le plaisir qu’il prend avec moi ; une relation houleuse qui aurait pu se compliquer encore lorsque, le lendemain du bac, Jérém a commencé à travailler comme serveur dans une brasserie à Esquirol, ce qui ne justifiait plus non « révisions » ; et encore plus, lorsqu’il a été expulsé de son appart rue de la Colombette et qu’il a emménagé chez son pote Thibault.

    Pourtant, contre tout attente, ces deux évènements ont semblé ouvrir de nouvelles perspectives pour notre relation : ainsi, pendant une semaine que j’ai appelée « magique », le bobrun est venu me voir chez moi chaque jour pendant sa pause ; une semaine pendant laquelle notre complicité semblait se faire de plus en plus forte ; une semaine où sa carapace de serial baiseur dénoué de tout sentiment (notamment « pour un pd ») semblait en train de tomber pour révéler un être sensible et passionnel.

    Une semaine pendant laquelle j’avais vraiment commencé à croire que tout devenait possible avec le gars que j’aimais.

    Puis, la nouvelle de son probable recrutement par un club de rugby de la capitale était tombée ; Jérém avait alors aussitôt remonté toute sa carapace, et il avait fini par me quitter. Brutalement.

    Après le clash chez moi en août 2001, je pensais avoir perdu Jérém à tout jamais. Après deux semaines de tristesse, de manque, de souffrance, deux semaines qui ont été les pires de ma vie, je l’avais recroisé une nuit, fin août : je n’étais pas seul, j’étais avec Martin, un moniteur d’auto-école que j’avais croisé dans une boite gay aux Carmes.

    Jérém était en terrasse d’un café avec son frère et deux nanas. Son regard surpris, triste, désolé m’avait fendu le cœur.

    Deux heures plus tard, lors d’une bagarre, il avait cogné la tête contre un mur et il avait perdu connaissance. Jérém était resté plusieurs jours dans le coma.

    J’avais eu tellement peur. S’il ne s’en était pas sorti, ça m’aurait détruit.

    Je m’en étais voulu de ne pas avoir su trouver les mots et les gestes pour le retenir, pour le mettre en confiance, pour lui montrer mon amour sans l’étouffer. Et j’avais fini par me dire que je n’aurais jamais dû lui proposer de réviser pour le bac, que j’aurais dû le laisser tranquille, le laisser vivre pénard, sans foutre le bordel dans son existence d’hétéro bien dans ses baskets.

    Et pourtant, dès notre première révision, cet « hétéro bien dans ses baskets » m’avait montré qu’il kiffait baiser avec moi. Et pas qu’un peu. Et même, parfois, bien qu’il rejetât le plus souvent tout geste de tendresse et d’affection venant de ma part et qu’il refusait d’assumer ce qu’il y avait entre nous, il m’avait aussi montré qu’il était bien avec moi, et qu’il ne pouvait pas se passer de ma présence dans sa vie.

    Résumé Saison 2

    0301 Une histoire peut en cacher d’autres.

    Après sa sortie d’hôpital, alors que je commençais à me faire à l’idée de ne plus jamais le revoir, il m’avait rappelé. En attendant de partir à Paris pour commencer sa carrière de rugbyman professionnel, il était allé prendre l’air à Campan, dans les Pyrénées, dans le village et dans la maison de ses grands-parents. Et il m’avait invité à le rejoindre.

    Pris au dépourvu, j’avais hésité. Depuis notre clash, j’avais entamé le deuil de cet amour, j’essayais d’en « guérir ». Son coup de fil était venu rouvrir une blessure encore très douloureuse. Je pensais que le bonheur avec Jérém était impossible. Il m’avait fait trop mal. J’avais peur de retomber dans les mêmes travers que pendant nos premières révisions. A savoir, des baises torrides et, le plus souvent, rien de plus, pas un mot, pas un geste qui me montrerait que je comptais ne serait-ce qu’un peu pour lui. Et une séparation, quand il le déciderait, sans que j’aie le moindre mot à dire.

    Oui, j’avais eu peur que le fait de revoir Jérém puisse rouvrir cette plaie et rendre ma « guérison » encore plus longue et difficile.

    Mais j’avais fini par accepter. Le beau brun me manquait tellement ! Aussi, j’avais besoin d’avoir des explications de sa part. De savoir pourquoi il m’avait jeté si méchamment après la semaine pendant laquelle chaque jour nous avions fait l’amour chez moi. J’avais besoin de savoir ce que je représentais vraiment pour lui.

    Je n’avais pas été déçu. Sous la halle de Campan, après quelques maladresses, Jérém avait fini par me montrer qu’il tenait à moi. Et par la plus belle des façons : en m’embrassant dans un espace ouvert, alors qu’on aurait pu nous voir. D’ailleurs, on nous avait vus. Mais le bobrun s’en fichait, son baiser était un baiser d’amour, pour me retenir, pour me faire sentir à quel point je comptais pour lui.

    A Campan j’avais trouvé un autre Jérém, un Jérém sans « artifices », plus « authentique » que celui que j’avais connu à Toulouse, et on ne peut plus craquant. Un Jérém qui faisait du cheval, qui aimait le contact avec la nature. Un Jérém débrouillard, souriant, détendu, en connexion avec son âme d’enfant. Un Jérém qui acceptait de me faire partager sa vie, son vécu, ses peurs, ses sentiments, ses amis cavaliers, cette bande de joyeux lurons, comme une famille pour lui.

    Avec ces derniers, nous avions fait des balades, des gueuletons. Nous avions eu des belles conversations portées par Jean-Paul, nous avions chanté autour de la guitare de Daniel. Nous avions été chouchoutés par Charlène, comme une maman pour Jérém, et par Martine, comme une cousine très rigolote.

    Puis, un soir, Jérém m’avait embrassé devant tout le monde. Si je m’attendais à ça ! C’était un moment de bonheur fou. Tout le monde était content pour nous, et je m’étais senti tellement bien !

    A Campan, dans la petite maison dans la montagne, nous avions fait l’amour comme jamais auparavant. C’était un partage intense, le désir réciproque de rendre l’autre heureux. Mais nous avions aussi discuté, nous avions partagé plein de moments inoubliables. Je n’avais jamais été si amoureux de mon Jérém. Ce bonheur pansait toute la souffrance et la peur que j’avais vécues après notre clash. Je reprenais espoir que notre amour soit possible, et que nous arriverions à surmonter la distance quand il serait à Paris. D’ailleurs, j’étais si heureux, et Paris me semblait si loin, presque un mirage rendu flou par le bonheur présent.

    Mais ce qui devait arriver avait fini par arriver. Le coup de fil du club de rugby était arrivé. C’était le jour même des terribles attentats aux Tours Jumelles à New York.

    Le rappel à la réalité a été brutal. Nos vies allaient prendre des chemins différents, Jérém à Paris pour le rugby, moi à Bordeaux pour mes études. Mon cœur se déchirait à nouveau, brisé par la peur de perdre le gars que j’aimais et meurtri par cette autre peur qui était dans tous les esprits après le 11 septembre.

    A Campan, j’avais trouvé un Jérém amoureux, et tellement adorable. J’avais peur que Paris le fasse disparaître à nouveau. J’avais envie de croire aux promesses de Campan, que notre amour était plus fort que tout et que rien pourrait éloigner nos cœurs. Mais au fond de moi je recommençais à ressentir la peur de le perdre.

    Au début de son aventure parisienne, la magie de Campan semblait tenir bon. Jérém était venu me voir à Bordeaux par surprise, et il m’avait invité à Paris. J’étais comme sur un nuage. Tout semblait bien se passer, et même au-delà de mes espoirs. Tellement bien qu’après l’explosion d’AZF j’avais invité Jérém dormir à la maison et que j’avais eu envie de faire mon coming out auprès de mon père. Mais ça s’était mal passé, très mal passé. J’avais essuyé son mépris, senti son dégoût, je m’étais heurté à son rejet net.

    Heureusement, ma vie était désormais à Bordeaux. Mes études à la fac commençaient sur les chapeaux de roues. J’aimais mes cours et je m’étais fait de nouveaux potes. Pour la première fois de ma vie, j’avais l’impression de me plus être le garçon dont tout le monde se moque parce qu’il est « pédé », mais un gars comme les autres, qui avait droit à sa dignité et au respect. Entre le lycée et la fac, j’ai eu l’impression de passer d’un monde d’ados à un monde d’adultes. L’écho des moqueries du lycée était toujours là, mais il s’estompait peu à peu dans ma tête.

    Hélas la complicité des premières semaines avec Jérém n’allait pas durer. Plus le temps passait, plus je le sentais distant. Entre les entraînements intensifs, sa mise à niveau sportive plus compliquée que prévu, ses études qui lui donnaient du fil à retordre, et sa peur panique qu’on découvre qu’il aimait les garçons et que ça compromette sa carrière naissante, Jérém était vraiment sous pression.

    Il avait fini par espacer nos contacts, et à ne plus souhaiter que j’aille le voir à Paris, préférant faire la fête avec ses co-équipiers et recommencer à baiser avec des nanas pour faire « comme tout le monde ». Lorsque je m’étais pointé à Paris par surprise, il m’avait proposé une relation « libre », dont les règles principales seraient que chacun ferait sa vie et qu’on se verrait pendant des périodes de vacances, discrètement.

    Jérém m’avait montré qu’il tenait à moi, il m’avait dit que j’étais quelqu’un de vraiment spécial pour lui, le seul qui comptait pour lui, et que ça ne changerait pas. Que ses « à-côtés » n’étaient que sexuels, que c’était juste pour soulager la fougue hormonale de ses 20 ans entre deux de nos retrouvailles, pour donner une image conforme à ce qu’on attendait de lui, pour qu’on lui foute la paix. Jérém m’avait dit les larmes aux yeux qu’il ne voulait pas me perdre. Mais il m’avait dit aussi qu’il ne pouvait pas faire autrement, qu’il ne pouvait pas assumer une relation « normale ».

    J’avais d’abord rejeté ce mode de fonctionnement, car imaginer Jérém dans les bras d’une nana ou d’un autre mec me rendait fou. Et si un jour il était tombé amoureux ? Loin des yeux, loin du cœur.

    Quant à moi, je n’avais vraiment pas envie d’aller voir d’autres gars. Fantasmer sur les mecs c’est une chose dont je ne peux me passer, certes. Mais passer à l’acte quand on est amoureux, c’est un toute autre chose. Et si un jour j’étais tombé amoureux d’un autre gars ? Loin des yeux, loin du cœur. Je ne voulais pas prendre le risque d’oublier mon Jérém, je tenais trop à lui. Depuis Campan, je savais désormais à quel point je pouvais être heureux avec lui.

    Mais Jérém ne m’avait pas laissé le choix. Pour ne plus m’entendre lui faire des reproches et devoir répondre à mes questions, il avait voulu qu’on fasse une pause. J’avais pensé qu’il s’agissait d’une façon de me quitter. Mon cœur était à nouveau brisé.

    J’avais fini par rencontrer un gars, Benjamin. Un gars mignon, sympa, drôle, et plutôt bon amant. Avec Benjamin, c’était léger, il n’y avait pas de prise de tête. On ne s’était rien promis, à part de passer de bons moments, de partager des repas, des films, des conversations, des rires, et des bonnes baises.

    C’est pendant l’une de ces baises que tout a basculé. La capote qu’il portait avait cassé et il ne s’en était rendu compte qu’en sortant de moi, après avoir joui. J’avais paniqué. Je lui avais demandé de faire un test, il avait refusé. Aux urgences, on m’avait donné le traitement post-exposition. Et c’était parti pour trois mois d’angoisse en attendant le test qui pourrait faire cesser cette angoisse ou tout faire basculer dans ma vie pour de bon.

    Noël était arrivé et c’était dur de cacher ma souffrance et ma peur à mes parents, surtout à maman. Jérém me manquait horriblement.

    Malgré sa pause imposée, le soir du réveillon je n’avais pu m’empêcher de lui envoyer un message peu avant minuit pour lui souhaiter un Joyeux Noël.

    Jérém avait répondu. Il fêtait le réveillon chez son père dans le Gers et il se faisait tout aussi chier que moi. Il m’avait proposé de nous voir. Je n’avais pas su refuser.

    Nous avions passé la nuit à l’hôtel, à discuter, à faire l’amour, à nous aimer à nouveau. Il m’avait terriblement manqué et je lui avais manqué aussi. Il s’est excusé du mal qu’il m’avait fait et j’ai retrouvé le Jérém adorable qui me rend fou amoureux de lui.

    Le lendemain, il m’avait proposé de repartir à Campan jusqu’à la rentrée.

    Campan était sous la neige. Et dans les Pyrénées, dans la petite maison, loin des peurs de Paris et des angoisses de Bordeaux, mon bonheur, notre bonheur d’être ensemble était à nouveau parfait.

    0301 Une histoire peut en cacher d’autres.
  • JN0241 Là où tout a (re)commencé.

    JN0241 Là où tout a (re)commencé.

    Oui, le père Noël existe. A Toulouse, loin de Paris, un soir de Noël, j’ai retrouvé le vrai Jérém. Et ce Jérém, je l’aime comme un fou.
    Ce sont les dernières pensées qui ont traversé mon esprit avant de m’endormir quelques heures plus tôt dans cette chambre d’hôtel, à côté du gars que j’aime. Et ce sont les premières qui remontent à ma conscience lorsque je me réveille en ce matin de Noël, dans les bras chauds de mon bobrun.
    Dans la pénombre, la pendule de la chambre affiche 9h50. Je n’ai dormi que 5 heures, mais je suis bien, tellement bien. Alors, je profite de cet instant, je me blottis contre son épaule solide, et je me sens protégé, aimé.
    Mais soudain, une pensée dissonante dans cette symphonie de bonheur vient gâcher mon enchantement. Mon traitement ! J’aurais dû le prendre il y a deux heures ! Evidemment, hier soir, bouleversé par le bonheur de retrouver Jérém, je n’ai pas pensé à en prendre avec moi.
    Eh merde ! Il va falloir que je rentre chez moi en vitesse. Je ne vais pas pouvoir profiter davantage de Jérém. Adieu les câlins, la gâterie du matin, le petit déj ensemble. Je vais devoir partir en vitesse, sans savoir quand je vais le retrouver.
    Je dois me faire violence pour quitter le lit. J’ai l’impression que sa peau retient la mienne, comme un aimant.
    Lorsque je reviens de la salle de bain, mon bobrun dort toujours. Je commence à m’habiller, mais je ne veux pas partir. Je ne veux pas le quitter. Je ne sais pas comment le quitter.
    Je finis de m’habiller, je me chausse, lorsque Jérém commence à remuer sous les draps. Il ouvre les yeux et il me fixe, comme hébété.
    « Tu pars ? » il me questionne, la voix pâteuse.
    « Je dois prendre mon médoc ».
    « Ah d’accord. Et tu allais partir sans me dire au revoir ? ».
    « J’allais te réveiller ».
    Je m’approche de lui, je l’embrasse. Ce matin, mon bobrun est gourmand de bisous.
    « Je dois y aller » je lance, la mort dans le cœur.
    « Attends ».
    Une seconde après, Jérém est debout. Sa tenue t-shirt blanc et boxer noir est excessivement bandante. Le bogoss s’étire, en levant juste un bras. Le coton blanc ajusté à sa plastique se tend autour de l’aisselle et du flanc, s’étire sur ses pecs, moule ses tétons. L’image est sexy à un point que les mots me font défaut pour la décrire.
    « Dommage que tu doives y aller » fait le bobrun en s’approchant tout près de moi, si près que je sens sa présence virile envahir sensuellement mon espace vital et intime.
    Si près, ses pecs collés aux miens, son bassin plaqué contre le mien, sa queue raide pressée contre la mienne. Si près, le blanc de son t-shirt aveuglant mes rétines, la tiédeur de sa peau mate irradiant dans mon corps, la fragrance de son déo de la veille enivrant mes sens, la vision de ses tatouages et de sa chaînette posée sur le coton fin faisant appel à mes fantasmes les plus torrides.
    Si près, sa trique du matin si tentante que l’idée de ne pas en profiter est un véritable supplice.
    Si tentant, écarter un peu le V de son t-shirt blanc et plonger mon nez dedans pour capter le délicieux bouquet de petite odeur tièdes et envoutantes, petites odeurs viriles de jeune mâle qui me mettent presqu’en état d’hypnose.
    « J’ai envie de toi » lâche le bogoss, en chuchotant les mots à mon oreille, ses lèvres et sa barbe virile effleurant mon pavillon et provoquant en moi des frissons inouïs. Définitivement, Jérém sait comment faire vibrer mes cordes les plus sensibles.
    « Moi aussi j’ai envie de toi. Très envie. Mais je dois y aller, j’ai deja plus de deux heures de retard ».
    « Je comprends » fait le bogoss, dont la sensualité m’entoure comme un brouillard épais.
    Je dois y aller, oui, mais je n’en ai vraiment pas envie. Surtout sans savoir quand nous allons nous revoir. Surtout sans avoir eu le temps de parler avec lui, de cette « pause » soudainement devenue « connerie ». Sans avoir eu l’occasion de discuter de l’avenir de notre relation, de comment nous allons affronter les semaines, les mois qui vont venir.
    « Tu vas faire quoi ces jours-ci ? Tu restes à Toulouse ? » je finis par le questionner.
    « Non, je vais partir ».
    « Ah… d’accord… » je lâche, déçu, avant d’ajouter, sur un ton dépité « peut-être que nous nous reverrons en 2002… ».
    Sur ce, je me dirige vers la porte de la chambre, alors qu’une immense solitude et une infinie tristesse envahissent déjà mon esprit. Je le savais. Retrouver Jérém, c’est à chaque fois le perdre à nouveau.
    « Attends, Nico » je l’entends me lancer, alors que sa main puissante saisit mon avant-bras, m’obligeant à m’arrêter net. Un geste qui me rappelle celui par lequel il m’avait retenu sous la halle de Campan le jour où j’étais allé le rejoindre, et que j’avais failli repartir aussitôt.
    Je me retourne vers lui, je croise son regard brun, à la fois doux et sensuel.
    « Et toi, tu as prévu quoi pour les jours à venir ? » il me questionne à son tour.
    « Rien de spécial, je vais rester chez mes parents, réviser pour les partiels ».
    « Et tu vas pas te faire chier ? ».
    « Si, je crois ».
    « Pourquoi tu ne viendrais pas avec moi ? ».
    « Et tu vas où ? ».
    « A Campan ».
    CAMPAN. Six petites lettres qui dégagent pour moi la musique la plus douce, la mélodie la plus émouvante. Je « m’absente » pendant quelques secondes en rêvant au bonheur de Campan, à l’immense joie qui vient de m’envahir en entendant Jérém me faire une telle proposition, tout en me demandant comment je vais encore annoncer ça à mes parents.
    « Alors, tu en dis quoi ? » fait mon bobrun, qui semble s’impatienter.
    « Mais bien sûr que je vais venir ! » je lui lance, en me précipitant pour le serrer dans mes bras et le couvrir de bisous.
    « Tu m’as fait peur » je l’entends lâcher, après avoir poussé un soupir de soulagement.
    « Peur ? » je fais, étonné.
    « Pendant un instant, j’ai cru que tu allais dire non ».
    « Comment veux-tu que je dise non à Campan, avec toi ! » je m’exclame, tout en continuant à le couvrir de bisous.
     « Ourson à moi ! » il me glisse à l’oreille, un petit mot qui me fait vibrer comme peu d’autres.
    « P’tit loup » je lui lance, la voix cassée par les larmes.
    « Allez, il faut y aller, tu dois prendre ton médoc ».
    « Ouais, je vais y aller ».
    « Je vais te ramener ».
    « T’embêtes pas, je vais prendre le bus ».
    « Discute pas » fait le bogoss, en passant sa belle chemise et en faisant disparaître son t-shirt immaculé au fur et à mesure qu’il referme les boutons.
    Une petite minute plus tard, le bogoss est habillé. Il passe à la salle de bain, il enfile son beau blouson en cuir et il est prêt à partir.
    Dans l’ascenseur, je ne peux m’empêcher de l’embrasser à nouveau comme pour le remercier pour tant d’attention et de bonheur. Son sourire à la fois heureux et ému me fait vibrer.
    Lorsque nous sortons de l’hôtel, une surprise nous attend. Une couche de neige s’est posée sur la ville pendant la nuit. Et dans la seconde qui suit, Jérém ne peut renoncer à la tentation d’attraper une poignée de poudreuse sur une voiture et de me la balancer à la tête. Une « déclaration de guerre » à laquelle je riposte avec la même arme.
    Nous nous retrouvons ainsi à nous balancer des boules de neige, comme des gosses, en évitant parfois de justesse les passants que nous croisons. Le rire de Jérém est beau, franc, contagieux. Je crois que je ne l’ai jamais vu si fripouille, si épanoui, si heureux. Au fond de moi, je ressens un bonheur si intense que mes rires deviennent des larmes, des larmes de joie.
    Ce gars je l’aime, je l’aime, je l’aime. Il n’y a qu’avec lui que je suis si heureux. Il n’y a que son bonheur qui me rend si heureux.
    « Tu voudrais partir vers quelle heure ? » je le questionne alors que nous traversons la Garonne par le pont St Michel.
    « Tout de suite ».
    « Quoi ? »
    « Je ne peux rester une minute de plus dans cette ville meurtrie. Ça me fait mal au cœur ».
    « Mais moi je dois en parler à mes parents ».
    « Tu leur annonces, tu prends quelques affaires et tu te casses. Tu es majeur, Nico ».
    « C’est vrai ».
    Jérém a raison. Plus vite je pars, moins j’aurai d’explications à donner. Ça me fait de la peine pour maman qui ne pourra pas profiter de ma présence autant qu’elle l’aurait voulu. Mais vis-à-vis de mon père, je n’ai vraiment pas envie de traîner.
    Jérém trouve une place pour se garer à dix mètres à peine de chez mes parents.
    « Allez, je file. A tout de suite ».
    « Je vais appeler Charlène, et essayer de nous faire inviter à déjeuner » fait-il, avec un petit regard insolent laissant sous-entendre son assurance que sa « maman d’adoption » ne saurait rien lui refuser.
    Nous ne nous embrassons pas, mais le sourire complice que nous nous échangeons a presque le même effet d’un baiser.
    Une minute plus tard, je franchis le seuil de la maison non sans une certaine appréhension.
    La première personne que je croise dans le séjour est papa.
    « A la bonne heure. Tu étais passé où ? T’as dormi où ? » il me questionne sur un ton agressif.
    « J’étais chez un copain ». Ça c’est la première réponse, politiquement correcte, qui m’est venue à l’esprit. Mais ce n’est pas elle que je choisis de livrer à mon paternel.
    « J’étais avec mon copain. Mon petit copain » je lui balance à la figure, comme si j’avais cessé d’avoir peur le lui.
    « C’est encore ce sale gars je parie ».
    « Oui, il s’agit bien de lui ».
    « Tu me fais honte Nicolas ».
    « C’est toi qui me fais honte » je me surprends à lui balancer.
    « Ecoute moi, tu devrais vraiment te faire soigner. Je me suis renseigné, il y a des bons médecins qui peuvent t’aider ».
    « Mais m’aider à quoi, bon sang ? ».
    « A redevenir normal ».
    « Mais je suis normal, et je n’ai jamais été différent de celui que je suis aujourd’hui. A 10 ans, même à 8 ans, je savais déjà que j’étais intéressé par les garçons ».
    « Tais-toi, tais-toi ! ».
    « Tu as une mentalité tellement étriquée. Quand je pense qu’ado, je voulais te ressembler. Mais ça c’est fini, fini ».
    « Tu vas trop loin, Nicolas. Fais attention ! ».
    « Je m’en fiche ! De toute façon, tu ne m’as jamais soutenu. Tu as toujours pensé que je suis nul. Le champion de la famille, c’est Cédric. Moi c’est le looser. Tu me l’as bien fait sentir, depuis toujours, et encore hier soir. Alors, que tu penses que je suis nul, ou que je suis une merde parce que je suis pd, tu vois, je n’en ai plus rien à faire. Je m’en tape, complet. De toute façon, quoique je fasse, tu trouverais toujours le moyen de me rabaisser. Alors, je vis ma vie. Et je renonce à chercher ton approbation ».
    C’est là que je capte du coin de l’œil la présence de maman sur le seuil de la cuisine. Je ne sais pas depuis combien de temps elle là et si elle a tout entendu.
    « Je vais partir quelques jours à Campan, maman » je lui lance, en essayant de me calmer, les larmes aux yeux.
    « Oui, mon chéri, tu seras mieux à Campan ».
    « Je repasserai avant de repartir à Bordeaux ».
    « Ne te sens pas obligé de repasser » fait papa en s’éloignant, en direction de son garage adoré.
    « Je viens voir maman, j’ai le droit ? ».
    « Mais oui tu as le droit. Tout comme moi j’ai le droit de ne plus payer tes études foireuses ».
    « Un seul mot de plus et je pars dormir chez ma sœur, même si c’est Noël, compris ? ».
    « De toute façon, dans cette maison je n’ai que le droit de bosser et de fermer ma gueule ».
    « Tant que t’auras que des mots débiles à proférer, ce sera le cas ».
    « Ça s’est bien passé cette nuit ? » me demande maman lorsque nous sommes seuls.
    « Très bien »
    « Alors ça s’est arrangé avec Jérémie ? ».
    « Et comment ! ».
    « Je suis heureuse pour toi ».
    « Merci maman ».
    « Mais dis-moi, les routes sont praticables pour aller Campan ? Tu devrais appeler la sécurité routière pour savoir si le plateau de Lannemezan est dégagé ».
    « Tu as raison, je vais le faire ».
    « Donne-moi des nouvelles, mon lapin ».

    Une minute plus tard, je retrouve Jérém dans sa voiture. Le bobrun est tout guilleret et ça fait plaisir à voir.
    « Charlène nous attend pour midi, avec Martine, JP et Carine » il me lance, en quittant la place de stationnement.
    « Cool ! » je m’exclame. L’idée de retrouver une partie des cavaliers, et a fortiori ceux avec qui j’ai le plus sympathisé, me réjouit.
    « Alors, ils ont dit quoi tes parents ? ».
    « Maman est heureuse pour moi ».
    « Et ton père me déteste, c’est ça ? ».
    « Je crois que mon père n’aime personne. Je ne sais même pas s’il s’aime lui-même ».
    « Il doit penser que c’est moi qui t’ai abordé et qui t’ai rendu pd ».
    « Il y a un peu de ça. Mais je m’en fiche. Je n’ai même pas envie de le lui expliquer. On ne peut pas parler avec lui ».

    La voiture quitte la ville, puis la rocade. Sur l’autoroute vers Campan, vers le bonheur avec mon Jérém, j’ai l’impression de recommencer à respirer. L’idée de partager les jours à venir avec mon adorable bobrun, de nous retrouver, de faire l’amour avec lui, de discuter m’enchante. Et la perspective de passer des moments en compagnie de gens tolérant et bienveillants, de fêter peut-être le passage à la nouvelle année avec eux, ce sont autant de sources de bonheur.
    Un bonheur parfait ou presque, car entaché par l’accrochage avec mon père. Je n’aurais jamais pensé qu’un jour mon père me lancerait des mots si durs. Tout comme je n’aurais jamais pensé que je me permettrais un jour de lui balancer des mots si blessants.
    Au fond de moi, et même si sur le coup j’ai ressenti un sentiment de soulagement, je regrette déjà certains de mes mots. Parce qu’au fond de moi, je sais que cette dispute est un nouveau grand coup de pelle donné au fossé qui nous sépare depuis longtemps, un fossé désormais transformé en canal infranchissable.
    Je me dis que j’ai été trop loin. Je me dis que maman doit souffrir de ce conflit entre papa et moi. Je voudrais avoir le pouvoir d’apaiser tout ça. Mais je ne vois vraiment pas comment m’y prendre.
    Je n’ai aucune crainte en ce qui concerne le financement de mes études, maman ne lui permettra jamais de me couper les vivres. Ma crainte, c’est plutôt au niveau de leur couple. Jusqu’ici, maman a l’air de tenir tête à papa sans trop lui en vouloir. J’ignore quelles sont leurs relations en mon absence. J’espère juste que maman ne va pas en avoir marre, un jour.
    Cette menace : « Un seul mot de plus et je pars dormir chez ma sœur, même si c’est Noël » m’a surpris, et m’a fait peur. Et si mes parents se séparaient ? Un certain nombre de mes copains de lycée ont vécu cela. Souvent mal. Jérém aussi a vécu cela. Très mal. Il était plus jeune, certes, et ça s’est passé de façon brutale. Mais est ce qu’on est préparé un jour au divorce de ses propres parents ?
    Bien sûr, ça fait un certain temps que je me suis rendu compte que mes parents ne sont plus vraiment amoureux. Il y a de l’affection entre eux et une volonté d’assistance mutuelle, comme énoncé dans le mariage. Et il y avait également de l’estime réciproque. Bref, une « charpente » qui fait tenir pas mal de mariages.
    Mais cette charpente en équilibre précaire c’est moi qui l’ai faite vaciller. Il a fallu que je fasse mon coming out. Oui, je suis amoureux, et c’est souvent quand on est amoureux qu’on est enfin prêts à s’assumer. Mais ai-je été trop imprudent, trop naïf, trop égoïste ?
    En me dévoilant, j’ai fait exploser chez mon père toutes les frustrations accumulées depuis des années à mon égard, et elles se sont cristallisées autour de ma sexualité, un sujet facile à démoniser.
    Au fond de moi, je savais qu’il ne l’aurait pas bien pris. Mais je ne m’attendais pas non plus à qu’il le prenne si mal. J’espère seulement que maman va tenir bon. J’en serais malade si mes parents se séparaient à cause de mon coming out.
    Après cette dispute, je me sens très mal à l’aise avec l’idée de vivre grâce à l’argent de papa, alors qu’il n’approuve ni ma vie ni mes études.
    Soudain, je me souviens avoir vu à Bordeaux qu’une célèbre chaîne de restauration rapide recherche du personnel pour faire chauffer du surgelé et pour transformer des poudres en boissons. Je devrais peut être répondre à cette annonce. Une annonce qui m’a fait rire, car elle parlait de cet endroit en utilisant le mot « restaurant ». Terme qui techniquement n’est pas inexact, faute d’être approprié à ce genre d’endroit.

    « A quoi tu penses ? » me questionne Jérém alors que nous passons le péage de Muret.
    « A la dispute avec mon père ».
    « Il a été mauvais ? ».
    « En gros, il m’a dit que je lui fais honte et qu’il ne veut plus me voir. Je n’aurais jamais dû lui dire ».
    « Tu l’as fait parce que tu en avais besoin. Maintenant c’est fait, tu ne peux plus revenir en arrière. Mais tu n’as plus besoin de sa bénédiction ».
    « Je sais, mais je dépends encore de son argent pour mes études. Je pense que je devrais prendre un job pour ne plus devoir complètement dépendre de lui ».
    « Mais si tu prends un job à côté, tu vas arriver à réussir tes études ? ».
    « Tu y arrives bien avec le rugby et tes études ».
    « J’essaie. Mais nous les sportifs nous avons des cursus aménagés ».
    « Tu ne laisses pas tomber, alors ? ».
    « Non, pas pour l’instant. J’ai des partiels en janvier, je vais voir comment je m’en sors ».
    « Et tu les sens comment ? ».
    « J’ai du retard à rattraper. Je vais devoir travailler un peu cette semaine. J’ai mes cours dans la malle ».
    « Ça tombe bien parce que moi aussi j’ai mes cours avec moi et beaucoup de retard à rattraper. Nous nous motiverons l’un l’autre ».
    « Je veux bien », il fait en me souriant. Et son sourire est beau, lumineux et rassurant comme le soleil qui illumine la route vers le bonheur de Campan.
    « Ah, tant que j’y pense, je vais appeler la sécurité routière pour savoir si l’autoroute est praticable à Lannemezan ».
    « Tu as le numéro ? ».
    « Je l’ai pris avant de partir ».
    « Eh beh » fait le bobrun, l’air impressionné que j’y aie pensé. Merci maman.

    « Alors ? » me questionne Jérém dès que je raccroche.
    « Ils disent que pour l’instant le plateau est dégagé mais qu’il y a un risque neige à tout moment ».
    « Il faut qu’on se dépêche, alors » fait le bogoss en se penchant vers moi pour me faire un bisou.
    « C’est marrant » je l’entends lâcher, après un petit moment de silence.
    « Qu’est ce qui est marrant ? ».
    « En fait, hier soir, quand j’ai reçu ton sms, j’étais moi aussi en train de t’en écrire un, au même moment ».
    « C’est vrai ? ».
    « Enfin, j’essayais depuis un petit moment. Mais je ne savais pas par où commencer. Je crois que je n’osais pas ».
    « Pourquoi tu n’osais pas ? ».
    « Parce que je t’ai fait trop de mal. Et que je ne veux plus t’en faire. Et parce que j’ai l’impression que je finis toujours par te faire du mal ».
    « Mais aussi beaucoup de bien » je lui lance, en glissant mes doigts dans ses beaux cheveux bruns.
    « Je crois que si tu ne m’avais pas envoyé ton message en premier, tu ne serais pas dans cette voiture. Et tu me manquerais à en crever ».
    « Mais tu m’avais dit qu’on se verrait à Noël ».
    « Oui, mais c’était avant que je te demande de faire une pause, et avant tous mes derniers soucis. Je ne sais pas si j’aurais osé revenir vers toi. Je ne veux pas que tu penses que je viens te chercher quand ça va mieux et que je te laisse tomber quand ça va mal. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureux que tu m’aies envoyé ce message ».
    « Et moi je suis heureux de te l’avoir envoyé ».
    « Je commençais à penser que tu étais passé à autre chose… ».
    « Comment as-tu pu penser une chose pareille ? ».
    « Je t’en ai fait pas mal baver ».
    « C’est vrai, tes silences et la distance que tu as mis entre nous m’ont rendu dingue. Et quand j’ai su que tu couchais avec des nanas, ça m’a rendu fou de jalousie ».
    « Moi aussi été jaloux de toi, tu sais… ».
    « T’as été jaloux de qui ? ».
    « Des mecs que tu aurais pu rencontrer à Bordeaux. Comme je l’ai été de ce fameux Stéphane, ou du mec avec qui tu as failli partir une fois de la boîte de nuit, et avec qui tu étais le soir de mon accident. Ou du mec du On Off avec qui on a fait un plan. Ou de Thib. J’ai toujours pensé qu’ils pourraient finir par te plaire plus que moi ».
    « Pourquoi me plaire plus que toi ? ».
    « Parce que n’importe quel gars aurait davantage à t’offrir que moi ».
    « Plus… de quoi ? ».
    « Plus qu’une vie à se cacher. Plus que des silences, de la distance, des questions ».
    « Personne ne m’offre plus que ce que toi tu m’offres. Le bonheur que je ressens avec toi, aucun autre gars ne me l’a jamais apporté ».
    « Et il est sorti d’où ce mec de la piscine ? ».
    « Un jour d’épreuve du bac, je faisais la sieste sur la pelouse autour de la cathédrale de St Etienne, et son chien m’a réveillé. Le mec est venu s’excuser, on a sympathisé. Il m’a invité prendre un verre chez lui, et on s’est revus. Mais Stéphane a été surtout un vrai pote pour moi ».
    « Tu as gardé contact avec lui ? ».
    « Pas vraiment, il est parti vivre en Suisse ».
    « Mais s’il n’était pas parti, tu le verrais toujours ? Je veux dire, tu serais peut-être avec lui… ».
    « Je ne sais pas, Jérém. Quand j’ai rencontré Stéphane, je ne croyais pas qu’un jour notre relation serait autre chose qu’une succession de baises comme elle l’était au départ. A l’époque, tu ne me laissais aucun espoir. Stéphane est un gars qui assume son homosexualité, il a déjà été en couple, et il correspondait mieux à ce dont j’avais besoin. Mais il était sur le point de partir. De toute façon, rien ne peut prouver que ça aurait marché entre nous.
    Et puis, c’est de toi dont je suis fou, Jérém. Tu sais, le soir où je suis venu te voir à la salle de sport du terrain de rugby, j’avais rendez-vous avec lui. Quand j’ai reçu ton sms, j’ai annulé à la dernière minute, et c’est toi que je suis allé rejoindre ».
    « Et il y a eu d’autres gars ? ».
    « Il y a eu un type que j’ai rencontré au On Off, un soir où on s’était pris la tête. C’était le soir où ta voisine a failli nous gauler dans l’entrée de ton immeuble ».
    « T’as été au On Off ce soir-là ? ».
    « Je ne suis pas rentré, je suis juste passé devant. Ce mec était dehors, il m’a dragué, je l’ai suivi chez lui. Mais c’était une grosse erreur ».
    « Pourquoi ça ? ».
    « Parce que j’étais mal et j’avais besoin de réconfort. Alors que le mec voulait juste tirer son coup. Il m’a foutu à la porte dès qu’il a eu ce qu’il voulait. J’étais pas bien avant, et j’étais encore plus mal après ».
    « Je suis désolé pour ce soir-là, j’ai été vraiment con avec toi. Heureusement que tu as oublié ton portable. Ça m’a donné l’occasion de venir te voir. Je voulais savoir comment tu allais ».
    « Cette semaine-là, quand tu es venu tous les jours me voir à la pause, c’était tellement génial. Pendant cette semaine, j’ai vraiment senti que tu tenais à moi ».
    « Je tenais à toi bien avant, mais c’était dur à admettre. Pendant cette semaine, j’ai voulu rattraper le coup avec toi. Parce que j’avais eu peur de te perdre ».
    « Mais après tu as encore changé radicalement d’attitude, et du jour au lendemain ».
    « Tu sais, je ressentais des trucs pour toi que je n’avais jamais ressentis pour personne. Et ça remuait pas mal des choses en moi. J’ai senti qu’on s’attachait trop l’un à l’autre et j’ai eu peur de souffrir, et de te faire souffrir ».
    « C’est pour ça que tu as arrêté de venir me voir ? ».
    « Oui, à cause de tout ça. Et aussi à cause du coup de fil de Paris. Quand ma nouvelle vie s’est dessinée, je me suis dit que de toute façon, une fois là-bas, tout se terminerait entre nous. Je n’ai jamais cru aux relations à distance ».
    « Et tu m’aurais quitté comme ça, après cette semaine magique, sans un mot ? ».
    « Te revoir aurait été un déchirement, je n’aurais pas supporté de te voir souffrir ou pleurer à cause de moi. Je me suis dit que si je me comportais comme un connard, tu te dégoûterais de moi et tu m’oublierais plus vite ».

    Cette conversation à « cœur ouvert » avec Jérém, sa façon de s’ouvrir à moi « sans filtres » me touche beaucoup. J’ai adoré recevoir enfin la réponse à des questions restées de longs mois en suspens. Ses mots me font du bien, me rassurent quant à ses sentiments pour moi et me montrent sa réelle difficulté à les assumer. Je me rends compte des pas de géant que Jérém a accomplis en si peu de temps. Aujourd’hui, il assume le fait d’être gay. Il assume le fait de m’aimer. Et il assume le fait de me le montrer.
    Ce qu’il n’assume pas, parce que son entourage ne l’y encourage pas du tout, c’est de vivre notre histoire au grand jour.
    Et ce qu’il redoute par-dessus tout, c’est de me faire souffrir.

    L’autoroute défile sous mes yeux, avec ses paysages couverts par une couche de neige que le soleil fait étinceler comme une immense boule à facettes. Chaque pont dépassé, chaque sortie laissée derrière nous m’éloigne un peu plus de Toulouse et de mes soucis familiaux, tout en m’approchant un peu plus du bonheur de Campan, ce bonheur qui m’attend en compagnie de mon Jérém.
    Un bonheur qui sera, hélas, à durée déterminée. Pendant quelques jours, la magie de Noël va nous entourer et nous donner une parfaite illusion du bonheur. Mais qu’adviendra-t-il de nous à la rentrée ? Est-ce que tout va recommencer comme avant ? Le rugby, la distance, les silences, l’attente, les doutes, les sorties de Jérém avec ses potes, ses coucheries avec les nanas, les miennes avec d’autres mecs, les capotes, les MST ?
    Est-ce que ces retrouvailles de Noël vont être une belle parenthèse enchantée comme les premières retrouvailles à Campan ou vont-elles devenir le point de départ d’une nouvelle phase de notre relation ? Dans ce cas, sur quelles bases allons-nous faire repartir notre relation ? Comment allons-nous composer avec l’attente de mon test jusqu’en mars ?
    Nous devons impérativement parler de notre avenir. Tant de questions se bousculent dans ma tête, mais je sais que ce n’est pas le moment de les affronter. Nous aurons le temps et l’occasion pour cela.
    Pour l’instant, je profite du beau soleil de ce matin qui ressemble à une renaissance. Je me laisse transporter par le défilement incessant du paysage sous mes yeux, comme une invitation à aller de l’avant. Et cette main ferme et tiède que mon Jérém pose sur ma cuisse me rassure, me donne tant d’espoir.

    Plus nous avançons vers les Pyrénées, plus le ciel se couvre. Kilomètre après kilomètre, la couche de neige qui recouvre le paysage se fait de plus en plus conséquente. Nous traversons le plateau de Lannemezan de justesse, alors que la neige tombe et commence à prendre sur la chaussée fraîchement dégagée. Je suis touché par la féérie hivernale des bois, avec leurs arbres saupoudrés de neige fraîche qui longent l’autoroute.
    Nous nous apprêtons à quitter l’autoroute, lorsque mon portable émet un son de notification. C’est un message de maman.
    « Profite bien de tes vacances. Oublie ce qui se passe à la maison, ne t’en fais pas, ça va s’arranger ».
    Elle est adorable.
    « Merci maman, je t’adore ».
    « C’est qui ? » me questionne mon bobrun, un brin possessif.
    « C’est maman ».
    Me voilà suffisamment loin de Toulouse et rassuré pour vivre mon bonheur à fond. Nous voilà partis pour un nouveau beau voyage dont la destination est l’endroit exact où j’ai été le plus heureux de ma vie, avec mon Jérém. Je regarde mon bobrun, il me regarde. Il me sourit. Qu’est-ce qu’il est beau et adorable. Je lui fais un bisou rapide.
    Les jours à venir s’annoncent heureux.

    Après avoir quitté l’autoroute à Tournay, l’ambiance de la montagne se fait plus marquée. Nous traversons des villages solitaires, comme endormis, enrobés par la neige. On a l’impression d’être au beau milieu de nulle part, et loin de tout. C’est à la fois beau et mélancolique. Et pourtant, dans ce « milieu de nulle part » je suis bien comme nulle part ailleurs. Parce que j’y suis en compagnie du gars que j’aime.
    La neige ne cesse de tomber, et plus nous avançons vers notre destination, plus la route est encombrée. Les quelques bornes restantes s’étirent, car Jérém est obligé de rouler au pas.
    Malgré ses précautions, je sens la voiture patiner par moments, déraper à l’arrière. Ça nous fait des petites frayeurs, mais aussi beaucoup de rires. Notre complicité retrouvée me met du baume au cœur.
    Malgré la neige insistante, Jérém insiste pour faire une halte à Bagnères et faire quelques courses. Pendant qu’il part au bureau de tabac pour s’acheter des cigarettes, je vais à la pharmacie acheter des capotes et du gel.
    Nous reprenons la route alors que la visibilité est de plus en plus mauvaise et la viabilité de plus en plus difficile à cause de la neige qui s’accumule sur la chaussée. Jérém est obligé de s’arrêter et de monter à la hâte des chaînes neige tirées de la malle de sa voiture. Le bogoss a tout prévu.
    Les chaînes me rassurent, mais il me tarde d’arriver. Il me tarde d’être en sécurité et au chaud dans une maison, et non pas dans une voiture qui pourrait être bloquée par la neige.
    A la vision du premier panneau indiquant la direction de Campan, je suis envahi de souvenirs. Soudain, je sens un frisson géant monter de mon bas ventre et se propager dans tout mon corps, jusqu’à mon esprit.
    Je repense au coup de fil de Jérém après son accident, inespéré. A son invitation à aller le rejoindre à Campan, « je t’attendrai sur la halle ».
    Je repense au jour de mon départ, à ma fébrilité, à ma voiture qui ne veut pas démarrer, à mon pote Julien qui vient à ma rescousse avec sa propre voiture et des câbles. A la route, sous la pluie battante. A mes espoirs, à mes angoisses, à mes questions.
    Je me souviens de l’intense mélancolie que j’avais ressentie en découvrant ce paysage de montagne, les villages aux bâtisses en pierre. De mon excitation à l’approche de Campan. Je me souviens que j’en tremblais.
    Je me souviens d’à quel point j’appréhendais les retrouvailles avec Jérém, autant que je les appelais de tous mes vœux. Et je me souviens que j’étais en retard, et que je me disais, de plus en plus inquiet : « pourvu qu’il soit encore là ».

    « CAMPAN ».

    Lorsque le panneau d’entrée d’agglomération rentre dans mon champ de vision, les six lettres me percutent comme une gifle puissante. Je me souviens que lorsque ce panneau s’était présenté à mes yeux pour la première fois, quatre mois plus tôt, mon cœur avait eu des ratés.
    Et voilà la fameuse halle, avec son toit recouvert d’ardoise et ses piliers en pierre. Je me souviens de mon émotion lorsque je l’ai vue pour la première fois, mon lieu de rendez-vous pour les retrouvailles avec Jérém.
    Et voilà le petit boulevard où je me suis garé ce jour-là. Jérém s’y engouffre pour se garer, « on va faire un coucou à Martine ».
    Je me revois en train de le remonter, ce petit boulevard, de me hâter en direction de la halle en pierre. De me « hâter » comme je le pouvais, alors que j’avais les jambes en coton, le souffle coupé, le cœur dans la gorge, les mains moites, la tête qui tournait.

    La neige continue de tomber, mais à un rythme moins soutenu. Il y en a facilement quinze centimètres partout, et ça a un côté vraiment apaisant.
    Le claquement des portes de la voiture, nos voix, nos rires, le crissement sourd de chacun de nos pas, chaque son est comme atténué par la présence de la poudreuse. Le temps lui-même semble comme ralenti et apaisé par la présence de la neige.
    A l’instant même où nous passons la porte de la superette, Martine nous accueille avec un sourire aussi solaire que bruyant.
    « Ahhhhh, les voilààààààààààà les garçoooooooooooooooooons !!!!!!!!!!!!! ».
    Elle est, à elle toute seule, un comité d’accueil.
    « Salut Martine. Tu vas bien ? » fait Jérém.
    « Ah, on se tutoie encore, monsieur le joueur pro de rugby ? ».
    « Tais-toi et viens faire la bise ».
    Et là, l’adorable cavalière fait le tour de son comptoir et vient nous prendre dans ses bras et nous faire des bises on ne peut plus démonstratives.
    « Ça fait plaisir de vous voir ».
    « Moi aussi je suis content de te voir » je lui réponds.
    « Alors comment tu vas Nico ? Les études, la vie à Bordeaux… ».
    « Eh doucement » fait Jérém, taquin « on vient d’arriver. Laisse-nous souffler un peu. De toute façon tu viens manger chez Charlène, non ? ».
    « Oui, il semblerait que je sois invitée ».
    « Alors on te dira tout à table ».
    « D’accord, je range ma curiosité, mais je la ressortirai tout à l’heure. Je veux tout savoir ».
    « T’as un dessert et une bouteille de vin ? ».
    « Oui, j’ai ça, pourquoi ? ».
    « Pour ce midi ».
    « T’inquiètes, champion, je m’en occupe ».
    « Non, j’insiste » fait Jérém.
    « Allez, du vent. Allez prendre l’apéro chez Charlène. Moi j’arrive, le temps de me débarrasser des derniers clients et de fermer la boutique ».

    « Cette nana est vraiment super » fait Jérém alors que nous regagnons la voiture les mains vides. La neige fait une pause. Mais le village ressemble désormais à un immense gâteau recouvert de crème fouettée.
    Avant de repartir, Jérém appelle Maxime pour annoncer que nous sommes bien arrivés à destination. Je fais la même chose avec maman.
    Nous remontons la petite allée. Le temps que Jérém donne la priorité à une voiture qui roule à trois à l’heure, la halle se dresse fière et massive devant nous.
    Je me souviens de l’instant où j’ai aperçu sa présence dans la pénombre, sa carrure, son attitude de mec. Il était de dos, l’épaule appuyée contre le pilier d’angle du bâtiment, habillé d’un pull gris avec la capuche rabattue sur sa tête. J’ai ressenti le vertige, ma vue s’est brouillée. Je me souviens d’avoir eu envie de faire demi-tour. Et je me souviens avoir entendu de cette voix au fond de moi se lever pour crier :
    « VAS-Y ! ».
    Je me souviens du moment où il s’était brusquement retourné vers moi, alors que j’étais encore à plus de cinq mètres et que le bruit de la pluie couvrait toujours le bruit de mes pas. Comme si je l’avais appelé. Comme s’il avait senti ma présence.
    Je me souviens de sa barbe de quelques jours, de ses cheveux en bataille, des traces des coups de sa bagarre sur son visage, de son beau et doux sourire qui m’a fait craquer.
    Je me souviens du silence entre nous.
    Je me souviens de ses mots : « Tu es très beau ».
    Je me souviens qu’il portait sous son pull le maillot de rugby que je lui avais offert.
    Je me souviens de ses excuses : « Je me suis vraiment comporté comme un con avec toi… ». « Je suis vraiment, vraiment désolé… ».
    Je me souviens avoir pleuré et je me souviens que Jérém m’avait pris dans ses bras.
    Je me souviens de ses aveux : « C’est trop dur de vivre « ce truc » qu’il y a entre nous… toi t’as envie de le vivre à fond, moi ça me fait peur ».
    Je me souviens de ma déception. De mon envie de repartir sur le champ. Je me souviens de sa main qui avait saisi fermement mon avant-bras pour me retenir.
    Et je me souviens d’avoir eu l’éclair mental de lui demander : « Ça veut dire quoi MonNico ? ». « MonNico », un mot que j’avais entendu prononcer pour la première fois par une nana qui avait décroché son portable. C’était mon dernier appel, c’était quelques jours avant son accident.
    Je me souviens que dans un coin de la halle de Campan, pendant que la pluie tombait à seau dehors, Jérém m’avait donné un vrai baiser pour la toute première fois, un baiser à la fois fougueux et presque désespéré.
    « Ça te convient comme réponse ? ». « Tu voulais savoir ce que ça veut dire MonNico… ». « Tu m’as manqué… ».
    Et je me souviens que ce baiser et ces mots m’avaient décidé à rester.
    Je me souviens aussi de la dame qui traversait la halle à ce moment-là et qui nous avait regardés de travers parce qu’elle venait de voir deux gars en train de s’embrasser.
    Et je me souviens que Jérém m’avait donné son pull pour sortir de la halle sous la pluie battante.

    En quittant Campan pour rejoindre le centre équestre de Charlène, nous passons devant l’embranchement pour la petite maison.
    Je me souviens de la route étroite et sinueuse. De l’impression d’être enveloppé par la montagne, une présence qui force le respect.
    Je me souviens de la petite maison au toit en ardoise, posée dans un décor de nuages, de pluie et de brouillard. Du feu dans la cheminée, de l’odeur du feu de bois, de la chaleur accueillante de cette petite maison.
    Je me souviens que dès le seuil de la maison franchi, Jérém m’avait plaqué contre le mur et m’avait embrassé à nouveau, comme affamé, insatiable. Et je me souviens avoir vu dans ses yeux le regard d’un petit gars plein de tendresse et de bonheur.

    « Tu penses à quoi, Nico ? » j’entends à nouveau mon Jérém me questionner, me tirant soudainement de mes souvenirs.
    « A tout le bonheur que tu m’apportes. Et au fait que cet endroit c’est un Paradis sur terre ».
    Le bobrun me sourit et c’est beau à en pleurer.
    A l’approche du centre équestre de Charlène, je ressens une nouvelle vague de souvenirs me submerger.
    La rencontre avec cette grande dame qui a été et qui est toujours une sorte de maman de substitution pour mon Jérém. Charlène qui nous surprend en train de s’embrasser dans un box de chevaux. Jérém qui essaie de nier ce qui vient de se passer. Charlène qui le met à l’aise, lui disant que cela ne changera rien pour elle.
    Et puis ma première balade à cheval, Jérém préoccupé par ma sécurité, au petit soin lors de ma chute ; à la soirée fondue organisée par Martine, à la guitare de Denis, à cette ambiance bon enfant et bonne humeur qui a m’a tant touché. Et je me souviens du coming out de Jérém, un soir, devant ses potes. Certainement, l’une des plus grosses surprises que mon Jérém ne m’aie jamais fait.

    Après avoir garé la voiture devant la réserve de fourrage, et avant même d’aller voir la maîtresse des lieux, Jérém passe direct la porte e l’écurie. Un instant plus tard, il est en train de faire des papouilles à son bobrun de cheval Unico.
    Qu’est-ce que j’aime ce Jérém attachant qui va direct au contact de ces équidés qui sont comme un lien direct avec son enfance, et avec ses grands-parents. J’aime ce côté « terrien » qui ressort lorsqu’il retrouve ses racines.
    En ville, Jérém est un garçon qui aime soigner son apparence, se mettre en valeur. A Campan, il est tout autre. A Campan, il se fiche que son cheval mette du bazar dans son brushing ou que, dans l’élan des câlins, il laisse de la mousse blanche sur son beau blouson en cuir. A Campan, Jérém devient « nature », et ça, je kiffe à mort. A Campan, Jérém sourit souvent, beaucoup plus souvent qu’ailleurs. A Campan, il est heureux. Et ça, ça me rend heureux comme un fou.
    Dans le box d’à côté, « ma » Tequila s’impatiente pour recevoir sa part de câlins. Une tâche à laquelle je m’attèle avec plaisir. Un cheval c’est tout aussi affectueux et démonstratif qu’un chien. Et le contact avec l’animal, d’un naturel sans filtres, qui montre tout ce qu’il ressent, et notamment l’amour, ça fait du bien, et ça apaise.
    « Eh beh, ils ont l’air contents de nous voir » je lance.
    « Ça doit faire au moins deux mois qu’ils n’ont pas été montés. Ils ont envie de sortir. Mais vu la couche qu’il y a dehors, c’est pas d’actu ».
    « Viens » fait Jérém en m’attrapant par la main, en m’attirant contre lui et en m’embrassant doucement « on a encore une visite à faire ».
    Le bobrun se dirige vers le secteur des poneys, il inspecte les box jusqu’à retrouver Bille, la ponette qu’il montait lorsqu’il était enfant. Le petit équidé est contre le mur du fond et, contrairement à Unico et Tequila, ne fait pas le moindre pas vers nous en nous voyant arriver. Jérém l’appelle plusieurs fois, mais Bille n’est pas très coopérative. Un dirait même qu’elle fait la tête.
    « Elle est caractérielle » fait Jérém « elle me fait le coup à chaque fois. Elle fait la gueule parce qu’elle ne me voit pas assez souvent. Elle a peur que je l’abandonne ».
    Je me fais la réflexion que définitivement les animaux ne savent pas faire semblant. Mais aussi que nous avons tous les mêmes peurs, qu’on s’appelle Nico, Jérém, ou Bille.
    Jérém rentre alors dans le box et s’approche d’elle. La vieille ponette se laisse caresser, mais sans être démonstrative. Et le regard doux, enfantin, ému de mon bobrun pendant ces papouilles me touche au plus haut point.
    « Allez, on va voir Charlène » il me lance, en quittant le box.
    Je suis tellement ému que je ne peux m’empêcher de le serrer dans mes bras et de le couvrir de bisous et de tendresse.
    « Allez, on est attendus ».
    En nous dirigeant vers la sortie, nous passons devant le box dans lequel Charlène nous a surpris en train de nous embrasser.
    « Tu te souviens de la tête de Charlène ? » me lance Jérém.
    « Je me souviens surtout de TA tête ».
    « Je n’en menais pas large ».
    « Mais ça s’est bien passé ».
    « Charlène est une nana formidable ».
    Quelques pas plus tard, nous passons devant le box des équipements.
    « Tu te souviens ? » je le questionne à mon tour.
    « Putain, qu’est-ce que c’était bon de s’envoyer là-dedans ! ».
    « Truc de fou, oui… » je confirme.
    « Heureusement qu’on avait fermé à clé ! ».
    « C’est clair… JP et Carine ont débarqué pile au mauvais moment ».

    Charlène nous accueille à son tour avec un élan d’affection qui fait le plus grand bien. Et elle n’est pas seule. JP et Carine sont là, ainsi que Ginette et son mari. Et eux aussi nous gratifient d’un accueil digne du retour du fils prodig(u)e. Je ne me lasserai jamais du côté démonstratif et exubérant des gens d’ici.
    « Il a suffi que je dise à Martine que vous alliez venir, pour que tout le village soit au courant » se marre Charlène « et pour que le gang des retraités débarque illico ».
    « Le gang des retraités t’a bien aidée à préparer la soupe » fait Carine.
    « Et puis le gang des retraités… t’emmerde » fait JP, déconneur. C’est marrant d’entendre ce genre de mot dans la bouche de quelqu’un aussi classe que JP, mais le deuxième degré qu’il met dans cette formule rend sa sortie hilarante.
    « Il y en a d’autres qui veulent vous voir » fait Charlène « j’espère que vous n’avez rien prévu pour demain soir. Parce que c’est soirée fondue au relais ».
    « Le cavalier est un animal qui ne sort pas en balade l’hiver » fait JP, taquin « mais il n’hiberne pas pour autant. Et il n’est jamais le dernier pour un bon gueuleton en compagnie de bons amis ».
    La table est dressée avec le soin des grandes occasions. Le feu est dans la cheminée, accueillant, rassurant. Très vite, il me fait penser à un autre feu, à une autre cheminée que j’ai hâte de retrouver. Je ne suis pas pressé de partir de là, je me sens on ne peut mieux en compagnie de ces êtres adorables. Mais la petite maison est la destination ultime, être dans les bras de Jérém est le bonheur ultime.
    Les apéros sont servis par la main généreuse de JP, et nous nous installons à table en attendant l’arrivée de Martine.
    « Alors, racontez-nous tous les gars » fait Charlène, impatiente de savoir « Comment se passe la vie parisienne ? Et la vie bordelaise ? ».
    Jérém raconte ses débuts parisiens, sans omettre ses difficultés des premières semaines à s’intégrer dans une équipe existante. Il parle du soutien d’Ulysse, son nouveau grand pote, et de sa blessure pendant un match d’entraînement.
    « Rien de sérieux ? » le questionne JP.
    « Non, ça va, mais le médecin m’a mis un arrêt de trois semaines. Et en plus je me suis fait suspendre par le coach ».
    « Mais qu’est-ce que tu as foutu ? ».
    « Je me suis battu avec le con qui m’a blessé pendant le jeu. Je suis sûr qu’il l’a fait exprès ».
    « Et c’est pour cette raison que tu t’es battu ? » le questionne Charlène.
    « Non, je l’ai cogné c’est parce qu’en plus il se foutait de ma gueule. Je ne sais pas ce que je lui ai fait, mais ce type ne peut pas me blairer ».
    « Tu dois être meilleur que lui, ça suffit largement à le rendre mauvais » fait JP, perspicace comme toujours.
    C’est là que Martine débarque, dans un tourbillon de bonne humeur et de rires qui semble flotter en permanence autour d’elle.
    « T’es à l’avance » fait JP, railleur.
    « Mais j’ai un métier, MOI ! » elle se marre « tiens, au lieu de dire des bêtises, sers-moi plutôt un Martini blanc. J’espère que vous m’avez attendue pour commencer l’interrogatoire des deux citadins ».
    « Charlène n’a pas pu attendre ».
    « Rhoooo. Alors, j’ai raté quoi ? Allez, faites-moi un résumé comme au début des épisodes des séries. Précédemment, dans Jérém et Nico… ».
    Jérém résume ce qu’il vient de raconter, puis je me lance dans le récit de ma vie bordelaise, de mes études, de mes partiels à venir. Bien évidemment, il y a des choses que je passe sous silence.
    « Et dans tout ça, vous arrivez à vous voir un peu ? » demande Carine, en touchant un point sensible sans le savoir.
    « Pas autant qu’on aimerait » fait Jérém.
    « Entre les entraînements et les match, tu dois avoir un emploi du temps de fou » fait Ginette.
    « Oui. Et je fais des études aussi ».
    « Des études de quoi ? ».
    « Dans le commerce et le marketing ».
    « Ah, le marketing, ou l’art de faire croire au consommateur qu’il a besoin du produit qu’on veut lui vendre, alors qu’il pourrait parfaitement s’en passer » fait JP, philosophe comme toujours.
    « C’est assez bien résumé » fait Jérém, mort de rire.
    « Avec une gueule comme la tienne et un peu de technique, tu pourrais vendre du sable à des Touaregs » fait Martine.
    « Blagues à part » elle continue « je trouve bien que tu prépares ton avenir pour plus tard. Le rugby c’est bien, et je te souhaite de faire une immense carrière. Mais ça peut aussi s’arrêter brutalement, et c’est bien d’avoir un plan B pour se retourner, au cas où. Alors, même si mener études et carrière sportive en parallèle est difficile, il ne faut rien lâcher. L’important c’est de valider tes partiels, à ton rythme, et de ne pas se décourager, même en cas d’échec ».
    « Du coup vous ne vous voyez pas trop » revient à la charge Carine.
    « Une fois par mois… à peu près » fait Jérém.
    « C’est pas beaucoup » fait Carine.
    « Le week-end, j’ai match, je ne peux pas bouger ».
    « Mais Nico peut venir ».
    « On doit rester prudents » je me lance.
    Je surprends sur moi un regard attendri de Jérém qui semble dire « merci de comprendre », et cela me fait un bien fou.
    « Tu crains que ça si se savait… » fait Ginette en s’adressant à mon bobrun.
    « Ce serait une cata » la coupe JP.
    « Pourquoi ? ».
    « Parce que sur ce sujet il y a encore trop de gens qui sont cons, notamment dans le sport, et surtout « entre mecs »… » fait JP.
    « Mais si tu ne vois pas de nanas, ils vont quand même finir par se poser des questions » considère Carine.
    « Je gère » fait le bogoss « officiellement, j’ai une copine à Bordeaux ».
    « J’adore » fait Martine.
    Je suis content que Jérém ne parle pas de ses coucheries, et je me garde bien de dire le moindre mot sur le fonctionnement compliqué de notre relation, un sujet qui ne concerne que nous deux et à propos duquel nous allons certainement être amenés à discuter dans les jours à venir.
    « Ça doit être difficile d’avoir une vie sentimentale épanouie si on doit faire attention à chaque instant » commente Charlène.
    « C’est un casse-tête, en effet » admet Jérém.
    « Mais votre amour est plus fort que ça, la preuve est que vous êtes à nouveau là, tous les deux ensemble, même après quatre mois de vie parisienne » fait JP, visiblement heureux pour nous « je trinque à ces deux beaux garçons, je leur souhaite que la vie leur apporte le meilleur dans tous les domaines ».

    Le repas de Noël se termine tard dans l’après-midi. Charlène, toujours égale à elle-même, nous propose de rester dîner le soir et de dormir au chaud.
    « Vous irez à la maison demain matin, avec le jour, vous prendrez du bois sec ici pour vous chauffer et vous aurez le temps de faire des courses ».
    Je n’arrive pas à m’habituer à tant de bienveillance et de générosité. A chaque fois, je suis touché au plus haut point.
    Bien évidemment, nous l’aidons à ranger la table et la cuisine, ainsi qu’à nourrir les chevaux. Je retrouve avec plaisir cette douce odeur, mélange de fourrage, de crottin et de cuir qui caractérise l’ambiance d’une écurie. Je retrouve le bruit des sabots, les hennissements, les ébrouements, le glissement du grain dans un seau, le bruit de la fourche qui racle le sol bétonné, celui du foin qui glisse sur lui-même.
    Sans compter le fait que mon Jérém en cotte, même mal coupée, même élimée, est sexy à un point inimaginable. Un côté de la double fermeture zip étant laissé ouvert sur une bonne vingtaine de centimètres, cela laisse mon regard buter sur une belle portion de coton blanc de son t-shirt, ainsi que sur sa chaînette de mec et sur la partie de son tatouage qui remonte le long de son cou. Quant à ce bonnet informe qu’il a sorti de son sac de sport, inutile de préciser qu’il le porte avec un panache remarquable.
    Le voir travailler de bonne haleine, se donner à fond, sans rechigner devant aucune tâche, y compris les plus lourdes, comme dégager du fumier, pour aider Charlène, cela me touche beaucoup. Ça me donne envie de l’aider et de partager ce moment avec lui. Dans un box vide, alors que nous attendons pour remplir des seaux d’eau, nous nous embrassons. Une nouvelle fois, Charlène nous surprend.
    « Oh qu’ils sont beaux mes petits amoureux ! ».
    Jérém s’éloigne immédiatement de mes lèvres.
    « Mais ne faites pas attention à moi, vous pouvez continuer ».
    Jérém sourit et vient poser un dernier bisou rapide sur mes lèvres, avant de récupérer deux seaux et d’aller les poser dans d’autres box.
    « Je suis vraiment heureuse de voir que vous êtes toujours ensemble. Vraiment, vous êtes si beaux, et si heureux, tous les deux. Ça fait plaisir à voir ».
    « Ce n’est pas facile tous les jours ».
    « J’imagine, mais ici vous êtes bien, vous allez pouvoir vous ressourcer, et vous retrouver ».
    « Ici, c’est juste le Paradis ».
    Nous terminons les soins aux animaux alors que la nuit s’installe et que la neige recommence à tomber de plus belle. Nous dînons tous les trois, et je me laisse transporter par la conversation de Jérém et Charlène, un échange évoquant des moments du passé, des balades, les grands parents de Jérém, les derniers potins au sujet de la petite bande.
    Il est tout juste 21h30 lorsque Charlène nous annonce qu’elle va se mettre au chaud dans son lit en compagnie d’un bon livre. Mais avant cela, elle nous installe dans une chambre à l’étage qui avait été jadis la chambre de sa fille.
    La chambre est petite, le lit n’est pas grand, le plafond est bas et mansardé, le placo est très fatigué, la porte à moitié destroy, le papier peint gagnerait à être euthanasié, le ménage mériterait de passer dans une émission télé.
    Mais les draps son propres, et la chambre est chaude. Voilà un nid douillet dans lequel je m’installe avec bonheur en compagnie de mon bobrun.
    Cette nuit, nous faisons l’amour, alors que la neige tombe toujours dehors. Et nous nous faisons une infinité de câlins, de promesses silencieuses.



    Bonjour à toutes et à tous,

    voici quelques infos au sujet de Jérém&Nico.

    Prochain épisode « 0242 Une année peut en cacher une autre » : sortie 20 novembre. Cet épisode est le dernier de la saison 2.

    Soirée chat le 26 novembre à 21 heures pour échanger avec vous au sujet des développements de la saison 2 et pour évoquer la saison 3 qui démarrera le premier jour du printemps 2021. Détails pour le chat dans le dernier épisode.

    Fabien

    Commentaires

    Chris-j

    18/11/2020 21:10

    Je pense qu’un mec comme Jérém, n’a pas besoin qu’on lui dise qu’on l’aime ou que c’est le plus beau. Ca le flatte mais ça fait de celui qui le dit un flatteur,
    et Jérém doit voir ça à longueur de temps et à la fin de chaque matches. Par contre, il a besoin qu’on l’aime, ce qui demande de la force de caractère. 
    Je pense que c’est une grosse bêtise, dans la vraie vie, de dire à quelqu’un qu’on l’aimera toujours, qu’il n’y a que lui qui compte etc… Si c’est la vérité, cela se vérifiera sans qu’il y ait à le crier sur les toits. Dans le pire des cas, ça peut induire l’idée que l’on peut tout se permettre, puisque le combat est gagné d’avance. Il est peut être un peu comme ça, notre Jérém

    Jean

    17/11/2020 17:30

    Malgré tout, je pense qu’il y a un truc qui ne marche pas avec Jérémy.Si il a pu passer 3 mois sans voir Nico, c’est qu’il ne lui manque pas. Aucune de ses justifications ne tient la route sur cette durée. On sait qu’il est intelligent et qu’il a de l’empathie. Donc si il le rappelle encore à noel, c’est qu’il se comporte en égoiste car il sait que cette piqure de rappelle prolonge le mal être de Nico. Il l’exprime d’ailleurs assez bien. Si il peut se passer de lui aussi longtemps, on ne voit pas pourquoi il craquerait, sauf à ne penser qu’à lui et en se foutant des conséquences. Il y a quelque chose qui ne va pas dans son logiciel et malgré le charme du personnage qui veut être attachant et qui a l’air sincère.

    Chris-j

    16/11/2020 21:41

    Même quand ce n’est pas un épisode qui fait bouger les lignes ou un épisode qui me plait moins, il y a toujours un moyen d’apprécier. Là, ce sont les dialogues entre J&N. C’est peut être la première fois qu’ils ont un échange sans enjeux passionnel, une conversation banale. Je pensais que Fabien ne savait pas quoi leur faire dire, que ça le bloquait de sortir de leur registre, avec Jérém dominant et Nico toujours tétanisé à l’idée d’une parole de trop. Du coup, Jérém rajeunit. 
    C’est sympa et ça change. On verra la suite, mais c’est plutôt Jérém qui risque d’être déstabilisé. 

    Jean

    16/11/2020 14:49

    C’est le statu quo. Après cet épisode la situation reste bloquée

    Chris-j

    15/11/2020 19:29

    Pour ne commenter que l’épisode, en mettant le cas Jérém de coté, je crois qu’il est construit autour deux émotions opposées.
    D’une part, l’apaisement de Nico, du à la présence de Jérém, mais aussitôt après, l’inquiétude qui pointe à tout moment. 

    « Pendant quelques jours, la magie de Noël va nous entourer et nous donner une parfaite illusion du bonheur. Mais qu’adviendra-t-il de nous à la rentrée ?
    Est-ce que tout va recommencer comme avant ? Le rugby, la distance, les silences, l’attente, les doutes, les sorties de Jérém avec ses potes, ses coucheries avec
    les nanas, les miennes avec d’autres mecs, les capotes, les MST ?
    Est-ce que ces retrouvailles de Noël vont être une belle parenthèse enchantée comme les premières retrouvailles à Campan ou vont-elles devenir le point de
    départ d’une nouvelle phase de notre relation ? Dans ce cas, sur quelles bases allons nous faire repartir notre relation ? 
    Nous devons impérativement parler de notre avenir. Tant de questions se bousculent dans ma tête, mais je sais que ce n’est pas le moment de les affronter.
    Nous aurons le temps et l’occasion pour cela. »

    Aux deux extrémités de ce questionnement, deux scènes en miroir qui rendent palpables la précarité dans laquelle Nico est
    maintenu, par ses propres sentiments mais, également par ceux entretenus par Jérém.
    Il y a quelque chose de poignant à le voir au seuil de la porte, se demandant si, et quand il reverra Jérém.  Est ce que sa vie ne peut
    se construire qu’en se glissant au travers des rares brèches que Jérém laisse ouvertes.
    Le réel est rarement à la hauteur de ce qui est espéré. Dans sa relation avec son père, ou celle avec Jérém, les actes qui sont mis en
    place viendront toujours abîmer ses idéaux.
    Il est amusant d’entendre Jérém rappeler à Nico qu’il est majeur, quand leurs échanges montrent que le plus adulte des deux n’est
    pas toujours le rugbyman. Ils se parlent de choses déjà évoquées à Campan, mais c’est mignon de voir Jérém jaloux et possessif.
    C’est la première fois qu’il l’exprime sans être sous l’emprise de la colère. Je me demande si le froid qui existe entre Jérém et Thibaut
    ne vient pas aussi de la jalousie et de la peur d’être vu comme moins fort, moins stable et au fond trop fragile. 

    Après sa rencontre avec Thibaut, Nico remarquait que la distance rend lucide sur les autres, mais est-ce que la proximité brouille
    l’esprit. Je m’interroge sur la conclusion qu’il tire comme un soulagement « ce que Jerem redoute par-dessus tout, c’est de me faire souffrir ».
    Si c’est le cas, il ne s’en pas prive pas pour autant et ce n’est pas fini. Pour que Jérém garde l’esprit tranquille, il faudrait que Nico
    cesse de souffrir ou qu’il cesse de montrer qu’il souffre. Comme ça, plus de problèmes!
    Les sentiments troublent la lucidité et l’intelligence n’est d’aucun secours. On voit ce qu’on veut voir et le poids qu’on met dans la
    balance la fait pencher ou cela fait le moins mal. Si Jérém ne fait pas un nouveau pas vers Nico, le jour viendra ou les trop rares
    instants de bonheur, ne feront plus le poids par rapport aux semaines interminables qui restent à attendre. 

    La partie du texte ou on refait la route de Campan est la plus belle à lire. Les souvenirs qui remontent en flash-back sont aussi
    ceux du lecteur, et on peut ainsi mesurer le chemin parcouru.
    J’ai cru au grand amour entre Nico et son Jérém. J’ai vu que les sentiments de Jérém étaient tellement dévastateurs qu’il n’avait pas
    pu leurs résister. il avait fait un saut dans l’inconnu et le désordre et il était superbe en acceptant cette prise de risque qui ne lui
    rapportait rien, mais qui le rapprochait du mec qui l’aime. Un mec qui n’a rien de spectaculaire à offrir. C’était très beau.
    Alors que c’est-il passé depuis. 
    Quand Jérém et Nico sont entourés de leurs amis, ils sont traités comme des stars, mais surtout comme le COUPLE qu’ils
    ne sont pas. C’est quand même incroyable que devant les seuls amis avec qui ils peuvent être sincères, ils doivent composer.  
    On décèle dans les louvoiements de Jérém l’aveu qu’il n’est pas si héroïque que ça, et que pour faire bonne figure, il doit travestir
    la vérité. Pourtant, comme il le défend lui-même, ce n’était pas insurmontable de voir Nico. J’aimerais savoir ce que Jérém ressent
    quand il dit : « On se voit une fois par mois…à peu près » en sachant que Nico se tait mais qu’il n’en pense pas moins.

    Donc, c’est un épisode qui fait naitre les émotions qui correspondent aux questions qui se posent, autant à Nico, qu’aux lecteurs. 
    Est ce qu’on profite de les voir réunis, heureux avec leurs amis, à l’endroit où se sont écrits leurs plus beaux chapitres. 
    Est ce qu’on entend les notes dissonantes, les promesses non tenues, les blessures d’amour propre de Nico. 

    Il lui reste une chance d’aider Jérém à plancher entre deux baises avec préservatif (puisque pendant que Jérém s’occupe de
    la bouffe, il s’est occupé de la baise LOL)… Une chance pour que Jérém réalise que sans Nico c’est moins bien, que sa vie serait
    moins belle. 
    Est-ce que Nico va savoir un jour quelle est sa place dans la vie de Jérém, est ce que Jérém va se poser la question de savoir jusqu’où
    il est prêt à risquer sa relation pour autre chose. 

    PS: Je réalise seulement maintenant qu’il y a une incohérence dans l’attitude de Jérém par rapport à ses coéquipiers. Puisqu’il a inventé
    une copine à Bordeaux, c’est surprenant qu’il n’ait jamais été la rejoindre depuis septembre. 

    Chris-j

    14/11/2020 14:43

    les commentaires de Yann font écho à ce que je pense en lisant cet épisode. D’un coté, je veux me dire que c’est génial qu’ils se retrouvent pour repartir de l’avant (et vers de nouveaux écueils), mais pourtant, l’attitude de Jérém m’en empêche. Je l’ai perdu en route, je sais quand, mais je ne comprends pas pourquoi. 
    Est-ce que c’est le scénario qui condamne à la répétition. En les séparant géographiquement, leurs interactions sont limitées et depuis Campan, ils ne se sont vus que deux fois. Pour maintenir Nico dans la position d’amoureux condamné à être sur les charbons ardents, il faut que Jérém ait un attitude déstabilisante.
    Le problème, c’est que c’est la troisième fois qu’il fait le coup, du « on va se faire mal, alors c’est mieux qu’on arrête, mais finalement je ne peux pas me passer de toi »… avec pour explication le stress du rugby, la nécessité du secret… La première fois, pour leur retrouvaille, c’était vrai. La deuxième fois, quand Nico débarque, pourquoi pas. 
    Mais là, c’est la troisième fois, et il n’y a rien eu de particulièrement frappant entre temps. On a l’impression qu’il a oublié que Nico existe et qu’il s’est mal comporté avec lui depuis son installation parisienne.
    Une fois à Toulouse pour ses vacances, il pense à le contacter, mais  il se dit que après tout, Nico est peut être passé à autre chose. 

    On a connu Jérém, macho, avec une propension à faire souffrir et humilier. Mais à Campan, on a découvert quelqu’un d’autre. Je ne parle pas de gentillesse, ou de douceur, qui sont éventuellement des attitudes changeantes selon les circonstances. On a découvert un garçon hyper sensible et ça ne peut pas se changer, c’est sa nature. Jérém est tombé amoureux d’un mec, il l’a invité chez lui, il s’est affiché avec lui, plus tard, il lui a dit à quel point il l’avait boulversé, il lui a avoué qu’il n’avait jamais éprouvé de tels sentiments pour personne. 
    Jérém connait Nico par coeur, il sait bien qu’il ne va pas changer, l’oublier du jour au lendemain. Il y a une distortion entre ce qu’on sait de lui, et ce qu’il montre depuis deux épisodes. 
    Le Jérém de Campan n’est pas un coeur d’artichaut, il aurait senti l’angoisse grandir en lui devant l’échéance de Noel. Il aurait éprouvé de la culpabilité, il aurait espéré se faire pardonner. Il aurait même fait un cadeau à Nico, puisqu’il a un peu d’’argent. 
    Mais ce n’est pas ce qu’on lit. On a un Jérém, zen, cool, qui a repris du poil de la bête, qui pense à ses études, qui passe noel chez un père dont il prétend ne rien attendre. Il se demande si ça vaut encore le cout d’envoyer un sms à Nico, il improvise un noël et un séjour à Campan sur un coup de tête. 

    Je ne le reconnais pas et je ne trouve pas que ce soit logique. Il ne ressemble pas non plus à ce que Thibaut dit de lui. Je l’ai perdu 

    Yann

    14/11/2020 09:08

    C’est un grand bonheur de voir J&N se retrouver mais je reste tout de même un peu troublé par l’attitude de Jerem.
    Il y a ces mots  » Je crois que si tu ne m’avais pas envoyé ton message en premier, tu ne serais pas dans cette voiture. Et tu me manquerais à en crever… Je ne sais pas si j’aurais osé revenir vers toi. Je ne veux pas que tu penses que je viens te chercher quand ça va mieux et que je te laisse tomber quand ça va mal. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureux que tu m’aies envoyé ce message ». C’est violent comme révélation.
    Quand il dit « Je commençais à penser que tu étais passé à autre chose… » je me demande si ce n’est pas ce qu’il espérait même si il devait en souffrir.
    Campan 2 sera-t-il comme Campant 1 ? Est-ce le lieu des dénouements ? On se souvient que Campan 1 avait marqué un progrès énorme de Jerem pour s’accepter alors qu’avant il répétait en boucle « je ne suis pas PD ». Ca a été aussi le lieu de son coming out surprise auprès de ses amis. Je souhaite que Campan 2 participe d’une nouvelle avancée pour Jerem. La première fois il s’agissait d’une avancée sur lui-même, là c’est par rapport à son environnement extérieur ce qui est plus compliqué pour lui. Sinon ce serait juste une parenthèse pour les vacances de Noël et ce serait tellement triste.
    Autre chose que je remarque. Dans leur discussion sur le trajet, J&N parlent à cœur ouvert de sujets comme Stéphane, Thibault, du plan à trois etc. Beaucoup de ces sujets ont été abordés dans des commentaires sur les épisodes récents et je me demande si Fabien n’aurait pas choisi une certaine forme d’interaction subtile, avec nous lecteurs, pour rétablir certaines idées fausses que l’on aurait pu se faire sur ses personnages ou des faits qui le concernent ? Est-ce que je me trompe Fabien ?

    Chris-j

    13/11/2020 19:22

    Il y aurait beaucoup de choses à dire, sur cet épisode, sa structure, son contenu et surtout sur Jérém.  
    Ce sera un vrai bonheur de les retrouver pour un épisode supplémentaire. 

    Virginie-aux-accents

    13/11/2020 06:45

    Quel bonheur de retrouver Campan et Charlène. La bande des cavaliers est tellement bienveillante. C’est ce qu’il faut à nos deux amoureux pour se retrouver sereinement. Il va aussi leur falloir parler de l’avenir et ce lieu est sans doute le meilleur pour cela. On rêve d’une tempête de neige qui les bloquerait là pour des mois, ensemble…

    Yann

    12/11/2020 16:00

    Curieux que Jerem n’ai pas de suite dit à Nico qu’il allait à Campan et demandé si il voulait l’accompagner. C’est la seule ombre au tableau de cet épisode avec quand même l’attitude du père de Nico. Bien sûr il y avait cette foutue pause mais, à sa place, la première chose que je lui aurais dite en allant à l’Hotel c’est que les autres nuits ils pourraient les passer à Campan. Jerem se demande toujours si il doit continuer cette relation avec Nico sachant qu’il va souffrir de ce qu’il ne peut pas lui offrir. C’est le coté le plus triste. Peut être qu’ils vont discuter tous les deux mais aussi avec leurs amis. Cela avait été si utile à Jerem la première fois. Campan ce sont ses racines on le sent si différent et si apaisé. Ce ressourcement auprès de ses amis peut le faire progresser sur lui-même.  
    L’évocation par Nico de ses souvenirs la première fois à Campan est émouvante. On pourrait relire les épisodes que l’on éprouverait pas la même chose, c’est un condensé d’émotions si bien racontées.
    Pour ce qui est de Nico est son père c’est triste. Il ne faut pas qu’il le provoque mais il ne faut pas non plus qu’il renonce à ce qu’il est ni qu’il culpabilise de s’affirmer face à son attitude bornée. Il doit garder la porte ouverte pour dialoguer mais pour cela il faut être deux à le vouloir. Ce ne doit pas être un combat où il y aura un gagnant et un perdant mais simplement chercher à se comprendre. Nico doit demander à son père en quoi être gay il le déçoit pourquoi il ne le soutient pas plus il est son fils et il est en droit d’attendre plus d’attention de sa part.

  • JN0240 Symphonie Toulousaine

    JN0240 Symphonie Toulousaine


    (En plusieurs mouvements et quelques dissonances).

    Lundi 17 décembre 2001.

    Dans la foulée du coup de fil à Benjamin et de son refus de se faire dépister, j’appelle les urgences pour connaître les plages de garde du médecin qui s’est occupé de moi la veille. On me dit de passer le soir même après 19 heures.
    Le médecin a l’air déçu que mon « partenaire » n’ait pas été plus coopératif. Elle me fait une ordonnance pour passer chercher le traitement pour le reste du mois à la pharmacie de l’hôpital.
    « Bon courage à vous » elle me lance à la fin de la consultation « Revenez à la fin du traitement pour un premier dépistage. Et surtout, si vous avez des rapports d’ici là, n’oubliez pas de vous protéger et de protéger votre partenaire, y compris en cas de rapport buccal. Le risque est moindre, certes, mais pas inexistant ».

    Mardi 18 décembre 2001.

    Depuis quelques heures, ma vie a changé. Elle est désormais marquée par l’« accident », une pensée qui ne cesse de me hanter, ainsi que par le « traitement », une cadence quotidienne qui contribue à ne pas me faire oublier l’« accident » lui-même.
    Comme prévu, ce traitement est assez dur à supporter.
    Mais le plus difficile à supporter est ailleurs. Le plus dur à gérer est cette peur, cette angoisse, l’attente du test trois mois après l’« accident ».
    Cette attente est un lourd fardeau à porter. Un fardeau que je ne veux partager avec personne. Je ne veux pas inquiéter les gens qui m’aiment. Je ne peux pas livrer ce doute, cette peur qui va durer trois mois. Je dois savoir avant. Si je suis négatif, tout cela n’aura été qu’un cauchemar. Et si le destin en aura décidé autrement, j’aurai le temps d’en parler plus tard.
    Si je n’ai pas du tout envie d’en parler, c’est aussi à cause d’une sorte de « superstition ». En parler, c’est rendre tout ça plus réel. C’est con, mais dans ma tête, en parler c’est aussi augmenter la chance que ça se termine mal.
    En attendant, je ne dors plus. Alors, entre la fatigue et les effets secondaires du traitement, je me dis que ce n’est pas la peine d’aller en cours. Je n’irai pas non plus demain, mercredi, ni jeudi.
    J’envoie un sms à Monica pour lui dire que je ne retournerai pas en cours avant la rentrée. Je prétexte la grippe. Elle me rappelle entre midi et deux. Elle me promet de me passer les cours à la rentrée. Cette nana est vraiment adorable.
    En raccrochant, je ressens au fond de moi la désagréable certitude que je vais foirer mes partiels de la mi-janvier.
    Je passe la journée de mardi à penser aux vacances imminentes. Je ne vais pas pouvoir échapper à un séjour et à au moins un réveillon chez mes parents. L’idée de me pointer à Toulouse dans cet état, de faire face à maman, à son regard qui captera immédiatement mon mal-être, ce qui ne manquera pas de l’inquiéter, me fait mal au cœur. Quant à la perspective de faire face à papa, de retrouver son regard dégoûté, hostile, ça me donne envie de partir très loin de tout ça.
    Et pourtant, je vais devoir y faire face. Et dans pas longtemps. Je m’en passerais bien, mais maman ne comprendrait pas que je ne revienne pas à la maison pour Noël.
    Pour l’instant, j’essaie d’apprendre à vivre avec la peur et l’incertitude quant à l’avenir. J’essaie de ne pas oublier de prendre les médocs. Et je m’emploie à éviter mes voisins. J’ai trop peur de ne pas pouvoir leur cacher ma détresse.
    Mais le mercredi soir, je me fais avoir par la ruse. En fin d’après-midi, Denis vient me chercher avec le prétexte de l’aider à déplacer un meuble. Le meuble en question est un meuble télé, que Denis aurait très bien pu déplacer tout seul. Et une fois dans l’appart, je suis « coincé », et je suis une fois de plus sommé de rester manger.
    « Je n’ai pas faim ».
    « Si tu as faim ! » me lance Denis.
    « Tu restes, un point c’est tout » fait Albert.
    Je finis par m’asseoir, à bout de forces.
    « Mais qu’est ce qui t’arrive Nico ? » me questionne Denis sans détours.
    « Rien, pourquoi ? ».
    « A d’autres ! Nous voyons bien que tu vas mal. Tu ne vas plus en cours, tu ne sors plus de chez toi. Tu as maigri. On dirait que tu n’as pas dormi depuis des semaines ».
    « C’est à cause de la « pause » avec Jérém ».
    « Non, je ne te crois pas. Il n’y a pas que ça. Tu n’es pas juste malheureux, tu as l’air préoccupé. Qu’est-ce qui se passe au juste ? ».
    « Rien d’important ».
    « Tu ne nous parles plus, tu nous évites. Ça ne te ressemble pas ».
    « Tu sais que tu peux tout nous dire et que nous pouvons tout entendre » ajoute Albert avec la voix douce et rassurante d’un grand-père « Parce que plus qu’un locataire, nous te considérons comme un ami, presque comme notre petit enfant ».
    Je suis touché par tant de gentillesse et de bienveillance. Mais les mots restent bloqués au fond de ma gorge.
    « Allez, Nico, laisse-toi aller ».
    « Il m’est arrivé un truc dimanche dernier » j’admets.
    « Qu’est ce qui t’est arrivé ? ».
    « J’ai rencontré un gars ».
    « Il t’a fait du mal ? ».
    « Non… non. Ça se passait bien, on s’entendait bien ».
    « Et qu’est ce qui s’est passé ? ».
    « Nous avons couché ensemble et… la capote a cassé… et il ne s’en est rendu compte qu’après avoir fini ».
    « Ah mince ! Et tu le connais bien ce gars ? ».
    « Pas plus que ça. Mais je sais qu’il fait pas mal de plans ».
    « Et tu es allé voir un médecin ? ».
    « Je suis allé aux urgences le soir même, et on m’a donné le traitement post-exposition ».
    « Et ce gars a fait le test ? ».
    « Il n’a pas voulu ».
    « C’est pour ça que tu es si mal depuis dimanche ».
    « Je ne voulais pas vous en parler pour ne pas vous inquiéter ».
    « Tu sais, on connaît d’autres gars à qui s’est arrivé ».
    « Et comment ça s’est passé pour eux ? ».
    « Avant le traitement post-exposition, ça se passait parfois mal » lâche Albert, en posant sa main chaude sur mon avant-bras « mais maintenant ça existe et ça a l’air de bien marcher. Il ne faut pas perdre espoir ».
    « De plus, tu as été exposé une seule fois et c’est pas sûr que le gars était positif. Avec le traitement en plus, je pense que tu n’as pas trop à t’inquiéter » continue Albert.
    « J’espère. Mais les trois mois à attendre le test vont être longs ».
    « Tu ne dois pas penser à dans trois mois. Concentre-toi sur le présent, et dis-toi que chaque jour est une cadeau et une victoire ».
    « Tu fais quoi à Noël ? » me questionne Denis.
    « Je vais chez mes parents. Mais j’ai peur de comment ça va se passer. Je ne veux pas leur parler de ça, mais je ne sais pas si je vais tenir ».
    « Si c’est trop dur, sors, balade-toi. Ne reste pas enfermé dans ta chambre. Va au cinéma, fais ce qui te fait plaisir. Prends un livre, et va le lire dans un bar. Va voir un pote qui te fait rire. Ou un pote que tu n’as pas vu depuis longtemps. Le temps passera plus vite ».
    Mes voisins et proprios sont vraiment adorables. En rentrant chez moi, je me sens un peu mieux. C’est encore tôt, et je trouve l’énergie pour appeler maman et lui dire que je serai à Toulouse dès vendredi.
    Elle me demande si je vais retrouver Jérém pendant les vacances.
    « Non, c’est compliqué en ce moment. Je t’expliquerai ».
    « Ce garçon ne mesure pas la chance qu’il a de t’avoir ».
    « Ou alors je ne suis pas le gars qu’il lui faut ».
    « Ne dis pas de bêtises mon lapin. Rentre vite à la maison, tu vas tout me raconter ».

    Je débarque à Toulouse le vendredi 21 décembre en milieu d’après-midi. Le premier constat en arrivant dans ma ville est de voir qu’elle porte à la fois les stigmates de l’explosion AZF et les décorations de Noël. C’est assez effrayant comme contraste. Je pense à ceux qui ont péri, aux blessés, à tous ceux qui ont été touchés de près ou de loin par cette catastrophe. Par ricochet, je pense aux new-yorkais touchés par les attentats. Pour eux non plus ce Noël 2001 ne restera pas dans les annales des Noëls heureux.

    Les retrouvailles avec maman sont pleines d’émotions. Je lui ai manqué tout autant qu’elle m’a manqué. Je tente de faire bonne figure, mais elle voit de suite que je ne suis pas bien et tente de me cuisiner. Je tente de mettre ça sur le compte de la « pause » avec Jérém mais je ne suis pas sûr qu’elle se contente de ça, surtout si je continue à me montrer abattu. Je ne veux pas qu’elle s’inquiète. Je dois apprendre à mieux faire semblant, je ne veux pas gâcher son Noël.
    Pour occuper ma soirée, je prévois de suivre l’un des conseils de Albert, d’aller voir un film dont j’attendais la sortie avec impatience. Le film en question est en salles depuis deux semaines déjà mais je n’ai pas encore trouvé le bon moment pour aller le voir. Le fait est que sa sortie est arrivée au même moment que la « pause », que Benjamin, que l’« accident ». Autant dire que dernièrement mes priorités ont été un brin chamboulées.
    Je propose à Elodie de m’accompagner, car je me souviens de lui avoir parlé de ce film à Gruissan et de l’avoir entendue me dire avec enthousiasme qu’on irait le voir ensemble. D’autant plus que c’est elle qui m’a fait découvrir cette saga. Mais je la prends trop de court, elle a déjà prévu quelque chose pour ce soir.
    Et pourtant, j’ai l’impression qu’il ne s’agit pas que de ça. J’ai l’impression que depuis qu’elle est en couple, et a fortiori depuis qu’elle est fiancée, notre complicité se relâche peu à peu. Et je pense qu’à l’avenir ça ne va pas s’arranger. Car elle aura forcément moins de temps à partager avec moi. Moins de temps et moins de complicité. Ainsi va la vie. Elle a désormais d’autres priorités, chose que je comprends parfaitement. Ce qui ne m’empêche pas pour autant de ressentir une certaine nostalgie teintée de tristesse. Car nos moments à discuter à bâtons rompus, à refaire le monde, à déconner, me manquent. Et je pense qu’ils ne reviendront pas.
    En fin d’après-midi, je prends un verre avec Julien dans un bar du centre-ville. Les retrouvailles avec le boblond sont toujours flamboyantes. Le gars est un tourbillon d’énergie et son sourire solaire et malicieux est un rayon de soleil. Julien a toujours des trucs drôles à raconter, et sa capacité à s’amuser de tout et à transporter ailleurs son interlocuteur fait partie de son charme ravageur.
    Il me demande de lui raconter ma vie à Bordeaux, ce que je fais sans trop d’entrain. Il me demande si je vois toujours « mon » rugbyman. Je lui raconte la « pause ».
    « Encore ? Mais ce gars est une véritable girouette ! Il est pire que moi avec les nanas ! ».
    « Il a ses raisons. Mais c’est trop dur pour moi de suivre » je coupe court.
    « J’ai du mal à imaginer que ce soit si difficile que ça de trouver le moyen de vous voir régulièrement.
    Ton beau brun a peut-être tout simplement peur de l’engagement que tu lui demandes. Vous êtes jeunes. Et puis, quels projets avez-vous en commun ? Aucun à ce jour. Toi tu vas poursuive tes études à Bordeaux, et lui essayer de se faire une place dans le rugby. Que pouvez-vous faire ensemble à ce stade ? ».
    « Nous voir, tout simplement, être bien ensemble, non ? Être là l’un pour l’autre. Ce serait pas mal pour commencer… ».
    « Votre histoire est belle parce qu’elle est compliquée » il poursuit « Vous vous aimez, vous vous adorez quand vous êtes ensemble, puis vous vous jetez, vous vous manquez, et vous vous retrouvez. C’est pas mieux ça que de tomber trop tôt dans la routine des amoureux ? La routine est la fin de l’amour ».
    « Tu as peut-être raison, mais en attendant c’est fatiguant ».
    « Et sinon, maintenant que tu es célibataire, tu es un peu sorti, tu t’es fait draguer ? Je parie que oui, tu es quand-même beau mec… ».
    Je n’ai pas le cœur d’affronter ce sujet. Parce que je sais qu’il va me mettre sur une pente glissante qui va m’obliger à parler de l’« accident ». Je ne veux pas lui parler de ça. Je lui en parlerai peut-être un jour, mais pas avant trois mois. Il m’en voudra peut-être de ne pas lui avoir « fait confiance ». Mais tant pis. Je ne veux pas qu’il se fasse du souci pour moi.
    Au moment de nous quitter, je propose au beau moniteur de m’accompagner au cinéma. Mais quand je lui annonce le film que je vais voir, il se moque de moi.
    « Mais t’as quel âge ? » il me charrie, tout en m’expliquant qu’il a un rancard avec une nouvelle nana plus tard dans la soirée.
    C’est donc seul que ce soir-là je me rends à la salle de la place Wilson pour découvrir le premier volet cinématographique de la saga de J.K Rowling.
    C’est toujours un drôle d’exercice que de découvrir un film tiré d’un livre qu’on a lu. Ça fait bizarre de voir les choix, essentiellement des coupes et des raccourcis, faits par le scénariste ou le réalisateur pour adapter l’histoire à l’écran, pour contenir 300 pages en moins de 2 heures. Ça fait bizarre de voir le livre mis en images et de voir ces images remplacer celles que mon imagination avait générées à la lecture. Et ça fait très bizarre de mettre un vrai visage sur Harry Potter. Mais la sauce finit par prendre, et je me laisse embarquer dans l’alchimie cinématographique dans laquelle la géniale musique de John Williams joue un rôle majeur.

    Lorsque je sors de la projection, il est presque minuit. Un vent glacial sillonne la place Wilson, fait valser les guirlandes suspendues entre les immeubles et le grand sapin au milieu de la place. Il fait froid, horriblement froid. Un froid qui traverse mon blouson, mon pull, mon t-shirt, mon jeans et qui arrive jusqu’à ma peau. Il fait froid dehors, comme il fait froid dans mon cœur.
    En revenant vers la maison, je ne peux m’empêcher de faire un détour par la rue de la Colombette. La nostalgie me happe, elle guide mes pas presque malgré moi. Car même si cela me fait de la peine, je ressens un besoin irrépressible de retrouver ces lieux familiers, les rues que j’ai empruntées tant de fois pour aller retrouver Jérém, la façade de son ancien immeuble, son ancienne terrasse où il a fumé tant de cigarettes après chacune de nos « révisions ». Oui, j’ai besoin de retrouver ces lieux, nos lieux, à la fois si proches physiquement et si lointains dans le temps, dans mon cœur.
    Je repense à la résolution que j’avais prise quelques jours plus tôt, d’appeler Jérém quand je serais à Toulouse, juste avant Noël. Mais ça c’était avant l’« accident ». Aujourd’hui, je ne me sens plus le courage de le faire.
    Ce soir, je voudrais être Harry Potter. Accio Jerem ! Accio résultats négatifs ! Je voudrais tant pouvoir prendre le train au départ de la voie 9 et ¾ pour partir loin, très loin.

    Noël approche à grand pas et le repas du réveillon se précise. Ce sera en famille, avec mes parents, mon oncle, le frère de mon père et sa femme, qui feront le voyage depuis Brive. Mais ils viendront sans leur fils Cédric, car mon cousin a prévu de passer le réveillon dans la famille de sa copine.
    Je pressens que cette soirée va être chiante à mort. Je sens que Cédric, le bogoss, le futur grand médecin, le joueur de foot, même absent, sera quand même bien à ce réveillon. Ce sera encore une confrontation entre Cédric le winner et Nico le looser. Je sens que je vais encore m’en prendre plein la gueule. Je sens que je vais adorer ça, je sens que ça va être un Noël de rêve. D’ailleurs, je rêve déjà…
    J’espère au moins que papa ne va pas trop me faire la gueule. Je vais essayer de me faire tout petit, de faire profil bas en attendant que ça passe. De toute façon, en ce moment j’ai des tracas plus importants que l’hostilité de mon père.

    Le lendemain, le dimanche 23 décembre, j’ai envie de revoir un pote. Je lui envoie un message le matin.
    « Salut, ça va ? Tu as un moment pour prendre un verre ? ».
    Bien sûr, j’ai toujours en tête les mots de sa copine Nathalie me demandant de couper le « laisser tranquille » pour ne pas raviver sa « bisexualité ». Mais Thibault est un pote, et j’ai envie d’avoir de ses nouvelles. J’ai envie de savoir comment il va, comment il récupère après ses blessures suite à la catastrophe d’AZF.
    L’adorable pompier me rappelle aussitôt.
    « Hey, Nico, tu es sur Toulouse ? ».
    Le simple fait d’entendre sa voix me fait du bien. J’ai l’impression que l’ancien mécano est en bonne forme et ça me fait vraiment plaisir.
    « Oui, depuis vendredi ».
    « Bien sûr que j’ai un moment pour prendre un verre, tu peux même venir manger à la maison ce soir. On se fait une soirée pizza si tu veux ».
    « Je ne veux pas m’incruster, je connais à peine ta copine ».
    « Elle ne sera pas là, elle travaille à 20 heures ».
    Voilà des mots capables de provoquer un grand soulagement en moi.
    « D’accord, j’apporte les pizzas alors ».

    A 20h30 je sonne à la porte de l’appart aux Minimes. Le battant s’ouvre aussitôt. Sourire solaire, regard bienveillant, charmant et touchant, Thibault apparaît dans l’embrasure de la porte. Il est toujours aussi beau. Il est habillé d’un pantalon en tissu molletonné, ainsi que d’un t-shirt gris. Un t-shirt qui me permet de constater que son corps a encore pris du muscle.
    « Hey, Nico, ça me fait plaisir de te voir » fait le beau stadiste, tout en me prenant dans ses bras, et en me claquant la bise, l’air vraiment content de me voir. Le contact avec sa barbe de quelques jours est enivrant.
    « Moi aussi je suis content de te voir ».
    Ça me fait drôlement plaisir de le voir debout, bien portant, si loin du Thibault abattu sur son canapé, le genou bandé, lors de ma précédente visite, juste après la catastrophe d’AZF. J’en suis presque ému.
    « Tu vas bien, Nico ? ».
    « Je vais bien, merci » je réponds machinalement « Et toi ? ».
    « Ça va beaucoup mieux, merci ».
    « Je suis content de te voir en forme ».
    « Merci, tu es gentil. Alors, raconte, comment se passent tes études à Bordeaux ? Tu t’es fait des potes là-bas ? ».
    « Les études ça va, je vais bientôt avoir mes premiers partiels. Oui j’ai quelques amis, surtout des camarades de cours. J’ai aussi sympathisé avec mes voisins et propriétaires, un couple d’hommes âgés qui sont vraiment adorables avec moi ».
    « C’est cool que tu trouves tes marques ».
    « C’est vrai ».
    « Alors, dis-moi » j’enchaîne « Tu as recommencé à jouer ? ».
    « Pour l’instant, j’ai repris la musculation. Ça fait trois semaines. Et si tout va bien, je devrais reprendre les entraînements mi-janvier. Il me tarde ! ».
    « Ça me soulage d’entendre ça. Finalement tu restes au rugby, alors ».
    « Pour l’instant, oui. Je vais faire la saison, après j’aviserai ».
    « Et les pompiers ? ».
    « Je reste aussi, je ne peux pas renoncer à ça, bien que j’aurai moins de disponibilités pour les astreintes ».
    « C’est tout à ton honneur. Définitivement, tu es un bon gars ».
    « Au fait, tu as des nouvelles de Jé ? » il change de sujet.
    « Vous n’avez pas repris contact ? » je le questionne à mon tour.
    « Non, pas vraiment. J’imagine qu’il doit être très occupé, je n’ose pas trop le déranger ».
    « Je n’ai pas de ses nouvelles depuis quelques semaines » je réponds enfin à sa question.
    « Ah bon ? Vous ne vous voyez pas, vous ne vous appelez pas régulièrement ? ».
    « Pas vraiment. Enfin… plus vraiment ».
    « Ah… et qu’est-ce qui s’est passé ? ».
    « Depuis qu’il est à Paris, Jérém a peur que son entourage découvre notre relation. Alors il ne veut pas que j’aille le voir. Il a même recommencé à coucher avec des nanas pour faire semblant ».
    « Tu crois ? ».
    « Je le sais parce que l’une d’entre elles s’est pointée à l’appart à Paris lui faire un sketch pendant que j’y étais en novembre ».
    « Ah… ».
    Il m’a dit qu’il tenait à moi, mais qu’il ne pouvait pas pour l’instant me proposer mieux que de faire chacun notre vie de son côté et de se retrouver pendant les vacances ».
    « Sur le coup, j’ai vu rouge. Mais j’ai fini par comprendre ses raisons, et que ça lui coûtait de me proposer ça. J’étais prêt à accepter ce mode de fonctionnement, mais à condition de le voir plus souvent. Je lui ai dit au téléphone. Et il m’a répondu qu’il avait besoin de temps. J’ai insisté et il a fini par me balancer qu’il voulait prendre une pause. C’était il y a presque trois semaines. Depuis, je n’ai pas de nouvelles ».
    « Ah, mince ! Toujours le même mon pote Jé. Quand il se sent dos au mur, il envoie tout balader ».
    « Après, je comprends ce qu’il doit ressentir » il continue « si son homosexualité s’ébruite, il court le risque de se faire marginaliser. Dans le monde du rugby, nous les joueurs nous sommes très populaires auprès de nos supporters. Nous partageons avec eux la même ville, les mêmes bars, les mêmes boîtes. Les rumeurs peuvent aller vite et détruire une carrière.
    Jérém doit vivre tous les jours dans la peur d’être découvert et que tout s’effondre autour de lui, que son travail et son investissement dans le rugby lui filent entre les mains.
    Il sait que s’il se fait rejeter personne ne viendra à son secours. Même pas son club. Si un gars se fait rejeter, si sa carrière est foutue à cause de ça, c’est pas un problème, ils en recruteront un autre. Les bureaux des dirigeants des clubs sont remplis de CV de joueurs avec du potentiel ».
    « Sinon, comment ça se passe son intégration dans l’équipe ? » il me questionne.
    « Il a eu quelques difficultés, mais depuis quelques semaines ça semble bien démarrer ».
    « Je peux me tromper, mais je ne pense pas que le rugby soit la seule raison de son comportement à ton égard ».
    « Tu penses à quoi ? ».
    « Jé a du mal à gérer ses sentiments. La dernière fois tu m’as parlé de vos retrouvailles à Campan, du fait qu’il était différent, que votre complicité avait pris une nouvelle dimension. Peut-être que sans le vouloir, tu lui as mis la pression, ou qu’il s’est mis la pression tout seul, et que ça lui a fait peur.
    Je pense qu’il doit aussi peur de te perdre que toi de le perdre. Jé a été marqué par la souffrance de l’abandon et il s’est construit autour de ça ».
    « Tu parles de sa mère ? ».
    « Oui, il ne s’est jamais remis du fait qu’elle ait refait sa vie loin de lui et de Maxime. Mais il y aussi souffert de la distance de son père qui a toujours été très dur avec lui, et qui a toujours pensé savoir de quel bonheur avait besoin son fils sans jamais lui avoir posé la question.
    Mais il y a aussi autre chose. Jé ne s’attendait pas qu’un gars comme toi viendrait lui révéler sa vraie nature et bouleverser sa vie. Il n’était pas préparé à ça. Et ça ne fait que quelques mois que tu es vraiment rentré dans sa vie. Mais l’espoir d’une évolution est permis, comme le prouvent les pas de géant qu’il a déjà faits vers toi ».
    « Il y a des moments où je me dis que cette pause est définitive, et que c’est fini entre nous ».
    « Non, je ne le pense pas. Tôt ou tard tu vas lui manquer et il va revenir à la raison. Après, je comprends qu’une pause imposée avec de la détermination peut ressembler à une rupture. Mais tu commences à connaître l’oiseau, d’abord il envoie tout valser, après il réfléchit. Il fonctionne comme ça depuis toujours ».

    « Sinon, ça se passe toujours bien avec Nathalie ? » je le questionne pendant que nous mangeons les pizzas.
    « Je crois, oui ».
    « Et pour votre bébé, tout avance bien ? ».
    « Très bien, Nath a passé une écho la semaine dernière, tout est normal ».
    « Dans trois mois mon enfant va arriver » il ajoute après quelques instants de silence « et plus ça approche, plus je me demande si je suis prêt à l’assumer ».
    « Pourquoi tu dis ça ? ».
    Thibault se tait, comme gêné de s’être trop avancé.
    « Allez raconte, tu peux tout me dire, tu sais ? » je tente de le mettre à l’aise « De la même façon que moi je sais que je peux tout te dire ».
    « Parfois… je pense à des trucs… ».
    « Des trucs ? ».
    « A des gars… des gars qui me font de l’effet. Et… je culpabilise… tu comprends, Nico ? Je vais avoir un gosse et je n’arrête pas de penser à ça… ».
    « Oui, je comprends. Mais tu as déjà… ».
    « Non, non ».
    « Mais tu en as envie… ».
    « Je ne sais pas. De toute façon, je ne veux pas faire des bêtises, je ne veux pas que cet enfant grandisse avec des parents séparés ».
    « Tu l’aimes Nath ? ».
    « Grande question ».
    « Si tu ne réponds pas par un « oui » franc à cette question, c’est peut-être que tu ne l’aimes peut-être pas ».
    Il est facile d’être clairvoyant lorsqu’il s’agit des histoires des autres.
    « Et tu préfères que cet enfant grandisse avec des parents qui ne s’aiment pas plutôt qu’avec des parents séparés mais heureux parce qu’ils ont refait leur vie ? ».
    « Je ne vois pas comment je pourrais refaire ma vie et être heureux ».
    « Tu es attiré par les mecs, Thibault, tu ne peux pas te voiler la face ».
    « Je ne me voile pas la face. Enfin, plus maintenant. Le fait d’avoir frôlé la mort il y a trois mois m’a obligé à me poser les bonnes questions. Je n’ai eu que ça à faire pendant des semaines.
    Mais je suis dans la même situation que Jé. Si je veux mener une carrière dans le rugby, je ne peux pas me permettre d’être moi-même ».
    « Tu crois que tu vas tenir le coup ? ».
    « Je n’ai pas le choix. J’ai trop à perdre. De toute façon, tout ça est encore trop nouveau pour moi. Et puis, je vais être franc avec toi, je n’ai toujours pas arrêté de penser à Jé. Je sais qu’il n’y aura plus jamais rien entre nous, parce qu’il est amoureux de toi et que tu es amoureux de lui, et je respecte ça. Mais c’est dur à assumer. C’est pour ça que je n’arrive pas à l’appeler. J’ai besoin de prendre de la distance pour tourner la page. Jé doit le sentir, j’imagine que c’est pour ça qu’il respecte mon silence ».
    « Mais assez parlé de moi » il coupe court pendant que nous nous déplaçons sur le clic clac devant la télé. « Comment tu comptes t’y prendre pour mettre fin à cette pause avec Jé ? ».
    « Je ne sais pas trop. Et je ne sais même pas si je devrais essayer quoi que ce soit ».
    « Qu’est ce qui se passe, Nico ? Je t’ai connu plus combattif que ça ».
    « Je suis fatigué », je me dérobe, alors que j’ai de plus en plus de mal pas à contrôler les larmes qui se pressent à mes yeux. Je suis à deux doigts de lui parler de l’« accident ». Mais je prends sur moi. je me dis que Thibault a bien assez se soucis de son côté pour que je l’accable avec les miens.
    Le jeune rugbyman m’attire contre lui. Je me retrouve demi allongé sur l’assise du clic-clac, installé entre ses cuisses, le dos collé contre son torse chaud, enlacé par ses bras.
    « N’aie pas peur de revenir vers Jé, il comprendra, j’en suis sûr, car il tient trop à toi ».
    Thibault sait trouver les mots pour me réconforter. Mais plus encore que ses mots, c’est sa présence, sa proximité, son amitié qui me font du bien.
    Dans le silence, dans la pénombre, je n’entends que sa respiration, calme, apaisante. Je sens son souffle dans mon cou, les battements lents de son cœur. Nous restons ainsi, enlacés, pendant un long moment.  Et ça me fait un bien fou.

    Il est presque minuit lorsque je décide de rentrer. Devant la porte d’entrée, nous nous regardons en silence pendant de longs instants, sans arriver à trouver la façon de nous quitter. Il y a tant de choses dans cet échange silencieux, peut-être plus que dans mille mots. Il y a de l’amitié, il y a de la tendresse, il y a de la complicité. Il y a, de ma part, une immense considération, une profonde estime, une affection infinie pour ce garçon si adorable.
    Mais il y a également autre chose. Je crois que nos corps se souviennent du plaisir qu’ils se sont donnés pendant une nuit déjà lointaine.
    Je sens que Thibault sait que, malgré mon amour pour Jérém, il me fait de l’effet. Et à cet instant précis, j’ai désormais la certitude que, comme je l’avais imaginé, ce gars dont Thibault m’avait parlé la dernière fois, et qui lui aussi lui fait de l’effet, c’est bien moi.
    Ça fait du bien de se sentir désiré par un beau gars comme Thibault. Mais en même temps, ça me rend triste. Car je sais que je ne pourrai pas lui apporter l’amour qu’il mérite. Je suis toujours amoureux de Jérém, et je ne sais pas si je cesserai un jour de l’aimer.
     « Appelle-moi si ça ne va pas » finit par lâcher l’adorable stadiste.
    « Toi aussi tu peux m’appeler, si tu as besoin de quoi que ce soit ».
    « Merci d’être passé Nico. Tu es le seul à qui je peux parler ».
    « Alors n’hésite pas ».
    « Je tiens beaucoup à notre amitié » il ajoute.
    « Moi aussi je tiens beaucoup à notre amitié. Tu es un gars génial ».
    « Bon courage, Nico ».
    « Bon courage à toi, Thibault. Et Joyeux Noël ».
    « Joyeux Noël à toi aussi » fait l’ancien mécano en me serrant une dernière fois dans ses bras pleins d’affection. Une accolade et une affection que je lui rends avec émotion, car ce petit gars me touche vraiment beaucoup.
    Je passe la porte et je repars seul avec mon fardeau, tout en laissant Thibault seul avec les siens. Dans cette vie, chacun a ses propres fardeaux à porter. Et en fin de compte, nous les portons toujours seuls.

    Le lendemain matin, le 24, je me réveille de bonne heure. Je me réveille en plein cauchemar. J’ai rêvé de Jérém, j’ai rêvé qu’on était dans ma chambre, alors que mes parents étaient en bas. J’ai rêvé que Jérém était là juste pour me baiser, comme il le faisait dans son appart de la rue de la Colombette. Il était macho, dominateur, limite violent et humiliant.
    J’étais triste de le retrouver ainsi, je ne le reconnaissais plus, j’avais envie de pleurer tant je ne retrouvais pas dans ce gars le Jérém que j’avais connu depuis Campan. Mais dans ma conscience du rêve, je savais que je ne pouvais pas changer son attitude. Je ne savais pas pourquoi il était redevenu ainsi, mais je savais que je n’avais pas d’autre choix que de l’accepter, pour ne pas le perdre. Je me souviens qu’il était venu en moi brutalement et que j’avais eu mal et que je m’étais dégagé de lui.
    Il avait voulu revenir en moi, mais je lui avais demandé de mettre une capote. Il m’avait demandé pourquoi et j’avais dû lui expliquer ce qui s’était passé avec Benjamin. Et là, il m’avait regardé avec un grand mépris, il s’était rhabillé et il était parti en me balançant sur un ton énervé et méprisant : « Surtout oublie mon numéro de téléphone ».

    Je me réveille en nage, le cœur emballé, les larmes aux yeux. Je reste longtemps immobile, hébété, me demandant si j’aurais un jour le courage d’annoncer cela à Jérém.
    Je tente de me rendormir mais je n’y arrive pas. Je me lève vers 8 heures, et je constate qu’au bout d’une semaine les effets secondaires du traitement semblent enfin s’estomper. Je prends mes médocs en cachette et je descends prendre le petit déj avec maman. Ce matin je me sens un brin mieux, et je sens maman aussi un peu plus détendue. Ça me fait plaisir. J’espère garder le moral jusqu’à ce soir, je pense que je vais en avoir besoin pour le réveillon.
    Le matin, j’aide maman à faire le ménage. L’après-midi, je l’aide à préparer le repas, nourriture et déco. J’aime bien partager ces moments avec elle, et rien qu’avec elle. Papa étant au travail, je profite de ces moments privilégiés pour parler avec maman de la « pause » avec Jérém.
    A plusieurs reprises, je suis à deux doigts de craquer, et de lui parler également de l’« accident ». Mais je ne peux pas, je ne peux pas lui faire ça. Pas à Noël. Les mots restent coincés dans ma gorge et c’est très bien ainsi.

    En s’occupant et en discutant, la journée passe vite. Il est déjà 19 heures, la voiture de papa vient de rentrer dans le garage, tata et tonton vont bientôt être là. Je passe à la douche, je m’habille, je prends une profonde inspiration et je descends affronter le regard paternel.
    « Tu as passé une bonne journée ? » je tente d’amorcer une conversation.
    « Une journée comme les autres » il me refroidit.
    Je reviens donc à la cuisine retrouver de la chaleur humaine auprès de maman. Je n’en ressors que lorsque j’entends la sonnette à l’entrée et qu’elle me demande d’aller ouvrir.
    Tata et tonton sont là, bruyants, bavards, étouffants, comme toujours. Dans leurs rondeurs et leurs manières guindées, ils me font penser à quelqu’un, mais qui ?

    Nous voilà en piste pour le réveillon. Comme je l’avais prévu, après quelques échanges de banalités, mon winner de cousin Cédric, même absent, ne tarde pas à s’inviter dans la conversation à table. Car son père, mon oncle, ne jure que par les réussites en cascade de son rejeton, dont il est très fier. Tout le contraire de mon père, qui n’a aucune estime pour moi. Comme à chaque repas de famille depuis mon enfance, la comparaison entre Cédric et moi est à l’ordre du jour et je me retrouve systématiquement en mauvaise position par rapport à lui – mon cousin étant plus fort que moi dans les études, promis à un avenir professionnel radieux et, ce, depuis le berceau, capitaine de son équipe au foot, doté de copine, sans oublier qu’il fait plutôt « mec ».
    Je savais que j’allais encore en prendre plein la gueule. Mais ce que je n’avais pas prévu, c’est que le plus difficile à supporter serait l’humiliation ressentie par mon père en entendant mon oncle faire l’éloge incessant et inconditionnel de son fils. Une humiliation bien trop visible dans son regard et dans ses silences. Une humiliation et une exaspération que mon père n’arrive à contenir, me semble-t-il, qu’au prix d’une énergie folle. D’autant plus qu’après mon coming out il a intégré un nouveau sujet de déception vis-à-vis de moi.
    Oui, le plus dur à supporter ce soir, c’est son humiliation. Parce que son humiliation, c’est la mienne aussi, décuplée par la sienne.
    Une seule chose, une seule personne aurait pu sauver ce réveillon qui s’annonce comme interminable et d’une lourdeur insupportable : ma cousine Elodie. Hélas, elle aussi s’est laissé entraîner dans un réveillon de belle famille avec son beau Philippe. Elle n’est donc pas de la partie et je me retrouve seul à affronter le poids de la famille.
    Il n’est même pas 22 heures et j’ai déjà envie de partir loin. J’ai envie de transplaner à Bordeaux et attendre minuit avec mes adorables papis. Peut-être qu’ils sont invités, ou qu’ils ont des invités. J’ai l’impression que tout le monde passera un meilleur Noël que moi.
    Si je m’écoutais, je monterais dans ma chambre et je n’en ressortirais que demain. Si je reste, c’est pour maman, et pour elle uniquement.
    Tonton et tata continuent de faire la conversation en mode « nous, nous », version pour couples du fameux « moi, je », sans oublier de revenir régulièrement en mode « Cédric, lui ».
    Ça y est, ça y est. Je viens de réaliser à qui mon oncle et ma tante me font penser, avec leurs rondeurs et habités comme le sont par l’admiration inconditionnelle et aveugle de leur fiston. Vernon et Pétunia, les parents de Dudley, l’oncle et la tante d’Harry Potter. Si seulement je pouvais posséder une baguette magique et leur lancer un sortilège de Bouchecousue !
    Le problème est que lorsque la conversation se détourne de leurs vies, ce n’est pas mieux. Car ils se mettent à m’interroger sur la mienne. Je suis questionné sur mes études, sur mes éventuelles copines, autant de sujets que je ne me sens pas à l’aise d’affronter devant papa. J’ai l’impression de marcher sur des œufs, et que chacun de mes mots augmente un peu plus son dégoût à mon égard. Alors, à choisir, je préfère encore quand ils sont en mode « nous, nous ».
    Je retrouve un peu de tranquillité lorsque la conversation se porte sur des sujets qui ne concernent pas la famille.
    Seul avec mes pensées, Jérém me manque à en crever. Je m’en veux terriblement de n’avoir pas su attendre Noël pour le retrouver. A l’heure qu’il est, nous serions peut-être ensemble ou bien nous nous apprêterions à passer des bons jours ensemble à faire l’amour. Si j’avais su attendre, il n’y aurait pas eu la « pause » et je ne serais pas tombé dans les bras de Benjamin. Il n’y aurait pas eu l’« accident ». Et je ne serais pas accablé par un compte à rebours qui m’apporte inquiétude et tristesse. Je me dis qu’une fois de plus c’est mon impatience qui a tout gâché.
    Soudain, je réalise avec effroi que, tout pris dans les préparatifs du réveillon, j’ai oublié de prendre mon traitement à l’heure habituelle du soir.
    Ma peur doit se voir sur mon visage car tata s’empresse de me demander si je vais bien.
    « C’est rien, j’ai juste un peu mal à la gorge. Ça doit être un coup de froid. Je vais aller prendre un truc ».
    Je sors de table et monte dans ma chambre prendre mes médocs. Je regarde l’écran de mon portable. Il est 23h42, et je n’ai toujours aucun message. Ce soir j’ai tellement besoin d’être dans ses bras. Même sans faire l’amour, je donnerais cher rien que pour me retrouver dans ses bras.
    Je cherche en moi le courage de lui envoyer un message. J’écris, j’efface, je réécris, j’efface à nouveau, encore et encore. Aucun mot ne me semble adapté. J’ai tellement peur. Je n’ose pas. Je sais que je vais le perdre. Assis sur mon lit, je pleure.
    Je dois revenir à table avant que mon absence ne soit remarquée. Mais je n’arrive pas à arrêter de pleurer, et je ne peux pas me montrer tant que je ne me serai pas calmé. Je ne veux surtout pas attirer l’attention sur moi.
    Ce n’est qu’au bout de plusieurs minutes, et après que maman m’a appelé m’annonçant que la bûche allait être servie, que je trouve le courage de redescendre.
    J’espère passer inaperçu, j’espère pouvoir cacher ma tristesse et les larmes que j’ai eu du mal à sécher. Mais tante « Pétunia » ne me rate pas.
    « Ça va Nicolas ? On dirait que tu as pleuré ! ».
    « Mais ta gueule, conasse !!! ». Ça, ce sont les premiers mots qui me traversent l’esprit.
    « J’ai avalé le cachet de travers ». Ça, c’est la même chose, mais en version politiquement correcte. Celle que je choisis, bien évidemment.
    « Il ne manque que quelques minutes avant minuit » fait remarquer maman, alors que papa vient de faire péter le bouchon du champagne.
    Une seule pensée occupe mon esprit à cet instant. Jérém, où es-tu ?
    Je suis complètement ailleurs, j’étouffe dans cette pièce trop chaude, autour de cette table trop bruyante, devant ce gâteau que je n’ai pas envie de manger et de ces bulles que je n’ai pas envie d’avaler. J’ai encore envie de pleurer, et je sens qu’au moment où nous trinquerons, j’aurais le plus grand mal à retenir mes larmes.
    Je regarde la pendule et je découvre qu’il ne manque plus que trois petites minutes avant minuit. C’est là que se produit comme un déclic dans ma tête.

    « Rien ni personne ne peut nous enlever ce qu’il y entre nous ».
    « Et qu’est-ce qu’il y a « entre nous », au juste ? ».
    « On est bien ensemble ».
    « Mais on n’est jamais ensemble ! ».
    « Je crois que ce qu’il y a entre nous est plus fort que tout ça ».

    Ces quelques échanges de la dernière fois où j’ai vu Jérém remontent à ma mémoire. Je me souviens de chaque mot, du ton de sa voix, doux, calme, comme une caresse. Je me souviens de son regard, désolé de me faire du mal et de ne pas avoir mieux à m’offrir.
    Les gestes sont machinaux, et pourtant naturels, évidents. Sans plus réfléchir, je glisse la main dans ma poche, je sors mon téléphone. Je suis en mode automatique, j’ai débranché tous les capteurs dans ma tête, toutes les balances des pours et des contres. A cet instant précis, c’est mon cœur qui me guide et rien d’autre.
    « Joyeux Noël ».
    C’est le message que j’envoie à Jérém. Simple et direct. Je tape et j’envoie, le tout en une seconde à peine.
    C’est la petite notification sonore du message envoyé qui me fait réaliser ce que je viens de faire.
    Je viens de lui envoyer un message. Et je viens de m’exposer au risque de ne pas avoir de réponse. Car Jérém est capable de faire le mort, ce ne serait pas la première fois. Et si c’est le cas ce soir, ce serait particulièrement dur à supporter.
    Je m’enfonce dans ce genre de réflexion, lorsque la sonnerie de mon portable retentit de façon retentissante dans le séjour.
    « MonJerem ».
    Mon cœur s’emballe, je ressens comme un tremblement de terre intérieur.
    « Tu peux pas mettre ton téléphone en sourdine ? » fait sèchement mon père.
    Et là, paniqué, je ne trouve pas mieux que d’appuyer sur le bouton rouge.
    Le coup de fil que j’ai tant attendu, que je désespérais de recevoir, ce coup de fil arrive enfin, il arrive contre toute attente, et moi je ne trouve pas mieux que de le rejeter. Bien joué, Nico !
    « De nos jours, les jeunes sont tous accrocs à ces portables. Quand Cédric s’est acheté son premier portable… ».
    « Mais bon sang, tu n’en as pas marre de parler tout le temps de ce putain de Cédric ? Si tu savais, tata, combien de fois je me suis branlé pendant mon adolescence, en pensant à ton champion, et combien de fois je l’ai fait jouir, ton Cédric, même si ce n’est que dans mes pensées lubriques ! » je manque de laisser échapper.
    Mais pour l’heure, je m’en tape de « Pétunia », de « Vernon », de Cédric. Tout ce qui compte c’est que Jérém vient de me rappeler, presque dans la seconde après mon message. Tout ce qui compte, c’est de monter dans ma chambre et de le rappeler. Je cherche fébrilement le moyen pour m’éclipser discrètement. Mais maman est en train de servir la bûche et je ne me sens pas à l’aise à l’idée de sortir de table maintenant.
    Je me dis que je vais vite manger ma part de gâteau et que je vais monter après. Mais je n’en ai pas le temps, car mon portable se met à sonner à nouveau.
    « MonJerem », à nouveau.
    « Mais c’est qui, à la fin ? » fait papa, l’air passablement exaspéré.
    « C’est un pote. Je vais le rappeler dans ma chambre ».
    « C’est pas plutôt une nana ? » fait ma tante.
    La sortie de « Pétunia » me permet de prendre congé avec un sourire et un haussement d’épaules.
    Je monte les marches de l’escalier quatre à quatre, alors que la sonnerie retentit toujours. J’arrive dans ma chambre avec le souffle coupé, lorsque le portable vient tout juste de se taire.
    Je tiens le petit appareil dans mes mains tremblantes, comme un moineau fragile, hésitant à appuyer sur le bouton vert qui me projettera vers Jérém. J’hésite, je cherche mon courage. J’éteins la lumière dans ma chambre. Je m’allonge sur le lit. Parfois le courage se laisse mieux trouver dans le noir. Je ferme les yeux et j’appuie sur le bouton vert. Je porte l’appareil à mon oreille. Et alors que la tonalité retentit dans mon crâne, j’ai le souffle coupé et le cœur qui bat la chamade.
    Lorsque ça décroche, j’ai l’impression que mon cœur a cessé de battre, que je suis dans un avion en panne de carburant. J’ai peur de la chute, j’ai peur de mourir.
    « Joyeux Noël à toi aussi, Nico » ce sont ses premiers mots.
    « Merci ».
    « Ton message m’a fait vraiment plaisir » il me lance.
    « Ton coup de fil aussi m’a fait plaisir. Désolé de ne pas avoir répondu de suite, j’étais à table ».
    « Tu vas bien ? » il enchaîne sur un ton bienveillant.
    « Ça va. Et toi ? ».
    « Ouais, pas mal non plus ».
    « Tu réveillonnes chez tes parents ? ».
    « Oui, chez mes parents. Et toi ? ».
    « Chez mon père ».
    L’idée que nous fêtons Noël à deux endroits pas si éloignés, mais chacun de notre côté, me rend malade.
    « Tu passes un bon Noël ? ».
    « Oui » je mens « et toi ? ».
    « Je me fais chier grave ».
    « En vrai, moi aussi » j’admets.
    Une nouvelle pause s’installe dans notre conversation. J’ai envie de lui dire tant de choses, mais je me dis que ce n’est pas le moment. Mais c’est peut-être le moment de lui dire à quel point je regrette de ne pas avoir su l’écouter davantage.
    « Jérém, je voulais que tu saches… ».
    « Eh, Nico… » il me coupe net.
    « Oui… ».
    « On se casse ? ».
    « Tu veux te casser où ? » je lui demande, désarçonné.
    « Loin. Je ne sais pas où, j’ai juste envie de me casser. Pas toi ? ».
    « Si, si ! ».
    « On se tire alors ».
    « Et tu veux qu’on se tire où ? ».
    « Je n’en sais rien. Dans un hôtel, une tente, un igloo. Je m’en fiche. Là où on sera que tous les deux ».
    « J’aimerais bien… » je fais, rêveur.
    « Je passe te chercher » il fait, très déterminé.
    « Quoi ?! Maintenant ? ».
    « Disons… dans une heure ».
    Je suis aux anges. En une poignée de secondes, je suis passé de la détresse noire à une joie pleine de belles couleurs.
    « Et la pause ? ».
    « Oublie, c’était une connerie. Allez, je vais partir. Je t’enverrai un message quand j’arrive dans ta rue ».
    « T’es fou !!!!! » je fais, fou de joie.
    « Oui, fou de toi ».

    En raccrochant, je suis le gars le plus heureux de l’Univers.
    Mais déjà un instant plus tard les inquiétudes me rattrapent. Revoir Jérém, ça veut dire recommencer à espérer, à me projeter, à me faire des beaux films. Rejoindre Jérém, ça veut dire être tenté de faire l’amour avec lui. Faire l’amour avec lui, c’est l’exposer à un risque. Pour réduire ce risque, nous allons devoir prendre des précautions. Et pour prendre ces précautions, je vais devoir lui expliquer ce qui m’est arrivé. Je vais devoir affronter son regard. Ça va être humiliant et risqué. Le risque de me faire rejeter me fait peur. L’idée de lui faire de la peine me fait mal au cœur.
    Mais toutes ces inquiétudes ne font pas le poids face à mon besoin de le revoir. Je suis trop content que Noël m’apporte ce cadeau que j’ai appelé de tous mes veux. Je ne peux pas le refuser. Alors, pour les explications, on verra plus tard.
    Pour l’heure, le premier problème qui se présente à moi, c’est comment expliquer à mes parents cette sortie tardive et imprévue. Ainsi que l’éventualité – enfin, une quasi-certitude que je vais présenter en éventualité pour tenter de mieux la faire accepter – que je passe la nuit dehors.
    Je reviens dans la salle à manger comme en lévitation, la force responsable de cela étant la joie soudainement retrouvée. Je mange enfin ma tranche de bûche et j’arrive même à supporter les discussions entre papa et tonton. Je regarde régulièrement mon portable, trop régulièrement. 00h10, 00h15, 00h25, 00h30. Le temps passe lentement pour ceux qui attendent. Les minutes s’écoulent, le frisson au ventre, pendant que je cherche les mots et l’attitude pour annoncer mon départ imminent.
    Enfin minuit quarante. Je ne peux plus procrastiner, il est temps d’annoncer que je vais partir. Il me tarde de me soustraire à ce stress, à ces regards, de me retrouver dans la rue, seul, et de savourer à fond les quelques minutes d’attente avant de retrouver Jérém.
    Je me fais violence pour quitter ma chaise et me lever, pour ne pas me faire écraser par les regards qui se posent sur moi.
    « Tu montes te coucher ? » me questionne maman.
    « Non, je vais sortir… avec des potes ».
    « Maintenant ? » fait papa, surpris et amer.
    « Oui ».
    « A mon avis, il va retrouver une poulette » fait « Pétunia », toujours aussi perspicace.
    « Et tu rentres tard ? » me questionne maman.
    « Il se peut. Je pense qu’on va sortir en boîte ».
    « Tu me tiens au courant ? ».
    « Promis » je lui lance, en tentant d’ignorer le fait que papa fait la tête.
    « Bonne soirée chéri ».
    Je prends congé de mes oncles, en leur disant de passer le bonjour au fameux Cédric.
    Je traverse le couloir, je passe mon blouson, j’ouvre la porte d’entrée, je la referme derrière moi sans me retourner. Me voilà dans le froid de la nuit de Noël, dans le vent d’Autan, dans la pluie fine mais insistante. Des aléas que je savoure, que j’aime, car ils ont le goût de la liberté, et du bonheur.
    Je regarde le portable pour voir si un message est arrivé. Rien du tout. Soudain, je me demande si tout ça est bien vrai. Si je n’ai pas tout imaginé. Le coup de fil de Jérém, son invitation. Heureusement, dans mes appels récents, il y a bien du « MonJerem ». Mais s’il ne venait pas ? S’il avait changé d’avis ? S’il avait eu un empêchement ? Combien de temps pourrais-je l’attendre, avant de trouver le courage de rentrer chez moi bredouille ?
    Le vent d’Autan souffle fort, très fort ce soir. Je m’avance jusqu’à l’abribus le plus proche et je m’y installe pour me protéger du froid. Je m’assois, je sors à nouveau mon portable, je m’apprête à appeler Jérém pour lui dire que je suis déjà dans la rue. Devant moi, la circulation ralentit. Le feu un peu plus loin vient sans doute de passer au rouge. Une voiture noire et compacte, l’éclat de la peinture sublimé par les gouttes de pluie posées sur la carrosserie, glisse lentement devant moi, presque à l’arrêt. Mon regard est happé par son conducteur, un beau gars brun, visiblement sur son 31, sexy en diable. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, puis semble s’arrêter.
    Je le fixe, comme hébété, comme paralysé. La circulation repart peu à peu, le beau brun est sur le point de redémarrer, lorsque je me lève d’un bond. Ce qui a pour effet d’attirer enfin son attention vers moi. Et là, le gars pile net, s’attirant immédiatement un concert de klaxons.
    Mais Jérém a l’air de s’en foutre royalement. Il me sourit et se penche pour débloquer la porte côté passager. J’ouvre la porte et je bondis dans sa nouvelle voiture.
    « Salut » il me lance, tout en redémarrant aussitôt.
    « Salut ».
    Blouson en cuir, chemise bleu nuit, t-shirt blanc qui dépasse du dernier bouton ouvert, nouveau parfum de mec, brushing de bogoss, sourire ravageur. Et dans ses gestes, dans sa voix, dans son regard, une douceur qui me fait fondre. Je sens que je pourrais partir à l’autre bout du monde avec ce gars.
    « T’étais pressé, dis-donc » il me taquine.
    « Je n’en pouvais plus de ce réveillon, j’étouffais ».
    « Fais un bisou » il me lance, en se penchant vers moi et en me tendant ses lèvres.
    « Allez, vite » il insiste face à mon hésitation.
    Je pose un bisou sur ses lèvres tièdes, mais très furtif.
    « On va où ? » je le questionne.
    « Il y a un hôtel sur le boulevard Carnot. J’y ai dormi quelques nuits avant mon accident, et il n’est pas mal. Enfin, à moins que tu veuilles faire autre chose. Mais si on sort, je risque de tomber sur des potes, et on n’est pas rentrés ».
    « L’hôtel me va très bien ».
    « Je suis content de te revoir » il me lance, pendant que ses doigts jouent avec mes cheveux à la base de ma nuque et me rendent fou.
    « Moi aussi, moi aussi » je lui réponds, ému.
    « C’est ta nouvelle voiture ? » j’enchaîne.
    « Oui, je viens de l’acheter d’occase. Elle te plaît ? ».
    « Elle est mieux que la 205 ! ».
    « Il n’y a pas de mal ».
    Pourtant, en mon for intérieur je me dis que la 205 rouge de Jérém mérite plus de considération que ça. Car c’est dans cette voiture que Jérém m’a parfois ramené de boîte avant des nuits bien chaudes. Dans la 205 rouge, je lui ai même fait des gâteries. La 205 rouge était une partie de Jérém, comme ses cheveux bruns, ses tatouages, le petit grain de beauté dans son cou.

    A l’hôtel, alors que je me sens un peu gêné par la situation, Jérém semble a contrario plutôt à l’aise pour demander une chambre pour « mon copain et moi ». Et lorsque le veilleur de nuit lui annonce qu’il ne lui reste que des chambres à grand lit, il ne se démonte pas et lui lance avec un aplomb certain :
    « Ça, c’est pas un problème ».
    Dans l’ascenseur, Jérém me sourit et m’embrasse. J’ai l’impression que, loin de Paris et de la pression du monde du rugby, je retrouve enfin le Jérém que j’aime, le Jérém amoureux, attentionné, tendre, câlin, adorable. J’ai très envie de l’embrasser aussi, mais quelque chose me retient. Je sais que je ne l’expose à aucun risque en l’embrassant, et pourtant, je ne me sens pas à l’aise.
    La porte de la chambre refermée derrière nous, Jérém me serre très fort contre lui, il plonge son visage dans mon cou et me glisse à l’oreille :
    « Tu m’as tellement manqué ».
    « Toi aussi tu m’as manqué » je lui réponds, au bord des larmes.
    A nouveau, ses lèvres cherchent mes lèvres, sa langue cherche ma langue. Nous nous embrassons longuement. La tendresse m’apaise, me donne du bonheur. Mais j’ai toujours du mal à me laisser aller.
    Nous enlevons nos blousons, nous nous déchaussons, nous nous allongeons sur le lit et nous nous faisons des câlins dans les bras l’un de l’autre.
    « Je sais que je t’ai encore fait du mal. Et je déteste ça. Je me déteste pour ça » je l’entends me glisser à l’oreille.
    « Ne parlons pas de ça ce soir ».
    « Tous les jours j’avais envie de t’avoir dans mes bras » il continue pourtant « Et de faire l’amour avec toi. Si je m’étais écouté, je t’aurais dit de venir tous les week-ends ».
    « Mais tu avais tes matches, et les sorties avec tes potes ».
    « J’avais tellement plus envie d’être avec toi que de sortir avec les collègues du rugby. Mais je ne savais pas comment gérer ça. J’avais peur. Je me suis laissé guider par la peur ».
    « Tu avais tes problèmes ».
    « C’est vrai qu’entre les matches, les entraînements et la fac, j’étais en stress permanent. Je ne voulais pas te montrer que je trimais. Mais c’était très dur de te dire « non » à chaque fois que tu me proposais de monter à Paris, parce que j’en avais autant envie que toi. C’était dur de ne pas te voir. Mais le plus dur c’était de penser au mal que j’étais en train de te faire, à nouveau, après t’en en avoir bien assez fait baver par le passé.
    J’en était même arrivé à me dire que ça avait été une connerie de te rappeler après notre bagarre, et de t’avoir fait venir à Campan ».
    « Pourquoi tu te disais ça ? Je n’ai jamais été si heureux avec toi qu’à Campan ! ».
    « Parce qu’en te faisant venir à Campan, je t’avais donné des nouveaux espoirs. Si je ne t’avais pas rappelé, tu aurais fini par m’oublier et tu n’aurais plus souffert à cause de moi. Mais je n’ai pas pu m’empêcher. Je ne pouvais pas accepter de te perdre.
    Je savais qu’une fois à Paris ça aurait été dur de continuer à se voir. Mais je n’avais pas anticipé qu’il aurait autant de pression et que ce serait à ce point compliqué de gérer cette distance ».
    « Tu ne pouvais pas savoir ».
    « Je pensais qu’à force de te demander des efforts, un jour tu allais en avoir marre et tu allais me quitter ».
    « Et tu ne t’es jamais dit que tu aurais pu me parler de tout ça et que j’aurais pu comprendre et te soutenir ? ».
    « Si, j’y ai pensé souvent. Si je ne l’ai pas fait, c’est parce que je ne voulais pas tu penses que j’avais honte de toi. Car je n’ai pas honte de toi, non. Et pourtant, je ne peux pas assumer notre relation.
    Tu sais, quand tu es là, tout me paraît plus simple. Mais dès que je suis seul, tout se complique. Seul, je n’y arrive pas. Mais je tiens à toi aussi, beaucoup, beaucoup, beaucoup ».
    « Ca me touche beaucoup ».
    « Je savais que je te ferais souffrir à nouveau. Je le ressentais au téléphone, dans tes mots, dans le ton de ta voix, dans tes silences, dans tes non-dits. Et ça me fendait le cœur ».
    « C’est pour ça que tu m’appelais moins souvent et que tu mettais du temps à répondre à mes messages ? ».
    « Oui. Parce que je sentais que tu n’étais pas bien, et que je savais que c’était à cause de moi. J’aurais voulu te rassurer, mais je ne savais pas comment faire. Je ne pouvais plus te faire des promesses sans savoir si je pourrais les tenir. Je me sentais lâche ».
    « Je n’ai jamais pensé que tu es un lâche, jamais ! J’aurais juste voulu que tu m’expliques tout ça plus tôt. Mais je me rends compte que je ne t’en ai pas vraiment laissé la possibilité ou même donné l’envie. Je n’aurais pas dû être aussi dur avec toi, j’aurais dû être davantage à l’écoute ».
    « Tu souffrais, et je comprends tes réactions ».
    « C’est parce que tu as eu peur que tu as voulu cette « pause ? » je le questionne.
    « J’avais l’impression qu’on était dans une impasse. Je savais que je ne pouvais pas te donner plus et je sentais que ce que je te proposais n’était pas assez pour toi. J’avais l’impression que ton bonheur ou ton malheur dépendaient de moi. Et ça c’est une lourde responsabilité, trop lourde pour moi, en plus de mes autres problèmes. Sentir que tu souffrais à cause de moi c’était au-dessus de mes forces ».
    « J’ai eu l’impression qu’entre ton premier coup de fil et le mien, tu avais complément changé d’attitude. J’ai eu l’impression que dans le premier tu avais encore eu à cœur de sauver notre histoire, alors que dans le deuxième, c’était comme si tu avais baissé les bras. Alors je me suis dit qu’il s’était peut-être passé quelque chose de ton côté qui t’avait poussé à prendre cette décision ».
    « C’est vrai qu’il s’est passé des choses qui m’ont pas mal chahuté ».
    « Tu veux m’en parler ? ».
    « Un jour, début décembre, pendant un match entraînement » il enchaîne « Léo est venu sur moi comme un ours et m’a blessé au genou. Je suis sûr qu’il l’a fait exprès. Mais le coach n’a rien vu et il n’a pas été puni. Résultat, trois semaines d’arrêt de jeu. J’étais tellement déçu ! Enfin ça commençait à marcher pour moi, et cette blessure allait me ralentir de plusieurs semaines.
    Je lui en voulais énormément, j’avais envie de lui casser la tête. Heureusement, Ulysse m’a convaincu à laisser couler. Mais après un match, ce connard de Léo a commencé à se foutre de ma gueule parce que j’étais sur le banc de touche. J’ai vu rouge. Je l’ai frappé, et j’ai eu trois semaines de mise à pied. J’étais vraiment mal ».
    « J’ai l’impression que ce Léo ne t’aime pas beaucoup ».
    « Ulysse dit qu’il était l’ailier espoir de l’équipe avant que je débarque. Et depuis mon arrivée, il aurait peur de se faire voler la vedette. Ulysse dit qu’il me fait chier pour me déstabiliser, parce qu’il est jaloux de moi ».
    « Quel sale type ! ».
    « Mais il y a encore autre chose. Quelques jours avant ton coup de fil, j’ai eu très mal en faisant pipi. J’ai fait des analyses et j’avais une bléno. Quand tu m’as appelé, je touchais le fond. Je n’avais pas envie de me prendre la tête avec toi. Ma vie était déjà bien assez compliquée ».
    « Je comprends. Je comprends mieux. Et ta blessure au genou, ça va mieux ? ».
    « Oui, ça se remet, c’est rien de grave. J’aurais pu jouer le dernier match avant les vacances si je n’avais pas été mis à pied ».
    « Et ta bléno ? ».
    « Soignée elle aussi. Et je suis hors période contagieuse ».
    En entendant Jérém parler de sa MST, je ne peux m’empêcher de penser à l’« accident ». Et de me demander comment je vais faire pour lui en parler.
    « Tu sais, à Paris, quand ça n’allait pas, j’ai souvent pensé à Campan, à comment on était bien là-haut » il enchaîne après quelques instants de silence « J’ai souvent regardé les photos que tu m’as données. On était si bien ensemble, loin de tout »
    « Moi aussi j’ai souvent pensé à Campan, et à combien on était heureux là-haut ».
    « J’ai tellement aimé te tenir dans mes bras devant la grande cascade à Gavarnie ».
    Sa douceur et sa tendresse me rendent fou d’amour, elles effacent toute la souffrance de ces semaines loin de lui, des refus de me laisser aller le voir, de ses silences radio.
    Jérém vient de tomber sa belle chemise bleue. Dans son t-shirt blanc ajusté il est sexy à mort. J’ai très envie de lui. Peu à peu ses caresses deviennent sensuelles, puis carrément érotiques. Je sens qu’il a lui aussi envie de passer à l’étape supérieure. Soudain, je pars ailleurs, et je me raidis.
    « T’as pas envie ? » je l’entends me questionner.
    Le moment est venu, je vais devoir lui parler de l’accident, maintenant.
    « Si j’en ai très envie… mais… j’ai un truc à te dire… avant ».
    « Quel genre de truc ? ».
    « Le genre pas facile à dire ».
    « Allez crache le morceau ».
    « J’ai couché avec un mec ».
    « Est-ce que tu crois que c’est le moment de parler de ça ? ».
    « Si, justement, c’est pile le moment ».
    « Tu avais le droit… ».
    « Mais c’est pas ça le problème ».
    « C’est quoi le problème, alors ? ».
    « Le problème est que… la dernière fois la capote a cassé. Alors, depuis une semaine, je suis un traitement pour prévenir la séropositivité ».
    « Quo… quoi ? ».
    « Ça s’appelle « traitement de post-exposition », et c’est pour écarter le risque ».
    « C’est toi qui avais la capote ou lui ? ».
    « Lui… ».
    « Mais tu as couché avec un gars qui a le Sida ? ».
    « Non, non ! Enfin, je ne pense pas ».
    « Mais si le gars n’avait rien, pourquoi ils t’ont donné ce traitement ? ».
    « Parce qu’il n’a pas voulu se faire dépister. Alors, dans le doute… ».
    « Et pourquoi il n’a pas voulu ? ».
    « Je ne sais pas. Je lui ai demandé de faire le test, mais je n’ai pas réussi à le convaincre ».
    « Mais quel connard ! ».
    « Je vais devoir prendre le traitement pendant un mois. Et je referai un test en mars pour savoir si je suis clean. En attendant, je dois me protéger. Et je me dois de te protéger ».
    Son regard brun s’assombrit à vue d’œil, comme les nuages d’été apportées par un vent violent et annonçant l’orage. Je vois passer dans son regard le flux désordonné des mille pensées qui assaillent son esprit à cet instant. Je capte leur passage en tempête sans savoir de quelle nature elles sont.
    Mon regard est suspendu au sien. J’ai l’impression que ma respiration ainsi que les battements de mon cœur sont suspendus, et que le temps lui-même est suspendu à cet instant interminable où tout peut basculer. Que ressent Jérém à cet instant précis, surprise, inquiétude, dégoût ? Est-ce qu’il va avoir peur pour moi ou peur de moi ? Je sais que je risque de me faire rejeter et je sais que je ne supporterais pas ça.
    Et là, Jérém me serre fort dans ses bras et me lance, avec une voix désespérée :
    « Ça ne peut pas se passer comme ça. Tu n’as rien, Nico, tu entends ? ».
    C’est là que je recommence enfin à respirer.
    « J’espère, j’espère ».
    « C’est pour ça que tu ne voulais pas trop m’embrasser ? ».
    « Je sais qu’il n’y a pas de risque de ce côté-là, mais j’étais mal à l’aise ».
    « Je croyais que tu faisais la tête ».
    « Non, pas du tout ».
    Jérém me serre un peu plus fort dans ses bras. Sa proximité me fait un bien fou. Dans ses bras je me sens en sécurité. Je l’ai rêvé et le rêve est devenu réalité. Je suis heureux.
    « Ça veut dire qu’on ne peut rien faire ? » je l’entends me questionner après quelques instants de tendresse pure. Le Jérém doux et sensible est bien là. Mais le Jérém coquin n’est jamais loin. J’adore.
    « Si, à condition de se protéger ».
    « Ça va faire bizarre ».
    « Oui, c’est sûr. Mais je ne peux pas prendre de risque ».
    « On fera ce que t’as envie ».
    « Tu as des capotes ? » je me surprends à lui demander, sans vraiment arriver à savoir si je préfère qu’il me réponde oui ou non.
    « Je crois que je dois en avoir ».
    Le bogoss fouille dans son blouson et il en sort deux capotes de marque.
    Evidemment, ces deux petits emballages carrés et bombés me heurtent. Déjà, parce qu’ils sont la preuve que mon bobrun a couché avec des nanas. Ils me heurtent aussi parce que moi aussi j’en ai utilisés avec Benjamin, ce qui me met face à l’aberration d’avoir couché avec ce mec alors que le seul gars que j’aime est Jérém. Ces deux capotes me rappellent aussi que l’une de leurs « consœurs » n’a pas assuré et que cela m’a conduit à cette situation. Mais en même temps, leur présence me réjouit, car cela va me permettre de faire l’amour avec Jérém.
    Nous recommençons à nous embrasser avec entrain, pleins de fougue, ivres d’excitation. Je soulève son t-shirt blanc, je lance ma langue et mes lèvres à l’assaut de ses pecs, de ses tétons saillants. Je m’enivre de la tiédeur de sa peau mate, de ses poils bruns qui, ô grand bonheur, n’ont visiblement pas croisé de rasoir depuis un certain temps, et qui sont en train de bien repousser.
    Parcourir sa peau douce, être enivré par la fragrance capiteuse, prégnante, sensuelle, très masculine qu’elle dégage, ce sont des bonheur dont je ne me lasse pas et qui me mettent dans un état second.
    Mais, au fond de moi, je sens que quelque chose perturbe ce bonheur sensuel. Je sens que je ne vais pas pouvoir me laisser aller comme d’habitude. Je sais que je ne vais même pas pouvoir le sucer sans mettre entre lui et moi cette protection qui va tout changer. Je me demande ce qu’il va ressentir.
    Je ne suis pas contre la capote, elle a même un côté excitant, quand on y pense. Mais mettre une capote avec un gars avec qui on a couché depuis presque un an, qui a joui en moi un nombre de fois assez conséquent, est dur à admettre. J’ai l’impression que cette capote va mettre une distance entre nous, comme si on redevenait deux inconnus qui se méfient l’un de l’autre.
    Ma langue descend vers ses abdos, se laisse guider par le creux de ses tablettes de chocolat, avant de se laisser happer par cette délicieuse ligne de petits poils qui mène à sa virilité. Dans mon fabuleux voyage, je finis par me heurter à la barrière dressée par l’élastique épais de son boxer dépassant du jeans. Une barrière stimulante, excitante, mais facile à faire sauter.
    Mes doigts impatients s’attaquent à sa ceinture, défont sa braguette. Ils écartent légèrement l’élastique du boxer, tout juste ce qu’il faut pour qu’en approchant mon nez, je puisse me laisser percuter, renverser, envahir par un intense bouquet de petites odeurs tièdes de jeune mâle.
    Je glisse mes doigts dans le boxer, je saisis la belle bête raide, je la dégage de sa prison de coton. Je fais glisser le jeans et le boxer sur ses cuisses et je le branle lentement, tout en léchant langoureusement ses boules. Pendant ce temps, ses doigts à lui se glissent sous mon t-shirt, caressent mes tétons, m’offrent une tempête de décharges électriques qui se propagent partout dans mon corps. Ses caresses et sa fougue m’enivrent de bonheur.
    Je sais qu’il va bien falloir que je m’arrête à un moment pour lui passer la capote, mais je n’ai pas le courage d’interrompre ce moment de complicité sensuelle. Alors, je repousse cette petite coupure le plus longtemps possible. Sans pourtant arrêter d’y penser, ce qui gâche un peu mon plaisir.
    Mais je sens que Jérém s’impatiente, je sens qu’il a envie que je le suce.
    Je me décide enfin à prendre mes responsabilités. Je quitte sa queue et ses boules, j’attrape une capote, je la déchire et je tente de la dérouler autour de sa queue. Je me trompe de sens, je dois recommencer, deux fois. J’évite de croiser son regard, je me sens mal à l’aise. Jérém se laisse faire, sans rien dire. Je sens qu’il est perplexe. Ça doit lui faire bizarre, tout comme à moi.
    J’arrive enfin à dérouler la capote jusqu’à la naissance de ses bourses. Je saisis son gland entre mes lèvres, je tente d’exciter le frein avec ma langue, mais l’effet est moindre. Pour moi, et pour Jérém aussi. Il n’y a presque pas de réaction de sa part.
    Je commence alors à le pomper avec entrain, bien décidé à me donner à fond pour nous faire oublier cette capote. Mais elle ne se laisse pas oublier si facilement. L’absence de contact direct avec sa queue, avec la douceur et la tiédeur de sa peau fine et de ses petits goûts, en met clairement un coup à mon plaisir.
    Mais le plus frustrant est ailleurs. Ce qui me manque le plus, c’est de sentir mon Jérém prendre son pied comme d’habitude. Car non, le bogoss non plus ne frissonne pas comme d’habitude. Ce qui me prive du bonheur intense que je ressens en lui faisant plaisir, sensation qui participe grandement à mon propre plaisir.
    Je redouble d’entrain pour essayer de pallier cela. Une tentative « désespérée » qui ne parvient pas pour autant à atteindre le résultat voulu. Car, au bout d’un petit moment, j’entends le bogoss me lancer :
    « Arrête, s’il le plaît ».
    « Ça va pas ? ».
    « J’aime pas faire ça avec la capote » il me lance.
    « Moi non plus » j’admets à mon tour, en regardant cette queue bien tendue, belle, invitante, emprisonnée dans cet emballage hideux.
    « Il n’y a pas de risque à faire ça… sans protection… » il ajoute.
    « Si, il y en a un ».
    « Tant pis, je prends ce risque. Enfin… si tu es d’accord » fait-il en ôtant la capote d’un geste rapide.
    Je suis tiraillé entre les recommandations du médecin « n’oubliez jamais de vous protéger et de protéger votre partenaire » et l’envie d’avaler cette queue magnifique, de pomper mon bobrun jusqu’à le faire jouir, jusqu’à avaler sa semence de bogoss. Plus je regarde cette queue invitante, plus je me sens glisser du côté du désir.
    Mais je ne peux baisser la garde. Je saisis sa main, je l’invite à s’asseoir sur le bord du lit. Je me glisse dans son dos, j’entoure ses cuisses avec les miennes. Je saisis doucement sa queue raide et je commence à le branler lentement, tout en excitant des tétons, et en posant des bisous légers dans son cou. Le bogoss frissonne.
    Quel bonheur immense de doser son plaisir rien qu’avec la pression et les mouvements exercés par ma main. Avant d’atteindre le bonheur ultime, celui de sentir le frisson de son orgasme se propager dans son corps et dans le mien. Avant de le sentir jouir, et d’accueillir ses giclées chaudes puissantes, lourdes, épaisses, dans mon autre main. Je me laisse transporter par le soupir profond qui accompagne son orgasme, je suis ému de sentir son corps se relâcher après le bonheur des sens.
    Pendant que je m’essuie les mains dans mon t-shirt, le bogoss récupère pendant quelques instants. Puis se relève, il passe dans mon dos, il me fait m’installer à mon tour entre ses bras et ses cuisses. Il passe les deux mains sous mon t-shirt et il entreprend de caresser mes tétons, tout en frôlant ma peau avec sa barbe de quelques jours et en posant des bisous doux dans mon cou.
    Je bande comme un âne, je suis à un niveau d’excitation impossible. J’ai envie de jouir. Je pose ma main sur ma queue, mais sa main vient l’en éloigner. Je me laisse faire, alors que sa main continue à exciter l’un de mes tétons, et que l’autre revient titiller les deuxième. C’est divinement bon, mais j’en peux plus. J’ai terriblement envie de jouir. Je veux me branler pour en finir. Je tente de me faire plaisir, mais sa main vient une nouvelle fois m’en empêcher.
    « Laisse-moi me branler, j’ai trop envie de jouir » je le supplie.
    « Pas encore, tu n’es pas encore assez excité ».
    « Tu parles, j’en peux plus ».
    Je me sens mouiller comme ça ne m’est pas arrivé depuis longtemps. J’ai l’impression qu’il pourrait me faire jouir rien qu’en m’excitant comme il est en train de faire. Mais je ne peux plus attendre, je n’en peux plus d’attendre.
    « C’est moi qui te ferai jouir, quand je l’aurai décidé » je l’entends me glisser à l’oreille, avec une sensualité et un aplomb viril qui décuplent encore mon extase, alors que sa main relâche lentement la mienne pour revenir à travailler mon deuxième téton.
    Mon excitation monte de pair avec la frustration et je commence à croire que je vais perdre la raison pour de bon. En attendant, je perds ma volonté. Ce que Jérém est en train de me faire est tellement bon que je n’ai d’autre choix que de me laisser faire, de me laisser transporter dans ce bonheur qui noie mon esprit.
    C’est lorsque j’ai lâché prise, lorsque l’excitation m’a envahi jusqu’à me faire tout oublier, y compris l’irrépressible besoin de ma main d’aller me branler, que je sens enfin la sienne saisir doucement ma queue et commencer à la caresser, lentement.
    Dans l’état de tension sexuelle qui est le mien à cet instant, il ne lui faut pas plus que quelques va-et-vient pour provoquer en moi l’un des orgasmes les plus puissants que j’aie connu dans ma vie. Tellement puissant que je ne peux contenir un immense râle de plaisir, alors que le bogoss continue de poser des bisous sur ma peau, dans le cou, sur la nuque, sur la joue.

    Pendant que le bobrun passe à la salle de bain pour se laver les mains, j’en profite pour envoyer un message à maman pour lui dire que je suis avec Jérém, que tout va bien et que je ne vais pas rentrer avant le matin.
    Le bobrun réapparaît dans la chambre et s’approche de la seule fenêtre pour fumer une cigarette. Je suis happé par l’image saisissante de sa nudité parfaite. Il me tarde de me retrouver à nouveau dans ses bras.
    Heureusement, cette clope est de celles « qui finissent vite ». A croire que Jérém est lui aussi pressé de me rejoindre au lit. Le bobrun ne tarde pas à écraser son mégot et à venir se blottir contre moi.
    Après quelques câlins et un court assoupissement, nos corps ont à nouveau envie de s’emboîter, de se donner du plaisir. Jérém a envie de me faire l’amour et j’en ai envie aussi.
    Une envie une fois de plus parasitée par la peur que quelque chose se passe mal. La capote va s’inviter une nouvelle fois dans notre intimité, bien sûr, et cette fois-ci elle sera incontournable. Mais cela n’efface pas ma crainte qu’elle puisse casser. Comme c’est arrivé avec Benjamin. Comme c’est d’ailleurs arrivé la première fois que j’ai laissé Jérém venir en moi. De plus, nous n’avons pas de gel…
    Jérém semble anticiper mes craintes car, avant de venir en moi, il s’attarde longuement à exciter mon trou avec sa langue. Ce qui a le multiple effet de préparer sa venue, de détendre mes muscles, en même temps que mon esprit, et de faire grimper mon excitation.
    Cette fois-ci, c’est Jérém qui s’occupe de la capote. Installé entre mes cuisses, en appui sur ses genoux, tous pecs et abdos dehors, la queue bien raide pointant le zénith, le bogoss déchire l’emballage avec un geste assuré. Puis, il passe la capote sans se tromper de sens, avec une dextérité bluffante, en écartant bien la membrane élastique, comme s’il avait fait ça souvent. Car il a fait ça souvent.
    Mais cette pensée désagréable est vite effacée par le bonheur d’assister à ses gestes assurés et « très mec », ainsi que par cette petite attente très sensuelle que le mâle « s’habille » pour venir en moi. Je me laisse porter par le bonheur présent, le bonheur sensuel qui est là, juste devant moi.
    Jérém est enfin prêt pour venir en moi. Il avance un peu plus entre mes cuisses, il saisit mon bassin, le relève doucement en gonflant ses beaux biceps. Son gland se presse contre ma rondelle. Mais malgré la pression de plus en plus insistante, mes chairs semblent refuser de céder.
    « Détends-toi » je l’entends me chuchoter.
    « Je n’y arrive pas ».
    « Tu as peur ? ».
    « J’ai peur que la capote casse ».
    « Elle ne cassera pas, t’inquiètes ».
    « Mais c’est déjà arrivé… » je lance, avant de préciser, me rendant compte de ma maladresse « entre nous deux, je veux dire ».
    « T’inquiètes, je vais faire doucement » fait le bomâle, tout en se penchant sur moi pour me faire plein de bisous.
    Son gland revient tenter sa chance et il arrive enfin à se frayer un chemin, tout en douceur, dans mon intimité. Je suis tellement tendu que j’ai mal. Très mal. Jérém se retire, me laisse respirer, il revient. Peu à peu, il glisse en moi. Puis, il commence à me limer lentement.
    Au début, mon plaisir est pas mal perturbé par la peur que la capote ne tienne pas le coup. D’ailleurs, à deux reprises, je lui demande de ressortir pour vérifier, chose qu’il fait sans broncher.
    Puis, peu à peu, le plaisir et le bonheur effacent la peur. Je me concentre sur le bonheur de voir Jérém prendre son pied, de sentir sa queue coulisser en moi, sur l’oscillation de cette chaînette de mec qui ondule au gré de ses va-et vient, sur la puissance de ses pecs et de ses biceps, sur ses tatouages, sur ce petit grain de beauté dans le creux de son cou que je trouve terriblement excitant.
    Le plaisir est tellement intense que j’arrive enfin à m’abandonner et à oublier tout le reste. Je me concentre sur le bonheur d’être avec Jérém et de faire l’amour avec lui, car c’est tout ce qui compte.
    A cet instant, il n’y a plus de nanas, plus de Benjamin. Nous ne sommes que tous les deux, nous sommes seuls au monde, parce que nous nous aimons.
    Jérém a raison : « Rien ni personne ne peut nous enlever ce qu’il y entre nous ».
    Mon bobrun a l’air assommé par la montée de son plaisir. Après le passage de son nouvel orgasme, le bogoss à l’air vraiment sonné. Quant à moi, il me suffit de sentir un petit frottement de sa peau contre mon gland, pour que ma queue s’embrase comme une allumette, pour que mon sperme souille une nouvelle fois nos deux torses.
    Jérém me serre très fort contre lui. Un moment de tendresse dont je n’arrive pas à profiter pleinement car désormais mon esprit est ailleurs. Et ce n’est que quelques instants plus tard, lorsque Jérém se déboîte de moi, et en voyant que la capote a tenu le coup, que j’arrive enfin à m’apaiser.

    Il est presque 5 heures du mat. Nous sommes fatigués mais repus de plaisir et de bonheur. Au lieu de se lever pour fumer sa dernière cigarette, Jérém me serre dans ses bras et me fait des bisous dans le cou. Et il s’endort comme un bébé.
    Une pensée fait surface dans mon esprit alors que le sommeil est en passe de me happer. Loin de Paris je retrouve le vrai Jérém. Et ce Jérém, je l’aime comme un fou.
    Le père Noël existe.

    Commentaires

    Yann

    10/11/2020 15:22

    Quand on parlait de la difficulté pour Jerem de faire son coming out.
    Wentworth Miller, engagé contre l’homophobie, a fait son coming-out en 2013. En réponse aux messages haineux qu’il reçoit il a déclaré  » je ne veux plus incarner de personnages hétéros, leur histoire a déjà été racontée. Si vous êtes fan de la série je comprend votre déception et si vous êtes en colère d’être tombé amoureux d’un hétéro fictif joué par un gay c’est votre problème. Je ne m’inquiète pas pour moi, je ne peux pas être harcelé. Mais je prends au sérieux le fait que de jeunes queers, qu’ils aient  fait leur coming-out ou envisagent de le faire puissent venir ici car je ne veux pas qu’ils soient exposés à ces conneries ».
    Si ça pouvait aider Jerem …

    Pieric93

    04/11/2020 15:08

    C’est bien raconté et je lis très souvent. J’espère qu’ils vont se retrouver enfin

    Etienne

    01/11/2020 18:10

    Encore un épisode très bien écrit, et encore un contre-pied : je n’aurais pas imaginé que ce type de Père Noël serait passé par Toulouse pour offrir ce cadeau à Nico (et à Jerem)…
    Cependant, rien n’est résolu, et que se passera-t’il quand l’un sera retourné à Paris et l’autre à Bordeaux…. ? Leur jeunesse continuera à bouillir, mais la distance et les précautions que doit prendre Jerem ?
    Patience…

    Chris-j

    30/10/2020 16:23

    J’ai découvert Jérém & Nico, dans les premiers jours du déconfinement et nous revoilà confiné pour attendre la fin de la deuxième partie. 
    Je ne sais plus si j’ai mentionné à quel point j’appréciais les petits détails et les grandes observations qui permettent de décrire des moments gay qui sont en dehors de l’univers festif ou sexe. C’est tout une sensibilité qui accompagne la découverte de l’amour en même temps que la sexualité. De Mourad à la découverte de l’appartement de Stéphane. Dérouler les préservatifs, et après savoir à quel moment ou il faut partir, et comment. Rester, jusqu’à quand… Les expériences désagréables, le passage aux urgences, les humiliations quotidiennes auxquelles on ne prêtent même plus attention, comme le soir du Réveillon. Demander une chambre pour deux à l’hotel. 
    Tout ça est écrit avec une justesse et tact, sans rien omettre de la réalité. C’est vraiment très bon. 

    Je veux juste émettre une réserve qui concerne le dernier épisode et même le dernier tiers de la deuxième partie. 

    Dans cet épisode, je n’ai pas retrouvé les mots de Jérém dans son dialogue avec Nico. Comme instruit par une séance de psychothérapie, il explique le comment et le pourquoi de son attitude, mais on a du mal à percevoir quelle émotion l’accompagne. Dans la première partie, il  gardait un oeil sur Nico, il comprenait ses envies, il avait besoin de le savoir présent, il voulait l’épater. Il avait le rôle du bourreau et finalement victime, de lui-même, autant que des assauts de Nico.
    Au début de la deuxième partie, il rend les armes, et ouvre les portes de Campan. Une caverne d’Ali-Baba ou on découvre l’étendue de ses trésors. Le plus précieux de tous étant sa sensibilité, parfois hésitante mais surtout bienveillante.
    Hors, depuis qu’il est à Paris, il semble se contenter de maintenir Nico sous cloche et il se caractérise par un manque d’empathie qui ne correspond plus à ce que l’on sait de lui.  
    Son passage, du bogoss frimeur et arrogant au bomec sentimental et secret, était particulièrement réussi, tout comme ses interactions avec Thibault, Charlène et Nico. C’est un personnage très fort et on attend beaucoup de lui, alors je trouve ça un peu dommage de ne pas le voir réagir plus. Il devient un peu la Guest Star de sa propre histoire et il existe d’abord pour donner une raison d’être aux tourments de Nico.

    Chris-j

    29/10/2020 21:15

    Mécanicien, pompier volontaire, joueur de rugby, bientôt père, avec une maturité de caractère étonnante, Thibault est bien différent de ses deux copains. Je l’envisage plus comme un type de 25 ans que de 20 ans. C’est un des personnages les plus originaux de J&N. 
    Au passage, Nico n’a rien d’une chaudasse. Ses fantasmes le ramènent toujours au sexe, mais ce qu’on ressent le plus, c’est qu’il a besoin d’affection et il en est privé. Peut être qu’il ne se le formule pas comme ça, après tout, il n’a que 19 ans et il ne fait pas très bien la différence. Si il voulait de la bite générique, il ne serait pas fixé avec une telle constance sur un seul mec. On a vu que les OKAZ ne manquent pas. 

    Yann

    29/10/2020 13:23

    Ce que l’on peut aussi observer au sujet de Thibault c’est le contraste qui existe entre lui et ses potes Jerem et Nico.
    Ca tient à la fois à son caractère et à sa situation dans la vie sociale. Thibault est parfaitement inséré dans la vie active, il a un job avec un patron qui lui fait toute confiance en lui laissant à l’occasion si je me souviens bien, la responsabilité du garage. Au plan social il est intégré par le sport mais surtout par son engagement de pompier volontaire. Ce dévouement pour les autres lui a donné de voir la souffrance et parfois la mort. Lui-même a risqué sa vie dans son accident. C’est un peu tout cela qui en fait un garçon mature, gentil, bienveillant et posé qui a la tête sur les épaules.
    Au plan sentimental avec Nathalie les choses sont moins claires pour Thibault. Il se pose la question de savoir s’il l’aime et il y a son attirance par des garçons qui le trouble. Pour l’instant le point essentiel reste son enfant dont il ne veut préserver toutes les chances de s’épanouir.
    Comme le dis Chris je pense que Thibault et Nico sont fait l’un pour l’autre. Thibault offre toute la stabilité et la maturité que Nico cherche dans une relation un peu comme c’était le cas avec Stéphane. Mais on en revient à la même question, quel destin Fabien leur réserve ?

    Chris-j

    28/10/2020 13:44

    J’ai mis du temps à retrouver cette chanson, dédiée à Nico. C’est une vraie rareté. A ma connaissance, le single n’est sorti qu’au Japon, en 1972. Cette chanteuse Lola, est restée inconnue. 
    Joli Nicolas

    celio

    28/10/2020 11:41

    ce qui est chiant avec Jerem c’est que tout vient toujours d lui
    il se rend compte de ce qu’il fait vivre à Nico.il ā parle de mettre fin a tout pour le laisser tranquille. 
    Mais il faisait sa tête de chien battu et Nico n’y a pas cru. C’est la preuve que c’est un gamin lui aussi

    Chris-j

    27/10/2020 20:16

    Je retiens toutes les rencontres entre Thibault et Nico comme de grands moments de J & N, entre eux, depuis le début,
    c’est spécial. Dans les premières rencontres, on ne peut pas dire que c’était ambiguë, ni que la bienveillance constante
    de Thibaut, était suspecte. En favorisant le rapprochement entre J & N, il fait un genre de transfert sur Nico, pour approcher
    Jérém, là ou il n’a pas accès. 
    Il y a chez lui de la curiosité, il est intrigué de voir Jérem aller vers Nico et il veut savoir. Ensuite, il est certainement ému par l’innocence
    de Nico et il devient très tactile avec lui. Je me souviens qu’il lui enserre les mains pendant qu’ils se parlent, ce qui n’est pas commun.
    Ce n’est que pendant leur nuit magique qu’il développe une attirance pour Nico. 
    Cette nuit là, c’est bien plus avec Thib qu’avec J que Nico fait l’amour. En étant très fusionnel avec Nico, il a comblé la défaillance de
    son copain, J, comme pour lui venir en aide. Dans sa tête, Nico représente, la sensualité, et la découverte d’une sexualité inconnue.
    Contrairement à Jérém, Thibault accepte et assume qui il est. Il vit un bouleversement qui éclaire ce qu’il ressentait pour Jérém.
    Il réalise qu’en plus d’être attiré par J, depuis l’adolescence, il a aimé être avec un mec. Ce mec c’est Nico, parce qu’il était là, qu’il l’a
    initié, qu’il est mignon, gentil. 
    A ce moment, c’est un peu compliqué pour lui, parce que c’est son copain Jérém qui occupe son esprit, pas Nico. Il doit ruminé ce qui
    s’est passé et il revoit les gestes et les caresses qu’ils ont échangé, Nico et lui. De même que Jérém lui passait ses nanas, il n’est pas
    anormal qu’il veuille aussi récupérer Nico. D’autant plus qu’en perdant J, et en étant coincé par Nathalie, Nico est son seul lien avec l’homosexualité. 
    Bien sur, si il n’était pas lui, il irait draguer, mais il n’est pas comme ça. C’est un type de devoir. 
    Après l’accident AZF, il y a un épisode très beau et troublant ou il reçoit Nico chez lui. Là aussi, il devient vite tactile, il veut être
    contre lui, parce qu’il a besoin de cette sensualité là. Quand il dit qu’il pense à un autre mec que J, il parle de Nico, on
    comprend tous ça. 

    C’est quoi l’amour? pour certain, c’est chercher et trouver un équilibre pour aller loin, avec de l’assurance. En ce sens, Thibaut et
    Nico sont absolument compatibles, voir même fait l’un pour l’autre. Pour d’autres, l’amour, c’est un truc plus l’inexplicable qui fait
    perdre la tête, qui fait espérer qu’on peut mettre fin à une hémorragie affective. Et ça, c’est Jérém et Nico, et sans doute Jérém pour
    Thib. Mais ce n’est pas Thibault et Nico. C’est aussi la conclusion de Nico à l’issue de cette rencontre. 

    Une rencontre différente, polie, comme celle de deux copains qui se croisent dans un café pour se tenir au courant, mais pas plus
    que ça. Thibault se tient en retrait et peut être que ça lui est pénible de trop s’impliquer dans la vie de ses deux amis, parce que ça
    le renvoie à sa solitude affective et sexuelle. 
    Son constat est clair, il est réfléchi. Il veut de la stabilité pour son enfant et sa carrière, donc, il n’envisage pas de tout envoyer balader.
    Ce n’est pas comme Jerem qui fait n’importe quoi quand il ne contrôle rien.
    En prenant Nico dans ses bras, il fait le geste le plus sexuel qu’il s’autorise sans trahir ses deux amis. Nico est la seule personne avec
    qui il peut partager ce secret. Et le seul qui puisse lui donner un peu de sensualité, c’est Nico. C’est un amour très tendre et sensuel,
    mais pas un amour de passion. Ce n’est pas moins bien, c’est juste moins flamboyant et ça rend moins fou. 
    A la fin, de cette rencontre, j’ai l’impression que Nico se sent coupable de ne pas pouvoir donner plus à Thibaut.
    J’ai nettement préféré lire la retenue de Nico, que de lire son attirance pour les abdos du rugbyman. Je ne trouve pas qu’on puisse
    réduire un type aussi rare que Thibaut à une montagne de muscles. C’est son physique de colosse, sa placidité, et sa gentillesse qui
    font un tout. 


    Celii

    27/10/2020 16:24

    Épisode mi figue mi raisin. Du bon et du mauvais pour NicoDonc le père noël existe Toujours aussi agréable à lire.

    Chris-j

    27/10/2020 10:39

    Moi aussi, j’ai envisagé que Jerem allait casser la gueule à Benji. Quand il montre ses muscles, ça fait bander Nico. Est ce qu’on attend que, en retour, Nico aille régler son compte à Léo. LOLPour rester sur Jerem, son copain Thib, constate que dos au mur, J envoie tout balader. Je me demande jusqu’où il est conscient de ce qui le pousse à agir. Je crois qu’il se raccroche à la première explication qui lui vient à l’esprit et qu’il ne veut pas en savoir plus. Tant qu’il sait qu’il peut récupérer Nico à tout moment, il n’a pas besoin d’aller chercher plus loin.

    Chris-j

    27/10/2020 08:25

    Le petit Nico peut s’offrir le luxe d’une balade nostalgique d’autant plus facilement qu’il a transformé le plomb en or. Ses souvenirs de la rue Colombette, de la 205, sont adoucis parce qu’il a obtenu ce qu’il voulait de Jérém. Sa souffrance n’a pas été veine et donc, elle s’est atténuée. 
    Mais l’inconscient n’a pas oublié. Son rêve en dit peut être plus que Nico ne le comprend sur le moment.
    Il lui dit qu’il ne veut pas revenir en arrière, il ne veut plus être humilié, déconsidéré. Il faudra le temps pour qu’il se renforce mais c’est en marche. 
    L’attitude espérée et adorable de Jerem est un peu en décalage.
    « oublie c’était une connerie ».
    C’est super, ça va marcher un petit moment. Je me demande si il réalise que un jour, à force de ne pas lui donner un place, il va perdre Nico, pour de bon. 
    J’ai cru qu’il allait l’emmener à Campan. Ca aurait été poétique de considérer cet endroit comme leur refuge.

    Yann

    26/10/2020 13:53

    Comme Nico nous avons tous plus ou moins la mémoire sélective qui nous fait retenir le meilleur même d’un passé récent. Cette nostalgie vient du temps qui passe et de ces moments qu’on ne revivra plus. Rue de la Colombette Nico n’en a pourtant pas que de bons souvenirs, tout comme de la 205 ou de sa vie de lycéen mais le filtre du temps ne garde en priorité que le meilleur. Autour de lui, pour Thibault comme pour Elodie le monde a changé, pour lui le monde n’est pas ce qu’il avait rêvé et le futur ne lui laisse rien entrevoir de meilleur. C’est pourquoi il se tourne vers le passé avec autant de nostalgie.

    Ce qui m’a frappé chez Thibault dans ses retrouvailles avec Nico c’est sa retenue. Je ne dis pas qu’il cache sa joie de le revoir mais, il a cette attitude presque contrite alors qu’il est amoureux de lui et ce devoir d’être loyal vis-à-vis de son pote Jerem et de sa copine avec laquelle il va avoir un enfant. Même si, sur sa relation avec sa copine, il ne semble pas très fixé. On peut s’interroger aussi sur son avenir.

    La symphonie et belle mais elles ne doit pas nous faire oublier les dissonances. Pour Jerem et Nico l’attitude de leurs pères. J’ai aussi trouvé triste qu’ils n’aient aucun autre endroit que l’hôtel où aller pour se retrouver. Il y a aussi ceci :
    « Et la pause ?  » « Oublie, c’était une connerie »
    « Tous les jours j’avais envie de t’avoir dans mes bras »
    « Si je m’étais écouté, je t’aurais dit de venir tous les week-ends »
    « Et pourtant, je ne peux pas assumer notre relation »
    « Mais je tiens à toi aussi, beaucoup, beaucoup, beaucoup »
    Tout est dit et clair entre eux. Mais rien n’est réglé, que va faire Jerem ? 

    Jean

    26/10/2020 13:05

    Un épisode de retrouvailles très bien écrit, sensuel et émouvant.Après le froid, le chaud. Les 2 amis en conviennent, quand on veut on peut se rencontrer. Il y avait bien une raison à cette pause.Une bléno… pas plus que ça. Bien pratique cette MST, elle permet de faire ex aequo avec « l’accident ».Perspectives : aucunes Amélioration : les choses semblent-elles plus claires ?Curiosité : le porteur de capotes de marques ne semble pas à l’abri d’une maladie sexuellement transmissible.

    Chris-j

    25/10/2020 19:44

    Il nous aura fait attendre, le vilain. 
    Quand on lit un texte, je crois que sans le savoir, on met des spots éclairants sur ce que l’on cherche et on laisse dans
    l’ombre d’autres aspects. Mais quand on relit, quand on écrit, c’est différent et on voit plus. On peut même douter de
    ses premières impressions. Je vois deux partie distinctes dans l’épisode. La première se lit comme un roman d’écrivain,
    elle apporte un nouvel éclairage sur la personnalité de Nico. On savait déjà, qu’il était complexé, que son père réagissait
    très mal à son coming out, mais on découvre que la distance entre Nico et son père vient de loin. Elle n’est pas une
    passade due à une révélation difficile à avaler. On comprend mieux la fascination de Nico devant ce qui est viril. 
    Dans l’épisode précédent, je trouvais Nico plus mature, et ça se confirme. Il est triste devant le fiasco de sa vie affective,
    mais il ne cherche pas à trouver des moyens pour récupérer Jérém. Il est préoccupé par sa santé. J’aime bien qu’il pense
    plus à lui, qu’à sa relation, ce qui prouve qu’il n’est pas maso.
    Il me semble que son retour à Toulouse représente la nostalgie d’un passé qui est vivant dans l’esprit de Nico, mais
    déjà mort dans son cœur. Son univers de lycéen, ou il était cadré par un emploi du temps, pris en charge par ses parents,
    ses amis qui étaient à son entière écoute, Elodie, mais aussi Thibaut, la chambre de Jérém. Et même un adieu à la 205 rouge de J.
    Par son refus de l’accompagné voir Harry Poter, le débonnaire Julien illustre que Nico voudrait bien faire durer cette enfance,
    encore un peu. 
    J’attendais Thibault et les retrouvailles sont belles mais différentes des précédentes. Maintenant que Nico se comporte
    « comme un grand », le programme c’est; amitié partagée. Ca veut dire qu’il n’est plus le seul à parler, le seul à être écouté,
    ça veut dire, qu’il ne déballe pas tout ce qu’il a sur coeur. J’ai été un peu étonné que Thibaut ne soit pas plus « consolant » ,
    mais ce qu’il lui dit, est pertinent. Il a trouvé les mots pour aller plus profond pour décrire la difficulté d’assumer, même une
    petite visibilité, pour un joueur de rugby.

    Superbe passage autour de la table pour le Réveillon. 

    J’attendais à ce que Jérém fasse le premier pas vers Nico. J’ai du mal à l’imaginer ne pas oser téléphoner en attendant que Nico
    se manifeste pour le rappeler dans la seconde. Mais c’est bien aussi de savoir qu’il n’est pas qu’invulnérable ou tourmenté et qu’il
    peut, lui aussi, être intimidé et hésitant. 
    Tout est plus simple entre eux, bien que les circonstances conduisent à la difficulté de faire quelques révélations gênantes. Nico doit
    assumer, qu’il s’est tapé un mec, et que en plus, ça a des conséquences potentiellement dramatiques. Nico ne s’excuse pas plus que ça.
    Tant mieux, mais ça change. Il y a quelque chose de normal dans leurs échanges qui contraste avec le romantisme de Campan, ou la
    mélancolie du premier séjour parisien. 
    Par son attitude décontracté, Jérém normalise mais enlise la situation. Nico semble l’accepter. Jérém ne semble pas pouvoir proposer de changement. Je n’ai pas eu l’impression que ça le dérange plus que ça. Jérém et Nico vont ils devenir deux mecs normaux, qui s’aiment normalement… Un peu beaucoup, mais pas passionnément ni à la folie.
    J’ai quelques inquiétudes, car Nico a fait un rêve qui ne laisse pas planer de doutes sur ce qu’il ressent.
    Rien que par l’écriture, on voit bien quel frein est un préservatif. La scène ne peut pas rivaliser avec les précédentes. 
    Du coup, le bref passage ou Thibault prend Nico dans ses bras, devient, en ce qui me concerne, le plus troublant, donc le plus excitant. 

    Pambou

    25/10/2020 16:26

    Belle histoire avec happy end. 

    Yann

    24/10/2020 18:28

    Waouh ! Tellement d’émotions oui c’est une belle symphonie. J’ai d’abord adoré toutes ces petites choses du quotidien de Nico si bien racontées : ses retrouvailles avec Thibault si touchantes, ses sentiments avec sa famille, ses peurs, ses émotions… Et puis quel bonheur de les voir se retrouver et la réaction de Jerem quand Nico lui parle de l’accident toute cette tendresse pour son Nico. Et puis encore il y a « leur nouveau premier rapport » plein d’attentions et si émouvant. 
    Je ne peux pas m’empêcher de me demander mais comment ça a pu se faire que leurs vies se soient séparées ? Mais ça c’est pour la fin, on n’y est pas encore, profitons du moment présent si délicieux et de tous ceux encore à venir. Merci Fabien pour ce bel épisode. 

    Chris-j

    24/10/2020 08:57

    Belle surprise, ce matin. Tu ne peux pas savoir à quel point ça me fait du bien de recevoir autant d’émotions, tristes ou joyeuses. Je trouve que tu t’es dépassé, et je sais déjà pourquoi j’écris ça.Je dois aller travailler, ce n’est que commentaires remis à plus tard.   

  • JN0239 Comme des lendemains de cuite.

    JN0239 Comme des lendemains de cuite.

    Après mon voyage surprise à Paris, la découverte des coucheries de Jérém avec des nanas « pour faire comme ses potes » et une mise au point au cours de laquelle il m’a proposé une relation de couple libre, je suis rentré à Bordeaux comme un zombie. La deuxième partie du voyage a été quelque peu égayée par les retrouvailles avec Benjamin.
    Jérém m’a appelé quelques jours plus tard pour prendre des nouvelles ou pour apaiser sa conscience. Je me suis montré distant, agacé. Malgré les efforts, je n’arrivais pas à accepter l’idée que Jérém puisse coucher ailleurs. Je ne voulais pas non plus coucher ailleurs. J’avais trop peur de le perdre, de me perdre, de nous perdre.
    Mais j’ai fini par accepter cette histoire de couple libre. Parce que j’ai enfin compris que pour l’instant Jérém ne peut pas me proposer mieux. Parce que j’ai compris qu’il fait ça à contrecœur et que ça lui coûte autant qu’à moi. Parce que je n’ai pas le choix. Parce qu’il n’a pas le choix.
    Oui, j’ai réalisé que je pouvais faire l’effort d’accepter tout ça. Mais à la seule condition de voir Jérém plus souvent qu’il ne me le propose. J’ai essayé de lui expliquer cela lors d’un coup de fil. Mais Jérém m’a répété que ce n’était pas possible pour le moment. J’ai insisté, et Jérém a fini par me dire que notre relation était trop difficile à gérer. Et que le mieux ce serait de faire une pause. Une pause que, sur le coup, je vis comme une rupture.

    Mardi 4 décembre 2001

    Le lendemain de ce coup de fil désastreux, je me réveille vers 10 heures. Et encore, je ne me réveille que parce que Denis vient taper à ma porte. En fait, je n’ai pratiquement pas dormi de la nuit. J’ai fini par tomber d’épuisement au petit matin.
    « Nico, tout va bien ? ».
    « Oui, oui, ça va, j’ai juste de la température » je prétexte pour avoir la paix.
    « Ah ok, Albert et moi on s’inquiétait de ne pas te voir partir en cours ».
    « C’est gentil, mais ça va aller ».
    « Si tu as besoin de quelque chose, n’hésite pas ».
    « Merci ».
    Maintenant que je suis réveillé, je passe à la douche, je prends mon café, je m’habille. J’accomplis tous ces gestes machinalement, sans aucune motivation. Ce matin, j’ai l’impression d’être comme mort à l’intérieur.
    Je prends ma sacoche de cours mais je n’ai aucune envie d’aller à la fac. Je tombe de fatigue et je n’ai envie de rien. Je sens que ce coup de fil, cette « pause », toute cette histoire vont affecter ma vie, mon sommeil, mes partiels, mais tant pis. Aujourd’hui, je n’ai vraiment pas le cœur à ça. Pas après avoir dormi une poignée d’heures d’un sommeil entrecoupé de réveils inquiets. Non, ce n’est pas la peine d’aller en cours si c’est pour être complètement ailleurs ou m’endormir sur un banc. Je n’ai pas envie non plus de répondre aux questions que mes camarades ne manqueront pas de me poser en voyant ma tête.
    Je passe la journée à me balader au bord de la Garonne, les écouteurs de mon baladeur vissés dans mes oreilles. Quelques jours plus tôt Raphaël m’a parlé de son admiration pour la carrière solo de Paul McCartney. Je suis passé à la Fnac dans la foulée, j’ai acheté quelques cd que j’ai compressés et chargés sur mon baladeur.
    Album après album, je découvre une œuvre dense, riche. L’ambiance intime, la lenteur et la tristesse qui se dégagent de certains morceaux comme « Waterfall », « Summer day’s song », « One of these days », « Every Night » ou encore « Singalong Junk », épousent parfaitement la lenteur et la tristesse dans lesquelles ma vie s’embourbe chaque minute un peu plus.

    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».
    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».
    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».
    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».
    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».
    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».
    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».
    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».
    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».
    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».
    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».
    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».

    Ses mots tournent en boucle dans ma tête, comme un écho inépuisable. Ils me hantent. A chaque fois qu’ils repassent dans ma tête, je ressens une douleur atroce, comme si on me poignardait encore et encore. Une douleur mêlée à un sentiment de profonde injustice, la violente injustice qu’est la distance imposée par l’être aimé, le déchirement de chaque instant entre le désir d’être avec lui et l’impossibilité à l’assouvir. J’ai l’impression d’être comme enfermé dans une cage, et qu’on me prive cruellement de la liberté d’aller à la rencontre de mon bonheur. J’ai beau gigoter, rien ne changera désormais mon avenir de tristesse et de solitude.
    Pourquoi me fais-tu ça, Jérém ? Pourquoi as-tu oublié les promesses de Campan ? Elles étaient si belles, si fortes, si intenses. Où sont-elles passées désormais ?

    J’ai trop attendu. Peut-être que si je l’avais appelé plus tôt, tout ça se serait passé autrement. Pourquoi j’ai attendu si longtemps ? Certainement parce que je craignais que ça se termine de cette façon. Ou alors, à cause de mon amour propre. Peut-être qu’inconsciemment je me suis souvenu des paroles de Stéphane, qui m’avait dit un jour : « veille à tout donner mais à ne pas tout accepter par amour », et « ne laisse pas les autres choisir pour toi ». Parfois, l’amour propre est mal placé et nous mène à faire des choix à la con.
    Je me disais que pour accepter le deal proposé par Jérém j’avais besoin d’une contrepartie. J’avais besoin de sentir que j’avais mon mot à dire dans notre relation et que je ne fais pas que la subir comme je la subissais au début lorsque Jérém m’envoyait des SMS lorsqu’il voulait baiser.
    Et pourtant, j’aurais dû être plus lucide. Ma relation d’aujourd’hui avec Jérém n’a rien à voir avec celle que nous avions quand il habitait rue de la Colombette. J’aurais dû faire peser davantage dans la balance ce que Jérém m’a dit et répété plusieurs fois : qu’il tient à moi, que je suis spécial à ses yeux. J’aurais dû repenser à ses larmes à la gare, une image plus explicite que mille mots.
    Jérém sait qu’il m’en demande beaucoup, mais il a probablement été déçu que je ne comprenne pas assez sa situation. Je pense qu’il attendait quelque chose de ma part, que je montre plus fort, plus compréhensif, plus à l’écoute de ses problèmes.
    Mon coup de fil est venu trop tard, et il est devenu quelque part un geste maladroit. Jérém a dû interpréter mon long silence comme la preuve d’une souffrance insurmontable chez moi. Ma condition de se voir plus souvent a dû sonner à ses oreilles davantage comme l’aveu d’une détresse, plutôt que comme une demande légitime. Et ça a dû lui faire peur.
    Je n’aurais pas dû insister pour le revoir à Paris. A Paris il ne pourra jamais être lui-même, c’est pour ça qu’il ne tient pas à ce que j’aille le voir. Noël n’est plus bien loin, j’aurais pu attendre. J’aurais dû savoir attendre.

    Entre midi et deux, je reçois un coup de fil de Monica. Elle m’appelle pour avoir de mes nouvelles. Elle s’inquiète de ne pas me voir en cours. Ça me touche que ma copine se fasse du souci. Mais je n’ai pas du tout envie de parler de ce qui m’arrive, même pas avec elle, et surtout pas par téléphone. Hier soir j’en avais envie, j’étais dans l’urgence d’apaiser ma souffrance. Mais aujourd’hui, je suis terrassé par cette souffrance. Et en parler est au-dessus de mes forces. Je ressors le prétexte de la température et de la fatigue pour avoir la paix.
    En rentrant en fin d’après-midi, je passe par le centre-ville. L’espace urbain, rues, commerces, immeubles, commence à être bien grimé en Noël. Soudain, je réalise que le réveillon, c’est dans trois semaines à peine. La pression psychologique des fêtes de fin d’année monte en puissance chaque jour un peu plus. Au fur et à mesure que le 24 approche, tout semble nous pousser, nous inviter, nous imposer d’être heureux, de faire la fête, et de claquer un maximum de ronds. Je n’ai jamais été très sensible à l’ambiance de Noël. Et cette année, alors que je viens de me faire « larguer » à trois semaines du réveillon, ça ne va pas s’arranger.
    Une seule chose me touche dans le packaging indigeste de Noël. C’est la musique. Il y a de très bonnes chansons de Noël. Je pense à « Last Christmas », terriblement prémonitoire du dernier jour de son auteur. Je pense à « Happy Xmas » de Lennon, à « Let it snow » de Dean Martin, « Oh holy night », « Silent night » et d’autres.
    Parmi ces indémodables, une chanson tient une place particulière dans mon cœur. Elle est sortie le Noël de mes 12 ans. C’était un Noël heureux, le dernier grand repas de famille, le dernier avec mes grands-parents. Et cette année-là, la radio ne cessait de diffuser, comme aujourd’hui les enceintes à l’extérieur d’un magasin de fringues la diffusent, une chanson aux couplets simples, mais qui parlent à mon cœur à la fois nostalgique et blessé.

    Je ne veux pas beaucoup de choses pour Noël
    Il y a seulement une chose dont j’ai besoin
    Je me fiche des cadeaux
    Sous le sapin de Noël
    (…) Fais que mon vœu se réalise

    Non, pour Noël je ne veux pas de cadeaux. Tout ce que je voudrais, c’est mon Jérém, le Jérém de Campan.

    Je rentre à mon appart sur le coup de 18 heures. Albert et Denis sont en train de manger, ce qui me donne un prétexte pour juste leur dire bonjour sans m’attarder. Je n’ai pas envie de leur montrer ma détresse, ni de leur parler de la « pause ». J’ai juste envie de rentrer chez moi et d’essayer de dormir.
    Mais c’est sans compter avec leur perspicacité et leur bienveillance.
    « Tu restes manger Nico » fait Albert
    « Non, merci, je n’ai pas trop faim et… ».
    « Je ne crois pas que c’était une invitation » fait Denis.
    « Non, c’est une injonction » ajoute Albert, sur un ton railleur « allez, assieds-toi là. Tu vas prendre du poulet à la crème de Denis et tu vas nous raconter ce qui t’a donné de la « température »… ».
    Entre le poulet et le dessert, je finis par leur parler de la « pause ».
    « Moi, ce que je vois » fait Albert, après un moment de réflexion « c’est que pour se dévoiler comme il le fait depuis quelques temps, pour te dire son attachement, pour avouer son impuissance à t’offrir mieux que ce qu’il voudrait, c’est que ce gars t’aime vraiment.
    Pour aller plus loin, il faudrait qu’il fasse un coming out. Il ne peut pas faire ça. Parce que faire son coming out ce serait renoncer au rugby. Tu ne peux pas lui demander ça. Tu le rendrais malheureux et tu le perdrais pour de bon. ».
    « Moi je vois autre chose » intervient Denis « cette histoire est très compliquée. Il y a la distance, et il y a un gars qui ne peut pas assumer votre relation. Ce n’est vraiment pas simple comme situation. Soutenir un gars comme Jérém c’est épuisant. La question que je me pose c’est : est-ce que ça vaut la peine ? Jusqu’où tu peux aller sans que la souffrance ne dépasse le bonheur ? ».
    « Je pense que Jérémie a bien changé pour toi » enchaîne Albert « La question maintenant, est de savoir si tu peux changer, et jusqu’à quel point, pour lui ».
    « Eh, ben, tu n’es pas beaucoup plus avancé en partant qu’en arrivant » fait encore Albert alors que je me prépare à rentrer chez moi « dis-toi qu’une pause n’est pas forcément une rupture. Jérémie a peut-être juste besoin de temps, comme il te l’a dit. Après, il s’est peut-être passé quelque chose de son côté qui l’a contraint à faire ce choix de la « pause ».
    Mais ce n’est peut-être pas plus mal que vous preniez du temps chacun de votre côté. Toi aussi tu as peut-être besoin de temps. Vous avez tous les deux besoin de prendre du recul et de faire le point sur vos besoins profonds. Laisse le temps faire son travail, ne sois pas pressé ».

    Dès que je passe la porte de mon appart, le manque de Jérém me rattrape avec une violence inouïe. Je m’allonge sur le lit. Je sais que j’ai merdé avec Jérém, comme toujours. J’aurais dû apprendre la leçon du clash chez mes parents. Quand il se sent acculé, Jérém envoie tout balader. J’ai l’impression que je viens de faire exactement la même erreur et je m’en veux, je m’en veux terriblement.
    Aussi, je repense aux mots d’Albert « il s’est peut-être passé quelque chose de son côté qui l’a contraint à faire ce choix ».
    C’est quelque chose auquel je pense depuis hier soir. Et la raison qui me pousse à penser cela est le fait d’avoir senti un changement assez radical entre l’attitude de Jérém lors du premier coup de fil et son attitude lors le deuxième.
    Dans le premier, il semblait vraiment motivé à sauver notre histoire, il avait gardé son calme et montré sa bienveillance malgré mes assauts répétés.
    Alors que lors du deuxième je l’ai senti distant, détaché, son attitude transpirait une sorte de lâcher prise. Preuve en est que tout est allé très vite. Nous n’avons pas passé des heures à parler, à essayer de trouver des solutions. On ne s’est pas vraiment pris la tête. Il n’y a même pas eu de véritable « clash ». Le « pause » est arrivée très vite, trop vite. Son attitude était celle de quelqu’un qui n’a plus envie de lutter. J’ai senti qu’il avait baissé les bras.
    C’est ça qui me fait penser que son changement d’attitude entre les deux coups de fil doit avoir une cause extérieure, quelque chose qu’il ne pouvait pas me dire.
    Est-ce qu’il s’est passé quelque chose dans sa vie, quelque chose que j’ignore et qui aurait pu expliquer ce changement de son attitude, quelque chose qui l’a poussé à capituler et abandonner ?
    Dans la soirée, le téléphone sonne deux fois. Elodie et Julien. L’une et l’autre me rappellent suite aux coups de fil ratés de la veille. C’est gentil de leur part. Mais je n’ai pas envie de leur parler. Je fais le mort. J’éteins la lumière, je me cache sous ma couette. Je serre la chemise de Jérém contre moi, je cherche son odeur, son souvenir. Et je pleure toutes les larmes de mon cœur.

    Mercredi 5 décembre 2001.

    Le lendemain je reviens en cours. Je me force à y aller, car je sais que si je reste seul je vais devenir fou.
    « Ça va pas fort, Nico ? » me demande discrètement Monica entre deux cours.
    C’est autour d’un café que je finis par parler à elle aussi de la « pause ».
    « C’est pour ça que tu voulais aller prendre un verre l’autre soir ! Tu aurais dû me le dire, je serai venue ! ».
    « C’est pas grave, t’inquiète ».
    « Tu sais que si tu as besoin de parler, je suis disponible » elle me glisse.
    « Je sais. Merci, tu es une vrais copine ».
    Un peu plus tard dans la journée, Raph essaie lui aussi de me faire parler. Mais je ne me sens pas à l’aise pour m’ouvrir avec lui. Face à son insistance, je finis quand-même par lui dire que je viens d’avoir une déception sentimentale, sans préciser de quelle nature.
    Raph n’essaie pas de creuser davantage. Mais il me propose aussitôt de l’accompagner à une soirée étudiante prévue pour le lendemain, le jeudi.
    « Ca te changera les idées ».
    Pourquoi changer une recette qui marche ?
    Je n’ai franchement pas envie de voir du monde et de faire la fête. Mais face à son insistance et à sa bonne volonté, je finis par céder.
    Voilà comment je me retrouve à une soirée dont, le matin suivant, vendredi, je ne me souviens pas de grand-chose. A part des flashs. Je me souviens des premières bières de la soirée. Je me souviens de ma tristesse, amplifiée par l’ambiance de fête. Je me souviens de ma solitude dans ce pub bondé de monde. Je me souviens avoir détecté la présence de quelques beaux mecs, mais de n’avoir même pas eu le cœur de les mater comme se doit. Je me souviens de mon envie de pleurer, je me souviens d’avoir pleuré. Je me souviens d’autres bières. Je me souviens m’être demandé ce qu’était en train de faire Jérém. Je me souviens m’être fait draguer par une nana et je me souviens aussi de l’avoir envoyée chier. Je me souviens d’avoir goûté au whisky avec les potes de Raph. Je me souviens m’être dit qu’avec du coca, ça passe bien. Et je me souviens d’avoir dansé, longtemps.
    Après ça, tout est plus flou. Je ne me souviens plus de rien. Et surtout pas comment je suis arrivé sur le canapé de Raph au petit matin.
    « Bonjour et félicitations ! Tu t’es pris la première cuite de ta vie » me lance mon camarade de fac, tout en me tendant un café vraiment bienvenu, accompagné d’un cachet contre la migraine.
    « Merci. Je ne me souviens même pas comment je suis arrivé ici ».
    « Je t’ai amené avec un pote. Tu ne tenais plus sur tes pattes ».
    « Ah… mais au fait, il est quelle heure ? ».
    « C’est l’heure d’aller en cours. Il est presque 11 heures ».
    « Déjà ? ».
    « Si tu ne te sens pas en état, tu peux rester dormir encore un peu. De toute façon tu n’auras jamais le temps de rentrer chez toi et d’arriver à la fac à temps » me lance Raph en regardant par la baie vitrée de son séjour.
    Je suis encore dans les vapes lorsque je l’entends soudainement pester :
    « Putain, ce gros pd du dessus a encore fait tomber des poubelles sur mon balcon. Sans déconner, ce type est vraiment un enculé ! ».
    « Ça, ça s’appelle un pléonasme » je lâche, alors que je plane toujours sur les vapeurs de l’alcool qui me rendent étrangement lucide et audacieux.
    « De quoi tu parles ? » fait-il, sur un ton agacé.
    « Pd et enculé c’est un pléonasme, enfin, très souvent ».
    « Pourquoi tu dis ça ? ».
    « Parce que ça m’énerve ».
    « Qu’est-ce qui t’énerve au juste ? ».
    « D’entendre utiliser les mots « pd » et « enculé » comme des insultes ».
    « C’est juste une façon de dire, c’est rien ».
    « Non, ce n’est pas juste une façon de dire et ce n’est pas rien ! » je me chauffe.
    « Où est-ce que tu veux en venir, Nico ? ».
    « Quand j’entends les gens traiter un type de « pd » pour l’insulter ou quand j’entends un gars lancer « enculé » quand il est énervé contre une situation ou quelque chose, j’ai le poil qui se hérisse. Explique-moi en quoi « pd », c’est à dire un gars qui aime un autre gars, et « enculé », c’est à dire un gars qui a envie de se laisser prendre par un autre gars, explique-moi donc en quoi ces deux mots sont des insultes ? ».
    « Je ne sais pas… » il admet.
    « Tu ne sais pas mais tu les utilises. Et en les utilisant tu montres de la haine envers les gays ».
    « Mais je ne suis pas homophobe ! ».
    « Je te crois, mais tes mots le sont. C’est en utilisant des mots comme ceux-ci, et de cette façon, qu’on fait et qu’on maintient, dans les esprits faibles, l’amalgame entre gay et quelque chose de négatif. Abruti est un insulte. Mais « pd » ce n’est pas une insulte, à aucun moment, même quand on est énervés. L’homosexualité n’est pas une tare. Alors, non, cette façon d’utiliser « pd » et « enculé » ce n’est pas rien. Parce qu’en utilisant ces mots de cette façon on entretient et on propage l’homophobie ».
    « Beh, mon pote, je ne te savais pas si sensible à ce sujet ».
    « Tu me trouves comment, Raph ? je veux dire, tu me trouves con, ou grossier, ou idiot ou malfaisant ? ».
    « Mais qu’est-ce que tu racontes ? Je trouve que tu es un gars très sympa et très bien ».
    « Et je suis pd ! ».
    « De quoi ? ».
    « J’aime les mecs et coucher avec, tu veux un dessin ? ».
    « Je savais pas ».
    « Maintenant tu sais. Alors, tu trouves toujours que c’est correct d’utiliser « pd » et « enculé » comme tu viens de le faire ? ».
    « Je ne voulais pas te blesser ».
    « S’il fait exprès de laisser tomber ses poubelles sur ton balcon, ou s’il ne prend pas des précautions pour empêcher cela de se produire, ton voisin du dessus est un abruti. Et tu peux lui reprocher le fait d’être un abruti. Mais est-ce qu’il est vraiment pd ? Déjà, ça ne te regarde pas. Et-même s’il l’était, pourquoi lui jeter ça en pleine figure, alors que c’est tout à fait hors sujet par rapport à ce qu’il vient de faire ? Il n’y a rien à reprocher au fait d’être gay, dans la mesure où personne ne choisit son orientation sexuelle et que ça ne porte aucun préjudice à personne et surtout pas à ceux qui ne sont pas concernés ».
    « Je suis désolé, Nico. Parfois on utilise des mots par habitude et on ne fait pas attention au fait qu’ils puissent être blessants. Je te remercie de m’avoir fait confiance en me disant que tu es gay et je te promets que je n’utiliserai plus jamais ces deux mots, ou d’autres dans ce genre pour apostropher quelqu’un ».
    « Merci beaucoup ».
    « Accident clos ? ».
    « Oui ».
    « Toujours potes ? ».
    « Oui ».
    « Cool. Je vais y aller maintenant. Juste, quelqu’un d’autre est au courant à la fac ? ».
    « Oui, Cécile et Monica ».
    « Ah je comprends mieux pourquoi Cécile te faisait la tête et pourquoi tu semblais soudainement si complice avec Monica ».
    « Tu sais tout maintenant ».
    Une fois Raph parti, je me rendors presque aussitôt.
    Je me réveille en début d’après-midi. Je suis en train de reprendre mes esprits lorsque mon portable émet un petit couinement. Un message vient d’arriver. Pendant un instant, je crois que l’impossible vient de se produire.
    « Salut. Alors, qu’est-ce que tu deviens ? ».
    Mais ce n’est pas un message de Jérém. Puisqu’il continue de la façon suivante :
    « Ça te dit d’aller prendre un verre ce soir ? ».
    Benjamin est de retour, il ne lâche pas l’affaire. Ce qui me fait à la fois plaisir et un peu peur.
    Mais après tout, pourquoi pas. Au point où j’en suis, pourquoi pas. Je suis au mieux dans une relation « libre » et « en pause ». Au pire, je suis célibataire. Alors, vraiment, pourquoi pas. D’autant plus que le fait qu’il revienne vers moi alors que je n’ai franchement pas été cool, ni après notre première rencontre, ni même après la deuxième, ça me touche. Et puis, ça me changera les idées.
    Oui, pourquoi pas. Mais pas ce soir. Je suis ko et miné par une migraine carabinée.
    « Pas dispo ce soir. Mais demain soir, pas de problème ».
    « Ok, va pour demain soir ! ».

    Je passe la soirée de vendredi et la journée de samedi à essayer de me convaincre que je ne suis pas en train de faire une bêtise. A plusieurs reprises, je suis sur le point de tout annuler. Je ne me sens pas encore prêt à franchir ce pas. C’est trop tôt.
    Samedi en milieu d’après-midi, je suis même sur le point d’appeler Jérém. Si j’arrivais à lui parler, si seulement nous pouvions revenir sur la « pause », je suis prêt à renoncer à voir Benjamin. J’ai tellement plus besoin de Jérém que de tous les Benjamin du monde !
    Je suis sur le point de composer son numéro, mais j’y renonce. Je sais que ça ne servirait à rien. Il a voulu une « pause » et je ne veux pas lui donner l’impression de revenir à la charge pour le supplier de changer d’avis. Et il est temps pour moi d’arrêter d’essayer de régler ma vie sur celle de Jérém. De toute façon, ça ne marche pas.

    Samedi 8 décembre 2001.

    Samedi soir à 21 heures, je prends un verre avec Benjamin dans un bar du centre-ville. Au départ, je ne me sens pas à ma place, je ne me sens pas à l’aise. Mais Benjamin est un garçon qui a de la conversation, il est drôle, il sait me faire rire. Avec lui, tout semble facile, léger, amusant.
    En discutant avec lui, je me fais la réflexion, la même que je m’étais faite avec Justin, qu’il y a quelque chose de magique dans le fait de découvrir un mec inconnu. C’est le charme unique des premiers instants où l’attirance éclot peu à peu en prenant appui tout autant sur ce qui est dévoilé que sur ce qui ne l’est pas encore.
    En plus de son humour, de sa façon d’être « cool », de ne pas avoir de sujet tabou, et surtout pas son homosexualité, cet aspect de sa vie qu’il a vraiment l’air de bien assumer, voilà que le fait que Benjamin ait quelques années de plus que moi lui donne un côté rassurant par lequel j’ai envie de me laisser porter.
    Nous enchaînons des discussions à bâtons rompus sur des sujets très variés, et il s’attarde à me parler de son amour pour le cinéma et en particulier pour l’œuvre de Téchiné.
    Nos regards se croisent, se jaugent. Je sens qu’il se passe quelque chose, qu’une attirance réciproque est en train de se dévoiler.
    Il est déjà presque minuit lorsque, au détour d’une conversation, je l’entends me lancer :
    « Tu veux pas qu’on aille dans un endroit plus tranquille ? ».
    Je m’attendais à ce genre de proposition. Mais cela ne m’empêche pas de me sentir comme « pris au dépourvu ». J’hésite à me lancer à l’eau. Mais je finis par « fermer les yeux » et « plonger ».
    « Oui, je veux bien ».
    « On peut aller chez toi ? ».
    « Je ne sais pas trop… chez moi c’est vraiment tout petit » je prétexte.
    D’une chose je suis certain, c’est que je ne suis prêt à ramener un gars chez moi. J’aurais l’impression de tourner trop vite une page de ma vie que je ne suis pas prêt à tourner.
    Car, au fond de moi, même si je vis la « pause » comme une rupture, je garde un secret espoir que ce ne soit pas le cas. Que, malgré tout, Jérém se souvienne de sa promesse de nous retrouver à Noël.
    « Dans ce cas, je ne vois pas d’autre solution que d’aller chez moi » il me lance, une étincelle coquine dans le regard.
    Ce qui me fait réaliser qu’en amont de toutes les précédentes considérations, la question qui se pose dans mon esprit est la suivante : est-ce que je me sens prêt à coucher avec Benjamin ce soir ?
    Au fond de moi, je sais bien que si j’accepte son invitation, je sais que je vais « devoir » coucher avec lui. Je ne vais pas faire la même sketch qu’avec Justin, je ne vais pas me barrer quand ça va commencer à devenir chaud.

    L’appart de Benjamin est situé vers le Bouscat. Derrière la porte d’entrée s’ouvre un séjour immense, à la déco moderne et épurée. C’est froid mais élégant.
    Très vite, le gars se fait entreprenant. Il me caresse, il essaie de me prendre dans ses bras. Mais quelque chose bloque en moi. Je pense à Jérém, je pense à quel point j’ai envie d’être dans ses bras. Et la tristesse éclipse le désir. Je me raidis, je n’arrive pas à me laisser aller. Lorsque Benjamin essaie de m’embrasser, j’ai une réaction de recul presque paniquée. C’est con, parce que j’en ai envie.
    « Eh, qu’est-ce que tu me fais ? » il se marre.
    « Je ne sais pas si je suis prêt pour ça » je voudrais lui dire.
    Son regard est pénétrant, il semble me sonder et lire carrément dans mon cœur. Mais c’est aussi un regard coquin rempli de promesses sensuelles. De plus, Benjamin est vraiment un beau garçon, j’ai moi aussi envie de l’embrasser, j’ai envie de sentir son corps contre le mien.
    Alors je respire un bon coup, je m’approche de lui et je l’embrasse. Une minute après, nous sommes nus sur le canapé, en train de nous caresser. Son corps élancé, son torse interminable et finement dessiné, sa peau naturellement imberbe, sa peau mate rendent sa nudité très sensuelle. Un beau petit corps raccord avec sa belle gueule. Benjamin me suce longtemps, puis je le suce à mon tour.
    La première fois qu’on couche avec un gars, la découverte contribue grandement à l’excitation. On essaie de donner du plaisir avec les gestes qui nous sont habituels, mais parfois ça ne marche pas. On y va à tâtons, comme dans le noir, on trébuche, on se reprend, on finit par trouver. Chaque corps a son mode d’emploi pour le plaisir. Un mode d’emploi qui n’est pas livré avec, et dont la découverte progressive constitue un plaisir en soi.
    Benjamin est un gars qui ne se pose pas de questions, et surtout pas au sujet de la sexualité. Il vit dans l’instant présent et essaie de prendre tout ce qu’il y a à prendre. Surtout le plaisir, sous toutes ses formes. Avec lui, il n’y a pas d’actif ou de passif, pas de tabous. Rien que du plaisir, à consommer sans modération.
    Benjamin a voulu que je le prenne. J’en avais envie aussi. J’ai mis une capote et du gel et je l’ai pris. Pendant que je m’enfonçais lentement en lui, j’ai pensé que jusque-là Jérém était le seul gars à qui j’avais fait l’amour. Et j’ai pensé à la dernière fois où je lui avais fait l’amour, peu avant que cette pouffe ne débarque à l’appart. C’était tellement bon de le voir frissonner de plaisir et de jouir en lui.
    Pendant un court instant, j’ai cru que j’allais refaire l’amour à Jérém. Et quand j’ai réalisé que c’était Benjamin, j’ai eu envie de tout arrêter et de partir en pleurant.
    Mais le plaisir a fini par balayer les états d’âme.

    « T’es beau mec, quand-même » il me lance quelques instants plus tard, l’air ravi du plaisir que je viens de lui offrir.
    On a tous parfois besoin d’entendre ce genre de mots. Et de sentir ce genre de regard sur nous.
    « Merci. Toi aussi tu es beau ».
    Nous reprenons un café, nous regardons un peu la télé. Nous recommençons à nous peloter. Cette fois-ci, c’est au tour de Benjamin de se glisser entre mes cuisses. Il passe une capote, il met du gel, et vient en moi. Il me prend par devant, ce qui me permet de le voir prendre son pied.
    Chaque gars a sa façon de faire l’amour, des attitudes qui lui sont propres. Benjamin n’est pas dans la domination. Il est juste dans le plaisir. Le sien, en particulier.
    Pendant qu’il me lime, Benjamin ne me regarde jamais. Il regarde dans le vide, loin, très loin dans le vide. Comme si je n’étais pas là. Je me laisse happer par l’observation détaillée de sa plastique, pas excessivement musclée mais très sensuel. Je me laisse happer par ses gestes, ses attitudes, sa façon d’envoyer ses coups de reins, de prendre son pied. Ce n’est que de la baise, mais c’est beau, et bien agréable.
    Benjamin ne tarde pas à jouir et je jouis une deuxième fois en me branlant.
    Il est presque deux heures du mat et il me propose de rester dormir chez lui. Je suis fatigué et surtout je ne suis pas contre le fait d’avoir un peu de compagnie. Je sais qu’en rentrant chez moi je vais retrouver ma solitude, ma tristesse, les souvenirs douloureux. Alors j’accepte.

    Dimanche 9 décembre 2001.

    Le matin suivant, Benjamin se réveille et se lève avant moi. Je ne suis plus vraiment endormi, mais n’arrive pas à émerger. Ainsi, l’arôme du café vient m’entraîner dans un rêve éveillé.
    Pendant quelques instants, cet arôme me fait voyager, rêver, m’enferme dans une bulle d’illusions à laquelle mon désir le plus profond a envie de croire. Pendant quelques instants, j’ai l’impression d’être à Campan, dans la petite maison, l’impression que je viens de passer la nuit à faire l’amour avec Jérém, un Jérém adorable, attentionné, amoureux, qui vient de préparer un café bien corsé dans une cafetière italienne chauffée dans une cheminée au feu de bois. J’ai l’impression que si j’ouvre les yeux, mon bobrun va être là, qu’il va venir m’embrasser et que nous allons partir faire une balade à cheval avec Charlène, Jean-Paul, Carine, Martine, Ginette, Satine. Avant de nous retrouver le soir pour une soirée bonne franquette qui se terminerait avec les joyeuses et entraînantes improvisations de Daniel à la guitare.
    Mais lorsque je finis par ouvrir enfin les yeux pour de bon, et même si la vue de Benjamin dans un t-shirt blanc ajusté mettant bien en valeur ses pecs et ses biceps n’est pas du tout désagréable, elle ne m’offre pas du tout le même bonheur que de retrouver la présence de Jérém.
    « Salut » il me lance, en m’entendant remuer dans les draps.
    « Salut ».
    Nous prenons le petit déjeuner ensemble. Très vite, je réalise que Benjamin est beaucoup moins bavard que la veille. J’essaie de lui faire la conversation, mais je me heurte à une distance inattendue. Peut-être que le gars n’est tout simplement pas du matin, qu’il a juste du mal à émerger. Mais mon manque d’assurance me fait dire que peut-être le gars en a déjà assez de moi, que cette coucherie est un « one shot », et que ça lui tarde de se débarrasser de moi.
    Une sensation renforcée par le fait que son téléphone n’arrête pas de vibrer, attestant l’arrivée de messages auxquels Benjamin s’empresse de répondre. Une situation qui me met vite mal à l’aise. Car, à chaque fois que son portable vibre, je revis le mauvais souvenir de la dernière fois où je suis allé à Paris, avec le téléphone de Jérém qui ne cessait de sonner. Je revis mes questionnements, et la mauvaise surprise que cachaient ces coups de fil.
    « C’est un pote » il m’explique en croisant mon regard interrogatif.
    « C’est juste un pote ou plus ? ».
    « C’est un pote avec qui je couche aussi, parfois » il fait sur un ton désinvolte, sans quitter le petit écran des yeux.
    Cela provoque en moi un certain malaise, celui de penser qu’il est certainement en train d’organiser une rencontre proche, alors que je suis encore là, que nous venons de passer la nuit – et de coucher – ensemble.
    Bien sûr, beau comme il est, Benjamin doit avoir plein d’occasions. Et comme je viens de le comprendre, il en profite.
    Malgré tout, j’ai bien envie de le revoir. Sa compagnie est plaisante, le sexe avec lui est fun et sans prise de tête. Benjamin est distrayant, et je me dis que c’est exactement ce dont j’ai besoin en ce moment. De me distraire, de prendre du bon temps.
    Je voudrais lui demander s’il a envie qu’on se revoie, mais je n’ose pas. Je n’ai pas envie de m’entendre dire que c’était bien mais qu’il n’en veut pas plus.
    Sur le seuil de la porte, alors que je m’apprête à partir, Benjamin tient à faire une petite mise au point.
    « Nico, j’ai bien aimé hier soir et cette nuit, et j’aimerais bien te revoir. Mais je veux que les choses soient claires. Je ne cherche pas un petit ami, et encore moins une relation de couple. Pour l’instant, j’ai envie de m’amuser ».
    « Ok, ok, c’est ce que j’ai cru comprendre ».
    « On se rappelle, à l’occasion ».
    Ah, il dit qu’il a envie de me revoir, mais ce sera seulement « à l’occasion ». C’est-à-dire que ce n’est même pas sûr.

    Je passe le dimanche à cogiter sur le sens et mon envie de donner suite à une relation amicale et sexuelle avec Benjamin. Certes, j’apprécie sa présence, sa conversation, son humour. J’aime aussi coucher avec lui, et j’aime cet état d’esprit de gay assumé où il n’y a pas de tabous, juste un max de plaisir flamboyant entre garçons.
    La compagnie de Benjamin me fait du bien, car elle me distrait agréablement de ma souffrance vis-à-vis de la « pause » d’avec Jérém. Il me tarde de repasser une nouvelle soirée avec lui. Il faut juste que j’arrive à prendre ce qu’il y a de positif dans cette relation, que j’accepte ce mode de fonctionnement libre, sans engagement. Et je suis certain que je vais passer du bon temps avec Benjamin.
    Mais est-ce que je vais le revoir ? Est-ce qu’il va vraiment avoir envie de me revoir ? Son « à l’occasion » en nous quittant ne me rassure pas.
    Oui, je passe le dimanche à cogiter, mais aussi à culpabiliser. Je culpabilise parce que cette coucherie est la première depuis Campan, depuis que l’histoire avec Jérém est devenue une Histoire. Et le fait d’avoir franchi ce pas me donne l’impression de m’éloigner un peu plus de lui.
    L’après-midi s’écoule lentement, tristement. Je pense à Jérém, à son match, à ses coucheries du week-end, et la jalousie et le désarroi me prennent aux tripes. Je pense à toutes ces soirées, ces week-ends qui m’attendent sans lui. Et ça me donne le vertige.
    Je réalise ainsi ce dont je me doutais déjà, que le fait de coucher avec Benjamin, bien que fort agréable, n’arrive pas à m’arracher à mon chagrin, et ça n’apaise pas ma souffrance en dehors des moments que nous passons ensemble.
    Car dès que je suis seul, mon malheur me rattrape et Jérém occupe toutes mes pensées. J’ai trop envie d’avoir de ses nouvelles, mais je n’ose pas l’appeler, je n’ose pas violer la « pause ».
    Noël approche à grand pas et je me surprends de plus en plus souvent à penser qu’un petit miracle pourrait se produire. Le miracle que, malgré la « pause », Jérém tienne sa promesse de descendre pendant les vacances et de passer du temps avec moi.
    Je sens que si cela devait se produire, je saurais en profiter pour lui parler et pour trouver un équilibre pour notre relation. Si seulement il m’en donnait la chance.
    Mais est-ce que je vais devoir attendre un signe de sa part ou ce serait plutôt à moi d’aller vers lui ?
    Je pense que je vais attendre un peu. Je ne veux pas lui forcer la main. Je ne veux pas le saouler. Peut-être qu’il va faire un geste. Dans le cas contraire, lorsque je serai à Toulouse, juste avant Noël, je vais lui envoyer un message pour savoir comment il va. Peut-être qu’il attend que je fasse un premier pas. Comment savoir, alors qu’en amour, on marche toujours à l’aveugle, à 19 comme à 79 ans ?
    Ca me manque tellement de l’entendre m’appeler « Ourson » !

    Mercredi 12 décembre 2001.

    Finalement, « à l’occasion » selon Benjamin ce ne sera pas si long.
    Après lui avoir envoyé un message le lundi soir pour lui demander si son week-end s’était bien passé, le mercredi entre midi et deux je trouve un message venant de lui sur mon portable.
    « Salut. Si ça te dit, on se fait une pizza ce soir chez moi ».
    « Avec plaisir ».
    La perspective de le revoir, de passer une bonne soirée en sa compagnie me fait vraiment du bien.
    Le soir venu, je me retrouve à partager un repas, un bon film, l’un de ses films préférés, « Forrest Gump », dont le thème musical principal au piano me donne toujours autant de frissons que la première fois où je l’ai entendu. Quel grand musicien que ce Danny Elfman !


    Mais nous partageons également d’autres bonnes conversations, et des rires, beaucoup de rires. Benjamin est vraiment drôle, je suis bien avec lui. Peu à peu s’installe entre nous une plaisante complicité. Partager de bons moments avec un beau garçon ça flatte mon égo et ça me fait sentir vivant. Notre « relation » est vraiment un bol d’air frais, nos rencontres sont des moments « hors du temps » qui me font un bien fou.
    En sa compagnie, j’arrive presque à arrêter de penser à Jérém. Pas tout à fait, mais ma souffrance et le manque sont comme anesthésiés. Par moments, je me demande si ce n’est pas ça la meilleure des « relations ». Passer des bons moments, se donner du plaisir, mais sans attaches, sans interdits, sans se soucier du lendemain, et des agissements de l’autre.
    Parce que, force est d’admettre que le sexe, bien que plaisant, n’est qu’une composante, et pas forcément la plus importante, de la complicité naissante avec Benjamin.
    Je passe une autre bonne soirée. Alors, j’accepte son invitation de se revoir une troisième fois deux jours plus tard, le vendredi.
    Ce coup-ci, nous partageons des paupiettes au saumon, un nouveau film, « Les roseaux sauvages », et une nouvelle nuit de sexe.
    « Tu te débrouilles pas mal au pieu » me lance Benjamin, alors que je viens de me déboîter de lui et d’enlever ma capote.
    « Merci ».
    Ça aussi c’est le genre de mots qu’on a besoin d’entendre parfois. En tout cas, c’est le genre de mots que j’avais besoin d’entendre à ce moment-là. Même si, au moment de jouir, lorsque j’ai fermé les yeux, c’est le corps et le visage de Jérém qui se sont imprimés dans ma tête.

    Le dimanche 16 décembre 2001 est l’un de ces jours qui marquent une vie.

    Avec Benjamin, nous partagions des bons repas, de bons films, et du bon sexe. Nos rencontres étaient vraiment rafraîchissantes, et elles me changeaient agréablement les idées. Et, dans la mesure où je sentais qu’avec ce garçon ça n’irait pas plus loin que l’estime et l’attirance, je n’avais pas trop de mal à vivre avec l’idée que je n’étais pour lui que l’un de ses plans réguliers. Peut-être un sex friend, là où sex et friend étaient les composantes d’une belle alchimie.
    Voilà ce que je me disais juste avant que l’« accident » ne se produise.
    Dimanche après-midi, il faisait mauvais. Un vrai temps à passer sous la couette. Alors, nous l’avons passé sous la couette. Il a voulu que je le baise, je l’ai baisé. Il a pris son pied, j’ai pris le mien. Nous avons pris un café, commencé à regarder un film sans intérêt.
    Puis, nos corps ont eu à nouveau envie de s’enlacer, de s’emboîter, de se donner du plaisir.
    Benjamin s’est allongé sur moi et il a commencé à m’embrasser fougueusement. J’ai senti sa queue raide dans le jogging, et j’ai compris que c’était à mon tour de le laisser venir en moi.
    Il a passé une capote, il a mis du gel, et il est venu en moi. Il a commencé à me limer, et c’était bon. J’étais bien excité et je caressais ses tétons et ses pecs bien dessinés pour lui donner encore plus de plaisir. Son corps élancé et imberbe, ses beaux cheveux bruns, son visage parcouru par les frissons du plaisir, et même son regard dans le vide, c’était terriblement beau.
    Benjamin était en train de me baiser et c’était bon comme jamais ça l’avait encore été avec lui. Parce que nos corps commençaient à bien se connaître, à savoir comment se donner du plaisir.
    Peu à peu, ses coups de reins avaient pris de la puissance, de l’ampleur. Il y avait dans son attitude une fougue, une sorte de sauvagerie animale qui étaient plutôt excitantes à voir et à ressentir en moi.
    Lorsque son orgasme était venu, par ailleurs plus vite que d’habitude, je l’avais entendu s’exclamer, dans un état second, la voix saccadée et déformée par l’excitation extrême :
    « Ah putain, qu’est-ce qu’il est bon ton cul ! ».
    J’avais continué à me branler et j’avais joui à mon tour quelques secondes plus tard.

    Je regarde Benjamin, le corps moite de transpiration, la respiration haletante, avec sur son visage ce regard repu de mec qui vient de vivre un bel orgasme, je le regarde se retirer lentement de moi.
    C’est là que je vois son regard s’assombrir soudainement.
    « Qu’est-ce qui se passe ? » je m’inquiète, en pensant immédiatement à l’un de ces accidents « de propreté » qui peuvent parfois arriver, qui font partie du jeu, mais qui peuvent parfois être mal vécus.
    Mais ce n’est pas du tout ça. Et c’est toujours avec le regard dans le vide que Benjamin m’annonce froidement :
    « Je crois que la capote a cassé ».
    « Tu déconnes ! ».
    « Non, je déconne pas ».
    « Merde ».
    « C’est pour ça que je suis venu si vite » il considère.
    Je suis déboussolé. J’essaie de réfléchir mais je n’y arrive pas. J’essaie de comprendre ce qui s’est passé, de maîtriser la peur qui m’envahit. Mais j’ai l’impression de glisser à toute vitesse dans un horrible cauchemar.
    « T’inquiète, j’ai rien » il tente de me rassurer, certainement en voyant ma tête en train de se déconfire à vue d’œil.
    « Comment tu peux en être sûr ? ».
    « J’ai fait un dépistage complet il y a un mois et demi et j’étais clean ».
    « Mais depuis t’as couché avec d’autres mecs, non ? ».
    « Oui, j’ai une vie sexuelle ».
    « Mais le test dit juste que tu étais clean il y a un mois et demi ».
    « Oui, mais je n’ai pas pris de risque ».
    « Tu mets toujours la capote ? ».
    « Oui ».
    « Mais pas pour la pipe ».
    « Non, pas la pipe. La pipe avec capote, c’est pas possible ».
    « Alors tu prends quand même des risques ! ».
    « Tu me fais pas confiance ? » je commence à le sentir agacé.
    « C’est pas la question… il suffit d’une fois pour attraper un truc et ça ne se voit pas forcément de suite ».
    « Je t’ai dit que je me suis fait dépister il n’y a pas longtemps, tu veux quoi de plus ? » il me lance, alors que je sens son agacement monter d’un cran.
    « Savoir ce que je dois faire maintenant ».
    « Tu veux faire quoi ? J’ai joui en toi, je ne peux pas revenir en arrière ».
    « Je me demande si je ne devrais pas aller aux urgences et prendre le traitement post exposition ».
    Benjamin vient de se lever et il commence à fouiller dans un placard, toujours à poil.
    « Tiens, regarde » il me lance sur un ton très agacé en me tendant un pli de trois ou quatre feuilles.
    « C’est quoi ? ».
    « Mon premier roman » il fait sur un ton sarcastique.
    « Ce sont mes analyses, banane ! Elles datent d’il y a un mois et demi. Si tu regardes bien, il y a marqué « négatif » partout ».
    Je parcours rapidement les feuilles et en effet il y a marqué « négatif » partout. Y compris dans les lignes HIV 1 et 2. Mais cela ne suffit pas à apaiser l’angoisse qui m’a envahi.
    « Oui, tout est bon » je considère « Mais ça reste des analyses d’il y a un mois et demi ».
    « Nico, arrête de te prendre la tête, quand on baise on doit être prêt à assumer un minimum de risques. Moi aussi j’ai été exposé quand la capote a cassé. Qui me garantit que tu étais clean ? Tu te protégeais avec ton rugbyman ? » fait il en s’emportant.
    « Non… mais ».
    « Mais quoi ? Il couchait bien avec des nanas, non ? ».
    « Oui… ».
    « Tu vois, tout le monde prend des risques ».
    « Mais tu as joui en moi, alors c’est moi qui prends le plus gros risque ».
    « Je commence à trouver insupportables tes questions sur ma vie intime, et ta façon de me juger ».
    « Je ne te juge pas, j’ai juste peur ».
    « Ecoute, Nico, arrête de me prendre la tête. Allez, rentre chez toi » il me lance sèchement.
    « Je crois que je vais aller au centre de dépistage d’urgence et prendre le traitement de post-exposition ».
    « Tu fais ce que tu veux, mec ».
    « Je suis désolé de te poser toutes ces questions, mais j’ai besoin d’être rassu… ».
    « Tu sais quoi, Nico ? » il me coupe sur un ton à présent bien énervé « avec toi, c’était marrant, mais là ça ne l’est plus du tout. Je pense qu’on va en rester là tous les deux. Maintenant tu devrais partir, nous n’avons plus rien à nous dire ».
    « Tu fais chier Benjamin ! »
    « Bien, toi aussi. Surtout oublie mon numéro de téléphone ».

    Me voilà dans la rue, avec la tête en vrac et la peur au ventre. Je viens de prendre un risque, un gros risque. Et même si la probabilité associée à ce risque n’est pas très élevée, elle suffit à faire exister ce risque. Alors j’ai peur.
    J’ai l’impression que mes jambes ne veulent pas me porter, j’ai l’impression que mon corps fait 200 kg.
    Je m’assois sur la banquette d’un abribus désert et j’appelle les renseignements téléphoniques. Je demande le numéro des urgences de l’Hôpital de Bordeaux. La nana qui me prend en charge est très avenante et me propose de me mettre directement en relation avec le service. Je la remercie et j’attends pendant de longues et interminables sonneries que quelqu’un me réponde à l’autre bout du fil.
    Pendant cette attente, je vois ma vie défiler et mon avenir s’assombrir. Qu’est-ce que je vais devenir si jamais… ? Comment vais-je l’annoncer à mes parents ? A Elodie ? A mes amis ? A Jérém ? Est-ce que je devrais l’annoncer à Jérém ? Est-ce que je vais finir comme Freddie Mercury ? Est-ce qu’avec cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête ça a encore un quelconque sens de penser à l’avenir ?
    Finalement, une voix masculine se présente à moi. Et je me retrouve à devoir expliquer que je suis un garçon qui vient d’avoir un rapport anal avec un autre garçon, en étant passif, et que je suis inquiet parce que la capote a cassé. Ça paraît simple à expliquer comme ça, mais ça ne l’est pas, pas du tout. Raconter à un parfait inconnu les détails les plus intimes de sa vie intime, la peur au ventre, la honte dans sa tête, ça demande beaucoup d’énergie et ça ajoute un choc à la peur.
    Heureusement, le gars est très professionnel. Ses questions sont très ciblées. Le ton de sa voix est neutre, rassurant. Le gars doit avoir l’habitude de ce genre de situation. Je ne dois pas être le premier gars qui est exposé à un risque de ce genre.
    Preuve en est que ses explications sont claires et précises.
    « Le plus important c’est que vous veniez au plus vite. Surtout si le médecin va estimer nécessaire de vous prescrire le traitement post exposition. Plus tôt vous commencerez le traitement, plus vos chances d’échapper à la contamination sont grandes ».
    Je prends le premier bus et je me rends aux urgences dans la foulée. Je me pointe à l’accueil où je dois expliquer une nouvelle fois qui je suis, ce que je fais au lit et ce qui vient de m’arriver. C’est la première fois que je le fais « à visage découvert » et c’est bien plus dur que de le faire au téléphone. De plus, la dame de l’accueil, d’un âge proche de la retraite, le regard dur et l’attitude rigide, ne fait aucun effort pour me mettre à l’aise. Pire que ça, je trouve le ton de ses mots très sec, presque réprobateur. Peut être que c’est juste dans ma tête, mais je jurerais que cette femme a un problème avec les gays et le sexe entre mecs. En répondant à ses questions, je me sens une merde.
    Elle me tend un dossier avec plein d’étiquettes autocollantes avec mon nom, ma date de naissance et un code barre et me dit d’attendre qu’un médecin vienne m’appeler.
    Je me retrouve dans une grande salle d’attente, illuminée par la lumière blafarde d’une armée de néons. Je me sens seul, humilié. Et j’ai peur, terriblement peur. Mais je n’ai pas le choix. Si je ne consulte pas, je vais devoir vivre avec le doute pendant trois mois. Et c’est au-dessus de mes forces.
    Dans la salle il y a un peu de monde, je sais que je ne vais pas repartir de sitôt. J’attends une heure, deux heures, trois heures. Il est presque 22 heures lorsqu’un médecin femme appelle mon nom de famille.
    Je me lève d’un bond, comme délivré. Je me retrouve enfin protégé dans un petit bureau, avec une femme qui a l’air aimable et professionnelle. Une troisième fois je me retrouve à raconter ma vie sexuelle à une parfaite inconnue. Sa bienveillance me simplifie la tâche, qui demeure quand même difficile, car évoquer le risque auquel j’ai été exposé le fait exister à chaque fois un peu plus.
    « La première chose à faire est de vous faire dépister pour connaître votre statut ».
    « Mais je n’ai rien ».
    « Vous n’avez jamais eu de rapports à risque avant cet après-midi ? ».
    « Si, si, mais c’était avec mon copain, et je lui faisais confiance ».
    « Vous lui faisiez ? ».
    « On vient de rompre ».
    « Est-ce que vous avez des raisons de penser qu’il a pu coucher avec d’autres partenaires avant votre rupture ? ».
    « Il a couché avec des filles, mais il m’a dit qu’il s’est protégé ».
    « Le risque zéro n’existe pas, c’est pourquoi je voudrais connaître votre statut sérologique ».
    « D’accord. Et en attendant, on fait quoi ? Vous allez me donner le traitement post-exposition ? ».
    « Le plus simple ce serait que votre dernier partenaire, celui qui est à l’origine du risque, vienne se faire dépister ».
    « Je ne crois pas qu’il va vouloir, nous ne nous sommes pas quittés en très bons termes. Il a fait un test il y a un mois et demi et, même s’il a pris quelques risques depuis, il estime être clean ».
    « Un mois et demi, c’est une éternité ! Déjà qu’un test n’est qu’une image à l’instant T, reflétant une réalité vieille de trois mois, sans tenir compte de ce qui s’est passé depuis, alors si en plus il date, et si en plus il a pris des risques après, il ne veut plus rien dire !
    Si ce garçon venait se faire dépister rapidement, et que vous étiez tous les deux négatifs, vous n’auriez pas à supporter ce traitement qui est quand même un traitement lourd avec des effets secondaires non négligeables ».
    « Comme quoi ? ».
    « De la fatigue, des nausées, de la diarrhée, surtout les premiers jours ».
    « Le traitement c’est sur combien de temps ? ».
    « Un mois, et la prise doit être très stricte. Si on veut avoir réduire au maximum le risque d’infection, il ne faut surtout pas oublier de prendre les comprimés, et à des horaires fixes ».
    « Et ce traitement marche bien ? Je veux dire, il élimine le risque ? ».
    « Il ne l’élimine pas totalement, mais il le réduit de façon considérable. Si vous avez été exposé au HIV, les antirétroviraux vont tout faire pour que le Sida ne se déclenche pas. Mais je ne peux pas vous promettre que ce traitement a une efficacité de 100% ».
    « Ça veut dire que même si je prends le traitement, je peux me retrouver séropositif ? ».
    « On n’en est pas là. Déjà nous ne savons pas si vous avez été exposé. C’est pour ça que ce serait bien de connaître le statut de votre ami. Essayez de lui parler calmement et de le convaincre. Le test ce n’est rien, juste une prise de sang ».
    « Je vais essayer ».
    « En attendant, je vous donne le traitement pour trois jours. L’infirmier va venir vous l’apporter et faire la prise de sang ».
    « Merci ».
    « Essayez de penser à autre chose ».
    « Et dans combien de temps on peut écarter tout risque de contamination ? ».
    « Sans le statut de votre ami, les seules analyses qui donnent des certitudes sont celles faites à partir des prélèvements sanguins effectués trois mois après l’exposition ».
    « Même avec le traitement ? ».
    « Même avec le traitement ».
    « D’accord ».
    « Bon courage, monsieur, et revenez dans trois jour pour faire le point. Tenez ma carte. Appelez pour vous assurer que je suis bien de garde ».
    Le médecin me fait installer dans une petite salle de soin et me dit d’attendre. Je ne sais pas pendant combien de temps j’ai attendu. Tout ce que je sais c’est que j’ai eu le temps de pleurer, de penser au pire, de me dire que si ça se trouve ma vie est foutue et que je ne réaliserai aucun de mes projets de voyage, d’études, de vie.
    Et que je ne reverrai jamais Jérém. Si jamais cette histoire se termine mal, cela anéantira ma vie mais aussi les dernières chances de retrouver Jérém. Car je serai « dangereux » à vie et je ne pourrais jamais l’exposer de près ou de loin au risque de le contaminer.
    Lorsque la porte s’ouvre enfin, c’est comme dans un rêve, ou plutôt dans un brouillard, ou plutôt comme un phare dans un brouillard épais, que je vois se pointer un jeune infirmier brun, baraqué comme un Dieu, tout en muscles sous sa blouse manche courtes assez près du corps, avec des biceps saillants et une petite gueule à la fois virile et à bisous qui, en temps normal, me ferait craquer, ou me liquéfier. Mais là, sa sublime beauté me donne juste envie de pleurer.
    « Bonjour, qu’est-ce qui vous est arrivé ? » il me demande sur un ton bienveillant.
    Ses yeux gris très lumineux m’hypnotisent, son regard pur et doux me donne le vertige. Je me dis qu’il faut être quelqu’un de profondément bon pour sentir la vocation de s’occuper de la souffrance autrui et d’en faire son métier.
    Non seulement le gars est beau d’une façon outrageuse, presque indécente, mais sa voix à la vibration très mâle et à la gentillesse exquise, fait vibrer en moi un faisceau très large de cordes sensibles. Je trouve horrible de trouver ce gars si beau et attirant dans cette situation d’urgence et de peur.
    Et je me retrouve pour la quatrième fois à raconter à cette bombasse de mec ma vie sexuelle et intime.
    Le gars est lui aussi très professionnel, et me met vraiment à l’aise. Après qu’il m’a piqué le bras, et pendant qu’il remplit un certain nombre de fioles de mon sang, son cou est presque à portée de mes lèvres. La tentation est si forte d’y poser des doux baisers. Et pourtant, je me trouve con de penser à ce genre de choses alors que ma vie est peut être sur le point de basculer à tout jamais dans une pente tragique.
    Mais je finis par me dire que si l’esprit de survie, ou de vie tout court, sous la forme de l’attirance pour un très beau garçon, trouve encore le moyen de s’élever au-dessus de la détresse, de la souffrance et de la peur, c’est qu’on est toujours vivants. Et qu’on doit s’en réjouir.
    Avant de s’éclipser, le bel infirmier me met un pansement là où l’aiguille a entaillé ma chair. Il me donne trois pilules énormes et six autres plus petites et m’en explique la posologie.
    « Bon courage à vous » ce seront ses derniers mots avant de s’éclipser.
    « Merci, merci pour tout ».
    Oui, merci pour tout. Et aussi pour être aussi insupportablement beau et d’avoir su apporter la première note de couleur dans ma vie depuis de longues heures.
    Je sors de l’hôpital à 23h30. Je me dis que je vais appeler Benjamin le lendemain matin.

    Je passe bien évidemment une nuit horrible, une nuit de veille où les raisons d’insomnie sont plus nombreuses et plus graves qu’à l’accoutumée. Je dors une ou deux heures maximum. Je me réveille à 5h30 et je suis ko. Depuis la « pause » mon déficit de sommeil ne cesse pas de se creuser. Et quand on ajoute l’« accident » à la « pause », mon sommeil n’est tout simplement plus. Une fois de plus, je me sens comme dans un lendemain de cuite. Mais jamais je n’ai ressenti une cuite si carabinée.

    Je sais que Benjamin ne travaille pas ce lundi, mais j’attends quand même 10 heures pour ne pas le déranger. C’est une attente fébrile, ponctuée de cafés et de larmes.
    Le simple fait de l’appeler, alors qu’il m’a dit d’oublier son numéro, alors que je sais que je vais faire face à son agressivité et à son opposition à ma requête, me coûte une énergie énorme. Une énergie dont la dépense, dans l’état d’épuisement où je me trouve, anéantit mes dernières forces.
    Mais ça sonne dans le vide et je tombe sur son répondeur. Je respire un grand coup et, en essayant de retenir mes larmes, je lui laisse un message pour lui dire que j’ai besoin de lui parler une dernière fois.
    J’attends tout le reste de la matinée qu’il m’appelle, en vain.
    Est-ce qu’il a eu mon message ? Est-ce que ça le saoule ? Est-ce qu’il fait tout simplement le mort pour me décourager ?
    Je veux en avoir le cœur net et je consomme une nouvelle quantité démesurée de mes énergies restantes pour le rappeler sur le coup de 14 heures.
    Et alors que je commence à désespérer d’arriver à le joindre, au bout de trois sonneries, Benjamin décroche enfin.
    « Je t’ai dit d’oublier mon numéro » il me lance sèchement, sans la moindre formule de politesse.
    Je suis déçu, et en colère, mais j’essaie de le ménager pour me donner toutes les chances de le convaincre à être coopératif.
    « Salut ».
    « Ouais, c’est ça, salut ».
    « Je ne vais pas te déranger longtemps mais c’est important ».
    « Allez, crache ! ».
    « Hier soir je suis allé aux urgences et ils m’ont demandé si tu pouvais faire le test avec moi ».
    « Non, je ne peux pas ».
    « Et pourquoi ? ».
    « Parce que je n’en ai pas envie ».
    « Ecoute Benjamin, on s’est bien amusés tous les deux, tu peux bien faire ça pour moi ».
    « Non, je ne le ferai pas ».
    C’est dur de ne pas le traiter de connard égoïste, mais je continue à prendre sur moi pour garder une chance et un espoir d’arriver à le convaincre.
    « Si tu ne le fais pas, je suis obligé de prendre un traitement lourd pendant un mois ».
    « Ecoutes, tu fais ce que bon te semble. Je te l’ai dit, je n’ai rien ».
    « Comprends-moi, Benjamin, je ne veux pas te faire chier. C’est juste une prise de sang, et on sera tous tranquilles ».
    « Je t’ai dit que c’est hors de question. T’es sourd ou quoi ? ».
    « Mais pourquoi ? ».
    « Fiche-moi la paix ! ».
    « C’est nul que tu réagisses comme ça ».
    « Pense ce que tu veux ».
    « Je pensais que tu étais un gars bien ».
    « Et moi je ne pensais pas que tu pouvais être autant casse couilles ».
    « Va te faire foutre ! » je finis par lâcher, excédé par sa mauvaise volonté et son égoïsme.
    « Toi aussi ! Mais je suis con, c’est fait ! » il me lance en pleine figure.
    « T’es vraiment qu’une merde » je lui balance, hors de moi, assommé de colère et d’angoisse, alors qu’il a certainement déjà raccroché.
    Fin de l’espoir de m’en sortir par une simple prise de sang. La seule option qui se présente à moi désormais est le fameux traitement et la non totale certitude de son efficacité. Le traitement et ses effets secondaires. Le traitement et trois mois devant moi à attendre le résultat du test qui seul pourra ôter toutes mes peurs et mes angoisses.
    Tic tac tic tac. Le compte à rebours interminable, qui me va me miner de l’intérieur, détruire mon sommeil, compromettre mes études, vient de commencer.

    Je viens de raccrocher et, soudain, je pense à Jérém. Et j’ai l’impression que ce qui vient de m’arriver agrandit un peu plus encore la distance entre nous, la rendant définitivement insurmontable. Je me sens comme sali. Et si jamais le pire devait se produire, je n’oserais plus jamais l’approcher de peur de l’exposer de près ou de loin au risque d’être contaminé.

    Commentaires

    Yann

    23/10/2020 19:54

    J’ai moi aussi hâte de savoir la suite.

    Chris-j

    23/10/2020 18:12

    C’est demain que l’on va savoir comment Fabien va sortir Nico de ce mauvais pas… doit on préparer le champagne ou sortir les mouchoirs…J’avoue que j’en peux plus de ne pas savoir LOL

    Chris-j

    22/10/2020 21:37

    Cela montre que Jérém n’est pas intéressé par le sexe en priorité, puisqu’il tient Nico à distance, autant qu’il le peut, et même de plus en plus. 
    Plus je creuse, plus je le trouve intéressant. Il est tout et son contraire, mais ça se tient. Il est autant, dur, méchant, sans empathie, qu’il est timide, délicat et attentionné. 
    C’est très curieux, cette addition de détails, qui peuvent passer inaperçus mais qui montrent qu’il a un regard protecteur sur Nico. 
    Et pourtant il lui fait mal, et sans doute il se fait mal aussi. 
    C’est très bien fait, intriguant, et du coup, on veut en savoir plus. 

    Pambou

    22/10/2020 17:01

    Tu m’etonnes c’est une chaudasse

    Yann

    22/10/2020 11:42

    Oui Nico aime le sexe mais il y a une chose qu’il faut lui reconnaître, c’est qu’il a toujours été attentionné au plaisir de Jerem. 

    Jean

    21/10/2020 11:46

    C’est chaud! Qui est Bobardu?

    Chris-j

    20/10/2020 20:35

    Pour revenir au rapport de Nico à fidélité, il y a une évolution dans l’histoire. La première saison tourne plus autour du sexe
    et pour habiller des fantasmes, Fabien raconte une relation.
    Maintenant, c’est l’histoire d’une relation, ou la soumission de Nico, est remplacée par sa souffrance due à une relation impossible. 
    Yann se demande si Nico et Jérém s’aiment du même amour, Nico étant d’abord flatté que J s’intéresse à lui, il a
    raison. Au début, quand il parle de J, Nico parle de son physique et de ses performances sexuelles, pas de qualités humaines
    ou de sentiments. La seule solution qu’il a trouvé pour s’attirer les faveurs de J est de le flatter et de lui obéir.
    Chaque épisode, est plus ou moins, une escalade dans cette voie, et il faut attendre les épisodes avec Thibault pour que le ton
    change. 
    Comme Nico ne drague pas et ne sort pas, la soumission, est pour lui le meilleur moyen de se faire baiser comme il veut. C’est le
    bénéfice secondaire qu’il tire de son comportement. C’est pour cela que j’ai du mal avec l’idée que Nico serait forcé à être infidèle
    à cause de Jerem. 

    Le passage Bobarbu, est une suite d’épisodes ou les sentiments sont absents, sauf la jalousie. Jérém y est décrit comme un male
    Alpha, un étalon auquel personne ne résiste, pas même Romain, soumis par la puissance de sa queue. Nico est très excité de voir
    J enculer R et fier d’être celui qui reçoit le jus du male puissance X. 
    Ensuite quand Bobarbu veut l’utiliser comme vide couille, il espère de J va accepter. Si J dit qu’il s’en fout, c’est qu’il est pas
    d’accord, mais qu’il ne veut pas le monter. Nico avait le choix, mais il saute sur l’OKAZ pour se faire baiser devant Jérémie. 
    « Me faire sauter par un autre gars, juste après avoir accueilli la jouissance de mon Jérém… me faire sauter sous ses
    yeux… voilà ce qui a le pouvoir de découpler mon excitation… » 
     Il n’est pas du tout blessé par ce qui s’est passé, au contraire, il a jouit comme jamais.  
    « Au final, je n’ai pas à me plaindre… j’ai imaginé de me faire prendre par deux beaux bruns… et c’est pile ce qui est arrivé
    … j’ai goûté aux assauts de ces deux étalons… ils m’ont offert chacun, à leur façon, une bonne grosse jouissance… »

    je ne suis pas certain qu’il y ait un plan logique dans l’évolution de Nico. En dépit des apparences, Jérémie est plus cohérent, du début à aujourd’hui. Nico était un petit passif qui n’avait pas froid aux yeux, esclave de ses sens, avant de devenir l’esclave de Jérémie.
    Ses sentiments ont grandi peu à peu, jusqu’à prendre le pas sur la sexualité. Il est devenu plus fin, plus humain, plus sensible. 
    Peut être que la Saison 3, va le révéler. Il n’y a qu’en acceptant de perdre Jerem qu’il pourra le gagner. Pour que Jérémie n’ait plus
    peur de Nico, il faut que Nico soit fort. Si il est toujours fébrile et en demande, en train de subir les événements, c’est pas possible.
    Jérém n’a pas besoin que d’un miroir flatteur qui lui dit « tu es le plus beau, le plus fort ». Il faut qu’il sente que le jour ou il s’écroule,
    Nico sera là pour le rattraper. C’est comme ça dans toutes les relations durables. 

    Yann

    20/10/2020 07:48

    Oui la fidélité est un objectif mais il doit être réciproque dans le couple sinon ça ne peut pas marcher.
    De plus pour que cet objectif soit atteignable il faut que l’amour dans le couple soit suffisamment fort pour résister aux tentations.
    Comme le dis Chris, ne pas tomber est-ce réellement possible ? Là je pense que c’est une chose qu’on ne contrôle pas et c’est peut être ce qui en fait toute la magie.
    Enfin oui la fidélité n’est pas plus un truc hétéro ou homo. Je pense qu’être homo ou hétéro c’est quelque chose d’inné. On nait comme cela. Quand aux autres comportements ils sont choisis ou subit pour l’influence de la société, l’environnement dans lequel on a grandi.

    Chris-j

    19/10/2020 22:07

    « Se protéger. Être discret. Ne pas tomber amoureux. Ce sont les trois piliers qui me semblent incontournables »Est ce qu’on peut décider de ne pas tomber amoureux? Le reste, on peut se débrouiller, mais ça … d’ailleurs quand Nico fait cette demande à J, cela ressemble à une prière, ou une supplique.
    C’est la plus grande crainte qu’on puisse connaitre quand on aime quelqu’un. Et si un jour il ne m’aime plus?
    Tout le reste découle de cette incertitude. La fidélité, la jalousie, l’anxiété, etc… Je crois même que c’est ce qui paralyse Jérémie. 
    Si on descend encore d’un cran, les enfants aiment leurs parents, quoi qu’ils fassent. Même les enfants battus, maltraités… Les exceptions sont rarissimes et souvent d’ordre psychiatrique. La vie adulte n’est que le reflet de ce qui s’est passé dans l’enfance. Si ça c’est mal passé, il faut se débrouiller, parfois bien, mais le plus souvent, c’est compliqué. Il faut du recul pour comprendre les mécanismes qu’on répète sans en être conscient. A 19, 20 ans, ça me parait compliqué. 

    fab75du31Auteur

    19/10/2020 21:13

    Pour moi, la fidélité est un objectif.
    Est-il toujours tenable ?
    Je dirais que cela dépend de beaucoup de facteurs. L’occasion, la tentation, la puissance de la tentation, le contexte, l’état d’esprit du moment.
    Bien sûr, espérer, exiger la fidélité est rassurant, et ça fait du bien à l’égo. La fidélité soutient l’édifice de la famille et la paix sociale.
    La fidélité peut exister naturellement, dans une relation fusionnelle, quand « on n’a d’yeux que pour celui qu’on aime ».
    Mais la fidélité peut aussi devenir une contrainte, dans le sens de « quelque chose qui oblige à ». D’un certain point de vue, c’est un « tue l’amour ».
    Quand la fidélité devient un effort elle pose des questions.
    Je pense qu’on peut aimer quelqu’un profondément et être subjugué par les milles nuances du Masculin que nous croisons dans la rue. Désirer un autre que celui qui partage notre vie est de l’infidélité ?
    Je pense aussi qu’on peut profondément aimer quelqu’un et ne pas savoir céder à une tentation.
    La fidélité c’est aussi respecter l’autre en cas de coup de canif dans le contrat.
    Se protéger. Être discret. Ne pas tomber amoureux. Ce sont les trois piliers qui me semblent incontournables.
    Mais dans chacun des trois il peut y avoir des ratés et ces ratés peuvent vite mettre en porte à faux.
    Au final, je pense que chacun vit la fidélité comme il le sent, suivant son ressenti du moment.
    Gay ou hétéro, le rapport à la fidélité ne change pas. Car à mon sens la fidélité est un concept à géométrie variable dans les esprits de chacun.
    La fidélité n’est pas quelque chose de simple à assumer. L’infidélité non plus.
    C’est mon point de vue. Il changera peut être demain.

    Jean

    19/10/2020 15:56

    Ce qui nous distingue des animaux, c’est notre aptitude à sublimer les comportements instinctifs. Quand elle n’est pas due à une contrainte externe, la fidélité répond au besoin de sublimer une relation par un comportement différent de celui qui est commun. Elle témoigne d’une preuve d’amour, ou d’une relation privilégiée. Dans les cas mentionnés, Justin, Benji, et les autres, si l’infidélité de Nico résulte des contraintes que Jérém fait peser sur lui. Cela pose la question de son libre abitre.

    Chris-j

    18/10/2020 21:00

    Et comme je suis un type assez moral, et j’espère pas moralisateur, je pense naturellement que si on aime, on a pas envie de blesser, ou de mettre dans une position difficile. 
    Et puis, la discrétion, ou même la dissimulation, c’est surtout ne faire faire de quelqu’un qui ne demande rien, le voyeur d’une vie sexuelle qui n’est pas la sienne. 
    C’est quelque chose que je ressens assez fortement. J’ai assisté à une scène surréaliste ou l’ex de mon mec, racontait devant son mec à lui, et donc le mien, leurs virées en Espagne et ce qui s’ensuit. Je me souviens que j’essayais de comprendre ce qu’il recherchait. C’était un peu pathétique, mais finalement, sans conséquences. Je ne ferais jamais ça. 

    fab75du31Auteur

    18/10/2020 21:00

    Je ne sais pas s’il fait ça par convention. Il aime Jérém et il a toujours souffert de ses infidelités, et meme de ses plans à 3 avec lui, même s’il n’a jamais refusé d’y prendre part.
    Il a aussi peur que si Jérém apprend qu’il est infidele, qu’il le rejette.
    Mais en amont de tout ça, je pense qu’au fond de lui Nico fantasme beaucoup mais il ne saute pas le pas si facilement.
    Avec Justin, il n’a pas pu
    Avec Benji, il a cedé parce que ce dernier a insisté et parce que Jérém a voulu la pause
    Il a couché avec Martin quand Jérém l’avait quitté brutalement
    Il a couché avec Stéphane et Mourad parce que Jérém l’avait jété mechamment
    Nico n’a jamais vraiment été en couple avec Jérém, même pas depuis Campan
    Nico ne va pas dans les boites gays ou dans les saunas ou lieux de drague

    Chris-j

    18/10/2020 20:46

    Je pense que Nico, qui se contraint à la fidélité, par convention, aurait du se taper Justin et Benjamin, plus tôt, et d’autres. Puisqu’il en a envie. 
    C’est une façon d’apprendre, de se découvrir, et ensuite, on devient plus sélectif et on discerne mieux ce qui compte vraiment. 

    Chris-j

    18/10/2020 18:44

    J’ai le même point de vue que Yann.
    La fidélité est-elle une valeur hétérosexuelle? Est ce qu’il y a une règle, est-ce la fidélité est une norme culturelle, ou une aspiration naturelle. Il me semble que c’est tout à la fois et répond à besoin de sécurité, matériel et affectif. J’ai vu sur des forums que, pour les hétéros, hommes et femmes, être en couple implique fidélité. C’est même une évidence et c’est encore plus exigé par les hommes. Entre ce qu’on dit et ce qu’on fait !!!!
     Chez les gay de ma génération, et encore plus, celle d’avant, l’infidélité était valorisée, revendiquée, comme l’affirmation d’une hauteur de vue. Un contre modèle à la norme hétérosexuel « étriquée, basse de plafond ». 
    C’était du blabla, et dans les faits, j’ai remarqué qu’à une écrasante majorité, gay ou pas, l’infidélité est très mal vécue. Pour résister au sentiment de jalousie, on rentre dans une carapace d’insensibilité et on développe des comportements passif-agressif qui rendent la vie compliquée.
    J’ai beaucoup vu ça chez ceux qui étalent le nombre de leurs conquêtes, devant leur copain et devant témoins. Comme un besoin de démontrer sa supériorité. « moi je plais », sous-entendu, « plus que lui ».J’ai l’impression que depuis que les gay ont obtenu des cadres juridiques, pacs, mariage, la fidélité est devenue une valeur commune entre gay et hetero.L’expérience me fait penser que l’infidélité n’a aucune incidence sur un couple, tant qu’elle reste secrete. Une fois connue, c’est un poison qui ronge comme l’acide. Et c’est peine perdue que d’aller contre ce que l’on ressent et de faire comme si on était immunisé contre la jalousie. On peut apprendre à relativiser. Donc, Nico résume très bien le truc en disant à Jérém. 
    [Aussi, si ça devait arriver, je te demande trois choses. D’abord, protège-toi, protège-nous. Ensuite, je ne veux pas savoir. Ne laisse rien traîner, protège-moi de ce côté-là aussi. Et enfin, Jérém… surtout, surtout, surtout, ne tombe pas amoureux]

    F

    fab75du31Auteur

    17/10/2020 20:03

    0240 Symphonie Toulousaine
    (En plusieurs mouvements et quelques dissonances).
     Publication prévue (sauf imprévus) : samedi 24 octobre 2020.
    Bon week-end à vous tous !

    Celiio

    16/10/2020 10:53

    Fabien tu cois que la fidélité c’est un truc gay? Pour moi ça touche les heteros

    Chris-j

    15/10/2020 19:36

    Impressionable? subjugué par la masculinité. Il se dévalorise surtout pas rapport à ça. Dans ce sens, il n’est pas progressiste et pas copain avec Alice Coffin. 
    Mais il est résistant, et opiniâtre, c’est ce qui a plu à Jérém. Il a évolué et je pense que c’est grace à Jérém qui l’air de rien, après l’avoir soumis en saison 1, s’emploie à le revaloriser et lui faire découvrir ce qu’il a de masculin. Décidément, d’ou qu’on le prenne, il est vachement bien ce Jérém. 
    Mais au final, Nico est surtout résistant, parce qu’il tient le coup. 


    Episode 37
    [A chaque fois que je prends Jérém, c’est toujours la même incrédulité qui envahit mes pensées. Quand je regarde ce corps musclé, ses tatouages, sa chaînette, tous ces signes de virilité, j’ai toujours autant de mal à croire que je suis en train de lui faire l’amour. De lui faire l’amour en tant qu’actif. Et que dans quelques instants, moi qui ai pendant longtemps pensé que je serais toujours son passif, je vais jouir en lui. Oui, j’ai toujours du mal à réaliser qu’il ait envie de ça.]

    Jean

    15/10/2020 13:30

    Je comprends ce que tu veux dire. Nico, le narrateur, nous raconte sa journée instant après instant sans sembler en privilégier un plus particulièrement, Il n’y a pas d’échelle de valeur et on ne sait pas si ce qui compte le plus.Il faudrait qu’il fasse le bilan de chaque journée afin d’y parvenir. Il serait alors plus facile de connaître le fond de sa pensée et la profondeur de ses sentiments, surtout quand le cas est grave. Jeremy est moins exposé à ce risque.Jusque là, j’ai pensé que c’est son caractère et qu’il est impressionable, donc tout lui fait de l’effet. Je ne crois pas à sa fidélité que rien ne démontre. Ce ne serait pas le premier à attendre ce qu’il n’est pas en capacité de donner.

    Chris-j

    14/10/2020 20:13

    Nico se raconte à la première personne et au présent, l’emploi du « je » nous permet d’avoir une proximité intime avec Nico et même de prendre sa place. Nico parle sans filtres, ce qui peut aussi être un handicap car on ne peut pas toujours sonder ce qui compte le plus pour lui. Les pensées fugaces, les excitations momentanées occupent la même place que des événements qui ont une incidence émotionnelle durables. 
    Par exemple, en début de saison, Nico se rend à l’hôpital parce que « l’amour de sa vie » est entre la vie et la mort. Mais, il a la disponibilité d’esprit pour détailler la séduction d’un mec qui prend le même bus que lui. Dans le même genre, alors qu’un Jérém, paniqué va voir son frère, Nico remarque sa « sexitude ». J’ai trouvé ça un peu choquant. Il y a aussi cette dernière scène ou il a failli jouer à Dracula avec l’infirmier venu faire sa prise de sang. Et quelle prise de sang !!!
     J’ai une perception ambiguë de Nico et je ne sais pas si c’est sa psychologie qui est décrite comme elle doit l’être, ou si c’est la façon de décrire les événements qui provoque cette ambivalence. Quand je lis, j’ai l’impression que, dès qu’il voit un type de moins de 20 ans, musclé, Nico oublie que la terre est ronde. Donc je me dis, à chaque fois, que la fidélité à laquelle il aspire, n’est liée qu’aux circonstances ET DONC, qu’il n’est pas fiable.
    Ou alors, que ses fantasmes occupent autant de place que le réel, ce qui avec un mec comme Jérém, pose un problème, parce qu’il est très concret. 

    J’adore le ton très particulier qu’emploie Nico pour raconter son histoire, mais j’aime aussi être « dans la tête de » , Thibault et Jérém. En saison 1, il y a eu des épisodes entiers pour connaître leurs pensées intimes, avec le même emploi du « je » que Nico. En saison 2, sont apparues des apartés pour faire connaître deux points de vue, sur un même événement. Celui de Nico, et celui de Jérém. Mais cette fois, c’est un témoin invisible, qui fait entendre les pensées de J. 
    [Il est 2h45 du matin lorsque Jérémie se réveille en sursaut. Il réalise que Nico est dans son lit, et ça lui fait plaisir. Le voir arriver à l’improviste l’a contrarié, mais la présence de Nico lui fait du bien.]
    J’aime assez cette technique, qui est précieuse pour montrer deux réalités qui coexistent en même temps que nous en sommes témoin. Mais je dois dire que un épisode entier « dans la tête de Jérém » m’aurait beaucoup intéressé. J’adorerais savoir comment il a traversé la saison 2. Sur la totalité de ce que sera sa vie, 2001 aura autant d’importante que l’année de ses 9 ans, quand sa mère est partie. Pour Nico évidemment, c’est l’année de la découverte de l’amour physique et de l’amour fou. L’amour permet de se découvrir sans masque, tel qu’on est. L’amour est là pour nous signaler, ce qui va ou ce qui ne va pas en nous. L’amour peut faire grandir et ça peut faire mal, et même très mal. Ca peut même tuer, ou l’oublie un peu trop souvent. 

    Pour Nico, 2001 se termine dans le stress. On peut se dire qu’il n’y a pas pris tant de risques que ça, puisque Benjamin, utilise des préservatifs sans se faire prier. Le vrai risque pour lui, c’est de continuer sur la même pente, et de repartir pour une année, ou chaque semaine et presque chaque jour est un défi qui ne prépare pas celui qui va suivre. Même si rien ne dure vraiment, quand on est avec un mec, on a besoin d’un minimum de sécurité affective et de savoir que tout n’est pas remis en question après chaque rencontre. 

    Yann

    14/10/2020 12:03

    On peut ajouter qu’une histoire naît de l’imaginaire de son auteur et que c’est le processus de lecture qui lui donne vie dans la conscience de chacun. La signification se construit au cours de la lecture. Une même histoire peut avoir selon son lecteur une vie différente même si on lit les mêmes lignes avec les mêmes mots car chacun projette dans sa lecture une part de lui-même. C’est aussi la transformation de ce qui est écrit et figé sur le papier par l’auteur en une représentation dans l’imaginaire du lecteur ; la question du texte au sens matériel disparaît au profit de l’effet qu’il provoque. L’écrit est un lieu de rencontre et d’interaction entre l’auteur et ses lecteurs, surtout comme ici quand on peut commenter.

    Chris-j

    12/10/2020 20:25

    Il y a plusieurs façons d’aborder un épisode. 

    – D’une façon émotive, en suivant Nico, pas à pas. Quelqu’un qui souffre et qui est aussi transparent que lui est forcément touchant.
    – On peut lire le texte comme un objet littéraire, pour comprendre le point de vu de l’auteur, sa pertinence, les choix, le style. Je suppose que l’on confronte ce qui est proposé à sa propre expérience. On peut être raccord, étonné, choqué. 
    – On peut lire aussi comme si on était un coach ou un copain de Nico et l’interpeller par nos commentaires. 
    – Les trois à la fois, ou de l’un a l’autre selon l’avancée de la semaine. 

    Donc, le pauvre Nico, se retrouve juger trois fois au moins. Qui résisterait à un tel examen? 

    Celio

    11/10/2020 13:30

    Vu le peu de temps qu’ils passent à deux, c’est zarbi de voir J demander une pause vu qu’ils sont jamais passés en mode lecture.Et le Nico qui pense qu’à l’appeler. Il ne comprend pas tout du premier coupAvec le sale plan que B lui a fait, une pause c’est mieux

    Etienne

    09/10/2020 20:48

    Fabien, bel art du contrepied… et toujours aussi bien écrit. Tu nous fais mal, mais bon, rien ne dit que ça va mal finir.
    Benjamin: « beau et con à la fois » comme chantait je grand Jacques B. Hélas, il est classique de trouver rapidement quelqu’un « beau », et un peu plus long de se rendre de sa c… (et ce n’est pas uniquement parce que la lumière va plus vite que le son !)
    Et quand on est perdu, ou impatient, ou en manque et en plus jeune comme l’est Nico, ce n’est pas toujours facile de se retenir…
    J’espère que ça se limitera à une expérience formatrice, et que Nico passera à travers les gouttes.
    Quant à Jerem, je crains que les problèmes dans lesquels il se débat ne continuent à limiter sa capacité d’empathie et ill est par effet rebond trop impliqué dans la situation… J’espère me tromper…

    Chris-j

    09/10/2020 19:49

    Il suffit de demander 

    La première date connue est le 28 mai. Il y a un chevauchement incohérent au début, ils ont révisé pour la première fois ensemble un 30 avril ou un 14 mai (voir même un 16 mai) 
    Donc en date du 17 décembre, si on considère que les révisions sont le début de quelque chose, ils sont ensemble depuis 222 ou 239 jours. 
    Ils ont passé ensemble, réellement, 9 jours et 13 ou 14 nuits.

    Si on part sur 222 j depuis les révisions, ça lui fait pratiquement 210 jours et nuits tourmentés, à divers degrés. Je te laisse faire le ratio 
    Quand tout va bien, il prétend ne rien regretter, mais sur le moment, ça ne se passe pas si bien que ça. 
    Si on porte un regard de clinicien, on doit se dire qu’il est nerveusement épuisé et plus très loin d’une bonne dépression, avec ce qui vient de lui tomber dessus, plus la peur de ne plus voir Jérém, la peur de lui dire, avec ce que cela implique, la peur de sa réaction.
    Si on est un bon copain, on doit se demander comment le sortir de cette galère. 

    Jean

    09/10/2020 14:05

    Christophe, J’aimerais connaître tes statistiques. Je croyais que ça se déroulait sur un temps plus long que ça ne l’est.

    Chris-j

    09/10/2020 08:54

    La comparaison de Nico à une petite souris est audacieuse J’ai relu, le texte et je trouve la deuxième partie différente de tout ce qui a été fait jusque là. Il y a un détachement qui colle bien au malaise qui s’instaure dans la relation avec Benjamin  dès le départ. Nico n’en avait pas envie, il l’a fait par dépit. D’une certaine façon, je suis d’accord avec Jeanpour dire que c’est Jérém qui l’y a poussé. Dans le climat de solitude affective ou il se trouve, la seule issue est de se trouver un mec. Pourquoi n’a t-il pas été voir Justin? Parce qu’il est bien élevé et qu’il ne traite pas les autres comme des chaises. Quand il estnombrilisme, il ne s’en rend jamais compte. En général, je pense qu’il ne faut pas aller contre sa propre nature, mais quand on est trop déçu, quand on pense qu’on arrive à rien, on ne peut que vouloir changer de comportement.  On dit toujours, que les expériences renforcent, mais elles peuvent aussiabimer. J’ai fait le compte des journées, et des nuits que Nico à passé avec Jérém, j’en aidéduit le nombre de journées d’inquiétude qu’il a du vivre depuis plus de 6 mois. Le résultat n’est pas brillant. 

    Jean

    07/10/2020 17:37

    Dans un contexte particulièrement difficile et que tout s’éffondre, je trouve que Nico a muri et qu’il gagne en épaisseur. On le constate jusque dans les flashs qui le surprennent au réveil. Le spectre des souvenirs s’élargit et dépasse le cadre des exploits sexuels. Il trouve désormais de l’intérêt à tous les moments passés à Campan, en incluant l’entourage de Jeremy, ses passions et ses amis. Auparavant il se serait contenté de comparer les physiques de Jérém et de Benjamin.Malgré tout, il reste l’hyper sensible sexuel. Sa sensualité est quasiment animale. Telle une souris dont les moustaches vibrent en présence de gruyère, la proximité d’un beau mâle le met en transe. Même à l’agonie, un jeunot musclé le ferait bander! Heureusement qu’il n’est pas médecin urgentiste, ou chauffeur de bus, cela pourrait être dangereux. Les conseils des voisins, Albert et Denis, étaient plutôt pertinents, même si leur mise en pratique se révèle catastrophique. Avec le masque du charmeur, Benjamin semblait prometteur mais dès l’envie passée, il se révèle tout autre :  l’intérêt déployé et ses attentions envers Nico s’estompent vite . Une devise « Just for fun » s’applique alors.Par simple respect, il aurait dû libérer Nico du poids d’un traitement lourd de plusieurs mois. C’est un sale type, doté d’un égoïsme assez commun mais au delà de ça, d’un cynisme assumé. Expérience douloureuse mais utile pour Nico, qui n’est pas adapté à ce mode relationnel. Il ne suffit pas de trouver un remplaçant pour oublier celui qu’on à dans la tête.La fin d’année est gravement perturbée. Jeremy, en raison de la « pause » qu’il a imposée, devrait assumer une part de responsabilité dans ce fiasco, mais le fera-t-il ?  J’ai un peu de mal à trouver de la cohérence dans son attitude, mais lui non plus, ne tourne pas rond.  

    Yann

    06/10/2020 18:45

    Cet épisode est particulièrement émouvant. Dans sa première partie on perçoit tout le désarroi de Nico et là, je retrouve tout l’attachement que j’avais pour lui. On aimerait le prendre pour le consoler hélas il est allé se consoler avec Benj. Mauvaise pioche ! Il paraissait sympa et il se révèle être un connard.
    La seconde partie de cet épisode, où Nico angoisse d’avoir le HIV, m’a particulièrement touché. Cette angoisse je sais ce que c’est, je l’ai connue il y a longtemps quand on m’a annoncé sans précaution après un test que j’étais positif. A cette époque on avait très peu de chance de survivre très longtemps. C’était comme un coup de massue, sonné on entend plus ce qu’on nous explique on est hébété. Et puis faire le test de vérification, pas le même un autre, qui demandait plus d’un mois pour avoir le résultat et dont on m’avait dit qu’il confirmait toujours le premier. L’angoisse de se réveiller en sueur sans savoir si c’est l’anxiété où les premiers signes de la maladie. L’angoisse de scruter chaque jour son corps à la recherche d’une tache ne sachant pas si on l’avait déjà ou pas. L’angoisse pour la famille. Pas la peur de mourir mais celle de souffrir et faire souffrir ceux que l’on aime.  L’isolement sans personne à qui parler si ce n’est l’écoute d’un bénévole d’Act Up que je ne remercierais jamais assez. Et puis enfin, de longues semaines après, le résultat : négatif. On ne peut et on ne veut pas y croire. Le médecin lui-même n’en revient pas. Les tests qu’on fait et refait plusieurs fois jusqu’à se dire oui c’est bien vrai et enfin regarder la vie comme jamais on ne l’avait regardée avant. Même si Nico n’a encore aucune certitude d’avoir été contaminé cet épisode ne pouvait pas ne pas réveiller en moi tous ces souvenirs. Je veux juste dire à tous ceux qui suivent cette histoire même si aujourd’hui on meurt moins du HIV on n’en guéri pas pour autant protéger vous !
    Pour revenir à l’histoire oui Chris si Jerem avait peur pour Nico ce serait une bonne surprise et une belle preuve d’amour.

    Chris-j

    06/10/2020 17:59

    Et si, en l’apprenant, Jérémie avait peur pour Nico?

    Alex

    06/10/2020 16:31

    Je comprend mieux maintenant l’emploi du pluriel « lendemains de cuites » …. sale fin d’année pour Nico.

    Celïo

    06/10/2020 15:39

    Putain de sale Karma 
    joyeux noel Nico

    Chris-j

    06/10/2020 07:29

    Fantasmer, rêver, c’est bien mais les seules expériences qui font évoluer, sont celles vécues, et pires elles sont, plus elles sont formatrices. Il est dommage que Jérém, n’ait pas pu, jusqu’à présent, profiter de la sensibilité adulte de Nico. Je pense, entre autre, à sa capacité à observer les attitudes et les gens. C’est dommage pour Nico de ne pas avoir pris le temps de lui montrer cette facette de sa personnalité. Après son coming out désastreux, Jérém n’avait pas été très à l’écoute de Nico,le laissant plus ou moins seul avec son problème. Si il apprend ce qui lui arrive, va t-il le soutenir ou le rejeter? Tout ça a une semaine de Noël, son angoisse déteint sur moi et me donne presque envie de pleurer.

    Chris-j

    05/10/2020 23:23

    Qu’est ce que c’est bien écrit!!!! C’est la première fois, depuis longtemps que je me sens proche de Nico. 
    Je retrouve tout ton talent pour décrire les rencontres et les personnes.
    En regard de Benjamin, que je n’ai pas envie de juger, je me dis que Stéphane était un mec génial. Un parfait dosage entre bienveillance et distance, surtout face à quelqu’un d’aussi jeune et perdu que Nico

  • JN0238 Un train qui file vers l’inconnu.

    JN0238 Un train qui file vers l’inconnu.

    Dans le métro, Jérém essaie de me faire la conversation, certainement pour tenter de faire taire son sentiment de culpabilité et son malaise. Il me questionne sur mon emploi du temps dans la semaine à venir, sur mes cours, il me demande des nouvelles de mes propriétaires. Il essaie de se montrer aimable. Mais toute l’amabilité du monde ne pourra remplacer notre complicité, ce bonheur que la découverte de ses coucheries vient de me retirer.

    « Je voudrais être le mec qu’il te faut » il me lance sur le quai de la gare, devant la porte du train, l’air vraiment désolé.

    « Mais tu l’es. Enfin, tu pourrais l’être… » je lui lance, triste comme les pierres, en montant dans le wagon.

    « Tu es quelqu’un de spécial pour moi, Nico, ne l’oublie jamais ».

    Je voudrais trouver des mots pour lui dire aurevoir. Mais déjà les coups de sifflet des agents SNCF annoncent le départ prochain du train.

    « On s’appelle » je l’entends me lancer, alors que les portes sont déjà en train de coulisser.

    Là non plus, je n’ai pas le courage de lui répondre. Je suis sonné, comme dans un état second, je ne sais même plus où j’habite.

    Le train démarre et la dernière image que j’ai de Paris est un gars beau comme un Dieu, mais avec un air triste à mourir, une image qui me donne envie de pleurer. Le train m’arrache très vite à cette image. Mais je pourrais jurer que ce gars était lui aussi en train de pleurer.

    Pendant que le train quitte Paris je repasse le film des deux dernières heures. Jérém qui me fait l’amour. Jérém qui me demande de lui faire l’amour. Jérém qui a encore envie. Jérém qui vient en moi à nouveau. Le plaisir, beau, intense. L’esprit qui s’apaise enfin, après un début de week-end plein de doutes. Notre complicité retrouvée. Notre tendresse retrouvée. Notre bonheur enfin retrouvé.

    Et puis cette sonnette, stridente, désagréable comme un clou sur lequel on vient de marcher. L’arrivée de cette nana. La découverte que c’était elle l’auteur des mystérieux coups de fil auxquels Jérém n’avait pas voulu répondre et qui m’avaient tant questionné. La découverte que Jérém a couché avec elle. La mise au point avec Jérém. Ses explications, comme quoi il couche avec des nanas pour que ses coéquipiers ne se posent pas de questions au sujet de sa sexualité. Sa déclaration comme quoi je suis quelqu’un de spécial à ses yeux. Et à côté de ça, sa vision de notre relation à venir, un couple libre où entre deux retrouvailles plutôt espacées, nous aurions des aventures protégées et sans implications sentimentales.

    Pendant que le train m’éloigne de Paris, j’essaie de comprendre le point de vue de Jérém. J’ai l’impression qu’en essayant de m’expliquer à quel point il était désolé de me faire vivre ça et de ne pas avoir mieux à me proposer, il semblait vraiment sincère. Ses mots paraissaient sincères, sa tristesse aussi, tout comme son malaise. Un malaise qui n’était pas le pendant du fait d’avoir été « découvert » mais plutôt du fait de me faire souffrir.

    J’essaie de prendre sur moi, de me faire à l’idée d’un couple libre qui se retrouverait de temps à autre sans que cette liberté n’entache ce « truc » très spécial qu’il y a entre nous, et dont Jérém a enfin verbalisé l’existence.

    J’essaie, encore et encore, j’essaie jusqu’à m’en donner le tournis. Mais ça finit toujours par bugger quelque part. Sur le fait d’imaginer mon Jérém au lit avec une nana. Ou bien sur le fait que cet « arrangement » espacera encore nos rencontres. Je ne peux supporter l’idée de ne voir Jérém que deux ou trois fois par an. Mais aussi, je bugge sur la peur qu’en acceptant le principe du couple libre, ceci ouvre la porte à tous les dangers. Si notre couple est libre, qu’est-ce qui l’empêcherait un jour de passer des nanas aux mecs ? S’il n’est jamais tombé amoureux d’une nana, peut-être qu’il tombera amoureux d’un mec. C’est bien connu, loin des yeux, loin du cœur. A force de ne pas se voir, des choses vont forcément changer entre nous. Et un jour il va finir par m’oublier. Et peut-être que moi aussi je vais l’oublier. Ça aussi ça me fait peur. Je ne veux pas l’oublier.

    En fait, je bugge avant tout sur ma peur de perdre Jérém.

    Ma raison, seule, serait peut-être à mesure de comprendre sa vision des choses et de la saluer en tant que solution « la moins pire » à court terme. Mais à 19 ans, le cœur l’emporte sur la raison. C’est toute la beauté de cet âge. Mais aussi son défaut.

    Soudain, une phrase me revient. Quelques mots de Jérém qui, dans le feu de la mise au point, je n’ai pas su relever, mais qui m’ont quand même blessé : « Le rugby c’est ma vie ». La tentation est forte d’y voir un sous-entendu : « Le rugby c’est ma vie, et pas toi, Nico ». Ou, à la rigueur « toi aussi, mais pas autant que le rugby ».

    J’essaie de me dire que Jérém n’a jamais prononcé les mots « et pas toi, Nico », que je me prends la tête pour rien, que je fais fausse route. J’essaie de me focaliser sur le fait qu’il m’a dit et répété que je suis quelqu’un de spécial à ses yeux. J’ai vu Jérém pleureur sur le quai de la gare. Ce n’est pas vraiment l’attitude d’un garçon qui n’en a rien à faire de moi.

    Et pourtant, je n’arrive pas à chasser de ma tête le doute que, même si cela lui pèse, le rugby puisse peser plus lourd que notre relation dans ses choix personnels.

    Je rentre à Bordeaux, la mort dans le cœur et l’âme, en ignorant quand je vais revoir Jérém, si tant est que je vais le revoir un jour.

    Ce qui est très dur aussi, c’est de penser que je n’ai aucun recours sur les règles établies par Jérém. J’ai beau me dire que ces règles lui sont à son tour imposées par son entourage, par la bêtise d’une société qui se sent légitime à autoriser ou pas l’amour suivant le sexe des acteurs de cet amour, je n’arrive pas à accepter que je n’ai aucune prise là-dessus. C’est à prendre ou à laisser. Si je laisse, je vais perdre Jérém. Si je prends, j’ignore où cela peut nous conduire.

    Je suis tellement accaparé par ma souffrance que je finis par perdre la notion du temps et de la distance. Ainsi, lorsque le train ralentit à l’approche d’une nouvelle gare, je suis étonné de lire « déjà » le panneau « Poitiers ». Etonné et un brin remué. Soudain, je repense à Benjamin, le gars avec le chiot labrador. Si j’avais su ce que Jérém préparait, je n’aurais peut-être pas jeté son papier.

    Je jette un regard mécanique par la vitre, tout en me disant que c’est inutile de regretter, que la chance ne passe jamais deux fois, et que de toute façon, après le vent que je lui ai mis, le gars ne voudrait plus jamais de moi. Et là, je n’en crois pas à mes yeux. Je vois Benjamin avancer sur le quai.

    Je le fixe assez longtemps pour arriver à croiser son regard. Et son beau sourire. Ah, apparemment il n’est pas vexé. La place à côté de la mienne est libre. Le train est assez bondé, mais je refuse plusieurs personnes en prétextant que j’attends quelqu’un.

    J’attends pendant de longues secondes. Et voilà Benjamin, il vient de rentrer dans ma rame, à la suite d’une colonne de personnes qui cherchent toutes à s’installer. Avec ses yeux clairs entourés par des lunettes fines qui lui donnent un regard un peu intello, il est toujours aussi furieusement sexy. Et le nouveau sourire qu’il me lance d’un bout à l’autre de la rame est beau à en pleurer.

    « Cette place est libre ? » me demande le monsieur qui précède Benjamin.

    « J’attends quelqu’un, désolé ».

    Le monsieur avance et Benjamin arrive à ma hauteur.

    « Salut ».

    « Salut ».

    « Alors, il paraît que tu attends quelqu’un ? » il me taquine.

    « Assieds-toi, tu gênes les autres passagers » je le cherche à mon tour.

    « C’est drôle de se retrouver dans le train » il me lance, tout en s’asseyant à côté de moi.

    « C’est vrai ».

    C’est la première fois que je le vois de si près et je le trouve vraiment craquant. Sa peau un peu mate a l’air terriblement douce. Ses petites oreilles sont des aimants à bisous. Une légère fragrance de parfum masculin contribue à vriller mes neurones.

    « Et si tu commençais par me dire ton prénom ? » il me lance.

    « Ah oui, je m’appelle Nico ».

    « Joli prénom, Nico. Comment tu vas, Nico ? ».

    « Ça va et toi ? ».

    « Ne dis pas que ça va, je vois bien que ça ne va pas ».

    « Non, ça ne va pas très fort ».

    « Tu viens d’où ? ».

    « De Paris ».

    « T’y étais pour le week-end ? ».

    « Oui ».

    « Mais tu n’as pas passé un très bon week-end… ».

    « Non, pas vraiment ».

    « Je parie que c’est à cause d’un mec… ».

    « Oui… ».

    « Ton mec ? ».

    « Oui… enfin… je ne sais plus si c’est toujours mon mec. Je n’ai pas vraiment envie d’en parler, là ».

    « Ok, ok, je ne te saoule pas avec ça ».

    « Et toi tu viens d’où ? » je le questionne.

    « Mes parents sont à Montmorillon, à côté de Poitiers. Je monte les voir toutes les deux ou trois semaines ».

    « Mais tu habites Bordeaux… ».

    « Oui ».

    « Et tu y fais quoi ? ».

    « Je suis aide-soignant. Et toi ? ».

    « Je suis étudiant à la fac de sciences naturelles, je suis en première année ».

    « Alors tu as… genre… 19-20 ans » il me lance.

    « Dix-neuf. Et toi ? ».

    « Moi je suis un vieux, j’ai 26 ans ! ».

    « T’es pas mal pour un vieux ! » je le cherche.

    « Ah bon ?! » il feint de s’étonner « je croyais que je ne te plaisais pas ».

    « Pourquoi tu dis ça ? ».

    « Je te rappelle que tu ne m’as pas rappelé l’autre fois ».

    « J’ai perdu ton papier » je mens.

    « Alors c’est une chance qu’on se recroise à nouveau ».

    « Oui. Il est où le chiot ? » je change de sujet.

    « Chez une copine. C’était le cadeau d’anniversaire de mon mec ».

    « Tu as un copain ? ».

    « J’avais. Il est parti il y a trois semaines, et pour de bon ce coup-ci. Depuis, je me retrouve avec la garde exclusive du bébé ».

    « Vous vous êtes séparés ? ».

    « Oui, mais c’était dans l’air depuis un moment, alors pas de larmes, pas de drames, c’est la vie, c’est mieux comme ça ».

    Nous passons le reste du voyage à discuter. Le gars a l’air vraiment sympa, il est drôle, intelligent, cultivé. Depuis que Benjamin s’est assis à côté de moi, le temps semble passer plus vite. Et j’ai cessé de ressasser ma souffrance et mes peurs. Bien sûr, elles n’ont pas disparu. Mais elles sont comme anesthésiées, confinées dans un coin de ma conscience.

    Je redoute désormais l’arrivée à Bordeaux et le moment où nous allons certainement nous séparer. Je redoute la solitude de mon petit appartement, son silence, la présence encombrante de celui qui est tellement absent. J’ai peur de ne pas arriver à fermer l’œil de la nuit.

    Et si nous passions la soirée ensemble ? Est-ce qu’il en a toujours envie ? Est-ce qu’il se contenterait de passer la soirée avec moi sans qu’il ne se passe rien de sexuel ? Car, même si Benjamin me fait bien envie, je ne me sens pas le courage de coucher avec lui ce soir, alors que quelques heures plus tôt je faisais l’amour avec Jérém. Non, ça ne peut pas arriver si vite.

    Le train finit par arriver en gare de Bordeaux. Nous attendons tous les deux que le couloir soit un peu plus dégagé avant de bouger. Benjamin se lève en premier, je le suis dans le couloir du train. Il est vraiment beau. Et sympa. Et sa présence dégage un curieux mélange d’élégance naturelle, de sensualité et d’insolence qui le rend vraiment craquant. Non, je ne veux pas qu’il disparaisse à nouveau de ma vie.

    « Ca a été très sympa de discuter avec toi, Nico » il me lance lorsque nous sommes sur le quai.

    « Moi aussi j’ai bien aimé ».

    Nos regards se plongent l’un dans l’autre, un silence s’installe, chargé d’attentes.

    « Tu es tellement touchant, Nico. Si je pouvais, je te prendrais dans mes bras ».

    « C’est gentil » je ne trouve pas mieux à répondre.

    « Je t’inviterais bien à la maison, mais j’ai promis à un pote de passer le voir ».

    « Je comprends. De toute façon, je suis crevé, j’ai besoin de dormir, sinon ça va être la cata demain à la fac ».

    « Mais on peut rester en contact si tu veux » il me propose.

    « Avec plaisir ».

    Avant de nous quitter, nous nous échangeons nos numéros de portable. Et son clin d’œil charmeur en me quittant me met du baume au cœur.

    Comme prévu, de retour à mon appart je retrouve illico ma tristesse. Le petit espace est un paysage désolant dont la solitude me paraît le seul horizon. Je n’ai pas envie de lire, ni de regarder la télé. Ni même d’écouter de la musique. Le boîtier jaune du best of de Madonna sorti il y a quelques jours, et posé sur la petite chaîne hi-fi, me fait pourtant de l’œil. Mais pas tant que ça.

    Bien que ce cd aligne un sacré nombre des tubes, l’absence du moindre morceau inédit en fait une compil décevante pour le fan que je suis. Heureusement je vais bientôt pouvoir visionner le dvd du Drowned World tour, le concert que j’étais allé voir à Londres avec ma cousine Elodie pendant l’été. Il faut que j’arrive à économiser assez pour acheter un lecteur. Revoir ce concert me rappellera des souvenirs. L’été, mon état d’esprit et mes attentes du moment. Ma relation avec Jérém à ce moment-là. Mes espoirs, mes illusions. Un âge d’innocence, un Paradis perdu.

    Mais ce soir, je n’ai envie de rien. Même pas d’écouter « Like a prayer », mon album préféré. Ce soir, rien ne semble pouvoir apaiser mon esprit meurtri. Même pas l’écho de la nouvelle et inattendue rencontre avec Benjamin, et les promesses qu’elle semble contenir. L’idée d’être en train de perdre mon Jérém m’obsède, me démolit de l’intérieur. Finalement, je me sens tellement dégoûté que je finis par me dire que je n’ai même pas envie de revoir Benjamin. Je n’ai envie de rien. Même pas de dormir, alors que je tombe de fatigue.

    Le lendemain, en cours, Monica, Raphaël, Cécile et Fabien m’interrogent chacun à tour de rôle pour savoir si je vais bien. Je dois avoir une tête de déterré. Je prétexte une nuit blanche, ce qui a été précisément le cas, mais sans donner plus de détails. Les cours défilent sans que j’arrive à me concentrer, à prendre des notes, à prendre le moindre plaisir à apprendre. Je somnole. Monica me secoue plusieurs fois pour m’empêcher de m’assoupir.

    Epuisé, je finis par rentrer en début d’après-midi, avant le dernier cours.

    A mon arrivée dans la petite cour au sol rouge, Albert et Denis m’attendent de pied ferme pour me demander des nouvelles.

    « Oh là là, tu as une sale tête » me lance ce dernier.

    « J’ai pas beaucoup dormi la nuit dernière ».

    « Le petit jeune de l’appart d’à côté a encore mis la musique à fond ? ».

    « Non, pas vraiment ».

    C’est autour d’un verre que les deux vieux hommes m’invitent à boire chez eux, que je finis par déballer ce que je n’ai pas voulu partager avec mes potes de fac. Parfois la différence d’âge est un atout pour se sentir à l’aise.

    « Moi ce que je vois, d’après ce que tu me racontes » considère Albert « c’est que Jérémie a été honnête avec toi. Il n’a pas essayé de te mentir, il ne t’a pas envoyé sur les roses. Il t’a bien expliqué pourquoi il a fait ça. Et, point important, il t’a appris qu’il se protège. Ces coucheries, ce n’est rien. Tous les sportifs gays font ça. Ils couchent avec des nanas pour donner le change. S’ils ne le font pas, ils attirent les ragots et les soupçons. Parce que si ça se sait, où même si la rumeur devient persistante, leur vie va devenir impossible et ils peuvent dire adieu à leur carrière sportive. T’imagine ton Jérémie se faire traiter de pd dans un vestiaire ou, pire, par un adversaire, pendant un match ? Ça le foutrait en l’air. Le monde est injuste, le monde est con, mais c’est comme ça.

    Ce mec t’a aussi dit qu’il t’a dans la peau, et c’est surtout ça qu’il faut retenir. Et c’est ça qui compte, c’est le seul truc qui compte vraiment. Parce qu’à mon avis, cette situation lui pèse, et pas qu’un peu, et ça lui coûte de te l’imposer. Car il doit avoir tout autant peur de te perdre que toi de le perdre ».

    « Je ne veux pas coucher avec d’autres mecs » je réfléchis tristement et à haute voix.

    « Et tu ne dois pas te forcer. Il faut du temps pour digérer tout ça. Je sais que c’est dur à accepter, mais je pense que ce qu’il te propose est la seule solution viable à court et moyen terme. Je pense que tu le comprends, même si tu es trop amoureux pour l’admettre. Mais je pense que tu es aussi assez amoureux pour comprendre et pour accepter ça. L’enjeu, c’est garder ce garçon. Quant aux aventures, les « extras » comme on les appelait avec Denis, le jour où ça t’arrivera, il ne faudra pas leur accorder plus d’importance que ça. Tant que ça reste une coucherie et que tu te protèges, tant que Jérémie reste le seul garçon dans ton cœur, tant que ça ne le fait pas souffrir, ça n’a pas d’importance. Prendre du bon temps t’aidera à relativiser ».

    Albert a raison, je peux faire l’effort de comprendre le point de vue de Jérém. Mais je n’arrive pas l’admettre. Et franchement, je ne vois pas quand et comment je pourrais y parvenir.

    Je passe une semaine horrible. Cent fois par jour et cent fois par nuit je repense aux mots de Jérém, j’essaie d’en voir les aspects positifs, de relativiser, de prendre sur moi. Mais avec toute la bonne volonté, je n’y arrive pas, c’est trop dur.

    Ma nature juvénile, impatiente, amoureuse, passionnée, jalouse ne l’accepte pas. J’ai beau retourner la chose dans tous les sens, les pièces ne s’emboîtent pas, les couleurs ne s’alignent pas. J’ai l’impression que l’effort demandé à mon cerveau est trop important, que l’intérieur de mon crâne est en surchauffe et qu’il est sur le point de cramer.

    Je dors peu, je fais beaucoup de cauchemars. Au fond de moi, j’attends un coup de fil de Jérém. J’attends un geste de sa part. J’attends qu’il me dise qu’il a compris à quel point ce qu’il m’impose me fait souffrir, qu’il fasse un pas vers moi. J’attends qu’il me dise que j’ai mal compris, qu’il va arrêter de coucher avec des nanas, que désormais tout sera plus simple entre nous, que nous allons pouvoir nous voir plus régulièrement. J’attends des mots capables de me rassurer, et de me tirer de la profonde tristesse qui me ravage depuis dimanche après-midi.

    Mais encore plus au fond de moi, j’ai peur que ce coup de fin ne vienne pas. Ce qui ne m’empêche pas de continuer à l’attendre, vraiment au fond de moi.

    Il m’arrive parfois de me dire que je pourrais aussi l’appeler. Mais pour lui dire quoi ? Que j’accepte son mode de fonctionnement parce que je n’ai pas le choix ? Je n’en ai pas le courage.

    Si personne n’appelle l’autre, c’est que tout est fini entre nous. Peut-être que Jérém a pris sa décision. Prendre ses distances, se faire oublier, arrêter cette histoire impossible qui fait du mal à tous les deux. L’idée de ne plus jamais le revoir m’est insupportable.

    Les jours se suivent dans une morosité et une tristesse sans fin. La fatigue s’accumule, il m’arrive de m’endormir en cours. Je n’ai même pas l’énergie de répondre aux messages de Benjamin.

    Je sais que lui répondre m’amènera inévitablement à coucher avec lui. Je ne veux pas coucher avec lui. Dans ma tête, le fait de coucher avec un autre gars, ce serait un peu comme fermer la porte sur ma relation avec Jérém. J’ai l’impression que dès que j’aurai franchi ce pas, j’aurai atteint une sorte de point de non-retour et que rien ne sera plus comme avant.

    Plus la semaine avance, plus mes potes s’inquiètent pour moi. Ils me demandent ce qui se passe, si j’ai des problèmes. Mais je n’ai pas envie de leur parler de ce qui se passe dans ma vie. En parler, c’est le rendre plus réel.

    Il m’arrive de sécher les cours et de passer de longues et tristes heures à me balader seul le long de la Garonne et à m’obstiner à essayer de trouver un moyen de résoudre ce casse-tête sentimental.

    J’essaie de m’accrocher à l’idée que je suis le seul mec avec qui il couche, le seul avec qui il prend vraiment du plaisir, j’essaie de toujours garder ses mots à l’esprit « tu es quelqu’un de spécial pour moi », l’idée qu’il ne veut pas me perdre parce qu’il est bien avec moi.

    J’essaie de me dire qu’il se protège pour ne pas me ramener de MST, et que de ce fait aucune pouffe ne connaîtra le bonheur d’avoir le jus de mon mec dans sa chatte ou son cul. Même si, peut-être, dans la bouche, quand même…

    J’ai beau me dire que le fait qu’il refuse que j’aille le voir plus souvent fait partie d’une stratégie de la prudence à laquelle il ne peut pas déroger, parce qu’il a peur.

    Mais j’ai beau chercher toutes les raisons du monde de comprendre ses besoins, ses soucis, ses contraintes, ses peurs, je n’arrive pas à m’y faire. J’ai l’impression d’avoir à faire à un Rubik’s Cube non pas à 6 faces et 9 carrés par face, mais en beaucoup plus compliqué. J’essaie, je ressaie, j’essaie encore et encore. Et j’échoue à chaque fois.

    Parfois, épuisé par tant de déchirement, une question terrible se présente à mon esprit : à quoi ressemblerait ma vie sans Jérém ?

    Mais à cette question, je n’ai pas de réponse. Elle me paraît tellement inenvisageable que je finis par la balayer par un revers de main. Une vie sans Jérém m’est tout bonnement inconcevable. Alors, je dois tout faire pour sauver notre relation. Je ne sais pas encore comment, mais je dois trouver, et vite.

    Jour après jour, la ville se grime en Noël. Les travailleurs de la ville s’affairent à enguirlander les rues et les places. La fête se prépare et ce stupide compte à rebours ne fait qu’ajouter à ma morosité. Je ne sais pas ce que je vais faire à Noël. Ce que je sais, c’est qu’à tous les coups je ne le passerai pas avec Jérém.

    Jeudi arrive, avec l’annonce implicite d’un nouveau week-end. Un week-end sans Jérém. Un week-end seul à ressasser ma souffrance. Belle perspective.

    Ou alors, je vais bouger. Ça fait un moment que je ne suis pas rentré à Toulouse. A chacun de mes coups de fil, maman me tanne pour que j’aille faire un petit coucou. Elle m’appelle jeudi vers 18 heures et ne manque pas de relancer le sujet. Certes, l’idée de retrouver le regard désapprobateur de papa ne m’enchante pas vraiment. Et ce qui ne m’enchante pas non plus, c’est de retrouver ma ville toujours meurtrie après l’explosion d’AZF.

    Mais je finis par me laisser convaincre, pour lui faire plaisir, mais aussi pour ne pas passer mon week-end tout seul.

    Je suis resté une bonne demi-heure au téléphone avec maman. Je viens de raccrocher, de poser mon téléphone, d’ouvrir le frigo pour me préparer quelque chose pour le dîner, lorsque la sonnerie retentit à nouveau dans le petit espace de mon appart. Je m’approche et mon cœur fait un bond vertigineux.

    Le petit écran affiche « MonJérém ».

    Soudain, je suis saisi par une immense poussée d’optimisme. S’il m’appelle, c’est que je lui manque. Il a compris à quel point il m’a fait du mal, il a compris que ce qu’il me propose est trop dur pour moi, il va revenir sur ses propos, c’est sûr. Je vais retrouver un Jérém plus proche, attentionné. Il va s’excuser, me dire qu’il ne me refera plus jamais souffrir.

    Oui, c’est le cœur et la tête pleins d’espoirs que je décroche.

    « Salut » je lui lance sur un ton dégagé, pour essayer de lui faire croire d’entrée que je vais bien, que son coup de fil me fait plaisir mais que je ne courais pas après ça.

    « Salut, tu vas bien ? ».

    Sa voix de jeune mâle fait vibrer tant de cordes sensibles en moi.

    « Oui, ça va et toi ? ».

    Et là, contrairement à mes attentes, nous passons de longues minutes à échanger de banalités sans importance. Encore de l’amabilité, de la bienveillance. Mais aucun mot sur « nous ». Je suis déçu et je finis par me montrer froid et distant.

    « T’es sûr que ça va, Nico ? » il finit par me demander.

    « Tu me manques » je lui lâche, sans transition.

    Un moment de silence suit mes mots.

    « Je ne te manque pas ? » je lui lance alors.

    « Si, bien sûr que tu me manques ».

    « On ne dirait pas ».

    « Ne crois pas ça ».

    « Qu’est-ce qu’on fait alors ? » je le questionne frontalement « tu as prévu qu’on se revoit quand ? ».

    « Je te l’ai dit, à Noël je vais descendre quelques jours ».

    « Ah, oui, j’oubliais Noël » je fais, sur un ton sarcastique « Et après ce sera les grandes vacances ? Deux fois par an, c’est ça ? » je m’emporte.

    « Nico… ».

    « Et entre deux tu vas voir ailleurs et je vais voir ailleurs. J’ai bien compris les consignes ? » j’enchaîne, sur un ton de plus en plus agressif.

    « Je te l’ai déjà dit, je suis désolé de t’imposer ça. Mais je ne peux pas faire autrement pour l’instant ».

    « On peut toujours faire autrement ».

    « Si je fais autrement, je peux dire adieu au rugby ».

    « Et le rugby c’est toute ta vie » je commente, en modifiant légèrement mais tendancieusement son propos, avec une intention provocatrice.

    « Et moi, je suis quoi ? ». Voilà les questionnement qui se cachent derrière ma petite provoc’. J’ai besoin d’être rassuré, j’ai besoin qu’il arrive à dissiper ces doutes que je n’arrive pas à chasser de ma tête.

    « Non, non, il y a bien autre chose dans ma vie, Nico. Mais je ne veux pas renoncer au rugby non plus ».

    « Tu sais quoi ? On fait comme tu veux. De toute façon je n’ai pas mon mot à dire. Je n’ai jamais eu mon mot à dire, depuis le début. On a toujours fait ce que tu voulais quand tu le voulais et je ne vois pas pourquoi ça changerait ».

    « Ne le prends pas comme ça, Nico ».

    Je sens que mes mots lui font de la peine. Et pourtant, il garde son calme. Cela me touche et me met en pétard tout à la fois.

    « Et tu veux que je le prenne comment, au juste ? ».

    « Je ne sais pas » il admet tristement.

    Je ne sais plus quoi dire, je n’arrive pas à trouver un seul mot qui pourrait changer quoi que ce soit. Le casse-tête est insoluble.

    « Je vais devoir te laisser » je l’entends me lancer après un long silence.

    « Oui, vas-y, va retrouver tes potes et jouer les hétéros ».

    « Bon week-end, Nico ».

    « Oui, c’est ça, bon week-end ».

    Je passe une nouvelle nuit horrible. Le lendemain, je somnole en cours. A tous les cours, sans exception. En fin d’après-midi, je quitte mon appart pour me rendre à la gare St Charles. Pas loin de l’arrêt de bus, une bande de potes est en train de discuter. Parmi eux, un mec très brun, la peau mate, portant un t-shirt noir avec un panache certain. Un t-shirt qui, sans vraiment mouler sa plastique, souligne bien le V de son torse, la chute de ses épaules. Mais aussi le gabarit de ses biceps qui, sans être excessif, est plutôt sympa à regarder.

    C’est vraiment un beau mec, avec une belle gueule virile et sexy. Mais c’est son attitude de bad boy qui le rend sexy en diable. C’est une sorte d’étincelle dans son regard assez dur, fier, un brin arrogant, un tantinet insolent, quelque peu prétentieux, un regard qui affiche par ailleurs un je-ne-sais-quoi d’agressif, de susceptible, de « pas commode ». C’est le genre de gars qui donne l’impression qu’il ne faut pas le chercher longtemps pour le trouver, et pour trouver des problèmes.

    Mais sa sexytude se décline également dans sa façon de se tenir, le bassin positionné vers l’avant, les épaules légèrement voûtées et rassemblées, la cigarette qui se consume entre ses lèvres, avec une intervention minimale de ses mains, qui sont rangées dans ses poches la plupart du temps. Bref, le gars dégage une sexytude incandescente qui tient en grande partie à son attitude de parfait branleur viril et macho et à sa totale nonchalance.

    Pendant quelques minutes, et malgré le fait que je retrouve dans ce gars quelque chose de mon Jérém, même si poussé à l’extrême, l’observation de ce beau spécimen m’arrache de ma souffrance.

    Dans le train, je repense au coup de fil de Jérém de la veille. Je me demande pourquoi il a senti le besoin de m’appeler. Est-ce que c’était juste pour prendre des nouvelles ou c’était avant tout pour apaiser sa conscience ?

    Une phrase ne cesse de m’interpeller. Il s’agit de sa réaction lorsque je lui ai balancé que le rugby était toute sa vie : « Il y a bien autre chose dans ma vie », il m’avait lancé. Au fond de moi, je sais que je fais partie de cet « autre chose ». Du moins, je l’espère.

    En sortant de la gare Matabiau, je retrouve très vite les stigmates de ma ville défigurée par la catastrophe, ce qui ajoute encore du chagrin à ma détresse.

    Dès mon arrivée à la maison, maman se rend compte que je ne suis pas bien. Et elle me fait parler. Je n’en ai pas vraiment envie, mais je finis par craquer. Son écoute est attentive, ses conseils bienveillants et pleins d’amour.

    Mais rien ne m’aide à aller mieux. Et surtout pas la distance, l’indifférence, les silences pesants et la désapprobation muette que papa continue d’afficher à mon égard. Quant aux souvenirs qui jaillissent sans cesse des rues de Toulouse, ou du canapé du séjour, ou de cette chambre où j’ai fait l’amour avec Jérém, ce sont autant de couteaux retournés dans la plaie béante de mon cœur, une plaie ouverte une semaine plus tôt à Paris.

    Ni le beau Julien, toujours aussi souriant, drôle et sexy, ni Elodie n’auront pas plus de succès pour me remonter le moral. Le fait est qu’en me refusant de me confier à eux, je ne leur en laisse pas vraiment l’occasion. J’appelle également Thibault pour prendre des nouvelles. Je ne lui propose pas de le voir parce que je n’ai pas le moral, et je prétexte un manque de temps lorsqu’il me propose de passer à son appart pour un café. Je suis content d’apprendre que sa blessure au genou évolue bien, que sa rééducation est sur la bonne voie et que les médecins prévoient qu’il puisse rejouer en début d’année. Et aussi que la grossesse de sa copine se passe à merveille. Ça me fait toujours bizarre de penser qu’un garçon comme Thibault, qui a à peine un an de plus que moi, puisse devenir papa dans quelques mois. J’espère vraiment que cette nouvelle vie va le rendre heureux.

    Le dimanche soir, je repars à Bordeaux dans le même état où j’en étais venu la veille : avec le moral plus bas que mes chaussettes, avec une sorte de dégoût qui ne me quitte plus.

    Je me demande comment s’est passé le match de Jérém ce dimanche. Je lui envoie un sms pour le lui demander. Je suis tellement épuisé que je me couche dès mon arrivé à l’appart, à 20 heures, sans attendre sa réponse. Je dors presque 12 heures non-stop.

    Lundi 26 novembre 2001

    Le sommeil a du bon, parce que le lendemain matin, je me réveille un brin mieux. En guise de réveil, la radio passe une chanson que j’adore, et qui me met la pêche à chaque écoute.

    Une chanson qui parle de chagrin, mais aussi d’espoir, une mélodie et une rythmique qui donnent envie de se remettre debout, de bouger les pieds, les jambes, de remuer tout le corps, de danser, de vivre à fond, maintenant. Une chanson qui dégage une énergie folle, une énergie qui monte, monte, monte, grimpe peu à peu sur un mur de son envoûtant. Et on monte avec elle, on grimpe si haut qu’on finit par ressentir comme une sorte de vertige, à la fois esthétique et émotionnel.

    J’écoute la chanson jusqu’à la dernière note, et je me lève bien déterminé à faire en sorte que cette semaine soit meilleure que la précédente.

    Je regarde mon portable et je trouve un message de Jérém.

    « Salut, ça s’est bien passé ».

    « Félicitations, je suis content pour toi »

    Cet sms, et cette bonne nouvelle me mettent du baume au cœur. Je suis vraiment content pour lui. et pour moi aussi. Car j’ai espoir que si ça marche bien pour lui au rugby, il va être mieux dans sa tête et qu’il va être plus ouvert à la discussion.

    Ce matin il fait beau et tout me paraît enfin plus clair. Je me dis qu’il me suffit de faire un effort, bien qu’important, pour ne pas perdre Jérém. Je me dis que cet effort est à ma portée. Je réalise ce matin que j’ai été injuste l’autre soir avec lui. Car il a quand même fait l’effort de prendre de mes nouvelles, de garder le contact, alors que moi je me suis montré agressif et intransigeant.

    Dans le bus qui m’amène à la fac, je repense à l’idée du couple libre exprimée successivement par Julien et par Albert quelques mois plus tôt. Et s’ils avaient raison ? Et si c’était Jérém qui avait raison ? Et si vraiment notre relation avait plus de chance de survivre en enlevant des contraintes que les distances physiques et sociales rendent inadaptées ?

    Au fond de moi, je suis persuadé que ses propos ne sont pas ceux d’un coureur qui veut coucher à tout va, tout en gardant « un régulier ». Il n’y a pas de tromperie, et je n’ai pas de mal à croire à sa sincérité. Je l’ai senti à son attitude, au ton de sa voix. Et à son attitude.

    Malgré mes assauts verbaux, que ce soit dimanche dernier ou jeudi au téléphone, Jérém ne s’est pas braqué, ce qui est un exploit en connaissant sa nature sanguine.

    Encore il n’y a pas longtemps que ça, il m’aurait envoyé chier, point à la ligne. Mais là, par deux fois, il a gardé son calme, il a pris le temps d’essayer de m’expliquer sa façon de voir les choses. Je sens que quand il dit qu’il a lui aussi peur de me perdre, que je lui manque, ce ne sont pas des mots en l’air. Je ressens sa jalousie, son inquiétude, sa tristesse. C’est tout cela qui me fait dire que sa démarche est sincère. J’ai l’impression qu’à sa manière il fait tout ce qu’il peut pour sauver notre histoire.

    Je me sens écartelé entre le réalisme irréfutable de ses arguments, la souffrance que je ressens à l’idée de l’imaginer en train de coucher ailleurs, la peur de le perdre, l’idée de coucher avec d’autres gars, de tomber amoureux d’un autre gars, l’idée de me perdre.

    Ce matin, je me dis qu’une grande partie du chemin est derrière moi. Il reste le dernier bout devant moi, celui qui conduit à admettre qu’il a raison, que la solution qui me propose est la moins pire pour l’instant. Et de lui dire et lui montrer mon cheminement.

    Cette dernière ligne droite est le plus dure à parcourir. Et pourtant il le faut. Par amour, il le faut. Et ça passe par un coup de fil que je me dois de lui passer. Oui, c’est à moi de le rappeler, et il est temps de le faire.

    Mais ce n’est pas pour autant que c’est chose aisée. Chaque matin, je me dis que je le ferai le soir même. Mais le soir venu, je n’y arrive pas, et je remets ça au lendemain. Chaque jour, je cherche à me convaincre que je peux assumer le genre de relation que Jérém me propose. Mais le soir venu, au moment de composer le numéro, quelque chose cloche en moi. Je l’imagine en train de coucher avec une nana. Je m’imagine composer le numéro de Benjamin, coucher avec lui. Je n’arrive pas à me faire à cette idée. Je n’arrive pas à l’appeler. Ni Jérém, ni Benjamin.

    D’ailleurs, depuis le week-end dernier, ce dernier a arrêté de me relancer. Je n’ai jamais donné suite à ses demandes de rendez-vous, et mes réponses à ses messages ont été sèches et évasives. Je pense que ce coup-ci, j’ai grillé toutes mes chances de revoir le gars au chiot labrador.

    Mercredi, après la fin des cours, je finis par parler à Monica des raisons de ma tristesse et de mon mal-être des derniers jours. Je lui raconte mon voyage surprise à Paris, la distance de Jérém, les raisons de cette distance. Le fait qu’il m’ait dit que je suis quelqu’un de spécial à ses yeux. Mais aussi la découverte de ses coucheries « par obligation », et la discussion que nous avons eue, jusqu’à sa proposition de couple libre.

    « Ah c’est culoté de sa part de te proposer un truc pareil… » elle s’exclame.

    « Je sais… ».

    « Je ne pense pas que je pourrais accepter ce genre d’arrangement » elle enchaîne.

    « Mais je n’ai pas le choix ! ».

    « Remarque, avec la pression qu’il doit avoir, lui non plus il n’a peut-être pas le choix. C’est vrai qu’en tant qu’hétéro je peux seulement essayer d’imaginer les difficultés à faire face ou à fuir le regard des autres. Une fois j’ai lu une citation d’un écrivain qui disait un truc du genre qu’« avant d’apprendre à aimer, les homosexuels apprennent à mentir. Ça doit être dur de se construire de cette façon ».

    La semaine avance, et je finis par arriver à la conclusion que non, nous n’avons pas le choix. Ni moi, ni Jérém. Soudain, je me souviens des mots de Jérém sous la Halle de Campan. « Je n’ai pas le choix, Nico… Paris c’est loin, et là-bas ça va être impossible de vivre ça… ». Ça a été naïf de ma part de penser que, malgré la nouvelle attitude de Jérém vis-à-vis de moi, malgré notre amour, nous aurions pu passer par-dessus les difficultés.

    Et je repense aussi à d’autres mots de Jérém, la dernière fois que j’ai été le voir à Paris, des mots qui ne sont autre chose que l’aveu d’impuissance de Jérém à changer le présent. « C’est le moins pire que je peux te proposer pour l’instant ».

    Oui, il faut que j’arrive à accepter cette relation si je ne veux pas le perdre pour de bon. Mais pour y parvenir, j’ai besoin de le voir plus souvent. J’ai besoin de pouvoir négocier au moins ça. J’ai besoin de sentir qu’il tient compte de mes besoins et pas seulement de ses exigences. J’ai besoin de jauger régulièrement que cette situation ne nous éloigne pas. J’ai besoin d’une petite « victoire ».

    Le jeudi soir arrive, nouvelle porte d’entrée d’un nouveau week-end. Ça fait déjà presque deux semaines que je n’ai pas vu Jérém. Ça fait une semaine qu’il m’a appelé et que je me suis montré agressif. Pendant toute la journée, je me sens prêt à l’appeler, je sens que ce soir ce sera enfin le bon.

    Mais ce jeudi soir, mes adorables voisins m’invitent à dîner. Alors, le coup de fil, ce sera pour demain soir. Sans faute. De toute façon, l’idée de lui proposer de nous voir ce week-end, qui m’a quand-même effleuré l’esprit, ce n’est pas une bonne idée. C’est trop précipité, avant de lui proposer de se voir une fois avant Noël, je dois préparer le terrain. Je table plutôt sur le week-end prochain.

    Vendredi soir, le cœur dans la gorge, le souffle coupé, je l’appelle. Ça sonne dans le vide et je tombe sur son répondeur. Je lui laisse un message sans aspérités, je lui demande juste comment il va depuis la dernière fois. J’essaie de me montrer apaisé, serein. Et pourtant, au bout de deux phrases je me sens essoufflé. L’apaisement et la sérénité ne sont visiblement pas au rendez-vous. Pourvu que ça ne s’entende pas trop dans le message…

    Je passe la soirée de vendredi et la journée de samedi dans l’attente d’un coup de fil ou d’un message qui ne viennent pas. Je suis triste, mais mon malheur est tempéré par la conscience d’avoir fait le plus dur du chemin pour me rapprocher de Jérém. Je me dis que ce n’est que question de temps pour que nous nous expliquions et pour que nous arrivions à nous comprendre, à nous entendre, à nous retrouver. Du coup, je dors un peu mieux.

    Dimanche en fin de matinée je pars faire quelques courses et j’oublie mon téléphone à l’appart. Je ne sors qu’une demi-heure, mais lorsque je rentre, j’ai un appel en absence. « MonJérém », à 11h38. Mais pas de message. Il n’est pas encore midi, j’essaie de le rappeler aussitôt, mais je tombe sur le répondeur. J’appelle une deuxième fois, mais je n’arrive pas à l’avoir. Je pense qu’il a dû partir au match. Mince, alors ! Qu’est-ce que ça me fait chier de l’avoir raté !!! Et pourtant, le simple fait qu’il ait pensé à me rappeler, ça me fait un bien fou.

    Je finis par lui envoyer un message en lui souhaitant bonne chance pour le match et en lui disant de me rappeler quand il rentrerait pour me dire comment ça s’est passé. Je suis impatient et fébrile.

    Je passe le dimanche à attendre son de coup de fil. Mais à 23 heures, toujours rien. Je me dis qu’il doit être en train de fêter une nouvelle victoire avec ses potes. Je m’endors peu après minuit, sans avoir de ses nouvelles.

    Lundi 3 décembre 2001.

    Le lendemain matin, je me réveille de bonne heure. Je regarde mon portable et j’y trouve enfin un message de Jérém, arrivé après deux heures du mat :

    « On a gagné ».

    Le message est plutôt sec, mais il me fait quand-même vraiment plaisir.

    « Bonjour p’tit loup, très content pour votre victoire » je lui réponds.

    Et là, encouragé par la bonne nouvelle, je me sens le courage de lui demander quelque chose.

    « J’aimerais t’appeler ce soir ».

    « Ok » il me répond.

    « Vers quelle heure ? ».

    « 8 h ».

    « A ce soir ».

    Et beh, voilà une bonne façon de commencer la semaine. Avec une bonne nouvelle. Ce soir, je vais appeler Jérém. J’ai besoin de lui parler, j’ai besoin de lui dire ce que je ressens, j’ai besoin de lui dire ce que je n’ai pas pu lui dire lors de son coup de fil il y a dix jours. J’ai besoin de lui demander de faire quelques efforts, comme il me demande, lui, d’en faire. Je me sens optimiste, j’ai espoir de pouvoir le raisonner un peu.

    Je passe la journée à m’imaginer ce coup de fil, nos échanges, mes excuses d’avoir été agressif lors de son précèdent coup de fil. Je nous imagine retrouver notre complicité, je m’imagine trouver les mots pour lui faire comprendre que ce qu’il me demande est trop dur, notamment si on ne se voit pas assez. J’ai espoir d’arriver à lui faire comprendre que nous voir un peu plus ça nous fera du bien à tous les deux.

    L’attente de ce coup de fil et les attentes qu’il fait naître en moi font que je dois avoir une meilleure mine.

    « Tu as l’air d’aller mieux » me lance Monica à mi-matinée.

    « Je pense » je lui réponds.

    Je suis impatient que la fin des cours arrive, mais j’arrive à suivre, à m’intéresser.

    Oui, ce matin, je sens que je vais mieux. Je vais mieux parce que j’ai pris une résolution. On va toujours mieux après avoir pris une résolution, notamment quand elle est difficile à prendre.

    La fin des cours arrive, et l’après-midi glisse à toute vitesse vers le soir.

    19 heures, je frémis.

    19h30, mon cœur bat la chamade, ma respiration s’emballe.

    19h55, je suis dans tous mes états. Ce matin j’étais plein d’espoirs vis-à-vis de ce coup de fil. Mais plus l’heure approche, plus ce coup de fil me fait peur. J’ai peur que ça ne serve à rien, que Jérém campe sur ses positions, qu’il se cabre, qu’on se dispute. 

    20 heures, je n’ai plus envie de l’appeler.

    20h05, je dois le faire, mais je vais attendre encore quelques minutes.

    20h12, j’essaie de respirer, de me calmer.

    20h17, je l’appelle enfin. La première sonnerie me bouscule. La deuxième m’assomme. Peut-être que je vais tomber sur le répondeur.

    Mais juste après la deuxième sonnerie, Jérém décroche.

    « Salut » il me lance, sur un ton neutre.

    « Salut » je lui relance à mon tour, complètement en apnée « Tu vas bien ? ».

    « Ça va et toi ? ».

    « Pas mal non plus ».

    « Alors, il paraît que vous n’arrêtez pas de gagner en ce moment » j’enchaîne.

    « Ça se passe pas trop mal, oui » il me répond, sur un ton poli mais distant.

    « Je savais que tu y arriverais ! ».

    « Attend, attend, rien n’est gagné. Et toi, la fac ? ».

    « Bien aussi, je commence à réviser pour les premiers partiels ».

    « Tant mieux, tant mieux ».

    Je déteste cette expression, cette formule de politesse creuse à souhait qu’on utilise souvent pour répondre à quelque chose qui ne nous intéresse pas vraiment. Encore de l’amabilité à la place de la complicité. Ça me tue. Et le silence qui s’installe rapidement entre nous me fait peur. Est-ce que Jérém est déçu du fait que j’aie attendu si longtemps pour l’appeler ? Je n’aurais pas du attendre si longtemps !

    « Je voulais te dire… » je décide d’aller droit au but « je suis désolé d’avoir été un peu agressif la dernière fois au téléphone. Ça m’a touché que tu m’appelles ».

    Pendant quelques instants, je marque une pause. J’attends une réaction de sa part, mais elle ne vient pas.

    « Je voulais aussi te dire … » j’enchaîne alors « je comprends ce que tu vis à Paris, et le fait que tu dois faire comme les autres gars… et j’apprécie que tu aies été honnête avec moi. J’apprécie aussi le fait que tu te protèges ».

    Je marque une nouvelle pause. Mais toujours en absence de réaction de sa part, je me lance dans un long monologue fébrile.

    « Et ça m’a touché aussi que tu me dises que je suis quelqu’un de spécial pour toi. Ça m’a touché parce que toi aussi tu es spécial pour moi, vraiment spécial. Et c’est parce qu’on est spéciaux l’un pour l’autre que je veux bien accepter ce que tu m’as proposé la dernière fois. Je ne peux pas t’interdire de coucher avec des nanas, et je ne veux pas t’obliger à me mentir.

    Jérém, t’aime depuis le jour où je t’ai vu et rien ne peut changer ça. Je souffre de ne pas te voir et de comprendre que je ne te suis d’aucune aide vis-à-vis des problèmes que tu rencontres dans ta vie actuelle. Je ne veux te forcer à rien. Je ne veux surtout pas te créer d’autres problèmes.

    Mais je ne peux pas supporter de te voir si peu, ça me rend dingue. Je pense que quand nous sommes ensemble ça nous fait du bien à tous les deux. Je m’en fous de monter à Paris et de rester à l’appart, ou même de prendre une chambre d’hôtel pour avoir la paix, s’il le faut. On pourrait se voir le week-end prochain et… ».

    « Le week-end prochain ce n’est pas possible » il se manifeste enfin, en me coupant net.

    Je prends son nouveau refus comme un coup de massue sur la tête.

    « Et pourquoi ? ».

    « Parce que le club organise une journée au stade avec les supporters ».

    « D’accord, le week-end d’après alors… ».

    « Je ne jouerai pas sur Paris… ».

    « Et alors ? La dernière fois non plus tu ne jouais pas sur Paris. J’en ai profité pour visiter le samedi et on a passé le dimanche ensemble ».

    « Laisse tomber, Nico ».

    Visiblement, Jérém essaie de me décourager, comme avant ma venue surprise sur Paris. Je sens que tout m’échappe, que je n’ai aucune prise, je le sens de plus en plus distant, et irréversiblement distant.

    « Et pourquoi tu veux que je laisse tomber ? ».

    « Tu vois bien que c’est très compliqué… ».

    « Mais non, ce n’est pas compliqué, il suffit qu’on s’organise ».

    « Nico, ne me prends pas la tête ! ».

    « C’est ça que je suis, alors, pour toi, une prise de tête ? ».

    « Je n’ai pas dit ça ».

    « Alors, je suis quoi, au juste, pour toi ? ».

    « J’ai besoin de temps, Nico » il finit par lâcher.

    « Et je vais devoir t’attendre combien de temps, au juste ? ».

    « Je n’en sais rien ».

    « Mais putain, je ne te demande pas la Lune ! Je te demande juste de nous voir au moins une fois par mois ! Essaie de te mettre à ma place ! C’est déjà assez dur pour moi de te savoir au lit avec une nana ! » je monte en pression, face à son inflexibilité.

    « Arrête Nico ! ».

    « Alors, si j’ai bien compris, je n’ai plus qu’à aller voir d’autres gars ! » je lance un pavé dans la mare.

    « C’est ça, vas-y ! » il me lance, las de mes assauts.

    Je suis tellement désemparé face à la tournure que vient de prendre ce coup de fil, une tournure à la fois si lointaine de celle que j’avais espérée et si proche de celle que j’avais redoutée, que je perds tout contrôle de moi.

    « T’inquiète, c’est fait ! » je mens, en montant la voix et le ton comme pour donner à mes mots la violence d’un coup de sabre.

    Le silence qui suit me donne la mesure d’à quel point mon stupide bluff a atteint son but. Je le regrette déjà. Parce qu’au fond de moi je sais pour sûr que cette sortie n’aidera en rien notre relation.

    Après cela, les secondes s’embourbent dans un silence épais et toxique.

    « Tu ne dis plus rien ? » je finis par lâcher, plus pour m’assurer qu’il est toujours là que pour savourer mon coup de théâtre pathétique.

    « Je crois que je vais te laisser ».

    « Oui, c’est ça, c’est bien ça ! » je fais sur un ton sarcastique.

    « Et alors on fait quoi maintenant ? » j’enchaîne.

    Au bout d’un moment de silence interminable, j’entends Jérém lâcher sur un calme mais ferme :

    « Peut-être qu’on devrait faire une pause ».

    Et là, le monde s’effondre autour de moi. Je suis pris de vertige, j’ai envie de pleurer, de hurler, de mourir. Je réalise que j’ai été trop loin, et que j’ai atteint un point de non-retour.

    « Pourquoi une pause ? » je réagis, en panique totale.

    « Je viens de te dire que j’accepte ta proposition d’être un couple libre » j’enchaîne, mort de peur.

    « Je voulais juste qu’on se voit un peu plus souvent. Mais tant pis, on se verra quand on pourra » je renonce à toutes mes conditions, en flairant le désastre, dans la tentative désespérée de rattraper le coup.

    « Tu dis ça mais tu ne le penses pas ».

    « Si je le pense ».

    « Non, bien sûr que non. Je vois bien dans quel état ça te met. Je n’aurais pas dû te proposer ça, ça ne peut pas marcher ».

    « Mais si… ».

    « Non, ça va te miner, et moi aussi. Je suis désolé Nico, mais je crois que c’est la meilleure solution pour tous les deux ».

    « Comment tu sais si c’est une bonne solution pour moi ? ».

    « Je ne le sais pas… ».

    Les larmes coulent sur mes joues, les mots me font défaut.

    « Ne fais pas de bêtises, Nico » je l’entends me glisser, la voix tremblante, les mots étouffés par une émotion qu’il essaie de maîtriser sans vraiment y parvenir.

    « Toi non plus ne fais pas de bêtises » je trouve la force de lui répondre, en pleurs.

    Je n’arrive pas à croire qu’on en arrive là.

    « Comment on en est arrivés là, après Campan ? » je lui glisse en pleurs.

    « Je croyais pouvoir y arriver, Nico. Mais je n’y arrive pas ».

    « Bonne soirée » je l’entends me glisser, la voix cassée par l’émotion.

    « Bonne soirée ».

    Jérém vient de raccrocher et mes filets de larmes deviennent des torrents des larmes. J’ai tellement mal que j’ai envie de crier à m’en casser les cordes vocales et les poumons. Je crie, oui, mais en silence. Ce ne sont pas mes poumons ou mes cordes vocales qui prennent, mais mes nerfs, mon esprit. Je me recoquille dans un coin, dans le noir, tremblant de froid et de peur.

    Je me suis demandé à quoi ressemblerait la vie sans Jérém. Elle ressemble à un précipice où je suis en train de tomber. Elle ressemble à un univers de solitude absolue. Elle ressemble à un monde où toute trace de bonheur a été supprimée. J’ai l’impression qu’on vient de m’arracher le cœur. La vie sans Jérém c’est ça, et elle commence maintenant. Elle ressemble à un baiser de Détraqueur.

    Pendant de longues minutes, j’ai juste envie de disparaître, de m’évaporer, ce cesser de souffrir. Je voudrais ne jamais être venu au monde. Je n’ai envie de voir personne et pourtant ce soir, je ne veux et pas rester seul. Je ne peux pas. J’ai besoin de voir quelqu’un, j’ai besoin de compagnie, j’ai besoin de parler.

    Je sors de chez moi, bien décidé à traverser la petite cour au sol rouge et à demander asile chez mes adorables voisins. Hélas, il est presque 21 heures, et les stores blancs sont déjà baissés. Albert et Denis sont déjà au lit. Je rentre chez moi, j’appelle Raph pour sortir prendre un verre. Je tombe sur son répondeur. Je viens de me souvenir qu’il m’a dit que ce soir il avait un rendez-vous galant.

    J’essaie d’appeler Monica. Lorsqu’elle décroche, je retrouve un petit regain d’espoir.

    « Salut, c’est Nico ».

    « Salut, ça va ? ».

    « Oui… je … je voulais te proposer d’aller prendre un verre ce soir ».

    « Ce soir ? Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, je suis crevée et demain j’ai plein de trucs à faire ».

    « D’accord, d’accord » je fais sur un ton triste.

    « Tu es sûr que ça va, Nico ? ».

    « Sûr, sûr, ne t’inquiète pas. On se voit lundi en cours ».

    Je suis tenté d’appeler Cécile, mais je renonce. Après ce qui s’est passé entre nous (rien, justement, et le fait qu’elle m’en ait quand même un peu voulu) je me sens mal à l’aise à l’idée de lui raconter mes peines pour la seule raison que je n’ai personne d’autre sous la main pour le faire. Non, ce soir je ne verrai personne.

    Mais j’ai quand-même besoin de parler avec quelqu’un qui saurait me remonter le moral. J’essaie d’appeler ma cousine Elodie. Pas de chance, je tombe sur répondeur. J’essaie d’appeler mon pote Julien. Répondeur aussi. Parfois j’ai l’impression que la France est un pays de répondeurs.

    Je suis sur le point d’appeler Thibault. Mais j’y renonce à la toute dernière seconde. Avec lui non plus je ne me sentirais pas à l’aise de parler de mes peines avec Jérém.

    Je passe la soirée à zapper et à pleurer. Ses mots « Peut-être qu’on devrait faire une pause » résonnent dans ma tête comme une explosion sans cesse répétée. Ces mots ont ouvert en moi un vide si profond, un vide dans lequel je suis tombé à l’instant même où ils ont été prononcés et dans lequel je n’arrête pas de précipiter.

    Quand a-t-il décidé de prendre une pause ? Après son coup de fil d’il y a dix jours, lorsque j’ai été si distant et si agressif ? Lorsque je me suis montré si impréparé à accepter sa main tendue ? Est-ce que mon attitude, mes réflexions, mes piques lui ont fait prendre la mesure d’à quel point c’était difficile pour moi d’accepter cet état de choses ? Est-ce que si j’avais été plus fort, si je m’étais montré plus fort, ça aurait changé quelque chose ?

    Est-ce que l’idée d’une pause était déjà dans sa tête au début du coup de fil de ce soir ? Est-ce qu’elle est venue en réaction à mon insistance ? « Je vois bien dans quel état ça te met » : ces mots résonnent en moi comme la preuve que je n’ai pas été à la hauteur.

    Aussi, pourquoi a-t-il fallu que j’invente le fait d’avoir couché avec un autre gars, alors que ce n’est pas vrai ? Est-ce que c’est ça qui l’a décidé à me quitter ou, du moins, qui lui rendu les choses plus faciles ?

    Evidemment, je ne dors pas de la nuit. Je rasasse ce coup de fil en boucle. J’essaie de croire à cette idée de « pause », mais je n’y arrive pas. Dans ma tête, ce soir Jérém m’a quitté. Et pour de bon cette fois-ci.

    J’allume la radio en fond sonore pour tromper ma solitude. Il est encore tôt et Macha n’est pas prête de m’apaiser avec sa voix grave et bienveillante. Je suis tellement claqué que je ne pense pas pouvoir attendre jusqu’à si tard. Je laisse la radio en fond sonore sur une station qui ne passe que des tubes indémodables. Le dernier morceau dont je me souviens avant que mon corps et mon esprit ne cèdent à l’épuisement qui les ronge, est tout simplement un chef d’œuvre absolu.

    Nous étions en novembre encore il y a peu, il pleut dehors, tout comme il pleut en moi. Alors, cette chanson tombe à point nommé. Ses harmonies et ses mélodies géniales qui s’étirent sur de longues minutes semblent trouver le moyen de m’apaiser. La beauté possède le pouvoir de soigner la souffrance.

    Commentaires

    Reda

    21/03/2023 04:50

    I got this web site from my friend who shared with me on the
    topic of this website and at the moment this
    time I am browsing this website and reading very informative articles
    at this place.

    Yann

    04/10/2020 11:02

    Ce que je voulais aussi dire dans mon com c’est que, pour un auteur, l’exercice d’écrire un roman sur l’amour tourmenté est beaucoup plus intéressant que celui d’en écrire un sur l’amour « idyllique ». En littérature comme au cinéma ou au théâtre, le thème de l’amour impossible, contrarié, la quête d’un bonheur jamais définitivement acquis… est récurent. Pour un auteur, obstacles et contrariétés offrent à explorer un éventail plus large de sentiments qui sont également plus forts. C’est aussi pour le lecteur matière à émotions plus riches et à réflexion. C’est dans ce cheminement que tu nous entraine Fabien avec tes personnages. Tout d’abord l’amour contrarié : Jerem refuse tout geste d’affection ou de tendresse. Puis  Campan où dans son petit cercle d’amis et après s’être libéré de ce frein c’est un peu comme une courte lune de miel. A présent avec la rentrée retour aux réalités, ils affrontent de nouveaux obstacles ou les mêmes qui ressurgissent. Leur relation bat de l’aile mais une chose importante, l’amour qu’ils ont l’un pour l’autre n’a pas laissé place à la haine qui est aussi un thème récurent dans les romans d’amour.
    La suite serait comme un lendemain de cuite. En général après une cuite on n’est pas très bien mais on a repris ses esprits et on sort progressivement de la brume. Faut-il y voir un début de prise de conscience de la réalité et de rationalité ? Bien vu Fabien de nous donner à l’avance le titre du prochain épisode cela attise notre curiosité et voila que déjà je me prends à imaginer ce qui va leur arriver. Il n’y a pas trop à attendre jusqu’à demain mais pourvu qu’en me connectant je n’ai pas ceci : désolé le site demandé est momentanément  inaccessible en raison d’un trop grand nombre de connexions l

    Yann

    02/10/2020 14:35

    Je me pose cette question, Jerem et Nico s’aiment-ils du même amour ? Je ne le pense pas. D’un coté Jérem est attaché à Nico pas uniquement par le sexe, il le dit et il l’a vérifié après être allé voir ailleurs ou quand ils se sont éloignés après leur dispute. De l’autre Nico n’en revient toujours pas qu’un mec aussi bogoss que Jerem s’intéresse à lui. Même si rien ne les oppose, qu’est-ce qui les rapproche à part le sexe ? Je sais qu’on ne choisit pas de qui on tombe amoureux et ça s’explique encore moins.

    Comme Jean je ne pense pas que l’attitude de Jerem soit uniquement dictée par le rugby, car il est possible de garder une relation sans devoir se cacher. Jerem peut aller voir Nico plutôt que l’inverse. Je pense que son comportement lui échappe devant la fatalité de l’amour. Il est jeune et tout ceci est arrivé en si peu de temps : une année scolaire et un été ! Quel projet ont-ils en commun aucun si ce n’est poursuivre leurs études et pour Jerem se faire une place dans le rugby. Simple supposition, si l’on fait abstraction de ce que craint Jerem de ses co-équipiers, que peuvent-ils faire ? Nico finir ses études à Paris prendre un logement et vivre en couple avec Jerem et, à a peine vingt ans, après avoir été amants devenir un couple ensembles dans la routine des amoureux ? Tomber dans le pouvoir dissolvant de la routine. Alors que se perdre pour se retrouver à nouveau, se désespérer quand ils sont séparés et s’adorer quand ils sont ensemble, recommencer à chaque fois un amour neuf qui ne s’use jamais serait bien plus enivrant pour leur âge. 

    Chris-j

    02/10/2020 12:59

    Et bien, avec un tel titre, la fin de Saison prend des allures de gueule de bois pour les lecteurs. Hier soir j’ai oublié de faire le rapprochement entre ce que j’écrivais « il préfère saborder sa relation, persuadé qu’il ne mérite pas d’être aimé et que tôt ou tard il sera à nouveau abandonné par Nico », et la scène dont l’écriture m’a le plus marqué de toute la saison. Celle ou j’ai ressenti le plus de fébrilité, d’attirance et d’angoisse. J’ai l’impression que Jérém disait la même chose. « Je ne te mérite pas ».« N’importe quoi. Pourquoi tu dis ça ? ».« Je t’ai fait trop de mal ».« C’est derrière nous tout ça ».« Je ne veux plus te faire du mal ».« Ça n’arrivera pas ».« Dans quelques jours, on va être loin ».« Je viendrai te voir à Paris ».« Ça ne suffira pas. Ne m’oublie pas, Nico ». 

    fab75du31Auteur

    01/10/2020 22:08

    Bonjour à tous et merci pour vos commentaires.
    Juste une petite incursion pour vous informer que le prochain épisode « 0239 Comme des lendemains de cuite » sortira le 5 octobre prochain.
    Bonne fin de semaine à tous
    Fabien

    Jean

    01/10/2020 19:40

    Si l’attitude de Jeremy vis à vis de Nico (ne pas donner de nouvelles, ne pas souhaiter le voir, son agressivité) n’est déterminée que par le Rugby et donc sa peur d’être démasqué et rejeté par le club, alors c’est un type que Nico doit fuir.
    Il est tout à fait possible de rester en contact en contact téléphonique avec ce dernier et s’arranger pour le voir ou même le croiser en toute discrétion. Nous sommes à Paris tout de même et pas à Téhéran !
    j’ose moi aussi espérer que son comportement lui échappe en partie et qu’il faut chercher dans son passé les causes. Ou même des excuses

    Chris-j

    01/10/2020 19:06

    Quelle discussion passionnante!
    Après avoir pris connaissance du passé de Jérém, et à travers ce que Thibaut et Jérém livraient comme confidences,
    je n’avais aucun doute que son attitude était dictée par la souffrance causée par un sentiment d’abandon, ou un abandon. 
    Il en a toutes les caractéristiques; forte culpabilité car il se croit responsable, besoin de reconnaissance pour se sentir exister,
    fantasmes de toute puissance, rejet de toutes formes de relations intimes, garçon ou filles. 
    Quand il rencontre Nico, il veut le dominer, l’utiliser, le contrôler. C’est quand il ne le (se) contrôle plus, qu’il le rejette toujours
    plus violemment. Je ne crois pas du tout que ce soit « l’homosexualité » qu’il rejette le plus, mais bien son attachement sentimental
    de plus en plus envahissant. Tant que personne ne sait, il peut baiser avec des mecs. D’ailleurs il baise un blond, mais il ne pense
    qu’a Nico, c’est donc Nico qui compte le plus.
    Son attachement lui fait peur. Cette peur qu’il a cru vaincre un moment, n’est pas morte. Il l’exprime à sa façon, en disant qu’il ne
    se sent jamais à la hauteur des attentes de Nico. Les attentes de Nico, c’est un engagement déclaré. Ca le fait flipper, et il préfère
    saborder sa relation, persuadé qu’il ne mérite pas d’être aimé et que tôt ou tard il sera à nouveau abandonné par Nico. C’est évidemment insupportable. 
    En revanche, il rechercherait volontiers une relation avec Ulysse, comme si c’était un père de substitution bienveillant. C’est une
    relation ou il serait dominé mais qui le ferait avancer.
    Bien entendu, il n’en est pas conscient et il rationalise ça par la nécessité de protéger son avenir professionnel par la discrétion. 
    En plus, la distance, lui permet de ne pas avoir Nico sous le nez, Nico qui a le pouvoir de réveiller son envie d’aller vers lui, de
    le prendre dans ses bras et de le protéger. 

    C’est ce que je pensais mais, j’ai peut être eu tort. Si c’est le rugby, alors, outre le fait que ce serait décevant de la part de Jérém,
    il n’y aurait plus qu’à espérer une blessure pour lui foutre sa carrière en l’air et le ramener vers Nico. 

    Chris-j

    30/09/2020 14:09

    Parmi tous les épisodes, j’ai plus de facilité à retrouver des repères biographiques que des scènes de cul. J’en déduis que ça compte pour moi, et je pense aussi que les histoires d’amour ont plus à voir avec la psychologie qu’avec le sexe. Mais comme lecteur, j’ai peu de gout à anticiper la suite. Viendra ce qui viendra. Il y a environ deux ans, j’ai lu un texte formidable sur Cyrillo. Un étudiant vient donner des leçons à un lycéen complètement illétré, mais avec un corps d’acier et 8 abdos dessinés. C’était la mise en situation des deux premiers cours et il n’y avait pas encore de sexe. Il n’y a jamais eu de suite, le type a laissé tombé. Son histoire surnageait au milieu de dizaines, centaines, d’histoires de mecs qui se faisaient baiser dans des caves par des rebeus, en se faisant cracher dans la gueule.J’étais frustré mais je retrouve cette même tension avec Jérém & Nico, et ça fait mon affaire. 

    Yann

    30/09/2020 07:47

    Je partage ton point de vue. Jerem a été marqué par son environnement familial ça ne fait aucun doute. Ses parents peuvent-ils jouer un autre rôle que celui-ci dans la suite de l’histoire ? Je ne le crois pas mais…

    Chris-j

    29/09/2020 21:24

    Du père de Jérém, on sait tout ce qu’on a besoin de savoir. 
    Quarantaine, brun comme son fils. Ils ne se parlent pas, son père le méprise facilement puisqu’il lui reproche de s’être fait
    casser la gueule quand il sort du coma. Jérém le décrit comme rude, ignorant tout de ce qu’il aimerait faire de sa vie. Son père
    pense que Jérém en tant que joueur de rugby qui baise les filles à volonté a tout pour être heureux. Si il savait que Jérém était
    gay « il lui cracherait dessus » et « il ne le reverrait jamais ». Jérém n’est pas prêt a affronter ça,  le Coming Out festif, c’est raté.  
    Pour sa mère, c’est plus mystérieux. 
    Il semblait avoir une relation naturelle avec elle, vu ses souvenirs. Quand elle disparait, le sentiment d’abandon est tellement
    violent qu’il ne s’en remet pas. Thibaut prend le relais affectif, il était maternant avec Jérém et il était aussi un modèle
    masculin et bienveillant, contrairement à son père et peut être comme pourrait l’être Ulysse. L’idéal masculin pour Jérém? 
    C’est quand même Nico qui l’a transformé, mais il suffit qu’un geste lui rappelle sa mère pour qu’il s’effondre en larme ou
    qu’il soit pris d’une rage destructrice. Quand il était dans le coma, elle est absente. Par contre, elle va voir Maxime à l’hôpital,
    son frère ne semble pas nourrir de ressentiment.
    Pourquoi est-elle partie, a t-elle été forcée par le père, pourquoi ne vient-elle voir que Maxime.  
    Finalement, à part cet épisode 21 très particulier, en empruntant la loupe de Mister Magoo pour trouver des indices, on obtient pas mal de renseignements.

    Jean

    29/09/2020 17:50

    Fabien, Si tu fais un épisode toutes les deux semaines, c’est plus qu’un hobby, c’est presqu’un deuxième travail. J’ai essayé d’écrire et je n’ai jamais réussi à soutenir le rythme et la concentration. C’Est un plus de connaitre l’histoire des protagonistes afin d’éviter de tomber dans des images d’Épinal éloignées de la réalité.Merci Chris-j pour les liens. Il m’aurait été difficile de trouver cet épisode inattendu qui éclaire Jeremy et lui donne des circonstances atténuantes. Un développement psy qui permet de découvrir le Jeremy caché, coincé entre une mère qui l’a abandonné et un père qui ne veux pas que son fils soit une tapette. Mauvais départ qui ne doit pas faciliter les relations intimes.Quelqu’un l’approche, imitant sans le vouloir les gestes de sa mère il devient agressif, méchant. C’est logique et c’est banal psychologiquement. On ne prend pas cette place là. Mais L’ESPOIR DUNE ÉVOLUTION EST POSSIBLE, comme le prouve NIco vers qui il a déjà effectué un pas de géant. Il n’est pas complètement perdu puisqu’il sait prendre en charge son frère. Jeremy dispose d’armes pour dominer ses relations : Une plastique de « Dieu du Stade », et une facilité de séduction, c’est THE tombeur. La tentation est de tout instant, de toutes les fins de match, de tous les after et de toutes les toilettes hommes.NIco doit surmonter nombre d’obstacles : mère absente donc envahissante, père frustre et brutal, milieu homophobe du rugby, distance géographique, rivales et rivaux. Je trouve que la barque est lourdement chargée pour l’étudiant. Néanmoins, ce dernier ne veut pas lâcher le morceau.De son côté, sans faire dans l’abattage, Nico n’attire que des beaux mecs, intelligents et raffinés. S’annonce donc, même pour Jeremy une concurrence discrète mais qualitative.La situation est sérieuse mais pas encore désespérée.

    Yann

    29/09/2020 11:13

    Je pense qu’il faut faire attention à ne pas se noyer dans une analyse de détails qui nous égare du fond de l’histoire. Toutes les analyses sont bonnes et intéressantes mais, de moins point de vue il faut rester sur les fondamentaux de l’histoire. Fabien le dit lui-même nous allons parfois au-delà de ses intentions. Si l’on prend par exemple le cas du père de Jerem. Le peu qu’on sait de lui c’est par une source indirecte. Depuis le début il est hors champ de l’histoire. Il subvient aux besoins matériels de son fils mais ne s’intéresse pas plus que ça à lui. Je pense que c’est la volonté de Fabien de ne pas lui faire jouer de rôle particulier si ce n’est qu’il a posé pour Jerem un contexte familial qui l’a probablement marqué.  Donc faire intervenir le père de Jerem est une option à laquelle je ne crois pas. Pour quoi faire ? Dire à son fils bravo mon garçon je te soutiens. Aux yeux de Jerem il a moins de crédit que d’autres personnes proches. Autre solution, faire rentrer le père dans l’histoire pour qu’il rejette son fils parce qu’il couche avec un garçon. Ca peut être intéressant comme sujet mais ça déplace le centre de l’histoire.
    Maintenant sur l’histoire. De mon point de vue il faut un peu relativiser les choses. Nico est en effet déçu et se pose des questions sur ce que va devenir leur relation. Leur première brouille avant Campan s’était soldée à coup de poings et puis Jerem a réfléchi sur lui-même. Ca ne date que de quelques mois. S’il avait juste envie de tirer un coup avec un garçon il n’avait pas beaucoup à chercher. Mais non il a appelé Nico donc il a évolué et là je pense que ça va être pareil. Déjà ils ne se sont pas cognés. D’autre part on est encore loin de la fin de l’histoire pour que ce soit le début du dénouement. Jerem avance sur lui-même que quand il est dos au mur.

    florentdenon

    29/09/2020 09:39

    Au risque de se répéter, tu nous livres encore un très beau récit, tout en nuances et en sensibilité. Nico n’est pas un garçon naïf mais un idéaliste en quête d’absolu. Et tu n’es jamais aussi bon que quand tu décris les souffrances de cette relation un peu unilatérale, un peu déséquilibrée à cause de la beauté de Jerem et de sa difficulté à assumer ses sentiments et ses ďésirs. S’il te plait, la suite ! Et venge nous Nico !

    Chris-j

    29/09/2020 08:39

    @Jean : Sur Jérém et sa mère et Nico, il y a l’épisode 21 que j’’ai relu hier, il est très bien écrit, caché entre des passages très sexe. C’était très original de mélanger le sexe pour ce qu’il a d’excitant mais aussi d’inexplicable.  
    http://www.jerem-nico.com/21-dans-les-draps-de-jeremie-a169076866
     je ne sais pas si je lui en veux plus d’avoir osé ces caresses qui ont fait remonter en moi ces vieux souvenirs de tendresse de mon enfance ou alors si je lui en veux d’avoir arrêté trop tôt… Pour s’être senti longtemps impuissant et avoir subi l’abandon, Jérém ne supporte pas de ne pas tout contrôler (…) c’est sa revanche vis-à-vis de son impuissance d’enfant face à l’abandon. C’est cette colère qui lui fait aimer la domination envers ses conquêtes… c’est de cette colère qui naît son désir de dominer, d’humilier… et c’est encore cette colère qui le rend si dur vis-à-vis de Nico…
    Quand tu as des dispositions pour aimer un mec comme ça, tu n’as que le choix de mettre toute ton énergie à le réparer… C’est du long cours. Dans un roman, on peut sublimer et faire comme si c’était possible, dans le réel, j’ai quelques doutes

    Alex

    28/09/2020 22:12

    Je fais un parallèle avec Brian et Justin de QAF, une période de rupture et Justin (qui s’en prend plein la tête) qui va chercher son bonheur ailleurs par lassitude de l’attitude distante de son amour passionnel …. avant les grandes retrouvailles?

    Chris-j

    28/09/2020 22:05

    @Celio,
    Mon frère est chiant mais je n’aurais pas envie pour autant qu’une nana lui mette la tete sous l’eau LOL Je ne suis pas comme ça.
    Il faut n’avoir jamais eu a vivre ce que traverse Nico pour croire que Jérém ne lui en « met pas bien assez dans gueule » comme ça.
    Je suis premier degré, alors quand Nico est mal, forcément il entraine le lecteur que je suis, dans sa dégringolade. 
    Si Jérém ne l’aime plus, que peut-il y faire? Si Jérém se sert du rugby comme d’un paravent pour cacher ses peurs ou ses problèmes, il n’y peut rien non plus. 
    Il n’y a que dans les chansons qu’on croit que l’amour vient à bout de tout. C’est pas vrai du tout. 
    A part accepter de laisser J vivre sa vie et cacher sa peine, il ne peut compter que sur l’auteur pour le sortir de là. Au fond, c’est lui qui n’est pas gentil avec Nico 

    @Jean, 
     Je me suis fait la même reflexion pour l’age et j’ai déduis que Nico parle aujourd’hui en regardant son passé. 
     – Pour le père de Jérémie, en Saison 1, c’est surtout à travers les confidences de Thibaut. On sait qu’il a de l’argent, qu’il est remarié, qu’il s’entend mal avec Jérém, mais qu’il paye pour lui la chambre. 
    En saison 2, épisodes  1, 3, et 28 et 29. 
    – Pour sa mère, en Saison 2 :  épisodes  3, et 27. 

    Jean

    27/09/2020 14:29

    Je suis loin d’avoir lu l’ensemble, et j’ai souvent lu des réflexions de Nico qui analyse et se satisfait de la vitalité de la sexualité des garçons de 19 ans. Cela me semble étonnant parce qu’il a 19ans et il n’a donc pas de point de comparaison. Une telle analyse ne requiert-elle pas un peu plus de maturité et plus et de retour d’expérience?
    PS: tu écris un épisode en deux semaines?  Ça fait un rythme soutenu. Est ce qu’il arrive d’avoir des regrets sur certain choix

    Celio

    26/09/2020 21:19

    Je croyais que tu le trouvais chiantJ’aime bien quand Jerem lui en met plein la gueule

    Chris-j

    26/09/2020 20:38

    Si ça fait du bien à Nico, je suis pur 3 
    Si c’est pour le torturer encore un peu plus, snifff    

    Alex

    26/09/2020 20:32

    Stp ?

    Alex

    26/09/2020 20:31

    3 !

    fab75du31Auteur

    26/09/2020 19:20

    2 ou 3

    Celiio

    26/09/2020 17:07

    Il reste combien d’épisodes pour la saison 2

    Chris-j

    26/09/2020 13:12

    Les réflections de Hardy ressemblent à celles de Nico au moment ou il réalise qu’il va perdre Jérém.

    Celui qui a peur de ne jamais être aimé est attiré par celui qui a peur d’aimer. Et celui qui a peur est attiré par celui qui 
    représente le danger, mais quand la peur est trop forte et la tension insupportable, Jérém se met en boule comme un
    hérisson. 
    C’est pour ça que je ne pense pas que ce soit la pression sociale qui inhibe Jérém. L’intégration au sein du club de rugby 
    est un problème car il a les pieds sur Terre et, c’est la voie qu’il a choisie. Il y a des sacrifices à faire. Est ce que c’est 
    suffisant pour déterminer son attitude vis à vis du petit Nico? Ou est ce qu’il se sert du rugby pour se défendre de Nico. 

    L’histoire que j’ai lu jusqu’à présent est celle là… 

    Dès les premiers épisodes, Jérém ne nourrit aucune anxiété quant à  sa sexualité, il pourrait baiser mecs ou filles sans se 
    remettre en question. Il se sert du sexe pour se prouver qu’il est dominateur. On ne peut même pas dire qu’il est clivé, car
    tout ce qui est de l’ordre des sentiments n’existe pas. C’est un tabou, ce qui suffit à montrer que c’est là qu’il est vulnérable. 
    Dès le 7ème épisode, on comprend que les mecs ne le laissent pas indifférent, mais il s’agit de fantasmes sexuels qui ne le 
    remettent pas en question. Il se pense protégé par ses conquêtes féminines qui prouvent aux autres qu’il est hétéro. Il veut 
    qu’on lui foute la paix mais il n’est pas angoissé à l’idée de se taper des mecs. Il ne faut pas oublier que C’est lui qui initie 
    Nico à la sexualité.
    Je me suis rappelé de nombreuses scènes ou il n’est pas gêné qu’on le voit avec Nico. Nico se pointe dans son appart, quand
    il est avec une fille, ils partent ensemble, en voiture devant tout le monde, une meuf les traite de PD, il s’en fout. 
    Très vite, on comprend que ce qui se passe avec Nico, n’est plus dans ses habitudes. 
    Jérém ne commence à flipper, que quand il découvre qu’il ressent quelque chose pour Nico, et ce quelque chose, lui fait peur. 
    Dès ce moment, il fait tout pour étouffer cette chose qu’il ne sait pas nommer et dont pourtant, il n’arrive plus à se passer.
    On pourrait mettre sur table des éléments pour savoir si il a peur «devenir pd», ou si il a peur d’aimer Nico. Les 2 vont ensemble
    et aujourd’hui on appelle ça découvrir son « identité sexuelle ». 
    Mais, même de plus en plus lié à Nico, il ne pas rase pas les murs. Il lui fait une scène en pleine rue, à Campan, il se montre avec
    lui. Et quand il se laisse enculer et il ne s’en porte pas plus mal. Ce n’est que 5 mois après le « début de leurs révisions ». Ce n’est 
    rien à l’échelle d’une vie. Tous ces éléments bout à bout ne dressent pas le portrait d’un timoré qui a peur. Il a quand même été
    jusqu’à faire un « coming out » devant des gens qui le connaissent. C’est plus engageant que devant des inconnus.
    C’est vis à vis de son père qu’il ne s’assume pas. Il faut tout lire pour repérer les rares mentions de ce père. Le rejet que Jérém 
    anticipe est sans appel. Il a peur des sentiments et il a peur de décevoir son père. 
    il y a une mise en place les éléments qui valident l’histoire sur un plan psychologique, y compris le contexte familial des deux garçons.
    Ensuite le récit s’est enrichi de flash back qui tissent d’avantage le lien entre Jérém et Nico A la fin de la partie Campan, on réalise que 
    Jérém a capté Nico au premier regard.  

    Quant à Nico, au début, il est fasciné de découvrir sa sexualité grace à Jérém. Il n’est pas farouche, il apprend vite. 
    Il accepte avec délectation le rôle soumis que Jérém lui impose et il adore. C’est même ce qu’on pourrait appeler affectueusement un 
    « petit cochon ». Il n’a peur de rien, il propose. Il ne sait pas encore qu’il aime Jérém, il faut attendre le 6 ou 7è épisode. C’est à partir
    de là qu’il commence à « harceler » Jérém pour obtenir plus que du sexe. Il est le reflet inversé de Jérém. 
    Ce qui est aussi craquant dans sa personnalité, c’est qu’il n’est pas séducteur. Même quand il va voir Jérém à Campan, il ne pense pas
    à l’eau de toilette, c’est Julien qui s’en charge. Nico séduit en convaincant.

    Les relations passionnelles sont des mirages mais rien ne prouve qu’elles finissent mal. Une fois le brouillard dissipé, 
    il peut y avoir  de la haine, du désintérêt, mais aussi de l’amitié, de l’amour. 

    J’avais dit que je n’écrirai plus sur ce chapitre… C’est que j’ai besoin d’écrire pour savoir ce que je pense, ça m’aide.  

    Chris-j

    25/09/2020 21:40

    Ils sont tous les deux balance. Anniversaires fin septembre et début octobre

    Jean

    25/09/2020 16:35

    Ce que dit Hardy est très intéressant, on dirait que ça colle assez bien avec la personnalité de Nico. On peut déceler dans ses confidences une forme d’hysterie, ou similaire. Elle ne lâchera pas d’un os l’amant qu’elle s.est choisi, qu’il soit d’accord ou pas, ce n’est pas le problème, du moins ce n’est pas le sien…
    c’est l’amour oppressant et forcément ça me ferait fuir.
    s’agissant de Jerem et Nico, ils sont jeunes et beaux, alors ça peu faire rêver à un idéal romantique.
    Si Jeremy ne relançait pas Nico, tout s’arrêterait. lui aussi est ambigu, c’est ce qui les rapproche. Tout les deux sont dans le même bateau, La situation est plus facile pour Jeremy qui sait que Nico s’accroche. Il peut plus facilement jouer l’indifférent. Mais si Nico se résigne et lache l’affaire, que ferait-il
    Nico ne serait-il pas capricorne?

    Chris-j

    24/09/2020 21:16

    bien sur, tu en doutais, je ne lis pas par masochisme LOL , je suis plutôt inquiet que Jérém fasse trop de mal à Nico , donc à l’inverse de Albert, je ne me verrais pas l’encourager à persister. Mais c’est peine perdue, dans son état, on ne voit pas clair. En raison del’écriture pas épisodes, il faut remonter à 2018, donc on oublie ép 55: « Un pas, un seul pas Nico : tu enjambes la barrière, et tu fermes les yeux ; un pas encore, un toutdernier, et toute cette souffrance qui te déchire de l’intérieur et qui t’étouffe va cesser tout de suite et à tout jamais ».Au cas ou la vidéo est suspendue :  Un amour fou? c’est aimer d’une manière trop inconditionnelle, trop absolue, peut être trop basée sur l’attraction physique. (ricanements) C’est être entièrement suspendu à l’autre, entièrement dépendre des humeurs, des désirs, des non désirs de l’autre, entièrement dépendre de sa présence, deson absence, c’est comme si l’autre était la vie et que sans lui, on meurt sur placeJe ne sais même pas si c’est de l’amour, c’est un besoin, on vit en fonction de sonbesoin, on ambitionne de tout faire, de tout lui donner mais en fait c’est pour calmer son besoin à soi… Françoise Hardy 1997   

    Chris-j

    24/09/2020 21:08

    J’ai peur que Fabien pense que je n’aime pas son Nico alors que c’est tout l’inverse. J’ai un regard
    distancié sur des choses qui font écho. Si tout le monde peut tomber amoureux, tout le monde ne le 
    vit pas comme lui le vit, loin, loin de là. Alors j’ai téléchargé ce passage ou Françoise Hardy
    s’exprime. Ca me parait plutôt à propos. J’espère que Youtube ne va pas supprimer la video trop vite

    https://youtu.be/wBzOta6L730

    Jean

    24/09/2020 19:17

    Hysterie c’est fort pour décrire la colère de quelqu’un qui n’obtient pas ce qu’il veut. Soit il croit Jeremy et ses promesses et il fait un caprice comme un enfant en rage. Si il n’y croit pas, il cherche à passer en force pour imposer une relation en fermant les yeux sur ce qu’il refuse d’accepter. C’est un comportement agressif.
    mais l’autre n’est pas clair non plus. 

    jean

    24/09/2020 18:09

    C’est l’impasse et le dénouement qui se profile risque de ne pas faire les affaires de Nico. Comment rebondir pour une troisième saison, le pari d’une suite est risqué.
    PS : Nymphomane c’est trop. Disons qu’il ne réfléchit pas qu’avec la tête  On peut se demander si Jérémy ne sert pas de garde fou, et qu’il pourrait basculer. Il n’ose pas.

    Chris-j

    24/09/2020 07:55

    Par rapport à l’histoire ou si on était dans le réel?  Dans la fiction, je ne veux pas du tout que Jérém laisse Nico. J’aimerais qu’ils soientensemble parce que cela donne lieu aux plus belles pages. Les mieux écrites, les plussolaires, poétiques, drôles. Ils sont très beaux ensemble. La force de l’un vient en aide à l’autre. Ainsi, ils peuvent restés comme ils sont sans avoir à s’endurcir. C’est un lienqui uni deux garçons vulnérables qui n’ont pas peur l’une de l’autre. Le texte donne des éléments biographiques du coté de Jérém pour qu’on puisse se faire une idée du pourquoi. Pourquoi Ourson, pourquoi cette mélancolie tranquille quand il regarde Nico … C’est mon sentiment et ce n’est pas une affirmation. Par contre, si le deal, c’est que pour 5 jours du modèle Campan, il faut se taper 360 joursdu modele Jérém cyclothymique, alors non. Je trouve que Nico est mal entouré par desgens, comme Albert, qui lui conseillent de subir « l’enjeu c’est garder ce garçon ». Ils sont malades! C’est pas comme ça qu’on aide quelqu’un qui va mal. J’attends aussi lemoment ou Nico dira à Jérém, « je t’aimais, j’avais confiance en toi et tu m’as fait mal, j’ai cru que j’allais en mourir, alors vas te faire foutre connard! » Dans le réel, l’épisode Campan à montré Jérém sous un jour tellement craquant, qu’on nepeut pas ne pas vouloir d’un type comme ça. Un mec aussi beau et qui cache une personnalitésolitaire, riche et avec un regard tendre et bienveillant sans être niais. C’est top, en tout cas pourmoi. A coté de ça, Nico a été très décevant. Il ne regardait Jérém que pour y trouver un miroir flatteur de sa propre image. Il surréagissait à tout, il regardait ses muscles, ses slips. Je me disaisque Jérém n’aimerait pas ce que Nico a dans la tête. C’est flatteur un petit moment mais après,on se dit que le mec n’est pas fiable. Dans la vie, il y a un moment pour tout. Si on est excité àla moindre occasion, c’est qu’on est confus.Donc dans le réel, je crois qu’ils n’ont rien à faire ensemble, sauf baiser et Bordeaux-Paris, c’est un peu eloigné pour que ce soit un rituel sympa. J’avais dit que j’allais écrire moins, donc j’arrête là LOL

    Celio

    23/09/2020 22:09

    @chrisjZuzu sort de ce corpsTrès bonne analyse au bistouriLe Nico n’aime que lui et la bite Je pense que Jerem devrait laisser Nico et toi

    Chris-j

    23/09/2020 19:42

    Quand je dis que certains comm sont à côté de mes intentions ça n’a rien de péjoratif. Ça veut juste dire que parfois certaines
    analyses affrontent des aspects auxquels je n’avais pas pensé ou prêtent des intentions à mes personnages auxquelles je n’avais
    pas pensé. Mais c’est enrichissant de lire ces commentaires car ce sont pour moi un peu comme un miroir qui m’oblige à regarder
    mon travail sous un autre angle. C’est enrichissant et parfois inspirant

    Je n’avais pas compris la formule, sous cet angle positif. 

    Comme quoi, tout est question d’angle de vue, même pour les commentaires. J’ai tendance
    à rechercher si les actions des personnages correspondent à ce qu’ils disent faire. C’est comme
    dans la vie, il y a parfois un gouffre entre ce que l’on est et ce qu’on croit être de bonne foi. 
    Je me montre sans doute trop dur avec Nico, qui a une vision de l’amour très normative et
    lui-même n’est pas forcément raccord avec ce qu’il attend de Jérém.
    Il n’a que 19 ans, il calque un idéal de vie sur un mec qui n’est pas fait pour ça. Il va dans le mur. 
    Mais il a le potentiel d’intelligence et de sensibilité pour être un super mec.  Si il admet qu’il est
    déçu par la lâcheté de Jérém, qu’il cesse de le regarder comme un Dieu, il le verra mieux.
    L’aimera t-il toujours? Je pense que oui. 

    Jérémie est conscient et ce qu’il fait, je ne doute pas qu’il prend sur lui, mais sur la forme, c’est
    brutal. Quand Jérém est revenu vers Nico, celui-ci remontait la pente courageusement et seul.
    Jérém devait savoir qu’il jouait avec le feu, mais ses sentiments ont été les plus forts. Il était très
    amoureux, mais est ce qu’-il l’est encore? Parfois, j’en doute. Il s’est montré trop hostile, indiffé-
    rent, c’est un jeu dangereux. 

    Je pense, peut être naïvement que Jérém s’auto-manipule pour avoir la vie dont il rêve. Quand
    on manipule, on est faux avec les autres. C’est pour ça qu’il n’est pas « un bon gars ».
    Même avec Thibaut il a été salaud. C’est « moi d’abord », sauf peut être sur un terrain de rugby. 
    Nico, en toute innocence, aime la panoplie du faux Jérém mais il s’adresse au vrai, que personne
    ne connaît, peut être même pas l’intéressé. 
    Jérém ne sait sans doute pas ce qui le pousse à agir, par contre, il sait qu’il a de l’ascendant sur
    Nico, qui n’est pas assez adulte pour encaisser. 

    Qu’il aille donc se faire sauter par Ulysse ou par n’importe qui, mais au fond, j’espère que la vie
    se chargera de lui faire comprendre à son tour, ce que c’est que d’être traité sans égards. 

    Yann

    23/09/2020 18:16

    Il y a plusieurs façons d’appréhender cette histoire : par ce que Fabien veut bien nous révéler et par la psychologie des personnages.
    Comme tout lecteur je réfléchi à l’intrigue. Dès les premières phrases du premier épisode le tableau est posé : Nico a vécu une histoire avec Jerem au début des années 2000 et il décide en 2019 « après tant d’années que leurs vies ne marchent plus ensemble » de la raconter. L’intrigue de l’histoire c’est la question que tout le monde se pose : pourquoi ne sont-ils plus ensemble et que s’est-il passé.
    D’un coté j’ai envie de trouver et de l’autre je serais déçu si je trouvais avant la fin car je perdrais en partie le plaisir du suspense que Fabien entretien. Je ne suis pas de ceux qui lisent d’abord la fin d’un bouquin. Juste une chose Fabien, en disant qu’on est à coté de la plaque tu fermes des portes et donc pour les lecteurs tu restreints le champ des possibles à ton intrigue. Même si ce champ est, j’imagine, assez vaste ne dit rien, laisse nous « mijoter » et supputer avec nos commentaires lol. Et puis peut être que de nous voir complètement « à l’ouest » de ce que tu as imaginé cela te fait sourire et mesurer combien ton histoire est bien ficelée.
    Le titre de l’histoire c’est Jerem & Nico racontée par Nico. Si Jerem quitte Nico celui-ci n’a donc plus rien à raconter et l’histoire est finie. Je pense donc que cette période de turbulence ils vont la traverser comme celle qui a précédé Campan avec probablement des bleus à l’âme. J’ignore combien d’épisodes il reste avant la fin de l’histoire. C’est d’ailleurs une particularité car, avec un bouquin, on voit le nombre de pages qui reste à lire alors que là on ne sait pas à combien on est de la fin.
    Un roman c’est comme un tableau ça doit rentrer dans un cadre et l’auteur ne peut ou ne veut pas, selon l’idée qu’il suit, tout y mettre. En ce qui concerne les parents de Jerem Fabien en parle dans l’épisode 14-1. Jerem et Thibault ont grandi ensemble. A 10 ans la mère de Jerem l’a abandonné lui, son frère et son père qui a ramené une femme pour qui Jerem et son frère « n’étaient que des boulets ». Il a beaucoup manqué d’affection durant son enfance mais surtout « L’abandon et l’hostilité des femmes ont ainsi marqué son enfance ». Le père de Nico n’a joué jusque là qu’un tout petit second rôle. Sur la psychologie des personnages on peut dire beaucoup de choses et se tromper car on en sait plus en effet sur Nico que sur Jerem puisque c’est Nico qui raconte. Il y a les quelques passages récents sur les réflexions de Jerem qui nous en apprennent plus. C’est pour cela que je proposais à Fabien un passage sur comment Jerem a vécu la première fois où il a demandé a Nico de le prendre. Car la question sur sa sexualité reste posée. Est-il hétéro, homo ou bi ? Si l’on fait abstraction de ce qui c’est passé avec Thibault ou son cousin Guillaume il n’a vraiment connu que Nico au plan sexuel. Mais là je laisse le clavier à Fabien qui est seul à décider.
    Pour moi l’histoire vue du coté de Jerem elle est en trois grandes parties.
    –       Celle de la rue de la Colombette où Jerem découvre une expérience nouvelle : le sexe entre garçons avec Nico. Puis au fur et à mesure que leur relation s’affirme le trouble s’installe en lui sur sa sexualité quand il découvre que, ce qui au début n’était que du sexe, est devenu autre chose et il y a cette phrase souvent répétée : « je ne suis pas PD » qui reste comme une énigme. Viens ensuite le clash avec Nico. A ce stade mon attachement se porte sur celui qui souffre donc Nico. Je reste sur ma position même si on peut trouver, ça et là, quelques détails qui contredisent mon point de vue. Nico est introverti et possessif, Jerem est extraverti mais sous son coté mec viril il cache une fragilité peut être peut être vis-à-vis du manque d’amour maternel et du rejet de sa belle mère pendant son enfance
    –          La seconde partie c’est Campan. Jerem à pris conscience de ce que Nico représente pour lui ; c’est quand même lui qui rappelle Nico pour qu’il vienne le rejoindre. Il semble enfin s’accepter au point de faire son coming out avec ses amis. C’est aussi lui qui demande à Nico de le prendre pour découvrir cet autre coté de la sexualité entre garçons. C’est la période sexe et sentiments et Jerem remonte doucement mais surement dans mon attachement car Nico n’est plus un simple « objet » pour son plaisir.
    –          La troisième période c’est : l’éloignement Paris Bordeaux. Jerem a changé, il passe devant Nico dans mon attachement ; je suis toujours du coté de celui qui souffre et il affronte une situation difficile. Il reste calme et il est honnête avec Nico (peut être à sa façon mais je le crois sincère). D’un autre coté il pourrait baisser dans mon attachement s’il ne fait rien pour rencontrer Nico car comme je le pense depuis le début, il a des possibilités comme par exemple dire qu’il va voir sa copine pour retrouver Nico. Autre possibilité, comme je le disais aussi et je le pense toujours, Jerem peut faire son coming out, simplement il lui faudrait un déclencheur. J’avais fait une suggestion assez légère avec Ulysse qui a fait rire mais on peut trouver plus élaboré comme exemple : Léo au cours d’un match tient des propos homophobes sur un joueur gay. Il se fait exclure et se trouve lâché par les autres de l’équipe, ce qui met Jerem en confiance. Ce ne sont que des exemples et je ne compte pas écrire à la place de Fabien. L’homophobie est certes présente dans le sport collectif c’est indéniable mais c’est un peu comme pour les trains : on parle que de ceux qui arrivent en retard et jamais de ceux qui arrivent à l’heure. Levis Davis a fait son coming out et je pense qu’il doit y avoir des joueurs qui, sans le crier sur les toits, ont révélé à leur co-équipiers qu’ils sont gay sans que ça leur porte préjudice. C’est vrai que l’histoire se passe en 2000 mais la littérature comme le cinéma ont souvent pris le devant sur les choses pour les faire la société et les mentalités. 
    QuaQuant à Nico il est trop possessif et trop « hystérique » à un moment où il faudrait du sang froid pour regarder les choses en face.
    Qua

    fab75du31Auteur

    22/09/2020 22:10

    Toujours plaisant de lire chacun d’entre vous

    fab75du31Auteur

    22/09/2020 21:19

    Quand je dis que certains comm sont à côté de mes intentions ça n’a rien de péjoratif. Ça veut juste dire que parfois certaines analyses affrontent des aspects auxquels je n’avais pas pensé ou prêtent des intentions à mes personnages auxquelles je n’avais pas pensé. Mais c’est enrichissant de lire ces commentaires car ce sont pour moi un peu comme un miroir qui m’oblige à regarder mon travail sous un autre angle. C’est enrichissant et parfois inspirant

    Chris-j

    22/09/2020 19:39

    30 minutes de temps de lecture pour un épisode qui demande surement beaucoup
    de temps d’élaboration et d’écriture. Mon commentaire est trop long, j’aurais aimé 
    synthétiser plus, mais je ne sais pas faire. 

    Depuis que je sais que certains commentaires sont « à coté », je me pose la question
    de la compréhension. Et si je n’avais pas compris l’essentiel? Pour la première fois,
    j’ai l’impression que jusque là, j’ai lu une autre histoire que celle qui nous est racontée.
    L’amour de Jérém et Nico est mis à mal en raison de l’homophobie qui règne 
    dans le sport et la société. Après avoir tenter de surmonter sa peur d’être 
    démasqué, Jérém renonce à Nico. C’est le prix à payer pour poursuivre une 
    carrière dans le rugby.

    Pourtant il me semble qu’en France, les joueurs de rugby ne sont pas des célébrités
    reconnues et harcelées dans la rue et c’est encore plus vrai pour les espoirs.
    Pour rester discret, si Jérém l’avait vraiment voulu, il aurait trouvé des astuces. Mais
    non, il pousse même la discrétion jusqu’à ne pas communiquer par téléphone.
    Je ne pense donc pas que le rugby puisse être la seule raison justifiant le revirement
    de Jérém. D’ailleurs son attitude fuyante ne date pas de son installation à Paris. 

    Dans cet épisode, on retrouve la phrase de Jérém sous la Halle de Campan :
    « Je n’ai pas le choix, Nico… Paris c’est loin, et là-bas ça va être impossible de vivre ça… »
    lorsqu’il prononce ces mots, il n’est pas encore en état de jauger l’exacte pression
    qu’il subira dans son futur club, ni envisager la présence déstabilisante d’un Léo.
    Il y a eu aussi, le moment où il rassemble ses anciens coéquipiers pour remonter
    le moral de Thibaut. Nico est de la partie, alors que les autres joueurs le connaissent
    à peine et qu’ils ne savent pas ce qu’il fait là … Il était alors assez sur de lui pour ne
    pas s’angoisser pour sa réputation.
    Une, ou d’autres raisons sont peut-être à trouver dans les chapitres consacrés à
    Jérém, à sa psychologie et à l’évocation de son enfance. A aucun moment, je 
    n’imagine Fabien nous parler du père et de la mère de Jérém sans avoir un dessein 
    précis. Je comprends, en revanche, que c’est un matériel délicat à exploiter dans 
    une fiction. 
    A Toulouse, Jérém paniquait déjà (secrètement) à l’idée de la séparation et la distance
    d’avec Nico (merci Thibaut). Est-ce qu’il appréhende à ce point la séparation et que
    cela explique son incapacité d’alors, et d’aujourd’hui à gérer la situation.
    Si c’est ça, d’où cela vient-il ?

    « On ne sait jamais quelles surprises nous réserve le passé ». Françoise Sagan

    Face à Jérém il y a Nico… Alors, si le motif de la « pause » n’est pas entièrement
    lié au rugby, ou aux fantômes du passé, il reste Nico…. Jérém, peut-il soudain le
    trouver encombrant, voir décevant…

    Pour être clair, et sans vouloir froisser personne, je reconnais que je le trouve de plus
    en plus chiant! Je l’ai toujours vu un peu comme ça, et cela fait partie de son charme. 
    Un peu chiant, c’est mignon, mais depuis quelques épisodes, comme l’écrit Célio; 
    « il a disjoncté ».
    Il aime être écouté, conseillé, apaisé, distrait, il attend de ses relations amicales 
    qu’elles servent de rustine à son vague à l’âme. Il se montre vulnérable et on a envie 
    de le protéger. Thibaut, Elodie, Julien et même Benjamin le trouvent touchant. Sa 
    naïveté se retrouve dans sa croyance qu’il lui suffit d’offrir de l’amour pour le faire 
    naitre et durer. L’amour est un concept vague, difficile à appréhender. 
    Est-ce que cela consiste à faire de Jérém le détenteur de la clé de son bonheur et par
    conséquence, de son malheur ? Lourde responsabilité pour le gardien. 

    Quand on donne de l’amour, encore faut-il savoir si l’autre en demande et pour 
    ça, il faut le connaitre, être à son écoute. Nico a laissé passer une chance de bien
    connaitre Jérém, mais à Campan, il préférait le faire parler de Nico !!!!
    Imaginez un mec qui vous demanderait avec insistance: 
    « Qu’est ce que tu aimes chez moi? ». 
    Il n’a cherché, ni à connaitre son histoire et encore moins à comprendre son étrange
    personnalité. Aider Son Mec à mettre des mots sur des émotions toujours verrouillées,
    c’est un beau rôle quand on aime quelqu’un. 

    Mais il préfère le sexe. Même quand Jérém lui fait partager sa passion des chevaux,
    il regrette de ne pas être resté à faire l’amour. Je finis par croire que ce mode 
    relationnel lui suffit. C’est celui qui le rassure et par lequel il mesure l’amour que son
    copain lui porte. Cette réalité qui affleurait à son esprit, après sa rencontre avec 
    Stéphane, lui apparaissait comme problématique. Chassez le naturel, il revient au galop.
    Quand il pense à sa relation avec Jérém, il pense encore « couple ». Ca laisse songeur.

    Voilà les réflexions qui me sont venues en lisant une première fois ce 38ème épisode
    Pour recentrer plus précisément, mon passage préféré est le dernier appel que Nico
    passe à Jérém. 
    Nico, qui a préparé cette « confrontation » avec des armes qu’il juge efficaces, assiste 
    sans trouver la parade à la débâcle. Toutes ses lignes de défenses cèdent et quand il
    a renoncé à toutes ses demandes, il comprend qu’il a tout perdu. Etre le témoin
    impuissant d’un tel désastre ne prête pas à sourire. 

    « Tu es spécial, tu seras toujours mon Ourson ». 
    C’était joli à entendre mais maintenant, cela prend un autre relief. Il semble vouloir 
    dire que Nico est une rencontre déterminante et qu’il ne l’oubliera jamais, mais qu’il 
    lui donne rendez-vous plus tard, peut être même dans une autre vie. 
    Une pause imposée, avec de la détermination, ressemble à une rupture. Comme si, 
    il ne servait à rien de faire de la réanimation sur une relation qui ne se manifeste plus 
    que par la frustration et des reproches qui vont en s’amplifiant. 

    Dans l’épisode précédent, Jérémie déclare :
    « Tu peux penser ce que tu veux, que je suis lâche, que je n’ai pas de couilles, que je suis un connard. »
    Jérémie aime être admiré, et il a cessé d’être admirable à ses propres yeux.
    Nico a laissé dire… sans infirmer. Plus tard au téléphone, Nico en rajoute en
    s’attaquant au rugby, ou en caricaturant Jérém comme un hétéro de facade.
    Jérém ne réagit pas. Pense-t-il recevoir le juste retour pour ce qu’il fait endurer
     à Nico, maintenant ou avant, au lycée.  Si Nico voulait le pousser dans les bras 
    d’Ulysse, il ne s’y prendrait pas autrement.

    Alors, même si d’instinct, Nico connait le vrai Jérém, il ne sait peut être pas
    que certaines personnes ne souhaitent pas qu’on les aime pour ce qu’elles sont. 
    Elles veulent absolument être aimées pour l’image qu’elles renvoient
    d’elles mêmes.

    Cette pause est appelée à durer, sauf à être inconséquent, Jérém ne va pas 
    changer d’avis en un épisode. Le fait de les séparer géographiquement
    condamnait leur relation à être épisodique et susceptible de se déliter à 
    brève échéance. A part une situation de souffrance, je ne vois pas bien
    ce qui pourrait ramener Jérém vers Nico. 
    D’ici là, Nico va peut être sortir de son cocon et surmonter cette épreuve,
    comme il l’a déjà fait une fois.
    A force d’agir comme un Empereur Romain qui d’un geste, décide de l’avenir
    de Son Nico, Jérem montre une facette de lui qui est assez glaçante. 

    Yann

    22/09/2020 18:25

    Très beau texte de circonstance extrait du livre « l’amour sans le faire » de Serge Joncour que je veux vous faire partager.
    Ne pas pouvoir s’aimer, c’est peut-être encore plus fort que de s’aimer vraiment, peut-être vaut-il mieux s’en tenir à ça, à cette très haute idée qu’on se fait de l’autre sans tout en connaître, en rester à cette passion non encore franchie, à cet amour non réalisé mais ressenti jusqu’au plus intime, s’aimer en ne faisant que se le dire, s’en plaindre ou s’en désoler, s’aimer à cette distance où les bras ne se rejoignent pas … une distance qui permet tout de même de chuchoter, mais pas de cri, pas de souffle, pas d’éternité, on s’aime et on s’en tient là, l’amour sans y toucher, l’amour chacun le garde pour soi, comme on garde à soi sa douleur, une douleur ça ne se partage pas, une douleur ça ne se transmet pas par le corps, on n’enveloppe pas l’autre de sa douleur comme on le submerge de son ardeur. C’est profondément à soi une douleur. L’amour comme une douleur, une douleur qui ne doit pas faire mal…. On ne tient plus à l’autre, mais on tient par l’autre, et là, c’est beaucoup plus délicat, ça demande une énergie folle de se déprendre, ou de la haine pure, à moins de miser sur l’événement d’une nouvelle rencontre, celle qui redonne la folie de recommencer à zéro.

    gebl

    21/09/2020 22:52

    On  redoutait , c’est fait, c’est beau, c’est triste . Comment va se construire Nico, comment va -t-il intégré cette tranche de vie dans celles qui vont suivre

    Yann

    21/09/2020 17:33

    S’il y a encore quelque chose à sauver, c’est en gardant le lien qui leur reste de se parler à distance par texo ou téléphone qu’ils y parviendront. Il ya aussi le sexe par téléphone ils connaissent. Pour cela il faut que Nico prenne sur lui de ne pas faire une scène chaque fois  que Jerem lui parlera et que Jerem passe sous silence ses aventures pour faire illusion à ses potes.  C’est par ce lien que le manque qu’ils ressentent l’un pour l’autre peut sauver ce qu’il reste à sauver. Je suis un romantique, je sais que l’histoire fini mal, c’est écrit dans le premier épisode mais je ne peux me résoudre à croire que ce sera comme cela ; j’ai cette intuition depuis un certain temps mais je peux me tromper …. 

    Celio

    21/09/2020 13:06

    Merci pour ce nouvel épisode. On s’attendait à ça

    Yann

    20/09/2020 14:08

    Qu’un couple se sépare parce que l’amour s’en va c’est triste mais il n’y a pas d’autre solution.
    Même si Jerem et Nico ne sont pas encore séparés, ce qui rend l’histoire plus triste encore c’est que l’amour est toujours présent et que ce qui les éloigne c’est  pour Jerem la peur d’être confronté à une atmosphère hostile, au sentiment de rejet s’il est identifié comme homo par ses partenaires.
    Sortir du placard c’est prendre le risque d’être discriminé. Ce dilemme a été comparé lors d’études sur le sujet dans le sport collectif à celui du dilemme du prisonnier.
    Révéler son homosexualité c’est risquer de subir des comportements homophobes, la taire, c’est se hasarder à n’être jamais reconnu comme tel et vivre dans la clandestinité au plan social, psychologique et culturel. Des études montrent que la grande majorité des homosexuels interrogés n’affichent pas leur préférence sexuelle et n’en parlent pas, soit parce qu’ils ont peur, soit parce qu’ils considèrent que cela relève de la vie privée, alors que les hétérosexuels ne font aucun mystère de leurs relations amoureuses, de leur mariage, de leurs sorties avec les amis et échappent aux questions relatives à la sexualité.
    L’autre problème c’est que pour les clubs sportifs, l’homosexualité n’est pas un sujet du fait que les joueurs ne sortent pas du placard et donc les mentalités mettent du temps à changer.

    Chris-j

    20/09/2020 13:16

    Sans surprises ni miracle de dernière minute. C’est triste pour Nico.

    Alex

    19/09/2020 18:41

    Chialade… pardon j’ai pas d’autres mots pour le moment

  • JN0237 … Jusqu’à ce que l’orage éclate.

    JN0237 … Jusqu’à ce que l’orage éclate.

    0237 … Jusqu’à ce que l’orage éclate.

    (Il y a quelques jours Jérém&Nico a fêté ses 6 ans. Merci à vous tous pour votre fidélité et votre soutien. Fabien).

    Après cinq semaines pendant lesquelles Jérém n’a jamais voulu que j’aille le voir à Paris, j’ai fini par débarquer chez lui par surprise. Mais une fois à l’appart, j’ai dû faire face à son hostilité et à sa distance. Mais aussi à des appels répétés sur son portable auxquels il n’a jamais voulu répondre. Ce qui m’a rendu suspicieux, inquiet, et m’a valu une nuit très difficile.

    Le samedi matin, à cinq heures pétantes, Jérém disparaît dans la salle de bain. Très vite, l’air du petit appartement est saturé par une délicieuse fragrance de gel douche. A 5h15, habillé d’un jeans et d’un simple t-shirt blanc terriblement sexy, les cheveux encore humides, il fait chauffer son café.
    Même si je sais que ce n’est vraiment pas le moment, j’ai très, très, très envie de lui sauter dessus.
    « Bonjour » je lui lance.
    « Bonjour » il lâche sur un ton monocorde.
    « Tu as bien dormi, p’tit loup ? ».
    « Ouais ».
    Je le regarde boire son café et fumer en même temps. Il a l’air stressé au possible. Je voudrais trouver les mots pour le booster comme sait si bien le faire Ulysse, mais je ne sais pas vraiment par où commencer. A force de me dire que je ne capte rien au rugby, Jérém a fini par me décourager de tenter de l’encourager. J’ai l’impression que tout ce que je lui dirais sonnerait affreusement faux.
    J’espère vraiment que ce match va bien se passer. Je stresse avec lui.
    J’aimerais bien y assister. Je voudrais suivre le jeu de mes propres yeux, m’assurer que tout se passe bien, minute après minute. Bien sûr ma présence ne changerait rien. Mais ça me rassurerait. Et j’aimerais aussi pouvoir croire que ma présence et mon support seraient capables d’encourager Jérém et lui faire oublier un peu son stress.
    « J’aimerais bien te voir jouer » je finis par lancer de but en blanc.
    « Et comment ? Je ne vais pas t’amener dans mon sac ! ».
    Ah bah, voilà une idée qui serait la bonne, moi chaton blotti au milieu de ses fringues, de son gel douche, de son déo, bercé par ses bonnes petites odeurs mâles. Voilà une idée du bonheur !
    Blagues à part, je sais que je ne pourrai pas suivre mon Jérém en déplacement à Périgueux et assister au match. Mais j’aimerais bien savoir si, au-delà de l’aspect « discrétion », ça lui ferait plaisir que je sois au bord du terrain comme la dernière fois.
    « N’empêche que j’avais bien aimé venir au match la dernière fois, et j’aimerais bien te revoir jouer » j’insiste.
    « Et moi j’aimerais surtout que le match se passe bien et sans que je fasse trop de conneries ».
    Jérém, ou l’art de botter en touche. J’en déduis que je ne suis pas près de le revoir jouer.
    « Oui, je te souhaite que ça se passe pour le mieux » je lui lance, tristement.

    [Au fond de lui, Jérémie aimerait bien qu’aujourd’hui Nico soit là, près du terrain, comme la dernière fois. Car sa présence lui donne de l’énergie. En présence de Nico, Jérémie ressent une motivation supplémentaire pour donner le meilleur, c’est celle d’impressionner ce petit gars.
    Peut-être qu’il y aurait un train du matin qui pourrait conduire Nico à Périgueux à temps pour le match. Mais ce n’est pas possible. Il ne veut pas que les gars le revoient, surtout pas Léo. Car si ce dernier recommence à lui casser les couilles, à un moment ou à un autre il va lui casser la gueule, et se faire virer du club].

    Quelques instants plus tard, Jérém se lève, il passe un pull à capuche gris à zip qu’il ferme jusqu’en haut faisant complètement disparaître le coton blanc qui enveloppe son beau torse. Puis, il attrape son sac de sport et se dirige vers la porte d’entrée.
    Je n’arrive pas à croire qu’il compte partir comme ça, sans un mot, sans un bisou, sans rien. J’ai envie de l’appeler, mais je suis tellement pris au dépourvu que ma gorge est comme paralysée.
    Et alors que je me prépare à le voir disparaître comme un voleur, le bobrun se retourne et me lance :
    « Tu peux pas savoir comme je suis en stress. J’ai une boule dans le ventre qui me lâche pas ».
    Son regard est préoccupé, inquiet. Son assurance légendaire a complètement disparu. Jérém est à fleur de peau, et il a l’air tellement perdu, tellement vulnérable. Il est touchant à un point que je ne peux même pas l’exprimer. C’est très émouvant d’arriver à entrevoir, au-delà de ce magnifique et puissant corps d’athlète, l’enfant qui a peur d’échouer. Et le fait qu’il soit prêt à partager cela avec moi me fait carrément fondre.
    Alors, je me lève, je m’approche de lui, je le serre dans mes bras et lui fais plein de bisous. Je glisse mes doigts dans ses beaux cheveux bruns et je caresse doucement sa nuque.
    « Je dois y aller » je l’entends me glisser, comme un soupir.
    « Ça va aller, Jérém ».
    « Je l’espère ».
    « Je penserai à toi toute la journée ».
    « Souhaite-moi bonne chance… ».
    « Bonne chance mon amour ! ».
    « Merci ».
    « Vous rentrez quand ? ».
    « Je ne sais pas, ce soir, pas de bonne heure je pense ».
    « Tiens-moi au courant ».
    « Les clefs sont là » il me lance, tout en ouvrant la porte « il y a du café mais le frigo est vide. Il y a une superette plus haut dans la rue… ».
    Le bogoss s’apprête à faire demi-tour et à partir pour de bon mais je le retiens.
    « Laisse-moi partir ! ».
    Je ne l’écoute pas, je l’attire vers moi, je le serre une dernière fois contre moi, je colle mon front contre son front.
    « Je crois en toi, et je sais que tu vas réussir » je lui glisse à l’oreille.
    Je l’entends pousser un long soupir. J’aime penser que mon câlin et mes mots lui font du bien.
    Un instant plus tard, Jérém se dégage de mon étreinte et se dirige vers sa journée pour de bon.
    « Envoie-moi un message pour me dire comment ça s’est passé ».
    « Ouais ».
    « Bon courage ! » je lui lance, alors que la porte se referme derrière lui.
    Jérém vient de partir et je me retrouve seul dans le petit appart. Le bruit monotone de la pluie semble me parler de la solitude qui m’attend. Je réalise que je vais passer toute la journée sans mon bobrun.
    Mais pour l’heure, j’ai envie de dormir un peu plus. J’ai passé une mauvaise nuit et je n’ai pas envie de me balader dans Paris, et d’affronter le métro, dans cet état. J’éteins la lumière mais j’ai du mal à replonger. Ce n’est qu’après une bonne petite branlette que j’arrive enfin à m’assoupir à nouveau.

    Lorsque je me réveille, il est près de 9 heures. Je suis toujours seul dans l’appart, toujours seul avec les questionnements de la veille. Je me demande toujours qui l’a appelé plusieurs fois la veille. J’ai toujours du mal à croire à l’explication des potes l’appelant pour faire la fête, en sachant que ses potes sont ses co-équipiers et que le réveil matinal est le même pour tous.
    Il faudrait que j’arrive à cesser de penser à ça, avant que ça me pourrisse la journée. Mais je n’y arrive pas. J’ai l’impression que Jérém me cache quelque chose.
    Soudain, quelque chose attire mon attention. Le tiroir de sa table de nuit est légèrement entrouvert. Et il semble me narguer, comme une invitation à aller fouiller dedans. Il suffirait d’un rien pour l’ouvrir un peu plus et entrevoir ce qu’il contient. Il suffirait d’un rien pour fouiller un peu partout dans l’appart.
    La tentation est forte, mais je me retiens. Et pour ne pas céder à la tentation, je décide de partir le plus vite possible. Je sors du lit, je me douche en un temps record, je m’habille à l’arrache. Je ne prends même pas de café.
    J’en prends un dans un bar, et je me lance à la découverte de Paris.
    Mais par où commencer ? Louvre, Orsay, Grand Palais, Sainte Chapelle, Notre Dame (oui, j’ai envie de la revoir), Centre Pompidou, Versailles, Opéra Garnier, Grand Palais, Panthéon, Arc de Triomphe, Montmartre, mais de jour cette fois-ci.
    Je n’arrive pas à me décider. Le fait est que Paris offre tellement de choses à voir ! Mais si je ne tranche pas vite, la journée va passer et je ne vais rien voir.
    Je me dis que je devrais sans doute commencer par les « incontournables », dans la mesure où ils sont aussi des « possibles », par rapport à mon temps disponible.
    Je me laisse guider par mes envies les plus fortes. Et le choix est rapidement resserré autour de deux propositions.
    La raison me dit Joconde, Venus, Victoire, David, Egypte. Bref, le Louvre.
    Mais le cœur me dit Manet, Déjeuner sur l’herbe, Monet, Les coquelicots, Renoir, le Bal au Moulin de la Galette. Mais aussi Degas, Cézanne, Gauguin. Bref, le cœur me dit : Musée d’Orsay.
    Mon cœur trouvant sur l’instant plus d’arguments que ma raison, je choisis de l’écouter. Bien sûr, j’ai très envie de visiter le Louvre, mais je me dis que j’aurai le temps de visiter à d’autres occasions. Du moins, c’est ce que j’espère de tout mon être.
    Dans le métro et dans les rues, la bogossitude du terroir est au rendez-vous. Elle est bienvenue, car elle seule possède le pouvoir de donner un peu de couleur à cette journée grise. Mais comme la veille, je ne suis pas d’humeur pour apprécier le Masculin à sa juste valeur. Car chaque bogoss ou presque, pour un détail ou un autre de sa présence, me renvoie à mon bobrun qui me manque tant.
    En marchant sur les bords de Seine, je me dis que la grandeur du paysage urbain parisien est vraiment impressionnante pour le touriste qui le découvre. Et pourtant, tous ces bâtiments monumentaux dégagent une mélancolie presque palpable lorsque le temps est maussade. Et, a fortiori, lorsque la tristesse habite votre cœur.
    La première fois où je suis venu à Paris, j’ai été frustré de ne pas avoir le temps de visiter. Cette fois-ci, j’en ai. Je devrais m’en réjouir. Et pourtant, ce n’est pas vraiment le cas. Car ce temps je vais le passer à visiter, certes, mais je vais surtout le passer sans Jérém à mes côtés. J’aimerais tellement qu’il soit avec moi !
    Ceci dit, je ne suis pas certain qu’il aurait envie de passer des heures dans un musée, je suis même persuadé du contraire. Mais si Jérém était avec moi, on trouverait autre chose à faire qui conviendrait à tous les deux. Rien que se balader ensemble sur les bords de Seine, ou dans Paris, n’importe où, ce serait génial.
    Dans l’ancienne gare parisienne, les chefs d’œuvre de l’impressionnisme sont présentés dans un écrin grandiose. J’en prends plein les yeux et j’adore. C’est tellement différent de voir ces tableaux en vrai plutôt qu’en photo ! Le cadre fourni par cette magnifique bâtisse, le volume des salles, l’éclairage, le silence, le coté solennel de la présentation, tout contribue à mettre ces œuvres en valeur et à les rendre rayonnantes, vibrantes, presque vivantes.
    Dans les Coquelicots, la dame à l’ombrelle et l’enfant qui l’accompagne semblent vraiment descendre le pré entre les deux points marqués par leur double portrait. Dans la série des « Cathédrales » de Rouen, j’ai l’impression de voir les heures d’une journée, et leurs changements de lumière défiler à grande vitesse. Dans le Bal au Moulin de la Galette, les jeux d’ombre et de lumière semblent vibrer au gré des mouvements du feuillage caressé par le vent.
    Entre deux tableaux, entre deux intenses émotions esthétiques, je pense à Jérém, à son match, à son stress. A midi je lui envoie un message d’encouragement :
    « Merde pour le match ! ».
    J’espère qu’il le lira avant la compétition. J’espère que tout va bien se passer pour lui. Je suis partagé entre une immense tendresse à son égard, et la suspicion, le doute, les questions. Je n’arrête pas de me demander qui l’a appelé toutes ces fois la nuit dernière. Pourquoi il n’a pas voulu répondre devant moi ? Est-ce qu’aujourd’hui, avant ou après le match, il a rappelé ce fameux interlocuteur ?
    Vers 16 heures, je décide de dire au revoir à Renoir et à tous les autres impressionnistes dont l’œuvre m’impressionne depuis l’adolescence. Un autre endroit parisien semble m’appeler. Un lieu que je connais déjà. Un lieu où j’ai été très heureux. Lorsqu’on est triste, on ressent parfois le besoin de revenir sur les lieux qui ont connu un bonheur passé.
    Dans le métro, je me dis que le match de Jérém doit être terminé, ou qu’il va l’être bientôt. Il me tarde de savoir comment ça s’est passé ! J’espère que Jérém va vite me donner des nouvelles !
    A Montmartre la pluie est tout aussi triste que sur les bords de Seine. Je me sens de plus en plus triste. La grisaille est un terreau favorable pour entretenir la morosité qui a pris les commandes de mon cœur en cet après-midi de solitude et d’attente. Même la sortie de Métro de style Liberty semble faire la tête.
    Je prends le funiculaire, je reviens à Montmartre dans l’espoir de retrouver dans ce quartier atypique les sensations d’un soir d’un mois plus tôt où j’ai été si heureux avec mon Jérém.
    Dans les rues, dans les petites places que j’avais parcourues la nuit avec Jérém, tout est gris et détrempé. Les arbres nus ressemblent à des vestiges d’un temps révolu. Les feuilles mortes entassées contre les bordures des trottoirs me font penser aux promesses de mon histoire avec mon Jérém qui semblent ne pas résister au passage des saisons. Nos révisions, le lycée, notre semaine magique, tout cela me semble appartenir à une autre vie. Campan me semble si loin.
    Au détour d’une rue, le son vibrant d’un accordéon me prend aux tripes. Un peu plus loin, c’est le cri d’un orgue de Barbarie qui arrive à remuer ma tristesse et à me pousser au bord des larmes. Au coin d’une petite place, un vieil homme grille et vend des marrons dont l’arôme si particulier et invitant se répand très loin.
    Le jour se fane déjà et dans la ville en contrebas les feux des voitures dessinent un jeu de lumière qui ressemble à une sorte de sang bouillonnant dans les veines d’un monstre fait de pierre, de béton, de goudron.
    La nuit tombe et le froid humide se fait sentir encore plus intensément. J’ai l’impression que cette journée est en train de me glisser entre les doigts, tout comme ma vie. J’ai l’impression que Jérém m’échappe à nouveau, que je vais le perdre à nouveau, et pour de bon cette fois-ci. Mes larmes se mélangent à la pluie fine mais insistante.
    Hélas, sous un ciel de plomb, une pluie insistante, un vent froid et harcelant, je ne retrouve rien du bonheur que j’étais venu chercher.
    Vers 18 heures 30, je redescends à pied les marches qui séparent l’ancien village de la grande ville en contrebas. Je n’ai toujours pas le moindre message de la part de Jérém.
    A l’heure qu’il est, le match doit être terminé depuis un moment. Je commence à m’inquiéter de ne pas avoir de nouvelles. Et je commence aussi à ressentir de la déception pour le fait qu’il n’ait pas pris la peine de m’en donner.
    J’essaie de relativiser en me disant qu’il doit être en train de se doucher ou de prendre un verre avec ses potes. Pourvu que son match se soit bien passé, et qu’il soit dans de bonnes dispositions ! Pourvu qu’il ne rentre pas trop tard, car j’ai hâte de le prendre dans mes bras !
    Avant de descendre dans le métro, je lui envoie un message pour savoir comment s’est passé le match.
    Après lui avoir envoyé, une idée qui me paraît lumineuse traverse mon esprit. Ce soir, je vais lui faire à manger. Comme je le lui ai promis une fois au téléphone. Comme ça, quand il rentrera, il n’aura qu’à mettre les pieds sous la table et se détendre.
    Je vais lui préparer des spaghettis carbonara.
    Cette idée de lui faire plaisir me met du baume au cœur et semble momentanément anesthésier mes inquiétudes. En faisant les courses à la petite superette dans sa rue, et en me disant que mon Jérém ne va pas tarder à rentrer, mon moral connaît une embellie.
    A 19h30, je suis en bas de son immeuble. Mon portable vibre brièvement dans ma poche.
    « On est en route ».
    Enfin un message de Jérém ! Je trouve quand même adorable de sa part de me tenir au courant.
    « Cool. Comment s’est passé le match ? ».
    « On a gagné ».
    Je suis hyper heureux pour lui. Et pour moi aussi. J’espère vraiment que cette bonne nouvelle va provoquer une embellie dans son humeur et que nous allons pouvoir nous retrouver et fêter ça comme il se doit.
    « Super ! Je suis fier de toi ! Je le savais que tu allais y arriver ! » je lui réponds.
    « Tu penses rentrer vers quelle heure ? » j’enchaîne.
    « Je ne sait pas, on va feter ça avec le gars ».
    J’ai toujours trouvé très touchants ses sms bourrés de fautes de français, et a fortiori depuis que je sais pour sa dyslexie.
    Ah oui, évidemment. Il faut bien fêter ça. Bien sûr, ça me fait chier de passer la soirée seul, alors que j’ai déjà passé la journée seul. Mais je ne veux pas faire d’histoires, car je me dis qu’il mérite bien ça, fêter la victoire avec ses coéquipiers.
    « Me tarde de te voir ».
    Je passe les deux heures suivantes à regarder des programmes sans intérêt à la télé. J’ai faim. Mais comme je ne sais pas à quelle heure il va rentrer, j’attends. A 21h30, je n’en peux plus. Je mets l’eau des pâtes à bouillir. 21h45 je plonge les spaghettis et je prépare la sauce. 22h05 j’égoutte les pâtes. Oui, des bonnes pâtes, ça se fait attendre. 22h07, elles sont prêtes à manger.
    Je suis fatigué, j’ai faim. Je craque, je mange ma part de pâtes. Je me sens seul et triste. 23 heures, Jérém n’est toujours pas là. Minuit non plus. Le tiroir de la table de nuit me nargue de façon de plus en plus effrontée. La tentation est de plus en plus forte. Une petite voix en moi me répète que peut-être que le contenu de ce petit tiroir pourrait me fournir des éléments de réponse sur l’identité du mystérieux auteur de tous ces coups de fil à Jérém qui ont gâché ma nuit et ma journée. Mais au fond de moi j’ai peur de ce que je pourrais trouver. J’ai peur d’avoir mal, très mal.
    Mais je ne dois pas céder. Je dois lui faire confiance. Si Jérém me cache des choses, je ne veux pas le découvrir de cette façon. Et puis, il n’est pas con, s’il a des trucs à cacher, ce n’est pas là qu’il va les laisser traîner.
    Mais je finis par craquer. A minuit 20, les doigts tremblants, en apnée totale, j’ouvre lentement le petit tiroir.
    Je ne sais pas ce que j’espère trouver ou ne pas trouver. Une photo, un mot, une boîte de capotes, un emballage de capote déchiré. Mais une fois le tiroir ouvert, je me sens soudainement très con. Car je ne retrouve rien de tel. Juste quelques papiers, des tickets de carte bleue, des chewing-gums, des pansements, deux paquets de cigarettes. Mais rien qui pourrait me faire mal. Non, pas de capote.
    Je reprends alors ma respiration, soudainement rassuré.
    Un apaisement qui ne dure qu’un instant, car très vite d’autres questions prennent le relais.
    En fait, l’absence de capotes peut être interprétée de plusieurs façons. Soit, il ne couche pas ailleurs, et il est donc fidèle. Soit il fait ça sans se protéger. A ce compte-là, la bonne nouvelle n’aurait-elle pas été de trouver justement des capotes ?
    Je referme le petit tiroir en prenant garde de le remettre dans la position d’origine.
    A 1 heure 30, je tombe de fatigue. Mais je me dis que je vais l’attendre quand même.
    Je finis par m’assoupir, habillé, la lumière allumée. J’émerge à 3 heures, et je réalise que je suis toujours seul comme un con. Je suis dans les vapes mais je commence vraiment à m’inquiéter. Au point que je ne peux pas m’empêcher de l’appeler. Je tombe direct sur sa messagerie. Il a peut-être éteint son portable. Ou ça ne passe pas. Bizarre, à Paris. Ou il n’a peut-être plus de batterie.
    Plus les minutes passent, plus l’inquiétude me prend aux tripes. J’étouffe dans ce petit appart. J’ai envie de sortir, d’aller le chercher. Jérém ne m’a pas dit où il allait prendre un verre, mais je ne vois pas d’autres endroits que le Pousse. A cette heure-ci, il n’y a plus de métro. Tant pis, je vais prendre un taxi, même si ça va me coûter une fortune.
    Je suis au beau milieu de toutes ces cogitations, lorsque le bruit du déverrouillage de la serrure retentit dans le petit espace et dans le silence nocturne. La porte s’ouvre et mon bobrun est là. Il est 4 heures et quelques minutes.
    « Salut, champion ! » je lui lance en prenant sur moi pour ne pas lui demander pourquoi il rentre si tard alors que je l’attends depuis 5 heures du matin, soit depuis presque 24 heures.
    « Salut » il me répond.
    Je l’entends à sa voix, je le vois dans ses mouvements, je l’entends à l’odeur qu’il traîne avec lui : mon Jérém est passablement éméché, et pas qu’avec de l’alcool. Le pétard a fait partie de sa troisième mi-temps.
    « C’est quoi ça ? » il me demande, le regard figé sur le plat de pâtes qui lui était destiné et qui trône toujours sur la table.
    « Des pâtes… ».
    « Ah » il fait, sur un ton comme hébété.
    « Je pensais que tu rentrerais plus tôt, je t’avais préparé à manger ».
    « J’ai mangé ».
    « J’ai voulu essayer de te faire plaisir ».
    J’ai envie de lui dire que je suis déçu qu’il ne soit pas rentré plus tôt, qu’il ait préféré passer autant de temps avec ses potes, alors que les heures à partager tous les deux nous sont comptées.
    Mais je renonce à tout affrontement. Il est tard, nous sommes tous les deux fatigués et j’ai trop de peur d’un clash. Je décide que je lui parlerai demain à tête reposée de tout ce qui me tracasse.
    Je le regarde poser son sac en silence, titubant, l’air pensif.
    « Et moi je t’ai laissé dîner seul » je l’entends lâcher, tristement.   
    J’ai l’impression de ressentir dans ces quelques mots une sorte de regret de ne pas être rentré plus tôt, alors que je m’étais donné du mal pour lui faire plaisir. J’ai l’impression qu’il ne s’attendait pas à ça, et que ça le touche.
    « C’est pas grave. Je t’en referai » je désamorce ce petit malaise.
    « Et le match, alors ? » j’enchaîne.
    « C’était génial ! J’ai marqué deux essais ! » il me lance, soudainement requinqué par l’évocation de ses exploits.
    « Je suis content, vraiment très content pour toi » je le félicite, tout en m’arrachant du clic clac pour aller le prendre dans mes bras, et lui faire des bisous. Mais Jérém ne semble pas être d’humeur pour ça.
    « Je vais me brosser les dents » il me glisse, en se dérobant de mon accolade, et en disparaissant dans la salle de bain.
    Il revient une poignée de minutes plus tard, dans la même tenue que la veille, boxer et tous pecs, abdos et tatouages dehors. Il revient en provoquant en moi le même intense, brûlant désir de l’avoir en moi, de me sentir possédé par son manche viril, de le sentir vibrer de plaisir, d’être rempli de sa semence chaude.
    Hélas, le même scénario de la veille se répète également. Mon bobrun n’est pas du tout réceptif à ça, et il n’envisage pas de faire l’amour avec moi ce soir non plus. Bien sûr il est tard, bien sûr il est fatigué.
    Ceci-dit, personne ne l’a obligé à rentrer si tard. Bien sûr il avait cette victoire à fêter. Mais j’avais espéré qu’on la fêterait un peu tous les deux aussi.
    Oui, depuis la veille je n’ai cessé de me réfugier dans l’idée qu’il suffirait que le match du week-end se passe bien pour que je retrouve comme par enchantement le Jérém de mon premier voyage à Paris.
    Or, le match s’est très bien passé. Et pourtant, Jérém ne semble pas plus serein que la veille. Son attitude vis-à-vis de moi n’a pas changé, la distance entre nous n’a pas disparu.
    Jérém se couche, éteint la lumière, se tourne de son côté et se prépare à dormir sans ressentir le besoin du moindre bisou, sans le moindre « bonne nuit ». Décidemment, c’est de pire en pire, et même pire que ce que je pouvais imaginer.
    Je me dis que si même notre complicité sensuelle s’est fait la malle, il ne nous reste vraiment plus rien à partager. A ce compte-là, je me demande ce que je fais encore à Paris, dans son appart, dans son lit. Pourquoi rester si nous ne discutons pas, si nous ne nous câlinons pas, si nous ne faisons pas l’amour non plus ?
    J’ai envie de partir sur le champ. J’ai envie de voir sa réaction. Est-ce qu’il me retiendrait ? Mais il est tard. Je me dis que je vais essayer de dormir un peu et que demain matin je vais partir à Montparnasse et monter dans le premier train pour Bordeaux. J’ai envie de pleurer. Je suis tellement mal que je n’ai même plus la force de réclamer un bisou ou pour souhaiter une « bonne nuit » en premier.
    Bien évidemment, j’ai tout autant de mal à m’endormir que la veille. Au bout d’une heure, j’ai toujours les yeux grands ouverts dans le noir. Je n’arrive pas non plus à savoir si Jérém dort ou non. Il n’a pas bougé d’un poil depuis qu’il a éteint la lumière. Mais j’ai beau tendre l’oreille, je n’entends pas sa respiration typique de sommeil.
    Sur ce, son tel se met à vibrer à nouveau. Dans le noir et le silence, son frémissement sur la petite table de nuit résonne dans l’appart avec la brutalité d’une sirène rapprochée. Mon cœur s’emballe, se met à taper à mille à la seconde. Encore ?! Je ne sais plus quoi faire, penser, imaginer.
    J’avais raison, Jérém ne dort pas. Au bout d’une demi seconde à peine, il essaie de l’attraper, le fait tomber au sol, ce qui provoque un autre bruit assourdissant. Il peste, allume la lampe de chevet, se penche pour le récupérer et l’éteint avec des gestes fébriles et agacés. Puis, il éteint la petite lampe et s’allonge à nouveau, sans un mot.
     « Mais c’est qui ? » je ne peux me retenir de lui demander, à bout de forces, de fatigue, de tristesse, de désespoir.
    « Personne ».
    « Quoi personne, ça doit bien avoir un prénom, non ? ».
    « T’occupe pas de ça. C’est ma vie ».
    « Et ça ne me regarde pas, c’est ça ? ».
    « Je suis fatigué, ne me saoule pas ».
    « Ou ça va mal se passer » c’est la suite que j’imagine pour ses mots. Une suite que Jérém ne prononce pas, mais qui résonne très dangereusement dans ma tête.
    Alors je renonce une dernière fois à l’affrontement, je prends sur moi encore et encore.
    Je pleure en silence, en essayant d’étouffer les sanglots qui secouent mon corps par moments. Et ce n’est qu’en me promettant à moi-même que le lendemain je lui parlerai frontalement avant de me tirer et j’assumerai ses réactions et ses choix, même si douloureux pour moi, que j’arrive enfin à fermer l’œil.

    Dimanche je me réveille très tôt, beaucoup trop tôt, alors que je me suis endormi très tard. Il n’est même pas 7 heures. J’ai dû dormir tout juste deux heures. Autant dire que je suis KO. Et bien sûr, je n’arrive pas à retrouver le sommeil. Cette histoire de coups de fil me mine.
    Jérém, lui, semble dormir du sommeil du juste. Après ses exploits de la veille, il s’autorise une grasse matinée.
    Il est tellement beau dans son sommeil ! Je caresse longuement du regard ses épaules et le haut de ses pecs dépassant de la couette, je m’imprègne insatiablement de ses beaux traits de mec. Mais si j’adore autant le regarder dormir, c’est aussi pour une autre raison. Car, pendant ce temps, mon bobrun ne peut pas faire de bêtises ou des choses qui me feraient mal. Pendant qu’il dort, il est là, avec moi, entièrement avec moi. Il n’y a que ses rêves qui m’échappent. Je donnerais cher pour savoir ce qui se passe dans sa jolie tête.
    Et je suis bien décidé à en savoir davantage. Je ne partirai pas avant d’avoir pu lui parler et avoir entendu ce qu’il a à me dire.
    J’étouffe dans ce petit appartement. A 7 heures 45, après avoir laissé un mot bien en vue lui demandant de m’appeler à son réveil, je sors faire un tour.

    Le jour se lève tout juste et, tout comme la veille, la capitale se réveille sous une pluie battante et balayée par un petit vent froid. Je prends un café dans un bar, puis dans un autre, et dans un autre encore. A dix heures du mat, j’erre en ville tel un zombie imbibé de caféine. Et je n’ai toujours pas de message de mon Jérém. Je me dis qu’il doit toujours dormir.
    A 11 heures, je rentre à l’appart avec des chocolatines et des croissants, bien décidé à le réveiller avec l’odeur d’un café que je lui préparerai avec amour. Un geste qui, j’essaie de m’en convaincre, saura le toucher et lui donner envie de revenir vers moi.
    Mais comme rien ne se passe jamais comme on l’avait imaginé, lorsque j’arrive à l’appart, Jérém n’est plus endormi, mais sous la douche.
    « Tu n’as pas vu mon mot ? » je lui demande lorsqu’il sort de la salle de bain, les cheveux encore humides, répandant dans l’air un délicieux parfum de déo.
    « Quel mot ? ».
    « Le mot dans lequel je te disais de m’appeler quand tu serais réveillé » je lui lance en lui montrant le papier que j’avais laissé bien en vue sur la table.
    « J’ai pas vu » il balaie la question d’un revers de main.
    « Bonjour, quand-même ! » je lui lance, tout en essayant de réfléchir à quand et comment je pourrai lui parler.
    « Bonjour » il lâche, avant d’enchaîner « J’ai rien à bouffer, on se fait un resto ce midi ».
    Sa proposition de se faire un resto contrarie mes plans et reporte à plus tard cette mise au point dont j’ai besoin. Mais d’un autre côté, l’idée de nous faire un resto tous les deux me fait plaisir.
    Evidemment, il choisit un petit resto à côté de chez lui, histoire d’être discret. J’imagine qu’il veut éviter le risque d’aller en ville et de croiser de gens qui pourraient le reconnaître et d’être vu en ma compagnie. Je comprends ses inquiétudes. Mais c’est dur à encaisser. C’est dur car je vois dans son choix de resto une sorte d’aperçu de notre future relation. Une relation dans laquelle je serai toujours celui qu’on cache.
    Mais ses précautions ne sont à l’évidence pas suffisantes. Pendant que nous mangeons, sans presque échanger de mots d’ailleurs, deux gars approchent de notre table.
    « Bonjour » ils lancent, surtout à l’intention de Jérém.
    « Bonjour » fait ce dernier, surpris.
    « Désolé de vous embêter » fait l’un d’entre eux « mais vous êtes bien Tommasi du Racing ? ».
    Jérém affiche une expression entre surprise d’avoir été reconnu, fierté qu’on vienne le voir en tant que joueur, et certainement une gêne un peu irrationnelle mais irrépressible pour le fait que je sois là avec lui.
    « C’est bien moi » fait Jérém froidement.
    « On vous a vu jouer hier à Périgueux et on voulait vous dire que vous êtes un sacré bon joueur ».
    « Merci ».
    « C’est nous qui vous disons merci pour ce que vous faites pour l’équipe ».
    « On essaie de donner le meilleur, même si ce n’est pas toujours évident ».
    « Vous vous en sortez plutôt pas mal. Avec des joueurs comme vous et Ulysse Klein, on s’autorise de nouveau à croire que le Racing pourrait remonter en première division ».
    « On y travaille » mais il y a encore du taf » refait Jérém, visiblement flatté.
    « Allez, on vous laisse manger tranquille. Bonne journée ».
    « Bonne journée ».

    « Putain, on n’est tranquille nulle part » me lance Jérém, dès que les deux supporters se sont suffisamment éloignés pour ne pas l’entendre.
    « Ça ne te fait pas plaisir qu’on te reconnaisse et qu’on te dise que tu es un bon joueur ? ».
    « Si… mais… ».
    « Mais quoi ? ».
    « Rien ».
    « Mais tu n’as pas envie qu’on te voie avec ton « cousin », c’est ça ? ».
    « Mais tais-toi ».
    Nous terminons le déjeuner dans un silence pesant. Je me demande à quel moment je vais trouver le courage de prendre entre quatre yeux et de lui parler de mes inquiétudes et de mon malaise. Je me dis que je le ferai dès notre retour au petit appart. Je me dis que je vais devoir à tout prix garder mon calme, tout en me préparant à encaisser le pire. Je dois aussi me tenir prêt partir de chez lui avant que ça aille trop loin.
    Lorsque nous sortons du resto, il pleut à seau. La seule option, du moins la seule envisagée par Jérém, est de rentrer à l’appart. Je le suis, la mort dans l’âme. Car le moment de la mise au point, que je pressens douloureuse, approche à grand pas. J’ai le cœur qui bat à tout rompre, j’ai peur, j’en tremble.
    Nous franchissons l’entrée de l’immeuble, nous prenons l’ascenseur, nous passons la porte du studio dans un silence lourd et angoissant. Jérém se tient là, devant moi, beau comme un Dieu, son déo m’hypnotise, mais la distance entre nous semble insurmontable.
    « Jérém » je lui lance, en prenant mon courage à deux mains.
    Mais alors que j’essaie toujours de trouver les mots pour amorcer une discussion périlleuse, Jérém se retourne vers moi, il approche et me prend dans ses bras. Il me serre très fort contre lui et me chuchote :
    « Je suis désolé ».
    Passé le premier instant de surprise, et en arrivant tant bien que mal à contenir l’émotion que cette attitude inattendue vient de provoquer en moi, je le serre à mon tour dans mes bras et je plonge direct mon visage dans le creux de son cou. Je suis tellement heureux, je suis au bord des larmes. Car je suis en train de vivre cet instant tant attendu, un instant que je désespérais de voir venir ce week-end, et peut-être plus jamais, l’instant où Jérém reviendrait vers moi. Mon cœur est plein de joie.
    Je suis tellement ému que je n’arrive pas à prononcer le moindre mot. Je le serre un peu plus fort encore dans mes bras, comme pour l’empêcher de s’éloigner à nouveau. Et je ne peux retenir mes larmes.
    « Je suis désolé, pour tout » il continue « Pour hier, pour l’autre soir, pour les dernières semaines. Je ne voulais pas te faire de la peine. J’étais sous pression, j’étais vraiment à bout. Tu peux pas savoir à quel point ça me prenait la tête. Le match d’hier est le premier que je réussis depuis longtemps ».
    Je suis si tellement content que Jérém me parle enfin !
    « Tu m’as tellement manqué, p’tit loup ! » j’arrive enfin à lâcher, la voix tremblante.
    « Toi aussi tu m’as manqué… ourson » je l’entends me chuchoter.
    Ah, et en plus c’est le retour de « Ourson ». Là, je fonds carrément. Je suis tellement heureux que je crois rêver.
    « Je suis content que tu sois là » il continue.
    « C’est vrai ? ».
    « Bien sûr que c’est vrai ».
    « Mais tu ne voulais pas que je vienne ».
    « Je te l’ai dit, je n’étais pas bien. Mais quand je t’ai vu, j’étais super content ».
    « Tu ne me l’as pas vraiment montré depuis l’autre soir ».
    « Tu as débarqué alors qu’Ulysse était là. Lui ça va, il n’est pas casse couilles. Mais il aurait pu y avoir d’autres gars, qui auraient trouvé ça louche et qui m’auraient fait chier ».
    « Tu crois qu’ils se doutent de quelque chose ? ».
    « Je ne veux pas savoir. Je veux juste être discret et faire en sorte qu’ils ne se posent pas de questions ».
    Quelques instants plus tard, le bogoss m’entraîne vers le clic clac, m’invite à m’allonger, se glisse sur moi, et il me couvre de bisous fougueux et fébriles, de caresses douces et sensuelles.
    Soudain, je vois tout sous un nouveau jour. Finalement, ces coups de fil à toute heure venaient peut-être vraiment de ses potes. J’ai toujours envie de lui parler de certains trucs, comme du fait de m’éloigner de sa vie quand il a des problèmes, ou la fréquence de nos retrouvailles. Mais cette mise au point, bien que toujours très nécessaire, est devenue soudainement moins urgente, et je la remets à plus tard. Je sens qu’après le pas que Jérém vient de faire envers moi, elle se fera plus facilement, et avec plus de sérénité.
    Pour l’instant, j’ai envie de me laisser porter, de profiter du moment.
    Sa langue excite mes tétons, ses lèvres parcourent mon torse, embrasent mon désir. Ses doigts se glissent dans l’élastique de mon boxer pour dégager délicatement ma queue de sa prison de coton, et mon excitation grimpe jusqu’à des sommets inouïs.
    En ce dimanche après-midi gris, froid et pluvieux, je retrouve le Jérém chaud de sensualité et brûlant d’amour, le Jérém de Campan. Et ça me rassure drôlement.
    Sa langue cherche mon gland, le titille, l’agace, s’enroule autour. Ses lèvres le cernent pendant un instant, puis glissent le long de ma bite. Elles lancent alors une cadence de va-et-vient qui, couplés aux caresses de ses doigts sur mes tétons, me font m’envoler vers un univers de plaisirs rarement atteint.
    Jérém joue avec mes sens, il flirte dangereusement avec la montée de mon plaisir. Mais il maîtrise cela terriblement bien, il est capable de faire monter l’excitation, de la maintenir, de la faire redescendre un peu, de recommencer encore et encore. Bref, de faire durer le plaisir, et de préparer un orgasme d’autant plus géant.
    Ses lèvres quittent ma queue incandescente de plaisir. Ses mains saisissent mes mollets, font pivoter légèrement mon bassin vers l’avant. Sa langue s’insinue entre mes fesses, cherche mon trou, le trouve aussitôt, et elle commence à faire tour à tour des ronds appuyés, des pressions de plus en plus déchaînées, comme si elle voulait me pénétrer profondément.
    Et voilà, Jérém a réussi le tour de force de me donner deux plaisirs aussi intenses qu’opposés, à me désorienter totalement, à me faire sentir déchiré entre l’envie de jouir au plus vite et de m’offrir à lui sans conditions.
    Le bogoss tranchera à ma place. Et c’est encore en agrippant mes mollets avec ses mains puissantes, en les posant sur ses épaules musclées, qu’il s’enfonce en moi, lentement, fermement, avec une attitude à la fois très douce et très virile. Le plaisir circule entre nos deux corps comme un fluide, comme de l’énergie pure. Définitivement, nos corps sont faits pour s’emboîter, tout naturellement. Compatibilité parfaite.
    Sa queue bien enfoncée en moi, Jérém s’allonge sur mon torse et me serre fort contre lui. Il pose quelques bisous sur mon cou et mon oreille et me chuchote :
    « Qu’est-ce que j’aime te faire l’amour… ».
    « Qu’est-ce que j’aime quand tu me fais l’amour ! » je lui réponds, comme une évidence.
    Le bogoss commence à me limer, lentement, en douceur, tout en continuant à me faire des bisous.
    Lorsqu’il relève son buste, c’est en soulevant mes cuisses avec ses mains, et en prenant appui dessus, qu’il parvient à envoyer des coups de reins plus puissants. Ses mains et ses bras puissants me manipulent à leur guise. J’adore cette sensation de me sentir « à la merci » d’un mâle aussi puissant.
    Je vois le plaisir s’afficher sur son visage, et se manifester à travers des attitudes de son corps, soupirs, frissons, petits gestes incontrôlés. Voir et sentir mon Jérém prendre son pied, je crois que je ne connais pas de plaisir plus intense.
    A un moment, j’ai l’idée de passer un oreiller sous mes cuisses. Ce qui permet à mon bobrun de continuer à me limer sans avoir à maintenir la position de mon bassin. Ses mains, ainsi libérées, ne tardent pas à m’offrir mille caresses sensuelles autour de mes tétons. Mais aussi à agripper mon bassin, mes hanches, mes cuisses, en quête de différents appuis pour varier la cadence de ses coups de reins.
    Son attitude de jeune mâle fougueux et assuré de sa puissance virile m’offre le plus intense des plaisirs, celui de me faire sentir à lui, intensément à lui. Un plaisir qui est renouvelé à chaque fois que mon Jérém me fait l’amour.
    Un plaisir qui prend encore une nouvelle dimension aujourd’hui lorsque je me rends compte que mon bobrun a carrément cessé d’envoyer des coups de reins et que ce n’est plus sa queue qui coulisse en moi, mais que c’est moi qui coulisse sur sa queue. Un exploit rendu possible par la présence de ses mains saisissant mon bassin et par l’effet des mouvements de va-et-vient envoyés par ses biceps puissants.
    Ah, putain de mec, comment il sait me faire sentir à lui, en me faisant l’amour !
    Et à en juger par les petits frémissements qui traversent son visage, par sa respiration profonde et régulière, par ses paupières de plus en plus lourdes, le bogoss prend bien son plaisir.

    [Au début des révisions avant le bac, Jérémie adorait baiser Nico. Il prenait son pied comme jamais, et le fait « de faire le mec » ne mettait pas en cause son statut de « mâle ».
    Puis, peu à peu, et en particulier pendant la semaine magique, il avait découvert le bonheur de faire l’amour à Nico. Il avait réalisé qu’il aimait voir Nico prendre du plaisir, même si encore à ce moment-là le plaisir de Nico n’était qu’une « conséquence » de son propre plaisir à lui.
    Mais depuis Campan, depuis qu’il avait réussi à accepter que son attirance et son plaisir le dirigeaient vers ce petit gars, il adore faire l’amour avec Nico. Il adore lui offrir du plaisir. L’embrasser, lui faire des câlins, lui caresser les tétons, qu’il sait si sensibles, le pénétrer juste pour le faire jouir plus fort.
    Mais aussi s’occuper de sa queue, lui offrir un plaisir différent, faire ressortir son côté « p’tit mec ».
    Oui, Jérémie adore sentir le désir de Nico, et voir son corps exulter de plaisir au contact du sien quand il le prend, quand il le lime, quand il jouit en lui. Et, désormais, il aime tout autant voir Nico jouir.
    Mais ce qu’il aime aussi, et de plus en plus, c’est de se retrouver dans les bras de Nico après le plaisir, de retrouver de la tendresse, de la douceur, de l’amour. Car ça, le fait de s’abandonner en confiance dans les bras de l’autre après l’amour, ça fait sacrément du bien. Il n’avait jamais ressenti cette sensation avant Nico].

    Lorsque je vois sa tête partir légèrement vers l’arrière, ses épaules et ses pecs s’ouvrir, sa pomme d’Adam s’agiter de plus en plus frénétiquement, je sais que mon Jérém ne va pas tarder à jouir.
    Mais alors que j’attends avec impatience de pouvoir observer son corps et son visage secoués par l’orgasme, le bobrun s’allonge sur moi. Et là, tout en continuant à me limer lentement, il m’enserre dans ses bras et m’embrasse doucement.
    Lorsque son orgasme vient, le bogoss s’abandonne sur moi de tout son poids, il enfonce son front dans le creux de mon épaule, tout en lâchant un bon râle puissant, qu’il arrive à contenir avec difficulté.
    Mais son orgasme à lui n’arrive pas seul. Les petits frottements du relief de ses abdos sur mon gland hyper excité suffisent à déclencher le mien. Ainsi, mes giclées incontrôlées se glissent entre nos torses. Elles sont puissantes, car l’excitation a provoqué une grande montée en pression. Au gré des mouvements de mon bobrun, l’une d’entre elle arrive même à se faufiler un passage pour aller atterrir sur son menton.
    Rempli de son jus chaud, repu de plaisir, je me dis que je viens de connaître l’un des orgasmes les plus intenses de ma vie.
    « Eh ben, quelle puissance ! » il se marre.
    « Tu peux pas savoir comment tu m’as chauffé ! » je lui lance, fou de bonheur.
    « Et toi, tu m’as pas chauffé peut-être » il me lance à son tour, la respiration encore profonde et essoufflée.
    « Je n’ai rien fait ».
    « Tu m’excites grave, Nico ».
    « Et toi, donc ? Avec ce corps et cette gueule… et cette queue… ».
    Le bogoss sourit, visiblement flatté. Il se déboîte, s’allonge à côté de moi et me prend dans ses bras. Ah putain, comment l’étreinte de ses bras après l’amour m’a manqué ! Je la retrouve avec un immense bonheur. A cet instant précis, je me sens tellement bien, je recommence à prendre confiance… en Jérém, en nous.
    « C’était trop bon, trop bon… » il s’exclame.
    « Oh que oui… » je lui confirme.
    « Je crois qu’on a joui ensemble ».
    « Je te confirme » fait le bogoss, en se levant du lit et en s’approchant de la fenêtre pour fumer sa cigarette « après l’amour ». Une cigarette à la forme et à l’arôme pas vraiment conventionnels.

    Une minute plus tard, Jérém écrase son mégot et revient au lit. Il s’allonge sur le ventre, m’offrant la vision spectaculaire et excitante de son beau dos musclé et de ses fesses rebondies.
    « J’ai mal au dos » il me lance.
    « Où ça ? ».
    « En bas du dos ».
    « Là ? » je le questionne, en me faufilant entre ses cuisses musclées et en posant mes doigts dans le creux de son dos.
    « Un peu plus bas, entre les reins » il me guide « là… un peu plus bas… là, c’est là… tu peux appuyer plus fort ».
    Sans avoir la moindre notion de ce qu’il faut faire pour soulager un mal de dos, je m’évertue à improviser un massage aux gestes aléatoires et à la technique farfelue.
    « Ça te fait du bien ? ».
    « Ça va, c’est agréable ».
    « Je continue alors… ».
    « Oui, continue ».
    Je continue de le masser, en improvisant chaque geste, leur vitesse, leur pression. Je suis tellement heureux de retrouver notre complicité, à tous les niveaux.
    Dehors il pleut toujours, le ciel est toujours aussi gris, si ce n’est plus, que la veille. Et pourtant, depuis quelques heures, mon monde a retrouvé de si belles couleurs !
    Le bobrun semble apprécier mes efforts pour le soulager et le détendre. Quant à moi, j’aime lui faire du bien. Mais au bout d’un moment, cette proximité avec son beau cul et de ses cuisses écartées provoque en moi une réaction incontrôlable. Je bande comme un âne. J’ai très envie de lui. J’ai envie de le prendre, j’ai envie de jouir en lui.
    Alors je décide de tester son envie à lui. Je pose mes mains sur ses fesses, je les écarte doucement, et je laisse mon gland effleurer son trou.
    Le petit frisson qui secoue son corps, ainsi que le petit ahanement qui s’échappe de sa bouche sont autant de signes encourageants. Oui, le bogoss a envie.
    Mais avant de m’aventurer dans son intimité, je prends le temps de titiller longuement son trou avec ma langue. Et ce n’est que lorsque je le sens vraiment bien excité que je me décide à glisser à nouveau mon gland entre ses fesses. Ses muscles cèdent peu à peu, s’ouvrent et se resserrent autour de mon gland. Et je m’enfonce en lui lentement, en savourant les mille frissons offerts par ce délicieux voyage qu’est la pénétration, tout en m’arrêtant à chaque fois que son corps me le demande.
    Après avoir posé un long chapelet de bisous autour de son cou, je commence à le limer.
    D’abord un peu tendu, le bogoss se lâche peu à peu. Son corps prend du plaisir et il le montre. Par le changement de sa respiration, des ahanements, des frissons, des petits gestes incontrôlés.
    A chaque fois que je prends Jérém, c’est toujours la même incrédulité qui envahit mes pensées. Quand je regarde ce corps musclé, ses tatouages, sa chaînette, tous ces signes de virilité, j’ai toujours autant de mal à croire que je suis en train de lui faire l’amour. De lui faire l’amour en tant qu’actif. Et que dans quelques instants, moi qui ai pendant longtemps pensé que je serais toujours son passif, je vais jouir en lui. Oui, j’ai toujours du mal à réaliser qu’il ait envie de ça.
    J’aimerais tellement savoir comment Jérém ressent le fait de s’offrir à moi. J’aimerais savoir si son plaisir ressemble au mien. Et j’aimerais savoir par quel cheminement un mâle comme lui, bien actif et un tantinet macho à la base, a pu avoir l’envie de se faire prendre, et comment il a pu l’assumer.
    Je me dis que, peut-être, quand l’amour est là, quand la confiance est là, il n’y a plus d’actif, il n’y a plus de passif, il ne reste que le plaisir qu’on s’offre mutuellement et qui est immensément plus grand que les plaisirs qu’on prend chacun de son côté quand on ne fait que baiser.
    « Je vais pas tarder à jouir » je le préviens, lorsque je sens l’orgasme approcher.
    « Vas-y, petit mec, fais-toi plaisir » je l’entends me chuchoter.
    Il me suffit alors d’une poignée de coups de reins pour me sentir perdre pied. Je sens mes giclées s’échapper de mon corps, chaque éjaculation laissant dans mon bas ventre une sensation croissante de plaisir et de chaleur. Je n’en finis plus de jouir, j’ai l’impression que toute mon énergie vitale est en train de me quitter pour aller se loger dans le beau cul musclé de mon bobrun.
    Je finis par m’abandonner sur lui, épuisé, vidé de toute énergie.
    « Ça va ? » il m’interroge en se déboîtant de moi.
    « C’était tellement bon » j’arrive à soupirer, à bout de mes forces.
    « Tu as l’air KO… ».
    « C’était tellement intense… ».
    « Bon petit mec ! » il me lance, en claquant un bisou sur ma joue, avant de partir s’allumer une nouvelle cigarette à côté de la petite fenêtre.
    Le bogoss fume en silence. Et moi je le regarde en silence. Je regarde le gars que j’aime. Le gars qui vient de se donner à moi. Le gars qui a ses peurs, ses contraintes, et une grande pression à gérer. Mais aussi le gars qui a tant changé pour moi. Je regarde le mec que j’aime, et vis-à-vis de qui, je m’en rends compte désormais, j’ai été injuste.
    « Qu’est-ce qu’il y a ? » me questionne le bobrun lorsque son regard finit par croiser le mien.
    « Tu es beau… » je lui lance.
    « Toi aussi tu es beau ! » fait Jérém en écrasant son mégot et en me rejoignant au lit.
    « Je veux dire » je précise ma pensée, ému « que non seulement tu es vraiment un beau mec… mais que tu es beau… là aussi … (je pose ma main sur son cœur) et c’est pour ça que je t’aime, Jérémie Tommasi… ».
    « Mon petit Ourson d’amour » je l’entends me chuchoter, alors que ses bras m’enlacent et me serrent très fort contre son torse.
    Bercé par son souffle et par la chaleur de sa peau, enivré de bonheur, je finis par m’assoupir.

    Mais ma sieste est de courte durée. La présence de quelque chose de dur et de chaud entre mes fesses me ramène assez rapidement à la veille.
    « Oh, Jérém… tu as encore envie ? ».
    « T’inquiète, je comprendrais que tu ne veuilles pas ».
    « Je ne te dirai jamais non… ».
    « Ça m’arrange bien, parce que j’ai vraiment envie de te refaire l’amour » je l’entends me glisser à l’oreille, avec une intonation coquine qui fait grimper mon excitation en flèche. Je bande vite, je bande dur.
    « Alors, fais toi plaisir, beau mec ! ».
    Son gland trouve l’entrée de mon intimité du premier coup. Sans trop forcer, il se faufile entre mes muscles dociles et offerts. Le beau mâle recommence à me pilonner. Ses assauts font écho à ceux que mon corps a reçus même pas une heure plus tôt, et me rappellent, si besoin était, à quel point mon Jérém est une bête de sexe. Je sens que je vais encore porter son souvenir dans ma chair pendant des jours, comme la dernière fois, et cela contribue à augmenter mon excitation.
    Mon plaisir monte au fil de ses va-et-vient, tout comme mon envie de recevoir une nouvelle salve de son jus de mâle.
    « Tu prends ton pied, bogoss ? » j’ai envie de l’exciter.
    « Je prends toujours mon pied quand je suis dans ton petit cul… ».
    Le bogoss vient tout juste de lâcher ces mots qui ont le pouvoir de me chauffer à bloc, lorsque quelque chose d’inattendu et d’extrêmement désagréable se produit.
    La sonnette de l’appart retentit dans la petite pièce, comme un coup de tonnerre inattendu. J’ai l’impression de recevoir une décharge électrique à haute tension, et que le son aigu transperce mes oreilles et mon cerveau.
    Jérém stoppe net ses coups de rein, sans se déboîter en moi.
    « Tu attends quelqu’un ? » je le questionne.
    « Pas du tout. Je pense que c’est une erreur. Ou des cons qui s’amusent. Ça arrive parfois. Si on ne fait pas de bruit, ils vont penser qu’il n’y a personne à faire chier et ils vont repartir » il me chuchote tout bas.
    Jérém vient tout juste de me donner cette explication trop bien argumentée pour être réaliste, lorsque la sonnette retentit à nouveau, et avec plus d’insistance. Je sens mon cœur s’emballer. Et je le sens carrément se décrocher de ma poitrine lorsque j’entends une voix féminine se manifester.
    « Jérémie… Jérémie ! Je sais que tu es là, j’ai vu la lumière à ta fenêtre ».
    Jérém se déboîte de moi et me fait signe de me taire.
    La nana insiste, elle tape à la porte, elle l’appelle sans cesse.
    « Je ne partirai pas tant que tu ne viens pas me parler ».
    Et là, je vois Jérém se lever, la queue encore raide, la peau brillante de transpiration, la respiration haletante. Je le regarde passer un t-shirt blanc à la va vite et essayer de cacher sa queue raide dans un jeans, sans trop de succès.
    « C’est qui ? » je lui demande, inquiet de sa réponse tout autant que de son silence.
    « Nico… va dans la salle de bain » il me lance, alors que la sonnerie reprend de plus belle.
    « De quoi ? ».
    « Je t’expliquerai plus tard… promis… va dans la salle de bain ».
    Je suis abasourdi face à sa demande. Je suis pris au dépourvu, je ne sais pas quoi penser, quoi faire.
    « S’il te plaît » il me répète, la voix suppliante et le regard paniqué.
    Alors, complètement déboussolé, je finis par m’exécuter. Je m’enferme dans la salle de bain, sans prendre le soin d’amener avec moi le moindre vêtement.
    « Salut beau toulousain… » j’entends la nana saluer Jérém.
    Les murs sont fins, l’appart petit. Alors, j’entends tout ce qui se dit, comme si j’étais présent. Je trouve que la nana a une voix mielleuse, et j’ai le sentiment qu’elle essaie de draguer mon mec. Je ne l’ai pas vue mais je la déteste déjà.
    « Salut » fait Jérém, sèchement « mais comment tu es rentrée ? ».
    « La porte de l’immeuble était ouverte ».
    « Mais qu’est-ce que t’es sexy… » elle enchaîne.
    J’ai la nette impression qu’elle essaie de le chauffer. Je crois que je vais la tuer.
    « Alors, tu ne me fais pas rentrer ? ».
    « C’est pas possible là… ».
    « Tu n’as pas oublié comment c’était bien l’autre soir, j’espère… ».
    « Ecoute, je te l’ai déjà dit, il faut passer à autre chose ».
    Et là, en quelques secondes, tout s’effondre autour de moi. Je me tiens devant le miroir, les deux mains tremblantes et nerveusement agrippées aux bords du lavabo. Et je fixe l’idiot, le naïf, l’imbécile que je suis. Comment ai-je pu croire que Jérém pourrait tenir plus d’un mois sans se taper une pouffe ? Comment ai-je pu croire qu’il changerait, que je pourrais lui faire confiance ? Comment ai-je pu m’attendrir sur ses problèmes, alors qu’apparemment il ne m’a pas attendu pour se changer les idées ?
    « Mais je ne te demande pas de me passer la bague au doigt, j’ai juste envie de prendre du bon temps avec mon rugbyman préféré ».
    « Tu devrais partir » j’entends Jérém lui lancer, sur un ton agacé, avant d’ajouter « et arrête de m’appeler à toutes les heures ».
    La voilà la réponse à la question qui me taraude depuis presque deux jours. Ses potes qui l’appellent, c’est ça !
    « J’ai eu du mal à me procurer ton numéro, alors je m’en sers ! ».
    « Dis-toi bien que si je ne te l’ai pas demandé, et si je ne réponds pas à tes messages, c’est qu’il y a une raison ! ».
    « C’est ça, oui. De toute façon, vous les mecs vous êtes tous des connards, après que vous avez tiré votre coup il n’y a plus personne ! ».
    Je suis tellement secoué par ce que je viens d’apprendre que j’en tremble. Lors d’un mouvement incontrôlé, je fais tomber la mousse à raser de Jérém. Le bruit du métal creux sur le carrelage résonne dans la salle de bain de façon assourdissante. Et certainement au-delà.
    « C’est quoi ça ? » j’entends la pouffe demander.
    « C’est rien ».
    « Mais ça y est, j’ai compris… tu baisais une pétasse, là, maintenant ! » je l’entends s’emporter.
    « C’est pas une nana, c’est un pote ».
    « C’est ça oui, prends-moi pour une conne ! ».
    Nu dans la salle de bain, le malaise me tétanise.
    « Tu n’es qu’un pauvre type, Jérémie ! Tu me dégoûtes ! » j’entends la voix de la nana résonner et enfin se perdre dans la cage d’escalier.

    Un instant plus tard, j’entends le bruit de la porte d’entrée qui se referme. Les secondes passent, je n’arrive pas à bouger. Je n’arrive pas à quitter la salle de bain. Jérém ne vient pas me chercher non plus.
    C’est au prix d’un effort presque surhumain que j’arrive à me décrocher du lavabo et à saisir la poignée de la porte.
    Lorsque j’arrive enfin à l’ouvrir, je retrouve Jérém en train de fumer à côté de la petite fenêtre, le regard perdu dans la grisaille parisienne.
    « C’est qui cette nana ? » je finis par lui lancer, au bout de ma vie, après un long moment de silence.
    « Elle est folle ».
    « Mais c’est qui ? » j’insiste.
    « Personne… ».
    « Ce n’est pas personne parce qu’elle te connaît, et plutôt bien apparemment ».
    « Laisse tomber ».
    « Tu as couché avec ? » je surenchéris, énervé, face à son attitude évasive.
    « Nico, écoute… ».
    Ces deux mots résonnent à mes oreilles comme un « oui » inavoué et déclenchent une réaction de désespoir.
    « Pourquoi tu me fais ça, pourquoi ? ».
    « Mais putain, réponds-moi ! » je lui crie dessus, hors de moi, face à son silence insistant.
    « Un soir, j’ai trop bu et j’ai craqué » il finit par admettre, en se retournant, le regard sur ses chaussures.
    « Et tu comptes craquer encore ? ».
    Je me sens aussi mal que le dernier jour où il est venu chez moi après la semaine magique, lorsque, après que nous ayons couché ensemble, une capote s’était échappée de la poche de son short.
    « Va te faire foutre ! » je finis par lui lancer, face à son silence coupable.
    Je commence à ramasser mes affaires et à me rhabiller.
    « Tu fais quoi ? » je l’entends me questionner, sur un ton inquiet.
    « Je me casse ».
    « Ne fais pas ça Nico ».
    « Des potes qui t’appellent à toutes les heures, mon cul, oui ! Pourquoi je suis assez con pour te faire confiance ? ».
    « Je suis désolé ».
    « Tu as couché quand avec elle ? ».
    « Je ne sais plus ».
    « Comment tu ne sais plus ?! ».
    « Il y a deux semaines environ… ».
    Pile là où j’avais senti une distance s’installer entre nous. Putain, je l’avais senti !
    « Tu vas voir ailleurs alors que je couche avec toi sans protection !!! » je lui balance, hors de moi.
    « Je me suis protégé » il fait, sans la ramener.
    « Tu gâches tout, Jérém ! Tu salis tout ce qu’il y a entre nous ! ».
    « Tu vois, si je ne voulais pas que tu viennes, c’est parce que j’avais peur qu’un truc comme ça se produise ».
    « Si tu ne l’avais pas baisée, elle ne se pointerait pas chez toi te faire un sketch parce que tu ne l’as pas rappelée. Et sinon, c’est la seule ou il y en a eu d’autres ? ».
    « C’est la seule ???!!! » je crie face à son silence énervant.
    « Non » il finit par lâcher, comme abasourdi.
    « Combien ? ».
    « Nico… ».
    « Combien ?!?! ».
    « Deux autres ».
    « Pourquoi tu couches à nouveau avec des nanas ? ».
    « Parce que si je ne le fais pas, les gars vont croire que je suis pd ».
    « Mais tu es pd ! ».
    « Peut-être, mais je ne tiens pas à qu’ils le sachent ».
    « Tu ne penses qu’aux « qu’en dira-t-on » ! ».
    « Si ça se sait, ça va être la cata pour moi. Nico, les nanas sont partout, aux soirées, aux troisièmes mi-temps. Elles ne nous lâchent pas… ».
    « Personne ne t’oblige à les baiser ! ».
    « Si je ne fais pas comme les copains, je vais attirer l’attention… ».
    « Mais tu es censé avoir une copine à Bordeaux, bordel ! ».
    « C’était léger comme excuse, et les gars commençaient à ne plus y croire. Et puis, depuis que tu es venu, j’ai eu droit à des allusions. On a été trop imprudents la dernière fois. Enfin j’ai été trop imprudent… ».
    Une partie de moi comprend ses arguments. Mais le sentiment de trahison est trop fort pour que je puisse ne serait-ce qu’envisager d’aller dans son sens. Je suis trop en pétard.
    « Je n’aurais jamais dû venir te voir ».
    « Ne dis pas ça ! Je suis super content que tu sois venu, et je suis sincèrement désolé que t’aies eu à vivre ça ».
    « Tu couches qu’avec des nanas ou tu te tapes aussi des mecs ? » je ne peux me retenir de le questionner. Au point où j’en suis, autant tout savoir.
    « Mais non ! Tu es le seul ! Tu es le seul à qui je fais l’amour et à qui je laisse me faire l’amour. Tu es le seul avec qui je prends mon pied. Et tu es le seul avec qui je couche sans capote. Avec les nanas, ce n’est rien, c’est juste pour garder les apparences ».
    « Ça doit bien te plaire de t’envoyer en l’air ! » je l’attaque, gratuitement. J’ai besoin de me défouler, quitte à taper n’importe comment.
    Jérém regarde dans le vide, l’air pensif, triste.

    [Oui, Jérémie a couché avec des nanas pour que les gars lui lâchent les baskets. Il n’en pouvait plus des allusions au sujet de sa « copine de Bordeaux », et des moqueries que cela entraînait dans les vestiaires. Et cela avait même empiré lorsque ce con de Léo, toujours lui, avait capté qu’il s’était fait draguer par un gars dans les chiottes d’un bar. Evidemment, il était allé le raconter à tout le monde, ce qui n’avait pas arrangé la situation.
    Léo est vraiment chiant avec lui. Jérémie sait que ses moqueries visent à le déstabiliser, car il est jaloux de lui. Au dire d’Ulysse, Léo était l’ailier espoir de l’équipe avant que lui ne débarque. Et depuis son arrivée, il a peur de se faire voler la vedette.
    Jérémie essaie parfois de relativiser, de se dire que les railleries de ses potes ne sont au fond qu’une sorte de bizutage. Mais rien n’y fait. Quand ça tombe, dans le vestiaire, sur le terrain, il n’arrive pas à le supporter. Les blagues de ses potes le blessent, car elles visent juste. Il voudrait avoir le répondant et l’humour nécessaires pour en jouer, pour transformer ce bizutage en complicité entre mecs. Il a essayé, mais il n’y arrive pas. C’est un sujet encore sensible pour lui qui commence tout juste à s’assumer en tant qu’homo. Et puis, quand on a quelque chose à cacher, on se sent toujours sur le point d’être découvert et on devient paranoïaque.
    Alors, il a fallu leur en mettre plein la vue, leur montrer qu’il pouvait lever autant de nanas qu’il voulait, se tailler un début de réputation de serial baiseur comme à Toulouse, faire un plan à quatre avec deux nanas et Marin, l’un de ses co-équipiers, pour qu’ils lui foutent la paix.
    Ce n’est qu’à ce prix-là, qu’il a pu leur clouer le bec. Y compris à Léo.
    Jérémie sait qu’il lui faudra entretenir les apparences de temps à autre. Il se dit aussi qu’il doit faire gaffe vis-à-vis de Nico, pour ne pas alimenter les soupçons. Il sait aussi qu’il doit garder Léo à l’œil, comme le lui a conseillé Ulysse. Mais il est persuadé que le plus gros est fait.
    Mais il y a aussi une autre raison qui le pousse à coucher avec des nanas. Depuis qu’il est à Paris, ses résultats sportifs ne sont pas ceux qu’il attend. Il se sent perdu, il perd son assurance. Alors, pour retrouver de la confiance en lui-même, il sait qu’il peut chercher ailleurs, dans la séduction, et en trouver à coup sûr.
    Et même s’il ne ressent pas de désir pour elles, même si parfois, souvent, il a besoin de penser à Nico pour jouir, le simple fait de se sentir désiré sexuellement ça lui fait du bien. Ça lui change les idées. Et ça le rassure de voir qu’au moins ça, ça ne change pas par rapport à Toulouse.
    Aussi, d’une certaine façon, les nanas le « protègent » d’autres tentations qu’il pressent être bien plus dangereuses.
    Jérémie a souvent repensé à ce gars qui l’avait dragué dans un bar et qui lui avait balancé : « Ne raconte pas d’histoires, tu n’es pas comme tes potes tu es comme moi ».
    Aussi, chaque jour, à chaque entraînement, à chaque vestiaire, il ressent de l’attirance pour la nudité masculine. Et pour une, en particulier.
    En se soulageant de temps à autre avec une nana, il a l’impression d’éloigner ces tentations.
    Mais Jérémie garde tout cela pour lui. Il sait qu’il ne peut pas en parler à Nico, car ça lui ferait trop de peine.
    Malgré la culpabilité qu’il ressent vis-à-vis de Nico, une question taraude l’esprit de Jérémie : est-ce que de son côté il a tenu bon ?].

    « Et toi, tu t’es pas fait draguer à Bordeaux ? » j’entends Jérém me lancer de but en blanc.
    « Figure-toi que moi aussi je suis pas mal sollicité en ce moment… mais je n’ai jamais craqué… enfin, pas encore » je lâche, sur un ton volontairement provocateur.
    Jérém se tait, l’air sonné comme s’il avait reçu en coup de poing en pleine figure. Je le connais un peu désormais, et je connais cette attitude. Il essaie de garder son calme, de faire bonne figure, de dissimuler sa jalousie qu’il n’arrive pas à maîtriser.
    « Je n’ai pas craqué et je ne veux pas craquer » je lui lance alors pour essayer de tempérer mon propos, comme une porte ouverte, comme une main tendue.
    « Mais tu n’es pas dans le monde du rugby, tu n’es pas à Paris » il lâche sur un ton monocorde, après un moment de silence.
    « Et le rugby, les apparences, tout ça c’est plus important que notre relation ? ».
    « Le rugby, c’est ma vie ».
    « Et il passe avant nous ? ».
    « Ecoute, Nico… rien ni personne ne peut nous enlever ce qu’il y entre nous ».
    « Et qu’est-ce qu’il y a « entre nous », au juste ? ».
    « On est bien ensemble ».
    « Mais on n’est jamais ensemble ! ».
    « Même si on se voit moins qu’avant, c’est pas pour autant que ce qu’il y a entre nous est moins fort ».
    « Et tes coucheries ne sont pas en train de tuer ce qu’il y a « entre nous » ? ».
    « La dernière fois tu m’as dit de me protéger s’il se passait quelque chose. Je me suis protégé ».
    « Je ne t’avais pas dit ça pour te donner le feu vert pour que tu baises à droite et à gauche ! ».
    « Je suis vraiment désolé ».
    « Et moi je suis censé faire quoi ? T’attendre, pendant que tu soignes tes relations publiques à grands coups de bite ? Baiser moi aussi de mon côté ? Et dis-moi, ça ne te ferait rien de savoir que je couche avec un autre gars ? ».
    « Bien sûr que si, ça me rendrait malade. Mais au vu de ce que je peux te proposer, je n’ai pas le droit de t’en empêcher… ».
    « Tu crois que ça va être une situation facile à vivre ? ».
    « C’est le moins pire que je peux te proposer pour l’instant ».
    « Cet instant va durer ! ».
    « Nico, tu n’as pas la pression que je subis… ».
    « J’ai des cours, des exams à réussir ! ».
    « Je sais, moi aussi. Mais à la fac tu as la pression deux ou trois fois par an. Moi c’est tous les week-ends qu’on me juge, et même en semaine pendant les entraînements. Je n’ai jamais de répit ».
    Je me sens tellement retourné que je ne trouve même plus de quoi lui répondre. J’ai juste envie de partir et de pleurer.
    « Moi je crois que ce qu’il y a entre nous est plus fort que tout ça » je l’entends me lancer au bout d’un moment, après avoir écrasé son mégot.
    « Je ne sais plus quoi penser » je fais, dépité.
    « Nico, tu as des attentes, et elles sont tout à fait normales. Le problème c’est que pendant un certain temps, je ne pourrai pas être à la hauteur de ces attentes. Je ne peux pas t’offrir une vie de couple. Je ne peux pas te laisser venir tous les week-ends.
    Tu peux penser ce que tu veux, que je suis lâche, que je n’ai pas de couilles, que je suis un connard. Mais, s’il te plaît, ne pense pas que je ne tiens pas assez à toi. Tu comptes beaucoup pour moi ».
    « Tu parles ! ».
    « Si, tu es quelqu’un de spécial pour moi. Crois-moi, c’est pas facile pour moi non plus de te proposer cet arrangement. Si je pouvais faire autrement, je le ferais. Mais je ne vois pas d’autres solutions pour l’instant ».
    « Et moi je n’ai plus qu’à suivre le mode d’emploi » je lâche, sur un ton sarcastique.
    « Je sais que je t’impose une situation qui ne te convient pas. Elle ne me convient pas non plus. Je n’ai pas envie de savoir que tu vas voir ailleurs. Mais si un jour ça arrive, surtout, surtout, protège-toi, Nico. Ne prends pas de risque, jamais. Tu es un chouette gars et tu ne dois pas te mettre en danger ».
    « Et on se verra quand ? Juste pendant les vacances ? ».
    « On se reverra quand on pourra. Mais nous serons toujours spéciaux l’un pour l’autre ».
    « Et si je venais étudier à Paris ? » je lance, en laissant parler mon immense désespoir.
    « Ne dis pas de bêtises, Nico. Tu es bien à Bordeaux ».
    « Tu ne veux pas de moi dans tes pattes, c’est ça ? ».
    « A Paris ça va être plus compliqué pour toi, déjà financièrement. Et même si tu étais là, ça ne changerait rien au fait que je ne pourrai pas t’offrir une vie de couple ».
    « Je n’ai pas envie d’aller voir ailleurs. C’est toi que je veux, et personne d’autre » je lance, en larmes « et je n’ai pas envie que tu ailles voir ailleurs. Si on ne se voit pas assez souvent et si on couche ailleurs, j’ai peur qu’on s’éloigne et qu’on ne se retrouve jamais. J’ai peur de te perdre, Jérém ».
    « Moi aussi j’ai peur de te perdre. Mais je pense que si nous continuons comme aujourd’hui, nous allons aussi nous perdre, et à coup sûr. Je vois dans quel état te met cette situation d’éloignement ».
    En constatant la distance insurmontable entre mes envies et ce que Jérém vient de me proposer pour la suite de notre relation, et sans négociation possible, je me sens comme sur le bord d’un précipice. J’ai le vertige. Je ressens une souffrance psychologique déchirante. Mon cerveau refuse de combiner ces données. Dans ma tête, c’est le black-out.
    « Alors c’est ça que tu veux pour notre histoire… » je m’entends lâcher, après un long moment de silence.
    « Tu sais, Nico, dans l’histoire, c’est moi qui prends le plus de risque ».
    « Comment ça ? » je m’étonne.
    « Moi je ne tomberai jamais amoureux d’une nana… ».
    « Et alors ? ».
    « Mais est-ce que toi tu ne tomberas pas amoureux d’un autre gars ? ».
    « Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? ».
    Jérém regarde tristement par la fenêtre pendant que sa nouvelle cigarette se consume entre ses lèvres.

    « Il est à quelle heure ton train ? » je l’entends enchaîner.
    « Je m’en fous ! » je fais, sur le coup de la colère et du désespoir.
    « Tu as vu l’heure ? ».
    En effet, la pendule au mur affiche 17h10. Mon train est dans une heure à peine. Il est déjà l’heure de partir. Je n’ai pas envie de rester. Mais je n’ai pas envie de partir non plus. Pas après ce qu’on s’est dit, pas après ce qui vient de se passer. Pas dans cet état de détresse, pas avec cette envie de pleurer, pas avec ce sentiment que quelque chose est irrémédiablement en train de casser entre nous. Pas avant de m’être réveillé de ce cauchemar.
    « T’inquiète, je vais débarrasser le plancher » je lui lance, en larmes.
    « Nico… ».
    « Tais-toi ! ».
    Je finis de me rhabiller à l’arrache, je ramasse mes affaires en catastrophe et en silence, sans arriver à maîtriser mes sanglots.
    Je viens de fermer mon sac, et je me dirige déjà vers la porte d’entrée, lorsque quelque chose me retient. Jérém vient de me prendre dans ses bras, par derrière, et me serre très fort contre lui.
    « Ca m’arrache le cœur de t’infliger ça ».
    La chaleur de son corps, la puissance et la douceur de son accolade ne font que décupler ma tristesse. Car je pressens que je ne les retrouverai pas avant longtemps. Ou peut-être jamais. A cet instant précis, j’ai la nette impression de vivre un adieu.
    « Tu seras toujours mon Ourson, quoi qu’il arrive » je l’entends me chuchoter tout bas.
    « Je vais y aller » je ne trouve pas mieux à lui répondre.
    « Je peux t’accompagner à la gare ? » il me demande, la voix chargée de malaise et de tristesse.
    « Pour quoi faire ? ».
    « Parce que ça me fait plaisir » je l’entends me répondre, avec la simplicité d’un enfant.
    « Fais comme tu veux ».
    Sans attendre davantage, il passe son blouson d’étudiant blanc et vert sur son t-shirt blanc, des chaussettes et des baskets aux pieds et il est prêt à partir.
    Dans l’ascenseur, il me serre une nouvelle fois dans ses bras. Je sens son souffle chaud dans mon cou, je sens ses baisers sur ma joue. Mais rien ne suffit à apaiser ma détresse.
    « Je ne veux pas te perdre » il me chuchote.
    Je n’ai pas la force de lui répondre.
    Juste avant que les portes de l’ascenseur ne s’ouvrent Jérém revient se positionner à côté de moi. En le regardant du coin de l’œil, j’ai l’impression qu’il est lui aussi au bord des larmes.

    Dans le métro, Jérém essaie de me faire la conversation, certainement pour tenter de faire taire son sentiment de culpabilité et son malaise. Il me questionne sur mon emploi du temps dans la semaine à venir, sur mes cours, il me demande des nouvelles de mes propriétaires. Il essaie de se montrer aimable. Mais toute l’amabilité du monde ne pourra remplacer notre complicité, ce bonheur que la découverte de ses coucheries vient de me retirer.
    « Je voudrais être le mec qu’il te faut » il me lance sur le quai de la gare, devant la porte du train, l’air vraiment désolé.
    « Mais tu l’es. Enfin, tu pourrais l’être… » je lui lance, triste comme les pierres, en montant dans le wagon.
    « Tu es quelqu’un de spécial pour moi, Nico, ne l’oublie jamais ».
    Je voudrais trouver des mots pour lui dire aurevoir. Mais déjà les coups de sifflet des agents SNCF annoncent le départ prochain du train.
    « On s’appelle » je l’entends me lancer, alors que les portes sont déjà en train de coulisser.
    Là non plus, je n’ai pas le courage de lui répondre. Je suis sonné, comme dans un état second, je ne sais même plus où j’habite.
    Le train démarre et la dernière image que j’ai de Paris est un gars beau comme un Dieu, mais avec un air triste à mourir, une image qui me donne envie de pleurer. Le train m’arrache très vite à cette image. Mais je pourrais jurer que ce gars était lui aussi en train de pleurer.

    Commentaires

    Chris-j

    16/10/2020 16:51

    J’ai eu beaucoup de plaisir à relire cet épisode. J’aime tellement les dialogues, et les mots qui sortent de la bouche de J, sont comme des caresses. La réaction de Nico est finement racontée et on s’inquiète de sa réaction compréhensible mais incontrôlée et très destructrice.

    Chris-j

    19/09/2020 11:39

    Quel suspens maintenant

    ZurilHoros

    17/09/2020 13:40

    Un article qui tombe à point alors je pense utile de poster. Jérèm&Nico se situe dans le temps en 2001 et il faut attendre 2020 pour lire ça. 
    On pense évidemment à Jérém 
    Le rugbyman anglais Levi Davis fait son coming out bisexuel

    « Salut les gars »
    « je voulais simplement vous dire quelque chose qui me bouffe de l’intérieur depuis quatre ans désormais. Je voudrais être franc et honnête avec vous, en tant qu’ami et coéquipier. Je suis bisexuel et c’est quelque chose que je sais depuis que j’ai 18 ans, je n’ai flashé sur aucun d’entre-vous… tout va bien ». 

    Il admet avoir gardé le silence « parce que je ressentais un sentiment de honte, comme si je n’étais pas normal ». Alors, il a « surcompensé » en multipliant les conquêtes féminines. « J’avais besoin d’être cet homme macho, que je suis encore, mais d’être dans le placard renforçait ce trait chez moi », reconnaît-il. La situation l’a conduit à boire beaucoup, au point de mettre en cause ses exploits sportifs.

    « Heureusement, on peut parler plus ouvertement. J’aimerais que chacun ressente qu’il peut être qui il est et que c’est Ok pour tout le monde. Cacher qui vous êtes peut vous tuer, d’ailleurs, des gens en meurent », confie-t-il à l’hebdomadaire britannique. « Je ne sais pas ce qu’il va se passer mais à partir de maintenant, je peux marcher dans la rue en prenant la main de la personne que j’aime », « 
    Je me sens tellement libre désormais. Je suis très heureux que ce soit dit et très heureux de pouvoir enfin être moi-même ». 
    https://www.dailymail.co.uk/news/article-8726327/Why-texted-rugby-team-mates-tell-Im-bisexual-England-star-LEVI-DAVIS-goes-public.html
    l’article est repris en français dans Têtu etc… 

    George bi

    17/09/2020 09:36

    Ton histoire à vraiment évoluée dans la description des ressentis de l’amour intellectuel , sensuel, physique, on a quitté la simple lecture sexuelle pour une histoire complète .
    avec tous les commentaires exigeants qu’on ne voit jamais ailleurs. 
    fier de te suivre

    ZurilHoros

    16/09/2020 14:51

    En cherchant à relire la scène Hot, j’ai relu ce qui se passe quand Jérémie rentre. Je trouve que Nico est las. Avant rien que d’être à côté de son mec lui suffisait mais c’est fini.. Ce n’est pas une scène joyeuse. Elle n’était pas faite pour mais cela montre aussi qu’on ne peut pas se contenter d’être avec une image. La scène Hot et le clash font oublier ce bref passage, qui montre pourtant une prise de conscience.

    Yann

    16/09/2020 14:01

    @Fabien suggestion. Peut être dans un prochain épisode pourrais-tu faire se remémorer Jerem de la première fois où il a demandé à Nico de lui faire bouffer l’oreiller. L’expression n’est pas de moi mais j’adore

    Celio

    15/09/2020 21:02

    Pour leur 6 ans, Jerem et Nico ont été bien fêtés Sympa

    Alex

    15/09/2020 20:48

    Ah non pas possible de finir la saison 2 sur une baise ratée ! Et purée c’est tellement rare quand c’est bien écrit …

    fab75du31Auteur

    15/09/2020 16:55

    C’est une belle évolution pour une histoire qui est née à la base comme une pure histoire de sexe qui ne devait pas dépasser 10 épisodes

    fab75du31Auteur

    15/09/2020 16:53

    J’arrête d’écrire des scènes de sexe alors lol. Je rigole. Si le récit prend le pas sur l’aspect sexuel dans l’intérêt des lecteurs je m’en réjouis

    fab75du31Auteur

    15/09/2020 16:51

    Thibault revient dans 2 épisodes

    ZurilHoros

    15/09/2020 13:10

    Je pense aussi à autre chose. Je n’ai prêté aucune attention à leurs ébats. 
    La aussi, personne n’a commenté

    Yann

    15/09/2020 07:44

    @ ZurilHoros au sujet de la bisexualité de Jerem. Jerem est-il bi, hétéro ou homo ? On pourrait aussi se poser la question pour Thibault. Pour nico la question ne se pose même pas : il est gay.
    Je me suis posé cette question après la lecture d’un livre. Comment est-ce possible d’être hétéro et de tomber amoureux d’un garçon sans être bi ? Voici à quelle conclusion j’en suis arrivé grâce quand même un peu beaucoup à Internet. 
    J’en étais resté aux principes généraux en matière d’orientation sexuelle (homo, hétéro, bi) mais c’est très réducteur et le champ des orientations sexuelles est bien plus vaste que cela (plus de dix) ; je ne détaille pas mais j’en ai retenu juste une particulière : l’orientation romantique ou affective.  En fait, on est attiré par une personne qui, pour de multiples raisons, nous correspond et pas uniquement par une orientation sexuelle qui n’est qu’un élément d’une dynamique bien plus large et complexe. Lorsqu’on tombe amoureux, l’orientation sexuelle n’est qu’un facteur déterminant parmi d’autres. C’est bien pour ça qu’un hétéro ne sera pas attiré par toutes les femmes, tout comme un homo par n’importe quel mec ; c’est donc bien plus complexe qu’une question de sexe (au sens de la personne et pas de l’organe lol). L’amour ne se contrôle pas. L’amour ne demande pas juste l’avis de notre orientation sexuelle, il fait une synthèse de considérations qui nous échappent.  A elle seule, notre orientation ne nous définit pas, et ne peut seule nous dicter ce qui n’est pas contrôlable: tomber amoureux. Il n’y a pas de barrière à l’amour. Aussi on ne peut exclure totalement un jour de rencontrer et d’être attiré par quelqu’un chez qui d’autres facteurs déterminants que son sexe par rapport au notre l’emportent. Selon les personnes, l’orientation sexuelle coïncide plus ou moins parfaitement avec l’orientation romantique ou affective ce qui expliquerait cela.  Notre orientation romantique influence notre orientation sexuelle, mais ce n’est pas toujours le cas. Aussi faible soit-elle cette probabilité existe. Il va de soit que ce n’est pas la même chose qu’être bisexuel. Etre bisexuel c’est être attiré de façon indifférenciée par les deux sexes alors ce dont nous venons de parler c’est une attirance spécifique pour une personne en particulier. 
    Il va de soit que le sexe sans amour existe mais on est dans une fonction organique où l’affection n’a pas sa place et c’est un autre sujet. 

    Alex

    15/09/2020 05:09

    Et Thibault dans tout ça ? Il pourrait pas revenir en selle avec Nico pour mettre un peu plus le bordel ?

    ZurilHoros

    14/09/2020 19:45

    Comme on se connait, il n’y a pas de risque que je me fasse mal comprendre 
    Résumé efficace, mais il y a un continuum entre les trois propositions.
    Nico est amoureux, donc il est sincère. Il est immature, ce qui le rend naif. 
    Jerem est un héros romantique à cause de sa personnalité ambivalente.
    Comme il ne peut pas s’assumer, il rend dingue Nico qui est à l’ouest. 
    Tirer un trait sur Nico devient une solution envisageable qui le condamne sur le plan affectif. 

    Jean

    14/09/2020 14:48

    En résuméYann pense que Nico aime sincèrement et naïvement JeremZurilHoros pense que Nico est amoureux immature Celio pense que Nico est à l’ouestYann pense que Jerem ne s’assume pas et que tout pourrait s’arrangerZurilHoros pense que Jérémie est un héros romantique, condamné sur le terrain affectifCelio qu’il ferait mieux de tirer un trait sur Nico

    ZurilHoros

    14/09/2020 09:30

    Cet exemple était là pour être drôle, c’était de l’autodérision. 
    Malgré tous les post, la bisexualité de Jérèm est passée sous silence. Je ne sais pas comment il fait pour se forcer

    fab75du31Auteur

    13/09/2020 20:42

    Ne te prends pas la tête zuri, chaque commentaire a du bon

    ZurilHoros

    13/09/2020 19:26

    Ou est le bouton delete!!!!!

    Depuis qu’on m’a foutu la honte parce que j’avais compris de l’ironie d’un texte, non seulement je déteste Flaubert, mais surtout, j’ai la hantise d’écrire des conneries et d’en laisser des traces. 
    Je m’impose un moratoire en attendant d’y voir plus clair. 

    Célio

    13/09/2020 17:09

    DeMent! Mais c’est surtout zuzu et Yann 
    qu’est ce qui est à côté ?

    fab75du31Auteur

    13/09/2020 13:50

    25 commentaires sans compter les comm de comm. Du jamais vu. Merci de participer à cette aventure avec vos points de vue aussi intéressants justement parce que différents. Je vais vous avouer quelque chose. Vos commentaires tombent souvent a côté ou même au delà de mes intentions. C’est de découvrir les différentes lectures de chacun que je trouve très enrichissant. Chacun vit l’histoire suivant sa sensibilité. C’est génial. Merci

    Yann

    13/09/2020 13:23

    @ ZurilHoros  
    Eh cool mec, je ne doute pas du sérieux de tes commentaires ; dès tes premiers posts j’ai été le premier à marquer l’intérêt que j’y trouvais même si nos avis peuvent être différents  parfois. Si on est sur ce fil c’est parce qu’on partage le même plaisir à lire cette histoire et, comme tu le dis, à prolonger  ce plaisir en essayant de cerner les personnages pour tenter d’anticiper la suite car c’est un peu cela qu’on cherche tous : que va-t-il se passer ? Ne pas avoir le même point de vue relève en effet de la sensibilité de chacun c’est que qui en fait tout l’intérêt d’en débattre avec toi et d’autres ; ça ne me pose aucun problème. Mais il ne faut pas que la passion cède pour autant la place à une prise de tête. 

    ZurilHoros

    12/09/2020 20:24

    @Yann,

    C’est Fabien qui dessine des portraits. Sur ce fil de commentaires, je restitue simplement ce que j’ai compris, et cela me permet, au passage, de prolonger le plaisir. Ce n’est pas du tout au sérieux même je le fais avec sérieux. La compréhension qu’on se fait des choses est dictée par la sensibilité et l’expérience et chaque lecteur a la sienne. Elles sont donc toutes vraies. 
    Ce n’est pas moi, Christophe, qui dit que la vie de Jérèm c’est le rugby. C’est Jérèm, c’est Thibaut et c’est l’auteur. 
    Ce n’est pas plus moi qui dit que « Jerem soigne ses relations publiques à coup de bite » (Et pas de baise), c’est Nico. 

    « Nico est un ado introverti et plutôt réservé »…. Jérèm est le plus beau, le plus hétéro, le plus, plus, plus. Nico veut que Jérèm l’aime et il est prêt à tout pour ça. Donc, il est introverti et réservé, mais il est aussi animé par une force et une détermination qui lui font soulever des montagnes. 
     De plus je ne suis pas certain qu’un introverti aurait sonné en entendant des voix à travers la porte. Il se serait caché dans les escaliers en attendant de voir qui sortait du studio. Nico, est hypersensible et exalté, il ne respire qu’à travers la bouche de Jérèm. Je suis bien convaincu que quand Jérém dit « ma vie c’est le rugby », Nico entend « ma vie c’est pas toi ». Il a dû être transpercé de douleur. Mon ressenti se situe là, et on peut penser autre chose.

    « Jérèm est un extraverti »… Mais il n’est pas que ça. Il est aussi un ado profondément malheureux qui tente d’oublier par tous les artifices une blessure qui ne se referme pas. Mon interprétation, c’est que quand il fait le choix de tenir Nico loin de lui, il réactive cette déchirure, c’est sa façon d’aimer. C’est comme ça que je le traduis. 

    Qu’est ce qui compte le plus? Ce que la personne montre ou ce qu’elle cache. D’ailleurs, est-on conscient ce qu’on cache? C’est surement cette partie de l’iceberg qui m’intéresse et elle est sujette à interprétation. Le reste est dans le texte, et on peut éventuellement avoir un jugement. 
    On peut voir Nico faisant « amoureusement des pattes pour son chéri » et on peut constater que ce n’est pas rationnel du tout. Et il a tous les éléments pour le savoir. On peut regarder avec des verres teintés de roses, ou de rouge. 

    Je ne vois pas le récit comme celui de deux ados comme d’autres. C’est l’histoire de Jérèm et Nico, et ils ne sont pas interchangeables. 
    On parle de Nico qui sent que le vent le pousse vers Jérém, sans qu’il puisse résister. On parle de Jérèm qui croise le regard de Nico,  et le reconnait comme si « il l’avait toujours connu ». 
    Jérèm n’est pas un primaire qu’il faut éduquer à l’homosexualité. Leur histoire ne dure pas que depuis 6 mois mais depuis trois ans, platonique, invisible, mais elle existait. 

    Tout est possible, que Jérém rencontre une nana, tombe amoureux et fasse un môme comme Thibaut. Il est possible que dans les vestiaires, un type mignon le suce mieux que Nico, qui pert illico son aura. Il n’aura été qu’une étincelle qui fait découvrir la vie gay à Jérémie. (ce que je trouverais niais à mort)
    Il est possible que Nico se remette de sa rupture et que dans deux ans, il se demande comment il a pu être amoureux d’un kéké comme Jérèm. (ce que je trouverais réaliste à mort)
    Mais ce n’est pas du tout la musique qui se fait entendre depuis 6 ans et, je pense que nous serions tous très déçu si c’était ça. Mais ça pourrait, car la vie peut être comme ça aussi. 

    Il est aussi possible qu’ils ne s’oublient jamais. Et d’ailleurs il me semble bien que le narrateur, Nico, des années plus tard n’a pas oublié Jérèm.

    Quant à Jérèm? 

    Jean

    12/09/2020 15:12

    Je découvre le site sous les conseils de Christophe.les débats passionnés sont la preuve de l’attachement aux personnagesL’intransigeance de Nico enferme Jérémie dans un mauvais rôle dont il sait ne pas pouvoir sortir sauf à se sacrifier. Nico : conforme a un ado idéaliste qui a l’égoïsme exalté de la première fois. Jerem : Dans les premiers épisodes, tout est déployé pour en faire une mec machiste voire pervers.Après l’épisode de Campan, il apparaît un être sensible et attentionné… Surprise ! En admettant ces révélations surprenantes et revigorantes,Il a au moins la franchise de ne pas promettre la lune mais une dure coexistence avec le rugbyPar la suite, il n’est pas capable de donner le moindre signe de vie pendant 5 semaines..Surprenant pour un amant si attentionné À tel point qu’il déclenche une visite inquisitrice de Nico !Sensible et généreux un jour mais pas toujours Cela permet des pages craquantes mais ce n’est pas simple de suivre la cohérence du personnage

    Yann

    12/09/2020 14:52

    @ ZurilHoros. Le portrait que tu brosses de Jerem et Nico dans ce com 18 correspond assez précisément à l’idée que je me fais de leur personnalité. Plus, en tout cas, que quand tu dis que Jerem soigne ses relations publiques à coup de baises ou que le rugby  c’est sa vie et Nico pas. 
    Nous avons deux personnages très différents. Nico garçon introverti et plutôt réservé. Peut être pour avoir réalisé assez tôt qu’il est gay, il n’a que peu de relations et on ne lui connait pas de réelle passion en dehors de celle récente pour Jerem. Il s’est assumé tôt et n’a donc plus de problème de ce point de vue.
    Jerem est au contraire extraverti. Sportif, il pratique le rugby (sa passion) mais aussi la muscu et l’équitation. Il a beaucoup d’amis avec lesquels il aime faire la fête.  
    Il faut aussi replacer l’histoire dans son échelle de temps. A peine une année racontée en 6 ans ! A raconter c’est long mais à vivre c’est très court car en peu de temps, Jerem qui a rencontré Nico en terminale ce petit mec  différent qui l’attire,  va passer du garçon qui tombait les nans à tour de bras, à celui  qui se lie à un autre garçon. Il va traverser les étapes successives  de la confusion, du déni : je ne suis pas PD,  puis celle de la colère, du questionnement, de la prise de conscience, pour arriver enfin à s’accepter lui même. Reste que le parcours pour lui n’est pas achevé, sans son affirmation identitaire et l’acceptation du regard des autres ce qui risque de prendre du temps encore. A notre époque certains ne vont pas jusqu’au bout du parcours…et se construisent une vie de merde.

    Eric

    11/09/2020 22:21

    Comme celio je suis plutot du côté de Jérém Nico assume et il n a rien à perdre un peu facile pour lui D être donneur de lecons

    Celio

    11/09/2020 14:21

    Avec Jeremy en amour pas de pitiè C’est de la psychanalyse mdrJe suis à fond du côté de Jerem

    fab75du31Auteur

    10/09/2020 22:11

    Jamais je n’aurais pensé, en commençant à écrire J&N, qu’un jour quelqu’un me comparerait à Dorothée… comme quoi tout peut arriver lol
    Je blague Zuri !

    ZurilHoros

    10/09/2020 21:54

    L’annonce surprise de la fin de la Saison 2, m’a plongé dans le même désarrois que quand cette salope de Dorothée nous a annoncé, à la rentrée de septembre, la diffusion des 6 derniers épisodes de Goldorak. 
    On est proche du drame existentiel. 

    Du coup, je porte un regard plus dramatique sur la dernière partie de l’épisode 37, qui marque une rupture entre J&N. Comme celle de la saison 1, pour les mêmes raisons. « ça va être impossible de vivre ça »
    Jérémie ne s’assumait pas comme gay et il a tenté la violence verbale et psychologique pour dégouter Nico et le détacher de lui. 
    Cette fois, c’est très différent et si la cause reste la même, Jérémie s’assume. Il s’assume devant son frère, devant Nico, et surtout devant lui-même. On le sait parce que Nico lui dit « tu es PD », et il acquiesce. Il n’assume pas devant les autres pour des raisons très rationnelles. Il y a aussi le regard que son père porte sur lui, mais ce n’est pas le sujet pour le moment. 

    J’ai été étonné par sa douceur. Il a le ton de quelqu’un qui a réfléchi et qui sait ce qu’il fait. C’est d’autant plus courageux de sa part que si il sait ce qu’il fait, il sait aussi ce qu’il risque de perdre. 
    « c’est moi qui prends le plus de risque » , « est-ce que toi tu ne tomberas pas amoureux d’un autre gars ? ». 
    Il ne parle pas de sexe, contrairement à Nico. Ca fait longtemps que je pense que ses sentiments sont plus profonds. 
    Tout simplement parce qu’il connait les besoins de Nico, ce qui le rendait jaloux de tous les types qu’il pouvait croiser. Stephane, Julien, Martin…
    Le risque qu’il prend, c’est que le lien qui les unis et qui n’est pas défini, se casse, et qu’il se retrouve seul. D’autant plus seul, qu’il dit autre chose d’encore plus fort : 
    « Moi je ne tomberai jamais amoureux d’une nana… ».
    Si on décortique la phrase, elle est surprenante venant de lui. D’abord, il s’assume comme gay. Ensuite il sous-entend qu’il ne tombera pas amoureux d’un mec. 
    C’est logique dans sa tête car ce qu’il ne peut vivre avec Nico, il ne va pas le vivre avec un autre. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. 
    Mais il veut peut être dire qu’il ne tombera jamais amoureux d’un autre mec parce qu’il pense que personne ne peut remplacer Nico. A cause de ce que seul Fabien peut savoir pour l’instant.
    Ca veut aussi dire ce qu’il n’a encore jamais dit « je suis amoureux de toi et je ne n’aimerai personne d’autre que toi».  En tout cas, c’est sa vérité du moment. 

    Nico ne connait pas les besoins de Jérém, c’est assez secondaire pour lui, car il pense d’abord aux siens. Le premier de ceux-ci est Jérém, le deuxième aussi et même le troisième. 
    « Mais si j’adore autant le regarder dormir, c’est aussi pour une autre raison. Car, pendant ce temps, mon bobrun ne peut pas faire de bêtises ou des choses qui me feraient mal. Pendant qu’il dort, il est là, avec moi, entièrement avec moi. Il n’y a que ses rêves qui m’échappent. »
    Attention Nico, c’est de la possessivité malsaine, c’est pas de l’amour.  On ne sait pas si il aime Jérèm, il est amoureux, ce qui n’est pas la même chose. Malgré les pattes à la carbonara. 
    Mais lui aussi a un peu bougé, sans le savoir. Quelque part, il accepte le verdict, parce qu’il comprend la situation et il voit l’impasse. 

    C’est difficile et assez poignant parce que ce que Jérèm met en place ressemble à un abandon, ou une mise en pension d’un enfant trop dépendant. « notre lien est le plus fort, je serais avec toi, tu es spécial pour moi ».
    « Mais je te rends une liberté que tu ne veux pas, tu dois apprendre à la vivre ».

    Comment Nico va t-il faire? Comment va -t-il concevoir son temps sans Jérém? Peut-il avoir une autre vie affective? Lui qui fantasmait avoir Jérém en lui physiquement, il va pouvoir vérifier si il l’a en lui émotionnellement, suffisamment pour ne pas l’oublier. C’est à partir de maintenant qu’on va savoir si il l’aime vraiment. 

    Quant à Jérémie, il va continuer à faire ce qu’il fait. Va t-il réussir dans le rugby? Finira t-il par craquer, allez draguer des mecs. 
    Il va peut être aussi se rendre compte que, maintenant qu’il a donné la possibilité à Nico de vivre sans lui, il ne lui appartient plus. Il va penser à lui plus qu’avant. 
    A ce qu’il fait, si il rencontre des gens, et lesquels. Il va se demander si Nico pense toujours à lui comme avant, autant qu’avant. 
    Il est bien possible que dans sa tête, Nico soit plus présent qu’il ne l’a jamais été, parce qu’il est lié à quelqu’un qui peut lui échapper. Et c’est de sa faute. 

    Quelle place pour Ulysse, Benjamin, Justin, Thibaut et son bébé. 

    Finalement, il y a un nombre de pistes à explorer en Saison 3 qui est infini. Il y en a pour 4 ans 

    Fabi83

    10/09/2020 16:32

    Bon. Anniversaire Bravo pour faire des récits détaillés. A la fin jerem veux juste Nico comme sexe friend alors c’est mieux qu’il le quitte.C’ est dommage mais il le voit pas assez

    ZurilHoros

    10/09/2020 08:35

    La fin de la saison 2, déjà? 

    Je n’avais même pas vu l’essentiel de cet épisode.
    Dans le précédent Jérèm se retrouvait à devoir faire un choix que je trouvais cornélien. Dans celui-ci, il a tranché. 

    « Le rugby c’est ma vie » et sa vie, ce n’est pas Nico. 

    Nico se demande si il reviendra à Paris… La saison2 va se terminer. 

    Jérèm va sans doute regretter d’avoir gâché cette dernière journée avec Nico, sans avoir pris le temps de lui parler. 
    Qui sait ce qui adviendra de lui, quand il éprouvera sur la durée, les conséquences de cette décision, qui semble dictée par une maturité plus grande que celle de Nico. 

    fab75du31Auteur

    09/09/2020 21:52

    Un jour il faudra faire une soirée chat!
    Je pense que ça pourrait se faire en novembre, après la fin de la saison.
    Qu’en pensez vous?

    fab75du31Auteur

    09/09/2020 21:51

    J’apprécie, j’apprécie ! lol

    ZurilHoros

    09/09/2020 21:29

    Il y a parfois un tel écart entre ce que l’on croit faire en toute sincérité et les actes qu’on met en place. 
    Mais j’espère que Fabien apprécie les discussions sur ses fictions.
    Ca lui permet sans doute d’évaluer si ses intentions sont comprises comme elles doivent l’être. 

    @Celio

    Je ne suis pas aussi cash que toi, mais je ne suis pas en désaccord. 
    Je crois que ce que Nico fait, n’est que la conséquence de l’attitude de Jérémie. Il ne demande qu’à être aimé mais Jérèm le soumet à un jeu de montagnes russes émotionnelles. 
    Il se retrouve comme une balle de flipper qui cogne de droite à gauche et il ne comprend plus rien. Du coup, il est tout le temps a essayer de tout anticiper pour garder un minimum de contrôle sur les événements. 
    Ils ne se sont pas trouvés sans raisons. Les failles de l’un rencontrent celles de l’autre.
    Vont ils avoir assez de temps pour se comprendre, et apprendre de l’un de l’autre. C’est un peu la question. 
    Pour l’instant, c’est Jérémie qui a le plus évolué. 

    Yann

    09/09/2020 18:00

    Nico manipulateur alors là je n’y crois pas un seul instant. Pour manipuler il faut être froid sans laisser aucune place à l’amour. Au contraire, on voit là un Nico attentionné qui prépare un repas tout simple pour son chéri (sans les chandelles). Puis à la fois un Nico, effondré de chagrin car fou d’amour et en colère par ce qu’il découvre. On est loin de la manipulation pour faire culpabiliser son chéri c’est juste de l’amour qui s’exprime par les larmes et la colère.
    Pour moi cette histoire est belle parce qu’elle raconte un premier amour entre deux garçons. Un premier amour ça ne se contrôle pas ou ça ne se calcule pas, on subit parce qu’on découvre un univers qui est nouveau et auquel on n’est pas préparé. Oui il y a de la naïveté chez eux mais aussi une grande pureté dans leurs sentiments et c’est peut être ce qui les rend si attachants.
    Libre à chacun de ne pas voir la sincérité des personnages ;  tous les points de vue sont respectables et bons à prendre, ça nourrit le débat, ce que Fabien apprécie surement plus que l’indifférence des lecteurs.

    fab75du31Auteur

    09/09/2020 17:39

    CelioPourquoi tu dis que Nico a pété les plombs ?

    ZurilHoros

    09/09/2020 09:01

    Personne ne le relève, mais quand même :

    – A plusieurs reprises Jérèm a dit à Nico que sa présence à Paris lui faisait courir le risque d’être démasqué. 
    – Nico sait que pour Jérèm, le rugby est autant un rêve qu’un mode de vie. 
    – Nico sait que Jérèm se laisse entraîner tard dans la nuit par les autres joueurs. 3h, 4h du matin… Alors, un soir de victoire, raison de plus pour que la soirée se prolonge

    – Nico entend deux voix masculines à travers la porte de Jérem et il sonne.
    – Un soir de victoire, Nico prépare des pates pour son mec et l’attend vers 22/23h. 
    – Nico envisage d’aller chercher Jérèm dans le bar où il est avec tous les joueurs, il s’inquiète! tu parles!

    Faire culpabiliser avec le coup du diner aux chandelles, je l’ai fait aussi à 20 ans, j’étais manipulateur. 
    Mais quand on aime quelqu’un, cherche t-on à protéger ou à mettre ou en difficulté? 
    Que se passerait-il si Jérèm se plante par sa faute. 

    fab75du31Auteur

    07/09/2020 19:08

    Bonjour à tous
    quand je lis tous vos commentaires, ça me donne tellement d’energie et, pour utiliser une expression de jeunz à la mode, tellement de « good wibes ».
    Merci à vos mots, vos voix, votre consideration.
    Fabien

    ZurilHoros

    07/09/2020 17:37

    6 ans, pour 6 mois de la vie de Jérèm & Nico. Je souhaite pouvoir être là pour souffler encore de nombreuses bougies. 

    Cet épisode met en scène ce qui était attendu car inévitable. Dès lors que la réalité s’invite, le rêve prend fin. 
    Nico est confronté à un choix difficile, presque insurmontable, entre son idéal romantique et la forme de relation épisodique qui s’impose à lui. 
    Que veut-il, ou que ne veut-il surtout pas revient pour lui à se poser la question de ce qu’il croit mériter et de sa capacité à l’obtenir. 
    Donc de ce qu’on appelle d’une formule tarte à la crème; « l’estime  de soi ».  

    J’ai aimé entré dans la peau de Nico, et que au fur et à mesure que la journée s’écoule, être envahi par sa solitude, ressentir les déceptions qui s’accumulent comme autant de coups, 
    et tenté de comprendre le pourquoi de l’attitude déstabilisante de Jérèm. 
    Mais dès que Jérèm regarde enfin Nico, on respire avec lui. D’autant plus que l’auteur sait dépeindre son Jérèm et le dévoiler, désarmant de vulnérabilité. 
    C’est une victime ce garçon, victime de lui, victime de son enfance. 
    Son changement d’attitude, si brusque, nous offre une de ces belles scènes que j’aime retrouver de temps en temps. 
    Cela me donne toujours le sentiment que son attachement à Nico est si fort que ça lui fait peur. 
    J’aime toujours la façon dont Fabien évite le clash trop prévisible, pour le faire revenir par la petite porte… quand on ne l’attend plus. 

    Dans 20 ans, Nico en rira surement, mais sur le moment, se retrouver à poil dans le placard, comme dans une pièce de boulevard, est terriblement humiliant. 
    Quand il explose de sa rage recuite depuis des semaines, ce n’est pas brillant, il cherche à faire mal, et tape sous la ceinture. 
    Pourtant Jérèm se justifie et s’expose comme il ne l’avait encore jamais fait. C’est un peu tard, c’est toujours trop tard. Nico semble trop énervé pour entendre
    Les choses sont maintenant claires. 
    En partant, Nico a eu la sagesse de ne pas prendre de décisions définitives.
    S’il est honnête, une fois la colère retombée, il réalisera sans doute que Jérèm ne l’a pas pris en traitre, 
    et qu’il n’a pas trop de leçons de morale à lui faire. 
    Il se remémorera les paroles de Jeremie et il sera encore plus ébranlé. Jérém n’a pas vraiment envie de Nico à Paris… 
    A sa place, c’est plutôt ça me ferait mal, mais il lui a dit aussi tout l’inverse. C’est la première fois. 

    Quand il sera seul, dans le train, Nico va pouvoir réfléchir… 

    Quelles options?
    – Faire le constat qu’il n’y a pas de possibilité à se réaliser dans cette relation et qu’il faut arrêter avant que tout ne se dégrade.  
    – Faire comme Julien le lui conseillait. Chacun vis sa vie en parallèle, quand on se voit, on fait comme si de rien était. 
    Pour une personnalité aussi romantique que Nico, cela me semble surréaliste. Cela lui semblera trivial, sale. 
    Et même pour Jérémie, qui à sa façon met Nico sur un piédestal, ce serait dur. 
    – Faire de l’acharnement thérapeutique en espérant des lendemains qui  chantent. C’est ce qu’il y a de plus facile à faire. 
    Mais la même scène se reproduira la fois d’après sans l’effet de surprise. A l’arrivée, c’est la haine assurée ou l’indifférence. 
    – Ne rien faire, laisser le temps décider. Cela demande une maturité et une distance sur la vie  que Nico n’a pas. 

    Une fois dans son studio, Jérèm va pouvoir réfléchir lui aussi.

    J’avoue penser, comme lecteur, que, arrivés à ce point de leur histoire et vue les possibilités qui s’offrent à eux, leur grande  histoire d’amour est finie, tout du moins dans sa phase idéalisée. 
    Le réel a trop pris le pas et les obstacles du quotidien ne les lâcheront plus. 
    Ca ne pourra plus être comme avant, il faudra qu’ils changent, ou que les circonstances changent. 

    Yann

    07/09/2020 11:28

    Ben voila on y est. Triste pour nos deux garçons, mais pas autant que je le pensais car ils s’aiment toujours autant ; leur amour est toujours là et ils tiennent plus que tout l’un à l’autre et se le sont dit. Ça ne réglera pas tout mais c’est déjà important pour la suite car si l’un ou l’autre jetais l’éponge ce serait le signe que les bases de leur relations n’étaient pas aussi solides ou sincères que ça. L’autre chose c’est que Jerem ne s’est pas énervé comme on aurait pu le penser. Au contraire, il est resté calme et posé mais surtout il s’est expliqué avec les mots qu’il fallait. Il lui a dit de belles choses qui bien sûr cela n’ont pas calmées Nico qui, sous le coup de la colère et de sa déception, ne les a pas vraiment écoutées. Mais il va surement y repenser dans le TGV comme à ce que  Albert et Denis lui ont raconté sur leur relation qui elle aussi a connue des hauts et des bas mais leur amour a été le plus fort. La vie ce n’est pas Campan tous les jours
    Enfin Jerem se trompe peut être quand il pense que si il a renoué avec ses performances sportives c’est pour avoir mis dans son lit des nanas. Et si c’était au contraire la visite surprise de Nico qui lui ai redonné confiance en lui, que ce soit Nico sa dope et qu’il ne puisse pas s’en passer ?
    En tout cas c’est un très bel épisode touchant et émouvant et bon anniversaire à cette histoire, merci à toi Fabien pour tous ces épisodes et le travail que cela représente.
    Yann

    Etienne

    06/09/2020 16:00

    Snif !!!!
    On sentait l’inéluctable depuis quelques épisodes…
    Jerem fait ce qu’il peut, avec tous les risques que comporte le coming out dans le sport de haut-niveau en 2001… comme en 2020. On ne peut effectivement pas lui en vouloir.
    Même si maintenant les fédérations (officiellement) affirment ne plus tolérer l’homophobie dans leur sport, il reste du travail. La différence c’est qu’en 2020, un collègue/partenaire homophobe a plus de chance de se faire rappeler à l’ordre qu’en 2001, mais il y a pas mal de moyens pour pourrir la vie en dehors du stade et des vestiaires. Et puis, il y a les supporters….
    Nico, n’a pas le même type de pb, l’explication donnée par Jerem va t’elle lui ouvrir les yeux ?
    Merci Fabien (lsix ans déjà !!).
    Vite, la suite !!

    Eric

    05/09/2020 23:58

    Je partage l à is de florentdenon. Difficile d en vouloir à Jérém. Comment assumer dans un club de rugby À priori ça parait encore compliqué à notre époque. Par ailleurs relation à distance toujours compliquée Fabien merci pour l épisode. A Tres vite

    Virginie-aux-accents

    05/09/2020 22:11

    Je savais qu’ils auraient tous les deux le cœur brisé. Et moi aussi.
    Merci pour ce chapitre tout en tension et en émotion.

    fab75du31Auteur

    05/09/2020 17:23

    Suite à un problème technique, je restaure ici le commentaire de Peccoo


    Superbe chapitre. J’ai versée ma petite larme. Merci pour ton travail.

    Gebl

    05/09/2020 16:22

    inévitable , beau 
    sans voix
    Accro

    Florentdenon

    05/09/2020 15:38

    Mince ! Je pensais qu’il s’était passé quelque chose avec Thomas…Merci encore pour ce recit réaliste et émouvant. C’est difficile de detester Jeremie.Hate de te lire, Fabien !

  • JN0236 Les nuages s’amoncellent à l’horizon…

    JN0236 Les nuages s’amoncellent à l’horizon…

    Jeudi 8 novembre 2001 au soir.


    « Je vais devoir te laisser maintenant.
    « Je te rappellerai bientôt pour prendre des nouvelles ».
    « Merci d’avoir appelé, ça m’a fait vraiment plaisir ».
    « Et alors, pour Nico, tu vas faire quoi ? ».
    « Je ne sais pas encore ».
    « Et si tu essayais de lui expliquer ? ».
    « Non, il ne comprendrait pas ».
    « Tu n’en sais rien, il n’est pas con ! ».
    « Je sais que moi non plus je ne comprendrais pas si j’étais à sa place ».
    « Mais peut-être que lui il pourrait ».
    « Non, je ne crois pas ».
    « Et tu ne vas jamais le laisser venir te voir ? ».
    « Pas avant quelques temps. Noël c’est dans quelques semaines, et tout ça ce sera derrière moi, et je pourrais peut-être faire comme s’il ne s’était rien passé ».
    « Tu crois que tu vas arrêter de culpabiliser ? Que quelques semaines vont changer quoi que ce soit ? ».
    « Je ne sais pas ».
    « Et tu crois que Nico va t’attendre jusqu’à Noël ? ».
    « J’espère… j’espère… ».
    « Et tu crois que tu vas pouvoir garder tout ça pour toi ? ».
    « Il le faut ».
    « Je te connais, Jérém, si tu gardes ça pour toi, ça va te miner et tu vas devenir insupportable. Nico va le sentir et ça va être la cata ».
    « Si je lui parle de ça, je vais le perdre ».
    « Moi je pense que tu vas le perdre si tu ne lui parles pas. Si tu lui caches des choses, il va le sentir. Et ça va le miner lui aussi ».
    « Peut-être que je devrais tout arrêter et le laisser libre de rencontrer un gars qui le rendrait heureux ».
    « Mais tu ne peux pas faire ça, tu le sais bien, Nico est trop important pour toi.  Et tu ne peux pas risquer de le perdre à cause d’un truc qui n’a aucune importance au fond. Ne gâche pas tout à nouveau, Jérém, tu serais trop malheureux ».
    « Je dois y aller, frérot. Encore merci d’avoir appelé ».
    « Ne déconne pas ! ».
    « Bisous ! ».
    « Bisous et bon week-end. Et bon courage pour tout. Tu verras, tout va s’arranger ».
    « Parfois je me dis que c’est toi le grand frère, Maxou ».

    Vendredi 16 novembre 2001, 14 heures.

    Six mois jour pour jour après notre première révision de maths dans l’appart de la rue de la Colombette, je suis dans le TGV qui m’amène à Paris pour retrouver Jérém. Mais à son insu. Je vais lui faire une surprise, même si elle est un peu « contre son gré ». Car dans son discours, Jérém ne tient pas vraiment à que je le rejoigne à Paris.
    Mais au fond de moi, je pense que ça pourrait quand-même lui faire plaisir et nous aider à nous retrouver. Du moins c’était ma conviction au départ de Bordeaux, celle qui m’a poussé à envisager ce voyage. Une conviction qui semble perdre de son évidence depuis que le train a quitté la gare Saint Jean.
    De toute façon, je ne peux pas passer un jour de plus sans le voir. Cinq semaines se sont écoulées depuis mon premier week-end parisien. Et je sens que Jérém est en train de s’éloigner à nouveau. Je ne peux rester sans rien faire, je dois tenter quelque chose.
    Oui, dans ce TGV, je devrais me sentir comme le gars le plus heureux de la Terre, je devrais me réjouir du fait que dans quelques heures je serai dans les bras du gars que j’aime. Mais ma joie est parasitée par la peur de sa réaction en me voyant débarquer à l’improviste.
    Les dés sont jetés, j’espère vraiment ne pas me faire jeter. En fait, depuis un certain temps, et sans que je le sache, pas mal de dés ont été jetés dans ma vie. L’avenir me dira quelles facettes le destin aura choisi de faire ressortir.

    Pendant les trois heures de trajet en train entre Bordeaux et Paris, j’ai le temps de cogiter et de me prendre la tête à souhait. J’essaie de me dire que nos retrouvailles seront géniales, que, malgré tout, Jérém va me sauter au cou, que nous allons faire l’amour comme des lapins. Mais plus encore que l’envie de faire l’amour avec Jérém, c’est l’envie de me blottir dans ses bras, contre son torse musclé, contre ses poils bruns et doux, contre sa peau chaude et délicate qui est la plus pressante. L’envie de le caresser, de le couvrir de bisous. L’envie d’entendre sa présence, sa voix, de retrouver notre complicité. J’espère retrouver notre complicité. Cinq semaines, c’est la plus longue période sans le voir depuis le début de nos « révisions ». J’ai tellement envie de passer du temps avec lui, juste être avec lui. J’ai envie de parler avec lui, de savoir comment il va, de voir comment il va.
    Je veux lui faire sentir que je suis là pour lui. Que je ne lui demande rien de plus que ce qu’il peut m’offrir. Comment montrer mon amour à Jérém ? Comment trouver les bons mots pour lui montrer ma présence sans l’étouffer ?
    J’ai juste besoin de savoir que les promesses de Campan n’ont pas fané. J’ai peur de quel Jérém je vais retrouver. Au fur et à mesure que le voyage avance, je me sens de plus en plus aspiré dans un puissant vortex où se mélangent une joie intense, comme une ivresse, et une peur panique qui enserre mon ventre dans une prise de plus en plus douloureuse.
    Deux sentiments qui me tiraillent dans tous les sens, sans cesse, qui m’épuisent littéralement.
    Le train vient de quitter la gare d’Orléans et je me sens ko, j’ai juste envie de dormir. Je sens mon courage et ma détermination s’évaporer. J’ai envie de rentrer chez moi.
    Aussi, je repense à ce qui a failli se passer avec Justin, et je m’en veux de m’être trouvé dans cette situation. Je m’en veux de lui avoir donné de faux espoirs, je m’en veux d’avoir fait n’importe quoi. Mais par-dessous tout je m’en veux vis-à-vis de Jérém. Je passe mon temps à prier pour qu’il ne me trompe pas, et au final c’est moi qui ai failli le tromper. Sale bête la tentation.
    Est-ce que le fait que la tentation arrive à m’atteindre est le signe que mon amour n’est au fond pas si solide ? Ou bien est-il juste humain de chercher du réconfort ailleurs quand la personne qu’on aime nous tient à l’écart de sa vie ?
    Dans le train, je repense évidemment aussi à Benjamin, le gars avec le chiot labrador qui m’avait laissé un mot avant de descendre du train à Bordeaux. Un mot disant que je lui plaisais bien, accompagné de son numéro de téléphone. Je suis heureux d’avoir jeté ce mot, et de ne pas m’être exposé à une autre tentation dangereuse.
    A plusieurs reprises j’essaie d’avancer dans mon bouquin, mais je n’y arrive pas, je suis trop stressé et inquiet vis-à-vis de ce qui m’attend à Paris. J’ai peur que Jérém croie que je monte pour le surveiller, j’ai peur qu’il me quitte à nouveau, et pour de bon cette fois-ci. Mais j’ai surtout peur de ce que je vais découvrir de sa nouvelle vie.
    Je repense aux mots de Léo qui insinuait que Jérém s’était tapé une nana, je repense aux explications de Jérém, explications auxquelles j’ai cru. Est-ce que j’ai bien fait d’y croire ? Est-ce qu’il a craqué depuis ?
    Et je repense également au regard d’Ulysse posé sur moi et sur Jérém à ce moment-là, ce regard lourd et intense, et à mon impression que le boblond avait capté quelque chose. Je repense à sa façon insistante de m’appeler « le cousin », comme s’il mettait en doute cette version des faits. Est-ce qu’il avait vraiment compris pour Jérém et moi ou est-que ce n’était que mon imagination ? Est-ce que depuis il a parlé de tout ça avec Jérém ?
    Le train arrive enfin en banlieue de la capitale. La grisaille des barres d’immeubles et des friches industrielles laissées à l’abandon et taguées est amplifiée par la grisaille du ciel, un ciel maussade et triste qui fait écho à ma tristesse et à mes inquiétudes intérieures.
    Comme elle est différente la météo de ce soir, celle du ciel, tout comme celle de mon cœur, par rapport à celle bien ensoleillée avec laquelle Paris m’accueillait cinq semaines plus tôt !
    A ce moment-là, j’étais heureux de venir voir Jérém, parce que je savais qu’il m’attendait les bras ouverts. Alors que ce soir, je ne sais vraiment pas à quoi m’attendre. Plus le train approche de la gare, plus je me dis que cette venue surprise n’était pas une si bonne idée que ça. J’ai peur de me heurter à son hostilité. J’ai peur de le mettre en pétard. J’ai peur d’un clash. Un nouveau clash du genre de celui qui s’est produit la dernière fois qu’il est venu chez moi après la semaine magique.
    Le train arrive en gare Montparnasse et j’ai l’impression d’avoir les tripes nouées et les jambes paralysées. Je n’ai pas envie de descendre. J’ai l’impression que je n’en ai pas la force. Je dois me faire violence pour quitter mon siège et descendre sur le quai. C’est comme si j’y allais à reculons. C’est drôle cet état d’esprit lorsqu’on s’apprête à rejoindre le gars qu’on aime.
    Dans la gare, dans le métro, la bogossitude de la capitale défile devant mes yeux avec une fréquence et une intensité qui ne connaissent pas de répit. D’habitude, chaque immersion dans la mâlitude d’une grande ville me donne le vertige, me remplit de frissons, d’émotions, de nœuds et de papillons dans le ventre, me donnant l’impression d’être une balle dans un flipper géant où chacun des rebonds infligés serait une nouvelle sexytude qui me percute, me bouscule, avant de me renvoyer vers un autre.
    Et pourtant, ce soir je n’ai pas le cœur à ça. La bogossitude défile devant mes yeux, mais l’émotion qu’elle me procure d’habitude n’est pas au rendez-vous. Mes inquiétudes m’accaparent totalement. La peur de perdre Jérém une nouvelle fois me tétanise. J’ai envie de pleurer.
    Dans le métro je sens mon stress monter jusqu’à presque m’étouffer.
    A l’approche de la dernière gare avant les Buttes Chaumont, j’ai le tournis.
    En marchant vers son immeuble, je sens mon audace, celle qui m’a poussé à prendre le train sans le lui annoncer, se faire la malle. Chaque pas est accompli au prix d’un effort épuisant. Mon cœur tape si fort que ses battements résonnent presque douloureusement dans mes oreilles. Je me sens vaciller, et je sais que je suis en train de perdre tous mes moyens. Je pressens que quand je serai en sa présence je serai complètement abasourdi, abruti. Pas après pas, le sens de l’expression « avoir les jambes en coton » m’apparaît dans toute sa lumière.
    A la vue de son immeuble, je tremble.
    Et s’il n’était pas là ? La dernière fois il était rentré à 18h00, mais est ce que ce sera le cas aujourd’hui ?
    Et s’il était là mais qu’il n’était pas seul ? Et s’il était avec une nana ? Je ne veux pas vivre ça ! Et pourtant, je veux savoir.
    C’est cette envie de savoir qui me pousse à accomplir les derniers pas.
    Me voilà devant l’interphone de l’immeuble. Je suis tétanisé, je ne sais pas comment m’annoncer. J’ai peur de sonner. Cette idée d’y aller au culot était vraiment une idée à la con. Je n’aurais pas dû écouter le conseil de Monica et faire tant d’heures de train pour me retrouver dans cette situation inconfortable au possible. Définitivement, il faut que je me rappelle à l’avenir que les conseilleurs ne sont pas les payeurs, notamment en matière de questions sentimentales.
    J’hésite face à l’interphone, mon doigt tremble sans trouver le courage de se poser sur le bouton à côté de l’étiquette Tommasi.
    Finalement quelqu’un sort et j’en profite pour rentrer avant que la porte ne se referme. Premier niveau validé. Mais cela ne m’aide en rien pour la suite de l’« aventure ». Je ne sais toujours pas comment m’annoncer. Et surtout quelle va être sa réaction.
    Je prends l’ascenseur, cet ascenseur dans lequel nous nous sommes échangé des bisous la dernière fois. Je repense à notre resto à Montmartre, à notre balade dans la nuit parisienne, à nos câlins, je repense à quand nous avons fait l’amour, à notre complicité, au bonheur d’être avec lui.
    Etage 3… pourvu qu’il soit là…
    Etage 4… pourvu qu’il soit seul…
    Etage 5… pourvu qu’il ne me jette pas…
    Son étage. La porte de l’ascenseur s’ouvre. Voilà le couloir qui amène a son appart. J’ai la trouille.
    Sa porte. J’ai vraiment envie de faire demi-tour. Et si je redescendais et je l’appelais pour le prévenir ?
    Je suis à deux doigts de reprendre l’ascenseur, mais quelque chose me retient. Les murs sont fins, j’ai l’impression d’entendre la voix de mon Jérém. Mais avec qui il parle ? Il est peut-être au téléphone…
    Une hypothèse qui se dément très rapidement lorsque j’entends une autre voix masculine entrecouper celle de mon bobrun.
    Ma jalousie chatouille ma curiosité. Et je me décide enfin à sonner.
    « Ça doit être les pizzas » j’entends Jérém lancer.
    Lorsque la porte s’ouvre, je frôle le malaise de très près. La raison ? La vision de mon Jérém beau comme un Dieu dans l’une des tenues les plus inattendues et les plus furieusement sexy qui soient.
    Chemise blanche parfaitement coupée autour de son torse en V, de ses épaules et de ses biceps, cravate noire descendant presque jusqu’à sa braguette, pantalon noir et ceinture noire aussi, chaussures de ville en cuir. Brushing au gel impeccable, barbe de quelques jours mais très soignée, les bords coupés bien nets.
    Oui, la vision de Jérém en ténue élégante me percute comme un 33 tonnes lancé à pleine vitesse. Car il est carrément sexy à mort. Et ça me met KO.
    Ainsi, il me faut quelques secondes pour voir que mon bobrun a un cocard à l’arcade sourcilière gauche. Et pour capter son regard, un regard surpris et sonné.
    « Qu’est-ce que tu fous là ? » il finit par me demander en chuchotant.
    « Je suis venu te voir ».
    « Je t’avais dit de ne pas venir ».
    Les bruits venant de la télé de son appart résonnent dans le couloir.
    « Je sais, mais j’avais trop envie de te voir ».
    « Shut ! Ferme-là ! » fait-il, en criant et en chuchotant à la fois.
    « Ça ne te fait pas plaisir ? ».
    « Ecoute Nico » fait-il en approchant la porte du battant derrière lui.
    Putain qu’est-ce qu’il est sexy dans cette tenue ! Pourquoi il est habillé ainsi ? J’ai envie de lui sauter dessus direct.
    J’attends la suite des mots de Jérém lorsque j’entends une voix venant du séjour :
    « Alors, ces pizzas, ça vient ou quoi ? ».
    « C’est qui ? » je ne peux m’empêcher de le questionner.
    « C’est un pote… ».
    « Alors, tu me laisses rentrer ou tu me laisses dans le couloir ? » je trouve la force de lui lancer, après avoir mis de côté ma surprise.
    « Pourquoi t’es venu, putain ! » il m’engueule, mais toujours en chuchotant.
    « Parce que tu ne m’as pas laissé le choix ».
    Le silence qui suit semble indiquer que Jérém n’a rien à opposer à ce que je viens de dire. Non, il ne m’a pas laissé le choix. Mais Jérém a l’air mal à l’aise, et j’ai l’impression qu’il ne sait pas du tout comment réagir.
    Je croise son regard, je ne le lâche plus. Je tente d’amadouer ce mètre quatre-vingt de muscles qui semble barrer mon chemin pour ne pas que je rentre dans son appart. Je donnerais cher pour savoir ce qui se passe dans sa tête à cet instant précis…

    [« Ah putain, il fallait qu’il débarque maintenant ! » ne cesse de se répéter Jérémie.
    Il fallait que Nico débarque ce soir, alors qu’il n’est pas seul. Et pourtant, quelque part il s’y attendait un peu. A force de le repousser, il ne lui a pas laissé le choix, c’est vrai.
    Et puis, il a quand même eu les couilles de traverser la moitié de la France pour venir le voir, et en plus au risque de se faire jeter. Quand même, quand même !
    Il ne peut le quitter des yeux, il est aimanté par son style « à l’arrache », par ses beaux cheveux châtains en bataille, ces vêtements trop grands qui cachent son physique élancé.
    Car, comme d’habitude, Nico porte un blouson et un pull trop grands. Décidemment il ne sait pas mettre en valeur son beau petit corps. Jérém se dit depuis longtemps que ce choix de cacher son corps sous des vêtement trop larges semble témoigner d’un manque cruel d’assurance. C’est dommage, parce qu’il a quand même du goût dans le choix de ses fringues.
    Et puis il y a ses grands yeux. Qu’est-ce qu’il aime ses grands yeux doux et pleins d’amour ! Nico a vraiment une bonne bouille à bisous. Son regard dégage un côté rêveur et timide qui le rend vraiment craquant. Son si beau sourire, un peu naïf, mais tellement lumineux, lui fait tellement de bien.
    Oui, Nico lui fait de l’effet, beaucoup d’effet. Il le trouve tellement touchant. Et séduisant. Jérémie a terriblement envie de lui.
    Mais en même temps, il est contrarié par le fait que Nico n’en a fait qu’à sa tête, qu’il est venu sans prévenir… mais qu’est-ce que ça lui fait plaisir de le voir, quand-même !
    Jérémie a envie de lui faire des bisous, de le prendre dans ses bras. Sa peau douce lui fait envie. Il a aussi envie de sentir ses lèvres sur sa queue. Il a envie de sentir son regard qui le vise comme un Dieu pendant qu’il lui fait l’amour, ce regard qui le fait sentir important, unique.
    Jérémie a très envie de le faire rentrer. Mais en même temps il se demande ce que va penser son pote en le voyant débarquer. Il ne veut pas qu’il sache ce qu’il y a entre Nico et lui. Et aussi, qu’est-ce que va penser Nico ? Ne va-t-il pas se faire des idées au sujet de ce gars ?
    De toute façon, Jérémie sait qu’il n’a pas le choix, qu’il ne peut pas lui claquer la porte au nez].

    Le silence s’éternise, Jérém ne sait vraiment pas sur quel pied danser.
    « Ecoute Jérém » je trouve la force de lui lancer, tout en me forçant à chuchoter pour rester discret « j’ai traversé la moitié de la France pour venir te voir. Si tu ne me laisses pas rentrer, je me casse et tu ne me revois plus jamais ».
    Et là, en joignant le geste à la parole, je fais demi-tour et je me prépare à rejoindre l’ascenseur.
    C’est évidemment un incroyable bluff. Incroyable dans le sens de peu crédible. Et pourtant ça fait son effet.
    Je sens sa main attraper mon avant-bras. Comme sous la halle à Campan, mon Jérém me retient.
    « Tais-toi et rentre ».
    Niveau 2 plié. J’ai marqué assez de points pour changer de niveau et de décor. Je peux rentrer dans son appart.
    Bien évidemment, la première « chose » qui attire mon attention en pénétrant dans le terrier de Jérém est la présence du pote en question. Le gars est installé sur le clic clac, devant la télé, avec une bière à la main. Evidemment, il est blond, barbu et baraqué comme un petit taureau.
    Et il est habillé dans la même tenue élégante que Jérém. Chemise blanche lui aussi, mais avec les deux premiers boutons du haut ouverts, laissant entrevoir les lignes convergentes, à la fois douces et saillantes, de la naissance de ses pecs imberbes. Cravate noire, mais défaite, les bouts pendouillant des deux côtés du collet entourant son cou puissant. Lui aussi, dans cette tenue habillée, est sexy à un point que les mots me font défaut.
    « Ulysse… j’ai de la visite » j’entends Jérém prévenir son pote tout accaparé par le match.
    « Hey, mais toi je te connais… le cousin… » me lance le boblond, en même temps qu’un magnifique sourire illuminant son regard clair et viril.
    « J’ai complètement zappé que mon cousin m’avait dit qu’il passerait me voir ce week-end » ment Jérém avec un aplomb qui n’est pas vraiment fait pour me rassurer.
    « Alors le cousin, ça va ? » me demande Ulysse.
    « Ça va merci et toi ? ».
    « Bien, bien… bière et canapé en compagnie d’un pote… c’est le pied ! ».
    Jérém a l’air très gêné. Et moi je suis gêné pour lui. Heureusement une diversion se produit. La sonnette retentit à nouveau dans l’appartement.
    Jérém ouvre la porte et le livreur se pointe avec deux boîtes en carton entre les mains.
    « Si on avait su, on en aurait commandé trois » commente Ulysse.
    « On va partager » fait Jérém.
    « En fait, non, je crois que je vais y aller » fait le boblond.
    « Pourquoi tu veux y aller ? » réagit Jérém, l’air étonné.
    « Finalement je sens que je suis pas mal fatigué, alors je vais rentrer pour être en forme pour demain ».
    « Mais c’est toi qui as payé les pizzas… »
    « C’est pas grave, vous les mangerez à ma santé. J’espère que tu aimes la pizza au chorizo, Nico… allez, bonne soirée les gars… ».
    « Bonne soirée Ulysse » fait mon bobrun.
    « Et pense à ce que je t’ai dit, Jérém » fait le boblond en prenant la porte, mais en s’arrêtant sur le seuil « Ne t’en fais pas trop pour ce qui s’est passé le week-end dernier. Il ne faut pas que ça t’empêche d’avancer. Il faut un temps d’adaptation pour trouver sa place dans une équipe professionnelle ».
    « Ce qui me fout les boules c’est qu’à Toulouse j’étais considéré comme l’un des meilleurs joueurs, alors qu’ici je me sens nul ».
    « Je suis passé par là aussi. On a 18-20 ans, on sort d’une équipe amateur où on était respectés, et on a pu se croire les maîtres du monde. Mais quand on arrive dans une grande équipe ce n’est plus du tout ça, on doit tout recommencer depuis le début, on a à nouveau tout à prouver. Aussi, la pression que le club nous met sur les épaules ne favorise pas un démarrage en sérénité ».
    « Tu dois surement avoir raison, tu as beaucoup plus d’expérience ».
    « Ce que je veux que tu comprennes surtout, c’est que c’est à peu près la même chose pour tout le monde. Devoir tout recommencer alors qu’on se croyait bon c’est dur à admettre, mais d’un autre côté c’est une sacrée chance. Ça aide à garder les pieds ancrés au sol. Mais tu progresses bien, en deux mois tu as fait des pas de géant dans la technique, l’analyse de jeu, la coordination avec les autres joueurs. Tu es un très bon rugbyman et tu t’améliores chaque jour un peu plus. Il ne faut rien lâcher ».
    « Merci Ulysse pour tout ce que tu fais pour moi ».
    « C’est rien, tu es un bon gars. Tu es un bosseur. Et j’aime les gars bosseurs ».
    Au travers de ce petit échange je viens de réaliser que je n’avais pas vraiment pris la mesure d’à quel point les difficultés d’intégration de Jérém dans l’équipe étaient grandes. C’est vrai que Jérém ne m’en a jamais vraiment parlé, se cantonnant à me parler de sa « fatigue ».
    J’ai de la peine pour lui, mais d’un autre côté, et dans une certaine mesure, ça me « rassure » d’apprendre cela. Car quelque chose me dit que ses problèmes au rugby expliquent du moins en partie la distance que Jérém a mis entre nous depuis quelques semaines. Jérém ne va pas bien, et quand Jérém ne va pas bien, il se ferme en hérisson et il a tendance à se terrer dans son coin en attendant que ça passe. Oui, maintenant que je connais la raison, je retrouve là un comportement typiquement « à la Jérém ».
    Mais en même temps, je suis déçu qu’il ne me fasse pas assez confiance pour me parler de ses problèmes. Ça sert à quoi d’être en couple si on ne se parle pas, si on ne va pas chercher du soutien chez l’autre dans les moments difficiles ?
    Mais il fait confiance à Ulysse. Certes, Ulysse est aux premières loges pour voir les difficultés de Jérém. Et grâce à son expérience, il peut voir et affronter les choses d’une façon que je ne saurais appréhender, trouver des mots que je ne saurais trouver, et avoir auprès de Jérém une crédibilité et un pouvoir de réconfort que je ne saurais avoir. Et pourtant, je ne peux m’empêcher d’être jaloux de leur complicité, de leur amitié et de l’admiration de Jérém pour son coéquipier.
    Une admiration qui ce soir, lors de ce petit échange, me paraît évidente comme jamais. Jérém buvait carrément les mots du boblond, on aurait dit un enfant fasciné par son mentor.
    Ulysse vient de partir en laissant derrière lui une délicate traînée de parfum bien mec, quatre bières sur la table qu’il a dû partager avec Jérém, ainsi qu’une pointe de jalousie qui ne se base sur rien mais que je n’arrive pas pour autant à raisonner. Et il vient de partir en me laissant en tête à tête avec Jérém.
    J’ai réussi à me faire accepter dans son appart, mais je réalise que le plus difficile est à faire. A savoir, affronter son hostilité, cette hostilité que je ressens dans son attitude et qui me stresse horriblement. J’ai l’impression que le troisième niveau, « Dans les bras de Jérém », je ne suis pas près de l’atteindre. Malheureusement, à ce jeu-là, on ne peut pas acheter des bonus pour avancer plus vite.
    « Tu peux m’expliquer ce que tu fais là ? » me lance Jérém, après s’être allumé une cigarette à côté de la fenêtre.

    [Jérémie a envie de se jeter sur Nico, de le serrer dans ses bras, de lui faire plein de bisous, de lui faire l’amour. Mais sa colère provoquée par le fait qu’il lui a « désobéi » a besoin de se faire sentir pour s’évacuer].

    « Je te l’ai dit, j’avais trop envie de te voir ».
    « Je m’en fiche de ça, je t’avais bien dit de ne pas venir ! ».
    « Maintenant je suis là. Si vraiment ça ne te fait pas plaisir de me voir, je te l’ai dit, je me casse ».
    Jérém ne réagit pas, il continue de fumer sa cigarette.
    Il a l’air tendu, fatigué. Il a l’air d’un hérisson fermé en boule, tous piquants déployés. Pourquoi il ne se lâche pas avec moi comme il se lâche avec Ulysse ? Suis-je vraiment nul au point de ne pas mériter sa confiance ?
    Mon regard est une fois de plus attiré par son cocard à l’arcade sourcilière. Ce qui me donne l’occasion de tenter d’amorcer une conversation.
    « Qu’est ce qui t’es arrivé à l’arcade ? ».
    « C’est rien ».
    « Non, ce n’est pas rien ».
    « Fiche-moi la paix ! ».
    « Putain, Jérém, parle-moi ! Je ne suis pas débile, tu sais ?! Si tu me parles, je vais t’écouter, et je peux même comprendre ce que tu me racontes ! Tu comptes énormément pour moi et je m’inquiète pour toi ».
    « J’ai pris un coup de coude pendant le match de samedi dernier » il finit par admettre.
    « Comment s’est passé ce match ? ».
    « J’ai pas envie d’en parler ».
    « Alors on fait quoi si on ne parle pas, on se regarde en chien de faïence ? ».
    « T’es chiant ! ».
    « C’est pas nouveau, ça. Allez, accouche ! ».
    « Ça a été une cata, ça te va ? ».
    « Vous avez perdu ? ».
    « 58 à 22 ».
    « Ah, quand même ».
    « Oui, comme tu le dis, quand même ! ».
    « Et qu’est-ce qui s’est passé ? ».
    « Il s’est passé que j’ai été nul et archinul, j’ai tout raté, et j’ai fait perdre des tas de points à l’équipe ».
    « Mais ce n’est quand-même pas toi qui as fait perdre ton équipe tout seul ! ».
    « Quand ça commence à foirer dès les premières minutes de jeu, ça ne peut qu’aller de pire en pire ».
    « Je suis sûr que tu n’as pas été si nul que tu le prétends. Ulysse a dit que tu progresses bien ».
    « J’ai été pire que ça même, je t’assure ».
    « Mais tu as entendu Ulysse, il faut du temps, ça va venir ».
    « Ulysse est un très bon joueur. Moi peut-être pas. Je sens que les gars ne me font pas confiance, et encore moins depuis samedi dernier. Je ne me sens pas à ma place, je me sens scruté, moqué, je me mets la pression tout seul et je joue de plus en plus mal ».
    « Et moi je suis sûr que tu vas y arriver ».
    « Tu ne connais rien au rugby ».
    J’ai déjà entendu ça et même si c’est vrai, je prends sa remarque comme une baffe en pleine gueule. En gros, dans son « tu ne connais rien au rugby », j’entends « tu ne m’es d’aucun secours » qui fait un mal de chien. Mais je ne me laisse pas décourager.
    « C’est vrai. Mais je sais que tu as les capacités et que tu sais te donner à fond pour arriver là où tu veux arriver. Alors, il faut juste ne pas te laisser décourager et être patient. Et ça viendra ».
    « Ouais, ouais… » fait le bobrun sur un ton sceptique, avant de changer de sujet « N’empêche que t’as eu un sacré culot de te pointer sans prévenir… mon pote était là… j’ai besoin d’être discret, je te l’ai dit ».
    « Mais tu as très bien fait semblant » je lui lance.
    Jérém ne répond pas, il se réfugie derrière sa cigarette.
    « Au fait, comment ça se fait que vous êtes si bien sapés ? » je ne peux me retenir de lui demander, toujours autant subjugué par sa tenue.
    « Cet aprèm on a fait un shooting pour les photo officielles du club ».
    « Putain, qu’est-ce que ça te va bien la tenue chemise cravate ! ».
    « Alors, on les mange ces pizzas ? ».
    « J’ai envie de toi » je lui lance cash, tout en le regardant droit dans les yeux.
    Et là, je vois sa pomme d’Adam s’agiter. Je sais ce que cela veut dire. Ça veut dire que j’ai touché un point sensible chez mon bobrun. Je sais que je viens de déclencher chez lui une envie, un début d’excitation. Dans son regard, dans sa colère, je vois une étincelle lubrique faire surface et m’encourager à lui sauter dessus.
    Je m’approche de lui, je pose ma main sur sa chemise immaculée, sur ses pecs saillants et fermes : rien que ce premier contact avec son corps m’apporte une intense sensation de bonheur.
    Je le colle contre le mur, je le couvre de bisous, je l’embrasse sur la bouche, fou de lui. Le bogoss se laisse faire. Mais pas que. Très vite, ses lèvres cherchent les miennes, fébrilement, fougueusement. Ça me fait tellement plaisir, ça me rassure.
    Je prends de l’audace. Je lui fais des bisous dans le cou, je remonte vers son oreille et je lui chuchote :
    « Alors ça te fait quand même un peu plaisir de me voir ».
    « Tais-toi et… su… » je l’entends me lancer, mais s’arrêter juste avant de prononcer un ordre qui aurait été terriblement excitant.
    « Et continue ce que tu étais en train de faire » il se corrige.
    « Ne fais pas ton timide » je m’enhardis « je sais que tu crèves d’envie que je te suce ».
    « Tu crois ça ».
    A cet instant précis, j’ai l’impression de retrouver notre complicité et je suis heureux, vraiment heureux.
    « Il n’y a qu’une façon de le savoir » je le cherche.
    Un petit sourire malicieux traverse son visage. Et alors que je continue de lui faire des bisous dans le cou, et qu’avec la paume de mes mains je caresse ses pecs et j’agace ses tétons, j’entends son excitation monter à travers les variations de ses respirations, qui se font peu à peu de plus en plus profondes.
    Bientôt, mes doigts travaillent avec délicatesse pour desserrer sa cravate. La desserrer, sans pour autant la défaire. Je la relâche suffisamment pour pouvoir la passer par-dessus le collet, pour la poser sur la peau mate de son cou.
    Ensuite, je m’attaque aux boutons de sa belle chemise blanche. Je les déboutonne un à un, lentement, laborieusement, tant mes doigts tremblent dans cette action destinée à dévoiler la beauté aveuglante de sa plastique. Car à chaque bouton ouvert c’est un bout de sa peau mate qui se dévoile, c’est un détail de son corps de mâle que je redécouvre, c’est une bouffée de bonheur olfactif qui happe mon esprit et l’envahit d’un désir de plus en plus ravageur.
    Bouton après bouton, je retrouve sa chaînette posée sur ses pecs, un bout de tatouage remontant depuis son épaule, son grain de beauté dans le creux du cou. Mais tout ce que je découvre n’est pas pour autant à mon goût. Car quelque chose manque à l’appel dans le puzzle intensément masculin qui compose la bogossitude de mon Jérém.
    Les poils ! Où sont passés les poils ? Je les cherche, mais je ne les trouve pas. Je défais les derniers boutons de plus en plus fébrilement et je n’en trouve aucune trace. Et une fois les deux pans entièrement séparés, à la place de sa douce toison brune, une peau mate et rasée de près se dévoile à mes yeux.
    Non pas que sa peau rasée ne soit pas furieusement sexy, d’autant plus que l’absence de poils présente l’avantage d’orienter le regard vers cette ligne finement velue marquant la symétrie de ses abdos et indiquant le chemin de sa virilité. Ligne qui, Dieu merci, a été épargnée.
    En réalité, ce qui me perturbe, ce n’est pas tant l’absence de poils, mais plutôt le fait que, dans ma tête, les poils de son torse allaient avec le Jérém de Campan, avec le bonheur de Campan, avec les promesses de Campan, avec un Jérém qui s’assume, qui est à l’aise avec son corps et avec sa sexualité. Et avec notre histoire. Je lui ai dit et redit que je kiffais ça et j’avais l’impression qu’il les gardait pour me faire plaisir. Et maintenant il les a coupés. C’est con, mais j’ai l’impression que ce changement va de pair avec la distance que Jérém a mis entre nous depuis quelques semaines.
    « Tu as coupé les poils ! » je ne peux m’empêcher de lui lancer avec une note de déception dans la voix.
    « Je fais ce que je veux de mes poils ! ».
    L’argument est imparable. C’est évident qu’il fait ce qu’il veut de ses poils. Mais l’acceptation de soi ne commence-t-elle pas de l’acceptation de son physique ? J’ai l’impression que par ce geste, et certainement par d’autres que j’ai peur de découvrir, Jérém essaie à nouveau d’être quelqu’un d’autre que lui-même, d’être celui que d’autres attendent qu’il soit, comme au lycée.
    Mais il est évident que je n’ai pas le droit de le gonfler avec ça.
    « C’est juste que je les aimais bien ».
    « Je sais, tu me l’as dit » fait-il en défaisant sa ceinture.
    Finalement, le bogoss a bien envie de se faire sucer. Quant à moi, cet élastique blanc qui dépasse de façon insolente de son beau pantalon noir, de sa ceinture, me fait voir rouge, me rend dingue.
    Alors, sans plus tarder, je plonge mon nez et mon visage dans la peau tiède du creux de ses pecs, je pose des bisous légers, tout en agaçant ses tétons du bout de mes doigts, lui arrachant de bons frissons. Je descends encore, je m’attarde à humer la ligne de poils au milieu de ses abdos, j’apprécie comme il se doit ce dernier reliquat de sa pilosité mâle. Un petit bruit percute mon excitation et la décuple en une fraction de seconde. Mon bobrun vient d’ouvrir le zip de son pantalon.
    Et là, comme par magie, sans déboutonner le bouton du haut de son pantalon, sa queue bien raide jaillit de sa braguette. Son gland est devant mon nez, gonflé à bloc, bien invitant.
    Ça fait 5 semaines que je ne l’ai pas vu et je suis très ému de le retrouver. Alors, sans plus hésiter, je l’astique avec le bout de ma langue, arrachant au passage quelques bons frissons sensuels à mon Jérém.
    Mes deux genoux posés sur le carrelage, je le pompe avec entrain. Mes mains prenant appui sur ses cuisses musclées, je m’évertue à lui offrir un bonheur sensuel aussi intense que possible. Il faut dire que je me trouve dans un état d’excitation délirant. Cette queue raide et chaude qui dépasse de la braguette ouverte, la ligne du boxer blanc qui coince ses couilles, mais aussi les pans ouverts de la chemise sur ses pecs et ses abdos, cette cravate négligemment posée sur la ligne médiane de son anatomie, les uns et l’autre ondulant au gré de mes va et vient, tout cela est terriblement excitant, c’est carrément de l’ordre du fantasme qui devient réalité.
    Qu’est-ce que j’aime donner du plaisir à mon bobrun, et notamment ce plaisir si intime, la fellation, un plaisir que plus que tant d’autres est à sens unique, rendant hommage à la virilité du mâle. Un bonheur qui, pour celui qui suce, est en très grande partie psychologique, dans le bonheur de donner du plaisir au mâle, dans la soumission au mâle.
    Un bonheur qui pourrait encore être décuplé si le bogoss s’employait à agacer mes tétons avec ses doigts comme il sait si bien faire. Chose qu’il n’est pas en mesure de faire, car il vient d’allumer une nouvelle cigarette. Ce qui me rappelle une nuit peu avant le bac, de retour de boîte, dans sa voiture, garée non loin de chez mes parents, une nuit où je l’ai pompé jusqu’au jus pendant qu’il fumait.
    Mais son attitude de bad boy macho ne dure pas très longtemps, car assez vite, et probablement dépassé par le plaisir que je lui offre, tout comme en cette fameuse nuit, Jérém échappe la cigarette qui s’écrase sur le sol.
    « Merde ! » je l’entends pester.
    Je le pompe de plus en plus vite et profondément, avec de plus en plus d’entrain, je m’emploie à lui faire oublier ce petit accident. Jérém se laisse faire, écrase la cigarette avec sa belle chaussure en cuir et prend son pied à fond.
    Et très vite, son attention ainsi libérée est enfin utilisée pour autre chose. D’abord, pour défaire entièrement sa cravate, laissant les deux bouts se poser sur la peau mate de son torse. Pendant quelques instants, le bogoss bombe son torse, plie ses bras et croise ses mains derrière sa tête. C’est beau au point d’en perdre la raison.
    Mais assez vite, ses mains s’emploient à s’occuper de mon plaisir. Elles se glissent dans le V assez échancré de mon t-shirt, les bouts de ses doigts s’en vont chercher mes tétons, déploient ce toucher sans pareil qui est le leur, à la fois ferme et terriblement doux, excitant et frustrant, un toucher parfaitement dosé qui me rend dingue.
    Et quand ses mains quittent mes tétons, c’est pour saisir et prendre appui sur mes épaules, pour me limer la bouche, lentement, profondément, avec des petites oscillations du bassin très viriles, mais pas brutales. Une attitude de mâle qui est juste une évidence.
    Souvent, je me demande comment Jérém vit une pipe…

    [« Quand Nico me suce, c’est un bonheur inouï ».
    Jérémie est conscient que personne ne l’a jamais sucé de cette façon, avec cette furieuse envie de lui faire plaisir, de le faire jouir. Pendant que Nico le suce, tout son être est tendu vers un seul et unique but, lui offrir du plaisir. Se faire sucer de cette façon, se sentir désiré de cette façon, ça fait sacrément du bien. Il adore le regarder faire, car ça décuple ses sensations de plaisir.
    C’est tellement bon que parfois il doit se retenir pour ne pas venir trop vite. Car ce qui est bon – et ceci Jérémie l’a découvert avec Nico – c’est le chemin qui mène à l’orgasme, plus que l’orgasme lui-même. D’ailleurs, là, si Nico continue à le pomper avec cet entrain, il sait qu’il ne va pas durer longtemps. Il a envie de l’arrêter pour le prendre et jouir dans son cul. Il a aussi envie de le sucer. Il a aussi envie de se faire prendre. Quand Nico est là, cette envie revient et ça lui paraît si naturel. Jérémie ne sait pas de quoi il a envie de premier. En réalité, il a envie de tout en même temps.
    Il a envie que ça dure, mais il a envie de jouir, de jouir dans sa bouche, de le voir avaler. Il en a envie même si, après ce qu’il a fait, il sait qu’il ne le mérite pas vraiment.
    Mais Nico fait ça trop bien, l’orgasme approche, il perd déjà pied, sa volonté s’évapore. Et alors il se laisse faire, il laisse Nico aller au bout de cette pipe fantastique].

    Je sens son orgasme monter au travers de la prise de plus en plus forte et fébrile de ses mains sur mes épaules, au travers de sa respiration de plus en plus rapide, excitée, profonde et bruyante.

    [Lorsque l’orgasme explose dans sa tête et balaie sa conscience, Jérémie est toujours assez lucide pour se dire qu’il n’y a que Nico qui sait lui offrir un orgasme pareil, un orgasme à le rendre fou ! Pourvu qu’il avale…].

    J’entends le bogoss lâcher un grand soupir, avant de lâcher une bonne série de giclées lourdes et épaisses dans ma bouche. Une bonne dose de sa semence chaude que j’avale petit à petit, en la savourant comme la plus délicieuse des boissons.
    Ah, qu’est-ce que c’est bon de retrouver son goût de jeune mâle et de sentir la vibration enivrante de son plaisir !
    Je regarde mon bobrun, les épaules appuyées contre le mur, le bassin en avant, la queue toujours raide, luisante de sperme. Je regarde ses pecs et des abdos osciller sous l’effet de sa respiration bousculée par l’orgasme. Et je regarde son visage encore crispé, sa bouche entrouverte à la recherche d’air.
    La aussi je donnerais cher pour savoir ce qu’il ressent à cet instant précis…

    [Il n’y a qu’après l’amour avec Nico que je ressens cette sensation de chaleur dans le bas ventre, cet apaisement, cette petite ivresse, rien de moins que les signes d’un bel orgasme !]

    Un instant plus tard, je sens ses mains passer sous mes aisselles et m’obliger à me relever. Pendant un instant, nous nous retrouvons face à face, un court instant pendant lequel j’ai le temps de me dire que mon bobrun, la chemise ouverte sur son torse de malade, la cravate défaite pendouillant des deux côtés de son cou, l’air repu, assommé de plaisir, est vraiment beau comme un Dieu.
    Mais le bogoss a encore de la ressource. Il défait ma braguette, il baisse mon pantalon et mon boxer, me fait me mettre face contre le mur, il étale de la salive sur mon trou. Et il vient doucement en moi, il enfonce sa queue toujours raide jusqu’à la garde. Le bonheur de me sentir envahi par le pieu viril de mon mâle est un plaisir que je redécouvre à chaque fois avec enchantement.
    Le bogoss commence à me limer lentement, tout en me branlant avec vigueur et en glissant son autre main sous mon t-shirt pour aller caresser délicatement mes pecs. Bref, mon bobrun met tout en œuvre pour me faire jouir très fort et très vite. Et lorsque mon orgasme explose, décuplé par les contractions de ma rondelle autour de son manche raide, j’ai l’impression de partir si loin dans le plaisir au point de douter de pouvoir en revenir.
    Hélas, l’orgasme masculin est à la fois d’une intensité inouïe et d’une brièveté frustrante. Et lorsque je reviens à moi, Jérém se déboite aussitôt.
    Mais alors que je m’attends à qu’il allume la cigarette « obligée » après l’orgasme, je l’entends me lancer :
    « J’ai faim ».
    Nous voilà attablés en train de manger les pizzas, mes yeux incapables de quitter mon bobrun dangereusement sexy dans sa chemise ouverte sur ses pecs et ses abdos de fou. Quant à mon odorat, il est complètement assommé par les petites traînées de déo qui se dégagent de sa peau mate.
    Nous mangeons en silence.
    « Tu as de la chance d’avoir un pote comme Ulysse qui veut t’aider et qui te soutient » je lance pour amorcer une conversation.
    « Oui, jusqu’au jour où il se rendra compte qu’il n’a pas misé sur le bon cheval ».
    « Tu dis n’importe quoi ! ».
    « On verra bien ».
    « En tout cas Ulysse a l’air d’un bon gars ».
    « C’est vraiment un bon gars. S’il n’était pas là, je crois que je ne tiendrai pas ».

    [Jérém se dit qu’Ulysse est le seul qui le comprend et le soutient depuis le début. Qu’il est vraiment un chouette gars. Un véritable pote. Qu’il est toujours là pour lui. Qu’il a le cœur sur la main.
    Mais aussi qu’il trouve sa présence rassurante. Et plaisante.
    Qu’il ne peut s’empêcher de chercher sa présence dans les vestiaires.
    Que ce gars l’impressionne. Car il a une classe, un charme qu’il lui envie.
    Que sa voix le fait vibrer. Que ses mots le charment. Que son parfum lui fait de l’effet.
    Que ce gars le fait se sentir bien comme le faisait Thibault, avant.
    Que ce gars a peut-être compris qui il est vraiment. Et que pourtant il n’a jamais posé de questions, car c’est quelqu’un de discret et respectueux.
    Qu’il aurait presque envie de tout lui déballer. Car il pressent que ça lui ferait du bien d’être lui-même au moins avec un pote.
    Mais qu’il ne peut pas. Car même s’il sait qu’Ulysse n’irait pas crier tout ça sur tous les toits, il a peur que ça change quelque chose dans leur amitié. Il a peur que ça crée un malaise. Car il suffirait d’une imprudence pour que les ragots recommencent. Et Jérém ne veut surtout pas ça].

    Nous sommes en train de dévorer nos pizzas lorsque le portable de Jérém se met à sonner. Jérém l’attrape, regarde le numéro qui s’affiche, et le jette sur la table avec un geste agacé.
    « Tu réponds pas ? » je lui lance. En réalité, mes mots en cachent d’autres, du genre : « c’est qui ? » que je n’ose pas poser.
    « Non, ça attendra ».
    Soudain, j’ai l’impression que Jérém me cache quelque chose.
    J’ai du mal à continuer à manger ma pizza l’estomac désormais noué par les questionnements. J’essaie de prendre sur moi, de me convaincre que ce n’est rien, que je me fais des films, lorsque son portable se met à sonner à nouveau.
    « C’est l’un des gars » m’annonce Jérém, en répondant à l’interrogation silencieuse de mon regard.
    « Pourquoi tu réponds pas ? ».
    « Si je réponds je vais être obligé de sortir » fait il en mettant le portable en mode vibreur.
    Je me pose de plus en plus de questions, car l’excuse des potes qui appellent me paraît un tantinet bancale. D’habitude c’est Ulysse qui l’appelle pour sortir. Mais ce soir Jérém lui a bien dit qu’il ne sortirait pas pour être en forme pour le match du lendemain et Ulysse a bien semblé intégrer cela. Il a même dit qu’il n’insisterait pas. Ça me paraît improbable que ce soit lui qui l’appelle. C’est peut-être un autre pote, mais ça me semble tout aussi improbable.
    Alors, qui l’appelle avec cette insistance ? Mes inquiétudes sont amplifiées par le fait que je trouve Jérém distant, et un brin mal à l’aise après ces deux sonneries.
    Le silence se prolonge et devient vite gênant.
    « Comment se passe à la fac ? » je tente une nouvelle fois de faire la conversation, mais ce coup-ci pour essayer d’échapper à mes inquiétudes.
    « Comme au rugby. Je merde. Chaque matin je suis cassé par les entraînements, et l’après-midi je n’arrive pas à me concentrer. Je vais abandonner. Ça me demande trop d’énergie. De toute façon, je n’y arrive pas. Il faut que je me concentre à 100% sur les entraînements ».
    « Non, tu ne dois pas lâcher ».
    « De toute façon, je n’ai rien à faire à la fac. Je n’ai pas la tête à faire des études. Et puis, nous les sportifs, avec nos cursus aménagés, les autres étudiants ne peuvent pas nous encadrer ».
    « C’est à cause de ton problème que tu as du mal à suivre les cours ? ».
    « Quel problème ? ».
    « La dyslexie ».
    « Comment tu sais ça ? ».
    « Thibault m’en a touché deux mots, un jour, vite fait… ».
    « Ah Thib… ».
    « Mener une carrière de rugbyman pro en parallèle des études est un sacré challenge » j’essaie de le remonter « mais je suis sûr que tu as les capacités d’y arriver. Si tu as quelques difficultés, ce n’est pas parce que tu es nul, c’est juste parce que tu es fatigué et parce que ton problème te ralentit. Tu n’y peux rien. Mais je suis sûr que le travail finira par payer ».
    « J’ai la trouille pour le match de demain » je l’entends Jérém me lancer de but en blanc. Mon Jérém a l’air tellement désemparé que je le trouve très émouvant. Je me lève, je fais le tour de la table et je le prends dans mes bras. Enfin mon Jérém s’ouvre à moi et ça me touche beaucoup.
    « Il faut que tu sois confiant » je lui chuchote, tout en posant des bisous légers dans son cou.
    « C’est pas facile quand tout part en couille ».
    « Tout va finir par rentrer dans l’ordre, j’en suis certain ».

    Dehors ça tombe toujours, j’entends la pluie drue taper sur le velux du plafond.
    Nous passons la soirée devant la télé, devant un film sans intérêt. A plusieurs reprises, j’essaie de lui faire des câlins, mais je ne le sens pas vraiment réceptif. Au contraire, je le sens toujours distant, préoccupé, stressé. Je veux bien que le match du lendemain le préoccupe. Mais elle est passée où notre belle complicité ? Par moments, j’ai envie de pleurer.
    A 22 heures, Jérém passe dans la salle de bain, il revient habillé d’un simple boxer blanc ainsi que de la nudité de son torse, tous pecs et abdos et tatouages sexy dehors, les deux lignes convergentes du pli de l’aine disparaissant dans l’élastique du boxer. Soudain, je sens mon trou frémir, réclamer sa présence virile, ses coups de reins, ses giclées bien chaudes.
    Et alors que j’espère de toutes mes forces que celle qui a depuis toujours été la dernière frontière de notre complicité, le sexe, va sauver cette soirée morose, le bogoss m’annonce qu’il a besoin de dormir.
    « Si tôt ? » je m’étonne.
    « Demain je dois être au centre à 7 heures ».
    « Pourquoi de si bonne heure ? » je le questionne.
    « Demain nous jouons à Périgueux ».
    Ah mince… je n’avais pas anticipé cette éventualité. C’est vrai que les équipes ne jouent pas toujours à domicile. Fait chier ! Je n’ai pas choisi le bon week-end car son emploi du temps va faire que nous allons avoir peu de moments pour nous voir.
    « Je ne savais pas » je finis par lancer, comme hébété.
    « Tu es venu sans prévenir ».
    « On ne revient pas sur ça, s’il te plaît ! ».
    « Je dois me lever à 5h00 et je suis claqué » il me lance froidement.
    « D’accord, d’accord ».
    Je passe à mon tour à la salle de bain. Je suis tellement déçu de ne pas faire l’amour avec Jérém ce soir !
    Je suis tellement déboussolé que je n’ai même pas le courage de faire un petit détour olfactif dans son sac de sport qui semble pourtant me narguer dans un coin de la petite pièce.
    Lorsque je reviens au lit, Jérém éteint la lumière, sans un mot. Je voudrais lui poser tant de questions mais je sais que ce n’est pas le moment. Dans l’état de stress où il est, il serait capable de m’envoyer chier direct. Alors je décide de prendre sur moi, et de faire comme si de rien n’était. On verra demain, suivant comment le match se passe, s’il revient de bonne humeur, peut-être j’aurai un créneau pour lui parler, pour essayer de retrouver mon Jérém, celui de ma première venue à Paris.
    J’essaie de me calmer, de relativiser, de prendre sur moi une fois de plus, de me dire que ces coups de fil ce n’est rien et que si Jérém a dit que c’est l’un de ses potes, ça doit être vrai. Mais il ne s’est pas passé cinq minutes depuis l’extinction des feux lorsque son portable se met à vibrer à nouveau. Mon cœur se tape un sprint digne d’un départ de Formule Un. Un malaise très désagréable s’empare de moi. Jérém attrape l’appareil sur la table de nuit et l’éteint carrément.
    « C’est qui, encore ? » j’aurais envie de lui demander. Mais je n’ose pas. Alors, je ne dis rien. Au fond de moi, j’espère que Jérém dise quelque chose, lui, qu’il me rassure, qu’il dissipe mes peurs. Mais au lieu de quoi, le silence s’installe, un silence qui devient de plus en plus blessant à chaque seconde
    « Toujours les potes ? » je ne peux m’empêcher de lui demande, tristement, comme une perche tendue pour lui signaler ma présence, mon inquiétude et mon besoin d’être rassuré.
    « Oui, ils ne me lâchent pas ».
    Une réponse qui, évidemment, ne suffit pas à m’apaiser. Je suis triste. Je trouve Jérém tellement distant. Je le prends dans mes bras, mais je n’ai aucune réaction de sa part. Sa main ne cherche pas ma main comme c’était le cas à Campan ou la première fois à Paris. Aucun bisou ne semble non plus à l’ordre du jour. Mais je ne peux pas renoncer à un petit bisou de bonne nuit.
    Après un long moment de silence, je finis par le questionner :
    « Tu dors ? ».
    « J’essaie ».
    « Je peux avoir un bisou ? ».
    « Rhooooo » je l’entends lâcher, sur un ton agacé.
    Jérém se retourne avec un geste brusque, me claque un bisou rapide et se retourne à nouveau.
    « Bonne nuit » je lui lance.
    « Ouais, bonne nuit ».
    Jérém doit être vraiment fatigué parce qu’il ne tarde pas à s’endormir. J’écoute sa respiration de sommeil que je connais bien, et cela m’apaise un peu.
    Mais pas au point de faire taire mes questions au sujet de son attitude distante et de ce téléphone qui n’arrête de sonner et qui m’empêchent de trouver le sommeil. Et si les deux étaient liés ?
    Pendant un court instant, l’idée de fouiller dans son tel me traverse l’esprit. Mais elle s’éloigne aussitôt, car je ne peux pas faire ça. De tout façon, je n’aurais pas le cran de le faire, le risque est trop grand. Et puis je ne veux pas aller dans ces travers. Si j’en suis au point de fouiller dans son portable, c’est que vraiment rien ne va plus entre nous.
    Il me faut longtemps, et j’ai le temps de compter pas mal de moutons, avant de trouver enfin le sommeil.

    [Il est 2h45 du matin lorsque Jérémie se réveille en sursaut. Il réalise que Nico est dans son lit, et ça lui fait plaisir. Le voir arriver à l’improviste l’a contrarié, mais la présence de Nico lui fait du bien. Tout lui parait plus simple lorsque ce petit gars est à ses côtés.
    Il le regarde dormir et se souvient d’une autre occasion ou il l’avait regardé dormir. C’était un après-midi d’été, après l’amour, dans sa chambre à St Michel à Toulouse.
    Aujourd’hui comme hier, il le trouve très mignon, beau petit mec doux comme un enfant. Aujourd’hui comme hier, il sait qu’il ne sera pas à la hauteur de ses attentes. Il sait qu’il va le décevoir, et qu’il va le faire souffrir. D’ailleurs, il est déjà en train de le faire souffrir. Déjà, toutes ces semaines sans se voir. Et puis, cette distance qu’il ne peut s’empêcher d’entretenir, à cause de ce qu’il a fait, et du sentiment de culpabilité dont il n’arrive pas à se débarrasser. Et puis il y a aussi ce téléphone qui n’arrête pas de sonner. Il sait que Nico se pose plein de questions au sujet de ces coups de fil à qui il n’a pas pu répondre.
    Aujourd’hui comme hier, il se demande s’il ne vaudrait pas mieux tout arrêter.
    Mais Jérémie ne veut pas perdre « MonNico » qu’il regarde dormir, avec un regard attendri.
    Il se demande comment ce petit gars s’y est pris pour ravir à ce point son cœur, pour le toucher là où personne n’avait réussi à le toucher auparavant.
    Pourquoi Nico lui fait tant d’effet et le fait sentir si bien ?
    Le fait est que Jérémie n’aime pas seulement ce que Nico est, mais aussi et surtout ce qu’il est, lui, quand il est avec Nico. Car Nico supporte ses mauvais côtés, son mauvais caractère et il croit fermement en ce qui est bon en lui. Car Nico fait ressortir le meilleur de lui-même.
    Nico le touche beaucoup. Et ça remue des choses en lui. Parce qu’il ressent pour lui des trucs qu’il n’a jamais ressentis pour personne. Il se dit que qu’après tout, ce que Nico lui apporte est de l’amour, du vrai. Et que cela est trop précieux pour le laisser filer.
    Aujourd’hui comme hier, il a peur de le perdre. Il avait eu tellement peur de le perdre Nico après le clash chez lui !
    Mais comment le garder dans sa vie alors qu’il n’a rien à lui offrir ?
    Jérémie regarde Nico dormir dans la pénombre. Il se dit que oui, quand il est avec lui, tout lui paraît tellement plus simple, y compris s’assumer, y compris même être heureux. Mais il sait tout aussi bien que quand Nico est loin, ses peurs et ses démons le rattrapent aussitôt.
    Et puis, qu’est-ce qu’il a à lui offrir, à part de la distance et le faire souffrir ?
    Jérémie ne peut se résoudre à quitter Nico des yeux. Car au fond de lui, il est vraiment heureux que ce petit gars soit là. Au fond de lui, il voudrait qu’il soit là plus souvent.
    Avant de s’allonger pour essayer de retrouver le sommeil, Jérémie pose un bisou léger sur le front de Nico].

    Prochain épisode vers le 5 septembre.

    [Cher lecteur/lectrice,

    l’écriture me prend beaucoup de temps. Tu peux m’aider en faisant un don sur Tipeee ou sur Paypal en cliquant sur les logos correspondants juste à la droite de l’épisode.

    Merci d’avance.

    Fabien]

    Commentaires

    Celio

    03/09/2020 11:40

    J’ai cherché plus d’info sur PBLV. Il y a encore des points communs comme Tom qui bave devant Théo, le bomec de sa classe. Ensuite il tombe dans le coma et l’autre lui fait une déclaration qui le tire de la. Trop de coïncidences. Qui inspire qui MDR

    fab75du31Auteur

    28/08/2020 22:57

    Bonjour à vous tous
    une nouvelle fois, Jérém&Nico alimente le débat.
    Merci pour la considération que vous témoignez à mon travail
    Fabien

    Celiio

    26/08/2020 20:32

    A la place de Nico je serais mal. Le mec veut pas le voir pendant 5 semaines et là, il fait la gueule. Le message qu’il lui fait passe est clair Vive la suite

    ZurilHoros

    25/08/2020 20:40

    Je fais lire les épisodes à un copain, trop timide pour laisser des commentaires… 
    Ce n’est pas la première fois qu’il trouve que Jérémie a plus de sincérité ou de profondeur dans ses sentiments que Nico … 

    D’ou vient cette impression? C’est sans doute que quand Nico voit Jérémie, c’est d’abord les fringues, la parure, le brushing, le déodorant. 
    Ensuite, comme si il avait lu le manuel « comment garder votre homme » , il pense à s’intéresser au rugby, à la dyslexie etc…Sa préoccupation première est de garder Jérèm après l’avoir conquis de haute lutte. 

    A l’inverse, Jérémie est ému par la personnalité de Nico. Emu, ça a l’air moins fort qu’ébloui, alors que pour être ému par quelqu’un, il faut le voir vraiment. Quand on est ébloui, on ne voit pas tant que ça.  
    Nico a aussi un ressenti plus tragique des sentiments et il est très conscient d’avoir une responsabilité vis à vis de Nico. 
    Ca ne veut pas dire qu’il sait y répondre ou qu’il a le courage de le faire. Il est assez égoïste et parfois pire, mais il souffre de ne pas se conduire comme il le devrait. 

    Est ce que tout ça est intentionnel ou accidentel. Peut être que l’auteur a passer plus de temps à observer des Jérém, des Thibault, des Ulysse et qu’il sait les décrire avec une palette riche, dégradée dans toutes les nuances. 
    Je ne sais pas si la description du charme de Nico le motive tant que ça. 

    J’aime beaucoup Nico, qui en plus d’être spontané, est surtout un garçon extrêmement romantique et idéaliste. C’est comme si il avait été visité par le Saint Esprit, et il fantasme Jérémie tellement parfait que Jérém a finit par le croire. 

    Ce qui est aussi très touchant, c’est qu’a chaque fois qu’il voit Jérém, il garde l’enthousiasme de la première fois. Je suppose qu’il apporte à Jérém, qui est d’humeur sombre, une présence lumineuse. Ca donne un immense pouvoir que de porter quelqu’un, rien que par le regard. 
    C’est aussi un garçon très scrupuleux, très attentif à ne pas faire mal et qui fait toujours la démarche de réparer ses emportements injustes. 
    Il est aussi un fin observateur, avec de l’empathie et il a de l’humour. En dépit d’un égocentrisme d’enfant, je trouve qu’il est très gentil et il ne se prend pas pour ce qu’il n’est pas. 
    Bien sûr, il se dévalorise, mais en même temps, il est lucide sur lui. C’est très rare comme qualité. Ca lui permet de comprendre ce qui lui arrive et de ne pas toujours rejeter sur les autres les échecs. 

    J’espère que le récit, ne l’abimera pas trop et qu’il gardera toujours cette pugnacité de se battre pour ce à quoi il croit. 

    Virginie-aux -accent

    25/08/2020 12:59

    Voilà pourquoi j’aime tant les épisodes « dans la tête de Jérèm ». Il est tellement fermé qu’on ne sait pas (pas plus que Nico) ce qu’il ressent. Ici, avec quelques phrases, on passe notre temps à discuter de ses sentiments. Il est encore plus attachant, comme à Campan.

    ZurilHoros

    24/08/2020 18:31

    « Rendre sa liberté à Nico » ne serait pas une preuve d’amour au sens strict, parce que, la preuve d’amour serait plutôt de vivre avec lui ce qu’il y a à vivre. 
    Je vois plus ça comme un acte d’abnégation de la part de Jérémie. « Puisque je ne peux pas te rendre heureux, je te laisse être heureux ailleurs, avec un autre ».
    Ce serait aussi pour lui, un renoncement d’autant plus cruel qu’il sait très bien, désormais, que c’est avec Nico qu’il est « vrai ». 
    Il sait aussi qu’en renonçant à Nico, il partira pour une vie faite de faux-semblant.
    On sait qu’il a la capacité de donner le change en société. On l’a vu être entouré de bandes de copains, avoir de l’aisance, faire rire les autres, se donner en spectacle. Aucun problème de ce coté là. Il tiendra le temps qu’il tiendra, comme si il avait une bombe à retardement en lui qui n’attend qu’un choc pour exploser.

    On sait qu’une fois seul, c’est un garçon tourmenté, introverti, solitaire, qui ne fait confiance à personne et surtout pas à lui même. On sait aussi que, jusqu’à aujourd’hui, il n’y a que Nico qui a eu le pouvoir de réveiller en lui, un truc enfoui si profondément qu’il en avait oublié l’existence. Un espèce de sourire intérieur, qui ressemble à de l’émerveillement et à de la sérénité. C’est lui qui le dit. 

    Donc, c’est pour Jérémie, un choix cornélien au tout premier degré. 
    Il me semble que à travers les yeux et la naration qu’en fait Nico, c’est bien du combat intérieur de Jérémie qu’on nous parle.  

    Pour ce qui est des séparations, rien ne dit qu’elles doivent être éternelles. 

    Yann

    24/08/2020 15:11

    Le problème majeur vient de Jerem qui veut cacher à ses coéquipiers sa vie intime avec Nico et ça peut se comprendre dans la mesure où il appréhende quelle serait la réaction de ses coéquipiers. Le risque de se trouver marginalisé lui fait peur car il devrait renoncer au rugby.  Tout le reste de la situation découle de ça. L’éloignement n’est qu’une question marginale et matérielle qui a son importance mais n’est pas centrale.
    Qu’il veuille rendre sa liberté à Nico peut s’interpréter de deux façon. L’égoïsme ou bien une preuve d’amour et je penche pour celle là. Quelle vie à-t-il à proposer à Nico s’il ne fait pas son coming out ? D’être l’amoureux de quelqu’un qu’il cachera dans le placard et combien de temps. Il sait que Nico en souffrirait beaucoup plus que d’une séparation. Même s’il y a du « tangage » entre eux il faut qu’ils se parlent et se disent leurs craintes et leurs envies.
    Ceci étant même si j’y ai cru au précédent épisode, je ne crois pas que l’histoire se termine sur une séparation à cause de la situation qui les préoccupe. Ecrire une histoire c’est un peu un exercice de magie : détourner l’attention, faire regarder ailleurs pour mieux surprendre par quelque chose à quoi on ne s’attend pas. Qu’ils se séparent là c’est trop prévisible et convenu. Je me trompe peut être mais je pense que Fabien va, une fois encore comme il l’a souvent fait, nous surprendre et c’est tout ce que j’aime.

    Yann

    ZurilHoros

    23/08/2020 19:56

    Ca fait plaisir de retrouver Jérém & Nico, même si c’est au travers d’un épisode qui instille le malaise chez le lecteur. 
    Comment peuvent ils être l’un devant l’autre, sans savoir quoi se dire, après ce qu’ils ont traversé. 
    Malgré Campan, ils en sont là,  dissimulant leurs pensées, leurs envies et leurs craintes. 
    Ou est passée l’attirance qui les aimantait l’un à l’autre? Le temps éteint la relation le sexe a été mécanique, et pour la première fois, ce n’était pas les Grandes Eaux. 

    Dans le rôle du bon copain, je saurais peut être quoi dire à Jérém, mais j’avoue que face à Nico, je serais désemparé, avec plus de questions que de conseils à distribuer. 

    A Nico, je demanderais : « Es tu heureux comme ça? Es tu prêt à vivre encore l’attente, 5 semaines, (j’avais compté 6) et combien de semaines avant, au lycée, et combien à venir. 
    D’ou vient cette jalousie qui t’envahie sans cesse. Tu crois si peu en Jérém que tu voudrais fouiller dans son portable! Pour y trouver quoi? Des messages de filles, de mecs… et ça changerait quoi?  
    Tu es même jaloux de Ulysse parce qu’il partage le rugby avec Jérém. Tu voudrais être partout à la fois, occuper tous les rôles. 
    Jérém aussi, aurait de quoi être jaloux si il savait, tu as juste retardé le moment.
    Peut être aussi que si tu as peur de passer à l’acte, c’est que tu as peur de ne plus l’aimer. C’est un risque, surtout quand on s’est autant investi que toi. A quoi ressemblerait ta vie sans Jérém? 
    Par contre, sait-il que tu plais? beaucoup même… Malgré tes fringues trop larges. C’est aussi que tu as peut être plus à donner qu’une enveloppe physique et que tu intrigues par ta personnalité. 
    Est ce que tu vas tenir longtemps dans la dévotion de quelqu’un qui donne si peu de lui.
    Même quand il donne, il semble le regretter, comme si c’était une faiblesse, une perte d’identité. 
    « Je fais ce que je veux de mes poils ! ». Même Pour ça, il doit faire sentir qu’il reprend le contrôle.

    Ta jalousie peut s’entendre, elle est attisée par le constat qu’il ne te laisse aucune place. Tu ne sais pas qui tu es pour lui, ce qu’il veut faire de toi, ce qu’il aimerait faire avec toi, si toutefois, il aimerait faire quelque chose.
    Il ne s’intéresse pas beaucoup à toi et à ton quotidien.

    Jérém avait pourtant changé pour Nico, mais la distance, le temps font leur effet. 

    Peut être, qu’il n’a pas assez reçu, très jeune et qu’il ne sait pas se donner. Il aime être le centre de tout. C’était comme ça avec Thibault. 
    Le besoin qu’il a de se trouver un mentor, c’est aussi pour qu’on s’occupe de lui. Il cherche un protecteur, un type qui le guide, qui rattrape ses dérapages. Pas forcément quelqu’un qui lui mette des limites ou qui lui aprenne à assumer ses actes. 
    Jérémie fuit les responsabilités, il fuit tout le temps d’ailleurs. Aujourd’hui, il fuit sa culpabilité en fuyant Nico. Qu’a t-il fait? On imagine.
    Il ne sait pas trop ou il en est dans sa tête. Comme il bluffe assez bien, il donne l’impression de n’avoir besoin de personne et même pas de Nico. 

    Thibaut avait prévenu Nico, Jérémie s’est construit autour du rugby. Il n’a pas de plan B, il n’avait jamais pensé qu’un Nico viendrait lui révéler sa vraie nature et bouleverser sa vie.  
    Quand on a tout créer autour de l’action, du dynamisme, quand ça ne marche plus, il y a un gouffre.

    C’est cru de le dire comme ça, mais dans le tableau d’une vie de « winner », Nico ne sert à rien. C’est un emmerdeur, un danger. 

    Je ne dis pas qu’il ne l’aime pas, au contraire. Mais est ce qu’il en est conscient? Pour l’instant, ses sentiments sont confus.
    « Il me fait du bien », « je devrais lui rendre sa liberté ». Il ramène à lui. Il pense d’abord « j’ai besoin ». 
    Il n’a pas encore franchi l’étape de s’avouer « je l’aime ». Si il franchissait le pas, sa vie ne serait plus la même et ce serait une vie qu’il ne connait pas et il a peur de ce qu’il ne connait pas. 
    Et il n’a jamais souffert d’une rupture. La première avec Nico, a été trop brève, il ne l’a pas intégrée comme telle parce qu’il n’a pas senti le manque et l’absence. 
    Comme souvent, avec lui, c’est en en faisant l’expérience, qu’il comprendra ce qui lui arrive. En fait, il a déjà souffert d’une rupture, mais c’était il y a trop longtemps pour qu’il fasse un lien avec Nico.

    Donc, les deux zozos ont encore du boulot devant avant de pouvoir s’accomplir. 

    Nico se posait la question, il y a quelques épisodes, de savoir ce qu’il conviendrait de faire. Il serait peut être temps de demander à Jérém si il veut encore de lui dans sa vie, parce que tout ce qu’il fait semble vouloir dire à Nico, qu’il est un poids. 

    Ce qui est passionnant, c’est de voir les lignes bouger, à chaque épisode. Les avis se modifient au fur et à mesure que les personnages se livrent ou que les événements les révèlent. 
    Comme lecteur, j’apprécie beaucoup la cohérence, le réalisme qui fait que l’on peut se projeter dans le récit et y croire sur la durée. 

    Virginie-aux-accents

    22/08/2020 22:22

    Merci pour ce nouvel épisode Fabien.
    Je sens que Nico va avoir le cœur brisé mais, grâce aux pensées du Bobrun que tu nous dévoiles, je sens que ce sera aussi le cas de Jerem…  Je ne pourrais plus jamais détester cet adorable branleur.

    Yann

    22/08/2020 15:20

    Ce que j’aime particulièrement depuis quelques épisodes,  ce sont les apartés dans les pensées de Jerem ou quand, comme au début, il échange avec son frère au téléphone. C’est déjà arrivé par le passé mais là c’est beaucoup fort car ça nous ouvre des portes pour comprendre un Jerem qu’on ne connaissait pas aussi tourmenté et sur ce qu’il pense. Ca donne aussi à cette histoire une autre dimension car on n’a pas seulement le récit du narrateur (Nico) mais ces parenthèses sur les pensées de Jerem. Il est tiraillé entre deux choses contradictoires : l’amour qu’il porte à Nico qui l’attire toujours aussi fort. C’est la première fois qu’il aime quelqu’un et c’est un garçon. Et puis il y a le besoin impérieux qu’il s’impose de mettre de la distance entre eux pour préserver l’image du mec hétéro devant ses coéquipiers. Ulysse peut-il l’aider s’il a compris ce qu’il y a entre Jerem et Nico ?  Chaque épisode me fait aimer toujours plus cette histoire si bien imaginée et racontée.
    Yann

    Peccoo

    22/08/2020 11:47

    Juste un petit mot pour te dire que ce chapitre était vraiment très sympa et j’attends la suite avec impatience. Tu écris vraiment très bien et c’est un plaisir de te lire à chaque fois.

  • JN0235 Le vent change…

    [Cher lecteur/lectrice,

    l’écriture me prend beaucoup de temps. Tu peux m’aider en faisant un don sur Tipeee ou sur Paypal en cliquant sur les logos correspondants juste à la droite de l’épisode.

    Merci d’avance.

    Fabien]

    JN0235 Le vent change…




    Le jeudi, je n’ai pas le moral. Deux semaines déjà que je n’ai pas revu mon Jérém. Son refus de me recevoir chez lui à Paris le week-end qui arrive n’a fait qu’exacerber mes inquiétudes.
    En cours, Monica remarque que je ne suis pas bien. Je prétexte une mauvaise nuit de sommeil pour faire cesser les questions.
    Le soir même, je me laisse traîner à une soirée étudiante.
    « Ça te changera les idées » me lance Raph pour me convaincre à l’accompagner.

    Ça se passe dans un bar du centre-ville.
    « C’est ta première soirée étudiante ? » il me demande alors que nous attendons pour rentrer.
    Je dois vraiment avoir l’air à côté de la plaque.
    « Oui » je réponds sobrement.
    « Les premières impressions que tu donnes de toi sont primordiales » il m’annonce « La règle d’or pour toi ce soir est : tâche de paraître sympa. Ta popularité future en dépend ».
    « Je ferai de mon mieux ».
    Le bar, plutôt du genre branché, est rempli d’étudiants qui, au premier regard, semblent s’amuser. Ou plutôt essayer de s’amuser, et boire en attendant.
    L’alcool est partout, mais il n’est pas la seule distraction de la soirée. L’odeur des joints, que je connais bien depuis les « révisions » de la rue de la Colombette, remonte à mes narines et me rappelle des souvenirs.
    Evidemment, dans le bar il y a un certain nombre de beaux mecs qui aimantent mon regard sensible. Mais je n’ai pas le temps de bien détailler la faune masculine car je suis de près mon camarade Raph qui lui file tout droit vers un grand gaillard brun attablé en compagnie d’autres gars. Ce dernier n’est pas particulièrement beau, mais il est très souriant et il a l’air très avenant.
    « Hey, Franck, tu vas bien ? » lui lance Raph en lui claquant la bise.
    « Hey, Raph, content de te voir ».
    « Voici mon pote Nico ».
    « Salut, moi c’est Franck » fait le grand brun en me broyant la main avec une puissante poignée de mec.
    « Salut ».
    « C’est sa première soirée » précise Raph « il est un peu timide ».
    « Mais ça c’est pas grave, ça peut s’arranger très vite. Tu bois quoi, Nico ? ».
    « Euh… une bière blanche ».
    « C’est une blague ! ».
    « Je préfère commencer en douceur ».
    Franck se marre, puis s’adresse à Raph :
    « Pour toi, ça n’a pas changé ? ».
    « Yes, mec ! Vodka à flots ! ».
    Evidemment, Raph connaît plein de monde. Et très vite il s’en va saluer d’autres gars et faire son numéro de charme à des nanas. Je me retrouve seul avec Franck, qui essaie de me mettre à l’aise en me demandant dans quel cursus je suis, comment s’est passée ma rentrée. Plus je discute avec lui, plus je trouve que son affabilité et son humour sont des véritables atouts charme. Finalement, je ne le trouve pas si mal.
    En conversant avec Franck, je commets une erreur de débutant : je vide ma bière beaucoup trop vite. Et comme l’étudiant en soirée a horreur du vide (dans le verre), je me retrouve aussitôt avec une nouvelle bière dans la main. Je n’ai pas soif, mais je ne peux pas refuser. Je propose de payer à mon tour, il refuse catégoriquement.
    Une petite bande de mecs approche et vient le saluer. Ils commencent à discuter entre eux et je me retrouve isolé dans un environnement bruyant où je ne connais personne. Je fais un tout d’horizon et je n’arrive pas à repérer Raph.
    Me voilà seul au milieu d’une multitude de jeunes a priori comme moi mais au milieu desquels je me sens comme un étranger.
    Comment aller vers les autres dans ce genre de soirée ? Vers qui ? Avec quel prétexte, quelle accroche ? Vers un mec, une nana ? Je ne saurai de toute façon comment m’y prendre, de quoi parler, comment trouver quelque chose d’intéressant pour capter l’attention, comment ne pas paraître à côté de la plaque, relou, ou ridicule.
    Une nana approche et me demande une cigarette.
    « Désolé, je ne fume pas… ».
    Et voilà. Si encore je fumais, ou si je buvais, ça pourrait créer des occasions. C’est con, mais la socialisation a besoin parfois de l’aide d’un produit « désinhibiteur », pour amorcer le processus.
    Je m’installe au comptoir, ma bouée de sauvetage dans cette mer d’interactions dans laquelle je ne sais pas nager et dans laquelle je me noie. Je reprends une troisième conso, plus pour me donner un genre que pour une véritable envie.
    Tant qu’à faire, je choisis un truc que j’aime vraiment, un mojito. Réflexe proustien, en le savourant je repense illico à ma cousine Elodie. Qu’est-ce que cette soirée serait autrement marrante si elle était là à boire un mojito et à rigoler avec moi ! Soudain, je réalise qu’avec cette histoire de mariage, peut-être que notre complicité, nos sorties, nos vacances à Gruissan appartiennent déjà à une autre époque. Et cela me rend profondément triste.
    Ne sachant pas comment bâtir un pont vers l’autre, je me cantonne à la seule occupation qui ne me demande aucun effort, celle qui me réussit le mieux : l’observation de la bogossitude ambiante.
    Je regarde les mecs en train de discuter, boire, déconner entre potes, ou essayer d’aborder des nanas. Ils essaient de les emballer, ils espèrent certainement tirer leur coup un peu plus tard dans la soirée. Car le but ultime, dans ces soirées, semble justement être celui de tirer son coup. Baiser est bien une forme de socialisation.
    Cette soirée me rappelle les sorties dans les boîtes toulousaines, la Bodega, le KL, l’Esméralda, des soirées passées à mater Jérém, Thibault et ses potes. Là aussi, le comptoir était souvent ma bouée de sauvetage.
    Comme toujours, je regarde les mecs avec un regard à la fois fasciné et curieux, j’essaie de deviner leurs attitudes et leur façon d’être en les observant interagir entre eux. Tout en m’énivrant de tous ces petits détails – les yeux, le regard, la bouche, le sourire, les oreilles, les brushing, la barbe, la stature, la carrure, la plastique, une chaînette, un tatouage, la façon de porter un t-shirt ou une chemise ou un jeans, une attitude, une position du corps, une traînée de parfum – toutes ces petites choses qui retiennent mon attention,  une infinité de détails qui font se réveiller en moi quelque chose qui me fait vibrer, quelque chose qui me parle à chaque fois de l’incessamment renouvelée beauté du Masculin.
    Oui, la vision de chaque bogoss attire mon attention et ma fascination. Mais également de la tristesse, car chacun d’entre eux, d’une façon ou d’une autre, me renvoie sans cesse vers mon Jérém qui me manque terriblement.
    Je me surprends à caresser les mailles de ma chaînette, cette chaînette qui n’a pas quitté mon cou depuis notre séparation à Campan. « Comme ça, je serai toujours avec toi » il m’avait dit, en la passant autour de mon cou. Et c’est vrai, à chaque fois qu’au gré d’un mouvement je sens les mailles glisser sur ma peau, je ressens un frisson en repensant au gars que j’aime.
    Le souvenir de ses coups de reins, la marque de sa puissance sexuelle dans ma chair, s’est estompé au bout de quelques jours après mon week-end à Paris. Mais la caresse de cette chaînette, la marque de son amour pour moi, est toujours avec moi. Et elle me rappelle le souvenir de son regard amoureux lorsqu’il me l’a offerte, alors que, je le sais, elle comptait beaucoup pour lui. C’est un bout de son intimité que Jérém m’a offert avec cette chaînette. Et elle me donne régulièrement d’intenses frissons.
    Jérém me manque, et j’ai peur, je ne suis pas tranquille vis-à-vis de ce qui peut se passer dans sa nouvelle vie parisienne. L’avenir de notre relation m’inquiète de plus en plus.
    La nuit avance, l’alcool rend les mecs entreprenants et les nanas moins farouches, et des alchimies d’un soir commencent à se former. Comment ces soirées se terminent-elles ? Combien de ces gars baisent après la soirée, et avec qui ? Combien de potes hétéros, de colocataires saouls se laissent finalement aller et tentent une plaisante « expérience » entre mecs ? Est-ce qu’il y a d’autres gays que moi dans ce bar ? Est-ce qu’ils kiffent les mêmes gars que moi ? Est-ce qu’ils se sentent aussi seuls et isolés que moi ?
    Peu à peu, je sens une douce fatigue, comme une ivresse, monter en moi. Comme d’hab, quelques bières, un verre et ça y est, je suis ko. Je commande un soda pour essayer de calmer le jeu.
    J’attends ma conso lorsque je remarque un peu plus loin, assis au même comptoir, un petit mec seul lui aussi. Les cheveux châtains en bataille, un physique fin et élancé, habillé par un t-shirt bleu trop grand, le gars est plutôt mignon. Il a une bonne bouille, il a l’air tout doux. Son regard dégage un je ne sais quoi de rêveur et de timide qui le rend craquant. Il a carrément une bonne tête à bisous et à câlins. Et il a l’air de se faire chier tout autant que moi.
    A un moment, le gars se tourne vers moi, il capte mon regard. Et après un petit instant de flottement, il me sourit. D’emblée, il m’inspire un sentiment de sympathie et de tendresse.
    Ça doit être l’alcool qui me donne des ailes, mais quelques instants plus tard je fais quelque chose qui me paraît totalement inconcevable même à l’instant où je le vis, et pourtant inévitable. Je me lève, je m’approche de lui et je lui parle.
    « Salut » je lui lance, sans avoir la moindre idée sur comment je vais enchaîner.
    « Salut. Moi c’est Rubens » fait le petit mec en me tendant la main.
    Ah beh, voilà un prénom pas banal et plein de charme. Tout comme le p’tit gars qui le porte.
    « Et moi c’est Nico » je lui réponds en serrant la sienne qui est chaude et douce.
    « Tu as l’air de te faire chier » il me lance.
    « T’as l’air de te faire chier tout autant que moi, je me trompe ? ».
    Je ne sais pas pourquoi je me sens si à l’aise avec ce petit mec. Une fois de plus, je mets ça sur le compte de l’alcool.
    « Non, tu te trompes pas ».
    « Tu es dans quel cursus, Nico ? ».
    « Sciences de la Terre ? Et toi ? ».
    « Langues »
    « C’est ta première soirée ? ».
    « Oui. Et toi ? ».
    « Aussi ».
    « Tu es venu seul, Nico ? ».
    « Non, avec un camarade de fac et toi ? ».
    « Je suis venu avec une copine ».
    Rubens a un regard à la fois pétillant et plein de douceur. Ça se confirme, ce petit gars est un véritable aimant à câlins.
    « Tu es d’où ? » il me questionne.
    « De Toulouse et toi ? ».
    « De Poitiers ».
    « Tu t’y plais ici à Bordeaux ? » il enchaîne.
    Je suis en train de chercher une réponse pas trop banale à sa question lorsqu’une nana vient le voir.
    « Hey, tu fais quoi ici tout seul ? » elle le questionne.
    « Je me fais un nouveau pote. Sophie, je te présente Nico. Nico, voici ma copine Sophie ».
    « Salut Nico ».
    « Salut Sophie »
    « Rubens, viens avec nous, mes potes t’aiment bien » lui lance cette dernière.
    « Il se fait tard, tu veux pas plutôt qu’on y aille ? » fait le petit mec.
    « Allez, fais un effort ».
    « J’arrive, j’arrive » fait Rubens, en quittant sa chaise de comptoir visiblement à contrecœur.
    « Ils me saoulent ses potes » il me lance, avec un regard complice. Avant d’enchaîner, visiblement très emballé par l’idée :
    « Eh, Nico, viens prendre un verre avec nous. Comme ça on pourra continuer à discuter ».
    La proposition est tentante, mais mon ventre vient de décréter le couvre-feu de la boisson. Je sens les bières se battre avec le Mojito et le soda.
    « C’est gentil, mais je ne vais pas tarder à y aller. Si je bois encore un verre, ça va mal se terminer » je suis contraint de prendre congé, alors que je sens monter en moi un mal au cœur persistant.
    « Comme tu voudras, Nico. En tout cas, ravi d’avoir fait ta connaissance ».
    « Moi aussi j’ai été content d’avoir fait ta connaissance ».
    « A un de ces quatre, peut-être ».
    « Ça me ferait plaisir aussi ».
    « Bonne nuit ».
    « A toi aussi ».
    Je le regarde rejoindre la tablée des potes de sa copine et s’y installer. Je regrette que notre conversation se termine si tôt. Mais j’ai vraiment mal au cœur. Mais pourquoi j’ai bu autant ?
    Aux toilettes, je passe un sale quart d’heure. Lorsque je reviens dans la salle, Rubens a disparu. C’est vraiment dommage, car ce gars avait l’air très sympa. J’aime croire qu’on aurait pu devenir potes.
    Je retrouve Raph sur un canapé en train de rouler des pelles à une inconnue.
    « Ça va Nico, tu t’amuses ? » il me lance, en reprenant son souffle.
    « Ça va ».
    « Je te présente Amandine ».
    « Sandrine ! » fait la fille, vexée.
    « Ah oui, pardon ! ».
    « Je vais y aller » je lui annonce.
    « Tu déconnes ! Il n’est que 2 heures ! Le meilleur commence maintenant ! ».
    « Je vais quand même y aller, je suis fatigué ».
    « Allez, Nico ! ».
    « Pour ma première soirée, c’est déjà pas mal ».
    « Allez, rentre bien mon pote ».

    Le vendredi, je me réveille avec le moral plus bas que mes chaussettes. Il pleut. Toujours pas de nouvelles de mon Jérém. Je n’ai vraiment pas envie de partir en cours. Mais il le faut.
    Et c’est ce matin, alors que je suis en mode zombie, que quelque chose d’inattendu se produit.
    Pas de Justin lorsque j’arrive à l’arrêt de bus. Mais deux minutes plus tard, je le vois arriver de loin sous un grand parapluie. Du coup, j’attends qu’il soit assez convenablement proche de moi et je lui dis bonjour. Et là, il me balance son plus beau sourire, ainsi qu’un « bonjour » charmant, avec sa voix douce de mâle. Sa prise de main est toujours aussi virile.
    Son sourire est tellement beau et engageant qu’il me donne enfin le courage de lancer une conversation.
    Comme il pleut des cordes, le sujet est tout trouvé.
    « Quel sale temps aujourd’hui » je lance.
    « C’est clair, c’est un temps à rester au chaud au lit ça ! » il relance, tout en glissant un beau sourire qui, à lui tout seul, a le pouvoir de faire oublier la pluie.
    « Passer la matinée à somnoler devant la télé, prendre un petit déj tranquille » je rêve à haute voix.
    Justin semble hésiter à dire quelque chose, comme s’il cherchait un truc sympa à balancer. Sur ce, un bus se pointe, mais il est plein à craquer. Des passagers descendent, d’autres devant nous montent.
    « Je crois que je vais attendre le prochain » il lance.
    « Moi aussi ».
    Le bus repart et du coup nous nous retrouvons tous les deux seuls sous l’abribus.
    « Tu as l’air d’avoir eu une nuit difficile » je l’entends me lancer dès que le bruit du bus s’éloigne de nous.
    « Oui, c’est le mot, difficile ».
    Le gars me sourit et ça fait du bien.
    « Au fait moi c’est Justin ».
    « Et moi c’est Nico ».
    « Alors t’aurais bien fait la grasse mat » il me taquine.
    « Oh que, oui, surtout après cette soirée ».
    « Une soirée bien chargée ? ».
    « Une soirée étudiante ».
    « Tu es étudiant, alors ».
    « Je suis à la fac de sciences en première année ».
    « Et toi ? » je lui retourne tout naturellement.
    « Moi je suis façadier. Tu vois, le crépi, l’isolation… ».
    « Ah, tu travailles à l’extérieur… ».
    « Eh oui… mais s’il continue à flotter comme ça, le chef de chantier va nous mettre en intempérie. Surtout un vendredi ».
    « Alors, c’était bien ta soirée ? » il enchaîne.
    « Oui, pas mal. Mais je crois que ces soirées c’est pas trop pour moi. Je ne suis pas du genre à aller vers les gens, et je me fais vite chier ».
    « Tu es timide ».
    « Oui ».
    « C’est l’impression que je me suis fait de toi ».
    Sa remarque me touche, car elle dévoile le fait qu’il m’a observé à son tour depuis que nous nous croisons.
    « Je crois que je ne bois pas assez pour m’amuser. Le fait est que je ne tiens pas l’alcool ».
    « Moi, en revanche, je le tiens très bien » il se marre.
    Un nouveau bus approche, tout aussi plein que le précèdent. Comme nous sommes sur le bord du trottoir, nous arrivons quand même à nous faufiler à l’intérieur. Mais nous sommes tellement serrés qu’il n’est plus possible de discuter.
    Au fil des arrêts, des gens sortent, d’autres rentrent. Ça brasse dans tous les sens et Justin et moi nous nous retrouvons ballottés aux deux extrémités du bus.
    Lorsque le bus arrive à mon arrêt de la fac, Justin est carrément à l’autre bout du bus. Je le regarde, il me regarde, il me fait un signe de la main et il me lance un nouveau beau sourire. Je lui retourne le signe de la main, j’essaye d’esquisser un sourire à mon tour, tout en me sachant incapable de lui en renvoyer un aussi beau que le sien.
    La journée à la fac s’écoule lentement. Le temps maussade donne l’impression que tout se passe comme au ralenti. Jérém n’a pas voulu que je le rejoigne à Paris, le week-end s’annonce comme profondément ennuyeux et rempli d’angoisses.
    Heureusement, j’ai une maman formidable. Le vendredi soir, elle m’appelle pour me demander si je suis d’accord pour qu’elle prenne le train et qu’elle vienne me voir le lendemain. Elle souhaite arriver samedi en fin de matinée et repartir le dimanche. Bien évidemment, cela me fait très plaisir.
    « C’est une très bonne idée maman ».
    « Comme ça on pourra se balader dans Bordeaux, je n’ai jamais mis les pieds dans cette ville ».
    « Amène mon sac de couchage, comme ça je te laisserai mon lit ».
    Après l’annonce de la venue de maman, le week-end et sa solitude annoncée ne me font plus peur.
    Je suis tellement requinqué par cette nouvelle, que je trouve le courage d’appeler mon Jérém. Même si je me dis qu’il y a très peu de chances pour qu’il réponde, surtout un vendredi soir, car il doit assurément être de sortie avec ses potes. Je me dis qu’au pire je lui laisserai un message, histoire de lui faire sentir ma présence, histoire qu’il ne m’oublie pas.
    Mais à ma grande surprise, mon bobrun décroche.
    « J’allais justement t’appeler ».
    « Tu me manques, Jérém ».
    « Toi aussi, ourson ».
    « Tu vas faire quoi de ton week-end ? » il me questionne après un petit blanc.
    « Maman vient me voir demain, je vais lui faire découvrir la ville ».
    « C’est bien ».
    « J’aimerais tellement que tu sois là avec moi ».
    « Si je pouvais ».
    « Tu penses que nous pourrons nous voir bientôt ? ».
    « Dans quelques semaines ce sera la pause de Noël, ce sera plus facile ».
    « J’espère qu’on se verra avant quand même ».
    « Je ne sais pas Nico ».
    « Jérém… ».
    « Il faut que j’y aille, les gars m’attendent ».
    Jérém prend très rapidement congé. Dès le téléphone raccroché, je sens une profonde tristesse m’envahir. Car je sens mon Jérém m’échapper.

    [A plusieurs centaines de bornes de là, dans son studio aux Buttes Chaumont à Paris, Jérémie vient de raccrocher à son tour. Il s’affale dans son clic clac, il allume la console de jeu, il lance un match virtuel. Jouer à la console ça le détend d’habitude. Il essaie de se concentrer sur l’action, mais il n’y arrive pas.
    Car il ressent un profond malaise au fond de lui. Quelque chose le tracasse. Ce coup de fil a été pénible pour lui. Mais ce qui le tracasse le plus c’est de penser que ça a dû l’être tout autant pour Nico. Il sait qu’il a fait de la peine à ce petit gars qui est si spécial à ses yeux. Et il déteste ça. Il se déteste pour ça.
    Nico lui manque, il lui me manque beaucoup. Il a très envie de le voir. S’il s’écoutait, il le rappellerait pour lui dire de venir le rejoindre dès que possible. En fait, il beaucoup plus envie de le voir ce week-end que de sortir en boîte avec les collègues du rugby.
    Mais s’il accepte que Nico vienne le voir, comment va-t-il gérer ça ?
    Il se dit qu’il ne peut pas l’amener avec lui au match et en boîte comme la dernière fois. Les gars commencent à se foutre de sa gueule parce qu’il n’emballe pas les nanas sous prétexte d’une hypothétique copine à Bordeaux, alors il faut à tout prix éviter d’éveiller les soupçons.
    Il ne peut pas non plus se passer de sortir. Déjà qu’il a du mal à se sentir à sa place et qu’à part Ulysse, qui a été sympa avec lui dès le premier jour, les autres gars ne lui font pas vraiment des cadeaux, si en plus il reste dans son coin, sa côte de popularité ne va jamais décoller.
    Il ne peut pas non plus sortir sans Nico. Il ne peut pas lui dire de venir le voir et le laisser seul. Il comprendrait vite qu’il essaie de le cacher. Il ne peut pas lui faire ça. Il ne mérite pas ça.
    Non, il ne peut pas laisser venir Nico sur Paris. Du moins pour l’instant. Car en plus, en ce moment, entre les entraînements, les matches et la fac, Jérémie se sent en stress permanent.
    Il n’a pas envie de lui parler de ses difficultés à s’intégrer à l’équipe, des entraînements qui l’épuisent, des matches qui ne marchent pas toujours comme il le voudrait, de sa peur de ne pas y arriver, de la pression qu’il sent sur lui et qui l’étouffe. Il n’a pas non plus envie de lui parler de ses problèmes à la fac, où il a de plus en plus de mal à suivre. Il ne veut pas que Nico voit qu’il trime, il ne veut pas se montrer faible. Il ne veut pas qu’il vienne le voir tant que ça n’ira pas mieux dans sa tête et dans sa vie.
    Jérémie sait que Nico commence à trouver le temps long et qu’il ne vit pas bien cet éloignement. Et encore moins le fait de lui empêcher de revenir à Paris.
    C’est dur de ne pas le voir. Mais ce qui est le plus dur c’est de penser au mal qu’il est en train de lui faire, à nouveau, après lui en avoir bien assez fait par le passé.
    Jérémie sait que plus le temps passe, plus il risque de le perdre. Et il ne veut pas que cela arrive. Il a eu tellement peur à l’idée de l’avoir perdu pour de bon après le clash avant son accident, et il en avait mal à en crever ! Car Nico lui fait du bien, et il est bien avec lui.
    « On était si bien à Campan ! J’ai tellement adoré le tenir dans mes bras devant la grande cascade à Gavarnie ! Ce petit mec me rend dingue ! » se dit Jérémie, avec nostalgie et une pointe de mélancolie.
    Oui, s’il s’écoutait, Jérémie rappellerait Nico pour lui dire de venir le rejoindre.
    Mais il ne s’écoute pas, pas assez. Et au lieu de quoi, il passe à la douche, il arrange ses cheveux bruns au gel, il met du déo sur son corps. Il s’habille sur son 31 et il quitte son appart pour aller faire la fête avec ses potes.
    Il est parfois plus simple se conformer à ce que son milieu et son entourage attendent de nous, que d’écouter son propre cœur].

    Deux semaines après le week-end à Paris.

    Le lendemain matin, samedi je me réveille aussi triste que la veille. J’ai très mal dormi, et je ne me sens pas vraiment en forme. Heureusement, maman va être là dans quelques heures.
    Elle débarque à la gare à 11h30. Je suis tellement content de la voir que j’ai du mal à retenir mes larmes.
    « Ça va, Nico ? ».
    « Oui, maman, je suis content que tu sois venue ».
    Dès notre arrivée dans la petite cour au sol rouge, maman fait la connaissance de mes deux adorables voisins et propriétaires.
    « Nico est un garçon fort bien élevé. Vous l’avez bien réussi » rigole Albert.
    « J’ai fait de mon mieux et je ne suis pas mécontente du résultat ».
    « Vous allez repartir ce soir ? » se renseigne Denis.
    « Non, je compte rester jusqu’à demain, si mon fils ne me met pas à la porte ».
    « Et vous allez dormir où ? ».
    « J’ai apporté un sac de couchage pour Ni… ».
    « J’ai une meilleure idée. J’ai un appart qui est inoccupé juste à côté de celui de Nico. Je vais l’aérer et mettre des draps et ce soir vous pourrez y dormir ».
    « Non, je ne peux pas accepter ».
    « J’insiste ».

    « Quand on lit sur une annonce « 13 mètres carrés » on ne se rend pas compte à quel point c’est minuscule » commente maman en rentrant dans l’appart.
    « L’avantage est que le ménage est très vite fait » je plaisante.
    « Ça c’est clair ».
    « En plus, j’ai des voisins extra ».
    « Ils sont vraiment sympa tes proprios ».
    « J’ai de la chance ».

    A midi, nous déjeunons dans un restaurant du centre-ville.
    Après m’avoir questionné sur ma vie à la fac, maman m’entraîne sur des sujets plus intimes.
    « Alors, raconte, avec Jérémie ça se passe toujours aussi bien ? ».
    « J’ai peur que la distance nous fasse du tort ».
    « Tu as peur de quoi ? Qu’il t’oublie ? ».
    « Oui, qu’il aille voir ailleurs ».
    « Tu crois qu’il irait voir d’autres garçons ? ».
    « Non, plutôt des filles, pour faire comme ses potes ».
    « Ah… et tu penses que c’est le cas ? ».
    « Je ne sais pas. Mais en attendant, plus ça va, plus je le sens distant ».
    « Je pense que tu as peur parce que tu n’as pas assez confiance en toi, mon chou. C’est normal d’être jaloux et d’avoir peur. Mais si tu lui montres ta jalousie et ta peur, tu vas l’éloigner encore plus ».
    « Et qu’est-ce que je dois faire, alors ? ».
    « Pour avoir une relation équilibrée et durable, il faut d’abord être bien avec soi-même. Si on est bien avec soi, serein et confiant, on dégage de l’assurance. Et on est perçus comme quelqu’un de rassurant. Et ça, c’est très important. Tout le monde, les hommes tout autant que les femmes, cherche quelqu’un de rassurant. Pas pépère, non, mais quelqu’un avec qui on se sent bien, avec qui on se sent en sécurité ».
    « Si seulement il me disait comment il imagine notre relation à l’avenir… ».
    « Il est fort possible que lui-même n’ait pas la réponse à cette question. Ne lui en demande pas trop. Aimer c’est l’accepter l’autre tel qu’il est et ne jamais avoir la prétention de vouloir en faire quelqu’un d’autre qui nous correspondrait mieux.
    Ça ne veut pas dire qu’il faut tout accepter ou qu’il ne faut pas des mises au point de temps à autre.
    Mais la vraie question est de reconnaître les différences de l’autre, provoquées par son vécu, son éducation, son tempérament, ses conditionnements, ses contraintes et d’y voir ce qu’il y a de positif dans tout ça.
    Regarde, moi, en ce moment j’ai envie de gifler ton père. Si je ne craque pas, c’est parce que je sais que c’est quelqu’un de bon et que tôt ou tard il se rendra compte qu’il est dans l’erreur ».
    « Il fait toujours la tête ? ».
    « Un peu ».
    « Je suis désolé que tu aies à endurer ça à cause de moi ».
    « Tu n’as pas à être désolé, c’est lui qui complique des choses qui sont tout à fait limpides ».
    « Il n’accepte pas que je sois comme ça… ».
    « Il a surtout peur des « qu’en dira-t-on »… ».
    « Et toi ? ».
    « Tu sais que je m’en fiche des « qu’en dira-t-on » depuis toujours. Je te l’ai dit, je suis fière de toi mon grand, fière que tu aies osé t’assumer et être honnête avec nous. C’est ta vie, Nico et je n’ai rien à dire là-dessus. Tu as le droit d’essayer d’être heureux comme tu le sens. Et tant pis si je n’aurai pas de petits enfants… je préfère que tu sois heureux sans que malheureux avec.
    Ne te prends pas la tête, Nico, et ne brusque pas Jérémie. Montre toi présent, offre-lui ton soutien. Mais laisse-lui le temps de prendre ses marques ».

    Les mots de maman me font un bien fou. Nous passons l’après-midi à nous balader en ville. Le soir nous allons au cinéma, puis nous regardons la télé tout en parlant de tout et de rien. Maman me raconte quelque chose dont je n’avais encore jamais entendu parler.
    Elle me dit avoir toujours été convaincue que l’un des vieux oncles de papa, décédé il y a plusieurs années quand j’étais encore enfant, était gay lui aussi. Elle l’avait toujours connu célibataire et elle avait de la sympathie pour ce gars qui était un peu tenu en marge de la famille, qui menait une vie solitaire et mystérieuse. Puis, elle m’a redit à quel point elle était heureuse de me voir m’assumer. Parce qu’assumer qui on est, constitue la première marche vers le bonheur. Et elle m’a dit et répété qu’elle était fière de moi et qu’elle me soutiendrait toujours.
    La présence de maman me réconforte. Elle m’aide même à supporter l’absence de contacts avec Jérém pendant tout le week-end.

    Le lundi, il pleut des cordes. Pour arranger le tout, pas de Raph en cours avec sa bonne humeur contagieuse dès la première heure du lundi matin. De plus, Monica semble de mauvaise humeur elle aussi, Fabien est très taciturne et Cécile m’évite toujours. En ce lundi matin, tout me paraît gris et triste. Même les cours me gonflent. La semaine commence mal.
    Lundi, mardi, mercredi, les jours se suivent et se ressemblent, ils passent comme noyés dans la grisaille qui persiste sur la ville et dans mon cœur.
    Lundi, mardi, mercredi soir, j’attends un coup de fil de Jérém avec une impatience et une inquiétude grandissantes. Comme il ne m’appelle pas, je me force à ne pas l’appeler non plus. C’est con, mais je m’interdis de l’appeler dans l’espoir qu’il remarque mon absence, que je lui manque, qu’il s’inquiète pour notre relation, et que cela le pousse à m’appeler, et à le mettre dans de meilleures dispositions pour le week-end à venir.
    Hélas, les jours passent et mon téléphone demeure silencieux. Chaque jour est une souffrance, une déception un peu plus brûlante que celle de la veille.
    « Laisse-lui le temps » a dit maman.
    J’essaie de lui laisser du temps, mais je trouve qu’il prend sacrement sont temps. Quand on est amoureux et qu’on a l’impression que notre amour nous échappe, on ne sait pas donner du temps. Quand on a 19 ans, on voudrait tout et tout de suite. Et mes peurs grandissent au fur et à mesure que nos contacts s’espacent.
    Jeudi soir arrive et je n’ai toujours pas de ses nouvelles. Ça fait déjà presqu’une semaine.
    Il me manque tellement ! Plus ça va, plus je réalise que ce qui me manque le plus cruellement est sa présence à mes côtés, la tendresse de nos câlins, le bonheur de me réveiller à côté de lui, de partager une balade, un restaurant, une bonne tranche de rigolade, notre complicité, notre petit quotidien, les heures, les instants passés ensemble. Bien plus encore que le sexe.
    Alors, ce soir, je n’en peux plus d’attendre ses coups de fil et de m’interdire de l’appeler de peur de le déranger et de le mettre mal à l’aise avec ses potes. Ce soir j’ai impérativement besoin d’entendre sa voix. Pour être rassuré, mais aussi pour savoir si le week-end à venir je peux enfin aller le voir à Paris. Ça va faire trois semaines que je ne l’ai pas vu.
    Alors, je l’appelle. Mais le téléphone sonne dans le vide. J’ai horreur quand son téléphone sonne dans le vide. Et je m’inquiète encore plus. J’attends la dernière sonnerie, bien décidé à lui laisser un message pour lui dire à quel point il me manque et à quel point j’ai envie de le voir.
    Mais lorsque j’entends sa voix enregistrée, je suis submergé par une telle tristesse que je n’ai plus envie de parler. J’espère qu’il verra mon appel en absence et qu’il me rappellera pour me dire que le week-end qui arrive il est ok pour me recevoir. Qu’il a envie de me voir. Que je lui manque.
    Mais ce soir encore, je m’endors sans avoir entendu sa voix.

    Le lendemain, vendredi, la pause déjeuner arrive et je n’ai toujours pas de nouvelles de Jérém. Je ne sais toujours pas si je peux monter à Paris, même si je me doute que son silence n’est pas de bon augure pour cela. Je commence même à m’inquiéter. Et s’il lui était arrivé quelque chose ?
    Je le rappelle entre midi et deux. J’ai peur de tomber à nouveau sur son répondeur. Je sens que si c’est le cas, je vais m’énerver, ou pleurer ou bien les deux. Pas le répondeur, pitié.
    Mais à ma grande surprise, le bobrun décroche de suite.
    « Saaaalut ! » je l’entends me lancer, en appuyant bien sur le « a », comme s’il voulait rigoler, comme si de rien n’était, comme si ça ne faisait pas une semaine qu’il ne m’avait pas rappelé, qu’il n’avait pas répondu à mes appels en absence, qu’il ne m’avait pas envoyé le moindre message.
    A cet instant précis, j’ai envie de lui demander pourquoi il fait ça, pourquoi il ne ressent plus le besoin de m’appeler aussi souvent qu’avant. Et pourquoi il ne m’a pas appelé « ourson » en décrochant, d’ailleurs. Pourquoi j’ai l’impression que notre complicité se fane. J’ai envie de lui demander ce qu’il a fait tous ces soirs où il ne m’a pas appelé, s’il a été sage.
    Mais je me retiens, je ne veux pas compromettre mes chances de passer le week-end avec lui.
    « Salut, ça fait plaisir de t’entendre » je tente de rester zen et agréable.
    « Moi aussi ça me fait plaisir ».
    « Tu vas bien ? ».
    « Oui, toujours à fond, entre les entraînements et les cours, mais je gère. Et toi, ça se passe bien la fac ? ».
    Je le sens bizarre, poli mais distant, j’ai l’impression de parler à un inconnu ou à un vieil ami que je n’ai pas vu depuis longtemps. Elle est passée où notre belle complicité ?
    « Oui, pas trop mal, ça va ».
    Nous parlons de tout et de rien, mais j’ai l’impression que notre conversation est poussive, que les mots sonnent creux. Au bout de quelques minutes seulement, je sens qu’on ne sait plus quoi se dire.
    Je meurs d’envie de lui parler du week-end à venir. Mais comme il ne m’en parle pas, j’ai peur de manger un nouveau refus. Et pourtant, je ne peux pas ne pas aborder le sujet. Il faut bien qu’on se revoit un jour ou un autre. Alors je prends appui sur sa dernière phrase et je me lance :
    « Demain soir je monte te voir et je m’occupe de toi. Je te prépare à manger et on reste tranquille à l’appart, j’amènerai des films en dv… ».
    « Ce week-end ça ne va pas être possible » il me coupe net.
    Ses mots me frappent comme un coup de poing en pleine figure. Ils me mettent KO par uppercut.
    Un long moment de silence suit ses mots, des secondes interminables pendant lesquelles j’attends qu’il m’explique pourquoi, qu’il me livre une nouvelle excuse, crédible si possible.
    Mais rien ne vient de sa part.
    « Pourquoi c’est pas possible ? » je finis par lui demander, au bord des larmes.
    « Parce que je suis fatigué ».
    Oh, non ! Pas ça, non ! Pas « je suis fatigué » en réponse à la proposition de voir celui qui t’aime ! Pitié, la seule phrase plus connue que celle-ci est « Et la lumière fut ». « Je suis juste fatigué » est la phrase bateau qu’on dit quand on ne veut pas être emmerdés par des sujets qui fâchent.
    Nouveau blanc, nouvelle poussée d’angoisses dans ma tête.
    « Qu’est-ce qui se passe ? ».
    « Je viens de te le dire, je suis très fatigué, j’ai besoin de me reposer ».
    « Je serai au petit soin, je te promets ».
    « Tu vas pas faire le trajet pour me voir dormir tout le week-end ! ».
    « Je m’en fous du trajet, j’ai envie de te voir, même juste pour te faire des câlins »
    « On se verra plus tard, Nico ».
    « Quand ça, plus tard ? Le week-end prochain ? ».
    « Je ne sais pas, on verra ».
    J’ai envie de lui demander pourquoi il ne veut plus me voir. Mais une fois de plus je prends sur moi, et je décide de le croire, de croire à sa fatigue, à sa bonne foi, je décide de sauvegarder mes espoirs. Je prends sur moi pour lutter contre la terrible impression qu’il n’a pas vraiment envie que je remonte le voir à Paris.

    [A plusieurs centaines de bornes de là, Jérém n’en mène pas large. Il est triste et soucieux. C’est dur pour lui de dire « non » à Nico. C’est de plus en plus dur de lui dire non. Surtout que lui aussi crève d’envie de le voir. Car Nico lui manque de plus en plus.
    Son sourire lui manque, ses grands yeux pleins de douceur lui manquent, son regard plein d’amour lui manque plus que tout. Il a envie de lui faire des câlins, de le laisser lui faire des câlins. Il a envie de le prendre dans ses bras, d’être dans ses bras. De lui faire l’amour. De le laisser lui faire l’amour.
    Le laisser lui faire l’amour. Il n’y a qu’avec lui que Jérémie a eu envie de franchir ce pas. D’ailleurs, il n’arrive toujours pas à croire de l’avoir fait, d’avoir laissé un gars le prendre « comme une gonzesse ». Ce n’est pas facile d’assumer ça. Mais avec Nico, il y est arrivé. Parce que Nico ce n’est pas juste « un gars ». Nico c’est « MonNico ». Il en avait envie, et son Ourson a rendu ça beau, doux et sensuel.
    Et pourtant, quand il est seul, Jérémie se dit parfois qu’il ne devrait pas avoir ces envies. Il se dit qu’il ne laissera plus Nico le prendre. Mais le fait est que lorsque Nico est là avec lui, quand il sent son corps contre le sien, cette envie le rattrape. Quand Nico est là, tout ça lui paraît tellement naturel. Ce petit gars lui fait vraiment du bien. Et il lui fait aussi bien de l’effet. Le sentir prendre son pied l’excite. Son Ourson est vraiment adorable. Et sexy.
    Et puis, quand Nico est là, tout lui parait si simple ! Il n’en revient toujours pas d’avoir pu faire son coming out avec ses potes cavaliers !
    Jérémie est heureux d’avoir fait comprendre à Nico à quel point il tenait à lui. Il espère qu’il l’a compris, il espère le lui avoir assez montré. Et il espère qu’il ne l’oubliera pas.
    Ce Nico l’a bien fait changer. Il l’a fait avancer. Il l’a aidé à se sentir bien avec qui il est.
    Jérémie se dit parfois qu’il devrait lui parler de ce qui le tracasse en ce moment, de ses peurs, et lui dire pourquoi il ne peut pas le laisser venir le voir pour l’instant. Il se dit que peut-être que Nico pourrait l’aider. Peut-être qu’il comprendrait sa peur qu’on découvre qu’il est gay. Mais il se dit aussi qu’il aurait du mal à accepter ce qu’il peut lui proposer aujourd’hui, c’est-à-dire une vie cachée, bien cachée.
    Oui, Jérémie pense que ça lui ferait du bien de parler ouvertement avec Nico. Mais il n’y arrive pas. Il craint que s’il commence à lui déballer des trucs, il va finir par devoir lui expliquer pourquoi il ne s’assume toujours pas. Pourquoi il ne peut pas s’assumer. Il ne veut pas que Nico pense qu’il a honte de lui. Car il n’a pas honte de lui, non. Et pourtant, il ne peut pas assumer leur relation.
    Oui, quand Nico est là, tout lui paraît plus simple.
    Mais dès qu’il s’éloigne, tout se complique. Seul, Jérémie a peur. Seul, il n’y arrive pas. Et encore plus dans cette ville, avec ces nouveaux potes, avec cette carrière qui peine à démarrer. Jérémie a peur qu’on sache. Et que tout ça se retourne contre lui. Il a peur d’être humilié. Et il ne veut surtout pas être humilié. Il ne veut pas être rejeté. Il ne veut pas que le fait d’être pd gâche sa carrière au rugby. Il tient trop à ce rêve.
    Mais il tient à Nico aussi, il y tient beaucoup, beaucoup, beaucoup.
    Comment concilier ces deux mondes opposés ? Comment tenir sur le long terme sans pouvoir montrer qui l’on est ? Comment concilier l’amour et la passion alors que les deux le tiraillent dans des directions opposés ?
    Il se rends compte qu’en faisant venir Nico à Campan, il lui a donné des nouveaux espoirs, il a créé en lui de nouvelles attentes. Il avait besoin de le retrouver, et pour le garder il lui a montré qu’il tenait à lui. Il ne pouvait pas le laisser partir, il en aurait été trop malheureux. Jérémie savait qu’il y aurait cette distance entre eux. Mais il n’avait pas anticipé qu’il aurait autant de pression sur lui et que ce serait à ce point dur de gérer cette distance.
    « Mais qu’est-ce que j’ai concrètement à offrir à Nico aujourd’hui ? » se demande souvent Jérémie.
    Et il se dit qu’il ne sera jamais à la hauteur des attentes de Nico. Déjà, car il ne pourra pas lui offrir la vie de couple dont il rêve. Car d’une part, il ne se sent pas vraiment prêt pour ça. Et puis, surtout, le monde qui est le sien aujourd’hui n’est clairement pas prêt pour ça.
    Jérémie sait qu’il fera souffrir Nico à nouveau. D’ailleurs c’est deja le cas. Il le ressent dans ses mots, dans le ton de sa voix, dans ses silences, dans ses non-dits. Et ça lui fend le cœur. Ça lui fait tellement de peine de le sentir triste qu’il n’a même plus envie de l’appeler »].

    Trois semaines déjà après le week-end à Paris.

    Je passe la journée de samedi à cogiter sur les raisons qui poussent mon Jérém à ne pas vouloir que je monte à Paris. Est-ce qu’il m’a déjà oublié ? Est-ce qu’il est déjà passé à autre chose ? Est-ce qu’il a déjà oublié les promesses de Campan ?
    Mais dimanche, après une longue nuit de sommeil, je me réveille avec une idée qui me paraît une évidence. Je me dis que l’attitude fermée de Jérém ressemble à s’y méprendre à celle qu’il avait mis en œuvre après la semaine magique, avant notre clash, lorsqu’il se montrait froid et distant avec moi, tout simplement parce qu’il n’arrivait pas à gérer ses sentiments. Parce qu’il en avait peur.
    Certes, aujourd’hui, son attitude est encore plus blessante qu’avant, car ses silences, ajoutés à la distance, physique et sociale, me font imaginer le pire.
    Maman a raison. Il faut être fort Nico. Il faut lui montrer que je ne lâche rien.

    Une nouvelle semaine arrive, elle se traîne d’un jour à l’autre, d’un soir à l’autre sans que le moindre signe de la part de Jérém vienne casser cette monotonie désolante. Après un échange que j’initie le lundi matin :
    « Salut, ça va ? Tu as pu te reposer ? ».
    Et que Jérém enterre le lendemain par un laconique :
    « Ça va », c’est le silence radio total.
    Le jeudi arrive, un nouveau week-end se profile. En me levant, je sens que ce n’est pas encore le bon, que Jérém va encore trouver une excuse pour me tenir à distance.
    Et pourtant, je sais que ce soir je vais revenir à la charge, que je vais à nouveau lui proposer de nous voir. Et s’il refuse, ce coup-ci je vais lui demander pourquoi.
    Mais ce coup de fil à venir me fait peur. Peur qu’on finisse par se prendre la tête, qu’il se braque, qu’il se fâche. J’ai peur de perdre le Jérém de Campan. J’ai peur que Paris fasse disparaître ce Jérém-là. Mais pourquoi nous avons quitté Campan ?

    Le matin, en allant prendre le bus et en constatant une fois de plus l’absence de Justin, je réalise que ça fait deux semaines que je ne l’ai pas vu, depuis notre sympathique échange le jour où il pleuvait et où nous avons attendu ensemble le bus suivant.
    Je me dis qu’il a dû changer de chantier, et donc de lieu et d’horaires. Et ça signifie que probablement je ne croiserais plus jamais son chemin.

    Ce jeudi, je passe la journée à penser et repenser aux mots à dire et à ne pas dire lors de mon coup du fil du soir à Jérém. Je ne veux pas le saouler, mais je veux être ferme. Je veux savoir ce qui se passe, j’ai le droit de savoir.
    Il est 21 heures pétantes lorsque je compose son numéro. Je suis heureux quand Jérém décroche. Mais je le suis beaucoup moins de constater qu’il est déjà en soirée. La ligne est très mauvaise, mais j’entends un boucan infernal autour de lui, un tintamarre fait de basses répétitives, de cris de nanas, de rires de mecs.
    « Salut, ça vaaaaa ? » je l’entends lâcher avec une voix dans laquelle je peux mesurer à l’oreille un taux d’alcoolémie sensible.
    « Oui, ça va, et toi ? ».
    « Je suis avec mes pooootes, ça vaaaaa ».
    « Jérém, je veux te demander quelque chose ».
    « C’est quoooooiiiii ? ».
    Mais la ligne se coupe avant que je puisse continuer. J’attends une bonne demi-heure qu’il me rappelle, mais il ne le fait pas.
    Je rappelle alors, et je tombe direct sur son répondeur. Je lui laisse un message dans lequel je lui dis qu’il me manque trop et que le lendemain soir je vais prendre le train pour Paris pour aller le voir.
    Je passe la soirée à me bercer dans l’illusion que la fermeté de mon message puisse lui montrer que je ne renoncerai pas à le voir. Je me couche vers 23 heures et je m’endors en essayant de me convaincre que 24 heures plus tard je serai avec Jérém.

    Il est presque deux heures du mat lorsque le tel sonne. Je me réveille en sursaut.
    « P’tit loup, ça va ? » je l’accueille, inquiet qu’il lui soit arrivé quelque chose.
    « Nico, ne viens pas demain » il coupe court.
    Soudain, je sens la colère monter en moi.
    « Si c’était pour m’annoncer ça, tu aurais pu attendre demain ! » je lui lance.
    « Mais pourquoi je ne peux pas venir ?! » j’enchaîne.
    « Je suis claqué ».
    « Tu m’as déjà servi cette excuse le week-end dernier. Si tu es si fatigué, pourquoi tu sors autant ? ».
    « Tu vas pas compter mes sorties ! ».
    « Non, bien sûr que non, mais je trouve bizarre que tu sortes autant et que tu sois fatigué pour me recevoir »
    Jérém laisse le silence s’installer, au point qu’à un moment je crois même qu’il a raccroché.
    « Tu es toujours là ? ».
    « Oui, oui… » il lâche, sur un ton monocorde.
    « Jérém, tu veux plus me voir ? » je finis par le questionner cash.
    « Je ne sais pas, Nico ».
    « Quoi, tu ne sais pas ! ».
    « Il y a plein de choses qui me prennent la tête en ce moment, j’ai besoin d’être seul ».
    « Jérém, j’ai envie de te voir. Jérém, s’il te plaît, ne me pousse pas hors de ta vie à nouveau. Je sais que c’est dur pour toi en ce moment, mais on est bien ensemble tous les deux.
    Je te l’ai dit, je m’en fous que tu sois fatigué, je veux juste te voir, on n’a pas besoin de sortir, je serai à l’appart quand tu rentres, je te ferai à manger, tu n’auras qu’à mettre les pieds sous la table et te détendre ».
    « N’insiste pas, Nico ».
    « Tu as peur qu’on nous voie ensemble ? ».
    « Arrête, Nico ! ».
    « Je te proposerais bien de venir à Bordeaux, mais le week-end tu as match ».
    « Voilà ! ».
    « Mais tu n’as plus de jours de repos ? ».
    « Si, mais pour un jour ça fait loin ».
    « Mais tu l’as fait une fois ».
    « Oui, et c’était une folie ».
    « Tu le regrettes ? ».
    « Mais non ! ».
    L’idée de passer un nouveau week-end loin de Jérém et de laisser un peu plus la distance entre nous s’installer m’est insupportable. Je reviens à la charge, je tente le tout pour tout.
    « Allez, laisse-moi venir te voir ce week-end ! ».
    « Tu me saoules ! » il me balance, sur un ton agacé.
    Je sens que je suis en train de perdre le contact avec mon bobrun. Je n’arrive pas à croire qu’on en revienne là, après la façon dont nous nous sommes quittés la première fois où je suis allé le voir à Paris. Après Campan. J’ai envie de pleurer.
    Je ne veux surtout pas le braquer plus, je ne veux surtout pas atteindre le point de non-retour. Je ne veux surtout pas qu’il me raccroche au nez. Et pourtant, son attitude et ses mots ont le pouvoir de faire monter en moi une colère et une exaspération qui me poussent à lui répondre coup sur coup :
    « Toi aussi tu me saoules ! ».
    « Comme ça on est deux. Bonne nuit ! » fait-il sèchement.
    « Jérém ! ».
    Mais ce que je redoutais le plus vient de se produire. Jérém a déjà raccroché.

    [A plusieurs centaines de bornes de là, Jérémie balance violemment son téléphone sur son lit. Il est en colère. Mais il ne l’est pas contre Nico, il l’est contre lui-même.
    Il se dit qu’au fond, Nico ne demande qu’à le voir, parce qu’il l’aime.
    Ça lui fait très mal d’être aussi dur avec lui.
    Mais il a tourné la question dans tous les sens et des dizaines de fois et il n’a pas trouvé de bonne solution.
    Si jamais l’un des gars débarque à l’appart et qu’il est avec Nico, ça ne va pas le faire. C’est déjà assez compliqué de donner le change et de tenir l’excuse « copine à Bordeaux » pour expliquer le fait qu’il ne baise pas les nanas qui se montrent intéressées en soirée. Car, même si de temps en temps il raconte qu’il va la voir, alors qu’il passe ses journées de repos enfermé chez lui à réviser, cette « copine » ne vient jamais le voir. Et personne ne sait à quoi elle ressemble.
    Et puis, pour « arranger » encore les choses, quelques jours plus tôt s’est produit un « accident » qui a rendu les choses encore plus difficiles pour lui.
    Un soir, après les entraînements, Jérémie est allé prendre un verre avec les gars. Ils étaient cinq, Ulysse était de la partie, ainsi que ce casse-couilles de Léo.
    Pendant qu’ils buvaient verre, il avait remarqué un mec brun assis au comptoir qui n’arrêtait pas de le mater. C’était vraiment un beau gars, sexy et viril. Des épaules larges, un regard magnétique, un sourire charmeur. Un très beau sourire. Le gars lui avait balancé un clin d’œil. Il le draguait.
    La prise de conscience de cela avait provoqué chez Jérémie un étrange mélange de sentiments. D’abord une sensation de bien être, car ça fait toujours du bien de se sentir désiré. Mais aussi la peur, car il craignait par-dessus tout que les gars se rendent compte de quelque chose.
    Alors, il avait détourné son regard, il l’avait verrouillé à la tablé, il s’était fait violence pour prendre partie à la conversation en cours, alors qu’il n’en avait rien à foutre. Car la seule chose qui occupait son esprit était le regard de ce mec, un regard qui l’intriguait, l’obsédait.
    Car, même s’il ne le regardait plus, il sentait son regard sur lui. Et ça le mettait vraiment mal à l’aise. Il avait trop peur que les autres gars captent ce petit manège. A un moment, il s’était même dit qu’il devrait peut-être se lever, aller voir le gars pour lui faire peur, se montrer agressif et menaçant. Il se dit qu’il devrait montrer une bonne réaction d’hétéro bourrin. Car l’attaque est la meilleur défense.
    Non pas que le gars lui faisait peur, il était plus petit que lui et moins musclé. Mais il était plus âgé, il devait avoir 30 ans, et il avait surtout l’air sacrement sûr de lui et bien dans ses baskets. Jérémie craignait que s’il lui cherchait des noises, il ne se gênerait pas pour balancer des trucs qui pourraient le mettre encore plus mal à l’aise, style qu’il l’avait maté lui aussi. Il ne voulait surtout pas se faire remarquer, et il n’avait pas envie de faire un scandale.
    Puis, à un moment, il avait réalisé avec soulagement que le type était parti. Les gars est lui allaient partir aussi. Mais avant d’y aller, Jérémie avait eu besoin d’une pause pipi.
    Pour aller au chiottes, il fallait sortir du bar et passer par une petite porte juste à côté de l’entrée principale. Jérémie avait juste eu le temps d’ouvrir sa braguette devant une pissotière, lorsque du coin de l’œil il avait capté que quelqu’un venait s’installer juste à côté de lui. Et son cœur avait fait un bond, et pas des moindres, lorsqu’il avait réalisé que ce « quelqu’un » n’était autre que le beau brun qui le matait un peu plus tôt.
    « Salut » il lui avait lancé le gars avec une voix basse et calme.
    Jérémie était trop mal à l’aise. Il n’arrivait plus à pisser. Instinctivement, il avait rangé sa queue.
    « Qu’est-ce que tu veux ? » il lui avait lancé froidement.
    « C’est toi que je veux ».
    « Je ne suis pas pd ! ».
    Le mec avait souri et son sourire était à la fois railleur et plein de malice. Jérémie savait que le gars voyait clair dans son jeu. Il se sentait comme pris au piège et il n’aimait vraiment pas ça.
    « T’es vraiment bomec ! ».
    « Fiche-moi la paix, je t’ai dit que je ne suis pas pd ! ».
    « Ne raconte pas d’histoires, tu n’es pas comme tes potes. Tu es comme moi ».
    Jérémie se sentait mis complétement à nu, et ça lui faisait terriblement peur. Il ne savait plus quoi dire.
    « Je pense que tu as autant envie de moi que j’ai envie de toi ».
    L’assurance du type l’énervait et l’intriguait, tout à la fois.
    « Tu racontes n’importe quoi ! » il lui avait crié dessus, en colère, en l’attrapant par le t-shirt et en le collant contre le mur à côté des pissotières.
    « Eh, quelle fougue ! Si t’es aussi chaud dans un pieu, on doit bien s’amuser avec toi » il l’avait provoqué le gars, tout en le repoussant.
    « Ferme ta gueule… sinon… » l’avait menacé Jérémie.
    « Sinon tu vas me mettre ton poing dans la gueule ? Pour me montrer que t’es un vrai mec ? Tu peux me frapper, mais ça ne changera rien. Si tu arrives à faire genre avec tes potes, moi tu ne me trompes pas.
    Mais si tu ne veux pas, je ne vais pas te forcer, t’inquiète. Mais si jamais tu changes d’avis, tu peux me trouver ici tous les jours en semaine à cette heure, je viens chaque soir en sortant du taf. Peut-être à bientôt, bogoss. Ah, au fait… je m’appelle Thomas ».
    « Fiche-moi la paix, conna… ».
    Mais les mots de Jérémie s’étaient étouffés dans sa gorge lorsqu’il avait vu la porte des chiottes s’ouvrir et Léo débarquer.
    « On dirait que ça drague ici » il s’était moqué ce dernier, alors que Thomas venait de se tirer.
    « Toi aussi ferme ta gueule ! » avait balancé Jérém, autant en colère qu’en panique, avant de quitter les chiottes à son tour et de rejoindre les autres dans la rue. Il avait allumé une cigarette, et il la fumait nerveusement, encore secoué par ce qui venait de se passer. Sur ce, quelques instants plus tard à peine, Léo les avait rejoints à son tour en claironnant :
    « Eh, les gars, vous savez quoi ? Jérém s’est fait draguer aux chiottes… par un mec ! ».
    « Mais non, il m’a juste demandé une cigarette ! ».
    « Il t’a demandé ton cigare, oui ! Ou alors il t’a proposé le sien ! ».
    « Vraiment, tu me casses les couilles » s’était emballé Jérémie, tout attrapant Léo par le t-shirt et en le secouant violemment.
    Heureusement, les gars l’avaient retenu. Il avait vraiment failli lui casser la gueule. Il était tellement en colère. Il avait tellement la honte.
    Evidemment, ça ne s’était pas arrêté là. Léo avait parlé de ça dans les vestiaires, dans son dos. Il ne peut pas s’en empêcher ce con. il doit faire chier tout le monde.
    Depuis, Jérémie avait l’impression que les gars le regardaient différemment. Réalité ? Impression dictée par la peur ? Le résultat était le même. Car on se sent toujours traqué lorsqu’on a quelque chose à cacher.
    Cependant, la peur n’était pas suffisante à cacher un autre fait qui avait tout autant marqué Jérémie. Le fait qu’il avait trouvé ce gars terriblement attirant. Bien foutu, une belle gueule de mec, sûr de lui, l’air de savoir comment faire plaisir à un mec.
    Ce n’était pas la première fois que Jérémie se sentait désiré par un mec, même si jusque-là aucun autre n’avait été aussi entreprenant.
    De plus en plus, il lui arrive de capter des regards qui traînent sur lui. Des regards de mecs, en plus de ceux des nanas. Mais de ces derniers, à vrai dire, il s’en fiche. Ce sont les premiers qui lui donnent LE frisson.
    Et il lui arrive de plus en plus souvent d’apprécier la vue des gars qu’il croise. Il est tout particulièrement attiré par les mecs au physique pas trop massif, élancé, et pourtant sensuel. Des gars qui lui inspirent à la fois le désir et la tendresse. Des gars dans le genre… de Nico. Des gars, par ailleurs, sur lesquels il sait que sa virilité aurait un effet ravageur, un effet qui flatterait bien son égo de mec.
    Mais il lui arrive également d’apprécier la vue de gars plus solides, plus viril, des gars souvent plus âgés qui lui inspirent des envies plus nuancées, plus difficiles à assumer, mais qui ne cessent de le titiller.
    Oui, il arrive de plus en plus souvent à Jérémie d’apprécier la vue d’un beau torse en V, d’épaules massives, d’un biceps moulé dans une manchette ajustée, de pecs, d’abdos.
    Et de queues. Comme dans les vestiaires, où certains gars lui font bien de l’effet.
    Et parmi ces gars, il y en a un en particulier qui lui fait plus d’effet que tour les autres. Déjà, parce que c’est vraiment, vraiment, vraiment un beau gars. Ensuite, parce que son attitude vis-à-vis de lui l’a très vite installé dans une proximité propice au désir.
    Mais de toute façon, Jérémie sait que ce gars est inaccessible. Et il sait qu’il doit surtout le rester, quoi qu’il arrive. Car il ne veut surtout pas que le sexe vienne perturber la performance sportive de l’équipe ou relancer encore les ragots. Il ne veut pas non plus que le sexe vienne gâcher l’amitié. Il en a fait l’expérience et les frais avec Thibault, et il ne veut vraiment pas répéter les mêmes erreurs.
    Et aussi, au fond de lui, Jérémie sait que si jamais il franchissait le pas avec ce gars, il y a des chances que ça aille trop loin, plus loin que le sexe. Car ce gars est tellement… rassurant. Tellement bien dans sa peau. Il est pour lui à la fois un ami, un frère, un grand frère, presque un père. Jérémie sent que dans les bras puissant de ce gars, qu’il considère comme un homme dont la maturité et la solidité le fascinent, il trouverait enfin cet « endroit » qu’il cherche depuis toujours. Cet endroit qu’il a du mal à trouver avec Nico, car il le sent parfois trop fragile pour pouvoir se laisser complétement aller. Un endroit où se poser en toute confiance, une épaule suffisamment solide pour pouvoir tout encaisser et contre laquelle s’appuyer sans crainte qu’elle s’écroule et qu’elle le laisse tomber.
    Mais avant toute chose, Jérémie se dit qu’il ne peut pas faire ça à Nico. Il tient trop à lui. Il ne veut pas le perdre. Il est vraiment bien avec lui. Même s’il ne peut pas tout lui confier. Même si c’est souvent à lui de le rassurer, y compris parfois quand il a lui-même besoin d’être rassuré.
    Non, il ne veut pas faire ça à Nico. Mais jusqu’à quand pourra-t-il tenir bon ? Le sexe lui manque de plus en plus. L’envie de sentir le désir d’un mec, le contact avec le corps d’un mec, le plaisir avec un mec, ça lui manque de plus en plus. Que se serait-il passé si le gars du bar l’avait abordé alors qu’il était seul ?
    Jérémie se dit que pour Nico, ça doit être la même chose. Ce beau petit gars doit lui aussi se faire remarquer à Bordeaux. Jusqu’à quand va-t-il tenir bon ? Est-ce que son speech sur le fait de se protéger était une sorte d’« autorisation » qu’il me donnait et qu’,il se prenait en même temps, à aller voir ailleurs, « pour le fun » ?].

    Après que Jérém m’ait raccroché au nez, je n’arrive pas à trouver le sommeil. Une heure plus tard, j’ai presque envie de le rappeler. Car je ressens au fond de moi l’impression que je trouverais facilement les mots pour lui faire comprendre à quel point il me manque et à quel point ce serait génial de nous retrouver, de retrouver cette complicité qui a été la nôtre depuis Campan et qui nous fait tant de bien.
    Mais je n’ose pas. J’ose un message. « Jérém, tu me manques ». Je l’envoie avec l’espoir qu’il le lise et qu’il me réponde rapidement.
    A quatre heures, je suis toujours réveillé. Aucun message de Jérém. Je décide d’enlever mon réveil, j’espère dormir un peu.

    J’arrive à la fac pour le cours de 11 heures.
    « Tu as eu une panne de réveil ? » se moque Raph.
    « Tu n’as pas l’air en forme » me glisse Monica discrètement.
    « Hier soir je me suis pris la tête avec mon mec » je lui glisse discrètement pendant une pause « Je n’ai presque pas dormi de la nuit. J’ai l’impression qu’il ne veut plus me voir, qu’il s’éloigne de moi ».
    « C’est pas facile une relation à distance » elle commente « mais si vraiment tu n’arrives pas à tenir, tu prends un billet de train et tu débarques direct chez lui ».
    « Ce serait la meilleure façon de me faire jeter ».
    « Ou alors il serait touché que tu fasses la route, que tu prennes ce risque. Peut-être qu’en forçant un peu les choses tu lui montrerais à quel point rien n’est impossible quand on aime vraiment, à quel point tu tiens à lui et à ce qu’il y a entre vous, à quel point tu tiens à votre bonheur ».
    « Je ne pourrais jamais ».
    « C’est toi qui vois. Tu as quoi à perdre ? Si tu te pointes chez lui, il ne va pas te laisser sur le palier ! ».
    « Il en serait capable ».
    « Je ne pense pas. Vous feriez l’amour et ça vous ferait du bien ».

    Quatre semaines déjà après le week-end à Paris.

    Evidemment, je n’ose pas suivre le conseil de Monica et je passe l’un des week-ends les plus tristes de ma vie. Evidemment, je n’ai aucun signe de sa part. Même pas de réponse à mon message nocturne lancé comme une bouteille à la mer.
    En marchand dans Bordeaux, je réalise que l’automne avance à grand pas, que nous sommes déjà à la mi-novembre et qu’il commence à faire froid. Que la fin de l’année approche.
    Je me retrouve à repenser au printemps, aux révisions de maths avant le bac dans l’appart de la rue de la Colombette, aux espoirs de bonheur que cette période avait fait naître en moi. Je repense à l’été, à la semaine magique avec Jérém, à notre clash, à son accident. Je repense aussi aux escapades à Gruissan avec Elodie, au concert de Madonna à Londres en juillet. J’ai la nostalgie de l’été, et de tous ces moments qui me paraissent déjà si lointains. Et je repense au coup de fil inattendu de Jérém pour m’inviter à le rejoindre à Campan, à ces jours merveilleux à la montagne où j’ai découvert un Jérém insoupçonné, gentil, attentionné, amoureux, adorable, un Jérém qui m’a fait tomber amoureux de lui d’une façon dont je ne l’avais probablement jamais été.
    Déjà presque un mois que je ne l’ai pas vu, et j’ai l’impression de retomber dans les affres d’avant le bac. Lorsqu’à chaque fois que je me prenais la tête avec lui, j’étais envahi par la peur de ne plus jamais le revoir.

    Une nouvelle semaine démarre et je n’ai franchement pas envie d’aller à la fac. Mon cœur est lourd et mes angoisses m’accaparent entièrement.
    Lundi et mardi sont de très longues journées. Des cours interminables et toujours aucun signe de la part de Jérém. Je ne sais pas comment reprendre contact avec lui. Je n’ose même plus le rappeler. Je ne sais pas comment me comporter. J’aimerais tellement aller le voir, mais je n’ose même plus le lui proposer.
    Je me sens frustré de ne pas savoir quand je vais un jour le revoir. Il m’a parlé des vacances de Noël, c’est dans un mois, et ça me paraît si long ! Est-ce que c’est seulement encore d’actualité ? J’ai peur qu’il m’oublie. J’ai peur qu’il cherche à se faire oublier. Comme avant notre clash chez moi. Mais pourquoi ça doit toujours être si compliqué avec lui ?
    J’ai l’impression que depuis des semaines les jours se suivent dans une attente et une monotonie de plus en plus insupportables. J’ai l’impression que rien ne se passe dans ma vie, à part le fait de me sentir spectateur du lent et inexorable éloignement d’avec mon Jérém, sans que je puisse faire quoi que ce soit pour l’empêcher de se produire.
    Jusqu’à quand vont durer cette monotonie, cette attente interminables ?

    La réponse à cette question va arriver le mercredi de cette même semaine, mais pas du tout de la façon dont je l’aurais imaginé, ou espéré.
    Le matin, il pleut à nouveau. En me levant, en partant vers la fac, je ne suis vraiment pas bien. Mais ce jour, voilà qu’un trait de couleur, un rayon de lumière jaillit enfin dans ma vie.
    A l’abribus, Justin est là. Ah, la belle surprise ! Et qu’il est beau le sourire avec lequel il m’accueille en me voyant approcher ! Définitivement, le beau sourire d’un beau garçon suffit à redonner de la couleur à la journée la plus grise.
    « Salut » je lui lance en premier.
    « Ça fait longtemps » il me lance.
    Ses mots ainsi que sa poignée de main bien ferme me transmettent une belle énergie.
    Je manque de peu de lui répondre « oui, tu m’as manqué ». Ce qui, d’une certaine façon, n’est pas faux.
    Très vite, quelque chose me paraît « anormal ». Justin n’est pas habillé avec ses vêtements habituels pour le taf. Il porte en effet un beau jeans, de jolies baskets bleu fluo, un t-shirt vert et un pull à capuche gris qui semble tout juste sorti du magasin.
    « C’est vrai, ça fait longtemps. J’ai cru que tu avais changé de chantier » je lui lance.
    « Oui, j’ai changé de chantier. La fois qu’on a discuté c’était mon dernier jour sur le chantier d’avant ».
    « Et là tu reviens travailler dans le quartier ? ».
    « Euh, non, pas vraiment. Je ne travaille pas aujourd’hui, je fais juste un tour ».
    Sa voix douce et son débit de parole viril me font craquer.
    « Ah d’accord » je ne trouve pas mieux à lui répondre.
    Le bus arrive nous montons tous les deux. Pour la première fois, nous nous installons côte à côte.
    Pendant le trajet, nous discutons de tout et de rien. Le gars est vraiment sympa et je me sens bien avec lui.
    « Tu vas en cours, alors ? » je l’entends me demander après un instant de silence.
    « Oui, même si j’ai pas vraiment envie ».
    « T’as pas le temps pour un café ? » il me lance, en bafouillant à moitié.
    « Quand ? Maintenant ? ».
    « Maintenant ou… plus tard si tu veux ».
    Mon cœur tape à mille, je ne m’attendais pas à ça. Le bus ralentit, c’est déjà l’arrêt de la fac, je dois descendre. Je dois prendre une décision, vite.
    Le gars me fixe avec un regard à la fois timide et doux.
    En une fraction de seconde, je repense à la distance de Jérém, à ma frustration, à ma tristesse.
    Je me dis que d’une certaine façon ce gars me rappelle Stéphane, il a l’air doux câlin et gentil comme lui. C’est ce dont j’ai besoin en ce moment. D’un gars comme Stéphane.
    « Plutôt en début d’après-midi » je m’entends lâcher comme si ce n’était pas moi qui parlais, tant ces mots résonnent étrangement dans ma tête.
    « D’accord. On dit 15 heures à l’arrêt du matin ? ».
    « 15 heures à l’arrêt du matin » je lui confirme machinalement, encore sonné par le fait d’avoir fait ce premier pas, et pas convaincu du tout que j’aurai le cran d’aller à ce rendez-vous.

    Je passe la matinée dans un état fébrile, incapable de me concentrer sur les cours. Mille questions foisonnent dans ma tête. Comment ça va se passer cette rencontre ? Qu’est-ce qu’il veut vraiment Justin ? Qu’est-ce qu’il attend de moi ? Est-ce qu’il va vouloir coucher avec moi ?
    L’idée de coucher avec un autre gars que Jérém me fout en l’air. J’ai envie de pleurer.
    Un kaléidoscope d’images défile dans ma tête.
    La petite place de Campan, le baiser sous la halle pour me retenir, l’amour dans la petite maison, son coming out devant ses potes, la balade à cheval, Jérém qui quitte le groupe de cavaliers expérimentés et qui m’attend, alors que je le suivais à allure pépére avec JP et Carine.
    Les moments de tendresse, dans la voiture, après la soirée fondue, puis en allant à Gavarnie, et sur la butte devant le cirque, devant la grande cascade.
    Ses promesses silencieuses – son attitude, son sourire doux, sa façon de me faire l’amour, de me faire sentir bien, important, unique dans ses yeux – et pourtant bien réelles.
    Mon premier voyage à Paris, quelques jours avant son anniversaire. C’était il y a presque 5 semaines. Le resto à Montmartre, la maison de Dalida, la tour Eiffel, la balade le long de la Seine, son petit studio, l’amour, les câlins, la tendresse, et son regard amoureux, son attitude de p’tit gars amoureux.
    Et encore le bisou dans le train, ses mots « Avant de te rencontrer, je ne savais pas ce que c’était d’être heureux. Et pour ça, tu es quelqu’un de très spécial pour moi. Tu vas me manquer, ourson… ».
    Je ne peux pas faire ça a mon P’tit loup… Ourson ne peut pas faire ça à P’tit loup, non.
    Ourson. Ce petit mot était à mes oreilles et à mon cœur le symbole de notre complicité, de la profonde tendresse, de l’amour qui nous unissait. Depuis combien de temps il ne m’a pas appelé ainsi ? Est-ce que je suis toujours son « ourson » ?

    Midi arrive, et je n’ai même pas faim. A deux heures, à la fin du dernier cours, je ne sais toujours pas ce que je vais faire. Au fond de moi, je n’ai pas envie d’aller à ce rendez-vous. Je ne veux pas coucher avec un autre gars pour me consoler de ma déception et de ma tristesse. Je veux continuer à croire qu’entre Jérém et moi il y a un avenir.
    Mais est-ce vraiment un rancard ? Un plan ? Peut-être que Justin veut juste sympathiser et qu’il n’envisage rien de sexuel. Au fond, d’après la conversation que j’ai capté avec le contrôleur du bus, il est hétéro.
    A deux heures trente, je suis chez moi.
    Je regarde mon tel. Il est toujours sans message de Jérém depuis presque une semaine.
    A 14h45, j’ai essayé de le rappeler. Je sais bien qu’il y a encore moins de chances qu’il décroche à cette heure que le soir. Mais j’ai besoin d’entendre sa voix. Je me dis que s’il décrochait, si on pouvait se parler, je pourrais facilement renoncer au rendez-vous avec Justin, et sans regrets.
    Je laisse sonner une, deux, trois, plusieurs fois. Mais ça sonne dans le vide, et je finis par tomber sur le répondeur. Sa voix mâle même enregistrée me fait vibrer. Car dans son timbre je retrouve son petit accent toulousain, l’intonation de sa voix, et cette assurance de façade cachant sa vulnérabilité. J’ai envie de lui dire tant de choses. Et pourtant, je n’arrive à décrocher un seul mot. Je raccroche juste avant d’éclater en sanglots.

    A 15 heures, je suis à l’abribus, et j’attends fébrilement l’arrivée de Justin.
    Ce dernier arrive un instant plus tard, en lâchant un grand sourire qui me met du baume au cœur.
    « Salut » je lui lance en premier.
    « Salut, Nico. Ça va depuis ce matin ? ».
    « Oui ça va, et toi ? ».
    « Oh, moi ça va, je ne bosse pas aujourd’hui, tu sais… et toi, ta matinée de cours ? ».
    « Bien, bien ».
    « Tu as déjeuné ? ».
    « Oui ».
    « Ça te dit d’aller prendre un café ? ».
    « Avec plaisir ».
    Et alors que je m’attends à ce qu’il m’invite prendre le café chez lui, Justin m’indique un bar pas loin de l’abribus.
    « Alors, c’est quoi exactement tes études ? ».
    Je passe un agréable moment à discuter avec ce charmant garçon. Il est drôle et attachant plus encore que je me l’étais imaginé. Il est aussi bienveillant, curieux, et d’une gentillesse touchante.
    Vraiment, son attitude, sa façon d’être me font penser à Stéphane.
    Au fil de nos échanges, je sens qu’un agréable petit jeu de séduction se met peu à peu en route d’une part et d’autre. C’est tellement magique de sentir que son propre charme est toujours en toujours en mesure de faire de l’effet. Le gars est tellement adorable que je décide de me laisser aller, de me laisser porter par le destin.
    J’adore ce moment, ces premiers instants d’une rencontre où l’on se trouve confrontés au mystère qu’est l’existence d’un mec inconnu, un mystère qui intrigue, qui impressionne et qu’on a envie de percer à jour. Sans se rendre compte que c’est exactement l’existence de ce mystère, promesse d’infinis bonheurs, qui rend l’autre attirant à nos yeux.
    J’adore l’instant où la séduction s’engage par petites touches, où elle flotte dans l’air, comme une sorte de petite électricité. Cet instant où tout est possible encore, un oui tout autant qu’un non, comme l’attente des résultats d’un examen.
    Et pourtant, en même temps que cette séduction s’installe, que mon attirance pour Justin se confirme et s’envole au fil de nos échanges, et que je sens grandir l’impression que le gars aussi semble sensible à mon charme, je sens monter en moi une angoisse qui me fait flancher.
    Je ne sais pas si j’ai envie de faire du charme à Justin. Je ne sais pas si j’ai envie qu’il m’en fasse. Je me sens mal à l’aise. Je culpabilise. Je ne me sens pas à ma place. Je ne sais pas ce dont j’ai envie. Je ne sais pas pourquoi j’ai accepté ce rendez-vous. Peut-être que j’ai juste besoin d’un ami, d’un confident qui sache me comprendre comme seul un gay peut le faire.
    Mais je ne suis pas dupe, et je sais que d’un moment à l’autre il va falloir découvrir nos intentions. Je sens que les siennes sont de plus en plus claires. Ses regards ne trompent pas.
    Peut-être que je devrais partir avant que ça aille plus loin. Je n’ai pas envie d’avoir à lui dire « non ».
    Petit à petit, les sujets de conversation se font plus intimes.
    « Alors, Nico, tu es célibataire ? ».
    « Je vis une histoire compliquée ».
    « Ah, je connais ça ».
    « Avec Alice ? ».
    « Comment tu sais pour Alice ? ».
    « Un jour je t’ai entendu discuter avec ton pote, le contrôleur dans le bus ».
    « Ah, oui, Bruno. Alice est une nana super, mais je ne peux pas la rendre heureuse » il joue cartes sur table « J’ai préféré la quitter pour lui laisser la chance de rencontrer un gars qui fera son bonheur ».
    « Tu n’étais pas amoureux d’elle ? ».
    « J’étais bien avec elle. Enfin, je veux dire, je m’entendais bien avec. Mais je n’avais pas envie d’elle ».
    « Je n’ai plus envie d’aucune Alice dans ma vie » il ajoute « car je sais depuis bien longtemps qu’aucune Alice ne fera l’affaire. Mais jusqu’à il y a pas longtemps, j’ai voulu faire comme les potes, j’ai voulu être normal, j’ai voulu éviter la honte, pour moi, pour mes proches. C’était con. Ça fait dix ans que je passe à côté de ma vie ».
    « J’ai longtemps été amoureux d’un camarade de lycée » il me raconte « Et nous avons fini par coucher ensemble pendant l’année de terminale. Et ça a même continué pendant deux ans après le bac. Il avait une copine, moi aussi. Il avait emménagé avec la sienne, mais Alice n’habitait pas chez moi. A chaque fois qu’il y avait un match de foot ou de rugby, on le regardait chez moi. J’ai pris l’abonnement au satellite exprès pour qu’il y ait plus de soirées sport. Et à chaque fois, il me laissait le sucer pendant qu’il regardait le match. Il n’a jamais voulu aller plus loin ».
    « Et c’est le seul gars ? ».
    « Non, il y en a eu d’autres. Quelques rencontres d’un soir. Une fois je suis tombé amoureux d’un gars. C’était il y a un an, et c’est là que j’ai quitté Alice. Mais ça n’a pas duré. Le gars a déménagé à l’autre bout de la France. Et les histoires à distance, ça ne marche pas ».
    « Et toi, en quoi elle est compliquée ton histoire ? » il me questionne dans la foulée, alors que je réfléchis au fait que cette histoire de sexe avant le bac, ainsi que l’éloignement de l’être aimé fait écho à ma propre vie.
    « Pareil que toi, relation à distance ».
    « Nico… » fait-il en frôlant mes doigts avec les siens, me regardant les yeux dans les yeux, un instant pendant lequel je sens qu’un point de non-retour est en train de se présenter devant moi. J’ai le cœur qui bat la chamade.
    « J’ai envie de t’embrasser » je l’entends me glisser discrètement.

    Quelques minutes plus tard, je suis dans son appart, situé à quelques rues de ma tanière. Il me fait installer sur le canapé, comme Stéphane.
    Justin m’apporte une bière, il s’installe sur le canapé à côté de moi et nous buvons en silence.
    « Tu es vraiment timide, Nico… ».
    « Oui… désolé ».
    « Moi aussi, je le suis. Au fait, tu as quel âge ? 19 ? 20 ? ».
    « Dix-neuf depuis pas longtemps. Et toi ? ».
    « Vingt-quatre ».
    La somme de nos timidités produit très rapidement un silence coriace.
    « J’ai regretté que le chantier du mois d’octobre se termine » il finit par me lancer.
    « Pourquoi ? ».
    « Parce que j’aimais bien te croiser le matin ».
    « Moi aussi, j’aimais bien ».
    « Mais je n’arrivais pas à comprendre si je t’intéressais ».
    « Je te trouve très attirant ».
    « Tu me regardais, mais comme tu fuyais mon regard, je ne savais pas trop ».
    « Désolé, je suis maladroit. Tu me plaisais mais j’étais heureux avec mon mec, je ne voulais pas le tromper ».
    « Et maintenant, tu en es où avec lui ? ».
    « Je ne sais pas, je crois nulle part ».
    Et là, tout comme l’avait fait Stéphane quelques mois plus tôt, Justin pose sa bière sur la table basse. Puis, avec un geste plein de douceur il attrape la mienne, et il la pose à côté de la sienne.
    « Tu sais, Nico » il me chuchote, tout en prenant ma main entre ses paumes chaudes « ce matin j’ai pris le bus exprès pour essayer de te revoir. Parce que j’avais très envie de te revoir. J’ai souvent pensé à toi ces dernières semaines ».
    « Moi aussi j’ai souvent pensé à to… ».
    Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase que je sens ses lèvres se poser sur les miennes. Et c’est terriblement bon.
    Justin m’enserre dans ses bras et le contact avec son corps est un bonheur inouï. C’est tellement plaisant et réconfortant que j’ai envie de pleurer de bonheur. Depuis plus d’un mois je n’ai pas ressenti la sensation d’un corps masculin contre le mien et je réalise à cet instant à quel point cela me manque.
    Mais j’ai aussi envie de pleurer de désespoir, car c’est l’étreinte des bras et le contact avec le corps de Jérém qui me manquent.
    C’est là que quelque chose de produit dans ma tête. Au gré des mouvements, je sens ma chaînette glisser sur ma clavicule. Un frisson intense, mais discordant des frissons d’excitation que Justin est en train de m’offrir avec ses câlins, parcourt mon corps de fond en comble. « Comme ça, je serai toujours avec toi » m’avait dit Jérém, en passant cette chaînette autour de mon cou. Et c’est vrai, je sens qu’il est là avec moi.
    Je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas lui faire ça. Ourson ne peut pas faire ça à P’tit loup, non, non, non. Je n’ai pas envie de coucher avec un autre gars. Je me dis que dès le moment où j’aurai couché avec un autre gars, ce truc spécial qu’il y a entre Jérém et moi sera foutu. Il n’y aura plus d’Ourson ni de P’tit loup. Je ne veux pas nuire à la trajectoire qui fait se côtoyer nos destins.
    Et je réalise à cet instant que fantasmer sur les mecs est une chose, passer à l’acte en est bien une autre.
    Justin est adorable et très câlin. Ses baisers, sa douceur semblent annoncer un amant tendre et attentionné.
    Mais toute sa tendresse ne pourra pas me faire oublier ma détresse. Car il y a un seul gars sur cette Terre qui peut soigner ma tristesse, et c’est celui qui l’a provoquée.

    Only the one who hurt you can confort you/Seul celui qui te blesse peut te reconforter
    Only the one who inflicts the pain can take it away/Seul celui qui inflige la souffrance, peut l’éloigner

    Ce couplet d’une chanson de Madonna résonne dans mes oreilles et dans ma tête dans son extrême lucidité.
    Non, je ne peux pas faire ça à Jérém. Je ne peux pas faire ça aux promesses de Campan et à celles de mon premier voyage à Paris. Je n’aurais pas dû accepter ce rendez-vous. Je ne suis pas prêt pour ça.
    Et je ne veux pas non plus coucher avec Justin juste pour me consoler de ma déception et de ma tristesse vis-à-vis de Jérém. Ce serait aussi incorrect vis-à-vis de Justin.
    J’ai de plus en plus de mal à faire taire cette voix intérieure qui ne cesse de marteler : « Qu’est-ce que je fous ici ? Qu’est-ce que je suis en train de faire ?
    Soudain, je me lève du canapé presque d’un bond.
    « Qu’est-ce qui se passe ? » j’entends Justin me questionner, le regard à la fois inquiet et interrogatif.
    « Je suis désolé… Je ne peux pas ».
    « Je ne te plais pas ? ».
    « Si, si, bien sûr que tu me plais, tu me plais beaucoup même, tu es un très beau gars ».
    « Qu’est-ce qui ne va pas alors ? ».
    « Je ne suis pas prêt, désolé ».
    Je suis conscient que je viens de faire n’importe quoi. Et pourtant, à cet instant j’ai envie de partir loin de là, loin de la tentation. J’ai envie de me retrouver seul chez moi, de rappeler Jérém, car je sais, j’en ai la conviction absolue, que je vais trouver les mots justes et forts pour lui faire comprendre à quel point on serait heureux si on se retrouvait dès ce week-end.
    « Je suis désolé… » je lui lance une nouvelle fois, honteux.
    « Ne t’excuse pas, Nico. Tu es amoureux de ce mec, et tu n’es pas encore prêt à franchir ce pas ».
    « Je n’aurais pas dû venir ».
    « Moi j’ai bien aimé faire ta connaissance. Et j’ai bien aimé ces quelques câlins ».
    « Je vais y aller » je fais, en essayant de fuir mon malaise.
    « D’accord. Bonne soirée, Nico ».
    « A toi aussi ».
    Je suis en train de partir, lorsque Justin me lance :
    « Maintenant tu sais où j’habite, si un jour tu as envie de câlins ou juste de parler, tu sais où me trouver ».

    En partant de chez Justin, je ne me sens pas bien. Je suis content d’avoir tenu bon, même si je m’en veux d’avoir failli craquer. Je m’en veux d’avoir donné des illusions à Justin et de l’avoir planté comme ça.
    En marchant vers mon studio, je prends une décision radicale.
    Je ne peux plus attendre. J’ai besoin de revoir Jérém.
    Je me dis que si vraiment son attitude est la même qu’avant notre clash en août, Jérém attend peut-être la même chose qui l’a fait réagir à ce moment-là. A savoir, que je lui montre mon caractère, que je le fasse réagir, que je lui montre ma présence. Jérém a peut-être besoin de quelqu’un qui le secoue, et en même temps de quelqu’un sur qui s’appuyer.
    Jérém m’a fait un magnifique cadeau en venant me voir de façon inattendue à Bordeaux. Et la meilleure des choses à faire est peut-être de faire la même chose pour lui, débarquer chez lui pour lui montrer que tout est possible.
    Je pense que c’est de ça dont a besoin, qu’on lui prouve que rien n’est impossible. Il a besoin que je le lui prouve. Même s’il ne va évidemment pas l’admettre ni me l’avouer.
    Si je ne fais rien, ce sera l’éloignement assuré. Si je vais le voir, j’ai peut-être une chance de changer le cours de notre histoire. Au fond, je pense que Monica a raison. Et si ça ne marche pas, alors c’est qu’il n’y avait vraiment rien à tenter.
    En amour, on ne sait jamais ce qui est bon ou mauvais. En amour, seul compte ce que l’on ressent au plus profond de soi.

    Vingt-quatre heures plus tard, le vendredi 16 novembre 2001, six mois jour pour jour après notre première révision de maths dans l’appart de la rue de la Colombette, je suis dans le TGV qui m’amène à Paris pour retrouver Jérém, à son insu. Je vais lui faire une surprise, même si elle est un peu « contre son gré ». Car dans son discours, Jérém ne tient pas vraiment à que je le rejoigne à Paris. Mais au fond de moi, je pense que ça pourrait quand-même lui faire plaisir.
    Dans ce TGV, je devrais me sentir comme le gars le plus heureux de la Terre, je devrais me réjouir du fait que dans quelques heures je serai dans les bras de mon Jérém.
    Les dés sont jetés, j’espère vraiment ne pas me faire jeter. Et, pourtant, au fond de moi, j’ai peur de sa réaction en me voyant débarquer à l’improviste.
    En fait, depuis un certain temps, et sans que je le sache, pas mal de dés ont été jetés dans ma vie. L’avenir me dira quelles facettes le destin aura choisi de faire ressortir.

    Commentaires

    ZurilHoros

    12/08/2020 11:22

    J’ai vraiment hâte de savoir ce qui attend Nico à Paris  

    Fabien

    10/08/2020 22:39

    Hello les lecteurs et les lectrices fidèles et impatients de lire la suite. Il faudra encore un peu de patience. 0236 sortira vers le 20 août. Fabien

    Alex

    10/08/2020 20:46

    L’attente de la grosse claque dans la gueule … en même temps mon épisode préféré c’est justement quand Nico voit rouge et le cogne, tellement intense ce passage j’avais l’impression de le vivre

    Alex

    07/08/2020 20:58

    La suite !!!

    ZurilHoros

    03/08/2020 09:11

    Effectivement, à partir de 4:30mn, il y a des points en commun. 
    http://www.mamcin.com/non-classe/plus-belle-la-vie-episode-4078-1/
    Ca me fait penser à ce que Marguerite Duras disait à propos de l’adaptation de son roman, « l’amant » à l’écran. 
    Elle trouvait ça obscène, et je suis d’accord avec elle. On peut tout dire à l’écrit, et ça passe. Mais entendre cet ado se faire traiter de « gonzesse qui tortille du cul en attendant de se faire baiser », c’est violent et dérangeant. 

    Celio

    31/07/2020 19:41

    Non mais j’en ai vu un qui m’a étonné. J’aurais pas cru possible sur une chaîne à 20 heure. Ça m’a trop fait pensé à Jerem et Nico alors j’en ai cherché d’autres. Sur leur site tu cherches Tom et Luis et tu fais au hasard. https://www.plusbellelavie.fr/videos/1301177-indiscretion-les-propos-indecents-de-luis-a-tom/https://www.plusbellelavie.fr/videos/1848319-indiscretion-luis-et-tom-ou-en-sont-ils/

    Celio

    30/07/2020 14:51

    Quand Plus Belle La Vie copie carrément le scénario de Jerem&Nicohttp://www.plusbellelavie.fr/videos/1883743-indiscretion-tom-completement-soumis-a-luis/

    Virginie-aux-accents

    25/07/2020 19:25

    Quel épisode « sur le fil »…
    Et quels commentaires!! C’est impressionnant de voir combien nous nous sommes tous attachés à cette histoire.

    Fabien

    25/07/2020 12:16

    La route est encore longue et sinueuse avant que le mot – fin – ne soit posé !

    Yann

    25/07/2020 09:57

    Je voudrais encore ajouter ceci à l’attention de Fabien, en plagiant une chanson d’Edith Piaf après la mort de son compagnon Marcel Cerdan. 
    Fabien,
    Laisse-les-nous
    Encore un peu  
    Nos amoureux 
    Yann

    Yann

    25/07/2020 08:47

    @Celio et ZurilHoros
    Vous avez tous les deux raison il est rare en effet, en tout cas dans les sports collectifs, que des mecs fassent leur coming out. Mais il s’agit ici d’une fiction dont le but n’est pas juste de raconter la vie telle qu’elle est. Ce serait à la fois trop prévisible et ennuyeux. Le propre d’un roman c’est de surprendre le lecteur, faire s’évader l’esprit, le faire rêver, susciter des émotions. Depuis le début de cette histoire Fabien ne s’en est pas privé et nous a souvent surpris et encore plus souvent émus. Bien sûr qu’il faut laisser une part de réalisme pour garder à l’histoire sa crédibilité mais trop coller à la réalité, sans aucune surprise c’est du reportage pas un roman de fiction. 
    Nous savons, depuis le premier épisode, que Nico raconte ce qu’il a vécu avec son Jerem « qu’il n’a toujours pas oublié alors que depuis tant d’années leur vies ne marchent plus ensemble dit-il ». C’est donc une histoire qui finit mal. Est-ce déjà la fin ? Je ne peux pas imaginer que ça se termine comme cela … mais peut être je me trompe, peut être que je suis trop romantique mais je ne regrette pas.

    Celio

    23/07/2020 20:12

    Un article de 2020Le seul joueur qui a fait un coming out dans le rugby ne s’appelle pas Jerem. La Ligue de rugby a décidé de s’associer à la lutte contre l’homophobie afin de promouvoir la diversité dans le rugby et, surtout, de libérer la parole. Pour que demain, des joueurs homosexuels puissent vivre leur passion sans avoir à cacher qui ils sont. Officiellement, aucun joueur professionnel n’a encore osé faire son coming out durant sa carrière, « de peur très certainement d’être stigmatisé et de se voir affaibli dans les vestiaires », explique Romain Burrel, le directeur de rédaction de Têtu. Le seul rugbyman à avoir sauté le pas – le Gallois Gareth Thomas – l’a fait une fois à la retraite en 2009.

    ZurilHoros

    23/07/2020 15:00

    L’amour c’est aussi une illusion. Jerem sans le désir de Nico, n’est qu’un beau mec pas très sympa, prétentieux, un peu lâche, souvent égoïste. C’est l’amour de Nico qui le sublime et qui l’oblige ou je devrais dire, qui lui permet, de devenir un vrai mec. Aider ce garçon clivé à se réconcilier avec lui même, c’est un long et difficile chemin pour Nico. Lui aussi, mérite de l’indulgence. Recevoir l’amour un peu exclusif et naïf de « ce petit mec », c’est aussi une chance pour Jérémie.

    Yann

    23/07/2020 14:33

    Un peu avant l’épisode de Campan j’ai commencé à regarder Jerem et Nico sous un autre jour. Jerem n’était plus le petit con du début que j’avais envie de baffer et Nico le petit mec que j’avais autant envie de consoler. Ils sont tous les deux très attachants mais Jerem, sous son coté mec viril, baraqué, qui pratique un sport de contact, cache une sensibilité et une fragilité que je n’imaginais pas avant et qui me touche. A l’inverse Nico n’a pas les problèmes de Jerem. Il s’assume comme homo et son seul problème est de ne pas le voir comme il le voudrait. Sa démarche de demander à Jerem, ce qui pour lui relève de l’impossible en ce moment, est en soit un peu égoïste. Il pense à lui avant de penser à Jerem. Il doute de lui alors qu’il ne devrait pas alors que de son coté ça a bien failli. Ce dont Jerem a le plus besoin tout de suite c’est d’un soutient pas de quelqu’un qui le harcèle. Sa mère lui a dit qu’il devait lui laisser du temps c’est un bon conseil mais celui de Monica de débarquer à l’improviste risque de provoquer un clache et si Jerem n’est pas seul par exemple je n’ose imaginer la suite.
    Comme Virginie-aux-accents au sujet du papier de Benjamin qui lui donnait son téléphone je dirais : Nico rend ce billet de train !
    Si j’avais un conseil à donner à Nico, je lui dirais d’envoyer un texto à Jerem pour lui donner la plus belle preuve d’amour qui soit en lui disant ceci :  » parce que tu me manques terriblement j’ai pensé d’abord à moi avant de penser à toi et je m’en excuse. Je sais qu’il te faut du temps et je ne veux pas te brusquer mais simplement te dire que, malgré la distance, je suis là et je le serais toujours pour toi, pour t’aider mais pas pour te juger. Je tiens à toi et ça prendra le temps qu’il faudra, tu peux compter sur moi. Je te demande juste une chose si on ne peut pas se voir aussi souvent qu’on le voudrait parlons nous au téléphone le plus souvent possible. Confions-nous l’un à l’autre sans aucune retenue pour que notre amour continue d’exister ».
    Et si Nico veut faire quelque chose pour Jerem il peut appeler en toute discrétion Charlène pour lui dire combien Jerem va mal et proposer qu’elle organise pour les vacances une rencontre à Campan où ils pourront tous les trois discuter comme ils l’on déjà fait une première fois ce qui n’avait pas si mal marché.
    Yann

    Yann

    23/07/2020 14:22

    Un peu avant l’épisode de Campan j’ai commencé à regarder Jerem et Nico sous un autre jour. Jerem n’était plus le petit con du début que j’avais envie de baffer et Nico le petit mec que j’avais autant envie de consoler. Ils sont tous les deux très attachants mais Jerem, sous son coté mec viril, baraqué, qui pratique un sport de contact, cache une sensibilité et une fragilité que je n’imaginais pas avant et qui me touche. A l’inverse Nico n’a pas les problèmes de Jerem. Il s’assume comme homo et son seul problème est de ne pas le voir comme il le voudrait. Sa démarche de demander à Jerem, ce qui pour lui relève de l’impossible en ce moment, est en soit un peu égoïste. Il pense à lui avant de penser à Jerem. Il doute de lui alors qu’il ne devrait pas alors que de son coté ça a bien failli. Ce dont Jerem a le plus besoin tout de suite c’est d’un soutient pas de quelqu’un qui le harcèle. Sa mère lui a dit qu’il devait lui laisser du temps c’est un bon conseil mais celui de Monica de débarquer à l’improviste risque de provoquer un clache et si Jerem n’est pas seul par exemple je n’ose imaginer la suite.
    Si j’avais un conseil à donner à Nico, je lui dirais d’envoyer un texto à Jerem pour lui donner la plus belle preuve d’amour qui soit en lui disant ceci :  » parce que tu me manques terriblement j’ai pensé d’abord à moi avant de penser à toi et je m’en excuse. Je sais qu’il te faut du temps et je ne veux pas te brusquer mais simplement te dire que, malgré la distance, je suis là et je le serais toujours pour toi, pour t’aider mais pas pour te juger. Je tiens à toi et ça prendra le temps qu’il faudra, tu peux compter sur moi. Je te demande juste une chose si on ne peut pas se voir aussi souvent qu’on le voudrait parlons nous au téléphone le plus souvent possible. Confions-nous l’un à l’autre sans aucune retenue pour que notre amour continue d’exister ».
    Et si Nico veut faire quelque chose pour Jerem il peut appeler en toute discrétion Charlène pour lui dire combien Jerem va mal et proposer qu’elle organise pour les vacances une rencontre à Campan où ils pourront tous les trois discuter comme ils l’on déjà fait une première fois ce qui n’avait pas si mal marché.
    Yann

    Florentdenon

    23/07/2020 10:20

    Je me suis plonge encore une fois avec plaisir et emotion dans ce recit tres bien mene. La peinture des etats d’ame de Nico sonne on ne peut plus juste, avec les affres de la relation a distance. On partage pleinement la souffrance de l’eloignement et la peur de la perte, la jalousie. Le point de vue de Jerem est un vrai plus et j’ai apprecie d’avoir une aperçu de son ressenti, avec l’idee que Nico lui apoortait beaucoup mais etait aussi un peu trop fragile pour permettre a Jerem de completement s’en remettre à lui. Encore bravo et merci !

    ZurilHoros

    21/07/2020 18:43

    A Campan, il semblait si proche de Nico, il semblait se redécouvrir lui-même. Ourson, ce n’est pas rien, c’est le signe d’une affection spontanée. 
    Mais maintenant, c’est le silence, quelqu’en soit les raisons. C’est un peu spécial quand on fait la démarche qu’il faisait de tout à coup, fuir, décevoir. 
    6 semaines, sans le voir, ce n’est pas rien. 
    Il peut se mettre à la place de Nico, donc il n’est pas très respectueux de ce que Nico peut ressentir. 
    Certes, on l’entend penser à Nico, on lit ses craintes, justifiées, mais là aussi, il y a un truc qui me frappe, et qui n’est sans doute pas du au hasard. Quand Jérém pense à Nico, il emploie « ce ». 
    « Ce petit gars, ce petit mec, ce Nico »
    C’est un pronom démonstratif qui marque une distance. « ce Nico, qui est si adorable etc.. » .
    « Ce » c’est un parmi d’autres, ce n’est pas « mon ». Quand Nico parle, il ne dit pas « ce Jérém » . 

    En tout cas, comme lecteur cela m’a frappé, et plus le récit avance, plus la distance se créer, puisqu’à la fin, il en est même à penser à Ulysse. Ulysse, c’est tout sauf Nico. 

    Pourquoi ne pourrait-il pas parler à Nico? Il sait que Nico a du caractère, il l’admirait même pour ça. 
    Nico est souvent agaçant, mais il est intelligent, on peut lui parler. Il réfléchit, il a du recul, il est gentil, il est généreux. Il comprendrait parfaitement, les doutes, les craintes de Jérém. Nous, lecteur, on le sait. 
    Nico voyait en Jérém, un héros, et ça n’a pas changé, malgré ou plutôt grace à Campan. 
    Mais, il y a un truc de vrai. A ce moment, à part de l’affection, il n’a pas grand chose de tangible à donner. Il n’est pas sur la même planète que Jérém. 
    Pas de rugby, pas de saut à l’élastique, pas des tas de copains. Il apporte des choses qui sont proches de ce qu’est une sensibilité féminine. 
    Alors… 

    Yann

    21/07/2020 13:12

    Cet épisode est particulier car on y découvre ce qu’il se passe dans la tête de Jerem et ce qui le tourmente. C’est un peu la panique et il a du mal à gérer. L’histoire avec ce garçon, Thomas, qui l’a dragué, la réaction de Léo pas discret qui les a surpris (à rayer de la liste des confidents potentiels), son désir de voir Nico sans savoir comment faire et sa peur de le perdre.
    L’un comme l’autre ne sont pas insensibles à l’attirance qu’ils suscitent autour d’eux, mais ils ont su y résister car ils sont très amoureux et tiennent beaucoup l’un à l’autre. 
    Jerem a mauvaise conscience pour ce qu’il impose à Nico et il sait que LA seule solution à une partie de son problème : c’est celle de parler à Nico, tout lui dire. Il n’ose pas par manque de confiance. Ca ne réglerait pas tout mais au moins ça rassurerait Nico et ça renforcerait leur confiance et préserverait leur relation. A quoi ça sert d’aimer quelqu’un si ce n’est pas pour tout partager. L’amour est risqué d’un point de vue émotionnel. Jerem a peur que Nico pense qu’il a honte de lui. Se  dévoiler à l’autre dans toute sa vulnérabilité, lui confier ses peurs et ses espoirs, partager des choses dont on a honte ou dont on est fier, ses attentes et ses déceptions ; le laisser pleinement entrer dans son intimité. On baisse la garde et on laisse l’autre accéder à des parties de soi qu’on préférerait généralement éviter. C’est lui donner le plus beau témoignage d’amour : lui faire confiance. Ca ne réglera pas la question de comment faire avec ses co-équipiers mais au moins sa renforcera la confiance qu’ils s’accordent mutuellement ce qui est déjà essentiel. Ensuite ils peuvent chercher ensemble comment aborder l’autre question qui taraude Jerem : cacher qu’il est gay ou le dévoiler. A deux on est plus fort. C’est dans leur amour qu’ils doivent puiser pour trouver la force de faire face. S’y préparer, trouver le meilleur moment, comment le faire, prendre conseil. Jerem sera fier d’avoir le soutient de Nico et Nico sera heureux et rassuré de la confiance de Jerem. Jerem est en perte de confiance et ça se ressent aussi quand il est sur le terrain ; il a donc tout à y gagner : au plan sentimental comme au plan sportif.
    Comme je disais dans mon précédent com, le risque serait, comme cela faillit être le cas avec Léo, que quelqu’un découvre qu’il est gay. A lui de prendre l’initiative d’agir au lieu de devoir réagir car on c’est comme cela qu’on est fort.

    Celio

    21/07/2020 12:37

    Un mec que tu vois tous les 2 mois, ça fait 6 fois par an, c’est clair qu’il ne t’aime pas. C’est des excuses bidon il a du fric pour lui payer l’hôtel si il veut être discret

    ZurilHoros

    20/07/2020 10:30

    Ce nouvel épisode est déstabilisant, pour le lecteur installé dans une certaine tranquillité, et pour les personnages.

    Pour Jerem et Nico, ce n’est pas étonnant, et c’est même inévitable. Leur histoire à distance, sans qu’ils se connaissent vraiment, ne rime plus à rien. 
    Quelque part, Jérém le sentait depuis la rue Colombette, c’était même sa hantise. 
    Mais ce n’est pas ce que je ressens en premier à la lecture de l’épisode. Ce que je trouve déstabilisant, c’est d’avoir l’impression qu’il pense à Nico comme à quelqu’un d’étranger à sa vie, sans lien véritable. Il ne l’aime peut être pas autant que je l’avais cru… 
    C’est certain qu’il aurait plus besoin d’un Ulysse ou d’un Thibault. Mais alors, son attitude avec Nico devient un peu coupable. 
    Etre aller le rechercher pour en arriver là! Je trouve qu’il l’a bien assez fait souffrir comme ça. 

    Mais en même temps, Jérém est un peu comme un animal, on a vu qu’il n’anticipe pas ce qu’il va ressentir. Il lui faut se mettre dans des situations pour savoir ce que ça lui fait. 
    Au moins, il semble avoir compris qu’il est gay et qu’il le restera. 

    Nico commence à accumuler les succès auprès des mecs. En tout cas, il a gagné en maturité en même temps qu’il a gagné un abonnement avec tous les rugbyman gay de France. 
    Je n’aurais pas pensé ça, il y a dix ans, mais aujourd’hui, je me dis que c’est Julien qui a raison. Il devrait se laisser aller, faire ses expériences et voir ce qu’il en retire. 
    Il a de la chance d’avoir une maman assez géniale, il devrait l’écouter. Jérém n’a pas cette chance. 

    L’épisode est très bien pensé et écrit, il est dense en réflexion et en sensibilité. Je pense d’abord à tout ce que Nico observe de la « sociabilité ». Mais c’est aussi ce qui permet de ne pas resté fixer sur « un objet » comme il le fait. 
    La panique de Nico, quand Justin l’embrasse et qu’il s’enfuit est magnifique d’écriture. 

    Rejoindre Jérém sans prévenir… Hum, les surprises ne sont pas toujours de bonnes surprises 

  • JN0234 Jette ce papier, Nico !

    JN0234 Jette ce papier, Nico !

    Dans le train qui me ramène de Paris à Bordeaux, un gars plutôt charmant semble s’intéresser à moi. Il est accompagné par un chiot labrador sable dont l’adorable tête dépasse par moments du haut d’un grand sac.
    Pourquoi ce genre d’occasion ne m’est pas arrivé un an plus tôt, quand j’étais encore célibataire ?
    Peut-être pour ne pas dévier de ma trajectoire de vie qui m’a conduit vers Jérém.
    Pourquoi cela m’arrive-t-il maintenant ?
    Peut-être que cela arrive pour me mettre à l’épreuve, pour tester la solidité de mon amour pour Jérém.
    Il faut à tout prix que je tienne bon.
    Lorsque le train s’arrête en Gare St Jean, je décide de rester le nez plongé dans mon bouquin jusqu’à ce que le gars quitte la rame, qu’il s’éloigne, rendant impossible tout contact ultérieur, toute tentation ultérieure.
    Mais en partant, le gars me glisse un petit mot griffonné sur une page blanche arrachée au livre qu’il était en train de lire.
    Et ce n’est qu’au bout de nombreuses, longues secondes que, les mains tremblantes, j’arrive enfin à déplier le petit papier et à en lire le contenu.
    « Tu me plais beaucoup. Benjamin 06 19 65…. PS : le chiot s’appelle Simba ».

    [Oui, je sais, à l’origine le gars du train ne s’appelait pas Benjamin. Mais j’ai finalement décidé de l’appeler ainsi, donc à partir de maintenant le gars du train ce sera Benjamin, lol]

    Je replie le papier, je reste scotché à mon siège, le corps secoué par des décharges d’adrénaline successives, incapable de faire le moindre mouvement, observant hagard les derniers passagers quitter le train. Je n’arrive pas à croire que le gars ait osé ça, j’ai dû rêver. Je rouvre le papier, mais les mots sont bien là, noir sur blanc.
    « Tu me plais beaucoup. Benjamin 06 19 65…. PS : le chiot s’appelle Simba ».
    J’ai bien lu, je n’ai pas rêvé.
    Le wagon est désormais complètement vide lorsque j’arrive enfin à me décider de me lever et de le quitter à mon tour.
    En me levant, en marchant, le souvenir des coups de reins de Jérém se manifeste très vivement. Ah putain, qu’est-ce que c’était bon ! Ce sont des courbatures qui me rappellent, si besoin était, que non seulement je suis fou amoureux de ce gars, mais que le sexe avec lui est vraiment magique.
    Et pourtant, en descendant du train, je ne peux m’empêcher de chercher Benjamin du regard. Des sentiments contradictoires s’entrechoquent dans ma tête. J’ai à la fois peur et envie qu’il soit parti ou qu’il m’attende quelque part. S’il était encore là, je voudrais aller le voir et lui dire que je suis flatté par sa proposition, mais que je ne suis pas célibataire et que je ne pourrais pas aller plus loin avec lui. Je voudrais dissiper tout malentendu. Certes, je n’ai pas pu m’empêcher de le mater dans le train. Mais ça s’arrête là. Est-ce que je saurais être si fort ?
    Mais Benjamin a disparu, il a continué son chemin. Il m’a peut-être attendu pendant quelques instants, mais ne me voyant pas descendre, il a tracé sa route.
    Mais, à l’instar du Petit Poucet, il a laissé derrière lui une dizaine de « petits cailloux numériques » pour que je puisse le retrouver. Pour la première fois de ma vie, la balle est entièrement dans mon camp. C’est une sensation à la fois grisante et effrayante.
    Dans le bus qui me conduit près de mon studio, j’ai l’impression de planer. Se sentir désiré fait vraiment l’effet d’une drogue. J’ai encore du mal à réaliser qu’il me suffirait de composer les dix chiffres griffonnés sur le petit papier pour retrouver ce un gars que je trouve très sexy, et peut-être coucher avec lui ce soir même.
    Mais je ne le veux pas. Car je ne veux pas tromper Jérém.
    Je comprends enfin ce que doit ressentir bien souvent mon bobrun. Le fait de se sentir désirés nous place sur un plan incliné et savonné qui, si on n’y prend pas garde, nous ferait très facilement glisser vers des tentations dangereuses.
    La meilleure des choses à faire, la plus définitive et la plus sûre, est de jeter le petit papier, tout de suite, avant de le rouvrir une nouvelle fois et de risquer d’imprimer dans ma mémoire, très portée sur les chiffres, la fameuse séquence pour le joindre.
    Allez, jette ce papier, Nico ! Pense à cette fameuse trajectoire qui t’amène vers Jérém, elle est belle mais fragile, surtout ne fais rien qui pourrait la dévier !
    D’un autre côté, l’idée de jeter le papier sans donner aucun signe me paraît indélicate. Benjamin semblait bien s’intéresser à moi. Et comme je l’ai maté à mon tour, il s’est dit que c’était réciproque, et il s’attend à ce que je le rappelle. Peut-être que je devrais lui envoyer un message pour lui expliquer que je ne tromperai pas le gars que j’aime.
    Oui, je trouve très excitant le fait d’avoir avec moi le sésame pour joindre un gars charmant. Mais à bien regarder, ce que je trouve grisant par-dessus tout, c’est l’idée même d’avoir la possibilité de décider quoi faire de cette proposition, de pouvoir faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.
    Puis, soudain, quelque chose se passe dans ma tête. Les souvenirs des moments magiques avec Jérém à Paris, la balade à Montmartre, ses câlins, ses mots adorables remontent à ma conscience. Et je me dis que je suis tellement bien avec lui.
    Alors, non, c’est décidé, je n’appellerai pas Benjamin. Je ne vais pas ramener le petit papier chez moi. Je ne vais pas non plus lui écrire un sms pour lui dire que je suis touché par son invitation mais que je ne peux pas l’accepter. Je renonce à cette politesse parce que je me dis que dès le premier message envoyé, il aura mon numéro et ce sera la porte ouverte à la tentation, au danger. La tentation doit être extirpée à la racine si on veut s’en débarrasser pour de bon.
    Alors, en arrivant à l’abribus, je déchire enfin le petit papier et je jette les confettis dans une poubelle juste à côté.
    Je viens de faire ce que j’estime juste et je ressens comme un soulagement. Je sais que j’ai fait le bon choix. Je me sens plus fort. Jérém me semble moins lointain. Dans deux jours c’est son anniversaire, je pourrai le lui souhaiter sans avoir ce truc dans la tête.
    En rentrant chez moi, j’envoie un message à Jérém.
    « Bonne nuit mon chéri ».
    Ce soir, je me sens bien, car je suis bien avec moi-même

    Le lendemain, au réveil, mes courbatures sont toujours là, et elles sont bien plus vives que la veille. J’ai demandé à Jérém de ne pas me ménager, de me tringler avec toute la puissance dont il était capable, j’en ai eu pour mon « argent ». Je voulais amener avec moi le souvenir de ses coups de reins, je n’ai pas été déçu.
    Je retrouve la fac et les cours avec bonheur, car cela m’aide à me changer les idées. Ma « petite bande » est au grand complet. Raphaël est toujours aussi pétillant et taquin, Monica toujours aussi souriante, Fabien toujours aussi sarcastique. Quant à Cécile, j’ai l’impression qu’elle est de plus en plus proche de moi et collante vis-à-vis de moi. Raphaël a vu juste, elle me kiffe. Je ne peux pas la laisser plus longtemps se faire des illusions.
    Le problème c’est que je ne sais pas comment faire. J’ai peur qu’elle le prenne mal. Ne connaissant pas grand-chose à la psychologie humaine, et encore moins à la psychologie féminine, je décide de prendre un avis d’expert. Ou d’experte, plus précisément. Je sais à qui demander, il faut juste que je trouve le moment pour lui en parler discrètement.
    La chance me sourit en fin d’après-midi, pendant la demi-heure d’attente avant le dernier cours, cours que Monica et moi sommes les deux seuls de notre bande à suivre.
    « Je voulais te demander un conseil » je la branche.
    « Oh là » elle se marre « Je ne sais pas si je serai en mesure de te répondre, mais dis toujours ».
    « Raphaël m’a dit que Cécile en pince pour moi ».
    « C’est vrai, elle m’en a même parlé ».
    « Elle t’a dit quoi ? ».
    « Elle te trouve très sympa et très gentil. Et tu lui plais beaucoup ».
    C’est étonnant d’entendre à nouveau cette formule. Alors qu’une autre version de la même formule, écrite sur une page de livre arrachée par un gars qui me fait vraiment envie, brûle dans ma poche depuis le matin et accapare une grande partie de mes pensées.
    « Ah… ».
    « Tu as l’air surpris… ne me dis pas que tu n’as pas vu qu’elle s’est rapprochée de toi… ».
    « Si… si… mais… ».
    « Mais elle ne te plaît pas ? ».
    « Ce n’est pas la question ».
    « Tu veux dire quoi ? ».
    « Je veux dire que… je ne suis pas vraiment intéressé par les filles. Pas de cette façon-là du moins ».
    « Ah, tu veux dire que tu es gay ? ».
    « Oui, je suis gay ».
    « C’est vrai qu’à un moment j’ai eu l’impression que tu regardais beaucoup Raphaël ».
    « Et comment ! Je le trouve sexy à mort ».
    « Ah bah, moi aussi ».
    Je souris intérieurement de la nouvelle complicité que ce coming out vient d’ouvrir entre Monica et moi. Permettre aux autres de mieux nous connaître est très utile pour tisser des liens. L’amitié se bâtit plus solidement sur du vrai que sur des apparences.
    « Par contre j’aimerais autant qu’il ne le sache pas pour l’instant » je tiens à préciser.
    « Pourquoi, tu as des vues sur lui ? ».
    « Non, pas du tout, je sais qu’il aime les nanas et qu’il ne se passera jamais rien entre nous. De toute façon, je ne suis pas célibataire. Mais je ne le connais pas assez pour prévoir sa réaction ».
    « Ah, ok, c’est vrai que parfois les mecs peuvent être cons avec ça ».
    « Je le lui dirai probablement un jour, mais ça ne presse pas. Si j’ai voulu t’en parler, c’est parce que tu me sembles une nana très ouverte d’esprit, pour qui ce genre de choses n’est qu’un fait comme un autre… ».
    « Tu as vu juste. Je pense que chacun a le droit d’être heureux comme il l’entend. Et bien évidemment cela ne change rien à notre amitié ».
    « J’étais sûr que tu réagirais de cette façon. Maintenant, puisque nous sommes toujours potes, j’ai besoin de tes lumières ».
    « Tu me flattes… » elle se marre.
    « Comment dire ça à Cécile sans trop la blesser, si elle en pince pour moi ? ».
    « Tu ne peux pas. Tu vas forcément la blesser. Mais elle s’en remettra. Mais tu dois le lui dire au plus vite. Plus tu laisses couler, plus la claque que tu vas lui mettre va lui faire mal ».
    « Oui, mais comment je vais m’y prendre ? Je veux dire… j’attaque frontalement en lui disant : bonjour, Cécile, j’ai quelque chose à te dire : je suis gay ? ».
    « Mais non, voyons. Il faut être plus subtil. Commençons par le commencement. Tu as quelqu’un si j’ai bien compris… ».
    « Oui ».
    « Et c’est sérieux ? ».
    « Je crois, oui ».
    « Comment il s’appelle ? ».
    « Jérémie ».
    « Tu l’as vu ce week-end ? ».
    « Oui, à Paris ».
    « A Paris ? ».
    « Oui, il est joueur de rugby pro au Racing ».
    « Ah, tu caches bien ton jeu, petit filou. Tu te tapes un rugbyman ! ».
    Ses mots me font sourire.
    « C’est ça, et pas le plus moche non plus ! ».
    « Veinard, va. Et ça se passe bien entre vous ? ».
    « Oui, je l’aime ».
    « Alors, dès demain, parle à Cécile de ton week-end à Paris avec Jérémie. Et profites en pour lui glisser à quel point tu es bien avec ce gars. Elle va finir par comprendre et te poser des questions. Répondre à des questions ce sera plus facile que d’avoir à donner des explications à l’aveugle ».
    « Et si elle ne pose pas de questions ? Si elle fait juste la gueule ? Tu le sais comme moi, elle n’est pas du genre bavard… ».
    « Eh, bien, tu lui dis carrément que tu es avec ce gars et que tu es heureux avec lui ».
    « Ça paraît simple ».
    « Ne te casse pas la tête. Sois toi-même et tout se passera bien ».

    De retour à l’appart, je croise Albert et Denis dans la petite cour au sol rouge.
    « Alors, ce week-end parisien ? » me questionne ce dernier.
    « Fabuleux ».
    « Les retrouvailles ont dû être bien chaudes ? ».
    « Je ne vous le fais pas dire ».
    « A votre âge, c’est matin, midi et soir, sans compter les en-cas… heureuse jeunesse… » fait Albert « En tout cas, je suis content pour toi, pour vous. Et tu as pu voir un peu les mecs avec qui il traîne ? » ajoute Denis.
    « Oui, on est sortis en boîte avec ses co-équipiers ».
    « C’est important ça, avoir un œil sur son entourage ».
    « Il m’a présenté comme son cousin ».
    « Il doit être sur le qui-vive pour ne pas se faire remarquer ».
    « Ouais… ».
    « Il ne faut pas lui en vouloir, le rugby, comme tout l’univers du sport, n’est pas un monde très tolérant ».
    « Je sais, et je le comprends ».
    « Alors, il a tenu bon ton rugbyman ? ».
    « Je crois, oui. Il m’a dit qu’il ne veut pas aller voir ailleurs ».
    « Et je suis sûr qu’il le pensait vraiment à l’instant où il te l’a dit » commente Albert « Mais avec le temps et la distance ce vœu va perdre de sa solennité. Il finira par craquer. Tant que vous êtes loin l’un de l’autre, tu ne pourras pas l’en empêcher. Mais tant que vous êtes bien ensemble, des petits égarements ne vous feront pas oublier que vous êtes spéciaux l’un pour l’autre. Mais il faut faire gaffe ».
    « Je lui ai dit de se protéger au cas où ».
    « Tu as bien fait. C’est le plus important. Tu vois, Nicolas, Denis et moi on en est passé par là et on est toujours ensemble après tant d’années. Je pense même que c’est l’une des raisons qui ont fait que nous sommes toujours ensemble ».

    « Ourson ».
    C’est dingue comme ce simple petit mot, prononcé sur un ton plein de tendresse, a le pouvoir de me donner le frisson d’une caresse. Et d’apaiser toutes mes angoisses. Qu’est-ce que j’ai bien fait de jeter le petit papier de Benjamin !
    « Tu me manques p’tit loup ! ».
    « Toi aussi tu me manques ».

    Mardi 16 octobre 2001.

    Le lendemain, je me réveille de très bonne heure. Car c’est le grand jour. Aujourd’hui, mon Jérém a 20 ans. Comment je voudrais passer cette journée, ou du moins la soirée, avec lui !
    En remuant dans mon lit, je retrouve encore et toujours l’écho de ses coups de reins imprimés dans ma chair. C’est terriblement excitant. Ma trique du matin s’en trouve décuplée. Je ne peux m’empêcher de me branler en pensant à nos ébats, au plaisir de l’avoir en moi, et d’être en lui. Je jouis et je me rendors brièvement.
    A 7 heures pétantes, je lui envoie un sms.
    « Bon anniversaire chéri ».
    Je pars à la douche, je prends mon petit déj, tout en guettant mon téléphone. Je quitte l’appart, je me dirige vers l’abribus, lorsque le son de notification de messages de mon portable retentit.
    « Merci ourson ».
    « Je ne pourrais jamais oublier ça ».

    En cours, Cécile continue sur sa lancée. Ses regards sont de plus en plus caressants, son attitude de plus en plus claire et gênante pour moi. Je veille à ne jamais rester seul avec elle, de peur qu’elle se lance à me déclarer sa flamme avant que je ne trouve le moyen de l’éteindre.
    S’il est bien vrai que se sentir désiré est toujours flatteur, même par une nana (et là aussi, je comprends Jérém), sentir « de près » le désir de Cécile est limite angoissant. Car j’ai peur de la faire souffrir et je ne veux pas ça.
    La journée passe sans que j’aie trouvé le moment et l’occasion de prendre Cécile entre quatre yeux et lui parler.
    Le coup de fil du soir de Jérém me fait un bien fou. Du moins le début. Car il se conclut assez vite, et sur une note qui ne me réjouit pas vraiment. Ce soir mon bobrun n’a pas trop le temps, car ses potes ont prévu une soirée pour fêter son anniversaire.
    La distance est une sale bête quand on aime. Je pense à la distance physique, mais aussi à la distance sociale. Si j’étais à Paris, qu’est-ce qu’il choisirait ? De fêter son anniversaire avec moi ou avec ses potes ? Est-ce que j’aurais ma place dans ce jour spécial ?
    Est-ce que si j’habitais Paris et que nous pouvions nous voir au quotidien, il accepterait de m’avoir régulièrement à ses côtés ? Qu’en penseraient ses potes ? Comment vivre une vie épanouie quand on est condamnés à rester discrets ?
    A Paris, Jérém a tout à prouver. Qu’il est un bon joueur, qu’il est un bon pote, et qu’il est hétéro. La pression sur ses épaules est énorme. J’ai peur que tout cela ait comme résultat de le pousser à vouloir à nouveau se conformer, à garder les apparences, à faire comme les autres. A me laisser moins de place dans sa vie. J’ai peur que la nouvelle vie de Jérém ne facilite en rien notre histoire.
    Mais putain, pourquoi être gay doit-il être si compliqué ? En quoi ce que nous ressentons l’un pour l’autre concerne ses potes, ses co-équipiers, la direction de l’équipe, les supporters ? Est-ce qu’un jour nous pourrons vivre enfin tranquilles ?

    Le lendemain, mercredi, je retrouve le bel inconnu du bus. Et je le retrouve plus sexy que jamais. Car il s’est rasé la barbe, ce qui change pas mal son visage, et plutôt à son avantage. Je le trouvais déjà très sexy avec barbe. Mais sans, il est carrément mignon, plus encore que je ne le croyais.
    Et contrairement à certains mecs pour qui ce changement de look change vraiment tout (certains mecs sont canons sans barbe, mais beaucoup moins avec ou l’inverse), lui les deux looks lui vont bien. La barbe ça lui donne un côté viril un brin macho, et sans barbe il fait plus timide, plus doux.
    En arrivant à l’arrêt du bus, il me lance son plus beau « bonjour », accompagné d’un grand sourire. Et là, une nouvelle surprise m’attend. Le gars me tend la main et serre la mienne dans une bonne prise de mec, à la fois ferme et douce.
    Le bus arrive, le gars se dirige vers le fond, et moi aussi. Il s’assied, et moi aussi, en face de lui. Je cherche en vain des sujets pour entamer une discussion, mais le gars ouvre son journal et il ne me calcule plus.

    Cécile n’est pas là aujourd’hui, ce qui me permet de suivre les cours avec une sérénité retrouvée. Néanmoins, je me dis qu’avant la fin de la semaine il faut que je trouve le moyen de régler cette affaire.
    Pendant son coup de fil du soir, Jérém me parle de sa soirée de la veille. Apparemment, il s’est bien amusé avec ses potes. Ils ont changé trois fois de boîte, ils sont rentrés aux aurores, ils ont pas mal picolé. Apparemment, c’est leur façon de fêter l’anniversaire de l’un des leurs.
    Je l’écoute parler, tout en repensant pour l’énième fois à cette histoire de nana avec qui il aurait couché ou pas le week-end avant ma venue sur Paris.
    Même si je pense qu’il a dit vrai, jusqu’à quand tiendra-t-il bon ? Est-ce que je dois vraiment me faire à l’idée d’accepter qu’il aille voir ailleurs, que ce soit par envie ou par la pression de son milieu et de son entourage ?

    Jeudi, pas d’inconnu du bus à l’horizon. Son absence me fait ressentir une certaine frustration, comme une sorte de manque. Ce petit « rendez-vous » du matin avec son « bonjour » et son beau sourire est quelque chose de rafraîchissant.
    Ce week-end, j’aimerais tellement remonter sur Paris. Mais je sais que ce n’est pas possible. Je ne peux pas y aller toutes les semaines. Déjà, mon budget ne me le permet pas. Et de toute façon, je suis certain que Jérém ne serait pas partant. Alors, je ne lui en parle même pas. Je me réserve pour le week-end prochain. Si jamais il a envie de me voir, il n’a qu’à le dire.

    Vendredi, l’inconnu du bus se pointe à l’abribus une minute après moi. Je le regarde, il me regarde, je lui dis bonjour. Et là, le type me lance un « bonjour » à son tour, agrémenté d’un super joli sourire. Genre, si je me faisais des films, je penserais qu’il est content de me voir. A nouveau il me serre la main avec fermeté.
    Hélas, comme d’habitude, une fois dans le bus, notre bonjour bien que chaleureux n’a toujours pas de suite. Je trouve une place, il reste debout, pas très loin de moi, l’épaule appuyée contre une paroi du bus, le regard plongé dans son immanquable journal sportif.
    Mais ce matin, une belle surprise m’attend. A l’un des arrêts, un contrôleur embarque dans le bus. Le mec est plutôt pas mal, les cheveux châtain clair, la petite trentaine, des beaux yeux pétillants. Et l’uniforme lui donne un cachet qui le rend craquant. En quelques minutes, la plupart des passagers sont contrôlés. Me trouvant à l’arrière du bus, je suis parmi les derniers.
    En approchant de moi, j’ai l’impression que le contrôleur lance un grand sourire dans ma direction. Je ne peux pas croire que ce sourire charmant m’est destiné. Est-ce qu’il a remarqué que je le mate et que c’est le genre de gars à qui ce type d’attention fait plaisir même venant d’un autre gars ?
    « Bonjour Monsieur » fait-il avec sa voix bien mec, chaude, ferme mais très polie, tout en saisissant le ticket que je lui tends.
    « Merci Monsieur » il conclut, en me rendant le petit bout de carton.
    Le gars continue sur sa lancée et un instant plus tard je l’entends lancer un :
    « Hey, Justin, ça faisait un bail qu’on ne s’était pas vus. Tu vas bien ? ».
    Je réalise ainsi que son beau sourire ne m’était pas destiné. En fait, le contrôleur souriait au bel inconnu du bus. Un inconnu qui n’est plus vraiment tel, car je viens d’apprendre son prénom. Il s’appelle donc Justin. Justin, très beau prénom de mec. Un prénom qui lui va très bien, je trouve.
    « Hey, Bruno, ça fait un bail ».
    Beau prénom pour le petit contrôleur aussi. La bogossitude possède la faculté de donner de l’éclat à n’importe quel appellatif.
    « Alors, qu’est-ce que tu deviens, depuis le temps ? » demande le contrôleur.
    « Bah, rien de bien folichon, toujours sur les chantiers à droite et à gauche ».
    « Et tu vas toujours au rugby ? ».
    « Oui, deux soirs par semaine et le match le week-end ».
    J’avais vu juste, c’est un sportif. Un rugbyman. Encore un.
    « Je suis jaloux. Toi et les autres potes vous me manquez. Nos bringues me manquent » fait le contrôleur.
    « Ça fait depuis combien de temps que tu as arrêté ? ».
    « Depuis un peu plus d’un an, depuis que mon fils est né. Les nuits sont tellement courtes que je cherche à m’économiser par tous les moyens. Tu verras quand ça t’arrivera avec Alice ».
    Et voilà la claque qui me pendait au nez. PAF ! Justin est hétéro ! Je m’en doutais un peu, un peu beaucoup, mais je ne peux m’empêcher de ressentir une sorte de désillusion assez cuisante.
    « Ça ne risque pas de m’arriver de sitôt » j’entends Justin répondre.
    « T’es plus avec ? ».
    « C’est compliqué en ce moment ».
    « Mais vous deviez emménager ensemble, si je me souviens bien… ».
    « Ça ne s’est pas fait ».
    « Qu’est-ce qui s’est passé ? ».
    « J’ai voulu prendre le temps. J’avais l’impression que ça allait trop vite. Et elle avait l’impression que ça n’allait pas assez vite ».
    Le bus s’arrête et je dois impérativement descendre car je suis déjà à la bourre. Sinon j’aurais bien continué le trajet pour connaître la suite de cette conversation qui m’aurait peut-être permis d’apprendre des choses intéressantes sur le beau Justin.

    Ce vendredi, le dernier cours se termine à 15 heures. Et alors que Monica, Raphaël et Fabien s’empressent de partir, Cécile me propose de réviser dans une salle libre pour reprendre certains points du dernier cours de géodynamique qu’elle a du mal à assimiler. Sur le coup, je me sens pris au dépourvu. Car je ne me sens pas vraiment prêt à m’ouvrir à elle. Mais très vite, je me dis que l’occasion que je cherchais pour lui parler seul à seul se présente enfin. De toute façon, je ne serai jamais vraiment prêt. Alors autant y aller.
    Dans la petite salle, nous ne sommes que tous les deux. J’essaie de reprendre les points clés des derniers cours de géodynamique, mais j’ai du mal à me concentrer. Je sens sur moi le regard lourd de Cécile et cela me met mal à l’aise.
    Bizarrement, cette première révision m’en rappelle une autre, avant le bac, avec Jérém, dans son appart de la rue de la Colombette. Lors de cette première révision toulousaine, j’étais tout autant incapable de me concentrer qu’aujourd’hui, et toujours à cause d’un regard charmeur. A une différence près. Le malaise de jadis était la conséquence d’un désir brûlant. Alors que l’actuel n’est que le résultat de la peur de décevoir et de blesser.
    Minute après minute, alors que je survole mes notes sans vraiment m’y attarder, mon malaise ne fait que grandir. J’entends mes mots comme venant de l’extérieur, comme s’ils sonnaient faux.
    A un moment, alors que je suis en train de corriger une note sur le carnet de Cécile, cette dernière pose une main sur la mienne. Je suis comme tétanisé. Instinctivement, je me tourne vers elle. Son regard plonge dans le mien, ses grands yeux un peu tristes semblent vouloir happer mon esprit, et lire en moi quelque chose qui n’existe pas.
    Nos visages ne sont qu’à quelques centimètres. Je ne sais pas quoi faire, comment réagir. Cécile finit par claquer un baiser sur mes lèvres figées. Un baiser que je ne peux pas, je ne veux pas lui rendre. Un baiser qui est suivi d’un deuxième, puis d’un troisième. Mais mes lèvres restent immobiles.
    Car je ne ressens rien. Pour la première fois de ma vie je viens d’embrasser (ou plutôt de me faire embrasser par) une nana et je ne ressens absolument rien. Si j’avais encore des doutes au sujet de mon orientation sexuelle, voilà la preuve qui fait la certitude.
    « Je suis désolée » fait Cécile, dérouté par mon manque de réaction.
    « Non, tu ne dois pas être désolée ».
    « Je ne te plais pas ? ».
    « Non, c’est pas ça… ».
    « Tu as une copine ? ».
    « Oui, enfin, non, pas vraiment… ».
    « Ça veut dire quoi, ça ? ».
    « Cécile, je ne suis pas attiré par les filles ».
    Eh beh voilà c’était pas si difficile !
    « Tu es gay ? ».
    « Oui… ».
    « Ça alors, je ne l’avais pas vu venir ».
    « Tu t’en es jamais douté ? ».
    « Non… je croyais que les gays étaient plus… ».
    « Efféminés ? ».
    « Peut-être, oui ».
    « Si tu voyais mon mec, alors, tu tomberais vraiment des nues ».
    « Il est beau ? ».
    « Ouf, plus que ça même ».
    « Tu es amoureux ? ».
    « Depuis le début du lycée ».
    « Tant mieux pour toi. Et tant pis pour moi. Pour une fois que je me sens bien avec un gars, il faut qu’il soit gay… je n’ai pas de chance ».
    « Cécile, tu es une nana très intelligente et tu es quelqu’un de bien. Tu trouveras le bon gars, mais ce gars ça ne peut pas être moi ».
    Nous essayons de recommencer à réviser, mais le malaise est installé, et nous n’y arrivons plus.
    « Je me sens un peu fatiguée » elle me lance au bout d’une poignée de minutes « je crois que je vais rentrer et reprendre tout ça demain à tête reposée.

    Je viens de quitter Cécile et je ressens enfin ma tension retomber. Je n’arrête pas de repenser à sa réaction, et au malaise que ça a créé entre nous. Je l’ai sentie bien déçue. Je n’aurai pas dû attendre jusqu’à ce baiser. Mais désormais c’est fait et je ne peux pas revenir en arrière. Au moins, je lui ai dit la vérité. Et elle va cesser de se faire des faux espoirs. Et je me suis enlevé un poids du cœur.
    Le soir, j’appelle Jérém. Il décroche mais notre conversation est écourtée à cause d’un double appel. « Nico, on m’appelle pour ce soir. Je t’appelle demain » je l’entends me sortir sur un ton plutôt pressé, avant de raccrocher.
    De suite, j’imagine que « On », ça doit être son pote Ulysse, le talonnant pour sortir.

    Une semaine après le week-end à Paris.

    Le lendemain, samedi, mon premier sms de 9h00 : « Bonjour, tu vas bien, chéri ? » reste sans réponse, tout comme celui du début d’après-midi pour lui souhaiter bon match. Pendant toute la journée, j’attends un coup de fil ou un sms qui ne viennent pas.
    En début de soirée, j’appelle ma cousine. Je lui raconte mon week-end parisien. C’était il y a tout juste une semaine, mais il me paraît déjà si loin !
    J’ai besoin de me confier, mais je n’arrive pas à lui parler de mes inquiétudes. Ça ne sort pas. Comme si le fait d’en parler les rendait plus réelles. Je n’ai pas non plus envie de l’embêter encore avec mes histoires. Entre ses problèmes d’audition suite à la catastrophe d’AZF et son mariage à organiser, elle a d’autres chats à fouetter.
    Je viens tout juste de raccrocher d’avec Elodie, lorsque je reçois enfin un sms de Jérém dans lequel il me souhaite la bonne soirée me précisant qu’il est déjà avec ses potes.
    Je passe la soirée à me balader dans Bordeaux et à cogiter. Il y a une semaine, il m’a dit qu’il ne veut pas aller voir ailleurs. Mais à force de sortir avec ses co-équipiers, ça finira par arriver. Tous ces gars sont très sollicités et ont des aventures. Pourquoi il n’en aurait pas ? Je me dis que s’il le faut, Jérém a déjà été voir ailleurs.
    Je rentre au studio peu après minuit, après une longue balade. Jérém me manque à en crever. Et je réalise que ce qui me manque le plus, au fond, c’est sa présence. Je donnerais cher, et je serais même prêt à renoncer au sexe, pour pouvoir le serrer dans mes bras ne serait-ce que pendant une heure.

    Pendant toute la journée de dimanche je n’ai pas de ses nouvelles. Je me sens seul et triste. A plusieurs reprises, j’ai envie de pleurer. Je n’ose pas trop l’appeler de peur de le déranger quand il est avec ses potes. Le problème c’est que j’ai l’impression qu’il est tout le temps avec ses potes.
    Heureusement, mes deux voisins ont la bonne idée de m’inviter à déjeuner avec eux, ce qui me change les idées pendant quelques heures.
    Le soir, sur le coup de 22 heures, à ma grande surprise, la sonnerie de mon téléphone retentit. En quelques dixième de seconde, les battements de mon cœur se tapent un sprint digne d’un avion au décollage. Ça secoue.
    « Ourson ».
    Aaaah, comment je vibre à chaque fois au son de sa voix et de ce simple mot, un tout petit mot qui contient toute la tendresse, toute notre complicité de Campan.
    « Ah, tu t’es rappelé que j’existe » je lui lance sur un ton que j’essaie de rendre taquin, mais qui doit sonner comme un reproche.
    « J’ai été très occupé ».
    Je sens au ton de sa voix que ça ne va pas très fort.
    « Le match s’est bien passé ? ».
    « Pas vraiment ».
    « Qu’est-ce qui s’est passé ? ».
    « Ça a été une cata ».
    « Vous avez perdu ? ».
    « On s’est fait dominer 12-24 ».
    Je sens dans ses mots que mon bobrun est triste et démoralisé. Alors, malgré ma propre tristesse et malgré toutes les questions qui remplissent ma tête et gonflent mon cœur, je prends sur moi et j’essaie de le réconforter.
    « Il ne faut pas t’en faire, c’est juste un match parmi d’autres. Vous en avez gagnés pas mal et vous allez en gagner bien d’autres ».
    « J’ai eu des occasions de marquer des points et j’ai tout raté ».
    « Ça ne peut pas toujours marcher ».
    « Je ne sais pas si je vais y arriver ».
    « Mais si, tu vas y arriver ».
    « Comment tu peux en être sûr ? Tu ne connais pas grand-chose au rugby ».
    « C’est vrai. Je ne connais pas grand-chose au rugby, mais je crois en toi et à ton talent ».
    « Je voudrais y croire autant que toi ».
    « Je ne suis pas le seul à y croire, tu sais ? Samedi dernier, quand j’étais au stade, j’ai entendu deux mecs derrière moi dire que toi et Ulysse vous formez un bon tandem ».
    « C’est vrai ? ».
    « Oui, ils disaient que vous allez aller loin ».
    « Aujourd’hui, Ulysse m’a donné plein d’occasions, mais j’ai tout raté ».
    « Tu feras mieux la prochaine fois. C’est en faisant des erreurs qu’on progresse. Tu débutes, tu as le temps ».
    « Ah, non, pas vraiment. Si je ne suis pas rapidement au top, l’année prochaine ils ne renouvèleront pas mon contrat ».
    « Jérém, je sais que tu vas faire une belle carrière ».
    Pendant que je parle, j’entends une voix derrière Jérém.
    « Mr Tommasi, vous pouvez partir, n’oubliez pas vos anti-inflammatoires ».
    « Merci docteur » j’entends mon Jérém répondre.
    « Nico, t’es toujours là ? ».
    « Oui, mais t’es où, Jérém ? ».
    « Je sors de l’hôpital ».
    « Qu’est-ce que tu fous à l’hôpital ? ».
    « Pendant le match, un gars m’est rentré dans l’épaule et j’ai vu des étoiles ».
    « Tu as fait une radio ? ».
    « Oui, y a rien de grave, mais ça fait très mal ».
    « Fais attention à toi, p’tit loup. Soigne-toi bien ».
    « Demain je suis excusé d’entraînement. On verra si je reprends mardi ou mercredi. De toute façon, pour ce que ça change… ».
    « Jérém ! Ne dis pas de bêtises ! Il ne faut pas t’en faire pour un match raté. Pour l’instant, tu dois te reposer. Demain tu verras les choses autrement ».
    « Tu as raison, j’ai besoin de dormir. Bonne nuit, ourson… et merci… ».
    « Merci de quoi ? ».
    « De m’avoir remonté le moral ».
    Tenter de réconforter mon Jérém me fait plaisir et me fait du bien. L’entendre dire que mes mots lui ont remonté le moral, ça me redonne confiance. J’ai l’impression que cela nous rapproche. Je pense avoir fait ce qu’il fallait.
    Même si je suis triste pour son accident, ce petit coup de fil a le pouvoir d’apaiser un peu mes angoisses. En fait, même s’il ne m’appelle pas tous les jours, Jérém pense à moi. Et il sait que je suis là et que je le soutiendrai quoi qu’il arrive. Ce soir ça ne va pas fort et il vient chercher du réconfort auprès de moi. C’est génial.

    Le lendemain matin, lundi, malgré le temps maussade, je me sens de meilleure humeur que la veille. J’ai l’impression que hier soir j’ai un peu retrouvé la complicité avec mon Jérém. Que j’ai pu lui laisser entrevoir que mon épaule est assez solide pour qu’il puisse s’y appuyer en cas de besoin.
    En arrivant à l’arrêt de bus, je retrouve le bogoss Justin. Une cigarette à la main, le journal sportif dans l’autre, il me lance l’habituel « bonjour », accompagné d’un nouveau, large sourire. Sa barbe commence à bien repousser, et putain, comment c’est sexy cette barbe de quelques jours !
    Justin me serre la main avec son habituelle prise puissante et virile. Un premier contact qui me met de bonne humeur et qui me donne envie de tenter une conversation. Une envie qui reste sans suite, car le mec replonge direct dans la lecture, comme d’hab, décourageant ainsi mon élan.
    En cours, la bonne humeur semble au beau fixe. Monica est de bonne humeur parce que Fabien l’a emmenée en week-end, Fabien est de bonne humeur parce que Monica est partie en week-end avec lui. Raphaël est de bonne humeur parce qu’il s’est tapé deux nouvelles nanas, l’une levée dans une soirée étudiante le vendredi et l’autre draguée dans un bar le samedi.
    Moi aussi j’ai des raisons d’être de bonne humeur, la principale d’entre elles étant le coup de fil de mon Jérém de la veille. Avec la perspective de cet autre que je vais lui passer ce soir pour savoir comment vont son épaule et son moral.
    La seule qui a l’air pas vraiment de bonne humeur, c’est Cécile. Elle nous dit tout juste bonjour, puis s’installe deux rangées devant nous, sous prétexte de mieux entendre le cours.
    Pendant toute la journée, elle ne nous adresse presque pas la parole. Elle ne vient même pas manger avec nous au resto U à midi. Mais c’est avec moi qu’elle est la plus distante. Un malaise évident s’est installé entre nous depuis que je lui ai parlé. Un malaise que Raphaël ne manque pas de relever.
    « Je me trompe ou Cécile te fait la tête ? » il ne tarde pas à me questionner.
    « Non, pourquoi tu dis ça ? ».
    « Jusqu’à vendredi, elle était tout le temps collée à tes basques et là on dirait qu’elle est devenue allergique à ta présence ».
    « N’importe quoi ! ».
    « Si elle t’a adressé deux mots depuis ce matin, c’est un grand maximum ! ».
    « Allez, fiche-moi la paix ! ».
    « Vous ne deviez pas réviser ensemble ce week-end ? ».
    « Si ».
    « Vous avez révisé ? ».
    « Oui, oui » je fais, sur un ton agacé.
    « Qu’est ce qui s’est passé ? ».
    « Rien ! ».
    « C’est peut-être justement là le problème ! ».
    Comme souvent, Raphaël vise juste.
    « Tu ne l’as pas baisée ? » il enchaîne.
    « Occupe-toi de tes oignons ! ».
    « T’as eu une panne ? » il se moque.
    « Mais ferme-la ! ».
    « Elle ne te plait pas Cécile ? ».
    Je me retiens de lui répondre, je ne veux pas rentrer dans son jeu.
    « Pourtant, c’est une très belle nana » il poursuit « pas très avenante, je te l’accorde, mais pas dénuée de charme. Et pour une raison que j’ignore elle a posé ses yeux sur toi plutôt que sur moi ».
    « Ce n’est pas là la question… ».
    « Elle est où la question alors ? ».
    « La question c’est que… en fait, il n’y a pas de question. Ce n’est pas mon style, c’est tout ».

    Le soir j’essaie d’appeler mon Jérém mais je n’arrive pas à le joindre. J’appelle trois fois et par trois fois je tombe sur son répondeur. Je lui laisse un message pour savoir comment va son épaule. Mais le soir avance, les journaux du soir se terminent, les émissions de début de soirée démarrent et se terminent à leur tour sans que mon téléphone ne sonne.
    A 23 heures je me dis que je ne dois pas me prendre la tête, que peu importe si pendant un soir ou deux je n’ai pas de ses nouvelles, ce qu’il y entre nous est spécial et le restera. Ce soir il doit être avec ses potes, mais demain soir il me rappellera, c’est sûr !
    En attendant, ce soir j’ai besoin de serrer sa chemise dans le noir, de humer son empreinte olfactive qui me fait du bien, même si elle accentue le sentiment de manque.

    Le soir suivant, mardi, j’attends en vain un coup de fil de Jérém. Depuis deux jours je n’ai pas de ses nouvelles. Et mes inquiétudes recommencent à trotter dans ma tête.
    C’est un fait, nous habitons loin l’un de l’autre, nous évoluons dans des milieux très différents. Jérém évoluera dans un milieu où le coming out n’est pas vraiment bien vu. Il essayera de rester caché. Chose que je ne peux pas lui reprocher, évidemment.
    Nous pouvons espérer nous voir un week-end par-ci, un week-end par-là, toutes les 2… 3 semaines ? Est-ce que nous serons ensemble à Noël ? Pour le jour de l’an ? Pour la Saint Valentin ?
    Cette situation n’est pas simple et malheureusement elle est destinée à perdurer. Est-ce que cet état de choses est vivable sur la durée, surtout sur une si longue durée ? Est-ce que ce genre de relation me suffit ? Est-ce qu’elle me rend heureux ?
    Aussi, est-ce que cette situation va convenir à Jérém ? Comment va-t-il la vivre ? Lui qui m’a demandé de ne pas l’oublier, est-ce qu’il ne m’oubliera pas ? Comment entretenir la passion, l’amour et ses promesses, malgré la distance ?
    Pour gérer une relation à distance, il faut de la volonté et il faut être deux à l’avoir. On ne sait pas ce qui se passe dans la vie et dans la tête de quelqu’un qu’on ne voit pas. Déjà que quand on se voit c’est difficile, mais quand on est loin, c’est pire.
    Si j’étais à côté de lui, il me suffirait de voir son regard pour savoir comment il va. Et je pourrais lui faire sentir ma présence, mon soutien. Je pourrais le réconforter face au doute, l’encourager face à la difficulté, le féliciter face à la réussite.
    Mais avec la distance ce n’est pas du tout pareil. Qu’est-ce que j’ai à lui offrir pour l’avenir et comment le lui offrir sans quotidien commun, sans vie commune ? L’amour à distance est-il viable ?
    Pourquoi nous sommes partis de Campan ? Ce long week-end à la montagne, c’était vraiment le Paradis sur terre. Et ce Paradis semble si loin maintenant.
    J’aime le Jérém que j’ai trouvé à Campan. Et celui que j’ai retrouvé à Paris. J’aime sa façon de me faire sentir spécial, j’aime son regard amoureux. Mais j’aime également ses doutes, ses peurs, ses erreurs, ses maladresses.
    J’aime nos moments de tendresse, nos câlins au lit. J’aime me sentir dans ses bras. Et j’aime le sentir dans les miens. Et je sais qu’il aime tout autant me sentir dans ses bras que se sentir dans les miens.
    J’aime le voir heureux, le sentir apaisé. Je suis bien quand il est bien et je suis prêt à tout faire pour qu’il le soit le plus souvent possible.
    Je repense à son regard heureux lorsqu’il a découvert les photos de Campan et je sens une intense émotion m’envahir. J’ai du mal à retenir mes larmes.
    Car je l’aime, ce petit mec. Et je sais qu’il m’aime aussi. Même s’il ne me l’a jamais dit directement.
    Ce soir, je fais une insomnie. A une heure du mat, je suis toujours réveillé. En zappant à la radio, je tombe sur une émission animée par une voix féminine à la fois douce et grave, une voix très singulière, mais rassurante et bienveillante comme celle d’une copine.
    « Pas toujours facile de savoir si l’autre nous aime, surtout lorsqu’il ne nous le dit pas » s’inquiète un auditeur au téléphone. Une affirmation qui fait évidemment écho à mes ressentis.
    « Je crois que l’absence de déclaration ne signifie pas qu’il y a une absence de sentiments » lui répond l’animatrice avec sa voix à la fois douce et rocailleuse « Elle révèle une peur que le temps n’apaise pas. La peur de s’exposer et d’être vulnérable, la crainte que l’autre s’empare du « Je t’aime » comme d’un trophée, pour dominer. Il peut aussi montrer une certaine timidité et un manque de confiance en soi.
    Heureusement, il y a d’autres façons pour savoir si un homme est amoureux. Il y a des regards et des petits gestes qui disent plus que mille phrases, encore faut-il savoir les décoder ».
    C’est vrai, il faut savoir décoder. Je repense à ses mots à la gare à Paris, juste avant de nous quitter :
    « Avant de te rencontrer, je ne savais pas ce que c’était d’être heureux. Et pour ça, tu es quelqu’un de très spécial pour moi ».
    Ou à Campan, lors de nos retrouvailles :
    « Merci d’être là ».
    « Je ne te mérite pas ».
    « Je t’ai fait trop de mal ».
    « Je ne veux plus te faire du mal ».
    Toujours à Campan, avant de nous quitter :
    « Ne m’oublie pas, Nico ».
    Si ça ce ne sont pas des mots d’amour…
    Au fond de moi, je sais que c’est certainement sa façon de me dire « je t’aime ». Mais aussi peut-être une façon de me parler de sa vulnérabilité, de me dévoiler.
    Dans tous ces mots, ne m’a-t-il pas dit également : « Aime-moi comme je suis, aime-moi, malgré moi, aime-moi malgré ce que je t’ai fait, et malgré ce que j’ai peur de te faire encore. Et quoi que je fasse, quoi qu’il arrive, ne m’abandonne pas » ?
    « Qu’il soit dit avec les mots ou les actes, un « je t’aime » veut parfois dire « aime-moi »… » j’entends cette phrase fuser dans l’émission radio.
    Au fil du temps, Jérém a changé pour moi. Il m’a laissé rentrer dans sa vie. Il m’a montré ses fêlures, son humanité, ce qui le rend encore plus viril et touchant à mes yeux. Car il faut du courage, des couilles et de la confiance en l’autre pour montrer et assumer ses failles, ses limites, ses peurs.
    A Campan, il m’a présenté à ses amis, il a même fait son coming out. Depuis Campan, il me fait l’amour, il se préoccupe de mon plaisir. Il est tellement en confiance qu’il a même pu se donner à moi.
    Et maintenant, qu’est-ce que j’attends de notre relation ? Qu’est-ce que j’attends de lui ? Qu’est-ce que je peux attendre de façon réaliste ? De quoi ai-je besoin pour me sentir épanoui dans cette relation ?
    De quoi a-t-il besoin mon Jérém pour se sentir bien avec moi ? Qu’est-ce qui fera qu’il voudra rester avec moi ?
    « Je ne sais pas toujours ce que ça veut dire aimer quelqu’un » lance un auditeur.
    « Aimer un homme ou une femme n’est pas une tâche aisée » commente l’animatrice « Il faut d’abord apprendre à connaître notre partenaire, et à connaître ses besoins, ses ressorts émotionnels. Pour aimer quelqu’un, il faut d’abord respecter son indépendance, tout autant que la nôtre ».
    « Pour montrer qu’on aime, est ce qu’on doit faire passer le bonheur de l’autre avant le sien ? » relance le même auditeur.
    C’est ça donc la clé pour aimer mon Jérém ? Le laisser respirer, lui laisser son indépendance sans lui prendre la tête ? Lui laisser faire ce dont il a envie ? Lui laisser préférer ses potes à moi ? Le laisser coucher avec des nanas pour faire bonne impression ?
    Est-ce que le moment où j’ai aimé le plus Jérém n’est-il pas le jour après notre clash où j’étais prêt à renoncer à lui s’il était plus heureux sans moi ?
    « Jusqu’où on peut aller dans cette logique ? Où placer les limites ? » réplique alors l’animatrice.
    Et voilà. Où se situe donc la limite entre envie de bonheur de l’autre et mon bonheur à moi ? Jusqu’où je peux aller, jusqu’où je peux accepter de lui avant de craquer ?

    Le lendemain, mercredi, Justin est à l’arrêt de bus. Sa barbe a presque retrouvé sa longueur d’avant rasage intégral, ce qui, décidemment, lui donne un côté viril qui lui va super bien.
    Aujourd’hui il fait plutôt froid, et le bogoss porte une veste de jogging à capuche, avec cette dernière rabattue sur la tête, avec une casquette dessous. Dommage qu’il ait mis la capuche, j’aurais bien voulu le voir juste avec la casquette, je suis sûr que ça lui va super bien et qu’il est super sexy avec. Avec son pull à capuche et sa bonne bouille il a l’air tout gentil, tout câlin.
    Comme d’habitude, notre « rencontre » du matin se résume à un échange de « Bonjour », à un beau sourire de sa part, à une solide poignée de main, mais toujours pas de conversation.

    Le soir, Jérém me rappelle enfin.
    « Ourson ».
    J’ai beau me faire un sang d’encre en attendant son coup de fil pendant des jours, me dire que je ne peux pas tout lui laisser passer, j’ai beau avoir envie de lui prendre la tête, lorsque j’entends sa voix mâle prononcer le mot « Ourson », je fonds.
    « Hey, p’tit loup, je croyais que tu m’avais oublié ».
    « Pourquoi ? ».
    « J’ai essayé de t’appeler plusieurs fois, je t’ai laissé un message, tu n’as pas répondu ».
    « Nico, quand je suis avec mes potes je ne peux pas te répondre. Après, si je rentre tard, je ne vais pas t’appeler à une heure du mat ».
    « Tu peux ».
    « N’importe quoi ».
    « Moi j’aime bien te parler le soir, t’entendre me raconter ta journée ».
    « C’est toujours la même chose, tu sais… muscu, entraînements, matchs de préparation. Et les cours aussi ».
    « Et les sorties en boîte ».
    « Ça aussi ».
    « Mais pas le temps pour un petit coup de fil » je ne peux m’empêcher de lui lancer.
    « C’est pas grave si on ne s’appelle pas tous les jours, si ? ».
    « Non… mais… déjà qu’on ne se voit pas tous les jours… les coups de fil et les messages c’est tout ce qui nous reste ».
    « Mais moi je ne sais pas quoi te raconter tous les jours ».
    « Tu crois qu’on peut se voir ce week-end ? » je vais droit au but.
    « Ce week-end… je ne sais pas ».
    « Comment… tu ne sais pas ? ».
    « Ce n’est pas une bonne idée. Dimanche on a un match très important et il ne faut pas qu’on se rate… déjà que mon épaule en fait des siennes… ».
    « Au fait, elle va comment ton épaule ? ».
    « Ça va, j’ai repris l’entraînement ce matin, mais j’ai toujours mal ».
    « Alors ce week-end on ne se voit pas ».
    « Pas ce week-end, en plus je n’aurais pas vraiment de temps pour rester avec toi ».
    « Mais tu me manques trop ».
    « Nico, essaie de comprendre ».
    Je n’insiste pas, je ne veux pas lui prendre la tête.
    Oui, j’essaie de comprendre mais j’ai mal. Après ce coup de fil, je sens qu’une nouvelle insomnie se prépare. Après deux films sans intérêt sur deux chaines différentes, j’allume la radio peu après une heure du matin.
    Hâte de retrouver cette voix qui est en passe de devenir une présence quotidienne rassurante, une présence tout particulièrement bienvenue la nuit, le moment où la solitude et les tourments de l’amour sont les plus durs à supporter.
    Ce soir, une « sans-sommeil » comme moi se pose la question sur comment aider un homme qui paraît s’éloigner quand il a des problèmes.
    « Les hommes, pour la plupart, n’aiment pas évoquer les choses qui les préoccupent sur le moment, ils ont besoin de temps pour réfléchir et trouver une solution tout seul. Souvent, ils ont juste besoin d’une oreille attentive. L’écoute est souvent plus importante que la parole. L’écoute est une qualité que tout le monde ne possède pas, mais qui peut être développée ».
    Je crois savoir ce qui tracasse mon Jérém. La peur d’échouer au rugby, et la peur que ses potes découvrent qu’il est gay. En fait, il a peur d’être rejeté. Je pense qu’il a peur aussi que je le laisse tomber.
    Comment le rassurer quant à la sincérité et à la solidité de mon amour, comment lui faire comprendre que jamais je ne l’abandonnerai, sans lui donner l’impression d’une dépendance amoureuse de ma part qui pourrait l’effrayer ?

    Le jeudi, je n’ai pas le moral. Deux semaines déjà que je n’ai pas revu mon Jérém. Son refus de me recevoir chez lui à Paris le week-end qui arrive n’a fait qu’exacerber mes inquiétudes.
    En cours, Monica remarque que je ne suis pas bien. Je prétexte une mauvaise nuit de sommeil pour faire cesser les questions.
    Le soir même, je me laisse traîner à une soirée étudiante.
    « Ça te changera les idées » me lance Raph pour me convaincre à l’accompagner.

    Commentaires

    gebl

    26/07/2020 07:52

    Fabien bravo , tu peux être fier de toi , tu doutais au début des tes talents d’auteur. 
    La richesse des échanges ci dessus montrent à quel point cette romance passionne.
    Au point de te suggérer d’autres écrits  sur cette aventure . 

    merci 

    Fabien

    19/07/2020 13:07

    Oui merci Celio d’avoir partagé ce texte qui est exemplaire d’une situation de discrimination et d’injustice

    Celio

    18/07/2020 16:37

    Cette lettre a été publiée dans la presse anglaise cette semaine. C’est le foot mais pour le rugby, ça ne doit pas être différent. Pauvre Jérém « Quand j’étais gosse, tout ce dont je rêvais, c’était de devenir footballeur. Je m’en fichais d’avoir des bonnes notes à l’école. Au lieu de faire mes devoirs, je passais chaque minute de libre avec un ballon. Au bout du compte, ça a payé. Même maintenant, je dois me pincer quand j’arrive sur le terrain et que je joue chaque semaine devant des dizaines de milliers de personnes. Néanmoins, il y a quelque chose qui me distingue de la plupart des autres joueurs de Premier League. Je suis gay.Rien qu’écrire ça, c’est une grande étape pour moi. Seuls des membres de ma famille et un groupe d’amis sont au courant de mon orientation sexuelle. Je ne me sens pas prêt à en parler avec mon équipe ou mon manager. C’est dur. Je passe la plus grande partie de ma vie avec ces gars et quand on se retrouve sur le terrain, on est une équipe. Et pourtant, quelque chose en moi fait qu’il est impossible pour moi d’être ouvert avec eux sur ce que je ressens. J’espère sincèrement qu’un jour, j’en serai capable. Je sais que je suis gay depuis que j’ai 19 ans environ. Ça fait quoi de devoir vivre comme ça ? Jour après jour, ça peut être un véritable cauchemar. Et ça affecte ma santé mentale de plus en plus. Je me sens piégé et j’ai peur que dire la vérité sur qui je suis n’aggrave les choses. Donc même si mon cœur me dit souvent que j’ai besoin de le faire, ma tête me répète la même chose : « Pourquoi tout risquer ? ». J’ai de la chance d’avoir un très bon salaire. J’ai une belle voiture, une garde-robe pleine de fringues de designer et je peux acheter ce que je veux pour ma famille et mes amis. Mais la chose qui me manque, c’est un compagnon. J’arrive à un âge où j’adorerais être dans une relation. Mais à cause de mon métier, le niveau de confiance que je dois avoir avec un partenaire sur le long terme doit être extrêmement élevé. Donc, pour le moment, j’évite toute relation. J’espère véritablement un jour rencontrer quelqu’un en qui je pourrai avoir suffisamment confiance. La vérité, c’est que je ne pense pas que le football soit encore prêt pour qu’un joueur fasse son coming out. Il devrait y avoir des changements radicaux pour que je me sente prêt à franchir ce pas.« J’aimerais ne pas avoir à vivre ma vie ainsi »L’Association des Footballeurs Professionnels dit qu’elle est prête à aider un joueur à faire son coming out. Et elle a dit qu’elle offrirait un suivi psychologique et du soutien à quiconque en aurait besoin. Là n’est pas la question. Si j’ai besoin d’un psy, je peux me prendre un rendez-vous quand j’en ai envie. Ce que les grosses têtes de ce jeu doivent faire, c’est éduquer les fans, les joueurs, les managers, les agents, les propriétaires de clubs… quasiment tout le monde impliqué dans le jeu.Si je devais franchir ce pas, je voudrais être sûr d’être soutenu à chaque étape. Aujourd’hui, je ne pense pas que ce serait le cas. J’aimerais ne pas avoir à vivre ma vie ainsi. Mais la réalité fait qu’il y a toujours d’énormes préjugés dans le football. Je ne compte plus les fois où j’ai entendu des chants homophobes et des commentaires de supporteurs ne ciblant personne en particulier. Bizarrement, ça ne me dérange pas tant que ça durant les matchs. Je suis trop concentré sur le jeu. C’est quand je retourne dans l’avion que j’ai le temps d’y penser et ça m’atteint.Telles que sont les choses, je prévois de continuer à jouer tant que je m’en sens capable et ferai mon coming out une fois que j’aurai pris ma retraite. C’était beau le mois dernier de voir Thomas Beattie prendre la parole et admettre être gay. Mais le fait qu’il ait dû attendre sa retraite en dit long. Les footballeurs ont encore trop peur de franchir ce pas en étant en activité. Depuis l’année dernière, je reçois du soutien de la part de la Fondation Justin Fashanu, au moins pour m’aider à gérer l’impact que tout ça a sur ma santé mentale. C’est difficile de formuler à quel point la Fondation m’a aidé. Elle m’a fait me sentir soutenu, compris et m’a donné la confiance d’être plus ouvert et honnête avec moi-même. Sans ce soutien, je ne sais pas où j’en serais maintenant. Je sais que je risque d’arriver au point où ça va m’être impossible de vivre dans le mensonge. Si je continue sur cette voie-là, mon plan est de prendre ma retraite anticipée et de faire mon coming out. Je risque de faire une croix sur plusieurs années d’une carrière lucrative. Mais ma tranquillité d’esprit n’a pas de prix. Et je ne veux pas vivre comme ça pour toujours. »

    Alex

    14/07/2020 02:37

    On attend aussi un « méchant », pourquoi pas un Ulysse qui se relève pas aussi gentil, protecteur que Thib mais un peu rotors et pas aussi lisse qu’au premier abord….

    fab75du31Auteur

    11/07/2020 00:16

    Bonjour à vous tous
    je tiens à vous remercier pour vos commentaires passionnés et pour ce « mini-débat » qui s’est engagé autour de cet épisode.
    Quand je lis vos mots, j’ai presque l’impression que mes personnages sont réels.
    Ou en tout cas, réalistes.
    Merci pour me faire ressentir cela.
    Fabien

    ZurilHoros

    10/07/2020 19:31

    @Yann Moi aussi, J’aime beaucoup lire les commentaires. Disons que si j’étais Nico et si j’aimais vraiment Jérém, avec ce qu’on sait de lui, j’aurais un peu peur de le lancer dans le vide sans être sûr qu’il puisse ouvrir un parachute . Et si la situation m’étais insupportable, alors je préférerais m’éclipser que de lui imposer ça. C’est quelque chose qui doit venir de lui. Mais dieu merci, je ne suis pas Fabien, donc je n’aurais pas cette responsabilité 

    Yann

    10/07/2020 10:49

    C’est pour Jerem que la situation est la plus difficiles. Pour gagner du temps après son arrivée à Paris et son intégration il a dit avoir une copine et fait passer Nico pour son cousin. La question pour lui est de savoir s’il va continuer à cacher qu’il aime les garçons et un en particulier ou bien, maintenant qu’il connait la personnalité de chacun des membres du groupe, se décider à faire son coming out. Le premier choix sera de plus en plus difficile à tenir. Devoir sans cesse se cacher trouver des excuses … avec toujours le risque que le doute s’installe et fasse place à la rumeur dans son dos. C’est aussi un choix qui peut engager toute sa vie future, un choix qui ne le rendra jamais totalement heureux. Le second choix celui de faire son coming out n’est pas simple non plus car il ignore par avance quelles seront les réactions. Peut être qu’il peut comme à Campan choisir de le dire à une ou quelques personnes en qui il a le plus confiance et d’élargir ensuite au reste du groupe. Cette solution a l’avantage que c’est lui qui est maître des choses : quand le dire, comment le dire, à qui en premier. S’il se souvient du soulagement et du bonheur qu’il a éprouvé à Campan après avoir fait ce choix qui n’était pas évident cela devrait orienter sa décision. Nico n’en revenait pas donc il peut à nouveau nous étonner il l’a fait une fois et ça a plutôt été une réussite. Pourquoi pas une seconde fois et avec son chéri ils seront totalement libre de vivre leur amour au grand jour.

    ZurilHoros

    09/07/2020 13:01

    « Est-ce que le moment où j’ai aimé le plus Jérém n’est-il pas le jour après notre clash où j’étais prêt à renoncer à lui s’il était plus heureux sans moi ? »

    Il ne faut peut être pas exagérer! et puis, Jérém a donné sa réponse et il n’est pas plus heureux sans Nico, c’est même l’inverse. Il ne serait pas plus heureux sans lui, mais ce serait peut être plus facile, ce qui n’est pas la même chose.
    Et ce serait plus facile, pour un temps seulement. 

    Atsumi

    09/07/2020 07:44

    Qu’eSt ce que Nico attend pour se trouver un mec pendant que Jerem s’embête pasC’est très bien comme histoire

    Yann

    07/07/2020 15:52

    Nos deux garçons qui s’aiment ont deux épreuves à surmonter. Celle de l’éloignement et celle de préserver leur intimité amoureuse quand autour d’eux plein de mecs et de nanas s’éclatent sans rien se cacher de leurs conquêtes. Leur amour sera-t-il plus fort ?  

    ZurilHoros

    06/07/2020 08:48

    Je ne suis pas assez indulgent avec Nico. Je trouve que Jérém exagère un peu avec ses appels trop rares, trop pressés. Comme lecteur, on est entièrement dépendant de la volonté de l’auteur. J’imagine Jérémie stressé à mort, en plein doute mais si ça se trouve, il s’éclate comme un malade avec sa bande, il se tape une nana tous les soirs et quand il est seul, il va dans le Marais . 

    Nico aurait pu lui raconter l’histoire de Cécile, ça ne mange pas de pain et c’est mieux que de raconter le mec du bus. 

    Par contre, balancer le nom de Jérémie à sa copine… 

    Alex

    05/07/2020 16:57

    Hâte d’avoir le point de vue de Jérém sur tout ce début d’aventure parisienne … envie aussi (diabolique) que Nico ait mémorisé le numero de Benjamin

    ZurilHoros

    04/07/2020 21:42

    Guetter l’arrivée d’un nouvel épisode, c’est comme attendre la petite souris quand on perd sa première dent. 
    Encore attendre !!!! Comme ce Nico qui attend les news de bobrun. 
    Depuis qu’on a quitter la rue Colombette, les récits sont plus palpitants. On bouge, on fait des rencontres, les expériences sont nombreuses et peuvent se croiser pour rebondir. 

    L’épisode rentre dans le vif du sujet de la saison 2. Comment Jérém et Nico peuvent continuer à exister ensemble malgré la distance. 
    La distance géographique et aussi la distance sociale. Jérém ne vit pas du tout la même expérience que Nico. 
    Que vont-ils avoir en commun désormais. 

    Pour aimer malgré de longues séparations, il me semble qu’il faut avoir un minimum de vécu commun et plus encore, une passion commune qui permet de se relier malgré la distance. On peut s’enrichir séparément et mettre en commun, soit au téléphone, soit lors des retrouvailles.
    Nos deux gars n’ont pas de vécu ensemble, à part quelques jours par-ci par là. Ils n’ont pas de passions communes dont ils pourraient se parler au téléphone.
    Jérém est un type génial, qui donne tout son potentiel dans l’action. Il faut le regarder vivre, pour profiter de son énergie et de ses expériences. C’est un garçon qui ressent mais on ne l’a pas vu parler d’autre chose que de ce qu’il fait. 
    Et Nico? 
    Quand on est jeune, on ne sait pas qui on est, alors, on emprunte des déguisements et on regarde comment on se sent avec. 
    En ce moment, il s’essaye à être le parfait amoureux. Il pense St Valentin, il pense à mettre « chéri » dans ses sms, il pense fidélité, tromperie. Il déchire le papier, mais bon… 
    Il ne change pas l’itinéraire de son bus pour croiser ce Justin et de toute façon, Bordeaux n’est pas une si grande ville que ça. Benjamin, n’est sans doute pas bien loin. 

    Il s’essaye aussi à être moins égoïste. Il fait des efforts par rapport à Elodie et aussi par rapport à Jérém. Il s’intéresse à sa blessure et il lui remonte le moral. Je pense qu’il aimerait sincèrement savoir le faire mais il n’est pas Thibaut. Et on comprend mieux l’amitié solide que Jerem avait pour son double et qu’il essaye peut être de retrouver avec Ulysse. 
    Je pense qu’écouter Macha Berenger la nuit (c’est elle?), peut aider Nico à réaliser que rien n’est simple. 
    Il faudrait peut être qu’il songe d’abord à identifier ses propres besoin avant de se rassurer sur la solidité de son amour ! 
    Comment va t-il s’épanouir dans un truc, qui pour l’instant, lui pèse. Il faut être réaliste, on voit que Nico se laisse subjuguer par les mecs qu’il croise un peu partout du moment qu’ils sont beaux.
    Il était subjugué par la vision de Jérémie au quotidien. Si il ne l’a plus sous les yeux? 

    Et Jérém. 
    Ca doit être horriblement déstabilisant de s’entendre dire qu’on est le meilleur, qu’on y arrivera. Ce sont des phrases toutes faites de la part de ceux qui ne savent pas quoi dire… Et si on est pas le meilleur, et si on a peur de décevoir, si on a peur de se décevoir?
    Nico aura des examens à dates fixes, il a trois ans minimum devant lui, mais Jérém est dans un concours hebdomadaire. Et en plus, il a une relation déstabilisante avec un mec, ce qui lui met une pression supplémentaire. 
    Mais, peut être que pour lui, avoir un Nico qui reste inchangé dans son amour est suffisant. C’est un grand garçon mais, si il a besoin d’un ourson, il n’est peut être pas si grand que ça. Quelque chose me dit, qu’il serait démoli par un éloignement émotionnel de la part de Nico. Il dit simplement mais lucidement à Nico:
    «Mais moi je sais pas quoi te raconter tous les jours ».
    J’ai trouvé ça poignant parce qu’on a l’impression qu’il sent que Nico ne pourra pas le supporter sur la durée. Il sait aussi qu’il doit se donner à son club et que ça veut dire délaisser Nico. 
    On ne sait pas si il en souffre. 
    La suite du récit est toujours aussi incertaine, on ne sait pas ou on va. 

    Il y a entre autre, un très beau duo Barbara, Moustaki 

    Je ne t’attends pas au bout d’une ligne droite:
    Tu sais, il faudra faire encore des détours
    Et voir passer des jours et des jours,
    Mais sans que rien ne vienne éteindre notre hâte.

    Il pleut chez moi, chez toi le soleil est de plomb.
    Quand pourrons-nous enfin marier nos saisons?
    Quand pourrons-nous rentrer ensemble à la maison?
    Nous avons le temps, mais pourquoi est-ce si long?

    Mes habits porteront des traces de poussière
    Et le parfum fané des amours passagères
    Qui m’ont rendu parfois l’absence plus légère.
    A l’aube de mes nuits blanches et solitaires

    Et toi, mon cher amour, dis moi s’il y eu des hommes
    Qui t’ont rendu la vie un peu moins monotone,
    Et t’aident à supporter l’hiver après l’automne.
    Et les silences obstinés du téléphone

    Je sais que tu seras au bout de mes voyages
    Je sais que tu viendras malgré tous les détours
    Nous dormirons ensemble et nous ferons l’amour
    Dans un monde réinventé à notre image

    Virginie-aux-accents

    04/07/2020 19:40

    J’aime bien le titre de cet épisode .
    Un épisode « de transition » où l’on continue de suivre les doutes de Nico…
       Merci.

  • JN0233 Sous le ciel de Paris (partie 3 de 3).

    JN0233 Sous le ciel de Paris (partie 3 de 3).

    Jérém et moi sommes en boîte de nuit à Paris avec ses coéquipiers lorsqu’une nana traverse la salle et attire l’attention de toute la tablée.
    « Alors, tu vas pas lui dire bonjour ? » j’entends l’un des gars lancer à mon Jérém, un gars que j’ai entendu appeler Léo à plusieurs reprises pendant la soirée.
    Jérém ne lui répond pas, préférant lancer un sourire gêné, boire une gorgée de bière et allumer une nouvelle cigarette.
    Mais Léo revient à la charge et, avec son plus beau sourire, il balance un truc que je reçois comme un coup de poing en plein ventre :
    « T’as du bien t’amuser le week-end dernier avec elle ».

    Stop ! Arrêt sur image. Qu’est-ce qu’il vient de dire Léo ? Que mon bobrun s’est tapé une pintade quelques jours plus tôt ? Que ses câlins, ses bisous, ses « tu m’as manqué » ne sont là que pour me rassurer et mieux cacher ses escapades ? Comment peut-il me faire ça, après Campan et ses promesses ? Comment peut-il coucher avec des nanas ?
    En fait, nous n’avons jamais parlé de cette éventualité. Certes, il m’a dit qu’il n’avait pas couché avec des mecs, mais il ne m’a jamais dit qu’il n’avait pas couché avec des nanas. Est-ce que son besoin de faire et d’être comme ses potes, pour mieux s’intégrer à son nouveau monde, couplé à ses besoins de mec, est plus fort que ce truc qu’il y a entre nous et sur lequel il est toujours incapable de mettre des mots ? Ou est-ce que tout simplement il se fiche de ma gueule ?
    Soudain, j’ai l’impression que le monde s’effondre autour de moi. Mes illusions quant à la fidélité de Jérém se fracassent sur l’écueil de la dure réalité. J’ai choisi de lui faire confiance et voilà que je tombe de haut, de haut, de haut. Et ça fait mal, putain que ça fait mal !
    Pendant un court instant, je croise son regard, mais il le détourne très vite.
    Je me sens comme si on m’avait assené un coup de poing en plein ventre par traîtrise. J’ai la tête qui tourne. Je sens la bière tanguer dans mon ventre. J’ai envie de vomir, j’ai envie de me casser d’ici.
    Lorsque j’arrive enfin à décrocher mes yeux de Jérém, happé par le besoin de regarder ailleurs pour reprendre mon souffle et mes esprits, je croise celui d’Ulysse. Et j’ai comme l’impression que ses yeux se baladent sans cesse de Jérém à moi et de moi à Jérém, et qu’ils semblent lire dans ma jalousie, dans le malaise de Jérém, et nous mettre complètement à nu.
    « Au risque de te décevoir, Léo, il ne s’est rien passé avec elle » j’entends mon bobrun se défendre.
    « A d’autres… ».
    « J’ai une copine ».
    « L’un n’empêche pas l’autre ».
    « Je ne suis pas comme ça ».
    « T’es sérieux, mec ? ».
    « Je te dis que oui ».
    « Je ne te crois pas ».
    « Casse pas les couilles » finit par lâcher Jérém sèchement.
    « Eh, ne me cherche pas » fait Léo, visiblement à moitié ivre, en se levant d’un air menaçant.
    « Change de disque, Léo, tu as trop bu, tu es relou » j’entends Ulysse lâcher, sur un ton tout aussi taquin que ferme, tout en posant un regard bienveillant sur Jérém. Ulysse qui vient d’attraper l’avant-bras de Léo, l’obligeant à se rasseoir.
    Ce dernier se mure dans un silence énervé et la conversation de la tablée repart illico sur un autre sujet.
    Quant à Jérém, lui aussi visiblement chauffé, il n’a plus du tout l’air à faire la fête.
    « Allez, les gars, on vous abandonne. Le métro va bientôt fermer » je l’entends lancer de but en blanc au bout d’une poignée de minutes seulement, en se levant.
    « Tu te couches avec les poules » se moque un autre jeune joueur.
    « C’est pour ça qu’il a une meilleure progression que la tienne » lui lance Ulysse.
    Quelques instants plus tard, nous nous retrouvons dans l’air frais de la nuit parisienne. Mille questions se bousculent dans ma tête. Ce sont des questions qui peuvent fâcher, qui peuvent tout faire basculer entre Jérém et moi. Ce sont des questions dont les réponses me font peur, c’est pourquoi je n’arrive pas à les poser et que je me mure dans un silence qui devient vite oppressant.
    « Tu fais la tête ? » finit par m’interroger Jérém.
    « Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? ».
    « Ce qui te tracasse ».
    « Dans ce cas, allons y. Tu as couché avec cette nana ? ».
    « Non ».
    « Et pourtant Léo semblait bien sûr de son coup ! ».
    « Ecoute-moi, Nico » fait Jérém en s’arrêtant subitement de marcher et en saisissant mes avant-bras pour m’arrêter « je n’ai pas couché avec cette nana, ni avec aucune autre ».
    « Et pourquoi il a sorti ça, alors ? ».
    « Parce qu’il m’a vu partir avec elle, c’est tout. Samedi dernier, cette nana m’a collé toute la soirée. Oui, on est parti de la boîte ensemble. Mais on n’a jamais couché ensemble. Elle voulait venir chez moi. Je lui ai dit que j’avais une copine à Bordeaux, mais elle voulait quand-même. Je lui ai dit que j’étais un gars fidèle. Elle s’est foutue de ma gueule et on s’est quittés. Mais je n’ai rien dit aux gars avant ce soir. Ils ont imaginé ce qu’ils ont voulu. Le seul qui m’a demandé c’est Ulysse ».
    « Pourtant, Léo avait l’air très sûr de lui… ».
    « Mais il se trompe. Nico… je… ».
    « Eh, ça va les gars ? » j’entends une voix nous interpeller.
    Je me retourne en même temps que mon Jérém. Guérin, le préparateur sportif est juste derrière nous.
    « Je prends le métro avec vous, je vais dans la même direction » il nous explique.
    Le métro est presque vide, la rame pratiquement déserte. Je m’assois à côté de Jérém, Guérin s’assoit en face de nous. Nous restons en silence pendant tout le voyage, jusqu’à ce que le préparateur sportif nous annonce :
    « Je descends à la prochaine gare ».
    « Ça va, Jérém ? » je tente d’engager la conversation dès que nous sommes seuls.
    « Ouais » il lâche.
    Dès que nous quittons la rame, Jérém allume une cigarette qu’il fume nerveusement.
    A l’appart, la fougue qui avait aimanté nos corps jusqu’à il y a quelques heures plus tôt a laissé la place à un silence pesant. Collé à la petite fenêtre, mon bobrun fume cigarette sur cigarette, le regard perdu dans la nuit parisienne.
    « Tu viens pas te coucher, Jérém ? ».
    « Je n’ai pas sommeil ».
    « Jérém ».
    « Quoi ? ».
    « Tout à l’heure, avant que Guérin nous rejoigne, tu allais me dire quelque chose ».
    « Je sais plus ».
    « Quand tu me disais que tu n’avais pas couché avec cette nana ».
    « Je n’ai pas couché avec cette nana ! » il me lance avec emportement.
    « Je te crois ».
    « Mais j’ai failli ».
    C’est dur d’entendre ça.
    « Et qu’est-ce qui se passera la prochaine fois qu’une nana voudra coucher avec toi ? ».
    « Je ne sais pas, je n’en sais rien. Je vais continuer avec l’histoire de la copine tant que je pourrais. Mais je ne pourrai pas leur faire gober ça éternellement ».
    Je sais que c’est le bon moment pour lui parler de ce sujet qui me tracasse depuis bien longtemps. Mais les mots restent bloqués au fond de ma gorge, retenus par la peur. J’ai l’impression d’être au bord d’un précipice et de devoir accomplir un numéro d’équilibriste extrêmement périlleux.
    « Jérém, je ne veux pas t’obliger à me mentir » je finis pourtant par lancer.
    « Je ne te mens pas ».
    « Ce que je veux dire c’est… que… si un jour tu craques… je voudrais juste être sûr que tu te protèges… ».
    « Mais je ne veux pas craquer ».
    « Je ne veux pas non plus que tu craques… je ne veux surtout pas que tu craques ».
    « C’est dur de te dire ça » je me force à continuer, alors que j’ai l’impression que ma gorge se sèche et se paralyse « mais si un jour ça devait arriver, je veux que les choses soient claires. Entre nous, on fait sans capote. Mais si on va voir ailleurs, on se protège ».
    « Tu veux aller voir ailleurs ? ».
    La petite note d’inquiétude que je crois déceler dans la précipitation de sa question me touche et me rassure d’une certaine façon.
    « Mais non, pas du tout, pas du tout. C’est toi que j’aime et je n’ai aucune envie de coucher avec un autre gars. Je le répète, je n’ai pas du tout envie d’aller voir ailleurs et non je n’ai pas envie que tu ailles voir ailleurs non plus. Mais si ça devait arriver, je ne veux pas qu’on prenne le moindre risque. Les MST ça peut être grave. Aussi, si ça devait arriver, je te demande trois choses. D’abord, protège-toi, protège-nous. Ensuite, je ne veux pas savoir. Ne laisse rien traîner, protège-moi de ce côté-là aussi. Et enfin, Jérém… surtout, surtout, surtout, ne tombe pas amoureux ».
    « Nico… » fait le bobrun, en me rejoignant enfin au lit, en me serrant fort dans ses bras musclés et en plongeant son visage dans le creux de mon épaule.
    « Promets-moi, Jérém ».
    « Je te le promets ».
    « Moi aussi je te le promets ».
    « Tu es tellement important pour moi, Jérém. Je suis tellement heureux avec toi, surtout depuis Campan » je lui chuchote, tout en caressant doucement ses cheveux.
    « Moi aussi je suis bien avec toi ».
    Ses mots me rassurent. Sa tendresse me rassure. Son besoin de câlins me rassure.
    On peut fantasmer sur tous les bogoss du monde, et c’est même inévitable. Mais il n’est rien de plus précieux que d’avoir quelqu’un dans sa vie qui compte pour nous et pour qui on compte.
    Nous restons ainsi, enlacés, mon bobrun blotti dans mes bras, jusqu’à ce que le sommeil nous happe, alors que la pluie a recommencé à tomber dehors.

    Dimanche 14 octobre 2001.

    Lorsque je me réveille, Jérém dort encore. Le petit réveil sur la table de nuit indique 10h17. Ce n’est pas tôt, mais j’en avais besoin. De toute façon, rien ne presse. Bien sûr, c’est ma première fois à Paris et une partie de moi trouve dommage de ne pas en profiter pour visiter un peu plus. Mais, une fois encore, je me dis que le plus important pour l’instant est de passer du temps avec mon bobrun et que pour visiter Paris j’aurais d’autres occasions.
    Les souvenirs de la veille remontent peu à peu à mon esprit. Les mots de Léo. Le regard d’Ulysse. Notre départ de la boîte de nuit. Jérém qui me dit qu’il ne s’est rien passé. Ses mots : « mais je ne veux pas craquer ». Oui, j’ai envie de le croire. C’est beaucoup plus rassurant de le croire.
    Est-ce que ma trique du matin me pousse à être trop confiant ? La proximité de mon beau mâle brun me met dans tous mes états. Comme chaque fois au réveil, j’ai horriblement envie de lui.
    Une fois n’est pas coutume, mon bobrun ne dort pas sur un flanc ou sur le dos, mais il est à plat ventre, l’oreiller coincé en travers entre le matelas, son épaule et son visage. Le drap descendu à hauteur de ses reins me permet d’admirer la beauté sculpturale de son dos, de ses épaules, de son cou, ainsi que la sexytude insoutenable de ses tatouages de mec.
    Soudain, je me rappelle qu’il va avoir 20 ans dans deux jours. Et je constate une fois de plus à quel point il est beau comme un dieu.
    Pour assouvir mon envie, qui va devenir aussi son envie, je dois d’abord le réveiller. Je vais m’y prendre tout en douceur.
    Je commence par poser quelques bisous légers à la base de sa nuque. Le bobrun frémit dans son sommeil. Je laisse glisser mes lèvres le long de son cou à la peau mate. Il pousse un petit grognement de plaisir qui m’encourage à continuer mon petit programme de réveil sensuel.
    Je passe lentement la langue dans le creux de ses omoplates, je descends délicatement le long de sa colonne vertébrale, jusqu’au creux de ses reins. Le bogoss se remue un peu, s’étire, mais ne change pas de position. Les profondes inspirations que je l’entends prendre me disent qu’il semble apprécier le traitement.
    J’arrive ainsi à la limite de sa nudité. Pour aller plus loin, je dois d’abord tirer ce drap qui recouvre ses fesses bombées, ses cuisses musclées. Là aussi, j’y vais lentement. Le glissement du drap sur la peau de ses fesses provoque en lui une sorte de frisson intense que j’ai l’impression de ressentir également en moi. Je sens que l’excitation est en train de gagner son corps et son esprit.
    Je m’enhardis, je me faufile entre ses jambes. J’envoie ma langue exciter une nouvelle fois le creux de ses reins, ce qui provoque un nouveau frisson. Puis, je la laisse descendre lentement, jusqu’au délicat début de sa raie. Et là, alors que mes mains écartent ses globes, je la laisse glisser doucement dans le sillon de ses fesses. Le bogoss se cambre légèrement, il écarte un peu plus ses cuisses. Je vais directement au but, j’excite son trou avec entrain, animé par l’envie de lui faire plaisir comme jamais.
    Très vite, le bogoss plie ses genoux, relève le bassin pour offrir totalement et impudiquement sa rondelle à la caresse gourmande et insatiable de ma langue qui cherche à le fouiller de plus en plus profondément, tout en lui arrachant gémissements et soupirs de plaisir.
    Jérém se branle en même temps. Je ne serais pas contre le faire jouir de cette façon. Mais le bobrun a d’autres projets. Après un bon petit moment et de nombreux frissons, il se retourne, me fait basculer sur le matelas, sur le dos, il s’allonge sur moi, torse contre torse, il m’embrasse. Puis, il lèche longuement mes tétons, tout en saisissant nos deux queues dans sa main et en les branlant, gland contre gland. Les va-et-vient de sa main sont lents, doux, et c’est divinement bon.
    Tellement bon que je sens très vite mon orgasme arriver.
    « Je vais jouir » je lui annonce.
    « Moi aussi » il me répond, tout en m’embrassant.
    Une pluie de giclées chaudes atterrit sur mon torse, nos semences se mélangent sur ma peau, jusqu’à mes pecs, jusqu’à mon menton.
    Après m’être essuyé, je retrouve les bras puissants et chauds de mon mec. Et une nouvelle fois, bercé par ce bonheur mâle, je me sens glisser dans le sommeil.

    Lorsque j’émerge à nouveau, il est presque midi. Jérém n’est plus au lit mais je retrouve facilement sa trace en percevant le bruit de l’eau dans la douche. Lorsqu’il sort de la salle de bain habillé uniquement d’un boxer blanc à la bosse on ne peut plus tentante, ainsi que d’un t-shirt bleu ciel moulant ses pecs et ses épaules, j’ai envie de lui sauter dessus.
    « Bonjour toi » je lui lance « t’as bien dormi ? ».
    « Ça va, et toi ? ».
    « Pas mal du tout ».
    « Tu passes à la douche, j’ai faim ! ».
    Je prends ma douche, mais pas avant m’être shooté pendant quelques instants au bouquet viril et oh combien érotique qui se dégage à la simple ouverture de son sac de sport. Je prends ma douche comme dans un état second, enivré par l’air chargé d’une humidité saturée par le mélange des fragrances de son gel douche et de son déo.
    Dès que je suis prêt, nous quittons l’appart et nous prenons le métro direction le Champ de Mars. Le bogoss a remis son beau blouson d’étudiant et il est sexy à mort.
    Nous déjeunons dans un bistrot non loin de la Tour Eiffel. Pendant que nous attendons le dessert, Jérém me propose de monter sur la Dame de fer après le déjeuner.
    « Ça vaut le coup » il m’annonce.
    « Tu y es déjà monté ? ».
    « Oui, avec des potes ».
    « Avec Ulysse ? ».
    « Oui, il connaît cette ville par cœur ».
    « Vous avez l’air de bien vous entendre ».
    « Entre lui et moi le courant est passé depuis le premier jour. C’est le premier gars qui est venu me parler, c’est lui qui m’a présenté à tous les autres, c’est lui qui m’a invité aux soirées, et qui m’a fait me sentir bien. Ce gars est un type bien, il m’aide beaucoup à progresser. Il a beaucoup d’expérience et il sait en faire profiter ».
    « Mais au fait, il a quel âge ? ».
    « Je crois qu’il a 27 ans ».
    Ah, oui, 27 ans. Je m’étais dit qu’il faisait plus âgé et plus mûr que mon Jérém.
    « Il est arrivé au Racing il y a deux ans. Avant il jouait à La Rochelle ».
    « D’où la copine là-bas ».
    « Ulysse est quelqu’un qui a vraiment l’esprit d’équipe, du rugby » il continue « Il est généreux, c’est un véritable pote. Et en plus, il est marrant. Et puis, il sait toujours garder la tête froide, il sait motiver les troupes, c’est le genre de gars qui t’oblige à aller chercher le meilleur de toi-même pour mériter son amitié ».
    « C’est drôle, quand je t’entends parler de lui, j’ai l’impression que tu parles de… ».
    « Thib » il finit ma phrase.
    « Et voilà, c’est bien ça. Dès que je l’ai vu, je me suis dit : voilà un « Thibault » en version blond » je confirme.
    « Ce gars est mon garde-fou comme l’était Thib. Je sais qu’il sera toujours là pour moi et qu’il saura me rappeler à l’ordre si je déconne ».
    Les mots de Jérém ne font que confirmer l’impression que j’avais eue dès le départ au sujet d’Ulysse, le fait que ce dernier a un véritable ascendant sur lui, qu’il l’a pris sous son aile, comme Thibault l’avait fait à une autre époque.
    « Au fait, tu as des nouvelles de Thib ? » il me demande.
    « Je l’ai eu au téléphone le week-end dernier. Nous n’avons pas pu beaucoup parler, parce qu’il était dans sa belle-famille dans le Gers. Mais il a l’air d’aller mieux. Apparemment, les médecins sont optimistes, il devrait pouvoir recommencer à jouer avant la fin de l’année ».
    « Ça me fait plaisir ».
    « Ce que tu as fait pour lui, les retrouvailles entre potes, je pense que ça lui a vraiment fait du bien ».
    « J’espère ».
    « C’est bien que vous ayez pu vous reparler ».
    « Je me sens mieux depuis ».

    A la tour Eiffel, il y a de l’attente. Jérém commence à s’impatienter mais nous finissons par pouvoir engager la montée au premier palier par les escaliers. Vue de près et de l’intérieur, la structure métallique de la Dame est impressionnante. Une prouesse architecturale et artistique. Au premier étage, la vue sur Paris est déjà intéressante. Mais nous savons pertinemment qu’il y a mieux.
    Nous nous sentons motivés pour continuer la montée par les escaliers. Les muscles fatiguent mais la détermination ne faiblit pas. Au deuxième étage la vue est saisissante. Dans sa vue imprenable à 360 degrés, je peux admirer la perspective du Champ de Mars, de l’Ecole Militaire, de la tour Montparnasse et du dôme des Invalides. Mais aussi la Seine, ses ponts, ses péniches.
    Je regrette de ne pas avoir pensé à prendre un appareil photo.
    Nous empruntons l’ascenseur pour atteindre le dernier étage. Au troisième palier, la vue est impressionnante. Il y a du vent et le sommet de la tour oscille de façon perceptible donnant à la plateforme un léger mouvement de berceau.
    Il est 16h00 lorsque nous redescendons.
    « Il est à quelle heure ton train ? » me demande Jérém.
    « 18h58 ».
    « Tu veux encore te balader ? ».
    « Non, je veux rentrer à l’appart pour te serrer contre moi ».
    Le bogoss sourit. Ma réponse a l’air de lui plaire et d’aller dans le sens de sa question.
    A l’appart, dès la porte d’entrée claquée derrière nous, nos mains respectives se glissent impatiemment sous le t-shirt de l’autre. Très vite, ces derniers remparts de tissu finissleent par sauter, permettant aux mains et aux bouches de se promener librement sur les pecs, les épaules, les cous.
    Jérém me fait l’amour une dernière fois, puis me pompe jusqu’à me faire jouir à mon tour.
    Nous venons de nous offrir du plaisir mutuellement. A cet instant précis, j’ai juste envie de m’endormir à côté de mon bobrun et de me réveiller le lendemain toujours à côté de lui.
    Hélas, l’heure tourne et il est temps pour moi de bouger si je ne veux pas rater mon train pour Bordeaux.
    Je n’ai tellement pas envie de partir. Surtout que dans deux jours c’est son anniversaire et que je voudrais bien le lui fêter avec lui comme il se doit.
    Mais une nouvelle semaine arrive, une semaine de cours à la fac pour moi, une semaine d’entraînements et de cours aussi pour mon Jérém. Je sors de la douche, je m’habille et, avant de partir, je sors les deux petits paquets de mon sac et je les lui donne.
    « C’est quoi ça ? ».
    « C’est pour ton anniversaire ».
    « Oh, Nico, il ne fallait pas » il me lance, l’air très touché « merci beaucoup ».
    « Avant de me remercier, ouvre-les ! Peut-être que tu vas pas aimer ».
    « Je suis sûr que si… ».
    Le bogoss ouvre le premier paquet, contenant les photos de Campan.
    « Bon anniversaire Jérém, avec un peu d’avance… ».
    « Ah, des photos ! De nous deux… à cheval… à Campan… on a passé vraiment des beaux moments avec cette bande de fous. J’ai passé vraiment des bons moments avec toi » je l’entends dire, en feuilletant rapidement le petit paquet d’images.
    « Moi aussi j’ai passé un moment génial là-haut, avec toi ».
    « On est beaux tous les deux » je l’entends s’exclamer en recommençant un nouveau diaporama.
    « Grave ! » je confirme.
    « Ça se voit qu’on est bien ensemble » j’ajoute.
    « Merci, merci beaucoup, Nico ».
    Jérém a l’air vraiment touché. Emu.
    « De rien, de rien » je lui réponds, en essayant de contenir mon émotion.
    Jérém pose les photos sur la table, vient vers moi et il me serre très fort dans ses bras. Le contact avec son torse, ses bras, son visage est pour moi une source de bien-être absolu et de bonheur immense.
    « Merci d’être là. J’ai de la chance de t’avoir rencontré… si je n’avais pas fait le con dans mon premier lycée, je ne t’aurais jamais croisé ».
    « Ne m’oublie pas Jérém ».
    « Ça ne risque pas » il réagit, tout en décollant son torse du mien, en me regardant droit dans les yeux et en me donnant un bisou.
    « Il reste un petit cadeau » je lui lance, pour faire diversion et cacher mes larmes.
    « T’es fou, Nico ! » fait-il, tout en ouvrant le deuxième paquet.
    « Je ne sais pas si tu vas aimer, mais tu peux la changer à Toulouse si tu veux ».
    Le bobrun ouvre la petite boîte et il en extrait la chaînette de mec que j’ai achetée quelques jours plus tôt.
    « Mais-elle-est-magnifique ! » il s’exclame, en détachant bien les mots, comme pour mieux me montrer à quel point il apprécie mon cadeau.
    « J’espère qu’elle est à ta taille ».
    « Il n’y a qu’un moyen de le savoir » fait-il, en me tendant le petit bijou et en se retournant pour que je puisse la lui passer autour du cou.
    Les doigts tremblants, je la fais glisser autour de son cou puissant, et je l’agrafe. Jérém m’attrape par la main et m’amène vers la petite salle de bain. Il s’arrête devant le miroir, il contemple sa nouvelle chaînette calée sur son t-shirt bleu ciel, à hauteur de ses pecs moulés par le coton doux.
    Je ne suis pas peu satisfait de mon coup. Car je trouve que la longueur, la taille de la maille, sa forme, son éclat, tout est parfait. Je trouve que ça lui va comme un gant. Je trouve que ça ajoute encore de l’éclat à une sexytude déjà insupportable. Je l’imagine déjà, en train de me faire l’amour, cette chaînette ondulant autour de son cou au gré de ses va-et-vient. Je regrette de ne pas lui avoir donné plus tôt dans le week-end, pour pouvoir la voir en action pendant l’amour. J’ai encore envie de lui.
    Cependant, j’attends son verdict avec un peu d’appréhension. Mais il ne se fait pas attendre.
    « Elle est parfaite ».
    « C’est vrai, tu l’aimes ? ».
    « Elle est très belle… mais il ne fallait pas ».
    « Si, il le fallait. Tu m’as donné la tienne, et ça manquait à ton cou ».
    Pour toute réponse, le bobrun glisse ses doigts dans l’arrondi de mon t-shirt et il en extrait son ancienne chaînette.
    « Elle est à toi maintenant. Comme ça, je suis toujours un peu avec toi » fait-il, en touchant ma chaînette.
    « Et maintenant, tu es toujours un peu avec moi » il enchaîne, en touchant mon cadeau.
    « A nouveau, merci beaucoup Nico » fait-il, en me serrant une nouvelle fois dans ses bras.
    « Jérém… je suis désolé. Je voudrais ne jamais partir, mais l’heure approche ».
    « Ah oui, tu as raison ».
    « C’est maintenant qu’on se quitte » je lui lance.
    « Non, parce que je vais t’accompagner à la gare » fait-il, en attrapant son blouson d’étudiant sexy et en le passant par-dessus son beau t-shirt bleu ciel agrémenté d’une nouvelle chaînette tout aussi sexy.
    « Mais tu vas pas te taper plus d’une heure de métro juste pour m’accompagner ».
    « Tu me connais mal » fait le bobrun, en s’avançant vers moi d’un pas rapide, et en me collant contre le mur comme s’il voulait me faire l’amour sauvagement. Mais au lieu de quoi, il attrape mon visage entre ses deux mains, et il m’embrasse fougueusement. Des baisers tellement chauds qui ont le pouvoir de me faire bander sur le champ.
    « Allez, on y va » il lance, en se décollant de mes lèvres.
    « T’as raison, maintenant que je bande comme un âne ».
    Le bobrun revient vers moi, il presse sa bosse bien tendue contre la mienne, contact qui me procure un frisson intense qui me fait sursauter.
    « Toi aussi tu bandes » je constate, dans un état second.
    « Beau p’tit mec » il lance, l’air aussi excité que moi.
    « C’est toi qui es beau comme un Dieu ».
    « Si on avait le temps » il enchaîne en me chuchotant à l’oreille « je te boufferais bien le cul jusqu’à te rendre dingue, avant de te défoncer jusqu’à ce que tu demandes pitié ».
    « Et tu me remplirais de ton jus chaud ? ».
    « Oh, que oui, et tu partirais fourré comme jamais ».
    En quelques baisers enflammés, en quelques mots allumeurs, le bobrun a réussi à provoquer en moi un incendie de désir. Un incendie qui s’est propagé d’un corps à l’autre et qui nous ravage désormais d’envies sensuelles. J’ai tellement envie de lui que je serais prêt à rater mon train.
    Je regarde ma montre. Je me dis que j’ai bien dix minutes pour me faire défoncer une dernière fois par mon beau mâle, avant je ne sais pas combien de temps.
    Je le regarde droit dans les yeux, et dans les siens je lis le même désir qui est le mien. Sans ciller, je défais sa ceinture et sa braguette.
    Le bogoss me regarde faire, excité à mort.
    « Nous n’avons que dix minutes » je lui lance.
    « Ce sera largement suffisant pour te faire grimper au rideau ».
    Et là, je le vois se débarrasser de son blouson d’étudiant en le jetant nonchalamment sur le lit, baisser son pantalon et son boxer avec des mouvements précipités, s’avancer vers moi, m’attraper par les épaules avec un geste très ferme, me faire pivoter en me positionnant face au mur.
    Et là, tout en squeezant le passage « je te boufferais bien le cul jusqu’à te rendre dingue » par manque de temps, j’entends le bogoss cracher dans sa main, se badigeonner rapidement la queue, puis mon trou.
    Un instant plus tard, son gland se faufile dans le sillon de mes fesses, visant pile à l’entrée de mon trou de bonheur. Le bobrun s’enfonce en moi, glisse en moi, prend possession de moi. Il commence à me tringler, tout en envoyant ses doigts caresser habilement mes tétons.
    « Vas-y, défonce-moi bien beau brun ! » je lui lance, fou de plaisir.
    « Oh oui, je vais bien te défoncer » fait-il, en envoyant ses coups de reins avec une puissance décuplée.
    « Fais-toi plaisir, mec » je le chauffe encore « n’aies pas peur de m’éclater le cul, je veux sentir tes coups de bite jusqu’à Bordeaux, je veux me souvenir de ta puissance de mec pendant des jours ».
    Et là, je sens ses mains empoigner mes hanches si fort que j’en ai presque mal. Le jeune mâle fougueux, chauffé à bloc, me défonce en mode marteau piqueur. J’ai l’impression que son gland tape si fort et si loin comme jamais auparavant. Ses couilles frappent les miennes comme des coups de martinet. Au début, ça me fait même un peu mal. Mais avec la montée de l’excitation, ça en devient une partie du plaisir.
    Ses va-et-vient sont si puissants et rapides, les glissements de son manche raide dans ma chair si nombreux que, peu à peu, je sens une brûlure s’installer à l’entrée de mon trou. Une brûlure qui n’est pas encore désagréable, et qui est exactement ce que je cherchais, une brûlure qui va me suivre pendant des jours, comme lors de nos premiers ébats dans l’appart de la rue de la Colombette à Toulouse, une brûlure qui va se réveiller à chaque fois que je vais marcher, rester assis pendant longtemps, ou simplement contracter mon trou. Une brûlure que je vais sentir pendant que je me branle, pendant que je jouis. Une brûlure qui va me rappeler la puissance de mon mâle, qui va me faire sentir bien à lui, et pendant longtemps.
    « Ah putain Jérém, tu me baises tellement bien ! ».
    « Tu la kiffes ma queue, hein ? ».
    « Elle me rend fou, elle est tellement bonne ! ».
    « Je t’éclate bien le cul, hein ? ».
    « Tu me fais plaisir à un point que tu ne peux même pas imaginer ».
    « Je vais te remplir, mec… » je l’entends souffler, la voix coupée par l’orgasme qui submerge déjà son esprit.
    Et là, je sens ses coups de reins ralentir jusqu’à presque s’arrêter. Sa queue bien enfoncée en moi ne donne plus que des petits coups espacés, des petits coups synchros avec des soupirs profonds sortant de sa cage thoracique, chacun d’entre eux me notifiant une nouvelle bonne giclée de sperme de mâle brun fourrant bien profondément mes entrailles.
    Je suis tellement excité que je peux m’empêcher, une fois que le bobrun se retire de moi, de me mettre à genoux devant lui, de prendre en bouche sa queue toujours raide, d’astiquer son gland jusqu’à retirer la moindre trace de cette boisson divine qui m’enivre comme une drogue.
    Lorsque je me relève, aidé par ses mains qui se faufilent sous mes aisselles et m’aident à me mettre debout, je prends Jérém dans mes bras et je le serre très fort contre moi.
    « C’était trop bon » je lui chuchote.
    « C’était un truc de malade. Je t’ai pas fait mal ? ».
    « Non, tu m’as fait trop de bien ».
    Je lui fais plein de bisous dans le cou, insatiable d’effusions vis-à-vis de ce corps, de ce mec qui m’a offert tant de plaisir.
    « Il faut y aller, Nico ».
    « Pffff, j’ai pas envie ».
    Le bogoss sourit.
    Je commence à remonter mon boxer et mon jeans, lorsque je réalise quelque chose que je n’avais pas remarqué jusqu’à maintenant. L’un et l’autre sont souillés de taches humides. Je touche mon gland, il est humide aussi. Je réalise que j’ai joui sans même m’en rendre compte. Le plaisir provoqué par sa queue me limant avec une puissance de dingue, ainsi que le bonheur de le sentir jouir en moi a dû happer mon esprit jusqu’à m’empêcher de sentir mon propre orgasme.
    Je suis obligé de rouvrir ma valise, de me changer, sous le regard amusé de mon bobrun qui a allumé une clope.
    Je regarde la montre. Il n’y a plus une minute à perdre. Nous nous échangeons un dernier bisou et nous quittons l’appart. Dès la porte refermée derrière nous, cet appart me manque déjà. J’espère le revoir bientôt. Si j’avais les moyens, j’y reviendrais déjà le week-end prochain. Au pire, je reviendrai dans deux semaines. Je me dis qu’il faut que je revienne au moins toutes les deux semaines.
    Nouveau métro, un peu plus peuplé en ce dimanche soir. Le Parisien revient au bercail avant le début de la nouvelle semaine.
    Comme toujours, en quelques images furtives, un geste, un regard, un sourire, un jeans bien porté, un t-shirt ajusté, une barbe, une traînée de parfum, le métro me plonge dans cette multitude tourbillonnante, bouillonnante, enivrante et infinie de tout ce qu’une ville comme Paris peut compter de charmes masculins. Des sexytudes à la fois captivantes, ensorcelantes, incandescentes, allant du bogoss viril et ténébreux, mâle alpha, au choupinou à couvrir de câlins, une multitude multicolore se renouvelant à chaque minute, presque chaque seconde, à chaque couloir, à chaque station de métro.
    Je ne peux pas ne pas ressentir une sorte de vertige en essayant vainement de saisir toutes ces nuances de bogossitudes, en essayant de prolonger par mon regard aimanté cet instant trop bref où j’ai été d’un coup percuté par la jeunesse, la bogossitude aveuglante d’un p’tit con ou d’un beau barbu.
    C’est terriblement frustrant de ressentir ce sentiment paradoxal de se trouver au milieu de l’effervescence de tant de vies, mais d’en rester à l’extérieur. Et je ressens comme une envie de me diluer dans la foule, comme un fluide, comme un brouillard, pour pouvoir toucher, caresser, sentir toute cette jeunesse et ces bogosses dans leur entièreté, dans leur totalité, pour pouvoir tout savoir de tous.
    Oui, dans une ville nommée Paris, il y a un endroit appelé métro, une ville sous la ville composée d’un complexe réseau de couloirs et de gares, mais aussi par un encore plus inextricable réseau de vies, de destins, d’émotions, de frustrations.
    Parfois je me demande pourquoi je ressens tous ces frissons, et à quoi bon me poser toutes ces questions. D’autant plus en présence du garçon que j’aime.
    Et puis l’instant d’après, je me dis que je ne pourrais pas renoncer à cet aspect de ma vie intérieure, à cette partie de moi. Même si je suis heureux dans ma vie sentimentale.
    Je peux m’empêcher de coucher avec un beau mec. Ce qui est d’ailleurs très simple la plupart du temps, car l’immense majorité des beaux mecs que je croise m’est inaccessible. Mais je ne pourrais jamais s’empêcher d’éprouver un frisson, de fantasmer sur ces mêmes beaux mecs. Car la bogossitude fait appel à un instinct primaire qui échappe définitivement à mon contrôle. Alors, apprécier la bogossitude est un besoin primaire comme respirer, boire, manger, dormir.
    A la Gare Montparnasse, Jérém m’accompagne jusqu’au quai. Au moment de nous quitter, j’ai l’impression qu’il est ému.
    « Je voudrais tant être capable de te rendre heureux » je l’entends lâcher tristement.
    « Mais tu me rends heureux ! Tu ne peux même pas imaginer à quel point ! ».
    « Tu n’as pas à t’inquiéter pour ce dont on a parlé cette nuit. Je n’ai pas du tout envie d’aller voir ailleurs » il enchaîne, adorable.
    « Moi non plus je n’en ai pas envie. Je t’aime Jérém ».
    J’ai du mal à retenir mes larmes.
    « Monte ! » je l’entends me lancer.
    Sans savoir ce qu’il a en tête, je m’exécute. Et là, après avoir regardé autour de nous qu’il n’y ait personne dans les parages, il me claque un dernier bisou volé au temps et aux regards. Nos lèvres viennent tout juste de s’éloigner lorsqu’un type rentre dans le train derrière nous.
    « Avant de te rencontrer, je ne savais pas ce que c’était d’être heureux. Et pour ça, tu es quelqu’un de très spécial pour moi » il me glisse discrètement « C’est ça que je voulais te dire hier soir quand Guérin nous a interrompus ».
    Ah putain, qu’est-ce que j’aime ce Jérém !
    « Moi aussi je suis tellement heureux de t’avoir rencontré ! Tu vas me manquer ! ».
    « Toi aussi tu vas me manquer, ourson… ».
    « Je viendrai te revoir bientôt, ptit loup ! ».
    « Envoie-moi un message quand tu es arrivé à Bordeaux ».
    « Ok, Jérém, on s’appelle. Et on se revoit bientôt ».
    Le bogoss sourit et descend tout juste une poigné de secondes avant que les portes ne se referment. Je le regarde, il ne me quitte pas des yeux. Nos regards s’aimantent jusqu’à ce que l’avancement du train les arrache brutalement l’un de l’autre.
    Quitter Jérém est une déchirure. J’ai tellement envie de pleurer. C’est horrible à quel point il me manque déjà. C’est comme si son corps était une partie du mien, comme si son âme était une partie de la mienne. La séparation, je la vis comme une violence extrême, comme une injustice, comme une mutilation de mon cœur, de mon âme.
    Il me faut de longues minutes pour me décider à quitter le passage entre wagons pour aller chercher une place assise. Le train étant à moitié vide, je peux choisir une place sans personne autour.
    Je ferme les yeux et je repense au week-end qui vient de se terminer. Je repense aux bons moments avec Jérém. A nos retrouvailles, à sa façon de me faire l’amour. Je repense à notre soirée à Montmartre et sur la Seine, magique. A quand nous avons fait l’amour au son de la pluie.
    Et je ne peux m’empêcher de repenser à notre sortie au « Pousse au Crime ». Et aux mots de Léo quant à cette nana que Jérém aurait ramenée chez lui le week-end d’avant. J’ai choisi de croire Jérém quand il m’a assuré qu’il ne s’était rien passé. Et pourtant, en m’éloignant de lui, je recommence à douter. Et si Jérém m’avait menti pour me ménager ? Et s’il avait vraiment couché avec cette nana ? Et s’il l’avait fait pour faire ses preuves aux yeux de ses nouveaux potes ? Ou bien parce qu’il ne peut pas tenir trois semaines sans coucher ? Ou parce que son égo a besoin d’être rassuré ?
    Je repense aussi aux mots de Julien et du sage Albert, quant au fait que je ne pourrai pas lui empêcher d’avoir des aventures. Ça me fait horriblement mal d’imaginer mon bobrun au lit avec une nana, même si c’est juste pour se soulager et pour montrer à ses potes qu’il est l’un des leurs. Et pourtant, je devrais peut-être l’accepter. Tant que je suis spécial à ses yeux, tant que je suis le seul à lui offrir son véritable plaisir, le seul avec qui il fait l’amour, le seul avec qui il couche sans se protéger, cela devrait me suffire. Cette histoire de nana, qu’elle soit vraie ou pas, a quand même un côté positif : elle nous a permis d’aborder le sujet de la protection et cela devrait me rassurer d’une certaine façon.
    Même si, d’un autre côté, le fait d’avoir parlé prévention a un revers de la médaille qui me donne déjà des sueurs froides. Je ne veux pas que maintenant que nous avons parlé de cela, Jérém se sente libre d’aller voir ailleurs en se disant que, peut-être je vais voir ailleurs aussi. Je repense à sa réaction vive lorsque je lui ai dit que nous devons nous protéger en cas d’aventures. J’ai eu l’impression que l’idée que je puisse coucher avec un autre gars l’a fait tiquer.
    Ce qui me pourrait vraiment me rassurer, c’est de l’avoir entendu dire « qu’il ne veut pas craquer ». Et ce serait le cas, si seulement dans ces mots je n’avais cru déceler un déchirement, le déchirement entre la volonté de rester fidèle à son engagement vis-à-vis de moi, de ne pas me faire du mal et la tentation à laquelle il est exposé et vers laquelle la pression sociale le pousse avec insistance.
    Plus je m’éloigne de Paris, plus j’ai l’impression que le tableau s’assombrit. Peut-être bien que Jérém a tenu bon jusqu’à maintenant. Mais qu’en sera-t-il pour l’avenir ? Jusqu’à quand pourra-t-il résister à la tentation et à la pression de ses nouveaux potes ? Quand allons-nous nous revoir ?
    Dans ce tableau, il y a un personnage qui vient de débouler au tout premier plan : Ulysse.
    Ce gars a un ascendant fou sur Jérém, qui semble lui vouer une véritable admiration. Comme c’était le cas pour Thibault, mais d’une façon encore plus entière. C’est peut-être du fait de son âge, de son expérience, mais en présence de ce gars, mon Jérém d’ordinaire très sûr de lui, semble complètement subjugué, conquis, fasciné, captivé par sa personnalité. Jérém a besoin d’être rassuré et ce gars semble remplir ce rôle à merveille.
    Ulysse semble vouloir « protéger » Jérém, le dernier arrivé, son nouveau pote, qu’il a pris sous son aile ou plutôt sous son biceps puissant. Il semble vouloir aider le jeune rugbyman débutant à exprimer son potentiel.
    Pourvu que ce gars n’ait pas de vues sur mon Jérém ! Parce que si jamais Jérém tombe sous le charme d’un gars comme cet Ulysse, je ne pense pas que je ferais le poids. Les nanas, au fond, ne me font pas peur. Mais un gars comme Ulysse…
    Arrête, Nico, tu te fais du mal.
    Est-ce que Ulysse a vraiment compris pour Jérém et moi comme je l’ai cru pendant la soirée en boîte ou est-ce que je me suis fait des idées ? J’ai choisi de ne pas en parler avec Jérém. Est-ce que j’aurais dû ? Est-ce que je devrais ? Est-ce que si c’est vraiment le cas, Ulysse va en parler à Jérém ?
    A force de me poser de questions sans réponse, j’ai l’impression que ma tête va exploser. Je ferme les yeux pendant quelques instants, j’essaie de me calmer. Lorsque je les rouvre, j’essaie de me distraire en lançant un scan de bogossitude dans ma rame.
    La recherche n’ayant donné aucun match remarquable, j’en profite pour avancer dans mon bouquin d’Harry Potter. Les kilomètres s’enchaînent, les pages aussi. A Poudlard c’est déjà Noël lorsque le train s’arrête en gare de Poitiers. Un arrêt de quelques minutes, pendant lequel je suis distrait de ma lecture par les mouvements des passagers qui se préparent à descendre et par ceux qui s’installent. Le remue-ménage cesse enfin, le train repart vers la gare suivante.
    Je me dis que je vais enfin pouvoir me replonger dans mon livre, lorsque quelque chose de remarquable attire mon attention.
    Un mec vient de rentrer dans la rame. Il est assez grand, il a les cheveux châtain clair, des yeux clairs entourés par des lunettes fines qui lui donnent un regard un peu intello. Il doit avoir genre 25 ans, et il est habillé d’un jeans et d’une chemise à tout petits carreaux bleu et blanc. Et il n’est pas mal du tout. Il n’a pas de bagage, mais il se trimballe un sac en plastique du genre carré et assez costaud, comme ceux qui sont en vente aux caisses des supermarchés, Un sac qui m’intrigue, parce qu’il a l’air de… bouger tout seul.
    Le mec avance dans ma direction et finit par s’installer trois rangées plus loin, de l’autre côté du couloir, pile dans mon champ de vision. Il est vraiment pas mal. Il est même plutôt sexy. Il a un regard pétillant qui attire la lumière et le désir. J’essaie de le mater discrètement pour ne pas me faire repérer.
    Mais très vite, le gars accroche mon regard. Et une fois accroché, il le ferre avec un putain de sourire à me faire tomber de mon fauteuil.
    C’est la première fois que cela m’arrive, qu’un gars inconnu me mate de cette façon, sans détours. Et c’est la première fois que j’ai la presque certitude que son regard dit ce que je pense bien qu’il dit. Le gars n’arrête pas de me mater et me lancer des petits sourires plutôt charmeurs. Dès que je lève le nez de mon bouquin, son regard est là, il semble m’attendre.
    Je ne peux m’empêcher de chercher ce contact, flatteur, intriguant, excitant avec son regard. D’autant plus qu’un autre truc m’intrigue chez ce gars : c’est le fameux sac qu’il a posé sur le siège à côté du sien. Un sac qui ne cesse de bouger bizarrement.
    Ma curiosité ne tarde pas à être satisfaite. Le « sac » émet un petit couinement. Le gars se penche sur son « bagage » et une boule de poil couleur sable pointe le bout de sa truffe par-dessus le bord. Il s’agit d’un chiot labrador, j’en suis presque certain.
    Je suis touché par cette image, un bogoss transportant un petit chiot. Je ne peux les quitter des yeux, touché tout autant par l’homme que par l’animal. Ainsi, je croise à nouveau le regard du mec, illuminé par un beau sourire. Une fois de plus, je me refugie dans mon bouquin.
    Je suis conscient de jouer avec le feu. Se sentir désiré est tellement flatteur, et a fortiori quand cela vient de quelqu’un par qui on est également attirés. Flatteur et excitant. Une excitation qui est comme une drogue, qui nous ôte le contrôle de nous-même et qui est tout à fait capable de nous pousser à faire des bêtises si on n’y prend pas garde suffisamment tôt.
    Je décide de me ressaisir. Je reviens à ma lecture, et je me promets de ne plus la quitter jusqu’à ce que le gars quitte le train et disparaisse à nouveau dans sa vie.
    Du coin de l’œil, je remarque que le gars lit lui aussi. Ce qui rend plus facile l’effort de tenir la tentation à distance. Un effort hélas en partie compromis par la présence du petit labrador. Car, de temps en temps, le chiot passe sa tête par-dessus le bord du sac et le gars le caresse, lui fait des papouilles. Un beau gars attendri par un animal sans défenses, c’est beau et touchant. Et ça attire mon attention d’une façon irrépressible. Nos regards se croisent à nouveau. Et dans le sien, je décèle un intérêt clair et non dissimulé. Ça m’attire et ça me fait terriblement peur.
    De toute façon, le gars va descendre à un moment ou à un autre et ce petit jeu se terminera par la force des choses.
    Mais le mec ne descend ni en gare d’Angoulême ni en gare de Libourne. Il va donc à Bordeaux lui aussi !
    Dans quelques minutes, nous allons descendre à la même gare, et nous éloigner, sans savoir rien l’un de l’autre, à part le fait que nous nous sommes plus. Le fait est que cette fois-ci, pour la première fois de ma vie, ça ne tient qu’à moi que ça aille plus loin ou pas. Le gars m’a clairement montré que je lui plais, il n’y a pas photo, il a même insisté. C’est moi qui le fuis. Si j’étais célibataire, je foncerais…
    Mais je ne le suis pas et je ne veux pas tromper le gars que j’aime, le gars adorable qui m’a dit qu’il ne veut pas me tromper et que je vais lui manquer, le gars qui a tant changé pour moi, qui sait désormais me prendre dans ses bras, me couvrir de bisous et de tendresse, le gars avec qui je me sens si bien que chaque instant passé loin de lui est une privation, une petite souffrance. Mais aussi le gars qui quelques heures plus tôt m’a défoncé comme un Dieu, dont le souvenir de sa queue puissante demeure bien vif entre mes cuisses, dont le sperme est encore en moi.
    Et pourtant, ça fait quand même bien chier de devoir dire non à un gars qui me plaît.
    Pourquoi ce genre d’occasion ne m’est pas arrivé un an plus tôt, quand j’étais encore célibataire ?
    Peut-être pour ne pas dévier ma trajectoire de vie qui m’a conduit vers Jérém.
    Pourquoi cela m’arrive maintenant ?
    Peut-être parce que quand on est amoureux, le bonheur de notre esprit irradie à l’extérieur de nous et nous rend plus attirants.

     Peut-être que cela arrive pour me mettre à l’épreuve, pour tester la solidité de mon amour pour Jérém.
    Il faut à tout prix que je tienne bon.
    Lorsque le train s’arrête en Gare St Jean, je décide de rester le nez plongé dans mon bouquin jusqu’à ce que le gars quitte la rame, qu’il s’éloigne, rendant impossible tout contact ultérieur, toute tentation ultérieure.
    Le wagon se vide peu à peu. Et alors que je m’attends à ce que l’inévitable se produise, le voir partir et disparaître dans sa vie inconnue comme chacun des gars sexy croisés au hasard du quotidien, quelque chose d’étonnant se produit.
    Du coin de l’œil, j’arrive à voir qu’il ne semble pas pressé de descendre non plus. Je le regarde et je le vois noter quelque chose dans l’une des dernières pages de son livre.
    Nos regards se croisent. Il me sourit à nouveau. Mon cœur tape à mille dans ma poitrine.
    Le gars arrache la page du livre et la plie en deux, et encore en deux. Il referme son bouquin, le glisse dans la poche de son blouson, tout en gardant à la main la feuille arrachée. Puis, il attrape le sac à labrador, il se lève.
    Et bien que la sortie de l’autre côté soit nettement plus proche pour lui et nettement plus dégagée, il choisit de s’engager dans le couloir dans ma direction.
    Je le regarde approcher, sans arrêter de me mater. Arrivé à ma hauteur, il me balance un clin d’œil très sexy, tout en laissant glisser la fameuse feuille pliée dans l’ouverture de mon livre. Sa main libre enserre furtivement mon épaule. Ce simple contact me donne des frissons.
    « A bientôt, espère » je l’entends me lancer, avant de quitter le wagon.
    Mes battements cardiaques s’accélèrent encore, j’ai l’impression que mon cœur tape dans ma gorge et que mes tempes vont exploser. J’ai le souffle coupé, la tête qui tourne.
    Et ce n’est qu’au bout de nombreuses, longues secondes que, les mains tremblantes, j’arrive enfin à déplier le petit papier et à en lire le contenu.
    « Tu me plais beaucoup. Benjamin 06 19 65…. PS : le chiot s’appelle Simba ».

    [Oui, je sais, à l’origine le gars du train ne s’appelait pas Benjamin. Mais j’ai finalement décidé de l’appeler Benjamin, donc à partir de maintenant le gars du train ce sera Benjamin, lol]

    Commentaires

    Virginie-aux-accents

    24/06/2020 08:53

    Nico, jette ce numéro!

    KR77

    21/06/2020 16:36

    Super bien écrit, j’aime beaucoup suivre cette histoire. La vapeur va t’elle s’inverser avec un Nico qui joue avec le feu ?

    ZurilHoros

    20/06/2020 21:26

    L’épisode a eu le temps de décanté et j’en vois un peu plus que à chaud. C’est un épisode qui parle du rapport à la fidélité pour Nico et Jérém et tout un chacun. 
    Si il y avait la possibilité de noter, je lui mettrais 5 étoiles sur 5. Je le trouve assez parfait. 

    Nico est la star de ce chapitre. 
    D’abord impulsif et tellement injuste. En un rien de temps, il fait de Jerem, un traitre, un menteur, un manipulateur, un mec « incapable de mettre des mots sur ce qu’il ressent ». 
    Nico est sans doute sourd. Si je  devais lui mettre sous les yeux tout ce que Bomec a dit au cours de ces 6 dernières semaines, il aurait devant les yeux la plus incroyable des déclarations d’amour.
    Une fois calmé, il est intelligent et en plus, quand il dépasse son égocentrisme viscéral, il est compréhensif et je crois, généreux. Je pense même qu’il serait capable de renoncer à Jérém pour ne pas lui nuire.
    « je ne veux pas t’obligé à me mentir », c’est autre chose que de dire je ne veux pas que tu me mentes. 
    Nico l’inconnu. Pour l’instant je me demande comment il se partage entre l’amour exclusif qu’il réclame et son attirance pour tous les mecs qui passent. 
    Les épisodes à venir vont nous éclairer car le piège tendu par Fabien est diabolique. La rencontre avec Jean-Marc par l’intermédiaire de Symba, est irrésistiblement attirante. Une fois le numéro de portable dans sa poche, Nico sera celui qui choisit de jouer ou pas.

    En se dévoilant Jerem s’est fragilisé, les rôles s’inversent et maintenant, c’est lui qui s’inquiète du silence de Nico. Le conflit de loyauté entre son amour pour Nico et sa carrière lui pèse. Si il est jaloux c’est qu’il a peur de perdre un Nico, devenu indispensable.
    Il va jusqu’à le rassurer en l’emmenant à la gare. Pour moi, ce n’est pas de la stratégie, c’est un voeux, peut être pour conjurer l’inévitable. 
    Ce qui m’apparait de plus en plus évident, c’est que Nico a une place dans le coeur de Jérém qui n’est pas remplaçable. Thibaut et les autres sont des rencontres qui lui permettent d’apprendre et d’avancer. 
    Mais Jérémie ne sera jamais comme Nico, et ils se complètent comme les pièces d’un puzzle.
    « On est beaux tout les deux ». Les mots que choisit Fabien ont un sens.
    Quand ils étaient au lycée, Jérém a vu que ce petit mec était plus courageux que lui parce qu’il avait le courage pour affronter les regards hostiles. Lui, Jerem, ne sait pas faire ça, alors il lui porte une admiration dont la compétition est absente. Avec Nico, il peut être triste, gai, actif, passif, il ne se sent ni jugé ni dévalorisé. Quand il lui dit, tu es avec moi et je suis avec toi, ça pourrait paraitre naïf mais il exprime une pureté de ses sentiments. Une sorte de secret. Il est loin le pti con des 20 premiers épisodes. 

    Fabien est cruel avec ses héros. Il fait comme les dieux de l’Olympe qui regardent les mortels se débattre avec leur problème.  Quand tout va bien, ils mettent un doigt dans l’eau d’une vie trop limpide, tout se brouille et on y voit plus rien. 

    Yann

    20/06/2020 18:00

    C’est toujours avec grand plaisir que je suis cette histoire. La séparation à laquelle nos deux amoureux doivent faire face décuple la passion de leurs retrouvailles. Depuis Campan, chaque épisode nous dévoile un peu plus le coté caché de leurs personnalités. Nico est jaloux et s’inquiète des tentations auxquelles Jerem risque de succomber. Par contre lui semble prêt à céder à celles qui s’offrent à lui en se passant en boucle les propos de Julien et Albert sur la fidélité. Va-t-il avec ce garçon au jeune chiot jouer avec le feu ? Comme le dit Albert, une histoire d’un soir n’a que peu d’importance à condition de ne pas tomber amoureux et ça on ne le sait pas à l’avance. Jerem m’étonne. Lui le dragueur, le tombeur, le jouisseur au possible qu’on croyait connaitre se révèle finalement très préoccupé de rester fidèle à Nico. Il est confronté à plusieurs choses contradictoires. Son désir de s’intégrer avec ses potes, les soirées dont il ne pourra pas toujours se tenir en retrait sans risquer d’éveiller les soupçons. De même que la copine, que ses potes ne verront jamais et le cousin qui vient le voir bien souvent. Ce qui est touchant c’est qu’il pense d’abord aux conséquences que pourrait avoir sur sa relation avec Nico, la découverte qu’il est gay. Peut être Ulysse en grand frère sera là pour le soutenir. En tout cas j’aime beaucoup cet aspect plutôt inattendu de l’histoire. Merci Fabien.
    Yann

    Florentdenon

    20/06/2020 15:01

    Comment se lasser d’un récit si bien mené ? Comme te l’as écrit un autre lecteur sur la partie 2 de l’épisode, tu sais rendre les scènes de sexe terriblement sensuelles et jouissives. Mais ce qui donne encore plus de valeur a ton écriture, c’est la peinture des sentiments, des doutes et des tourments. Vite, la suite!

    ZurilHoros

    19/06/2020 12:48

    J’ai fait lire les chapitres de Jérém et Nico a un copain et petit à petit, il s’est pris au jeu. 
    Comme il ne laisse pas de commentaires, je peux le faire à sa place. Il me dit que le style de l’écriture à fait un bon depuis le milieu de la saison 1. L’histoire est intelligente et malicieuse. 

    Chrisjeem

    19/06/2020 09:36

    Sur la forme,« Sous le ciel de Paris », est un des chapitres les plus aboutis de tous ceux que tu as écrit, et sur le fond, j’en sors avec des sentiments difficiles à démêler. 

    La surprise, d’abord. 
    Ca ne se passe pas comme je l’avais redouté. C’est très habile de mettre les personnages dans des tensions bien dramatiques et de désamorcer pour partir dans une direction non prévisible. 
    Le talent s’est d’arriver à faire une fresque romanesque à partir d’événements qui ne le sont pas. Nico permet ce tour de passe passe avec ses états d’âme comme des silex qui s’entrechoquent, font des étincelles jusqu’à s’enflammer, puis Ils s’éteignent, jusqu’au prochain incendie. 

    La qualité du texte. 
    Ca me fait un peu penser aux meilleurs saisons de Desperate Housewife. On se distrayait des vas et viens des héroïnes, mais il y avait toujours une conclusion ironique, inattendue qui faisait réfléchir. On nous raconte quelque chose mais peut être pas ce que l’on croyait.


    Je trouve Jérém mal dans ses baskets. Il fait tellement son maximum pour Nico mais il sent qu’il n’y arrivera pas. Comment être à la hauteur d’autant d’amour.
    Thibaut avait raison, bomec ne s’aime pas et la seule chose qu’il peut aimer, c’est ce que Nico lui donne. Alors il ne veut pas le perdre, parce qu’il y croit. 
    Il s’est aussi trouvé un nouveau mentor, qui relègue Thibaut au statut d’ami d’enfance. Peut être! Il a décidément besoin de suivre un père de substitution. 

    Nico n’a que 19 ans, il n’a pas d’expérience de la vie. Je veux dire que tant qu’on ne se confronte pas à des épreuves, on peut bien se faire du cinéma. Avec Jérémie, il fait des déclarations à n’en plus finir, auxquelles il croit sans doute. 
    Il y a une telle différence entre son idéal de « petite maison dans la prairie » et sa libido! Comme il le reconnait, si il n’est jamais sollicité, comment peut-il savoir qui il est face à la tentation. 

    Enfin, il a parfaitement réagi face à ses doutes. Il a eu du tact, du sang froid. Il peut être aussi hystérique que d’une formidable lucidité et d’une grande maturité. Ils ne couchent pas ensemble ce soir là! c’est suffisamment rare pour le noter

     « D’abord, protège-toi, protège-nous. Ensuite, je ne veux pas savoir. Ne laisse rien traîner, protège-moi de ce côté-là aussi. Et enfin, Jérém… surtout, surtout, surtout, ne tombe pas amoureux »
    Je crois qu’il a tout dit, du moins, tout ce que j’aurais dit moi aussi.  

    La petite scène du matin, et celle juste avant de quitter l’appart, sont… comment dire. TRES BIEN 

    Je trouve touchant quand Jérém emmène Nico sur la tour Eiffel. On dirait des enfants. Mais quand il l’accompagne à la gare, je l’impression qu’il est triste. Si il a un poids sur le coeur c’est qu’il ne peut pas rendre Nico heureux. Mais qui peut rendre Nico heureux?  mais ma subjectivité m’égare peut-être.

    Ca me fait penser à une chanson de Sylvie Vartan en 1963. « Deux Enfants » 

    Deux enfants allongés silencieux, les yeux au fond des yeux
    Croient être heureux, c’était comme ça pour nous aussi
    T’en souviens-tu? Tout au début


    Le TGV! Encore un labrador. On va peut être savoir qui Nico est vraiment en fait. 

  • JN0232 Sous le ciel de Paris (partie 2 de 3).

    JN0232 Sous le ciel de Paris (partie 2 de 3).

    Samedi 13 octobre 2001

    Le matin suivant cette belle soirée à Montmartre et cette magique nuit d’amour, je me réveille à côté de mon bobrun. A vrai dire, je me réveille aussi à cause de mon bobrun. Ce sont ses bras qui m’enserrent, ce sont des bisous légers posés sur mon cou qui me font émerger de mon sommeil.
    Et pourtant, mes oreilles m’apportent le bruit familier de la respiration de son sommeil à lui. Ainsi, tout en dormant, mon bobrun a eu envie de me faire un câlin. N’est-ce pas le geste, l’envie, le besoin d’un gars amoureux ? Comment pourrait-il aller voir ailleurs alors qu’il a l’air si heureux avec moi ?
    La lumière remplit déjà le petit appart. Je me lève, j’attrape mon portable, il est 8h20. Je vais faire un tour aux toilettes.
    Lorsque je reviens, mon Jérém a changé de position. Il est désormais allongé sur le dos, ses pecs et ses tétons dépassent du pli du drap, ses bras écartés dominent toute la largeur du petit lit.
    Je m’approche de lui, je l’embrasse. Le bel au lit dormant se remue, il sort peu à peu du sommeil. Ma bouche quitte la sienne pour aller embrasser son cou, doucement, lentement. Jérém renverse sa tête en arrière et ma langue glisse de son cou vers ses pecs. Mes doigts saisissent le drap et le descendent petit à petit, ils dégagent le chemin à la lente mais inexorable descente de mes lèvres le long de son torse.
    Je m’enivre des petites odeurs tièdes de sa peau, je sens ses doigts se glisser dans mes cheveux. C’est d’abord une caresse douce, qui devient ferme, puis directive, puisqu’elle guide ma tête vers ses tétons que je vais mordiller pendant quelques instants. Jusqu’à ce qu’elle exerce une nouvelle pression, invitant ainsi mes lèvres et ma langue à aller voir plus bas, vers ses abdos, vers le chemin de bonheur qui conduit à sa virilité.
    Mes doigts cessent de descendre le drap lorsque celui-ci se trouve à la lisière des poils de son pubis. Je pose mon nez sur le tissu qui cache encore ses attributs masculins. Je suis comme un fou, je m’enivre de l’odeur de sa bite déjà tendue par une belle érection.
    J’adore faire durer, j’adore savourer et profiter de cet instant où tout est possible et rien n’est encore ébauché, où nos désirs sont encore intacts. J’adore sentir son désir, son envie, son excitation, son impatience.
    Quant à mon impatience à moi, elle fait qu’à peine quelques instants plus tard je libère sa queue, que je la découvre bien droite, fière, palpitante, frémissante. Je la regarde, la contemple, l’admire. J’hésite entre me jeter dessus direct et l’avaler d’une seule traite, jusqu’à la garde, ou bien prendre mon temps, la titiller, la goûter petit à petit avec ma bouche, millimètre par millimètre, de la parcourir lentement depuis le gland d’où perle déjà une goutte cristalline de nectar, jusqu’à la naissance des bourses, jusqu’à frôler ses poils avec le bout de mon nez et m’enivrer de son odeur virile.
    Je choisis la voie lente, la dégustation de gourmet plutôt que la frénésie de gourmand. Je titille son gland, je me rends ivre de ce petit goût qui ne cesse de suinter de son frein au gré des caresses du bout de ma langue.
    Mon bobrun frémit de bonheur. J’aime tellement lui faire plaisir. Et j’adore son petit sourire canaille juste avant que ma bouche ne s’enroule enfin autour de son gland, se referme, l’emprisonne. Et j’adore tout autant ce long gémissement de plaisir que ma bouche arrive à lui arracher lorsqu’elle descend lentement, inexorablement, le long de son manche raide, ne lui laissant d’autre choix que de s’abandonner totalement à mes caresses. Et lorsque ses doigts se crispent dans mes cheveux, pile au moment où mes lèvres atteignent la garde de sa queue, je sens mon excitation et mon bonheur exploser.
    Pendant un bon petit instant, je garde sa queue bien au chaud dans ma bouche. Puis, guidé par les mains de Jérém toujours accrochées à mes cheveux, je fais remonter les lèvres et ma langue en sens inverse, je prends le temps de goûter à toute la puissance et à toute la saveur de cette queue magnifique.
    « Putain, Nico, c’est trop bon, continue, vas-y suce moi, putain suce-moi ! » je l’entends lâcher, comme une supplication.
    Ce qui me donne des frissons, c’est d’imaginer l’onde de plaisir se propager dans son corps de petit Dieu, et de savoir que cette onde est provoquée par le contact de nos corps, de nos désirs. C’est l’escalade vers le précipice de la jouissance, une avancée lente, insupportable, insoutenable. C’est de voir sa petite gueule se crisper pendant l’orgasme, lorsqu’il perd tout contrôle (même si le contrôle, il l’a perdu depuis longtemps, quand ses lèvres sont entrées en contact avec les miennes), comme si l’instant se prolongeait dans le temps, comme si ça se passait au ralenti.
    Ce qui me rend carrément dingue, c’est de me focaliser sur ses giclées que je reçois dans la bouche et que j’avale lentement, comme si c’était une sorte d’élixir. Et de savoir que c’est moi qui lui ai offert ce nouvel orgasme.
    Après cette bonne pipe du matin, Jérém me fait m’allonger à mon tour sur le lit. Et alors que ses lèvres et sa langue excitent l’un de mes tétons, sa main empoigne doucement ma queue et entreprend de la branler. En ciblant mes points érogènes majeurs, le bobrun n’a pas besoin de me caresser longtemps pour me faire venir à mon tour.
    Après m’être essuyé, je le prends dans mes bras et nous nous faisons des câlins. Mais très vite, la beauté de son corps, sa proximité, son goût viril qui persiste dans ma bouche, cette légère odeur de transpi qui se dégage de ses aisselles, tout conduit à nouveau à faire monter mon excitation. Mes caresses câlines ne tardent pas à se transformer en caresses coquines autour de ses tétons.
    « Allez, on se lève » fait le bobrun, en bondissant du lit.
    « Déjà ? » je fais, alors que je serais bien resté un peu plus au lit et que j’aurais bien recommencé une nouvelle galipette.
    « Si on se lève pas, on va recommencer ».
    « Et alors, c’est grave ? ».
    « Il vaut mieux qu’on aille faire un tour ».
    « Pourquoi ça ? ».
    « Parce que j’ai match cet après-midi ».
    « Et donc ? ».
    « Notre préparateur sportif dit que pour être au top sur le terrain, il ne faut pas trop baiser les jours de match ».
    « S’il le dit… ».
    Le rugby me prive ainsi d’un nouveau moment de plaisir avec mon bobrun. Mais c’est pour la bonne cause, et je me dis que je ne perds rien pour attendre.
    Nous allons petit-déjeuner dans un bar proche de l’appart. Le jus de fruit est bien frais, le croissant croustillant, le café bien corsé. La présence de mon Jérém juste magique. Je vis comme dans un rêve où tout me rend heureux.
    Après le petit déj, nous repartons pour un nouveau tour dans Paris. Nous n’avons qu’un temps limité, Jérém doit être dans les vestiaires à 14 heures pétantes.
    Nouveau trajet, nouveau métro. Nouvelle incursion dans cette ville souterraine qui est le double de la ville de surface mais en plus frénétique. Une deuxième ville de vitesse, de gens pressés, de pas perdus. Une ville qu’on a tout autant envie de retrouver pour se déplacer que de quitter une fois arrivés à destination.
    Tout Paris est à portée en un coup de métro. Ainsi, par la magie des croisements de lignes, nous quittons le ciel aux Buttes Chaumont et nous ne le retrouvons qu’en émergeant à côté de l’Arc de Triomphe.
    Nous remontons les Champs Elysées jusqu’à la place de la Concorde. Nous traversons la cour du Louvre, avec sa Pyramide parachutée au beau milieu de ses ailes imposantes. J’aimerais tant avoir le temps de visiter le Musée, mais je commence fortement à douter que ce ne sera pas pour cette fois-ci. Je suis un peu frustré mais je me dis qu’il y a des priorités dans la vie, et que passer du temps avec mon bobrun est ma priorité absolue pour ce week-end. Et alors que nous quittons déjà l’esplanade devant le Palais Royal pour continuer notre balade, je me dis que j’aurai le temps de visiter le Musée le plus connu au monde à d’autres occasions.
    La rue de Rivoli avec ses porches nous conduit à l’Hôtel de Ville, majestueux.
    La première fois qu’on débarque à Paris on est impressionnés par la Grandeur. La grandeur des espaces urbains, la grandeur architecturale des bâtiments historiques, la grandeur artistique des monuments, la grandeur de son projet architectural et urbanistique. On est touchés par la beauté d’une ville où tout semble conçu pour en mettre plein la vue, sans répit.
    Mais il est un endroit qui, de par son histoire, l’une des plus anciennes de la capitale, et de par son allure, une beauté à la fois austère mais indémodable, met tout le monde d’accord pour en faire l’un des symboles incontestables de la ville.
    Dès que l’image des deux clochers carrés de la cathédrale de Notre Dame traverse ma rétine, je suis saisi par une émotion esthétique qui me bouleverse.
    Plus j’approche, plus je suis happé par sa silhouette imposante. Sur le parvis, je suis complètement sous le charme. Devant Notre Dame, je me sens tout petit. Car « du haut de ses clochers, plus de huit siècles me contemplent ». Huit siècles, mais aussi le génie de bâtisseurs hors normes, le travail acharné de milliers d’hommes et de femmes qui ont rendu cela possible. L’immense bâtisse semble vibrer encore de l’énergie des esprits qui l’ont conçue et voulue, du bruit des chantiers pharaoniques qui l’ont faite sortir de terre, des pleurs, des cris, des souffrances, des espoirs des hommes que ses pierres ont côtoyés et vu disparaître au travers des son histoire.
    J’ai toujours été fasciné, ébloui, impressionné par le travail de ces hommes qui, au travers des siècles, ont bâti les cathédrales, des œuvres qui figurent parmi les merveilles absolues de notre civilisation. Je ressens une admiration infinie pour ces bâtisseurs initiaux qui ne disposaient ni des techniques, ni du matériel moderne, et pour les architectes dont les connaissances n’étaient pas celles d’aujourd’hui, qui ne disposaient d’aucun moyen de calculs pour vérifier à l’avance la solidité de l’ouvrage, et qui pourtant ont réalisé cette prouesse exceptionnelle.
    Mais parmi toutes les grandes cathédrales, Notre Dame a toujours eu une place particulière dans mon cœur. Peut-être parce que, grâce à un film d’animation qui a bercé mon adolescence, j’ai l’impression de la connaître mieux que toutes les autres.
    En la voyant si imposante, comme un bateau de pierre qui a traversé les siècles, qui a survécu à la révolution, aux guerres, qui a connu une deuxième jeunesse grâce à un livre de génie dont le dessin animé de mon adolescence est une adaptation, il m’est bien évidemment impossible d’imaginer que dans moins de vingt ans elle manquera de peu de disparaître dans un affreux brasier. Et pourtant, ainsi va l’Univers. Les choses, comme les Êtres, naissent, vivent, passent. Il suffit d’un moment de distraction, d’un agent de sécurité formé à la va vite, peut-être d’un mégot jeté négligemment ou d’un câble électrique mal isolé, pour risquer d’anéantir le travail de centaines d’années, de milliers d’hommes. Et de priver l’Humanité d’une présence qui lui rappelle ce que le génie des Hommes peut faire de meilleur.
    Mais pour l’heure, la Dame de Pierre conserve toute son allure, sa beauté, sa grâce, sa superbe.
    « Allez, on y va ? » j’entends mon bobrun me lancer, tout en allumant une nouvelle clope.
    « Je voudrais faire un tour à l’intérieur ».
    « Vas-y, mais ne tarde pas, on doit rentrer ».
    Pénétrer dans un pareil lieu augmente encore le sentiment de me trouver face à quelque chose de grand, d’immense, quelque chose qui me dépasse. Je me sens encore plus petit que sur le parvis, encore plus happé par la force qui se dégage de ces pierres presque millénaires. Car l’intérieur de la cathédrale, avec ses voûtes à des dizaines de mètres du sol, ses piliers impressionnants, ses arcades gothiques, ses vitraux colorés, ses rosaces immenses, sa lumière tamisée, apaisante, son silence lourd et son écho vibrant, son ambiance si particulière dans laquelle le temps semble comme suspendu, ne fait que confirmer et amplifier encore mon admiration et ma fascination. Définitivement, ces pierres imposent le respect.
    Cette sensation d’avoir été confronté à quelque chose de grand qui me dépasse et m’interpelle me suit en dehors de la cathédrale, pendant un long moment.
    Nous continuons notre balade jusqu’à tomber sur le Centre Pompidou. Là aussi j’aimerais pouvoir visiter. Là aussi, je me dis que j’aurai le temps de le faire plus tard.
    Nous venons de laisser derrière nous le bâtiment à la façade faite de bric et de broc, lorsqu’un panneau pointé droit devant nous attire mon attention. « Marais ».
    J’avais entendu parler de ce quartier parisien gay-friendly, mais je n’avais pas fait jusque-là le rapport avec la vie de Jérém dans la capitale. Mais à cet instant précis, je réalise qu’avec la présence de ce quartier, Paris offre comme aucune autre ville en France la possibilité de faire des rencontres.
    « C’est ici le Marais ? » je ne peux m’empêcher de me demander à haute voix.
    « Je crois, oui… » fait Jérém.
    « Tu es déjà venu ici ? ».
    « Non, jamais. Ni en balade, et encore moins pour draguer des mecs, si c’est le sens de ta question » il se moque de moi.
    « Je n’ai rien dit ».
    « Je préfère que les choses soient claires ».
    « Je te crois, Jérém ».
    Nous traversons le Marais, quartier tantôt chic, tantôt monumental, avec ses bâtiments aux façades en pierre et en brique, aux toits en ardoise, tantôt aux allures de village, avec des ruelles et des passages de conte de fée. Et souvent très gay aussi, avec ses saunas, ses bars, ses magasins aux couleurs de l’arc en ciel bien foncé.
    En arrivant aux Buttes Chaumont, nous nous arrêtons dans un petit bistrot pour manger un bout. Lorsque nous rentrons à l’appart, Jérém prends une douche et se prépare à partir pour le match.
    Mon bobrun revient de la salle de bain habillé d’un t-shirt noir parfaitement coupé mettant en valeurs ses épaules, ses biceps et le V de son torse, d’un short en jeans mettant en valeur son beau cul musclé. Sa tenue est complétée par une casquette, à l’envers bien entendu, avec mèche de cheveux bruns qui dépasse de l’espace au-dessus de la languette de réglage, casquette lui donnant une parfaite allure de petit con de compétition. J’ai trop envie de lui.
    « Ça me fait plaisir que tu viennes au match » il me lance, l’air plutôt fier.
    « Ça me fait plaisir aussi de venir te voir jouer… même si je préfèrerais te voir jouir… ».
    « T’es vraiment un coquin, toi ! » il me répond, tout en plantant son regard brun dans le mien, comme s’il voulait aspirer mon âme.
    « C’est de ta faute, t’as qu’à pas être aussi sexy ! ».
    « Allez, on y va, j’ai un match à jouer ! » me lance le bogoss, en attrapant son sac de sport, le sac du trésor Mâle.
    Mon Jérém semble bien parti pour quitter l’appart, lorsque je le vois s’arrêter net, se retourner, me regarder bien dans les yeux, le regard empli d’une flamme des plus coquines. Le bogoss laisse tomber son sac de sport à terre, il s’avance vers moi, il m’attrape par les épaules, il me fait tomber sur le lit. Et il entreprend de m’embrasser fougueusement, pendant que ses mains se glissent sur mon t-shirt pour aller agacer mes tétons.
    « Je croyais qu’on n’avait pas le temps » je le taquine.
    « Et je croyais que tu ne devais pas faire de sexe avant le match » j’insiste, alors que le bobrun continue de me couvrir de bisous et de m’exciter.
    « Ferme ta bouche… » il lâche, la voix traînante.
    « Si tu continues comme ça, c’est sûr que je vais te faire jouir » je le préviens, alors que je sens mon érection monter à grand pas.
    « Qui a dit que j’ai envie de jouir ? ».
    Et ce disant, il défait ma braguette, il descend mon short et mon boxer et il commence à me sucer. C’est bon à en perdre la raison. Le bogoss me pompe avec entrain, comme s’il voulait précipiter mon orgasme. Le temps presse. Mais quelques instants plus tard, alors que je commence à ressentir les premiers frissons annonciateurs de l’explosion de mon plaisir, sa bouche quitte ma queue. Le bogoss défait sa braguette, il ôte son short et son boxer. Sa belle queue se dresse fièrement devant moi. Il ôte également son t-shirt noir, son torse musclé et velu, ainsi que ses beaux tétons saillants se dévoilent à moi, tellement sensuels, tellement tentants. Mais alors que je m’attends à sentir sa queue s’enfoncer en moi, à me sentir envahi et possédé par sa virilité puissante, le bogoss s’allonge sur le lit, sur le dos, à côté de moi et me lance :
    « J’ai envie de toi ».
    Voilà comment je me retrouve une nouvelle fois à faire l’amour à mon beau rugbyman, juste avant un match important. La sensation de me sentir glisser en lui, le frisson apporté par chacun de mes va-et-vient entre ses fesses musclées, ce sont des bonheurs inouïs. Quant au fait de voir mon bobrun prendre son pied, le sentir ahaner de plaisir, gémir de plaisir, voir et sentir ses mains parcourir fébrilement mon torse, enserrer mes biceps, mes épaules, mes pecs, mes tétons, cela décuple mon excitation et m’approche très vite et dangereusement de l’orgasme. J’ai très envie de jouir en lui, mais j’essaie de me retenir.
    Cette fois-ci, l’étincelle qui va embraser mes sens est apportée par sa main se glissant délicatement entre nos deux bassins et caressant mes couilles. Dès que le bout de ses doigts entre en contact avec mes bourses, et alors que j’entends le bogoss me chuchoter, comme dans un état second :
    « Je sens que tu vas bien gicler, mec ».
    A cet instant précis, je me sens perdre pied.
    « Je viens, Jérém ».
    « Fais toi plaisir p’tit mec ».
    Qu’est-ce que ça m’excite sa façon de m’appeler p’tit mec !
    Mon orgasme est tellement intense que, pendant les derniers coups de reins qui accompagnent mes giclées, pendant que mon esprit s’évapore sous l’action d’un plaisir qui dépasse l’entendement, je ressens le besoin impérieux de m’abandonner sur son torse et d’enfoncer mon visage dans le creux de son épaule. Le bogoss m’enlace de ses bras puissants et glisse ses doigts fébriles dans mes cheveux. Et alors que je sens sa queue raide compresser mes abdos, je suis surpris par une sensation on ne peut plus excitante, la sensation d’une chaleur qui se répand sur mon torse. Mais ce n’est pas la chaleur qui embrase le ventre pendant l’orgasme. C’est une chaleur qui se diffuse sur ma peau. Les ahanements profonds et excités de mon beau mâle m’indiquent qu’il est en train de jouir à son tour.
    « T’as joui finalement… » je lui lance, alors que nos torses moites de jus de bogoss viennent de se décoller.
    « Je n’ai pas pu retenir, c’était trop bon ».
    « M’en parle pas, c’était fou ».
    « Tu y prends goût, p’tit mec ! » il me lance, avec un grand sourire, ses doigts jouant doucement avec mon oreille.
    « Toi aussi tu y prends goût ».
    « C’est juste pour te faire plaisir » il me glisse, tout en se marrant dans la moustache.
    « C’est ça, à d’autres. Le coup de bite, quand on y a gouté, on ne peut plus s’en passer ! » je le taquine.
    « Mais ta gueule ! Regarde-toi un peu dans quel état tu es, va donc prendre une douche ! ».
    « Et toi donc ! » je le taquine à mon tour.
    Je vais à la douche en premier, Jérém y revient après moi. Pendant que je m’habille, je ressens dans mon ventre la douce chaleur qui suit un bel orgasme. En repensant à l’incroyable moment de plaisir que je viens de partager avec mon bobrun, je me dis que même si ce n’est pas la première fois que Jérém me demande de le prendre, je trouve toujours tout autant incroyable ma chance de pouvoir goûter à l’intimité ultime d’un Dieu Mâle comme Jérém. Après ce partage sensuel, après cette marque de confiance qu’est le fait de se donner à moi sans protection, je me sens rassuré. Et je me dis que sa fougue, son désir, sa façon de se donner à moi, sont autant de marques qui doivent à tout jamais me rassurer vis-à-vis des doutes et des questionnements qui m’ont assailli lorsqu’on a traversé le Marais. Non, Jérém ne couche pas ailleurs.
    « Allez, on y va, je suis déjà en retard ».
    « A qui la faute ? » je le cherche.
    « A toi, t’es un obsédé du cul ».
    « Et toi non… ».
    Lorsque nous arrivons au stade, nous sommes obligés de nous séparer. Jérém se dirige vers l’entrée des joueurs, vers les vestiaires. Quant à moi, je vais au guichet, je donne mon nom et je rentre directement dans l’enceinte du stade. Jérém a pu m’obtenir une place au bord du terrain.
    Je ne m’intéresse pas vraiment au rugby, et la simple idée de me déplacer pour voir un match ne me traverserait même pas l’esprit si ce n’était pas pour la raison que mon bobrun y joue. Mais il faut bien admettre qu’il règne dans les tribunes une ambiance festive qui donne la pêche, une ambiance saturée de testostérone qui fait vibrer pas « mâle » de cordes sensibles en moi. Car il y a pas mal de beaux mecs dans les tribunes. Le plus souvent sans copines, entre potes, ce qui leur permet d’exprimer tout leur potentiel d’hétéros de base se passionnant pour le sort d’un ballon ovale et pour les bières.
    Le match va bientôt démarrer, les deux équipes déboulent sur le terrain.
    Je cherche mon Jérém du regard, je le trouve facilement. Il est tellement sexy dans son maillot blanc et bleu ciel, il le porte divinement. Sur le terrain, on ne voit que lui. Je ne vois que lui.
    Le jeu démarre et je ne peux pas le quitter du regard. Mon bobrun a l’air de s’éclater et c’est beau à voir. A la faveur du jeu, il s’approche suffisamment de moi pour que nos regards se croisent. Je suis presque certain qu’il me cherchait. Je suis carrément sûr de lui avoir vu esquisser un petit sourire en me voyant.
    A la quinzième minute de jeu, Tommasi marque son premier essai. Ses co-équipiers le félicitent. Mais il en est un qui le félicite plus longuement que les autres, qui le prend dans ses bras et semble lui chuchoter quelque chose à l’oreille qui a l’air de bien le faire marrer. C’est le co-équipier auteur de la passe que mon bobrun a transformé en essai.
    Le gars est assez loin, mais suffisamment proche pour que je détermine qu’il s’agit d’un mec blond, avec une chevelure fournie qui, reliée avec une barbe drue d’au moins une semaine, forme une sorte de crinière virile qui a l’air très douce. Le mec n’est pas très grand mais il a l’air sacrement bien bâti. A lui aussi le maillot ciel et blanc lui va comme un gant.
    D’entrée, sa carrure me rappelle une autre carrure bien connue, celle de mon pote Thibault. D’ailleurs il porte le même maillot, le numéro 9, celui du demi de mêlée, que mon pote toulousain.
    Un besoin pressant prend instantanément forme dans mon esprit : il faut que je voie ce gars de près. Un vœu qui, à la faveur des déplacements de l’action de jeu, ne tarde pas à être exaucé.
    Le boblond finit par se retrouver à quelques mètres de moi. De dos, d’abord. C’est un dos massif, surmonté par un cou puissant, entouré par des beaux biceps rebondis à souhait. Mais aussi un cul d’enfer, ainsi que des cuisses et des mollets solides.
    Le gars possède un profil bien barbu, bien mec, bien viril, bien sensuel. De plus, sa simple présence respire la virilité, ainsi que l’autorité naturelle.
    C’est dans sa façon de se planter au milieu du terrain, les jambes un peu écartées, les pieds bien plantés au sol, les bras croisés, les épaules vers l’arrière, le cou très droit. C’est dans sa façon de tenir la truffe en l’air en permanence, humant l’air du jeu, très attentif à tout ce qui se passe, comme un lévrier à l’affut de sa proie, comme s’il tentait tout le temps d’anticiper pour avoir un coup d’avance. C’est dans sa façon de chercher sans cesse à coordonner l’action de son équipe. Le mec est un meneur, ça ne fait pas un doute.
    Le jeu vient de s’arrêter, l’un des joueurs de l’équipe adverse tente de transformer un essai. Le boblond est peut-être à dix mètres de là où je me trouve. Une distance relativement rapprochée qui me permet de réaliser qu’en même temps que cette virilité bien marquée qui en impose, le gars dégage une sorte de douceur qui me fait craquer. Ça doit venir de ses cheveux blonds qui donnent des envies d’infinies caresses. De sa peau claire qui donne des envies de bisous. De ses petites oreilles prises entre les cheveux et la barbe qui donnent des envies de mille câlins.
    La transformation est ratée, le boblond exulte de bonheur. Même sa façon de manifester sa joie, en sautillant sur place et en levant les bras a quelque chose de profondément sexy.
    Je me demande quel est le prénom d’une telle bombasse mâle. Soudain, une intuition s’impose à moi, comme une évidence. Et si c’était lui, le fameux…
    « Ulysse ! Ulysse ! Tu es le meilleur ! » j’entends une nana crier pas très loin de moi.
    Et là, je vois le boblond se retourner et lâcher l’un des sourires les plus incendiaires que je n’ai jamais croisés de ma vie.
    J’ai toujours cru que le plus incendiaire des sourires ne pouvait venir que d’un bobrun. Le gars me fait revoir ma copie avec un argument de taille. Avec ses yeux gris, clairs, limpides et lumineux comme le diamant, son visage entouré par ces cheveux blonds et cette barbe dans laquelle son petit menton tout mignon semble noyé ; avec sa peau claire, les joues et le front marqués par la rougeur de l’effort, le gars ressemble à un véritable ange viril. Et son sourire est beau à se damner.
    Ainsi le voilà, le fameux Ulysse, le nouveau meilleur pote de mon Jérém. Je l’avais imaginé brun, aussi grand que Jérém. Même genre de mec, quoi. Il n’en est rien. Je l’avais également imaginé du même âge que Jérém. Là aussi je me suis planté lamentablement. Car le gars doit facilement avoir cinq ou six ans de plus.
    Bref, je réalise à quel point j’avais tout faux sur ce gars. Sauf le fait qu’il est bogoss. Mais j’étais loin d’imaginer que derrière ce prénom si atypique, si rare, si mythique, se cacherait une telle bombasse mâle, une bombasse blonde, un gars beau comme un Dieu et armé d’un putain de charme qui défriserait même les statues de Notre Dame.
    Le fait d’imaginer que mon bobrun puisse côtoyer un tel gars au quotidien, qu’ils soient très proches suffit à provoquer en moi une intense poussée de jalousie.
    Et si, entre ces deux-là…
    Non, Nico, arrête un peu tes délires. Le gars n’a pas du tout l’air d’être homo…
    Jérém non plus, et pourtant…
    Arrête un peu, tu veux ? Tous les beaux rugbymen ne sont pas gay…
    Mais rien que le fait de côtoyer un gars comme Jérém peut donner des envies, susciter des vocations, faire naître des besoins… quant au fait de côtoyer un gars comme cet Ulysse…
    Mais ta gueule, Nico ! Jérém t’aime, il t’aime tellement qu’il a surmonté plein de tabous pour toi, il te reçoit à Paris, il te fait l’amour, il se donne à toi…
    Le ballon ovale repart vers la ligne de but de l’équipe adverse. Comme un lévrier ayant enfin levé sa proie, Ulysse détale comme une fusée, il se mélange aux autres joueurs.
    Au gré des errances du ballon, d’impressionnants mouvements de joueurs se produisent. Voir trois dizaines de mecs bien costauds courir sur un terrain, dans la même direction, voir tant de muscles, de fougue, de puissance, de vitesse, de gnaque, de testostérone en action, ça fait toujours son bel effet.
    A la base, je trouve le rugby un sport particulièrement disgracieux. Voir tant de mâles se mettre des coups de malade, chercher la confrontation physique brutale, en risquant des blessures, parfois graves, et tout ça pour obtenir le contrôle d’un ballon, je trouve cela complètement idiot.
    Et pourtant, il faut bien admettre que le rugby possède son charme. Un charme qui, en ce qui me concerne, tient exclusivement à ses joueurs. A mes yeux, le rugby est avant tout et surtout une incroyable vitrine de beaux mâles. Ainsi, le gars qui a eu l’idée du calendrier des Dieux du Stade n’a fait que trouver la plus belle des façons de mettre à l’honneur ce que le rugby a de plus beau à montrer. Non pas son jeu, mais ses joueurs.
    Le rugby, comme les autres sports co, présente cependant un autre atout majeur, bien plus noble que le jeu lui-même : il rend possibles de magnifiques aventures humaines. Pour prendre conscience de cela, il suffit de parcourir les biographies souvent passionnantes d’anciens joueurs.
    Ainsi, le fait que le rugby a le pouvoir de façonner des corps de dieux grecs et des belles histoires humaines ferait presque oublier à quel point c’est un sport inélégant.
    L’action se poursuit, le ballon ne cesse de parcourir le terrain dans tous les sens. Je tente de faire un inventaire rapide des charmes masculins en présence. Dans chacune des équipes y a un certain nombre de bogoss avec des corps et des petites gueules à faire naître illico l’envie de leur donner la bonne pipe sans protection (alors qu’il faut quand même se protéger, car une bonne petite gueule et un corps de Dieu ne valent pas garantie de cleanitude, et le risque est trop grand).
    Oui, les bombasses mâles ne manquent pas, mais mon regard ne cesse de revenir sans cesse auprès des deux charmes masculins qui agissent sur moi comme deux aimants entre lesquels mon esprit balance et se déchire.
    Jérém, Ulysse, Ulysse, Jérém, le bobrun, le boblond. Au milieu de la foule, on ne voit qu’eux, je ne vois qu’eux. Car l’un comme l’autre, et chacun dans son style très différent, ils dégagent une aura virile, un truc de dingue. Les avoir tous les deux dans le même coup d’œil, est une expérience extrême. Excès de bogossitude, surchauffe de neurones.
    A force de mater, l’inévitable finit par se produire. Lorsque l’action amène le boblond vers le coté du terrain proche de la tribune où je suis installé, je finis par croiser son regard. Et c’est un regard clair, profond, viril, un peu sévère mais terriblement charmant, un regard dans lequel on a envie de se noyer, un regard qui happe mon esprit, qui semble me mettre à nu, et lire direct dans mes pensées. Un regard qui fait vibrer toutes mes cordes sensibles sur l’intense « fréquence » du Masculin. Un regard tellement intense et pénétrant que je suis incapable de le soutenir pendant plus d’une seconde.
    Une seconde pendant laquelle je me demande si le gars n’a pas capté que je le mate. Quand je dis que le boblond est à l’affût de tout ce qui se passe…
    Le boblond s’éloigne à nouveau très vite, happé par l’action de jeu. Une seule petite seconde, et pourtant je suis secoué par ce simple contact, car le frisson provoqué par son regard résonne toujours en moi comme une douce ivresse.
    Le jeu s’emballe, je sens que quelque chose d’important va se produire. Ulysse récupère le ballon et, après quelques enjambées, juste avant qu’un joueur adverse ne fonce sur lui, il s’en sépare. Sa passe est parfaitement calculée et maîtrisée. Car Jérém est bien placé, et il reçoit le ballon à pleines mains, en pleins abdos. Puis, il détale comme un lapin, il glisse sur la ligne de jeu comme une fusée. Plusieurs joueurs de l’autre équipe tentent de lui barrer le chemin, mon bobrun arrive à chaque fois à les éviter ou à les dégommer sans ralentir. Comme quoi, le sexe avant le match ne nuit en rien à la performance sportive.
    Jérém fonce droit devant lui et finit par marquer un essai spectaculaire. Un essai qui, à quelques minutes de la fin du match, assure un avantage irrattrapable pour son équipe. Grâce au tandem Jérém/Ulysse, la victoire est dans la poche.
    « Klein et Tommasi sont en train de créer un sacré duo de choc ! » j’entends un mec lancer juste derrière moi.
    « C’est vrai, depuis trois matchs qu’on les voit jouer, leur complémentarité de jeu est de plus en plus marquée ».
    « Ils vont aller loin ces deux-là ».
    Quelques instants plus tard, l’arbitre annonce la fin du temps de jeu. L’équipe de Jérém et Ulysse a gagné.
    Une fois de plus, je vois le bobrun et le boblond se féliciter mutuellement, se prendre dans les bras, pecs contre pecs. Ah qu’elle est belle cette étreinte virile. Ah putain que c’est beau ce contact entre beaux mâles en sueur, le brun et le blond, le Yin et le Yang, deux éléments qui se complètent à la perfection.
    Ah comme ça m’est insupportable de les imaginer plus intimes que ça…
    Mais tais-toi, Nico !
    Les joueurs sortent du terrain, direction les vestiaires. Rien que le fait d’imaginer tous ces beaux mâles se déshabiller les uns à côté des autres, passer aux douches me donne des frissons à la fois d’excitation et d’inquiétude. Je me souviens des mots de Thibault, lorsqu’il m’a raconté comme il ne pouvait pas s’empêcher de mater certains gars sous les douches, et en particulier Jérém… est-ce que Jérém mate Ulysse ? Est-ce qu’Ulysse mate mon Jérém ? Que pensent-ils l’un de l’autre ? Dans la vie ? Dans le jeu ? Sous la douche ?
    J’ai-dit-ferme-la-Nico !
    Une bonne demi-heure plus tard Jérém sort du stade, tout beau, tout propre, les cheveux encore humides, sentant bon le déo de mec, le corps encore chaud de l’effort fourni pendant le match. Il porte le sac de sport aux couleurs de l’équipe par-dessus l’épaule et il me rejoint sur le parking où il m’avait donné rendez-vous en arrivant.
    « Félicitation, champion ! » je lui lance.
    « Merci ! Mais ce n’est pas moi qui ai gagné, c’est l’équipe. Le rugby est un sport d’équipe, sans les autres gars, on n’est rien ».
    « Vous vous complétez bien avec… Ulysse ».
    « C’est un très bon joueur ».
    « Hey, Jérém ! » j’entends une voix appeler mon bobrun.
    Jérém se retourne et je me retourne en même temps que lui, attiré par la voix mâle qu’on vient d’entendre. C’est une voix posée, thoracique, une voix qui me fait frissonner.
    Ulysse porte un t-shirt rouge et un jeans, et il vient vers nous, lui aussi avec son sac de sport aux couleurs de l’équipe par-dessus l’épaule.
    « Tu viens boire un coup ? » il lance à Jérém.
    « Non, je ne pense pas. Mon… cousin est venu me voir pour le week-end et je vais lui faire faire un tour en ville. Au fait… Ulysse, voilà Nico mon cousin… Nico, voilà Ulysse… ».
    « Enchanté » je lui lance, tout autant décontenancé par ce « cousin » que Jérém a sorti de je ne sais pas où que par la musculature du boblond mise en valeur par ce beau t-shirt.
    « Tu étais au match, dans les premiers rangs… » il me lance, en me regardant droit dans les yeux avec son regard clair et blond. Un regard qui, vu de si près, est carrément aveuglant. Sa poignée de main est solide. En ça aussi ce gars me rappelle mon pote Thibault.
    « Oui… » je fais, un peu inquiet que le boblond puisse lâcher devant mon Jérém que je l’ai maté pendant le match.
    « J’ai trouvé le match très intéressant. Vous formez une bonne équipe » j’enchaîne, pour changer de sujet.
    « Il y a encore du taf, mais on y travaille » il me lance.
    « Venez tous les deux, on va au Pousse au Crime » il enchaîne, en s’adressant à Jérém.
    « Sans façon, Ulysse. Nico n’est là que pendant le week-end et je tiens à qu’il garde une bonne opinion de son cousin ».
    « Comme tu voudras. Mais ce soir on fait péter le champ ! » fait le boblond en nous quittant pour aller rejoindre d’autres joueurs.
    « Ton cousin, hein ? Celle-là je ne l’avais pas vue venir » je le taquine, dès qu’Ulysse est assez loin.
    « Ne le prends pas mal, Nico, je préfère rester discret. Dans les vestiaires, les blagues sur les pd fusent dans tous les sens. Le rugby est un monde très macho. Je commence juste à m’intégrer, je commence tout juste à faire mes preuves. Je n’ai pas envie qu’on se moque de moi, qu’on me traite comme une merde. Tu comprends ça, Nico ? ».
    « Je comprends, oui ».
    « Mais ça ne change rien à ce qu’il y a entre nous… ».
    « Il y a quoi entre nous ? ».
    « Tu sais bien ce qu’il y a ».
    « J’aimerais bien l’entendre ».
    « Je ne sais pas dire ce genre de choses. Mais je crois que je te l’ai montré depuis Campan. J’ai beaucoup changé pour ne pas te perdre ».
    « C’est vrai, Jérém, et j’apprécie vraiment beaucoup ».
    Si nous n’étions pas en public, je le couvrirais de bisous. Mais nous ne sommes pas seuls, et je dois me faire violence pour maîtriser mon amour débordant.
    J’adore me balader dans Paris avec mon bobrun. J’ai l’impression de marcher dans une dimension où notre amour ne dérange personne, en tout cas aucun des inconnus que nous croisons. Non pas que nous nous affichions, mais je me sens bien, en paix avec moi-même et avec le monde. Personne ne nous connaît et cet anonymat est tellement agréable. Jérém semble lui-aussi toujours aussi bien dans ses baskets. C’est bon de visiter Paris tout en ayant sans cesse envie de lui faire des bisous. C’est bon de découvrir des merveilles, tout en me disant : dans une heure, je ferai l’amour avec lui. Et en me disant aussi que Jérém en a tout autant envie que moi.
    Paris le jour possède une beauté insolente. Mais Paris la nuit révèle un charme inouï. Nous dînons dans une brasserie non loin de la place de la Concorde. J’adore aller au resto avec Jérém, me retrouver en tête à tête avec lui, au milieu de tant de gens qui sont les témoins inconscients de notre amour discret.
    Il est dix heures lorsque nous rentrons à l’appart des Buttes Chaumont. C’est l’heure parfaite pour lui montrer à quel point ses mots de tout à l’heure m’ont touché. C’est l’heure parfaite pour le couvrir enfin de bisous, et pour refaire l’amour. Ce dont nous ne nous privons pas, pas du tout. Je fais l’amour avec un mec beau comme un Dieu, un grand rugbyman en devenir. Ah, putain, qu’est-ce que j’ai comme chance !
    Après le plaisir dans l’appart plongé dans une semi-obscurité faiblement éclairée par la petite lampe de chevet, nous nous assoupissons dans les bras l’un de l’autre.
    Il est un peu plus de onze heures lorsque je suis tiré de mon premier sommeil par une sonnerie de téléphone qui n’est pas la mienne.
    Jérém se réveille en sursaut, il se penche par-dessus le matelas pour récupérer son jeans nonchalamment abandonné au sol avant nos ébats. Il sort le téléphone de la poche et regarde l’écran.
    « Ils font chier ! » il souffle, agacé, la tête dans le coltard.
    « Qu’est-ce qui se passe ? ».
    « Ce sont mes potes » il me répond, alors que la sonnerie vient de cesser.
    « Ulysse ? ».
    « Oui ».
    « Qu’est-ce qu’il te veut à cette heure-ci ? ».
    « Je suis sûr qu’il est avec les autres gars, et qu’ils veulent que j’aille faire la bringue avec eux ».
    Sur ce, le téléphone se met à sonner à nouveau.
    « Putain… ils ne vont pas me lâcher, surtout après une victoire ».
    « Tu veux faire quoi ? » je l’interroge.
    « Dis… » il me lance, après un instant de flottement « ça t’embête si on va prendre un verre avec eux ? ».
    La sonnerie vient de s’arrêter à nouveau. Je suis un peu pris au dépourvu par la proposition de Jérém. Je suis dans le lit du gars que j’aime, et je venais de m’assoupir. Je suis partagé entre l’envie de rester au chaud et m’endormir pour de bon à côté de Jérém et la curiosité de connaître un peu plus ses potes. Notamment Ulysse.
    « Non, on peut y aller si tu veux » je finis par lui répondre, car je sens qu’il en a envie aussi, sinon il ne l’aurait pas proposé.
    « Merci, Nico » fait mon Jérém, en accompagnant ses mots par un bisou sur ma joue.
    Un instant plus tard, il rappelle Ulysse.
    « Hey, mec, ça va ? » il fait, avec un sourire radieux.
    Il s’en suit une conversation de deux ou trois minutes pendant laquelle mon bobrun ne cesse de sourire, de rire, de se marrer. Ce que lui raconte son pote doit être plutôt drôle.
    « Ok, ok, je viens, je viens, fais pas chier ! » j’entends mon bobrun lâcher juste avant de raccrocher.
    « Merde, il va falloir se doucher et s’habiller à nouveau » il souffle en raccrochant.
    « On va où ? »
    « Dans une boîte où nous avons nos habitudes. Par contre… tu es toujours mon cousin, ok ? ».
    « Mais oui !!!!!!!!!!!! ».
    Le métro, la nuit, a des allures de paysage lunaire. A cette heure tardive, la ville souterraine est certes moins densement peuplée, mais non pas dépourvue de bogossitudes filantes.
    Une demi-heure plus tard, nous franchissons la porte du fameux Pousse au Crime, une boîte branchée du centre-ville. Je suis heureux que Jérém ne veuille pas me cacher, qu’il me présente à ses amis, même si ce n’est qu’en tant que cousin.
    La boîte pullule de bogoss plutôt bien bâtis. En fait, c’est un repère à rugbyman. Ce lieu serait donc un aperçu du Paradis si la bogossitude ne s’accompagnait pas d’un corollaire bien moins attirant, à savoir, une importante présence féminine attirée par l’imposante présence masculine.
    Nous venons de rentrer lorsque je vois un mec blond faire de grands gestes à notre encontre, un mec dans lequel je reconnais le bel Ulysse. Le gars est assis à une table dans un coin avec plusieurs autres mecs, chez qui je reconnais autant de co-équipiers, et deux nanas. Ulysse fait une place à Jérém à côté de lui, je m’assois à côté.
    En le voyant ainsi de près, assis, je peux détailler le spécimen comme il se doit. Je peux apprécier une nouvelle fois ses beaux cheveux qui ont vraiment l’air terriblement doux, tout comme sa barbe, une barbe bien taillée, avec les bords bien nets, qui entoure son visage.
    Ulysse porte une chemise vert « camouflage » complètement ouverte sur le même t-shirt rouge de tout à l’heure, t-shirt mettant bien en évidence ses pecs de fou, sur lequel est désormais posée une belle chaînette de mec. Les manches de la chemise sont retroussées sur ses biceps saillants. Une belle montre massive est accrochée à son poignet gauche, tandis qu’une gourmette brillante est attachée à son poignet droit.
    Définitivement, avec sa gueule d’ange viril, le boblond barbu est sexy à mort. Une sexytude encore décuplée par les quelques marques au nez et aux joues dues aux coups reçus pendant le match. Mais comment on peut cogner une petite gueule comme la sienne qui ne demande qu’à recevoir des bisous ?
    Les tournées de bières et autres boissons alcoolisées s’enchaînent sans que je puisse suivre le rythme. Les mecs déconnent entre eux et je ne peux faire qu’écouter leurs conversations portant essentiellement sur les deux grands sujets autour desquels gravite l’Univers tout entier, à savoir, le rugby et les nanas. Jérém discute et rigole avec tous les gars, et j’ai l’impression que les gars l’apprécient bien. Il a l’air de s’être vraiment bien intégré au groupe, son nouveau monde. Mais le mec avec lequel il semble avoir la plus grande complicité est définitivement le bel Ulysse. D’ailleurs, ils n’arrêtent pas de se marrer dans leur coin.
    Je me sens un peu exclu de ce petit monde, et je commence à me dire qu’au-delà de l’aspect bogossitude, ce genre d’ambiance hétéro ne m’attire pas vraiment.
    Une nouvelle tournée de boissons vient d’être servie, lorsque les gars décident d’organiser un petit tournoi de bras de fer. Deux co-équipiers de Jérém s’y lancent, puis deux autres. Après quoi, des voix se lèvent pour demander un duel entre Jérém et Ulysse. Il y en a qui parient que mon bobrun va dégommer le boblond et d’autres prêts à parier l’exact contraire.
    « Celui qui perd paie une tournée à tout le monde ! » lance l’un des gars, suivi d’une ovation d’approbation du groupe.
    « Eh les gars, vous ne devriez pas jouer à ce genre de conneries, ça c’est bon pour se fracturer le radius et le cubitus ou encore le poignet, et pour louper une saison entière » fait l’un des gars.
    « Eh, Guérin, si tu es aussi rabat-joie avec ta meuf, je la plains » fait Ulysse, taquin.
    « Je ne suis pas le préparateur sportif de ma meuf, mais le vôtre, bande de petits cons ! ».
    Les deux potes s’installent face à face, prennent position. Les deux coudes se posent sur la table, les mains se joignent, les avant-bras se touchent, les biceps se gonflent. Le contraste entre la peau bien mate de mon bobrun et la peau claire du boblond est saisissant.
    « C’est pas juste ça » j’entends Ulysse rouspéter.
    « De quoi tu parles ? » fait Jérém.
    « Regarde ça » fait le boblond, tout en empoignant l’avant-bras de Jérém d’une main et le caressant avec l’autre « regarde-moi cette saloperie d’italo-toulousain, avec la peau bronzée à toute saison ».
    « Mais ta gueule ! » lâche Jérém, tout en dégageant son avant-bras de la prise d’Ulysse « dis plutôt que t’as la trouille que cet avant-bras ne fasse qu’une bouchée du tien ».
    « C’est ça ! » fait le boblond, sur un ton de défi, tout en posant lourdement son coude sur la table et en présentant sa main ouverte.
    Jérém en fait de même, et les doigts des deux potes s’entrelacent. Un instant plus tard, le bras de fer s’engage, sous les encouragements bruyants des autres gars. Le duel est serré, les biceps en présence semblent développer une puissance sensiblement identique. Très vite, il paraît évident que cela ne se jouera pas à la puissance, mais à l’endurance.
    Les secondes s’enchaînent, les deux gars chauffent, mais rien ne se passe, les mains oscillent mais ne penchent ni dans un sens ni dans l’autre.
    Les deux compétiteurs sont entourés par les encouragements des coéquipiers ainsi que d’une petite foule qui s’est attroupée autour de l’action.
    Puis, à un moment, mon bobrun semble peu à peu prendre le dessus. Les mains commencent peu à peu à pencher du côté de sa victoire. Ceux qui ont parié sur Jérém, se félicitent de façon plutôt sonore. Les autres encouragent le boblond à ne pas se laisser faire.
    L’avantage de Jérém semble désormais acquis. Mais c’est sans compter avec la ressource physique du boblond. Ce dernier rassemble toutes des forces et les envoie contrattaquer. La progression de Jérém est stoppée net. La remontée d’Ulysse est spectaculaire, en quelques secondes, les mains reviennent à la position initiale. Puis, petit à petit, l’avantage commence à s’inverser. Le moral des troupes change de signe instantanément. Ulysse est félicité, Jérém est encouragé
    Mon Jérém a beau tenter de résister, la progression du boblond semble inarrêtable. Au prix d’un dernier effort, dont l’intensité est rendue par la grimace de douleur qui déforme sa belle gueule, Jérém arrive à bloquer la progression de son adversaire alors que les bras penchent à près de 45 degrés. Mais un instant plus tard, il est obligé de lâcher, l’effort étant devenu insoutenable pour lui. Sa main heurte bruyamment la table et Ulysse se lève d’un bond, l’attitude triomphante.
    Jérém a l’air déçu. Jérém n’a jamais aimé perdre. Mais Ulysse a la victoire « amicale ».
    « Eh, Jérém, tu as vraiment failli m’avoir. Putain, tu m’as vraiment chauffé. On se fera la revanche le week-end prochain et s’il le faut, tu vas me mettre une branlée ».
    Il est près d’une heure lorsque la « tournée du perdant » est commandée. Les gars continuent à discuter de chose et d’autre, et ils ne semblent vraiment pas pressés de partir.
    Plus j’observe Ulysse, plus la sensation que j’avais ressentie pendant le match semble se confirmer. Le gars est très charismatique, c’est un vrai meneur. Il y a une sorte de magnétisme qui se dégage de son regard intense, qui impose le respect, mais aussi de sa voix basse, virile, de son débit de parole lent, posé, de sa façon d’être, de son attitude assurée et rassurante. Un magnétisme qui en fait un leader naturel, un gars qu’on écoute dès qu’il l’ouvre.
    Définitivement, que ce soit de par sa taille, sa carrure, son charisme, son rôle dans l’équipe et cette virilité tranquille qui le caractérisent, ce gars me fait penser à Thibault. Et cela est vrai également pour l’ascendant qu’il semble avoir sur Jérém. Jérém qui semble boire chacun de ses mots et qui semble porter sur ce gars un regard très admiratif. A croire que mon bobrun a besoin d’avoir un pote pour qui il a de l’estime, un pote qui le guide, qui le rassure.
    Pourvu que ça s’arrête là et que ça ne dérape jamais comme ça a dérapé avec Thibault…
    Nico, ta gueule !
    A un moment, Jérém part faire un tour aux toilettes. Pendant quelques minutes, je me retrouve seul avec un verre à nouveau plein que je n’ai plus du tout envie de boire.
    « Ça va, le cousin ? » j’entends Ulysse me demander à brûle-pourpoint, la voix traînante, l’haleine agréablement alcoolisée.
    « Ça va, ça va ».
    « Et sinon, tu fais quoi dans la vie, le cousin ? ».
    « Je fais des études à Bordeaux ».
    « C’est bien ça » il commente, sans chercher à en savoir plus, l’esprit nageant entre les degrés d’alcoolémie.
    Puis, comme s’il reprenait ses esprits, il enchaîne :
    « Toi aussi t’es à Bordeaux, comme la copine de Jérém ».
    « Euh… oui, c’est ça » je confirme, en me souvenant que Jérém avait emprunté la belle voiture d’Ulysse pour venir me voir à Bordeaux en prétextant une copine.
    Soudain, j’ai l’impression que ça façon de m’appeler « le cousin » en détachant bien ces mots du reste de la phrase est une façon de me faire comprendre qu’il ne croit pas à l’explication de Jérém quant à notre relation et qu’il se doute de quelque chose. L’alcool délie sa langue, mais le gars a l’air bien perspicace. Mais je me fais peut-être des films.
    « Et toi, tu es de la région ? » je tente de faire diversion.
    « Non, moi je suis un ch’ti ! Je suis originaire de Dunkerque ».
    « Ah, oui, c’est bien ch’ti, ça ! » je commente bêtement, alors que je réalise que le gars a un petit accent qui le rend encore plus charmant.
    « Ah, l’autre cousin vient de revenir ».
    Il est près de deux heures et une nouvelle tournée est commandée. Je me sens fatigué, et je n’ai plus qu’une envie, celle de me retrouver dans le lit de mon Jérém, blotti dans ses bras.
    La conversation porte sur une nana qu’Ulysse se serait tapée le week-end précédent. Les gars le taquinent à cause de sa copine « officielle » de la Rochelle. Mais le boblond a du répondant, et l’alcool le rend très joueur.
    Puis, soudain, je vois la tablée échanger des regards complices, chuchoter des mots apparemment drôles. Je comprends qu’il se passe quelque chose, car tout le monde semble sourire sous la moustache et changer d’attitude. Je suis les regards des gars et je réalise qu’ils convergent vers une nana brune qui est en train de traverser la salle accompagnée d’une copine. Elle est bien gaulée, bien habillée, bien maquillée, elle a un regard profond et charmeur. Bref, elle flirte avec la vulgarité tout en y échappant de justesse.
    En passant à un mètre de notre tablée, elle lance un « Bonjour » plutôt hautain, auquel tous les gars s’empressent de répondre, presque à l’unisson. Tous sauf Ulysse et Jérém.
    « Alors, tu vas pas lui dire bonjour ? » j’entends l’un des gars lancer à mon Jérém, un gars que j’ai entendu appeler Léo à plusieurs reprises pendant la soirée.
    Jérém ne lui répond pas, préférant lancer un sourire gêné, boire une gorgée de bière et allumer une nouvelle cigarette.
    Mais Léo revient à la charge et, avec son plus beau sourire, il balance un truc que je reçois comme un coup de poing en plein ventre.
    « T’as du bien t’amuser le week-end dernier avec elle ».

    Commentaires

    ZurilHoros

    27/06/2020 21:23

    « Je ne sais pas dire ce genre de choses. Mais je crois que je te l’ai montré depuis Campan. J’ai beaucoup changé pour ne pas te perdre ».
    Mais pourquoi ne pas se contenter d’actes et de vouloir des mot. 

    Etienne

    13/06/2020 18:14

    Bel épisode, tu sais toujours nous surprendre Fabien…
    Comment Nico va t’il digérer ça ???

    Yann

    11/06/2020 17:49

    Jerem a fait beaucoup de chemin pour s’assumer mais le plus dur lui reste à faire. Nico qu’il présente comme sont cousin, Léo qui lui rappelle son Weekend avec une copine…
    Je me dis que peut être là c’est le tournant et j’imagine tellement de choses pour la suite de l’histoire. Du coup je ne sais pas trop quelle suite je préfère pour ce que vont vivre nos deux amoureux. Premier amour ne rime pas forcément avec toujours ; une histoire d’amour peut être celle de toute une vie comme simplement un premier pas vers ce qui façonnera les contours d’une vie sentimentale future. Mais à coup sûr je sais que c’est une belle histoire et quelle que soit la suite je vais aimer.
    Yann

    Virginie-aux-accents

    09/06/2020 08:01

    Que de bonheur, de complicité et de désir entre nos deux héros…
      Il est dur et jouissif d’attendre entre chaque épisode.
    Merci Fabien, et félicitations!

    ZurilHoros

    08/06/2020 16:50

     j’ai lu l’épisode d’une traite, sur un portable et après, j’ai pensé: « déjà fini? ». C’est dire l’intérêt que je porte à cette histoire qui me permet d’entrer dans la peau d’un thérapeute du couple. 

    Il y a un bel équilibre entre chacune des parties de l’épisode et on a jamais l’impression de déjà lu. Ca ne tourne pas en rond. Les scènes de sexe, sont plus ramassées mais sacrément intenses. J’aimerais y être là aussi. 

    J’aime voir la capitale dans les yeux de Nico, même au pas de course, mais c’est la meilleure façon de ressentir « les premieres fois », d’autant qu’il est amené à revenir souvent… Enfin, c’est ce qu’il doit espérer.

    On rencontre enfin Ulysse, « l’homme aux mille ruses » comme on l’appelle dans l’Iliade. Physiquement, une variation autour de Thibaut, mais il ne semble pas avoir la même personnalité ni la même énergie. Thibaut était instantanément paisible dans le sens « apaisant ». Avec Ulysse, on a un gagneur, qui aura peut être l’ascendant sur Jérém? En tout cas, il ne sera pas son faire valoir. 

    Que dire de nos deux héros placés dans ce nouveau décor parisien.  
    A mieux y regarder, Jérémie a plus évolué que changé, il s’est délesté d’un poids. Maintenant, avec Nico, le rejet, le mépris, font partis du passé. On voit sa joie assumée de lui faire plaisir et d’être avec lui. 
    Il n’a pas changé non plus dans le sens ou il est resté maitre de lui, directif, viril. Il ne fait pas de palabres, il montre plus qu’il n’exprime. 

    Saura t-on un jour quelle révolution s’est faite en lui, pendant les deux semaines qu’il a passé seul à Campan? Comment est-il passé du stade ou il ne savait que fuir ou humilier Nico a celui ou il accepte de lui montrer qu’il a besoin de lui. J’aimerais savoir. C’est un type profond en fait. Si il ne courrait qu’après le physique, il irait vers son double et il n’aurait pas flashé sur Nico. Mais c’est aussi un paon qui aime plaire et qui DOIT plaire aux filles, même si ce n’est que pour faire illusion… 
     Il n’a pas non plus changé dans la mesure ou son inconscient le pousse à montrer ce qu’il ne peut dire. Il ne voulait pas dire qui était Nico à ses amis de Campan, mais il le montre, il ne voulait pas faire de Coming out mais il a tout mis en place pour que cela arrive.  
    Pourquoi prend il le risque d’emmener Nico au match, pourquoi sort-il dans cette boite avec lui devant ses copains? Il y a forcément le risque que quelqu’un comprenne. 

    Et notre Nico, jamais sûr de lui, qui est dans un stress cyclique permanent. Mais c’est aussi parce qu’il est intelligent et lucide! Pourra t-il suivre les conseils avisés de Julien qui sont si peu dans sa nature et qui heurtent ses sentiments. 
    Il y a aussi l’exemple de Charlène à qui il se confiait sur Jérém. 
    « tu supportais ça? » 
    « jusqu’au jour où j’en ai eu assez »
     « Je te comprends ».
    Ben oui Nico, il n’est pas écrit qu’il faille supporter. J’ai tendance à croire que quand on est en mesure de tout comprendre, tout pardonner, tout accepter, c’est qu’on a déjà renoncé. 

    Nico veut avoir sa vraie place à coté de celui qu’il aime. C’est la moindre des choses, et il est fier être avec Jérém. 
    Si il avait eu plus de bouteille, ou moins peur, il l’aurait laissé partir seul avec ses copains. 
    Un truc plus cocasse qui montre son égoïsme de jeunesse, c’est qu’il aurait dû ne pas venir en Jérém. C’est franchement pas un truc à faire avant un match… 

    Pour la suite? je n’ai pas la moindre idée de ce qui va se passer. Les possibilités sont ouvertes et le suspens est total. 
    L’ autre surnom d’Ulysse est « le voleur », alors ? voleur de poules, voleur de Jérém, voleur de Nico… Est ce que c’est difficile de voler Nico? je crains que non. Est-ce facile de voler son cœur, j’espère que non.

    On pourrait tirer un merveilleux Anime de « Jérém et Nico ». Les japonais font ça très bien. 

    richard24

    08/06/2020 16:17

    Bjr Fabien,
    Toujours au top quelque soient les scènes décrites.
    La nana brune : Une couverture pour Jérémy?? et Nico pourra t il l accepter?? 15 jrs à attendre la suite……

    ZurilHoros

    08/06/2020 08:51

    wouah  quel plaisir de découvrir ce nouveau chapitre, alors que je m’apprêtais à relire autre chose. 
    C’est super abouti, ca se lit d’un trait, que ce soit, la visite sur Paris, la chambre, la match.  
    Tu as en plus réussi à caractériser Ulysse, sans en faire le clone de Thibaut, ce que je redoutais. 
    Avant d’y revenir et d’en dire plus, je suis contant d’être le premier à te féliciter. 
    C’est de mieux en mieux 

  • JN0231 Sous le ciel de Paris (partie 1 de 3).

    JN0231 Sous le ciel de Paris (partie 1 de 3).

    A l’approche de Paris, je découvre une banlieue au paysage monotone, grisâtre, peuplée de barres d’immeubles immenses et tristes, de tags plus ou moins heureux, de friches industrielles.
    Puis, alors que le train avance vers la ville intra-muros, la perspective se conforme peu à peu à l’image que je me fais de Paris. Le tout béton-goudron cède la place à la brique, à la pierre, à la grandeur.
    Le train s’arrête en gare de Montparnasse. C’est une gare immense, bien plus grande et imposante que celles de Toulouse ou Bordeaux. Ses espaces, quais, couloirs, halles, sont animés par un flux incessant de gens qui courent dans tous les sens. A Toulouse ou Bordeaux les gens courent aussi. Mais à Paris, ils semblent aller encore plus vite. D’autant plus que c’est la fin de journée et aussi la fin de la semaine.
    Dans toute cette pagaille, j’ai du mal à trouver ma direction, je suis désorienté. Et le flux incessant de la bogossitude ambiante défilant sous mes yeux ne m’aide pas vraiment à m’orienter.
    Un bobrun passe devant moi, puis un autre, puis un autre encore, puis un châtain, un blond, une casquette, une chaînette, un brillant à l’oreille, un t-shirt, une chemise, des shorts, des jeans.
    Un type au physique de basketteur me coupe le chemin sans même me voir et il trace sa route laissant derrière lui une trainée de parfum de mec qui contribue un peu plus à me perdre.
    A chaque fois, c’est comme si je me prenais une baffe inattendue et pleine figure. Ça surprend, ça décoiffé, ça laisse rêveur, ça enchante, ça ensorcèle. Et ça me fait hurler intérieurement : ah putain, qu’est-ce qu’il y a comme bogoss dans cette ville !
    Avec ce corollaire indissociable, indispensable, inévitable, cette sensation brûlante de baigner dans une immense voire infinie mer de sexytudes et de bogossitudes, une multitude de nuances telle qu’on a cette certitude qu’on ne pourra jamais tout capter, tout assimiler, tout percevoir, puisqu’à chaque seconde, chaque instant, une nuance chasse l’autre, la surpassant, la décuplant, avant de franchir un nouveau palier dans l’escalade de l’insoutenable l’instant suivant lorsqu’une nouvelle gifle nous assomme. Vertiges visuels, olfactifs, mentaux, à faire perdre la tête, presque insupportable tant l’esprit ne peut parvenir à se fixer et prendre le temps d’analyser, de profiter.
    Avant de m’engouffrer dans les entrailles de la terre, je ressens le besoin de sortir un instant à l’air libre et frôler le sol de la capitale. J’ai besoin de dire bonjour à Paris. Dès que je sors de la gare, la tour Montparnasse, imposante, se dresse fièrement devant moi. La façade en verre et métal de la gare fait également son effet. Mais pas autant que la foule qui gravite entre. Il y tant de monde qui grouille ici, tant de bogoss qui défilent, à ne plus savoir où donner de la tête. J’ai envie de capturer chaque éclat de bogossitude. J’ai aussi envie de visiter, de découvrir cette ville.
    Mais j’ai avant tout envie de retrouver mon Jérém. Pour mater du bogoss inconnu et pour visiter, j’ai tout un week-end à ma disposition. Mais je ne veux pas gaspiller une seule minute loin du gars que j’aime. Il est déjà 18 heures et mon bobrun m’a dit qu’il serait rentré à 18 heures. Chacune des minutes que je passe à traîner, est une minute volée à notre week-end.
    Je retourne alors à l’intérieur de la gare, et je m’enfonce dans le ventre souterrain de la capitale. Je tente de désactiver le radar à bogoss pour consacrer des ressources de système à la recherche d’un plan du métro qui m’indiquerait comment rejoindre enfin mon Jérém. J’ai vraiment du mal à m’orienter. J’ai l’idée de demander à un passant, mais tout le monde semble si pressé que je n’ose même pas.
    Je suis un peu perdu face à la frénésie du métro, à ses utilisateurs speedés, comme autant d’atomes excités par un courant mystérieux, comme un flux humain incessant qui circule dans les veines souterraines de la capitale.
    Je finis par trouver l’entrée du métro, puis le fameux plan du réseau. Je fixe le dédale de lignes multicolores pour définir la marche à suivre. C’est la première fois que je vois un truc aussi complexe. A Toulouse, il n’y a qu’une seule ligne. A Bordeaux, il n’y en a simplement pas. Je reste un petit moment planté devant ce plan, avant de réaliser que, pour me rapprocher de mon Jérém aux Buttes Chaumont, je dois emprunter la ligne 4, direction Porte de Clignancourt.
    Un brun, jeans et t-shirt blanc traverse mon champ de vision et manque de peu de me fait rater mon couloir de direction dans le métro.
    Je rejoins le quai, une rame arrive aussitôt. Une foule attend pour tenter sa chance. La rame est bondée. Une autre foule en sort, et pourtant la rame paraît toujours aussi bondée. Je me dis qu’il n’y a pas la place pour la plupart des gens qui attendent sur le quai. Et pourtant, ça commence à rentrer, ça se tasse à l’intérieur, et la plupart de ceux qui attendaient sont zippés à l’intérieur. Les portes se referment sans que j’aie pu tenter ma chance. Comment arrivent-ils à respirer ? Qu’est-ce qu’on est serré, au fond de cette boîte…
    Je regarde la rame repartir, disparaître dans le tunnel sombre, remplie de destins, de stress, de fatigue, des innombrables heures perdues par des hommes et des femmes qui se pressent chaque jour dans ce boyau de métal et de verre.
    La rame suivante arrive quelques minutes plus tard. Elle est presque tout autant bondée mais, avec une bonne dose de détermination, j’arrive enfin à m’y faufiler.
    Et je réalise très rapidement que dans ce lieu, ce monde à part, les rencontres avec la bogossitude y sont très nombreuses, tout aussi nombreuses que fugaces.
    Dans la rame, confronté à un renouvellement de paysage humain incessant au gré de arrêts aux stations, ma tête tourne dans tous les sens pour tenter de capter toutes les nuances d’une bogossitude si abondante, si variée et si éphémère que mon cerveau frôle la surchauffe.
    Il y a certains V de chemise ou de t-shirt qui donnent envie de plonger, plonger, plonger. Il y a des parfums qui m’hypnotisent. Des regards pleins de charmes qui m’assomment direct. Des petites gueules à pleurer. Des corps à la fois dissimulés et dévoilés par des vêtements, des corps qui font fantasmer. Des vies et des destins qui font fantasmer.
    Un bobrun assis juste à côté est en train de rigoler avec un pote. Son visage affiche un sourire tellement radieux et contagieux qu’il me donne envie de rigoler même si je n’entends pas ce que lui raconte son pote et qui l’amuse.
    Un peu plus loin, un mec qui est l’archétype du p’tit con avec une trop bonne p’tite gueule que tu as juste envie de gifler juste parce qu’il est sexy à un point que ça en est presque insoutenable. Il a les cheveux très courts autour de la tête, il porte une casquette à l’envers, une veste de jogging ouverte sur un t-shirt gris, un jean taille basse. Voilà un p’tit con qui doit inspirer d’innombrables désirs secrets partout où il passe.
    De l’autre côté de rame, un p’tit reubeu, la vingtaine, lui aussi sexy à mort. Ecouteurs sur les oreilles, jogging un peu satiné, sac à dos. Je ne sais pas ce qu’il écoute, mais ça a l’air de lui faire plaisir, car il affiche un petit sourire en coin très sexy, un petit sourire un peu arrogant, qui va avec la bonne petite arrogance de son attitude générale, avec cette façon de se tenir avec les jambes un peu écartées, les épaules légèrement penchées vers l’arrière, le front bien haut, fier de sa virilité.
    Et ce petit brun, que je n’avais pas remarqué auparavant parce qu’il n’est pas très grand et qu’il était caché par la foule, qui sort de la rame comme une fusée et qui court sur le quai : il va où ? Et cet autre assis contre une vitre, le regard perdu dans le vide, il pense à quoi, il rêve de quoi ?
    Et cet autre gars au profil charmant, les yeux rivés dans un bouquin, aperçu pendant un court instant sur la rame d’en face, lors d’un double arrêt en gare. C’est quoi sa vie ? Rencontre d’un instant, avant que nos deux rames repartent en directions opposées, éloignant à nouveau son destin du mien, et pour toujours, sans même que mon existence ne soit remontée à sa rétine et à sa conscience, sans même que le gars sache que, l’espace d’un instant, un mec venant de Bordeaux l’a trouvé tellement touchant.
    Je suis assommé par tant de nuances de mâlitude, par cette armée dispersée et pourtant impressionnante de détails virils, de brushing divers, de barbes sexy, de parfums, qui inspirent autant d’envies de douceur de plaisirs entre mecs.
    Je me demande combien de désirs, de regards furtifs, de bonjour, d’au revoir, d’adieux silencieux, et bien souvent à sens unique, se perdent chaque jour, chaque instant, dans couloirs, dans les gares, sur les quais, dans les rames, du métro parisien.
    Je suis impressionné par tous ces petits mâles lancés à toute allure vers des destins qui demeureront pour moi à jamais inconnus.
    Je descends à la gare de l’Est, et j’arrive enfin à me procurer un plan du métro. Mais je n’ai pas le réflexe de prendre une correspondance, d’autant plus que je suis toujours un peu perdu dans ce dédale de lignes multicolores. Je regagne la surface et l’air libre, j’ai envie de marcher. Une envie que je regrette un peu plus tard, lorsque je réalise que je suis bien plus loin de ma destination que je l’avais estimé sur le plan du métro.
    Une fois encore, j’ai du mal à trouver mon chemin dans cette ville inconnue. Je suis obligé de demander plusieurs fois à des passants pressés. Je me trompe, je suis obligé de revenir sur mes pas, je me trompe à nouveau, je fais des détours, je peste à cause du temps précieux que je suis en train de gaspiller.
    Puis, soudain, sans vraiment savoir comment, je tombe nez à nez avec le panneau portant le nom de rue indiqué par mon Jérém.
    La résidence où habite mon bobrun est un immeuble assez moderne, plutôt anonyme, avec une façade très minimaliste, sans balcons, peinte en un gris terne totalement quelconque. Et pourtant, cet immeuble brille à mes yeux de tous les feux, car il abrite la nouvelle tanière de l’homme que j’aime.
    Mon cœur bat la chamade lorsque je sonne à l’interphone qui porte une étiquette estampillée « Tommasi J. ».
    « Oui… ».
    Rien que d’entendre sa voix mâle filtrée par le mauvais son de l’interphone me fait vibrer. Putain de mec !
    « C’est moi… ».
    « Quelle surprise ! ».
    « T’es con ! ».
    « Prends l’ascenseur, c’est au 7ème étage, porte 717 ».
    Dans l’ascenseur, je me sens fébrile, j’ai tellement envie de lui. Après une montée qui me paraît interminable, les portes s’ouvrent enfin sur un couloir assez étroit et plutôt sombre.
    J’appuie sur un bouton lumineux et lis les numéros sur les portes. La première qui se présente à moi est la 711. Je n’ai même pas le temps de regarder dans quel sens est fichue la numérotation, lorsque j’entends un déclic de serrure suivi d’un :
    « Psssst ! Par ici ! ».
    Et là, en suivant le son de sa voix, ma tête pivote automatiquement sur ma droite. Et je vois mon bobrun passer sa belle gueule et le haut de son buste massif en biais dans l’encadrement.
    « Nico ! ».
    Dès que son image transperce ma rétine, je suis dans un état second. Mais lorsque j’avance vers sa porte, lorsque je peux apprécier sa présence en entier, je suis proche du KO.
    C’est fou la sexytude que dégage ce mec, avec sa bonne petite gueule sexy, son attitude de petit con ultime, l’épaule nonchalamment appuyée au montant de l’encadrement de la porte, la tête inclinée, elle aussi appuyée, son sourire charmeur et incendiaire.
    Et bien évidemment, sa tenue n’est pas en reste. Elle comporte une casquette rouge vissée à l’envers sur sa tête, avec une touffe de beaux cheveux bruns dépassant en vrac de l’espace au-dessus de la languette de réglage, un débardeur blanc à fines cotes, les bretelles dangereusement tendues sur ses épaules musclées et sur ses pecs saillants, un simple bout de tissu qui sait pourtant s’élever au rang de chef d’œuvre, tant il met bien en valeur le V et la puissance de son torse, ses biceps rebondis, la couleur mate de sa peau, ses tatouages sexy, les beaux poils noirs qui dépassent au-dessus de l’arrondi.
    « Salut » je lui lance, le souffle coupé par une overdose presque fatale de bogossitude et de désir brûlant.
    « Salut, toi » il me relance, en appuyant un peu plus sur son sourire, qui d’incendiaire devient ravageur canaille, coquin, absolument insoutenable. Un sourire agrémenté d’un petit haussement de sourcils qui fait griller mes derniers neurones.
    Car ce sourire, cette petite gueule, ce regard coquin, c’est un scandale absolu, un truc absolument insupportable. Car ce n’est juste pas NORMAL d’être aussi beau et charmant, pas normal et pas juste ! Car dans ce sourire il y a tout ce qui peut rendre un mec craquant, la sexytude, le charme, une bonne dose de coquinerie et de malice. Bref, tous les charmes de l’Homme sont dans ce sourire.
    Une tenue pareille, un sourire pareil, et je suis à lui sans conditions, il peut faire de moi ce qu’il veut.
    J’ai besoin d’un petit instant pour me remettre de ce sourire, si tant est que ce soit possible, et pour prendre une nouvelle claque, en remarquant que sa tenue est complétée par un short gris molletonné qui semble posé directement sur sa peau, sans rien dessous, mis à part sa queue déjà raide qui déforme insolemment le tissu souple.
    « Tu rentres pas ? » je l’entends me questionner, un brin moqueur, alors que je suis toujours figé à contempler sa bogossitude.
    « Si… c’est juste que » je bégaye, ivre de désir.
    « Juste que ? ».
    « C’est juste que tu es trop sexy ».
    Et là, pour toute réponse, le bogoss me lance un regard tellement chargé de sensualité que je dois me faire violence pour ne pas me jeter directement sur sa braguette.
    Car dans ce regard, je lis son désir à lui, parfaitement complémentaire au mien. Je sais qu’il a envie de moi, tout autant que j’ai envie de lui. Je sais qu’il a envie d’être en moi, tout autant que j’ai envie de l’avoir en moi. Je sais qu’il a tout autant envie de gicler en moi que moi j’ai envie de le sentir jouir en moi.
    Pendant un instant encore, nous nous faisons face sur le seuil de la porte, dont l’encadrement est bien occupé par sa silhouette mâle tout en muscles.
    Nos regards se mettent le feu l’un l’autre. Je ne suis plus qu’un être primaire guidé par l’instinct de plaisir. J’aime laisser ce moment suspendu se prolonger, j’aime attendre, sentir son désir, sentir que je vais lui donner du plaisir, j’aime cet instant où tout est possible mais rien n’est encore, cet instant où nos désirs s’entrechoquent, font des étincelles, cet instant pendant lequel l’excitation fait vibrer mon corps, coupe ma respiration. Pas de mots entre nous, mais tant de désir dans nos regards.
    « Allez, viens » je l’entends me lancer sur une voix basse, une invitation, une vibration, un ordre mâle auquel je ne saurais me soustraire.
    Puis, accompagnant le geste à la parole, Jérém pivote sur le côté, libérant un passage pour que je puisse pénétrer dans son appart. J’avance et je passe le seuil en sentant son regard proche et lourd sur moi, un regard qui me suit, qui me déshabille, qui me possède déjà. J’avance hypnotisé par le parfum entêtant de p’tit mâle fraîchement douché qui se dégage de son corps.
    J’ai tout juste le temps de jeter un regard dans le petit espace mansardé et de me faire la remarque que c’est tout aussi minuscule que chez moi à Bordeaux, lorsque je sens ses mains, à la fois douces et fermes, me libérer de mon sac de voyage, attraper mes épaules, me faire pivoter, me coller contre le mur.
    Ses lèvres se posent alors sur les miennes, et nous nous échangeons une longue série de baisers fougueux, au point que nous en oublions presque de reprendre notre souffle. Je suis enivré par sa proximité, son contact, le parfum frais et captivant, cette fragrance de p’tit mâle bien sexy qui se dégage de lui.
    « Ah, ça c’est de l’accueil ! » je me marre, lorsque j’arrive enfin à sortir de l’apnée causée par l’assaut de ses baisers incessants.
    « Tu m’as manqué ! » je l’entends me chuchoter.
    Ah putain, qu’est-ce que ça fait du bien de l’entendre dire ces simples mots ! A cet instant, toutes mes inquiétudes sont effacées par ce bonheur immense. Comment j’ai pu douter de lui, imaginer qu’il puisse aller voir ailleurs ? En tout cas, j’ai envie d’y croire.
    « Toi aussi tu m’as manqué, si tu savais ! ».
    Pour toute réponse, mon bobrun m’embrasse de plus en plus fougueusement, son torse chaud collé au mien, sa bosse raide collée à la mienne.
    Je n’en peux plus, j’ai trop envie de lui. Je le fais pivoter à mon tour, je le colle contre le mur. J’embrasse son cou, ses épaules, les poils dans l’arrondi du débardeur. Je glisse mes mains sous le coton tendu sur sa peau, j’effleure au passage les petits poils en dessous de son nombril, premier frisson. Puis, sa peau tiède et douce, deuxième frisson. Puis, le relief ferme de ses abdos, cette alternance de creux et de rebonds où les bouts de mes doigts lisent comme sur un texte en Braille le code de sa virilité puissante, un code que je ne me prive pas de parcourir plusieurs fois pour en apprécier pleinement le message. Tempête de frissons.
    Un instant plus tard, je me laisser glisser à genoux, je laisse mes lèvres caresser sa bosse chaude et saillante par-dessus le tissu molletonné, je presse mon visage contre, je hume les petites odeurs enivrantes de sa virilité palpitante. Du coin de l’œil, je vois le bogoss s’étirer, bomber son torse, plier ses bras, croiser ses mains derrière la nuque. Et je l’entends soupirer de bonheur et de d’impatience.
    Sans plus tarder, j’attrape le short de chaque côté de ses hanches et je le tire lentement vers le bas. Les poils bruns au-dessus de sa queue se dévoilent peu à peu à mes yeux. Je plonge mon nez dedans, ivre des petites odeurs qui se dégagent. Mais le tissu se tend, il oppose une résistance à mes projets. Le fait est qu’il est pris dans un « obstacle » qui lui empêche d’aller plus loin : il est retenu par sa queue raide.
    Je glisse alors ma main dedans, je saisis doucement son manche brûlant, je le dégage lentement de sa prison de tissu. Dès le premier contact de mes doigts, le bogoss pousse un grand soupir de bonheur. Sa queue se dresse désormais devant mes yeux, belle, fière, gonflée à bloc.
    Et lorsque mes lèvres et ma langue effleurent son gland, je le sens partir en extase, je me sens partir en extase. Je le pompe lentement, je veux faire durer nos excitations et nos plaisirs.
    Comme toujours, dès le premier contact avec la virilité de mon mâle, le premier besoin impérieux que réclament mon corps et mon désir est d’avoir sa queue dans ma bouche.
    Mais une fois assouvi le besoin de le sentir frémir de plaisir sous les assauts de ma bouche, les envies se bousculent en moi. J’ai envie de tout avec Jérém, sans jamais pouvoir faire un choix, sans arriver à me décider sur ce dont j’ai envie en premier. Si c’est d’avoir directement son jus dans ma bouche, de l’avaler, ou si je préfère juste une mise en bouche, au sens propre comme au sens figuré, avant de le sentir me limer, me posséder, avant de me laisser remplir les entrailles de son jus de mâle.
    En fait, j’ai envie de tout à la fois. Impossible pour moi de faire un choix. Comment choisir entre le plaisir et le plaisir ? Entre le bonheur et le bonheur ? Le choix le plus facile étant souvent de me laisser porter par les envies de mon beau mâle brun. Un choix qui a l’ailleurs davantage de me laisser surprendre et m’enchanter.
    Je ne le suce que depuis une petite minute, lorsque le bogoss sexy à mort dans son débardeur blanc et sa casquette à l’envers passe ses mains sous mes aisselles, me fait me relever, défait ma ceinture, puis ma braguette. Il me fait pivoter à nouveau, et je me retrouve face au mur à côté de la porte d’entrée. Sans plus attendre, il baisse mon froc et mon boxer, il les cale en bas de mes cuisses. Ses gestes sont fébriles, dictés par une envie on ne peut plus pressante. Une envie, la sienne, que je ressens dans le moindre de ses gestes et qui me met en confiance, car elle me rassure quant à sa fidélité pendant ces dix jours où nous avons été séparés.
    Quant à ses mains qui empoignent fermement mes fesses pour les écarter lentement, avant que sa langue s’insinue fougueusement à l’entrée de mon trou, voilà qui finit d’achever ma moindre réticence.
    Ainsi, lorsque je l’entends cracher dans sa main, lorsque je sens ses doigts humides badigeonner mon trou, je suis déjà complétement à lui. Et je le suis bien avant que son gland ne se presse contre mon trou, et qu’il gagne la résistance de mes muscles sans presque forcer, bien avant que sa queue s’enfonce lentement en moi, bien avant que mon mâle ne prenne réellement possession de mon corps.
    Et lorsque cela arrive, lorsque je l’entends frissonner de plaisir, c’est un bonheur sans commune mesure qui m’envahit. Sa queue enfoncée en moi jusqu’à garde, le bogoss me débarrasse de mon t-shirt, il colle son torse contre le dos. Le contact avec le coton doux de son débardeur est terriblement excitant.
    Le beau mec à casquette à l’envers pousse un dernier, profond soupir de bonheur avant de commencer à me limer. Son torse enveloppe mon dos, l’une de ses mains me branle, l’autre agace mes tétons avec fébrilité. Son parfum m’enivre et m’assomme de plaisir. Je jouis du cul à chacun de ses va-et-vient. Je jouis tellement que je ne peux m’empêcher de lui lancer, comme dans ivre :
    « Qu’est-ce que c’est bon, Jérém, qu’est-ce que c’est bon ! ».
    « Ah oui, c’est bon » je l’entends confirmer, la voix déformée par l’excitation.
    « Vas-y, défonce-moi bien ! ».
    Pour toute réponse, ses mains saisissent mes hanches, les empoignent d’une façon bien ferme, bien virile, me font sentir bien à lui. Ses va-et-vient deviennent plus rapides, plus puissants, ses couilles frappent lourdement les miennes, et c’est terriblement excitant.
    Mais déjà une minute plus tard à peine, la cadence de ses coups de boutoir ralentit presque d’un coup, sa queue s’immobilise au fond de moi. Et là, après un instant de flottement, j’entends Jérém me lancer, la voix étouffée par un frisson qui le dépasse :
    « Ok non… je viens déjà ».
    Ses coups de reins reprennent. Sa main saisit ma queue, recommence à la branler. Lorsque le bogoss lâche un premier râle de plaisir étouffé, je sais qu’il est en train de jouir en moi. Son souffle rapide excite ma peau, ses râles de plaisir ravissent mes oreilles. Les va-et-vient de sa main sur ma queue ne tardent pas à précipiter également mon orgasme à moi. Je jouis à mon tour, dans sa main.
    « Désolé » je l’entends me glisser, alors qu’il se déboîte lentement de moi.
    « Mais de quoi ? » je le questionne, après m’être retourné vers lui, l’avoir serré très fort dans mes bras et avoir posé quelques bisous fébriles dans son cou. J’ai toujours envie de le couvrir de bisous après qu’il m’a fait l’amour.
    « Je suis venu trop vite. Je n’ai pas pu me retenir ».
    Certes, j’aurais aimé que ça dure plus longtemps. Et pourtant, je suis aux anges. Non seulement, en dépit de la durée, j’ai bien pris mon pied. Mais en plus, son envie débordante et sa jouissance rapide me rassurent aussi quant à son abstinence pendant ces dix jours.
    « C’était trop bien, Jérém ».
    « J’avais trop envie ».
    « J’ai vu, et j’ai kiffé, tu peux même pas savoir combien j’ai kiffé ! ».
    « Tu veux boire quelque chose ? » il me demande, tout en se débarrassant enfin de sa casquette et de son débardeur sexy pour me mettre une énième claque en me dévoilant sa nudité. Le bogoss a l’air d’avoir bien chauffé pendant sa quête de l’orgasme.
    Sa nudité désormais totale me confirme ce que son débardeur m’avait largement annoncé. En dix jours de muscu et d’entraînements supplémentaires, le bogoss a encore pris du muscle et sa plastique est un bonheur absolu.
    « Ton jus de mec » je finis par répondre à sa question, ivre de lui.
    « Eh doucement, le coquin. T’inquiète, tu vas l’avoir mon jus, mais laisse-moi d’abord récupérer un peu ».
    « Je rigole ».
    « Tu veux quoi alors ? ».
    « Quelque chose de frais ».
    « Un jus d’orange ? ».
    « Très bien ».
    Je regarde mon bobrun promener sa nudité avec aisance dans la petite pièce, la queue toujours tendue. Je le regarde attraper deux verres dans un petit meuble suspendu et sortir une bouteille de jus d’orange d’un réfrigérateur tout aussi petit, encastré sous la plaque de cuisson.
    Je prends enfin le temps de jeter un regard un peu plus attentif à ce petit espace, une pièce unique où se côtoient une kitchenette minuscule, une table et deux chaises de Barbie, un lit et une porte qui doit donner sur des toilettes, une petite fenêtre qui est la seule source de lumière de la pièce.
    Le bogoss m’apporte un verre de jus orange et un bisou plein d’amour. Lui aussi il boit du jus d’orange. Je le regarde déglutir lentement, je regarde cette pomme d’Adam bien virile s’agiter nerveusement au gré de la descente du liquide dans son corps. Et je trouve cette image furieusement excitante.
    Un instant plus tard, le bogoss ouvre la petite fenêtre et allume sa cigarette inévitable après orgasme. Je suis content de voir qu’il se sert toujours du briquet que je lui ai offert à Campan, ce briquet que j’avais acheté dans la boutique de Martine et que je lui ai offert pour qu’il ne m’oublie pas.
    Je m’approche de lui, je le prends dans mes bras et je jette un premier regard curieux depuis cette fenêtre sans vis-à-vis, une fenêtre ouverte sur Paris. La butte de Montmartre se dresse au loin avec son église blanche reconnaissable entre mille.
    « C’est génial ici, la vue est magnifique et il n’y a même pas de vis-à-vis » je considère.
    « Oui, mais t’as vu comme c’est petit ? C’est même plus petit qu’à Toulouse ».
    « C’est ton petit chez toi, et moi j’aime bien ».
    Jérém termine sa cigarette et s’allonge sur le lit. Pendant un court instant, je suis happé par la vision de mon étalon allongé, et de ses pilosités. Mon mec à moi a du poil sur le visage, il a des poils tout doux sur les avant-bras, il a du poil bien sexy sur le torse, il a du poil bien viril sur les couilles. Mon mec est vraiment un magnifique jeune mâle.
    Je m’allonge à côté de lui, j’ai envie de le prendre dans mes bras. Mais avec l’agilité d’un félin, mon bobrun musclé se glisse sur moi, et il me couvre de bisous.
    « Je suis heureux d’être là » je lui lance.
    « Moi aussi je suis heureux que tu sois venu ».
    Jérém me serre très fort contre lui, je plonge le nez dans ses poils bruns. Je plonge dans un bonheur fait du goût de ses lèvres, du contact avec sa peau chaude et parfumée, de son amour. Dans ses draps, je suis heureux. Les draps d’un gars comme Jérém, et a fortiori lorsqu’il est amoureux, ce n’est rien d’autre que le Paradis sur Terre.
    Mon bobrun se laisse glisser le long de mon torse et me suce. C’est sacrément bon. Tellement bon que je dois me retenir pour ne pas venir trop vite. Et lorsque le bogoss arrête de me sucer et s’allonge sur le lit, les cuisses écartées, la queue raide comme un piquet, je sais ce qu’il attend de moi. J’avale sa queue, je la pompe comme si ma vie en dépendait, jusqu’à le faire copieusement gicler dans ma bouche.
    « Vas-y, pompe bien, comme ça… oui… tu vas l’avoir mon jus… » il me glisse, alors que ses giclées puissantes percutent mon palais.
    Ah putain, qu’est-ce que c’est bon son jus de mâle !
    Après avoir offert ce deuxième orgasme à mon bobrun, après avoir goûté à cette boisson divine qui me fait du bien, nous nous assoupissons l’un dans les bras de l’autre.

    Lorsque j’émerge, mon bobrun est en train de fumer une nouvelle cigarette. Le ciel s’est assombri, la nuit tombe, les bruits de la ville remontent comme amplifiés par la fenêtre ouverte.
    « Il est quelle heure ? » je lui demande.
    « Huit heures et demi passés ».
    Une nouvelle fois je m’approche de lui, je le serre contre moi. Nous nous échangeons des bisous, torse nu contre torse nu, alors que les lumières de la grande ville se déploient devant nos yeux. Jérém écrase son mégot et me lance :
    « Allez, on bouge ! J’ai faim ! ».
    « On va où ? ».
    « Là-bas il me répond, tout en m’indiquant un point bien lumineux au loin.
    « A Montmartre ? ».
    Oui, j’aime bien ce quartier, et il y a plein de petits restos ».
    Jérém part à la douche. A travers la porte laissée entrouverte, je peux constater que la salle de bain est à l’image de l’appart, vraiment minuscule, tout comme la cabine de douche, fermée par un simple rideau. Impossible de se glisser dedans à deux, les douches coquines ce ne sera pas ici.
    Puis, quelque chose attire mon attention, quelque chose nonchalamment abandonné sur le sol, à côté du lavabo, un objet qui semble émettre une vibration propre qui fait résonner bien de cordes sensibles en moi. Il s’agit, évidemment, de son sac de sport aux couleurs de son équipe. Un sac refermé quelques heures plus tôt à la fin de son entraînement et très certainement pas rouvert depuis… ah putain !
    Lorsque mon bobrun revient pour chercher ses fringues, à poil et très fraîchement douché, je n’ai qu’une envie, de refaire l’amour avec lui. Mais il se fait tard, il faut qu’on bouge, comme il l’a dit. Je pars illico à la salle de bain, je ferme la porte.
    Je fais couler l’eau pour faire diversion. Puis, je m’approche du précieux objet, je « décachète » lentement l’épaisse fermeture zip. Je ferme les yeux et je plonge mon nez entre les deux pans entrouverts. Et me voilà instantanément téléporté dans un monde fait d’un merveilleux bouquet de bonheurs olfactifs me donnant une description des plus précises et excitantes du Masculin. Transpiration, gel douche, déo, petites odeurs de mâle : voilà le mélange divin.
    Après quelques intenses secondes d’ivresse, je m’autorise à jeter un œil furtif dans le sac. J’y trouve un trésor constitué d’un boxer orange et d’un débardeur blanc, les deux humides de transpiration ; d’un flacon gel de douche, d’un déo spray ; d’un pantalon de jogging, de deux paires de chaussettes, d’une serviette humide elle aussi ; d’un tube de crème chauffante, et d’une bouteille d’eau entamée. Voilà la panoplie du petit rugbyman sexy.
    Je prends ma douche toujours enivré par les petites intenses odeurs de son sac de sport, je me fais achever par la fragrance de son gel douche.
    Mais lorsque je rejoins mon Jérém dans le séjour, une nouvelle bonne claque m’attend. Blouson d’étudiant américain blanc et vert, posé sur un simple t-shirt blanc à col rond mettant bien en valeur ses pecs rebondis, jeans et baskets blanches : mon Jérém m’a réservé l’une des tenues de bogoss les plus sexy qui soit.
    Nous quittons l’appart, nous empruntons l’ascenseur. Pendant la descente je dois me faire violence pour ne pas lui sauter dessus. Nous voilà dans la rue, lancés dans la nuit parisienne. Je suis si heureux de sortir avec lui ! Je n’arrive toujours pas à croire que cette bombasse de mec est le mien, que je fais l’amour avec lui et qu’il est amoureux de moi. Oui, je suis tellement heureux !
    Nous empruntons la ligne 7 jusqu’à Jaurès, puis la ligne 2. Mon bobrun fonce à coup sûr, il semble désormais bien connaître le réseau du métro, on dirait qu’il est en train de devenir un vrai petit parisien.
    A cette heure, il y a un peu moins de monde que lors de mon arrivée en ville.
    En attendant l’arrivée de la rame, je me fais la réflexion qu’avec son ambiance close, sa météo propre, faite des appels d’air à l’entrée et à la sortie des tunnels ; avec sa bande son propre, les sifflements des freins, les claquements des roues sur les rails, métal sur métal, les bruits d’air comprimé à l’ouverture et fermeture des portes, le métro est un véritable petit univers à part.
    Un univers au décor de ciment et de métal souvent déprimant dans lequel, à mes yeux, seule la concentration de bogossitude possède le pouvoir d’apporter un rayon de soleil.
    Et mon bobrun est d’emblée l’un des piliers, et pas des moindres, de cette bogossitude qui rend le métro supportable.
    Dans la rame, Jérém se fait mater par une nana, et même pas discrètement. Elle doit avoir trente ans au moins, mais le physique de rugbyman et la bonne gueule de mon mec semblent vraiment l’émoustiller. J’ai envie d’aller la gifler, même si je comprends son attirance.
    Elle ne quitte pas mon Jérém des yeux et lui lance de grands sourires. Mon bobrun s’en rend compte, et il détourne aussitôt son regard. Il me sourit. D’ailleurs, ce n’est pas la seule meuf par qui il se fait mater. J’ai l’impression que, plus ou moins discrètement, la plupart des nanas dans la rame matent ce petit Dieu vivant qui vient de me faire l’amour. Si elles savaient !
    J’ai même l’impression qu’il y a des mecs qui le matent, ce qui m’inquiète encore plus.
    Un gars embarque à l’un des arrêts. Il doit avoir à peine 2-3 ans de plus que nous, et c’est une bombasse absolue. Un brun incendiaire à la peau mate, avec l’une de ces bonnes petites gueules à faire jouir avec une urgence plus qu’absolue. Une urgence qui se dégage de ses très beaux traits, de ses yeux très noirs, d’un regard à la fois doux, touchant, mais terriblement coquin, malicieux, intrigant.
    Le gars doit faire la même taille que mon Jérém, mais avec un corps plus élancé, moins musclé, mais un corps de parfait petit con, une plastique mise en valeur par une chemisette à carreaux noirs et blancs et qui lui va comme un gant et dont les boutons ouverts en haut dévoilent une naissance de pecs des plus appétissantes. Ses lunettes à la monture noire assez épaisse lui donnent un coté intello hyper sexy qui finit de m’assommer. Le gars est typiquement le genre qui me rend dingue, car il dégage une sensualité de fou, et sa simple présence est un appel hurlant au sexe.
    « Eh, je t’ai vu » j’entends Jérém me glisser discrètement à l’oreille.
    « De quoi ? » je tente de me dérober, en me sachant pris avec « le regard sur le bogoss ».
    « Arrête de le mater » il précise son propos, sur un ton amusé.
    Je ne sais pas trop quoi lui répondre, je m’en veux qu’il puisse croire que je mate ce mec parce que je le trouve plus mignon que lui. Même si en même temps je me dis qu’il est normal de regarder un beau mec, surtout un si beau mec. Comment faire autrement ?
    « J’ai vu que tu as maté le mec avec les lunettes » il enchaîne.
    « Il faudrait être hétéro pour ne pas mater un mec comme toi et lui… ou bien aveugle ! Il y a les trois quarts de la rame qui vous matent ! ».
    Mon bobrun se contente alors de me lancer un sourire des plus canailles.
    « Et puis, si tu as vu que je le matais, c’est que toi aussi tu l’as remarqué ! » je lui lance à la cantonade, alors que nous venons de sortir de la rame et que nous remontons vers la surface.
    « C’est vrai qu’il n’était pas mal du tout ! ».
    C’est à la fois l’apanage et le drame des couples de même sexe de pouvoir tenir ce genre de conversation au sujet d’une même personne. Souvent, on comprend l’attirance de son partenaire pour l’autre, car cet autre suscite en nous exactement la même.
    Nous émergeons à Pigalle, et nous retrouvons Paris en sortant par un accès de métro en parfait style liberty. Nous débarquons non loin du Moulin Rouge, de sa façade rouge, de ses pales en rotation lente. Le Moulin Rouge, ce lieu fabuleux, dont le mythe a été récemment sublimé par le superbe film de Baz Luhrmann avec une Nicole Kidman étincelante et une Ewan McGregor plutôt charmant.
    Me voilà enfin à Paris ! Le vrai, celui qu’on imagine en pensant à cette ville.
    Nous prenons le funiculaire, nous traînons un peu dans le quartier. Avec ses petites rues pavées, ses petites places, sa végétation, son absence presque totale de voitures, son ambiance ressemble à celle d’un village, le quartier de Montmartre possède un charme particulier. On sait qu’on est entourés par la ville, mais l’illusion d’être ailleurs est presque parfaite. Montmartre accueillant, chaleureux et romantique, dont chaque coin dégage une sensation de calme et d’harmonie si propice aux amoureux.
    La terrasse devant le Sacré Cœur offre une vue splendide sur la ville. Depuis là-haut, on a l’impression d’avoir Paris à nos pieds. Ce soir, je suis heureux, heureux comme je ne le suis qu’en compagnie de mon homme. Ce soir, la ville et la vie me paraissent belles comme jamais.
    Au détour d’une rue déserte, mon bobrun m’attire soudainement contre lui et m’embrasse fougueusement. Ce soir il a ce côté joueur, ce côté chien foufou qui me fait craquer au plus haut point. Et il est si sexy dans sa tenue t-shirt blanc, blouson d’étudiant bicolore !
    Jérém a l’air si heureux de me retrouver, et moi je suis si heureux de constater que la magie Campan continue même à Paris ! Et moi qui me faisait tant de souci ! Je suis tellement rassuré par son attitude, mille fois plus rassuré qu’après toutes les discussions du monde. Je n’ai même plus envie de lui parler de fidélité, de protection, de l’avenir de notre relation. J’ai simplement envie d’y croire. Et à cet instant précis, je n’ai aucun mal à le faire.
    Nous croisons de nombreux couples, dont certains sont en train de s’embrasser. Je ressens un pincement au cœur en pensant que je voudrais pouvoir avoir la liberté d’aimer mon Jérém comme s’aiment ces couples, mais que je ne le peux pas. Non pas que je tienne particulièrement à m’afficher mon amour en public. Mais c’est précisément la conscience de ne pas pouvoir le faire qui me fait chier !
    D’autant plus que, même si je le pouvais, je ne suis pas certain que j’aimerais me laisser aller à des effusions publiques ostentatoires comme le font certains couples hétéros. Non pas que ce ne soit pas joli. Je me dis que tant d’étalage d’amour pourrait froisser certain qui « haïssent les couples qui leur rappellent qu’ils sont seuls ».
    Oui, Montmartre est l’endroit de l’amour. Et à l’image de l’amour, rien n’est plat à Montmartre, à chaque pas on monte ou on descend. Lorsque ça redevient plat, c’est que nous ne sommes plus à Montmartre.
    Dans une rue bien en pente, Jérém repère un petit resto à l’allure plutôt rustique et accueillante.
    « C’est un resto à fondue » il me lance, après avoir regardé la carte.
    « Ça te dit ? » il me presse, face à mon hésitation.
    « Si pour toi ça va, pour moi c’est ok ».
    Une fois la porte franchie, l’impression dégagée par la façade se confirme. Nous plongeons dans un petit local aux boiseries bien rustiques, avec des poutres apparentes, des tables et des bancs en bois, avec une ambiance taverne renforcée par une immense cheminée qui domine un mur entier de la petite salle et dans laquelle un beau feu est en train de réchauffer l’air et les esprits. Surtout le mien. Car cette cheminé m’en rappelle une autre, devant laquelle j’ai fait l’amour tant de fois avec mon Jérém.
    La petite salle compte une dizaine de tables, dont à peine la moitié sont occupées. Le propriétaire nous installe juste à côté du feu, sur une table pour quatre. Jérém commande direct une fondue pour deux et une bouteille de blanc sec.
    A côté du feu, Jérém a vite chaud. Il ôte alors son blouson sexy et fait péter son t-shirt blanc tout aussi sexy. Il s’agit d’un t-shirt de marque super bien coupé, tendu sur ses pecs, ses épaules, ses biceps qui semblent prêts à craquer les manchettes, un blanc tellement parfait qui, de la même façon que le débardeur de toute à l’heure, met superbement en valeur la couleur mate de sa peau et le dessin de ses tatouages. Il est tellement sexy, j’ai tellement envie de lui !
    Il ne manque qu’un détail au tableau, une chaînette sexy à son cou. Car son cou est nu depuis qu’il m’a donné la sienne au moment de nous quitter à Campan. Mais ce manque ne va pas tarder à être rattrapé, mon bobrun aura bientôt une belle chaînette de mec en cadeau d’anniversaire.
    « J’ai trop faim ! » il me lance, comme un gosse.
    J’ai faim aussi, le sexe ouvre l’appétit.
    L’hôte nous amène un apéritif maison pour nous faire patienter. C’est sucré, ça passe bien avec les petits feuilletés qui l’accompagnent. Je regarde le feu, je regarde mon Jérém, je suis tellement heureux !
    J’ai bu mon verre un peu vite, l’alcool sucré me monte à la tête, je me sens tout chaud, je me sens partir vers une ivresse où je perds pied, où j’ai juste envie de rigoler, de lui dire à quel point je suis fou de lui, à quel point je l’aime, et de lui faire des milliards de bisous.
    L’hôte arrive avec la marmite à fondue posée sur un réchaud lui-même posé sur une épaisse planche de bois, accompagnée d’une corbeille remplie de morceaux de pain. Jérém en enfourche aussitôt un et il le trempe dans le fromage fondu.
    « Bon appétit bogoss » il me lance discrètement, en retirant son bout de pain généreusement enveloppé dans le fromage doré.
    « C’est toi le bogoss » je lui relance, toujours ivre, le regard rivé sur ce t-shirt bien ajusté qui fait ressortir chacun des muscles de son torse de fou.
    « Bon appétit ! » je me rappelle de lui répondre, après un moment de flottement.
    La fondue, c’est bon, très bon. Mais la partager dans ce petit resto, à Montmartre, à côté du feu, avec le gars que j’aime, c’est absolument fabuleux. Oui, ce petit resto me rappelle l’intimité de la petite maison en pierre à Campan. Mais aussi la bonne franquette de la soirée passée avec les cavaliers de l’ABCR, devant un autre beau feu. Là aussi on avait mangé de la fondue, faite par les mains expertes de Martine. De beaux souvenirs, les premiers vraiment heureux avec mon bobrun.
    Jérém me ressert du blanc sec, ce qui entretien ma petite ivresse, ma sensation de planer sur mon bonheur absolu.
    Nous trempons nos bouts de pain dans le fromage fondu. La fondue est délicieuse, la compagnie de mon Jérém l’est encore plus. Il me parle de son intégration dans l’équipe, de ses nouveaux potes, d’Ulysse, en qui il a trouvé un nouveau pote, quelqu’un qui lui fait confiance et qui l’aide à progresser. Ulysse, un gars pour lequel Jérém semble avoir beaucoup d’admiration et d’estime. Ulysse, un prénom qui revient bien souvent dans la conversation.
    Mais il ressemble à quoi cet Ulysse ? J’aimerais bien le voir. Est-ce que ce week-end va m’en offrir l’occasion ?
    Vers la fin du repas, lorsque la partie la plus épaisse du fromage s’agglutine au fond du caquelon, nous retirons nos croutons en même temps. Ils ressortent reliés par de nombreux fils de fromage. Une image qui me fait sourire, car elle me fait repenser à la fameuse scène des spaghettis dans le dessin animé « La belle et le clochard ».
    Nos regards se croisent, Jérém se marre.
    « Pourquoi tu rigoles ? » je le questionne.
    « Ça ne te fait pas penser à quelque chose ? » fait le bobrun en indiquant nos morceaux de pain reliés par un épais fil de fromage.
    Notre complicité est parfaite, je suis tellement bien, je suis tellement heureux !
    « Si, un dessin animé ».
    Le bogoss me sourit. Son regard me fait fondre, son sourire me fait fondre, notre complicité me rend fou. J’ai tellement envie de lui faire des bisous, de le sentir contre moi, de faire l’amour avec lui.
    Au moment de l’addition, je propose de payer la note. Il refuse. Je lui propose alors de partager la note. Il refuse à nouveau, j’insiste. Comme d’hab, je n’aurai pas le dernier mot.
    « J’ai dit que je t’invite, alors je t’invite ».
    « Mais pourquoi ? ».
    « Parce que. Tu es venu à Paris et puis ça me fait plaisir ».
    De toute façon je suis toujours pompette, je n’ai pas le cran de lui tenir tête. Jérém m’offre un resto et du bonheur, beaucoup de bonheur.
    Dans la rue, la fraîcheur de l’air me secoue un peu de mon engourdissement. Nous marchons en direction de l’escalier pour aller reprendre le métro lorsque, sortant d’une fenêtre, j’entends s’échapper une musique familière. Je reconnais immédiatement l’air d’une chanson qui était dans la collection de 45 tours de maman. Une chanson au rythme entraînant, guilleret, qui inspire la joie, qui fait se sentir bien et que je ne me lassais pas d’écouter en boucle à l’époque.

    Noyés de bleu sous le ciel grec
    Un bateau, deux bateaux, trois bateaux s’en vont chantant
    Griffant le ciel à coups de bec
    Un oiseau, deux oiseaux, trois oiseaux font du beau temps
    (…)
    Mon dieu que j’aime ce port du bout du monde
    Que le soleil inonde de ses reflets dorés
    Mon dieu que j’aime sous leurs bonnets oranges
    Tous les visages d’anges des enfants du Pirée

    Soudain, je repense à Dalida, cette chanteuse à la carrière étincelante et au destin tragique, Dalida qui vivait, justement, à Montmartre. Soudain, l’ivresse complice, j’ai envie d’une petite folie. J’en fais part à Jérém, qui se moque de moi. Je fonce. Je ne connais pas le nom de la rue. Je demande à des passants, on me renseigne, mais j’ai du mal à trouver. A force de tourner, on finit par tomber sur la place portant le nom de Dalida ainsi qu’un buste de la chanteuse.
    « Nous ne devons pas être bien loin ».
    « T’es pas pd pour rien » me taquine Jérém.
    « Et toi t’es un pur hétéro ».
    « Pourquoi, t’en doutes ? » il fait, moqueur.
    Je finis par tomber sur un passant qui m’indique exactement la marche à suivre. Et au bout de quelques minutes, nous y sommes. La voilà, dans la petite et discrète rue d’Orchampt, la grande maison à plusieurs étages et à l’architecture si particulière où Dalida a vécu pendant tant d’années. Avant de se donner la mort, en un triste dimanche de mai, parce que la vie lui était devenue insupportable. Quel gâchis qu’elle en soit arrivée là, qu’elle ait été si malheureuse, elle qui a donné tant de joie et d’espoir à tant de gens et pendant trois décennies.
    « T’es heureux ? » se moque Jérém.
    « Tu dois me prendre pour un barj ! ».
    « Tu veux qu’on sonne pour demander si elle nous offre un café ? » il me taquine.
    « T’es con ! ».
    « Aaaaarrivaaaaa Gigi l’amorosooooooooooooo ! » je l’entends entonner.
    « Mais tais-toi, tu me fais la honte ! ».
    « On peut rentrer maintenant ? ».
    « Oui, on peut, oui. J’ai envie de toi ».
    « Moi aussi ».
    Nous descendons les marches de la butte. Là encore, nous croisons des couples qui ont l’air bien amoureux, qui se font des bisous. Là encore, je me fais violence pour ne pas enlacer mon bobrun et le couvrir de bisous à mon tour. Faute de mieux, je me dis que l’attente ne fait que faire monter l’excitation.
    Mais alors que je m’attends à rentrer directement à l’appart, mon bobrun me conduit vers une ligne de métro qui n’est pas du tout celle que nous avons empruntée pour venir à Montmartre.
    « Mais t’es sûr que c’est la bonne ligne ? » je l’interpelle.
    « Oui. Mais on ne va pas rentrer tout de suite. Je vais t’amener quelque part ».
    Je le suis, impatient de découvrir la surprise que me prépare mon bobrun.
    Lorsque nous émergeons à nouveau dans la ville réelle, nous sommes à proximité de la Tour Eiffel. Il est 22h55.
    « Dépêche, on va rater le spectacle » il me lance, après avoir regardé sa montre.
    « Quel spectacle ? ».
    « Tu vas voir ».
    Je continue de suivre mon bobrun qui avance presque au pas de course. Il s’arrête enfin aux pieds de la grande tour, à proximité d’un port de bateau mouche. Il regarde à nouveau l’heure.
    « Ça devrait arriver dans pas longtemps ».
    Le bogoss a tout juste le temps de terminer sa phrase, lorsque la robe de la dame de fer se met à clignoter de tous ses feux.
    J’avais entendu parler du scintillement de la tour au début de chaque heure. Mais le voir de si près, c’est magique. Et le voir en compagnie de Jérém, et parce que c’est lui qui m’y a amené, est juste incroyable. Dans un coin de ma tête, je me demande comment mon bobrun connaît ce coin permettant de bien voir le scintillement de la tour. Je me demande surtout qui lui a fait connaître, s’il est venu seul, ou avec qui il est venu ici auparavant. Mais je suis tellement bien à cet instant précis, que je choisis de ne pas penser à ça. Dans la nuit complice, mes doigts cherchent discrètement les siens, les trouvent, les enlacent.
    Puis, alors que le scintillement n’est même pas terminé, mon bobrun me regarde droit dans les yeux et me lance :
    « Ça te dit un tour de bateau sur la Seine ? ».
    « Oui, bien sûr ! ».
    Même s’il me tarde de rentrer pour refaire l’amour avec lui, cette petite balade parisienne nocturne me rend heureux comme jamais. J’ai envie que cette nuit ne se termine jamais. J’ai envie de l’embrasser. J’ai envie de tout avec lui. Ah, putain, qu’est-ce qu’il est craquant, Jérém, avec son blouson vert et blanc, complètement ouvert sur son t-shirt blanc collé à ses pecs !
    « Si on se dépêche on va arriver à attraper le dernier départ ».
    En effet, nous arrivons à embarquer juste avant que les portes ne se ferment derrière nous.
    La croisière démarre, le bateau tangue sur les eaux de la Seine. L’air du soir est frais, ça chatouille la peau et les yeux.  Nous nous éloignons de la Tour Eiffel pendant qu’une sono défaillante nous égraine les monuments que nous trouvons sur notre parcours. Les Invalides, le pont de l’Alma tristement connu depuis 5 ans, le Musée d’Orsay (que je veux visiter à tout prix, car j’adore les peintres impressionnistes), l’Ile de la Cité, la cathédrale de Notre Dame à la silhouette imposante, le pont Alexandre III, le pont Napoléon, la Conciergerie, l’Hôtel de Ville, la Concorde, le Musée du Louvre, le Grand Palais.
    Je regarde mon Jérém, lui aussi visiblement impressionné par ce petit aperçu de la grandeur de notre capitale.
    « Tu avais déjà fait un tour en bateau mouche ? » je le questionne.
    « Non, c’est la première fois. Ça fait des semaines que j’en ai envie. Mais j’attendais de le faire avec toi ».
    « Je t’aime, Jérém ! ».
    Le bobrun me sourit. Son sourire est beau comme l’amour et doux comme une caresse.
    Ce tour en bateau mouche est comme une petite mise en bouche de Paris, comme la bande annonce savamment orchestrée d’un film qui s’annonce particulièrement spectaculaire. Toulouse est une belle ville, et c’est ma ville de cœur, car c’est ma ville. Mais Paris, elle a l’élégance, la stature, le charme, la grandeur, l’allure, la prestance d’une capitale. A Paris, on a l’impression d’être au centre du monde.
    Après avoir fait le tour de l’Ile de la Cité, le bateau revient en sens inverse sur la Seine. Et quelques minutes plus tard, nous approchons à nouveau la Tour Eiffel, le début et la fin de notre petite croisière.
    Nous retrouvons la terre ferme, et je me retrouve à marcher sur les quais avec mon bobrun. Il allume une cigarette et par moments, l’odeur de la fumée arrive à mes narines. C’est une odeur qui m’émeut car elle parle de la présence de mon bobrun à mes côtés.
    Dans la nuit de la ville inconnue, je me sens en sécurité avec Jérém à mes côtés. J’ai l’impression de vivre dans un rêve.
    Jérém est en pleine phase de déconnade, il n’arrête pas de raconter des bêtises, il me taquine, il me chatouille. J’ai l’impression que la bouteille du restaurant qu’il s’est sifflé aux trois quarts n’a pas fini de faire ressentir ses effets. J’adore quand mon Jérém est comme ça. Quand il est un peu éméché sans être « rôti », quand il a l’alcool joyeux, qui s’accompagne souvent à l’« alcool baiseur ».
    Une demi-heure plus tard, je retrouve l’immeuble déjà si familier, je frissonne à l’idée de me renfermer dans ce petit terrier avec mon bobrun, de l’avoir tout pour moi, de pouvoir lui faire mille bisous, de me blottir contre lui, de faire l’amour avec lui.
    Dans l’ascenseur, nous nous tenons sagement. Mais une fois dans le petit appartement, Jérém me saute carrément dessus, il m’embrasse avec une ardeur que je lui ai rarement connue. Le bogoss se débarrasse de son blouson, il fait voler son t-shirt blanc. Puis, il s’attaque à mon blouson et à mon t-shirt à moi. Nous voilà torse contre torse, peau contre peau. Jérém me serre très fort contre lui. Son visage plonge dans le creux de mon épaule, il distille un chapelet infini de bisous. Ses mains caressent fébrilement mon dos, elles remontent ma colonne vertébrale jusqu’à s’enfoncer dans mes cheveux.
    Le bobrun semble prendre un plaisir certain à me sentir contre lui. Et lorsque ses mains quittent mon dos pour partir à l’assaut de mes tétons, lorsque je sens sa queue monter, j’entreprends illico de défaire sa braguette, tout en me penchant pour mordiller ses tétons. Ma main s’est déjà glissée dans son boxer pour saisir son manche raide et le caresser avec des va-et-vient lents qui lui font du bien, lorsque mon Jérém attrape ma tête pour m’embrasser encore et encore, fou de désir.
    Mais un instant plus tard, le bogoss n’en peut déjà plus. Ses envies de mâle le submergent. Il de débarrasse de son froc et de son boxer. Et là, nu et beau comme un Dieu, il pose une main lourde sur mon épaule pour m’inviter à me mettre à genoux. Jérém a envie de se faire sucer, il en a vraiment très envie.
    Sans plus tarder, je me jette sur sa queue, je m’applique à titiller son gland. Puis, je l’avale doucement, je la pompe doucement. Mais déjà sa main se pose sur ma nuque, et ses coups de reins donnent plus d’amplitude à mes va-et-vient.
    Très vite, les oscillations de son bassin se font de plus en plus puissantes, pendant que la prise de ses mains sur ma nuque devient de plus en plus ferme, de plus en plus serrée.
    « Vas-y pompe bien, je sais que tu kiffes ma queue. Elle est bonne hein ? Tu pompes bien, oui, oui, oui… vas-y comme ça, tu vas me faire jouir et tu vas bien avaler… je sais que tu as envie d’avaler parce que tu me kiffes grave… ».
    Toute expression verbale m’étant impossible dans cette situation, ma seule réponse pour entériner ses provocations viriles, est un redoublement d’intensité de mes va-et-vient, dans la tentative de dépasser celle de ses coups de reins qui, eux aussi, ne font qu’augmenter en puissance.
    Ah putain ! Qu’est-ce que j’aime quand il est comme ça, très mec, un bon peu macho, dominant.
    Bien sûr, j’adore le Jérém amoureux, câlin, adorable, qui se soucie de mon plaisir, qui assume le fait d’avoir même parfois envie d’être passif. Mais qu’est-ce que ça me rend dingue quand il est dans cet état, chaud comme la braise, bien décidé à prendre son pied de la façon dont il l’entend. J’aime ce côté queutard bien chaud.
    Est-ce que le vin y est pour quelque chose ? Est-ce que l’ivresse d’alcool a le pouvoir de réveiller son côté macho et de lui donner envie de ressentir une autre ivresse, celle de se sentir mâle dominant qui ne se préoccupe que de son seul plaisir ?
    Pendant un instant, j’ai l’impression d’être revenu dans l’appart de la rue de la Colombette à Toulouse, lorsque je n’étais que son vide couilles. Et je trouve ça sacrement excitant. Et j’adore me soumettre à sa fougue virile.
    « Allez, pompe bien, vas-y ! » il revient à la charge.
    Je tente de le contenter du mieux que je peux. Mais un instant plus tard déjà, ses mains saisissent mes épaules, me font pivoter. Je me retrouve la tête coincée entre le mur de l’appart et le mur de ses abdos, sa queue gonflée à bloc qui remplit ma bouche, son gland qui tape bien au fond de mon palais.
    « Tu le veux mon jus, hein ? ».
    Pour toute réponse, je pousse un grognement qui se veut affirmatif.
    Et un instant plus tard, je le sens frissonner, ahaner bruyamment. Je sens son orgasme venir. Je sens son jus arriver en pression et gonfler la partie inférieure de sa queue. Et alors que de nombreuses giclées, lourdes, chaudes et denses percutent ma langue, je l’entends lâcher des mots qui, sur le coup, resonnent de façon terriblement excitante :
    « Ahhh, je viens… vas-y, avale… avale… avale jusqu’à la dernière goutte… allez !… vas-y, avale… salope ! ».
    Une fois ses éjaculations terminées, le bogoss s’extirpe rapidement de moi. Il me tend aussitôt la main, il m’aide à me relever.
    « Ça va ? » il me questionne, le regard dans le vide, alors qu’il reprend son souffle.
    « Oh, oui, ça va, surtout depuis que je peux à nouveau respirer » je me moque.
    « Je suis désolé, je ne sais pas ce qui m’a pris » il me lance, après avoir tiré une longue taffe sur la cigarette qu’il vient de s’allumer près de la fenêtre ouverte.
    « C’était terriblement excitant » je tente de le rassurer.
    « J’y ai été un peu fort, non ? ».
    « T’inquiètes, je kiffe ça aussi. ».
    « J’ai trop bu ».
    « Vraiment, il n’y a pas de mal, c’était vraiment excitant ».
    « Désolé de t’avoir traité de salo… ».
    « Je te rassure, je kiffe ça aussi quand on est en mode baise » je le coupe « Je kiffe faire l’amour avec toi, et je kiffe quand tu joues ton bon macho dominant. Il y a tellement de façons de se faire du bien ».
    « Coquin, va ! ».
    Après la cigarette, nous nous retrouvons au lit, dans les bras l’un de l’autre. Jérém caresse mon torse, pince mes tétons. Ses lèvres et sa langue titillent chaque millimètre de ma peau, et provoquent en moi d’infinis frissons. Je bande comme un fou.
    Quelques instants plus tard, sa langue glisse sur mes couilles, puis s’attarde sur mon gland. Le bobrun me suce. Puis, il me demande de lui faire l’amour. Pas avec des mots, juste avec des gestes. Il s’allonge sur le dos, il écarte ses cuisses, il me regarde droit dans les yeux, il attrape ma main, il m’attire contre lui.
    Lorsque mon gland gagne la résistance de ses muscles, lorsque je m’enfonce entre les cuisses terriblement fermes de mon beau rugbyman, j’ai l’impression de me téléporter dans une autre dimension, un monde extraordinaire où tout n’est que plaisir inouï, une sorte de Paradis pour garçons.
    Un orage éclate au loin, les éclairs flashent dans la petite pièce, le tonnerre fait trembler les murs. Je suis en train de limer mon bobrun, tout en écoutant chacun de ses ahanements, tout en me félicitant de chacun de ses frissons, tout en guettant chacune des expressions de plaisir qui balaient son beau visage de mec. La pluie commence à tomber, faisant résonner les plaques de zinc recouvrant le toit juste au-dessus de nos têtes, de nos ébats. Ce moment aussi me rappelle Campan, le jour où nous avons fait l’amour, avant d’aller annoncer à Charlène que Jérém partait pour Paris, le jour où New York a vécu l’épisode le plus sombre de son histoire.
    Je regarde mon Jérém, les bras et les mains abandonnés sur le matelas, loin de sa queue raide, de son gland luisant, je le regarde jouir du plaisir que ma queue sait lui offrir. Faire jouir un mec comme Jérém, de cette façon, le sentir souffler, gémir, prendre son pied, c’est tellement beau, tellement excitant et ça fait sacrément du bien à son propre égo !
    « Vas-y défonce moi, montre-moi que tu as des couilles ! » il me cherche.
    Je le lime de plus en plus vite, je laisse mes coups de boutoir se déchaîner. Je suis en nage, et je prends mon pied comme jamais.
    « Ah, oui, comme ça, c’est comme ça que c’est bon ! Allez, Nico, montre-moi qui est le mec cette nuit ! ».
    Et là, soudain, une idée traverse mon esprit vrillé par le plaisir. J’arrête mes va-et-vient, et je m’arrête bien au fond de son cul, je le possède de toute ma bite qui est d’ailleurs à deux doigts de jouir.
    « Tu la sens bien là ? » je le cherche.
    « Oh oui, je la sens bien, oui ! ».
    « Et tu la kiffes ? ».
    « Grave ! T’es un vrai petit mec ! ».
    Ses mots me galvanisent, me donnent de l’assurance.
    « Je te baise bien, hein ? » je poursuis dans mon délire. Un délire qui me semblait un peu artificiel au début, mais qui, au vu de la réaction de Jérém et de mon excitation, commence à prendre sens dans ma tête. Oui, je peux aussi jouer les petits machos pendant que je baise mon Jérém…
    « Tu fais ça comme un chef ».
    « T’as envie que je te gicle dans le cul ? » je me lâche.
    « Oh que oui ! ».
    « J’ai pas entendu… t’as envie que je te fourre le cul ? ».
    Je n’arrive même pas à croire que ces mots sortent de ma bouche à l’adresse du mec qui m’a dépucelé il y a tout juste quelques mois. Et pourtant, cette nuit c’est bien moi qui tiens le rôle que Jérém a tenu tant de fois avec moi.
    « Fais-toi plaisir, p’tit mec… » je l’entends me lancer.
    Sur ce, transporté par un instinct de plaisir capable de lui ôter toute pudeur, le bobrun écarte un peu plus encore ses cuisses musclées, il se donne à moi comme jamais.
    Et pendant que mes mains prennent appui tour à tour sur ses pecs saillants et poilus, sur ses biceps rebondis, sur ses épaules charpentées, les siennes agrippent mes biceps à moi, caressent mes pecs, agacent mes tétons, caressent mes joues. Ses doigts fébriles traduisent la fébrilité de son excitation.
    « T’es beau Nico » je l’entends me lancer.
    « Toi aussi tu es beau ».
    « Vas-y, prends ton pied ».
    « Tu peux pas savoir à quel point je le prends ».
    Ses doigts pincent mes tétons sans relâche et finissent par provoquer Le frisson qui déclenche l’étincelle de mon orgasme.
    Un nouvel éclair flashe dans la pièce, la pluie redouble d’intensité. Mon plaisir s’emballe et échappe à mon contrôle.
    « Je vais jouir » j’annonce à mon beau brun qui, depuis quelques instants, a recommencé à se branler.
    Et alors que je sens de nombreuses giclées partir de ma queue, je vois une, deux, trois, plusieurs trainées blanches et brillantes s’abattre sur ses abdos, entre ses pecs, sur ses poils.
    Gicler dans son beau cul musclé me parait tellement irréel que j’en perds toute raison. Voir mon Jérém jouir en même temps, c’est géant.
    Une nouvelle cigarette à la fenêtre, les corps toujours vibrants de plaisir, les esprits vibrant d’amour, de nouveaux câlins avec vue sur la nuit parisienne, la pluie en fond sonore : c’est le bonheur d’être ensemble, heureux à deux.
    Pendant la nuit, mon bobrun me fait l’amour une nouvelle fois. Il me prend par devant, position que j’adore parce que, en plus de me permettre de bien sentir ses coups de reins, cette position m’offre le bonheur de le voir prendre son pied, de voir ses abdos onduler au rythme de ses va-et-vient, de voir ses biceps et ses pecs saillants se contracter lorsque ses mains empoignent tour à tour mes hanches et mes cuisses pour mieux me pénétrer, m’envahir, me posséder.
    Voir mon mâle prendre son pied, sentir son pieu raide coulisser en moi alors que même pas une heure plus tôt j’ai lâché mon jus dans son cul, c’est juste divin.
    Ce qui est génial dans l’amour entre mecs, c’est de pouvoir se donner du plaisir dans tant de façons différentes. Au début de ma relation, j’ai cru que mon bobrun ferait définitivement de moi un homo passif. Je sais désormais qu’il est en train de faire découvrir toutes les facettes du plaisir entre mecs.
    Une fois de plus, après l’amour, je me retrouve blotti dans ses bras, réchauffé, réconforté, câliné par sa pilosité mâle.
    « Qu’est-ce qu’ils sont beaux tes poils ! » je ne peux m’empêcher de lui lancer.
    « Je ne sais pas si je vais les garder encore longtemps ».
    « Jamais plus tu coupes cette merveille ! Tu me l’as promis à Campan ! ».
    « Il va bien falloir… ».
    « Et pourquoi ? ».
    « Ils commencent à trop pousser, les gars se moquent de moi dans les vestiaires ».
    « Ils sont jaloux ! ».
    Jérém se marre sous la moustache.
    « Moi je les aime » j’insiste « je ne peux même pas te dire à quel point je les aime. Je te trouve tellement viril et sexy avec ces poils ! ».
    « Pourquoi, quand je me rasais je ressemblais à une gonzesse ? ».
    « Je n’ai pas dit ça… je dis juste que ces poils naturels ajoutent un côté très viril qui me rend fou… ».
    « Tu l’aimes bien ton mâle… ».
    « Oh que oui, tu es mon mâle… » je m’empresse de lui confirmer.
    « Sauf quand je te laisse me prendre… ».
    « C’est pas parce que tu me laisse te prendre que tu es moins mâle à mes yeux… au contraire, je pense qu’il faut des couilles pour assumer ses envies, et en particulier cette envie ».
    « Je me sens bien avec toi, Nico ».
    « Moi aussi je me sens bien avec toi, Jérém ».
    « Je t’aime, Jérém ».
    « Tu es mignon et tellement touchant » il finit par me chuchoter, après un instant de silence, tout en me couvrant de bisous.
    Une fois encore, je me demande si un jour mon Jérém arrivera à me dira « Je t’aime » à son tour.
    « Je suis fatigué, Nico. J’ai besoin de dormir » je l’entends m’annoncer pendant qu’il remonte la couette.
    « Tu n’as plus l’âge » je me moque.
    « Mais ta gueule ! Les entraînements me tuent, et demain il y a match ».
    « C’est dur de s’intégrer dans l’équipe ? ».
    « Tu peux pas savoir à quel point… les gars sont tous plus balèzes les uns que les autres. Si je veux me faire une place, je vais devoir bosser comme un malade ».
    « Mais tu vas y arriver ».
    « Je l’espère, mais rien n’est encore gagné ».
    « Je crois en toi, je sais que tu vas faire une grande carrière ».
    « Si tu le dis ! En attendant, j’ai du mal à suivre, aux entraînements ».
    « Et qu’est-ce qu’ils en disent tes co-équipiers ? ».
    « Rien, parce qu’on ne parle pas de ça entre nous. Si on se montre faibles, on devient vite la risée du vestiaire. Alors, on serre les dents et on prend sur nous. Même si on a mal. Ulysse est le seul qui m’encourage et qui me soutient toujours ».
    Ulysse, toujours Ulysse…
    « Il a vraiment l’air sympa ce gars ».
    « Il est génial, un vrai pote, un bon mec ».
    « Tu es la seule personne à qui j’ai parlé de ça »il enchaîne « même Maxime n’est pas au courant que je trime ».
    Ses doutes, ses craintes, sa façon de me les avouer rien qu’à moi, tour cela me touche profondément. Car cette petite faiblesse de mon Jérém le rend un peu plus humain encore.
    « Ulysse m’a dit que lui aussi il avait peur de ne pas y arriver au début. Il m’a dit qu’il faut tenir bon, ne pas se focaliser sur ses faiblesses, cultiver ses forces, et avancer chaque jour un peu plus ».
    « Il est de bon conseil ce gars ».
    « Oui, de très bon conseil ».
    « Au fait, je peux te faire assister au match si tu veux… enfin… si tu n’as pas envie de faire autre chose demain après-midi… ».
    « Il y a plein de choses à voir à Paris, mais rien qui ne puisse attendre, rien de plus important que de voir mon champion de mec jouer au rugby ».
    Et aussi de voir enfin la tête de ce sacré Ulysse, je me dis dans ma tête.
    « Doucement, avec le champion, il débute tout juste ! » il me lance, avec un petit sourire semblant trahir son plaisir de m’entendre l’appeler de cette façon. Mon bobrun a besoin d’être rassuré, et je me plais bien dans ce rôle.
    Jérém va avoir 20 ans et je n’ai jamais été aussi heureux avec lui. Cette nuit, je m’endors dans ses bras, heureux comme jamais. Cette nuit je me dis que, définitivement, la réaction de mon père face à mon coming out n’a pas de sens (1). Comment on peut ne pas comprendre ce bonheur ?

    (1)    Association « Le refuge ».

    Nico n’est pas dans un cas extrême de rejet par sa famille à cause de son homosexualité. Certes, son père vit mal cela, mais il a la chance d’avoir une mère qui le soutient, et il ne risque pas d’être mis à la porte et privé de ressources à cause de sa différence.
    Il n’en va pas de même pour tous les jeunes qui choisissent de faire leur coming out, ou qui sont « outés » malgré eux auprès de leurs familles.
    Même en 2020, certains sont encore mis à la porte, privés de ressources. D’autres sont victimes d’homophobie, de harcèlement.
    Pour tous les jeunes qui sont victimes d’homophobie et de transphobie, y compris dans le cadre de leur propre cellule familiale, il existe une association qui peut leur venir en aide.
    C’est le REFUGE.
    https://www.le-refuge.org/
    Le Refuge est une fondation française conventionnée par l’État dont la vocation est d’offrir un hébergement temporaire et un accompagnement social, médical, psychologique et juridique aux jeunes garçons et filles majeurs, victimes d’homophobie et de transphobie, y compris dans le cadre de leur propre cellule familiale.
    Fondée en 2003, l’association a son siège à Montpellier. Elle se compose de 18 délégations départementales opérationnelles. L’action du Refuge est symbolisée par un ruban bleu.

    Commentaires

    Eric

    20/06/2020 00:14

    Bonsoir Fabien. Ces trois épisodes sont magnifiques surtout le dernier. C est magnifiquement écrit. Un regret l emploi du terme pintade. Tu vaux mieux que Ca Fabien. 2 personnages intéressants Ulysse et Jean Marc sont apparus On verra ce que tu veux en fairep

    ZurilHoros

    18/06/2020 19:21

    L’apparition de Jérém dans l’encadrement de la porte est particulièrement charmante. On le visualise, on lit son sourire et sa joie d’accueillir Nico. C’est sa plus belle apparition, je la place avant celle de la Halle de Campan. C’est très réussi comment tu arrives à décrire des émotions qui sont toutes différentes. Joyeuse ici, ému à Campan, froid chez Nico, piton rue Colombette. 
    Ce qui suit, une fois la porte fermée est génial, je lis l’excitation et la fébrilité. 

    Est ce qu’un jour tu auras l’idée de décrire ce que Jérém ou Thibault voit quand Nico arrive? je n’arrive pas à savoir à quoi il ressemble. On le connait surtout tel qu’il se voit, ou parfois des remarques de sa cousine. Mais joindre le visuel et l’émotionnel, ce serait cool 

    ZurilHoros

    01/06/2020 19:57

    Cette histoire me touche énormément, elle fait remonter en moi beaucoup de souvenirs qui étaient oubliés. 
    En fait, c’est la première fois que je lis une histoire d’amour gay. J’avais lu Maurice, un roman anglais de 1913, donc il était autant historique que Gay. 
    Peut être que de ne pas devoir passer par une histoire hétérosexuelle, me fait recevoir le récit directement, au premier degré, sans filtres. 

    J’avais oublié également, à quel point le Sida nous a marqué et bridé dans notre sexualité. J’avais 16 ans en 1982, donc je n’ai connu que ça, alors je comprends très bien les interrogations de Nico, ses craintes. Cette maladie nous a obligé à être responsable de nous même mais aussi des autres. Chacun fait selon qui il est. 
    Toutes les interrogations sur le passif et l’actif, le regard inquisiteur que l’on porte sur soi selon la catégorie ou on se trouve le mieux. Bien que Nico, soit assez cool sur le sujet, les questionnements sont présents. Je ne sais pas toujours si c’est le Nico de 2001 qui parle ou celui de 2020. Cela change un peu la donne. 

    Elle est marrante cette balade dans Paris. Je n’ai pas remarqué qu’il y avait tant de bogosses que ça dans le métro, je regarderai mieux la prochaine fois. De même que je n’ai jamais fait de balade en bateau mouche, ni attendu que la Tour s’illumine. 
    A la place de Nico, moi aussi je me serais rongé les sangs en cherchant à savoir avec qui Jérèm a découvert tout ça. 

    Il a beaucoup changé Jérèm. Je me surprends à espérer qu’il lui arrive une tuile au rugby et qu’il rentre à Toulouse, moins loin de Nico. C’est pas sympa de ma part, mais cet éloignement me semble compliquer à gérer. Nos trois amis, Jerem, Nico, Thibaut vont avoir du mal à se retrouver désormais. Le billet Bordeaux Paris n’est pas donné pour un étudiant. 

    En attendant de découvrir la suite, je me replonge dans les histoires passées et je me dis que Nico en a pris plein la gueule tellement longtemps. Son bonheur actuel n’en est pas moins sexy et ses galipettes tout aussi excitantes que quand il était la pute de Jérèm. 

    Etienne

    30/05/2020 18:15

    Waouhhh !! Ca, c’est des retrouvailles !
    Qui font craindre la suite…

    Fabien

    26/05/2020 07:39

    Merci à vous tous pour ces beaux commentaires. Fabien

    gebl

    26/05/2020 01:13

    Ton écriture fait passer des scènes très hard en des moments voluptueux , jamais vulgaire, . ton récit est toujours aussi captivant. 
    tu voulais savoir si tu avais un talent d’écrivain , eh bien pour moi oui , et je trouve talentueux  d’y arriver dans le domaine du sexe, sans vulgarité outragère
    C’est en lisant tes récits que je suis passé « d’actif » à versatile. Tu as réveillé ma curiosité à connaitre ce que Jerem à découvert , le plaisir de recevoir . 
     merci
    un ancien hétéro , devenu bi versatile. 
    * Je n’aime pas les termes actif / passif,  on peut être sodomisé en étant le meneur de jeu et vice versa quand on pénètre.

    ZurilHoros

    24/05/2020 18:23

    C’est tellement vrai que pour arriver sur la Capitale on traverse d’abord une ceinture de béton sinistre. Quel dommage 
    Ulysse… c’est un prénom qui n’incite pas à la confiance dans la mythologie grecque. Ami, allié, rival ou peut être tentation. Apres tout, il a un peu de valeur ce Nico 

    Yann

    24/05/2020 18:05

    On ne se lasse devant la beauté d’un amour aussi pur.

    florentdenon

    24/05/2020 15:28

    Un recit tres cinematographique qui m a fait un tres bon moment.Mais je me demande ce qui attend Nico apres de tels sommets de felicite…La suite please…Et encore merci

    Virginie-aux-accents

    24/05/2020 00:03

    Des retrouvailles à la fois tendres et chaudes entre nos deux amoureux. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que quelque chose cloche… 
      Merci Fabien pour cette merveilleuse histoire.

  • JN0230 Sous le ciel de Bordeaux et de Toulouse.

    JN0230 Sous le ciel de Bordeaux et de Toulouse.

    Septembre 2001

    Après mon week-end sur Toulouse suite à la catastrophe d’AZF et mon coming out désastreux auprès de mon père, les cours à la fac m’aident à aller de l’avant, à penser à autre chose.
    Jour après jour, je constate avec bonheur que ce cursus d’étude me correspond vraiment. Les cours, qui paraissent parfois si indigestes à certains, moi je ne les vois pas passer. Lorsque la fin arrive, je me surprends souvent à me dire : « Déjà ? Pas encore, pas maintenant ! », comme à la fin d’un épisode d’une série à suspense. C’est rare et précieux de faire exactement ce que l’on a envie de faire, de se sentir totalement là on a envie d’être. J’ai de la chance, car c’est mon cas.
    Avec mes camarades, Monica, Raphaël et Fabien, nous formons une bonne petite bande. Nous nous motivons mutuellement, nous rigolons beaucoup. Raphaël est toujours très drôle, très taquin. Quant à Monica et Fabien, ils ont un sacré sens de la repartie. Et moi aussi je commence à en avoir. J’arrive même à être drôle au contact de ces trois joyeux lurons. J’arrive à me moquer de moi-même, j’arrive à les faire rire. Ça occasionne souvent des échanges pimentés, qui ajoutent du plaisir à ces cours que j’adore.
    Je trouve la vie à la fac bien plus drôle que la vie au lycée. Ici personne ne se moque de moi, du fait que je ne suis pas le plus viril des mecs, personne ne me traite de pd. Les gens que je rencontre ici, ce sont des adultes. Les blagues pipi caca n’ont pas cours ici. C’est peut-être l’écosystème intellectuel de la fac qui élargit nos horizons, nos esprits, notre raisonnement, qui nous tire vers le haut, nous inspire, nous insuffle la maturité.
    Je crois que si j’étais passé directement de la sixième à la fac, ma vie d’étudiant aurait été moins pénible. Car ici, à la fac, je me sens respecté, intégré. Bref, je me sens bien.
    La seule qui semble avoir un peu plus de mal à s’intégrer dans la petite bande semble être Cécile. Comme je l’avais deviné dès notre toute première rencontre, c’est une nana très réservée, très pudique. Elle ne sourit quasiment jamais, et elle reste de marbre face aux échanges souvent très drôles entre nous autres. Même les vannes bon enfant que Raphaël lui lance parfois pour essayer de l’impliquer dans groupe tombent à plat, lorsqu’elles n’essuient pas des réponses bien sèches. L’absence de sens de l’humour et d’autodérision de Cécile finit par décourager toute tentative de sa part de la décrisper.
    Ce qui a pour conséquence de la laisser à l’écart. Car, même si elle vient toujours s’asseoir à côté de nous, elle parle peu, et on ne sait pas grand-chose d’elle.
    Au fil des jours, je réalise que la personne dont Cécile semble être la plus proche, n’est autre que moi. Elle s’assoit tout le temps à côté de moi. Elle me parle davantage qu’aux autres. J’ai l’impression qu’elle m’aime bien.
    Après la fin des cours, avant de rentrer à l’appart, je prends souvent le temps de me balader dans Bordeaux, souvent attiré par la Garonne et ce pont de Pierre qui me rappelle le Pont Neuf mais en beaucoup plus long, ce cours d’eau que j’affectionne tout particulièrement car il me relie à ma ville natale.
    Rentrer chez moi est devenu également un moment agréable. Mes deux propriétaires sont toujours aussi sympa avec moi. Que ce soit pour un café, un apéro, un dîner, il n’y a presque pas de soir où je ne suis pas reçu chez eux. Parfois ils me demandent des petits services, comme d’aider Denis dans le jardin, ou de balayer la petite cour. Des services que je leur rends avec plaisir et qu’ils me rendent dix fois.
    Albert et Denis jouent le rôle de nouvelle petite famille qui veille sur moi mais sans jamais me demander de comptes. Comme des grands parents bienveillants qui nous montrent la voie sans l’imposer, et qu’on n’a surtout pas envie de décevoir.
    Ils sont aussi de bon conseil. Un jour où je leur reparlais de la réaction de mon père face à mon coming out et aux problèmes que cela engendrait, Albert m’a répondu :
    « Le problème ce n’est pas toi, le problème c’est la fierté de ton père. La crainte du regard des autres, c’est de la fierté. Le fait de te jeter à la figure que tu n’auras pas de gosses, ce qui est une manière de te reprocher que tu ne lui donneras pas de petits enfants, c’est de la fierté. La fierté de vouloir perpétuer sa propre lignée.
    Vouloir que les enfants ressemblent aux parents, qu’ils se conforment aux projets qu’ils avaient imaginés pour eux, c’est aussi de la fierté.
    Mais un enfant n’est pas une extension des parents, c’est un être à part entière et il a le droit de chercher le bonheur auprès de la personne chez laquelle il pense pouvoir le trouver, quel que soit le sexe de cette personne.
    C’est naturel de s’inquiéter du bonheur de son enfant. Mais il ne faut pas l’étouffer ».
    Le week-end suivant le drame d’AZF, le dimanche, je pars en balade avec Monica, accompagnée de son petit ami Fred, et de Raph, assorti de sa conquête du moment, une nana qu’il a levée dans un autre cursus à la fac quelques jours plus tôt. Nous partons faire un tour sur l’un des sites les plus connus de Gironde.
    La dune du Pilat est le genre de site qui se mérite. Pour atteindre son sommet, il faut traverser un bout de forêt, gravir une pente sableuse qui se dérobe sous les pieds à chaque pas. Monter à la dune du Pilat est un parcours qui est loin d’être une promenade de plaisir. Mais une fois au sommet, on en oublie la fatigue, le sable dans les claquettes, les piquants qui se sont enfoncés dans la peau, l’agressivité du soleil. Lorsqu’on se retrouve au sommet, avec sa vue dégagée et panoramique sur l’océan immense, on est happés par ce spectacle naturel d’une beauté saisissante.
    Une fois en haut, nous dévalons la pente comme des gosses. Le sable saute partout, dans les cheveux, les t-shirts, les pantalons, les poches, les yeux.
    La plage est toute pour nous, tout comme cet océan déchaîné et majestueux, une immensité d’eau aux vagues impressionnantes que de rares surfeurs ne cessent de défier et d’essayer de dompter. Le ciel est couvert, le vent musclé. La pluie menace, mais la puissance des éléments qui s’entrechoquent dégage une force palpable qui happe l’esprit. C’est le propre des grands sites naturels, cette vibration qu’ils transmettent et qui nous remet à notre place, qui nous remet les idées en place, qui remet en perspective les destins individuels dans le Grand Dessin du Tout. Cette sorte de vibration de l’Immense, une vibration qui, lorsqu’on prend le temps de l’écouter, nous remet en phase avec l’Univers tout entier et avec nous-même. Cette vibration qui me donne la mesure d’à quel point mon bobrun me manque. Et à quel point, au fond, la réaction de mon père face à mon aspiration au bonheur n’a pas vraiment d’importance.
    A la dune du Pilat, je suis bien avec moi-même, je vois clair dans mon esprit. Une seule chose manque dans ce tableau de bonheur. Les bras de mon bobrun autour de mon corps, ses bisous dans mon cou, comme à Gavarnie, sur la butte face à la grande cascade.

    Jérém me manque chaque jour un peu plus. Heureusement, ses coups de fils quotidiens ensoleillent mes soirées. Chaque fois, le son de sa voix, ainsi que sa façon de m’appeler « ourson », me font un bien fou.
    Mon bobrun me parle de ses entraînements, de ses sorties, de ses nouvelles habitudes. J’ai l’impression qu’il prend de plus en plus ses marques dans la jungle parisienne. Il me parle aussi de ses nouveaux potes. De Léo, d’Anthony, de Jordan, d’Ulysse. Surtout d’Ulysse. J’ai l’impression que ce gars est son nouveau meilleur pote. Qu’ils font les 400 coups ensemble. Je voudrais bien savoir à quoi ressemble ce mec. En attendant, je me l’imagine aussi grand que Jérém, brun, bien gaulé, bogoss. Pourvu qu’il soit complètement hétéro et qu’il n’ait pas des vues sur mon Jérém !
    Je crois qu’une nuit, j’ai rêvé de ce gars. Je me souviens d’avoir rêvé qu’il était bogoss. Et qu’il s’intéressait à mon bobrun. Trop. Dans mon rêve, il l’embrassait, il le caressait, il voulait coucher avec lui. Mon bobrun semblait d’abord rester de marbre face à ces avances, avant d’y céder peu à peu. Je me suis réveillé en nage, car le rêve était si réel !
    Il faut vraiment que j’arrête d’avoir peur que tout le monde veuille se taper mon mec. Facile à dire, alors que le gars que j’aime est une bombasse mâle absolue, une bombasse qui vit dans une ville que j’imagine pleine d’autres bombasses et de tentations, et qui évolue dans un milieu où les sollicitations sont innombrables. Et si on ajoute à cela le fait que cette ville est à plusieurs centaines de bornes de là où je me trouve, que nos rencontres sont au mieux espacées de plusieurs semaines, que Jérém est un garçon de vingt ans avec les besoins qui vont avec, rien n’est fait pour me rassurer.
    Je tente de relativiser, mais je sais que j’ai du souci à me faire. J’ai peur qu’il aille voir ailleurs pour se soulager. J’ai peur qu’il couche avec des nanas. Et j’ai encore plus peur qu’il couche avec des gars. Tant qu’il ne couche qu’avec des filles, je peux me dire que je suis le seul à lui apporter son véritable plaisir. Mais s’il tombe avec un mec, un beau mec, un très beau mec, est ce que je vais toujours faire le poids ?
    Et ce que je crains par-dessus tout, c’est qu’il tombe sur un mec capable non seulement de lui donner du plaisir, mais aussi de lui ravir son cœur. Je crains moins cela de la part d’une nana que de la part d’un gars.
    Je sais que tant que je serai avec Jérém, et tant qu’on sera loin, je serai constamment confronté à ces craintes. Alors, j’essaie de tout envisager, y compris de poursuivre mes études à Paris. Mais je sais que ce serait une folie. Car il faudrait que je trouve une place à la fac là-bas, ce qui est difficilement concevable en cours d’année. Il faudrait aussi que Jérém soit d’accord pour emménager ensemble, ou que je me trouve un appart. Il faudrait que je trouve un travail pour financer des études qui seraient certainement plus coûteuses là-bas. Il faudrait que j’en parle à mes parents. Et en l’état de mes relations actuelles avec mon père, je me vois mal mettre ce sujet sur la table. Surtout quand ma seule motivation dans cet hypothétique changement est de me rapprocher de mon « gigolo », comme il l’a appelé.
    En attendant, mes inquiétudes ne font que grandir de jour en jour et ce, malgré nos coups de fils  quasi-quotidiens qui m’apaisent, d’une certaine manière.
    Bien sûr, le fait de l’avoir quelques minutes au téléphone le soir n’est pas une assurance qu’il se tienne à carreaux, car il lui reste bien d’autres minutes chaque jour et chaque nuit pour faire ce que bon lui semble, sans que je puisse l’en empêcher. Mais j’ai besoin de ces coups de fil. J’y tiens. Car les rares soirs où je n’arrive pas à l’avoir au téléphone, je m’inquiète, je m’inquiète, je m’inquiète.
    Plus les jours passent, plus je me demande s’il peut tenir sans sexe. Parfois j’ai envie de lui demander s’il est sage. Ou bien de lui rappeler de se protéger, si la sagesse devait s’incliner face à la tentation.
    Mais je renonce à chaque fois. J’y renonce de peur de devoir affronter une discussion que le téléphone rendrait encore plus pénible que de vive voix. Je me dis que cette discussion doit avoir lieu les yeux dans les yeux. Mais est-ce que j’oserai un jour la mettre sur la table ?
    En attendant, je prends sur moi, j’essaie de relativiser, de me dire que je ne peux pas lui empêcher d’avoir des aventures, car un mec comme lui ne peut pas tenir des semaines sans sexe. Je me dis qu’il n’est pas con, qu’il connaît les risques liés aux MST, et qu’il se protège. Je me dis qu’il est bien avec moi, qu’il est amoureux de moi, et qu’il ne laissera personne prendre ma place dans son cœur.
    Mais la peur de perdre Jérém devient une pensée obsessionnelle qui me poursuit partout. Rien n’arrive à me faire oublier cette peur, j’y pense même pendant les cours, au fil de mes balades. Enfin, rien ou presque.
    Car il y a bien quelque chose, une force capable de m’en soustraire : c’est la bogossitude ambiante bordelaise.
    Déjà, dans ma rue, il y a un lycée. Souvent, à l’heure où je pars à la fac ou à celle où je rentre, la cour et une partie de la rue est peuplée des petits attroupements de lycéens, des jeunes mecs en grappes.
    Il y a des choupinous de tout genre. Certains, en dépit de leur jeune âge, affichent ostensiblement des attitudes de petits mecs, un brin machos, avec leur façon de se tenir, les jambes un peu écartées, les pieds bien plantés au sol, le buste un peu en arrière, la cigarette à la main, des petits mecs dans lesquels j’ai l’impression de retrouver l’étincelante petitconitude de mon Jérém lors du premier jour du lycée.
    Parmi ces gars, il y en a un qui a tout particulièrement attiré mon attention et que je cherche chaque fois du regard. C’est un beau petit brun que j’ai qualifié de bel « a(b)dolescent », tant ses tablettes de chocolat de petit con, à tous les coups même pas majeur, m’ont impressionné un jour où j’ai eu la chance de le voir se balader dans la rue, torse nu, à la sortie des cours, en compagnie de ses potes. Pile le bogoss capable de faire tomber amoureux secrètement l’un de ses camarades de classe.
    Et puis il y en a d’autres, plus effacés, plus timides, dans lequel je me reconnais à mon premier jour de lycée.
    Evidemment, à chaque fois où je passe devant le lycée, je ne peux m’empêcher de me demander combien de Jérém, combien de Nico se cherchent, se désirent, se fuient dans cette cour, dans les couloirs, dans les salles de cours, dans les vestiaires du gymnase. Combien de désirs cachés, de regards discrets, fuyants dans ce petit monde, dans ce laboratoire de socialisation qu’est l’école et dont les expériences humaines que nous vivons nous marquent souvent à vie ? Combien de Nico soupirants, combien de Jérém enfermés dans leur rôle d’hétéro ? J’ai tellement envie d’aller les voir et de leur dire : « Les Nico, soyez patients, persévérants. Les Jérém, laissez-vous aller ! ». Et à tous les deux, envie de crier : « N’ayez pas peur, c’est possible d’être heureux ! ».

    Mais il n’y a pas que le lycée dans ma rue. La bogossitude ambiante d’une grande ville est une présence imprévisible qui nous guette à chaque déplacement. Un bomec croise mon chemin et sa présence arrive à anesthésier mes soucis pendant le temps d’un trajet en bus, ou un peu plus, tant que l’écho du frisson provoqué par sa bogossitude vibre en moi. C’est le cas de ce beau brun que je croise depuis quelques jours, presque chaque matin, à « mon » arrêt de bus.
    Vingt-cinq ans maximum, un peu plus petit que moi, sans doute 1 mètre 70 ou 72, carrure genre rugbyman mais rugbyman petit gabarit. A bien regarder, le gars semblerait un petit peu enrobé, mais rien de rédhibitoire, au contraire, ça lui va très bien, et c’est très sexy. Le gars a l’air d’être un bon vivant. Il a les cheveux courts mais pas ras, il est très brun, la peau bien mate, et il porte une petite barbe de quelques jours.
    Il est toujours habillé d’un blouson en cuir, d’une chemise ouverte sur au moins deux boutons d’où dépasse à chaque fois un petit bout de t-shirt blanc très sexy, un petit bout de coton bien collé à la peau dans le creux de son cou, ce qui laisse imaginer que le t-shirt en question est porté très près du corps. Il porte également un jeans et des baskets blanches
    Le gars n’est pas forcement hyper canon, et pourtant il est très sexy. C’est un mec plutôt viril, du genre sûrement même pas conscient du fait qu’on puisse le trouver sexy. Un mec qui donne tout autant des envies de baise bien sauvages et des envies tout aussi intenses de lui faire des tas de câlins. Sa douceur virile se manifeste également dans sa voix, que j’ai entendue un matin quand il a demandé un ticket au chauffeur du bus. C’était une bonne voix de mec, mais plutôt douce, pas « grave ».
    En descendant du bus à l’arrêt de la fac, là où nos chemins se séparent car sa destination l’amène à continuer sur la même ligne et à descendre plus loin, je ressens à chaque fois un petit pincement au cœur. Je me dis que je ne sais rien de lui, et que je ne pourrais jamais avoir la réponse aux milles questions qui surgissent en moi à chaque fois que je suis confronté à sa présence, comme à chaque fois que je suis confronté à la vibrante sexytude, au mystère intrigant d’un bel inconnu.
    Qui est ce mec ? Comment s’appelle-t-il ? Quel âge a-t-il exactement ? Que fait-il dans la vie ? Qu’est-ce qu’il aime ? Qu’est-ce qu’il déteste ? Quelles sont ses opinions ? Ses centres d’intérêt ? Comment est-il en compagnie de ses potes ? Est-ce qu’il est drôle, gentil, sympa, charmeur ? Avec qui il couche ? Est-ce qu’il est amoureux ? En couple ? Célibataire ? Fidèle ? Comme est-il à poil ? Comment est sa queue ? Il a joui quand la dernière fois ? Hier soir ? Ce matin ? C’était une pipe ? Une pénétration ? Comment se comporte-t-il au lit ? Qu’est-ce qu’il aime ? A quoi ressemblent ses attitudes pendant le sexe ? A quoi ressemble sa gueule pendant l’orgasme ? Est-ce qu’il a déjà couché avec un mec ?
    Bref, ce mec est vraiment sexy en diable dans son genre. Et les trajets que je passe à le mater m’offrent bien de frissons. Alors que l’instant de la « séparation » provoque en moi un petit pincement au cœur, passager, certes, mais néanmoins assez violent.
    Car ce mec est mon petit rendez-vous du matin, c’est un petit béguin qui me fait me sentir si vivant et qui, pendant quelques minutes, me fait planer bien au-dessus de mes inquiétudes au sujet de mon Jérém.
    Mais le bobrun du bus n’est pas le seul à m’offrir de bons petits frissons. Car il y a un autre gars que je côtoie tous les jours et dont le charme me fait de plus en plus d’effet. Il s’agit de mon camarade Raphaël.
    Ce gars n’a pas un physique musclé du genre qui attire d’habitude mon attention, mais il a un beau visage, des traits fins, un regard magnétique, un sourire à faire fondre des banquises polaires, un rire de bogoss carnassier qui me fait vibrer. Il a aussi de beaux cheveux, un beau brushing, et il porte un parfum captivant.
    Bref, ce mec dégage quelque chose de profondément sensuel et sexuel qui touche mes cordes sensibles. Et le fait qu’il ne se prive pas de me raconter ses aventures avec les nanas, nombreuses, et que je sois aux premières loges pour assister à ses exploits de séduction à la fac, ne fait que contribuer à attiser mon attirance.
    Ce qui me fait craquer chez Raph, c’est son assurance, sa forte personnalité, doublée d’une grande sensibilité et d’une grande acuité d’esprit. C’est sa tchatche, sa gouaille, son attitude iconoclaste, sa personnalité insolente, sa sexytude insolente. Mais aussi son intelligence, son humour, son côté « en dehors du système », ses fortes convictions, son caractère à la fois rêveur et très pragmatique. Tout cela compose un cocktail explosif qui, jour après jour, ravit mon esprit comme une sorte d’ivresse.
    Le soir, je me branle en pensant à mon Jérém. Mais aussi à mon a(b)dolescent préféré capté dans la cour du lycée de ma rue. Le p’tit brun du bus s’invite lui aussi régulièrement dans mes branlettes. Tout comme Raphaël.
    Mais si beaucoup de gars peuplent mes branlettes solitaires, Jérém est le seul à me manquer à en crever.

    Les jours passent, les semaines s’enchaînent, septembre se termine. Adieu le mois des catastrophes en « 1 » : 11 septembre 2001, puis, 10 jours plus tard, le 21 septembre 2001, AZF. Heureusement, tu n’as pas 31 jours !
    Octobre pointe le bout du nez et amène les premiers froids, avec des rafales de vent d’océan souvent glaciales. Un nouveau week-end arrive. Je n’ai rien de prévu, je pourrais rentrer à Toulouse.
    Maman me manque et je sais que je lui manque aussi. Je pense souvent à elle, et aux relations tendues qu’elle doit avoir avec papa depuis ce fameux lundi soir où j’ai fait mon coming out.
    Je l’appelle tous les deux jours, et à chaque fois elle se veut rassurante. Elle me dit que tout va bien, et que je n’ai pas à m’en faire. Elle me demande régulièrement quand je prévois de revenir sur Toulouse. Je lui promets tout aussi régulièrement de revenir « bientôt ». Pourtant, l’idée de recroiser mon père m’angoisse toujours autant. Je n’arrive pas à oublier ses mots durs, son regard rempli de colère, de dégoût, de déception. Je n’ai pas envie de me heurter à son hostilité.
    Alors, ce vendredi soir j’appelle maman pour lui dire que ce week-end encore, je reste à Bordeaux pour travailler mes cours.
    « Comme tu voudras mon chéri. Mais je t’attends le week-end prochain, sans faute ! Travaille bien ! ».
    En réalité, un week-end bien vide se dresse devant moi. Je n’ai rien de particulier à réviser. Je sais que je vais passer mon temps à penser à mon bobrun, à me demander ce qu’il fait, à me faire du souci.
    Dans un peu plus d’une semaine, ce sera son anniversaire. Je voudrais tellement pouvoir le fêter avec lui. Le week-end prochain, j’aimerais bien monter à Paris le voir. Ça fait quelques jours que cette idée me chatouille l’esprit, mais je ne lui en ai pas encore parlé, de peur d’essuyer un refus de sa part.
    De toute façon, je ne sais pas du tout comment je pourrais faire, vu qu’il crèche toujours à l’hôtel, entouré de ses nouveaux co-équipiers. Je sais à quel point Jérém tient à la discrétion concernant notre relation. Et je sais que cette discrétion est une condition indispensable pour la paix dans notre « ménage ».
    Je voudrais lui faire une surprise. Mais si je débarque à l’hôtel, adieu la discrétion. Certes, je pourrais me faire passer pour un pote, mais j’ai l’impression que ça ferait louche. Quand on a quelque chose à cacher, on a toujours l’impression que notre secret est affiché sur notre front.
    Il n’en demeure pas moins que j’ai terriblement envie de le voir. Je me dis qu’on pourrait prendre une chambre d’hôtel ailleurs, dans un endroit tranquille. Il reste à convaincre mon bobrun. Dans tous les cas, pour la surprise, c’est raté.
    Mais la chance semble se tourner soudainement vers moi car, le soir même, mon bobrun m’annonce que le club lui a trouvé un petit appart dans le quartier des Buttes Chaumont et qu’il va y emménager en tout début de semaine.
    « C’est chouette ! » je réfléchis à haute voix, très heureux des possibilités que cette nouvelle configuration pourrait ouvrir à nos futures rencontres.
    « Moi aussi, je n’en pouvais plus de l’hôtel ».
    « Je vais pouvoir venir te voir, maintenant ».
    « Doucement, il faut que je m’installe d’abord ».
    « J’aimerais venir te voir le week-end prochain ».
    « Tu perds pas de temps ».
    « Le 16, c’est ton anniversaire… » je lâche, en retenant mon souffle, en priant de toutes mes forces pour qu’il accepte ma proposition.
    « Comment tu sais ? » il me questionne, après un court instant de silence qui m’a paru interminable.
    « Je le sais depuis le premier jour du lycée ».
    « Ah ».
    « C’est pour ça que j’ai envie de venir te voir le week-end prochain… ».
    « Bah, viens alors ! ».
    Puis, avant de prendre congé avec un énième « les potes m’attendent pour sortir », mon bobrun me donne sa future adresse parisienne, un enchaînement de lettres et de chiffres magiques qui définissent à mes yeux le futur berceau de notre bonheur.
    Non seulement l’idée de retrouver mon Jérém dans une semaine, d’avoir une date, un compte à rebours pour nos retrouvailles, me remplit de joie, mais cela m’apaise également. Car je me dis que maintenant que Jérém sait que nous allons nous voir dans une semaine, ça va l’aider à tenir bon.
    Et c’est le cœur débordant de cette joie que je trouve le courage de rappeler maman pour lui dire que finalement je reviendrai sur Toulouse dès le lendemain matin et pendant tout le week-end. Maman s’en réjouis et je me réjouis à mon tour de la retrouver.

    Les retrouvailles avec ma ville, toujours marquée par l’explosion d’AZF, malgré les premiers nettoyages et les premiers rafistolages, est toujours aussi chargée d’émotions. Quant aux retrouvailles avec maman, elles sont tout aussi douces et chaleureuses que celles avec papa sont distantes et froides.
    Déjà, il n’est pas là lorsque je débarque à la maison en fin de matinée. Il ne se pointe que pour déjeuner, il met les pieds sous la table, la télé à fond la caisse, et il ne crache pas un mot.
    Heureusement, maman se charge de faire la conversation. Elle me questionne au sujet de mes études, de ma vie dans le petit studio. Mais entre la télé qui gueule et mon père qui fait la gueule, je ne me sens pas vraiment à l’aise pour discuter sereinement. A chacun de mes mots, j’ai l’impression de sentir son dégoût. J’ai juste envie d’être seul avec maman, pour discuter tranquillement avec elle. De plus, le volume de la télé est si fort qu’à plusieurs reprises nous sommes obligés de nous faire répéter nos mots.
    Jusqu’à ce que maman finisse par s’agacer et par lancer à papa :
    « Mais tu ne peux pas éteindre cette télé ? ».
    « J’écoute les infos ».
    « Je te signale que ton fils est là, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué. Ça ne t’intéresse pas de savoir ce qu’il fait de sa vie ? ».
    Et là, papa la regarde fixement et lui lance un laconique :
    « C’est sa vie ».
    « C’est tout ce que tu as à dire ? ».
    « Qu’est-ce que tu veux que je dise ? ».
    « Quelque chose qui a du sens ! ».
    « Ok… passe-moi le sel ! ».
    « Tu te fiches de moi ? ».
    « Je peux repartir tout à l’heure si tu veux » je lâche, très mal à l’aise et un brin agacé.
    « Je m’en fous » fait papa, en baissant le nez dans son plat, sans daigner me lancer un regard.
    « Non, Nico, tu restes comme prévu » décrète maman.
    Au fond de moi, je regrette d’être venu. Et j’ai vraiment envie de repartir par le premier train. Si je reste, c’est vraiment pour faire plaisir à maman.
    Sans même attendre le café, papa se rue dans son sempiternel garage et il n’en sort pas de l’après-midi. Ce qui n’est pas une mauvaise chose car, une fois seul avec maman, je passe enfin un bon moment avec elle. Je l’aide à faire la vaisselle et le ménage. Nous discutons enfin tranquillement. Elle veut tout savoir de ma vie à Bordeaux. Je lui parle de mes camarades de fac, de mes voisins, un couple de vieux gays assumés et heureux. Je lui parle de mon week-end à venir à Paris avec Jérém.
    « Je suis content que tout se passe bien pour toi. Je te trouve tellement plus épanoui qu’au lycée. On est tellement bien quand on est amoureux ».
    Maman est perspicace.
    En fin d’après-midi, je retrouve Elodie chez elle, en compagnie de son bobrun, le très charmant Philippe. Elle a perdu une bonne partie de l’audition de son oreille touchée mais cela ne semble en rien avoir affecté sa joie de vivre. Elle me parle des préparatifs de son mariage, de ses projets. Et lorsque Philippe part faire quelques courses, je me sens à l’aise pour lui déballer tout mon bonheur avec Jérém.
    « Je suis tellement heureuse pour toi, pour vous deux ».
    Mais aussi pour lui parler également de mes craintes.
    « Je suis certaine que ça va bien se passer. Dans votre histoire, il y aura des hauts et des bas, mais vous vous finirez toujours par vous retrouver. Il faut savoir attendre ».
    « Et comment ça se passe avec tonton ? » elle me questionne.
    « Pas génial. Il fait toujours la tête ».
    « Tonton s’en remettra » elle me lance « il faut juste lui laisser le temps d’encaisser ».
    Nous enchaînons avec une soirée pizza et scrabble, ce qui m’évite de devoir affronter un deuxième repas pénible à la maison.
    Le lendemain, je me réveille de bonne heure. L’inévitable perceuse du dimanche matin de papa ne pardonne pas. Je me demande ce que je vais pouvoir faire de ma journée. Je repense à mon week-end à venir en compagnie de mon Jérém, qui va également être ma première fois à Paris. Dans six jours, je me réveillerai dans ses bras. Et je serai heureux. Je ferai peut-être l’amour avec lui. Je le réveillerai peut-être avec l’une de ces pipes du matin qu’il apprécie tout particulièrement. Et je ne peux m’empêcher de me branler.
    Et l’idée de revoir le gars que j’aime, de passer deux jours et deux nuits dans ses bras, c’est justement ce qui me donne la force de me lever ce matin.
    Lorsque je descends, après la douche, maman est dans la cuisine. Le parfum délicat des tartines grillées se mélange à celui plus fort du café qui vient de couler. « There’s no place like home », « c’est bon de revenir à la maison », affiche un magnet collé sur la hotte aspirante. Je crois que le type qui a écrit cette phrase pensait à un petit déj comme celui que je partage ce matin avec maman.
    « Et si on invitait Elodie et Philippe ce midi ? » lance maman.
    « Ah, ce serait super ! ».
    L’idée me plaît tout particulièrement car la présence toujours marrante d’Elodie va empêcher la mauvaise humeur de mon père de gâcher un nouveau repas. Je soupçonne d’ailleurs maman d’avoir pensé la même chose.
    J’appelle ma cousine qui accepte l’invitation avec joie.
    Un peu plus tard dans la matinée, nous nous mettons à deux pour préparer mon plat préféré, les lasagnes. Soudain, un souvenir me revient, comme une claque. Quand j’étais petit, j’aimais tellement les lasagnes que papa avait fini par m’appeler « mon petit Garfield ». Ça fait longtemps qu’il ne m’a pas appelé ainsi. Je sens les larmes monter aux jeux. Je les retiens pour ne pas les mélanger à la béchamel que je suis en train de remuer, je les retiens pour ne pas faire de la peine à maman.
    Pendant le déjeuner, ma cousine nous fait bien rire malgré son pansement à l’oreille. La télé reste éteinte. Papa ne parle pas beaucoup mais il n’ose pas faire autant la tête que la veille.
    Lorsque Elodie et Philippe partent vers 16 heures, il me reste trois heures à occuper avant mon train pour Bordeaux. J’ai envie de voir si Thibault a le temps de prendre un café avec moi. J’ai envie de savoir s’il va bien. Et tant pis pour la mise en garde de Nathalie. Je m’en fous.
    Je l’appelle, mais l’adorable pompier n’est pas sur Toulouse, il est dans sa belle-famille près de Lombez, dans le Gers. Nous n’échangeons que peu de mots, mais j’ai l’impression qu’il reprend du poil de la bête. Je l’entends dans sa voix, lorsqu’il me raconte que les médecins lui ont dit qu’il pourrait probablement rejouer avant la fin de l’année.
    Faute de ne pas pouvoir revoir mon pote Thibault, je contacte mon autre pote toulousain, Julien.
    Le beau moniteur d’auto-école est toujours partant pour un verre. Et il est toujours aussi souriant, toujours aussi charmant lorsqu’il débarque dans le bar dans mon quartier où il m’a rejoint.
    Il me questionne sur ma vie bordelaise, sur mes études, sur mon « mec », comme il l’appelle, en faisant bien claquer le « c » avec son accent toulousain si marqué et si craquant.
    Lorsque je lui réponds que je vais le voir à Paris pour son anniversaire le week-end suivant, il me dit :
    « Tu vas prendre cher. Et lui aussi il va prendre cher ».
    « Et toi, t’as une copine en ce moment ? ».
    « J’en ai plusieurs ».
    Quel incorrigible queutard que mon pote Julien ! Mais qu’est-ce qu’il me fait rire !

    Quitter maman est un déchirement. J’ai l’impression qu’elle ne vit pas si bien mon départ à Bordeaux qu’elle voudrait me le faire croire. J’ai l’impression que ça lui manque de ne plus me voir tous les jours comme avant.
    « Tu reviens quand tu veux, on refera des lasagnes ».
    Le plus dur à supporter en quittant la maison est son regard qui dit « je suis fière de te voir prendre ton envol, chéri, mais qu’est-ce que tu me manques ».
    J’ai de la peine car je sais que je lui fais de la peine. Je sais qu’elle est fière de moi, mais je sais aussi que c’est dur pour elle. Surtout depuis qu’elle ne peut plus compter sur le soutien de papa. J’aurais dû me taire, j’aurais pu attendre pour lui balancer que je suis gay.
    Les premiers pas dans la rue en direction de la gare sont très pénibles. J’ai à la fois très envie de partir loin de l’ambiance pesante que fait régner papa et pas du tout envie de quitter maman.
    J’arrive à Matabiau avec un peu d’avance et j’en profite pour acheter le ticket aller-retour Bordeaux-Paris pour le week-end suivant. Je suis tout content de les acheter, de les toucher, de les ranger dans ma veste, car j’ai l’impression que le fait de les avoir tout près de moi me rapproche un peu plus de Jérém. J’ai tellement hâte de retrouver ses bras chauds, ses poils, son sourire, son empreinte olfactive de mec, si rassurante. J’ai aussi hâte de découvrir Paris, notre belle capitale.
    Il est près de 22 heures lorsque j’arrive à la gare Saint Jean. Une demi-heure plus tard, je retrouve la petite cour au sol peint en rouge. Les volets de l’appart de mes proprios sont déjà fermés. Je rentre dans mon petit studio, je verrouille la porte derrière moi, je me fais chauffer un café et je me sens bien. Je m’installe dans mon canapé.
    Et là, je réalise que je me sens désormais davantage chez moi dans mon petit studio à Bordeaux que dans la maison de mes parents à Toulouse. Dans mon petit chez moi, personne ne me demande de comptes, personne ne me fait la tête. A Bordeaux, j’ai mes études, des études que j’aime, j’ai des potes marrants, des voisins bienveillants. A Bordeaux, j’ai ma nouvelle vie. Ici à Bordeaux rien ne me manque, à part la présence de maman.
    La semaine qui me sépare de mes retrouvailles avec Jérém est ponctuée par les « rencontres » du matin avec le beau petit brun du bus dont j’ignore toujours tout, à partir de son petit nom.
    Le lundi, je le retrouve posté à côté de l’abribus. Il porte toujours la même ténue, t-shirt blanc, chemise, blouson en cuir, jeans. Et il tient un journal plié dans la main gauche. Il est toujours aussi sexy. Je me demande ce qu’il a fait de son week-end, s’il s’est amusé, s’il a fait la fête avec ses potes, s’il a fait l’amour. Le bus se pointe quelques secondes après mon arrivée. Le mec monte et s’assied juste derrière le fauteuil du conducteur. Il n’y a pas de place à proximité et je suis obligé d’avancer vers le fond pour laisser rentrer les autres passagers.
    Pas cool, ce matin je ne peux pas me mettre en face ni à côté de lui pour le mater discrètement. Mon trajet en bus touche à sa fin, je descends par la porte arrière, tout en jetant un dernier regard furtif à ses beaux cheveux bruns. Ah, putain, qu’est-ce qu’il est craquant ce gars ! Ce matin, la frustration est grande de ne pas avoir pu le mater davantage.
    Le mardi, je m’arrange pour arriver à l’arrêt du bus un peu plus tôt. Mais le petit brun n’est pas là, pas encore. Il arrive quelques minutes plus tard. Je me place de sorte à ne pas être loin de là où il va probablement s’arrêter, et je me tourne un peu vers lui. Et là, je croise son regard fixement rivé sur moi. En une fraction de seconde, je passe de la joie de le revoir à la crainte qu’il ait fini par capter mon attention certainement trop insistante et par en être indisposé.
    Mais contre toute attente, le bogoss me lance un « Bonjour » bien sonore avec sa voix douce, accompagné d’un super joli sourire, comme s’il était content de me voir. Après un instant de flottement, je le salue à mon tour. Enivré par ce premier contact inattendu, je cherche le moyen d’engager une conversation. Mais je ne sais vraiment pas par quel bout commencer.
    Au fond, je ne sais pas ce que j’espère. Je ne veux pas essayer de le draguer, j’aime trop mon Jérém. De toute façon, le gars m’est complètement inaccessible. Le fait est qu’il me fait un peu plus envie chaque jour. C’est dur de côtoyer un si beau mec et de ne pas être tenté. Alors qu’est-ce que je peux espérer, de devenir son pote ? J’aimerais bien, mais comment se contenter d’être pote d’un gars dont on a grave envie ? De toute façon la question ne se pose pas, ce n’est pas parce qu’il m’a dit bonjour que le gars a envie de quoi que ce soit d’autre avec moi.
    Le mercredi, lorsque je me pointe à l’abribus, il n’y a encore personne. Mais deux minutes plus tard, je le vois arriver de loin. Je le regarde et le bogoss me lance un nouveau « bonjour » porté par voix mâle et pourtant douce qui me fait vibrer, accompagné par un nouveau beau sourire qui finit de m’achever.
    Comme la veille, j’ai envie de lui parler. J’ai même trouvé un sujet de conversation, je vais lui demander ce qu’il fait comme boulot. Ça n’engage à rien, au fond. La situation est idéale, nous sommes que tous les deux. Je sais que je n’ai qu’une seconde, avant qu’il ne déplie son journal et qu’il s’y plonge dedans. Une seconde où je me sens pousser des ailes, une seconde qui paraît une éternité. Mais pendant cette éternité je n’arrive pas à me décider, et je ne fais rien.
    La seconde d’après, c’est déjà trop tard. Je regarde ses avant-bras se plier, ouvrir les pages avec un geste bien assuré, bien mâle. Je me dis qu’à la rigueur je pourrais encore engager la conversation pendant qu’il tourne une page. J’ai le cœur qui tape à dix-mille.
    Mais déjà trois nanas approchent de l’arrêt de bus tout en discutant bruyamment. Je sens mon courage s’évaporer instantanément. Aujourd’hui non plus, je ne lui parlerai pas.
    Jeudi, même manœuvre que la veille, le beau brun arrive, je croise son regard. Et cette fois, c’est moi qui lui dis bonjour en premier. Et là, je n’y crois pas, le gars me rend le bonjour avec un sourire encore plus grand que les deux jours précédents (genre « je suis vraiment content de te voir »). Une fois de plus, je voudrais savoir profiter de ce premier contact, de cette petite ouverture pour engager une conversation. Mais il y a déjà plein de monde à l’arrêt de bus. Et de toute façon, je suis tellement troublé par son sourire que je perds tous mes moyens. Nous restons côte à côte sans rien dire, lui le nez plongé dans son journal comme d’hab, moi en ressassant ma frustration, comme d’hab, jusqu’à l’arrivée du bus.
    Le vendredi matin, je me sens bien décidé à lui demander ce qu’il fait dans la vie. Pourquoi je devrais avoir honte de lui parler ? Au fond, je n’espère rien de lui, et discuter avec un inconnu ce n’est pas interdit. Ce gars pourrait devenir mon « pote » du bus. Mais ce matin, le mec n’est pas là. Je l’attends avec impatience et fébrilité jusqu’à l’arrivée du bus, jusqu’à la fermeture des portes, jusqu’au démarrage du bus. Mais le bobrun ne vient pas. Il n’est pas là. Du moins physiquement. Car il est bien là, dans mon attente et dans ma déception. L’absence est une présence dans l’esprit, une présence exacerbée. Je me dis que peut-être il a déjà terminé sa semaine. Ou que, comme je le craignais, son chantier est fini et qu’il a changé ses horaires et ses trajets.
    Je me rends compte que tout ce petit manège est idiot, car il ne se serait jamais rien passé avec ce mec. Malgré tout, je trouvais bien sympa ce petit « contact » spontané qui s’était créé « entre nous », ce petit « bonjour » du matin accompagné par ce joli sourire. C’était à la fois un délice et une torture, mais ça faisait du bien et ça m’aidait à bien démarrer la journée.
    Soudain, je me demande ce que j’aurais ressenti, et comment j’aurais réagi si ce gars avait été partant. Non, je ne veux pas tromper Jérém. Mais j’ai tellement envie de sexe. Et ce gars me fait tellement envie ! Heureusement, la question ne se pose pas. Mais que se passerait-il si un jour je croise un mec qui me plaît et qui me fait des avances ?
    Par ricochet, je pense à mon bobrun, soumis aux mêmes tentations dans une ville comme Paris, convoité par des nanas et des mecs. Contrairement à moi, si l’envie lui prend, il n’a qu’à claquer des doigts pour l’assouvir. Comment peut-il résister à des tentations si nombreuses ? Jusqu’à quand ?

    Ce vendredi matin, en cours, je retrouve mes camarades. Tous, sauf Cécile, qui n’est pas là. Ce matin, je trouve mon camarade Raphaël particulièrement sexy, avec sa belle chemise bleu électrique avec deux boutons ouverts qui laissent entrevoir une petite pilosité très virile. Ce matin, il semble particulièrement de bonne humeur. Il finit par m’expliquer qu’il a passé la nuit à baiser « comme jamais » avec sa copine.
    Plus les jours passent, plus mon attirance pour ce gars grandit doucement en moi. Depuis quelques temps, lorsque je suis avec lui, je ressens un tel frisson dans le ventre, un tel désir, que j’ai de plus en plus de mal à contrôler mes regards, et même à suivre les cours. Et ce matin, sa présence, son parfum, sa belle petite gueule, sa proximité m’excitent terriblement.
    Ce vendredi midi, Monica et Fabien nous annoncent qu’ils ne viennent pas manger à la cafétéria et qu’ils ne viendront pas non plus au cours de l’après-midi.
    Depuis quelques jours, j’ai remarqué que ces deux-là semblent inséparables. Je me demande si entre eux, il n’y aurait pas plus que de la camaraderie.
    Comme Cécile n’est pas là non plus, je me retrouve à manger au resto U en tête à tête avec Raph.
    « Fabien va tirer son coup ! » il me lance, alors que nous venons de nous installer à une table devant nos assiettes escalope purée.
    « Tu crois ? ».
    « Monica est prête pour se faire secouer ».
    « Tu crois qu’ils sont ensemble ? ».
    « Je ne sais pas s’ils sont ensemble, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils vont baiser cet aprèm. Hier Fabien m’a dit qu’il avait acheté des capotes au cas où… ».
    « Il t’a dit ça… ».
    « Oui, hier ».
    Je me fais la réflexion que ce n’est pas à moi qu’on parlerait de ce genre de sujet. Comme déjà au lycée, je n’existe pas pour ce genre de confidence entre mecs. Mais au fond de moi je me dis que c’est normal qu’il en ait parlé à Raph, car ce mec inspire la confiance et la camaraderie.
    « Toi aussi tu vas pouvoir tirer ton coup… » il enchaîne, de but en blanc.
    « De quoi tu parles ? ».
    « Avec Cécile… ».
    « De quoi ? ».
    « Ne me dis pas que tu n’as pas remarqué qu’elle est folle de toi ! ».
    « Mais non, on s’entend bien, c’est tout ».
    « Mon cul, oui ! Non, ce n’est pas tout, en tout cas ce n’est pas tout de son côté à elle ».
    « Tu dis n’importe quoi ! »
    « Je t’assure, je sais reconnaître une nana prête à se faire secouer ! Mais t’as rien vu, sérieux ? Même Monica l’a vu ».
    « C’est vrai, ça ? ».
    « Mais t’es puceau ou quoi ? ».
    « Non, non… mais… ».
    « Et tu n’as rien vu ?! » il répète, sur un ton dépité « Mais t’es bête ou quoi ? Quand elle te regarde, elle a des étoiles plein les yeux ! ».
    Soudain, je réfléchis à ma relation avec Cécile à la lumière les mots de Raph. Certes, au fil des cours, il s’est installé une complicité entre elle et moi. En cours, elle est tout le temps assise à côté de moi et j’ai l’impression qu’elle s’entend mieux avec moi qu’avec les trois autres. C’est à moi qu’elle demande d’expliquer des passages du cours quand elle n’a pas pigé.
    Elle me questionne sur ma vie à Toulouse, elle s’intéresse à moi. C’est vrai que je suis le seul à qui elle pose autant de questions. Mais de là à ce qu’elle me kiffe, je n’avais pas fait le lien, vraiment pas.
    Mais si même Monica a vu ça, c’est que ça doit être vrai…
    « Si tu le dis… » je fins pas admettre.
    « Je le dis, je confirme et je signe ! Elle a envie de toi ! ».

    Je sèche les cours de l’après-midi pour prendre le train de 14 heures 37 pour Paris Montparnasse. Dans le train, je réfléchis toujours aux mots de Raphaël au sujet de Cécile. Je repense désormais à certains regards, à certains silences, à certaines attitudes. Et je me surprends à trouver flatteur qu’une nana s’intéresse à moi. Le fait de plaire fait du bien à l’égo, d’où que ça vienne. Même si cette attirance est à sens unique.
    Car moi je sais qu’elle est à sens unique, et que je n’aimerai jamais Cécile plus qu’en tant qu’amie. Mais elle ne le sait pas. Je me dis que je ne peux pas la laisser se faire plus longtemps des illusions. Dès que je rentre sur Bordeaux, il faut que je lui dise que j’aime les garçons, pour qu’elle puisse passer à autre chose. Mais comment j’ai pu ne pas voir qu’elle s’attachait à moi ?
    Le train roule à toute allure à travers la campagne. Dans la rame, rien n’attire particulièrement mon attention. Ce qui est à la fois plutôt décevant, car la bogossitude illumine l’existence comme un rayon de soleil, mais propice à la concentration, car en sa présence je suis assez incapable de me concentrer sur autre chose.
    J’en profite pour plonger mon nez dans le deuxième tome de la saga d’Harry Potter. J’en suis à l’exfiltration d’Harry de la maison de l’oncle Vernon, en pleine nuit, par son pote Ron, au bord d’une voiture volante, lorsque quelque chose attire enfin mon attention. Nous venons de repartir de la gare d’Angoulême, après un arrêt de quelques minutes. Et le paysage dans ma rame a quelque peu changé.
    Deux rangées plus loin, de l’autre côté du couloir, assis face à moi, un mec sexy à mort vient de s’installer. Genre 20 ou 21 ans je dirais, brun, même très brun, le regard bien ténébreux, bien viril, avec un petit bouc lui aussi très brun, mat de peau, l’air quand même un brin racaille. Une impression renforcée par sa tenue, casquette noire vissée à l’envers sur la tête, veste à capuche avec le zip complétement ouvert, laissant apparaître un t-shirt blanc à col rond sur lequel est posée une chaînette de mec assez épaisse. Il porte également un jogging en tissu molletonné gris laissant deviner une bosse plutôt prometteuse, ainsi que des baskets jaunes et bleu fluo, et des chaussettes blanches en coton.
    Bref, le mec est sexy à un point que le simple fait de le regarder, sans même avoir pu croiser son regard, provoque ce flottement si agréable de l’esprit qui ressemble à la fois à une douce ivresse et à une gueule de bois terrible, ce flottement qui est l’éternelle oscillation entre désir et frustration.
    Le bogoss est accompagné d’une pétasse vulgaire à souhait qui est accrochée à son cou comme une moule a son rocher. Quel dommage que très souvent, chez les p’tits cons, chez les petits kékés sexy, leur degré de sexytude ne soit égal qu’à leur mauvais goût en matière de nanas.
    Plus je le regarde, plus je me dis que le gars dégage une sensualité intense, avec un je-ne-sais-quoi d’animal. Je ne peux m’empêcher de me dire que si sa dinde est aussi folle de lui, c’est qu’elle doit l’être de son corps, de sa queue, de ses coups de reins, de sa virilité. J’imagine le bogoss en train de la baiser, et la nana en train de crier son plaisir. J’essaie d’imaginer le mec en train de prendre son pied, en train de jouir. Je bande.
    Après d’innombrables bisous baveux sur l’une des jolies oreilles sexy du bogoss, la pouffe se décolle enfin. Le mec vient de recevoir un message sur son portable, le montre à la nana, qui le prend dans sa main. Ça doit être un truc drôle, car le bogoss se marre. Mais pas la nana. Au contraire, elle semble vexée. Et le mec a l’air de se moquer d’elle, son visage s’illumine d’un beau sourire amusé et plein de malice qui ajoute de nombreux degrés supplémentaires à une sexytude déjà incandescente.
    Puis, un instant plus tard, alors que la nana semble en train de répondre au message, le bogoss s’étale complètement dans son fauteuil, il avance nonchalamment le bassin sur le siège, il écarte un peu ses cuisses, il glisse les mains dans ses poches. Attitude qui déclenche instantanément en moi une furieuse envie de me retrouver à genoux entre ses cuisses et d’avaler sa virilité.
    Et là, il fait le truc qui me rend dingue. Ça ne dure qu’une ou deux secondes, mais je suis sûr d’avoir détecté qu’il se touche la queue et les couilles à travers la poche. Son geste ne dure vraiment pas longtemps, mais il a le pouvoir de me rendre fou. Puis, le bogoss reprend son portable. La grognasse se recolle à son cou et recommence à le dévorer de ses lèvres trop rouges. Je me demande s’ils ont baise hier soir, s’ils vont le faire tout a l’heure…
    Nous allons arriver en Gare de Blois lorsque le bogoss se lève, suivi de sa pouffe. Et une fois debout, il a ce geste s’un érotisme inouï à mes yeux, il lève les bras, il plie les coudes, il croise les mains derrière la tête, il penche le buste et la tête en arrière. Bref, il s’étire.
    Et là, par la magie des glissements des tissus, les pans du pull s’écartent, le bas du t-shirt glisse vers le haut, dévoilant au passage l’élastique de son boxer, ainsi que les deux lignes convergentes et assez marquées du pli de l’aine. Le t-shirt remonte encore un peu, jusqu’à dévoiler une petite mais très excitante portion de pilosité brune sortant de l’élastique du boxer et remontant tout droit en direction de son nombril. Image d’un instant, et néanmoins furieusement érotique, scandaleusement érotique. D’autant plus que ce geste me rappelle certaines attitudes de mon bobrun pendant que je suis à genoux devant lui, en train de rendre honneur à sa virilité comme il se doit. Quand je pense que c’est cette pouffe qui se tape ça !
    Je regarde le mec s’éloigner dans le couloir, les tripes vrillées à l’idée de le voir disparaître de ma vue dans un instant. D’autres passagers se lèvent, le bogoss est englouti par une foule anonyme. Adieu beau brun sexy à mort qui a illuminé de ta présence une partie de mon trajet vers Paris !
    Le train relance sa course, et pendant quelques minutes l’écho de la présence sexy du beau brun à casquette vibre encore dans ma rétine, dans ma mémoire, dans mon esprit, dans mes entrailles.
    Ce n’est qu’au bout d’un petit moment que j’arrive enfin à retrouver Harry et Ron en train de se faire malmener par le saule cogneur du château de Poudlard.
    Le souvenir du beau brun à casquette s’estompant peu à peu de ma mémoire, je frémis à l’idée de retrouver mon bobrun à Paris.
    Car, si chaque bogoss qui rentre dans mon horizon suscite en moi des désirs et des fantasmes, ces derniers disparaissent au moment même où le bogoss en question disparaît de ma vue et de ma vie. Car, même si je ne peux m’empêcher d’être aimanté par la bogossitude, je n’ai aucune envie de tromper Jérém, aucune. Mais c’est quand même dur de ne pas faire l’amour pendant deux semaines,
    Ça doit être la même chose pour lui. Est-ce que mon Jérém, très porté sur le sexe, a tenu bon ? Est-ce que je ne risque rien en continuant à coucher avec lui sans me protéger ? Je ressens un frisson douloureux en me posant ces questions.
    Mais comment affronter le sujet de la protection ? Comment lui imposer une capote sans le braquer, sans lui faire comprendre que je ne lui fais plus confiance ou sans provoquer en lui le doute que j’ai pu prendre un risque de mon côté ? Comment mettre une capote entre nos deux désirs, au beau milieu de notre complicité sexuelle sans lui mettre un sacré coup ? Comment exiger une capote dont je n’ai, par ailleurs, pas du tout, mais pas du tout envie ?
    Je me pose trop de questions, je ne suis pas bien. J’ai besoin d’être rassuré, j’ai besoin de retrouver confiance, j’ai besoin de penser à autre chose.
    Je sors de la poche de mon blouson les deux petits cadeaux emballés dans du papier cadeau. Je pense que les photos de Campan vont lui faire plaisir. J’espère que ça va être le cas aussi pour cette nouvelle chaînette de mec que je lui ai achetée dans la semaine.
    Moi, en tout cas, je l’aime beaucoup. Dès que je l’ai vue dans la bijouterie de la rue Sainte Catherine, avec ses mailles brillantes, épaisses sans l’être trop, et dès que la vendeuse me l’a mise dans mes mains, en me demandant « c’est un cadeau ? », dès que j’ai senti son poids et sa texture entre mes doigts, je me suis dit que ça lu irait à ravir. Je suis impatient de la voir pendouiller de son cou, se poser sur ses pecs, et de la voir onduler au gré de ses va-et-vient pendant qu’il me fait l’amour.
    Oui, plus je m’approche de Paris, plus j’ai envie de lui. Ah putain, comment il me tarde ! Je compte les heures et les minutes qui me séparent de nos retrouvailles.
    Je suis tellement content qu’il ait son appart et que nous puissions nous voir tranquillement. Et je suis tellement content qu’il ait accepté que je vienne le voir. Je trouve que c’est une belle preuve d’amour.
    A l’approche de Paris, le train ralentit. Il est 17h20, nous sommes à l’heure. Au gré des virages du chemin de fer, j’arrive à apercevoir la tour Eiffel au loin. Paris est là, juste devant moi. Les battements de mon cœur redoublent d’intensité et de vitesse.

    Commentaires

    ZurilHoros

    18/06/2020 06:37

    La lecture de cet épisode, contribue à nous ancrer dans une nouvelle réalité pour Jerem & Nico. Campan a été une bulle d’oxygène ou chacun des deux est venu réparer l’autre.

    Comme ils ne sont fidèles ni l’un ni l’autre, le risque d’un basculement devient un sujet brulant et obsédant pour Nico. En plus, il y a le spectre du Sida qui plane, et rend « matériel » l’infidélité. Il faut faire confiance, ou alors on devient un voyeur d’une vie qui n’est pas la sienne. « on se voit ce we mais je te préviens, je mets des capotes pk j’ai pris des risques » !!!!  
    On n’ignore tout de ce qui se passe dans la vie de quelqu’un qu’on ne voit pas. Déjà que quand on se voit c’est difficile, mais quand on est absent… Et puis pour rester sous le charme de quelqu’un, il faut le voir un minimum. 

    Donc, à la fin du chapitre, je me dis qu’une page s’est définitivement tournée et on ne sait pas ce qu’il y aura après.  

    ZurilHoros

    23/05/2020 08:58

    Ce récit au long cours s’avère accrocheur et passionnant

    Yann

    17/05/2020 09:22

    Parmi toutes les choses que j’aime dans cette histoire ce sont ces petits détails quand Nico mate les bogos autour de lui. Toutes ces petites choses qui retiennent l’attention au premier regard et qui font qu’on a envie d’être proche de celui que l’on regarde. Les yeux, la bouche, la stature, la voix, le port d’un vêtement … une infinité de petits détails qui comme par alchimie font se réveiller en nous quelque chose qui nous fait vibrer. On ressent tous ces choses là et c’est si bon car, comme le dit Nico « … ça me fait sentir si vivant ». A eux seuls ces quelques mots résument tout. La sensibilité pour ce qui est beau, pour ce qui nous émeu, le besoin d’aimer et d’être aimé en retour, la recherche perpétuelle du bonheur qui donne tout son sens à la vie et laisser notre instinct et nos envies nous guider. Pour Nico la séparation est difficile à vivre et la tentation si grande… pour Jerem probablement aussi. Attention danger !
    Yann

    Florentdenon

    16/05/2020 14:44

    C’est toujours un plaisir de te lire mais là, tu as été particulièrement bien inspiré. Encore merci ! Je trouve que Nico est sur une ligne de crète dangereuse…Vivement dans 10 jours !

  • JN0229 Sortir du placard et se prendre les pieds dans le tapis.

    JN0229 Sortir du placard et se prendre les pieds dans le tapis.

    Après deux heures de sommeil à peine, je me réveille une nouvelle fois à coté de mon Jérém. Le bobrun émerge presque en même temps que moi. Sa proximité virile m’excite, la trique du matin me guette. Son torse nu et poilu me rend dingue. Sa queue pas tout à fait réveillée ni tout à fait endormie est une promesse sensuelle à laquelle j’ai envie de croire.

    « Il est quelle heure ? ».

    « C’est l’heure que je te suce ».

    « Nico… ».

    Je me glisse sous les couvertures et je prends mon bobrun en bouche. Et ses réticences s’évaporent en même temps que sa queue se raidit : c’est-à-dire, presque instantanément. Comme toujours, je ne peux pas le laisser partir sans lui faire une dernière gâterie pour qu’il se souvienne de moi. Je ne peux pas le laisser partir sans goûter une dernière fois à son jus viril, alors que je ne sais pas quand je vais y goûter à nouveau. Alors, je m’évertue à lui offrir un dernier orgasme.

    Le temps nous est compté, je suis obligé de précipiter sa jouissance. Et je reçois avec bonheur de nombreuses giclées bien chaudes, bien fortes.

    Pendant que Jérém est à la douche, j’entends papa m’appeler depuis le séjour.

    « Il est à quelle heure le train de Jérémie ? ».

    « 7 h 45 ».

    « Et il y va comment à la gare ? ».

    « A pied, je crois ».

    « Il ne va jamais avoir le temps ».

    « Je lui dis de se dépêcher ».

    « Déjeunez tranquilles, je vais le déposer en voiture en allant au travail ».

    Pendant que nous prenons le petit déjeuner, papa fait démarrer la voiture au garage.

    « Je ne veux pas vous presser les gars, mais il se fait tard » il vient nous annoncer.

    « On arrive ».

    « Je t’attends dans la voiture » il lui lance, en disparaissant derrière la porte du cellier.

    « Au revoir Jérémie, tu reviens quand tu veux » fait maman en se levant de sa chaise avec son café à la main.

    « Merci pour tout madame ».

    J’adore ma maman. C’est grâce à son tact que je peux donner un dernier bisou à mon Jérém avant de nous quitter à nouveau.

    J’ai décidé que je ne rentrerai à Bordeaux que demain, mardi. Aujourd’hui, je vais aider maman à terminer le ménage, et demain je n’ai cours qu’à 14 heures.

    Dans l’après-midi, nous allons rendre visite à Elodie. Le diagnostic pour son tympan se confirme. Elle aura une perte de l’audition. Mais elle est toujours de bonne humeur.

    Pendant le retour vers la maison, maman me parle de Jérémie et de moi.

    « J’ai l’impression que ça se passe vraiment bien entre vous ».

    « C’est génial en ce moment, c’est vrai ».

    « Tu es heureux ? ».

    « Très heureux ».

    « Alors je le suis aussi. J’aime bien ce gars. Et ton père l’apprécie aussi ».

    Pendant tout le reste de l’après-midi, une idée tourne en boucle dans ma tête. Et si… le moment était venu ? C’est une idée qui me remplit à la fois d’excitation, de bonheur et de peur.

    Papa ne rentre qu’en toute fin d’après-midi. Après le dîner, j’entends maman lancer :

    « Je suis vraiment vannée ».

    « Le week-end a été long » reconnaît papa « mais l’important c’est qu’on soit tous vivants et entiers ».

    « C’est bien vrai » confirme maman « la santé de ceux qui comptent pour nous est le plus important, tout le reste, ce n’est que détail ».

    « Je suis juste triste pour Elodie » je fais.

    « Oui, c’est triste mais elle s’en remettra. Désormais elle n’est plus seule. Je suis contente qu’elle se marie ».

    « Au fait, tu as des nouvelles du frère de ton pote ? » me questionne papa.

    « Il semblerait qu’il n’y ait pas de blessures plus graves, il devrait s’en sortir avec du repos ».

    « Très bien, très bien. En tout cas ton pote Jérémie est vraiment sympa. C’est un gars très bien élevé et très passionné par ce qu’il fait. Il va faire une belle carrière je pense. C’est quelqu’un de remarquable. Je suis admiratif de son parcours ».

    Pendant que papa me parle de Jérém en ces termes élogieux, l’idée qui m’a suivi pendant tout l’après-midi me rattrape. Au fil de ses mots, je sens monter en moi l’adrénaline, le courage, la peur, l’élan, l’angoisse, l’envie de lui dire la vérité. C’est maintenant ou jamais, Nico.

    « Papa il faut que je te dise quelque chose » je m’entends lâcher, comme si ces mots sortaient d’ailleurs que de ma bouche, alors que mon cœur tape à grands coups de massue dans ma poitrine.

    « C’est quoi que tu veux me dire ? » fait papa distraitement, les yeux rivés sur la télé.

    Du coin de l’œil, je vois maman en train de retenir son souffle.

    « Alors ? » s’impatiente papa.

    « Tu sais, Jérémie et moi… nous ne sommes pas que des anciens camarades de lycée ».

    « Vous êtes amis ».

    « Pas seulement ».

    « Et vous êtes quoi ? » il me demande sèchement, en changeant d’expression, le regard soudainement posé sur moi, un regard lourd et inquiet.

    « Nous sommes ensemble, papa ».

    « Ensemble comment ? ».

    Maman reste toujours en retrait, on dirait qu’elle surveille l’action sur la ligne de but, les cartons jaunes et rouges cachés dans sa jupe, prête à intervenir comme un arbitre au premier dérapage.

    « Ensemble comme deux garçons qui s’aiment » je trouve la force de lui annoncer.

    « Mais qu’est-ce que tu racontes ? ».

    « J’aime ce gars et il m’aime aussi ».

    Papa se tait, le regard dans le vide. Son silence se prolonge et devient de plus en plus insupportable.

    « Tu ne dis rien, papa ? ».

    « Ça fait un moment que je me pose des questions sur toi » il finit par lâcher « jamais tu nous as présenté une nana… ».

    « Je n’ai jamais été attiré par les nanas ».

    « Mais ce mec… un gars qui fait aussi mec, qui fait du rugby, jamais je n’aurais cru… ».

    « Dans le rugby aussi il y a des gays ! ».

    « N’importe quoi, le rugby est un sport de mec, de vrais mecs ».

    « Bien sûr qu’il y en a. Et ce n’est pas parce qu’ils sont gays qu’ils ne sont pas des bonshommes ».

    « En tout cas, il cache bien son jeu ce salaud » il continue sur sa lancée, sans prêter la moindre attention à mes mots.

    « Ce n’est pas un salaud ! ».

    « Si, c’est un menteur, alors c’est un salaud ! ».

    « Il ne t’a pas menti ! Il ne t’a juste pas parlé de sa vie intime ! Est-ce que tu lui as parlé de la tienne ? ».

    « Tais-toi, Nico, tais-toi ! ».

    « Tu l’appréciais quand tu croyais qu’il était hétéro, pourquoi tu lui craches dessus maintenant que tu sais qu’il est gay ? ».

    « Parce que ça me dégoûte. Je l’ai accueilli sous mon toit, j’ai partagé des repas avec lui, je l’ai même déposé à la gare ce matin. Je, je lui ai serré la main. Je croyais que c’était un gars bien ».

    « Mais c’est un gars bien ! ».

    « J’espère que vous n’avez pas fait de saloperies sous mon toit » fait-il, l’air complètement révolté.

    « Papa… ».

    « Alain ! » fait maman.

    « Plus jamais tu ne le ramènes ici, ni lui, ni n’importe quel autre gigolo dans son style, compris ? ».

    « Ce n’est pas un gigolo, c’est un gars adorable ».

    A cet instant précis, je suis assommé. Mon coming out après de mon père tourne au désastre. Je n’aurais jamais pensé que ça se passerait si mal.

    « Vous me faites pitié ! » il fait presque en criant.

    « Alain, je ne peux pas te laisser dire ça ! » intervient maman.

    « Et tu veux que je dise quoi ? Que je le félicite ? ».

    « Je te croyais un peu plus tolérant ».

    « Ça me dégoûte, je n’y peux rien ! ».

    « Alain, ferme un peu ta gueule, tu racontes que des conneries ! »

    « Tu savais ? » il lance à maman.

    « Oui, mais depuis pas longtemps ».

    « Personne ne me dit jamais rien dans cette maison ! ».

    « Et pour cause ! T’as vu comment tu réagis ? On dirait qu’il a tué quelqu’un. Il est juste amoureux, bordel ! ».

    « T’aurais dû me prévenir ! ».

    « Mais te prévenir de quoi ? C’était à lui de te le dire quand il se sentirait prêt ! ».

    « Depuis quand ça dure ce cirque ? » il me demande, hors de lui.

    « Depuis le mois de mai. Papa, je suis bien avec lui, je suis heureux ».

    « Et les nanas ? ».

    « C’est pas pour moi ».

    « T’as essayé au moins ? ».

    « Ça ne me dit rien ».

    Papa a l’air vraiment secoué. Maman tente de le calmer avec des arguments imparables.

    « Ecoute, Alain, s’il est heureux comme ça, il vaut mieux qu’il s’assume plutôt qu’il se cache et soit malheureux. Nico est un bon gars, il bosse, il n’a jamais fait le con. On n’a rien à lui reprocher, et on ne peut surtout pas lui reprocher d’être lui-même, et de nous dire la vérité. On ne peut pas lui reprocher d’essayer d’être heureux comme il le souhaite ».

    Des arguments d’une justesse totale mais qui, à l’évidence, n’ont pas de prise sur la colère aveugle de mon père.

    « Moi je pense que c’est ce mec qui t’a retourné le cerveau ».

    « Alain ! ».

    « Non, je suis comme ça, si ce n’était pas lui ce serait un autre ».

    « Tu devrais aller voir un psy pour te faire soigner ».

    Soudain, je repense à l’histoire d’Albert, mon proprio. Les années passent, mais les réactions face à l’homosexualité ne changent pas. Je ne peux m’empêcher de me demander si, dans une autre époque, dans une autre position sociale, en ayant la possibilité et les moyens, mon père ne me contraindrait pas moi-aussi à des électrochocs comme l’avait fait le père d’Albert quarante ans plus tôt.

    « Mais tu t’entends, Alain ? Ça ne se guérit pas ça, parce que ce n’est pas une maladie. C’est comme ça, un point c’est tout ! ».

    « Je n’ai pas choisi de préférer les garçons, c’est quelque chose qui s’est imposé à moi. Juste, un jour je me suis rendu compte que j’étais comme ça et que je ne pouvais pas être autrement ».

    « Mais tu te rends compte de ce que ça implique ? ».

    « Tu penses à quoi ? » je veux savoir.

    « Qu’est-ce qu’ils vont penser dans la famille, les voisins ? ».

    « On s’en tape de ça ! » fait maman.

    « Tu vas être méprisé, tu vas être malheureux. Les pd se font humilier, tabasser. Et tu n’auras jamais d’enfants. C’est une vie de merde que tu t’offres ».

    « Alain, un mot de plus et cette nuit tu dors sur le canapé ! ».

    « Je n’ai le droit de rien dire dans cette maison ».

    « Si tu as que ça à dire, c’est sûr que non ! Laisse le tranquille. C’est suffisamment difficile de s’accepter, il faut au moins que la famille offre du soutien ».

    Papa se lève et part en claquant la porte. J’ai envie de pleurer.

    « Ça lui passera, t’inquiète. Ton père est comme ça, il lui faut du temps pour encaisser quelque chose qui le contrarie. Je suis sûr qu’il regrette déjà ses mots et sa réaction » tente de me consoler mon adorable maman.

    Papa revient une heure plus tard, alors que je regarde la télé avec maman. Je l’entends trifouiller dans le garage-atelier, sa pièce préférée de la maison. Je n’arrive même pas à suivre le film. Après le générique de fin, maman et moi nous montons nous coucher.

    Je passe l’une des soirées les plus tristes de ma vie. Je suis humilié et déçu par la réaction de papa.

    Je n’ai jamais été très complice avec papa, qui n’a jamais raté une occasion pour me faire comprendre que je ne suis pas exactement le fils dont il aurait rêvé. Un fils qui ne s’intéresse pas au sport, qui ne marche pas dans ses anciens pas de rugbyman, qui fait des études dans lesquelles il ne croit pas, qui est trop timide, pas assez affirmé. Qui ne ramène pas de nanas à la maison. Et qui, désormais s’affiche en tant que gay.

    Une partie de moi savait que mon coming out allait constituer la classique « goutte qui fait déborder le vase » de cette frustration qu’il ressent à mon égard. Mais je n’avais pas prévu que ce soit si violent. Bien entendu, il y a plus violent encore dans le genre réaction face à un coming out.

    Je ne me suis pas entendu dire, comme certains « tu n’es plus mon fils », ou « dégage d’ici, cette maison n’est plus la tienne ». Je ne crois pas non plus qu’il va arrêter de payer mes études, je sais qu’il n’oserait pas vis-à-vis de maman, qui en paie une partie elle aussi. Mais ses mots, son agressivité, sa colère m’ont profondément blessé.

    Et même si dans certains de ses mots, bien que lancés avec mépris, il semble quand même pointer un souci vis-à-vis de mon bonheur futur (« Tu vas être méprisé, tu vas être malheureux. Les pd se font humilier, tabasser. Et tu n’auras jamais d’enfants. C’est une vie de merde que tu t’offres »), ce premier véritable affrontement avec papa m’a épuisé. Emotionnellement et physiquement. Je suis content d’avoir riposté, d’avoir tenté de lui expliquer, de lui avoir tenu tête sans m’énerver, mais ce court échange m’a mis KO.

    Heureusement que j’ai une maman qui prend ma défense et qui m’aime pour celui que je suis et non pas pour celui qu’elle aimerait que je sois.

    Allongé dans mon lit, dans le noir, je me sens vidé de toute énergie. Les nerfs en pelote, je n’arrive pas à me calmer.

    Je repense à mon Jérém, dont je n’ai pas de nouvelles depuis ce matin. Je repense à sa phrase, prémonitoire, quand je lui ai dit que mon père l’appréciait bien : « Parce qu’il ne sait pas tout ». C’est vrai que maintenant qu’il sait, tout a changé.

    Ce soir, j’ai très envie de l’avoir à coté de moi, mais loin d’ici. Je voudrais être à Paris avec lui. Je voudrais pleurer dans ses bras, sentir son amour.

    J’attends son coup de fil, tout en le redoutant. J’ai besoin d’entendre sa voix, plus que jamais. Même si je ne sais pas bien ce que je vais lui raconter. Je ne sais pas si j’ai envie de lui expliquer comment mon coming out s’est passé. De lui montrer qu’il a raison, qu’il faut vivre caché pour vivre heureux. Je ne sais même pas si j’ai envie de lui parler, de constater, de subir, de supporter cette distance physique qui me pèse de plus en plus, car je ne sais pas comment je vais pouvoir retenir mes larmes.

    Il est presque 23h30 heures lorsque mon portable se met à vibrer dans le noir. Depuis presque une heure, je me suis refugié dans ma chambre, dans le noir. Je me suis allongé sur mon lit, et je n’ai pas fait le moindre mouvement, je n’ai pas produit le moindre bruit. J’ai mis le téléphone en sourdine. J’ai envie de passer inaperçu, de me faire oublier, de disparaître pour ne plus déranger, pour fuir l’hostilité.

    J’hésite avant de décrocher, de peur de me faire remarquer, de peur que mes mots traversent les cloisons, qu’ils soient entendus, qu’ils dérangent à nouveau, qu’ils ajoutent du dégoût au dégoût, qu’ils m’attirent une réaction violente. Je ne suis plus à l’aise dans ma chambre, dans ma maison. C’est une sensation dévastatrice. Heureusement que je rentre sur Bordeaux demain matin à la première heure. Si je n’avais pas été aussi fatigué, si j’avais eu ma voiture, j’aurais voulu partir ce soir.

    Oui, j’hésite avant de décrocher. Mais j’ai trop besoin d’entendre sa voix.

    « Ourson ».

    Ah putain, qu’est ce que ça fait du bien d’entendre ce petit mot chargé de tendresse !

    « Salut toi. Tu as fait bon voyage ? ».

    « Oui, bien. Un peu long, mais ça va ».

    « Tu as été aux entraînements ? ».

    « J’ai fait de la muscu cet après-midi ».

    Comme toujours, le simple fait d’imaginer mon bobrun en débardeur, en train de soulever de la fonte, la peau moite de transpiration, suffit à provoquer en moi d’intenses frissons.

    « Et toi, tu as fait quoi ? ».

    « Je suis retourné voir ma cousine ».

    « Comment ça se passe pour elle ? ».

    « Toujours pareil, les médecins disent qu’elle va perdre l’audition d’une oreille ».

    « Merde, je suis désolé ».

    « Elle… elle… elle… » je tente de poursuivre la conversation.

    Mais quelque chose se bloque en moi. Soudain, j’ai la gorge nouée. Je n’arrive plus à parler. J’ai trop envie de pleurer.

    « Ça va, toi ? » je l’entends me lancer.

    « Oui, oui ».

    « Ça n’a pas l’air. Qu’est-ce qui se passe ? ».

    « J’ai parlé à papa ».

    « De… nous ? ».

    « Oui… ».

    « Et ça s’est pas bien passé… ».

    « Non… ».

    « Il a mis ma tête à prix ? » il se marre.

    « Il a eu des mots très durs… ».

    « Je t’avais prévenu, Nico… ».

    « Je sais, mais un jour il fallait que ça se fasse de toute façon. Et quand j’ai vu que vous vous entendiez si bien, j’ai cru que ce serait plus facile ».

    « Il a été vraiment très dur ? ».

    « Oui ».

    « Il t’a pas foutu à la porte quand même… ».

    « Non, pas pour l’instant ».

    « Je suis désolé, vraiment ».

    « Je voudrais être avec toi ».

    « Moi aussi ».

    « Tu penses qu’il va garder ça pour lui ? ».

    « Oui, je crois. Il a trop peur de ce que le gens peuvent dire ».

    « Moi aussi, j’ai peur de ce que les gens peuvent dire. Parce que la plupart des gens sont très cons vis-à-vis de ça. Et je ne veux pas que cette connerie gâche ma vie et mes projets ».

    « Ça veut dire qu’on n’a pas le droit d’être nous même si on veut s’intégrer à cette société… ».

    « C’est ça, malheureusement ».

    « Ça veut dire que la société nous dicte nos comportements et elle nous oblige à nous cacher ».

    « Malheureusement ».

    « Cette société ne me convient pas alors. Il faut la changer ».

    « On ne peut pas batailler sur tous les fronts. On s’épuiserait à la tâche et on n’arriverait à rien. Soit on poursuit nos projets en gardant les apparences, soit on fonce dans le tas en prenant un gros risque de se casser les dents ».

    « C’est horrible de devoir vivre avec ça ».

    « L’important, c’est ce qu’il y a entre nous. Et ça ne regarde pas les autres, même pas ton père. Je sais que si je parlais de ça au mien, je ne le reverrais plus jamais ».

    « Ça te suffit à toi de devoir vivre caché pendant toute ta vie ? ».

    « On n’a pas le choix ».

    En raccrochant d’avec Jérém, je suis tout aussi triste, voire davantage, qu’avant son coup de fil. Je me sens étouffer, je ne me sens pas à ma place dans ce monde qui refuse une différence sans jamais expliquer le pourquoi de ce refus. Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi l’amour entre deux gars ou entre deux nanas doit poser un problème à qui que ce soit. Pourquoi ça doit inspirer le dégoût, le rejet, la haine, la violence. Pourquoi on doit vivre cachés. C’est un non-sens. Dans ce monde, on peut commettre des atrocités sans attirer autant de haine que deux gars ou deux nanas qui s’aiment sans rien demander à personne.

    Vers minuit, j’entends enfin papa monter les escaliers pour rejoindre maman au lit.

    J’entends ses pas faire craquer l’escalier en bois, faire grincer la vieille charpente, approcher sur le vieux parquet. J’ai le cœur qui tape à mille. Pendant quelques instants je ressens l’espoir, la peur, l’envie, l’angoisse que mon père veuille venir me parler. Pour modérer ses propos, ou pour m’enfoncer davantage. Pour se réconcilier ou pour me mettre à la porte.

    Mais ses pas glissent devant ma porte et continuent dans le couloir. Un instant plus tard, j’entends la porte de la chambre parentale s’ouvrir et se refermer aussitôt. Puis, le silence.

    L’idée que la maison s’apprête à s’endormir a le pouvoir de m’apaiser enfin. Mon père ne viendra plus me parler ce soir, il ne m’enfoncera pas davantage. Mais nous nous ne réconcilierons pas non plus. C’est triste mais je préfère ça à une nouvelle dispute. Je profite de ce silence, je commence à espérer trouver le sommeil.

    Hélas, mon espoir est de courte durée. Il ne s’est pas écoulé deux minutes lorsque j’entends un vif échange entre mes parents. Je n’arrive pas à capter les mots, mais je sais qu’ils sont en train de se disputer à cause de moi. Ça me fait terriblement mal. Le ton monte, et les mots finissent par devenir intelligibles derrière la cloison qui sépare les deux chambres.

    « C’est comme ça et tu ne pourras rien y faire » j’entends maman lancer.

    « Et on va l’expliquer comment dans la famille ? ».

    « Il n’y a rien à expliquer ».

    « Ils vont se demander pourquoi il n’a pas de copine ».

    « Ils ont qu’à se le demander tant qu’ils veulent, ça leur fera une occupation ! ».

    « Si un jour ça se sait, je n’oserai même plus sortir de la maison ! ».

    « Tu dis n’importe quoi ».

    « Je ne l’ai pas élevé comme ça ».

    « On l’a très bien élevé, on lui a appris à être honnête, et à l’être avec lui-même avant tout ».

    « Ça c’est de ta faute ! ».

    « Je te demande pardon ? ».

    « Tu l’as trop couvé ! ».

    « Et toi tu n’as pas été assez présent dans sa vie ».

    « Ça veut dire quoi ça ? ».

    « Ça veut dire qu’on a fait chacun ce qu’on pouvait ».

    « Tu n’es quand même pas en train de dire que c’est de ma faute ! ».

    « Mais il n’y a pas de faute, quand est-ce que tu vas arriver à te mettre ça dans le crâne ?! ».

    « Tu m’emmerdes ».

    « Si je t’emmerde, va dormir sur le canapé ! ».

    « Avec grand plaisir ! ».

    « J’espère que la nuit va te porter conseil. Moi je suis fière de mon fils, et quand tu auras bien réfléchi, tu sauras que tu peux l’être aussi ».

    Sur ce, j’entends mon père claquer la porte de la chambre. Je ressens un nouveau frisson de panique à l’idée qu’il puisse venir m’engueuler dans cet état de colère. Je n’ai pas envie de subir une fois de plus son agressivité, sa violence verbale. J’ai une horreur sacrée de la violence verbale, car j’ai toujours peur qu’elle puisse dégénérer en violence physique. Je ne suis pas programmé pour affronter la violence physique.

    Mais il n’en est rien, je l’entends traverser le couloir et descendre les escaliers quatre à quatre. Papa s’installe dans le canapé du salon et allume la télé. Au milieu de mon inquiétude, je trouve quand même amusante l’idée que papa cherche à s’éloigner de ses soucis dans ce canapé où quelques semaines plus tôt j’ai fait l’amour avec mon Jérém !

    Sa colère, ainsi que la tension avec maman, provoquent en moi un malaise qui m’empêche de dormir. Le fil de lumière qui se glisse sous ma porte, ainsi que le volume assez élevé de la télé, témoins du fait que cette nuit la maison ne dort pas paisiblement, n’arrangent rien.

    L’idée que maman soit obligée de se « battre » avec papa à cause de mon coming out me fait très mal. J’ai envie de la rejoindre dans sa chambre pour voir comment elle va, pour la remercier et pour la laisser me consoler. Mais je n’ose pas bouger de mon lit, j’ai peur que mon père s’en rende compte et que cela attise davantage sa colère.

    Je tremble à l’idée que mon coming out puisse créer des problèmes dans le couple de mes parents. Je suis triste de penser que c’est maman qui va devoir gérer la colère de papa, alors qu’elle n’y est pour rien. D’autant plus que demain je repars à Bordeaux et que je ne vais pas pouvoir être là pour voir comment les choses évoluent. Je sais que la distance va faire que je vais beaucoup m’inquiéter.

    D’une certaine façon, Jérém a peut-être raison. Oser être soi-même a un prix, un gros prix, et ça peut faire d’énormes dégâts. Pourquoi je ne me suis pas tu ?

    Au final, je passe une nuit épouvantable. Je dors très peu. Heureusement que j’ai un train à prendre et non pas le volant. Lorsque je descends après la douche, à 5h30, papa est déjà parti au travail. Je suis à la fois soulagé et attristé. Je n’avais franchement pas envie d’affronter son regard « dégoûté ». Mais ça me rend triste de partir à Bordeaux en étant brouillé avec papa.

    La vue de la couverture abandonnée en vrac sur le canapé sape un peu plus encore mon moral.

    Maman est déjà dans la cuisine, cette petite pièce qui est à bien des égards le vrai foyer de la maison, le fief de notre complicité, le terrain où elle nous montre son amour sous la forme de bons petits plats pleins d’amour. L’air de la cuisine est saturé d’une délicieuse odeur de café matinal.

    « Ça va mon chéri ? » elle me questionne, en me faisant un bisou.

    « Ça va et toi ? ».

    « Bien, bien ».

    « Papa a dormi en bas » je lance.

    « Il avait besoin de se changer les idées ».

    « Je suis désolé de poser autant de problèmes ».

    « Tu n’as pas à être désolé. Tu ne poses aucun problème. C’est ton père qui a un problème. Mais ça lui passera ».

    « J’espère que ça va aller ».

    « T’inquiète, c’est pas la première fois qu’il dort sur le canapé, et cette expérience l’a toujours fait réfléchir ».

    « Merci maman ».

    « Merci de quoi ? ».

    « De toujours me soutenir, d’être toujours là pour moi ».

    « Ça fait partir de la fiche de poste de « maman » ! » elle plaisante.

    « Vraiment, Nico, il ne faut pas t’en faire, il va se calmer, je t’assure » elle enchaîne « Tout ce qui doit te préoccuper désormais ce sont tes études. Et ton bonheur avec le gars que tu aimes. Ton père fait sa petite crise mais il s’en remettra. Il faut qu’il accepte que ton bonheur passe avant tout et que tu ne peux pas te conformer à ses attentes si elles ne te correspondent pas. Un jour il comprendra qu’il n’a rien à te reprocher et que tu es un gars génial ».

    A ma grande surprise, j’arrive à dormir dans le train. Je me réveille en gare de Bordeaux et je suis bien. Un peu engourdi mais bien. La distance de Toulouse, ainsi que la journée à venir, la fac, les retrouvailles avec ma petite bande de camarades, d’autres retrouvailles avec la petite cour au sol rouge et ses habitants si bienveillants m’aident pour l’instant à relativiser mes soucis.

    En effet, le fait de retrouver les cours, ainsi que mes camarades Monica, Raphaël et Fabien me fait un bien fou.

    « Salut mon pote » m’accueille Raphaël, avec le ton festif et bienveillant qui est sa marque de fabrique, tout en me serrant dans ses bras et en mettant des petites tapes sur mon épaule.

    « Tu connais Cécile ? » il continue.

    En mon absence, notre petite bande semble s’être enrichie d’une nouvelle recrue.

    Cécile est une nana assez élancée, les cheveux châtain clair tendant au roux, assez longs, tenus en une queue de cheval, la peau très claire, avec des taches de rousseur de naissance autour du nez et sous les yeux. Elle a l’air d’une nana très discrète.

    « Non, je ne la connaissais pas encore. Enchanté Cécile » je fais, en lui faisant la bise.

    « Enchantée moi aussi, Nico ».

    « Comment ça va ? » me demande Monica en me faisant la bise à son tour.

    « J’ai eu beaucoup de chance. Il n’y a pas de victimes dans mon entourage. Mais ma cousine a perdu un tympan. Deux potes, dont un qui est pompier, ont été blessés mais pas trop gravement. La ville est un champ de guerre. Ma maison est une ruine. Toutes les portes et fenêtres sont sorties de leur encadrement, les meubles sont tombés. Il faudra beaucoup de temps pour tout remettre en état. Mais ça va, le pire c’est pour les familles qui sont en deuil et pour les blessés graves pour qui la vie va être complètement bouleversée ».

    « On ne sait toujours pas ce qui s’est passé » commente Fabien.

    « Il semblerait que l’enquête penche plutôt pour l’accident » je considère.

    « De toute façon, on ne saura jamais. La presse relayera le mensonge d’Etat, ce qu’on appelle communément la « version officielle », c’est-à-dire celle qui arrange le Pouvoir. Comme à chaque fois qu’il y a une catastrophe » fait Raphaël.

    « C’est vrai que chez tes potes soviétiques ou chinois, la transparence et au cœur de la vie politique » se moque Fabien.

    « Mais votre gueule les gars » fait Monique.

    Cécile se tait, elle a l’air d’une nana très simple et très réservée. Elle a un regard très intense.

    Ce premier jour de fac après la double catastrophe de Toulouse et de mon coming out houleux auprès de mon père me fait vraiment du bien. Ça m’aide à penser à autre chose, à m’évader.

    Je redoute la fin des cours, ce laps de temps entre le moment où je quitte mes camarades et le moment où je retrouve le petit monde de mon immeuble. Mais les retrouvailles avec la petite cour au sol rouge sont bien chaleureuses.

    « Nico ! » je m’entends appeler alors que je m’apprête à déverrouiller la porte de mon appart.

    Albert et Denis me proposent un café et me demandent à leur tour des nouvelles de mes proches et de ma ville. Leur amitié et leur bienveillance me font un bien fou.

    « Mais tu n’as pas l’air très en forme aujourd’hui » me titille Albert.

    « Ça va » je tente de détourner ses questions.

    « C’est le choc de voir ta ville défigurée ? ».

    « Oui… mais aussi ce qui s’est passé chez moi ».

    Je leur raconte alors la venue de Jérém, son accueil chaleureux par mes parents. Et aussi mon coming out, et le rejet de mon père.

    « Ça lui passera, il faut juste un peu de temps » me lance Albert.

    « C’est ce que m’a dit maman ».

    « Les pères sont souvent plus cons que les mères sur ce sujet, je suis bien placé pour le savoir ».

    « Viens dîner à la maison ce soir » me propose Denis.

    « C’est gentil, mais je crois que j’ai envie de rester seul ».

    « Allez, viens. Ne reste pas tout seul à broyer du noir. En plus, ce soir il y aura un pote à nous, tu verras, il est très sympa ».

    Voilà comment je me retrouve une fois encore invité à dîner chez mes propriétaires. A 19 heures je suis chez eux. L’invité des deux papis se fait attendre, nous attaquons l’apéro.

    Nous sommes à la deuxième tournée lorsque l’interphone sonne.

    « C’est qui ? » fait Denis.

    « Mère Teresa » j’entends répondre.

    « Je crois que tu n’as pas vraiment le profil du poste » se moque Denis.

    « Ouvre pétasse ! ».

    Quelques instants plus tard, le pote de mes deux proprios débarque dans l’appartement. C’est un petit bonhomme chauve, d’un âge indéfinissable, avec des lunettes fines, des petits yeux perçants.

    Il fait la bise à Albert et Denis, avant de s’adresser à moi.

    « Bonjour jeune homme » il me lance, avec un grand sourire.

    « Bonjour ».

    « Moi c’est Laurent ».

    « Et moi c’est Nico ».

    « Et tu débarques d’où, Nico ? ».

    « Je suis le locataire du studio juste à côté de leur appart ».

    « Ça ne fait pas longtemps que tu es arrivé ? ».

    « Une semaine ».

    « Nico est un garçon très sympathique » commente Denis « et en plus, il est des nôtres. Il dîne avec nous ce soir ».

    « C’est bien, ce ne sera pas un repas entre vieux croûtons ».

    « Mais ta gueule ! » fait Denis en rigolant.

    « Et tu fais quoi dans la vie, tu es étudiant ? » me questionne Laurent.

    « Oui, je suis un cursus en sciences de la terre ».

    « C’est bien, c’est bien. Et ces études vont te permettre de prétendre à quel métier plus tard ? ».

    « Je ne sais pas encore trop, mais ça peut être la recherche, l’étude du sol, du sous-sol, des ressources hydrogéologiques. Tout dépend jusqu’où je déciderai de pousser mes études ».

    « Tu m’as l’air d’un gars qui sait ce qu’il veut, et c’est une très bonne chose ».

    « Tout n’est pas encore clair dans ma tête, je vais voir au fur et à mesure ».

    « En tout cas » continue Laurent « enchanté de faire ta connaissance, Nico ».

    « Enchanté moi aussi ».

    « Allez, Laurent, arrête de draguer le petit, il est bien trop jeune pour toi » lance Albert, taquin.

    « C’est un charmant garçon. Allez, assez parlé, faites pèter le Lillet Blanc ! » il lance à l’adresses de mes propriétaires.

    « Laurent est un très bon ami » m’explique Albert, le ton et le regard taquin « c’est un grand architecte, mais qu’est-ce qu’il picole ! C’est pour ça qu’on ne l’invite pas souvent ».

    « Le grand architecte t’emmerde, le vieux ! ».

    Je trouve qu’architecte colle bien avec l’allure de ce bonhomme pas dépourvu d’une certaine élégance, dans les manières avant même que dans le style vestimentaire.

    « Alors, ton mari italien va bien ? » le questionne Denis.

    « Oui, Giovanni va bien, je vais le retrouver le mois prochain à Capri ».

    « Ça fait combien de temps que vous vous connaissez maintenant ? ».

    « Près de dix ans ».

    « Comment ça vole le temps ! » s’exclame Albert « Et sa femme ne se doute toujours de rien ? ».

    « Je n’en sais rien. Tant qu’elle ne nous empêche pas de nous voir, je m’en fiche. Enfin, je préfère autant qu’elle ne l’apprenne pas. Tout le monde vivra plus heureux ».

    « Ils habitent toujours dans ta maison de vacances avec leurs gosses ? ».

    « Oui, ils occupent le rez-de-chaussée. Giovanni est le gardien et l’homme à tout faire de ma maison de vacances ».

    « Ah oui, ça, pour être un homme à tout faire… » se moque gentiment Albert.

    « Giovanni est un bol d’air frais que je m’octroie pendant quelques jours chaque trois ou quatre mois. Il m’a fallu arriver presque à cinquante ans pour m’épanouir sexuellement. Giovanni est arrivé dans ma vie à point nommé. Il m’a remis en phase avec moi-même ».

    « C’est vrai que tu t’es longtemps égaré… » commente Denis sur un ton taquin.

    « Un petit peu… ».

    « Quand même… tu as été marié pendant des années avec ta femme et tu lui as fait deux gosses ».

    « J’ai eu besoin d’en passer par là pour enfin regarder les choses en face ».

    « Sacré histoire que la tienne » fait Denis.

    « Et maintenant vous êtes avec un homme ? » je demande, perplexe.

    « Oui, je me suis enfin autorisé à être moi-même ».

    « Et vous vous vous considérez comment, bisexuel ? ».

    « Ah non ! Il n’y a pas plus gay que moi ! ».

    « Mais depuis quand vous savez que vous êtes gay, alors ? ».

    « Depuis toujours. Enfin, au moins depuis le collège. Depuis les cours de sport du jeudi. Je me souviens très bien des cours de sport du jeudi. Au milieu des copains qui se déshabillaient dans le vestiaire, je me sentais tout bizarre, tout chaud. Je me souviens qu’un jour j’ai été troublé en voyant un camarade qui avait déjà des poils sur le torse.

    J’avais tellement honte de ce que je ressentais que je me suis dit : personne ne doit le savoir ».

    « Et alors vous avez essayé de faire comme les autres ? » je demande.

    « Regarder les filles avec les copains, c’était naturel, ça allait de soi, c’est ce qu’on attendait de moi. C’était simple et rassurant.

    Finalement, je me suis mis à jouer un rôle et à y croire. On finit par croire vraiment à ses propres mensonges, j’imagine que notre cerveau fonctionne comme cela. J’avais conscience d’avoir des fantasmes homosexuels mais ça ne m’empêchait pas de me considérer comme hétéro.

    Plus tard, j’ai rencontré une femme. On s’entendait bien. Très vite, elle est tombée enceinte. Nous nous sommes mariés parce qu’il fallait donner une famille à ce gosse qui était en route. Je me suis dit que ça marcherait. Nous avons eu deux autres enfants, qui sont ce que nous avons de plus précieux ».

    « Et à quel moment avez-vous franchi le pas d’aller vers les garçons ? Qu’est-ce que qui a fait que vous avez décidé de vivre autrement ? ».

    « Un jour, l’année de mes 35 ans, je suis monté sur Paris pour le travail. Et dans la rue, devant moi, j’ai vu deux hommes, deux amoureux, qui marchaient main dans la main.

    Et pour moi ça a été un choc. En les voyant heureux, spontanément, je me suis dit : « c’est ça que je veux, c’est ça dont j’ai envie ». D’un coup j’ai pris conscience que ça faisait 20 ans que j’avais honte de moi. Comment peut-on s’habituer à avoir honte de soi ? ».

    « C’était le lot quotidien de nous tous, la honte, à cette époque » commente Albert.

    « Je ne voulais plus avoir honte de moi » continue Laurent « C’est lors de mon déplacement suivant à Paris que j’ai franchi le pas. Un soir, je me suis rendu dans une boîte de nuit gay. J’ai eu une aventure. Puis une autre, le soir d’après. Je vivais à 35 ans ce que beaucoup aujourd’hui vivent entre 15 et 25. La prise de conscience de qui on est, la prise de contact avec ceux qui sont comme soi ».

    « Mieux vaut tard que jamais » fait Denis.

    « C’est vrai. Même si au début je culpabilisais un max. Je me disais : « je me suis marié, j’ai des enfants, je ne peux pas faire ça ». Entre ressentir des désirs homosexuels et se dire « je suis gay », il y a tout un travail d’acceptation. Et lorsqu’on a tout fait pour se convaincre d’être hétéro, pendant longtemps, c’est encore plus difficile. Car il faut faire le deuil de celui qu’on s’était persuadé d’être… ».

    « Mais qu’on n’est pas » je réfléchis à haute voix.

    « On doit se réconcilier avec soi-même » il continue « se pardonner du mensonge qu’on s’est raconté. Aussi, il faut accepter de prendre sur soi tout ce qu’on a intériorisé de négatif sur les homosexuels. Il faut du temps pour se dire qu’on n’est pas moins bien que les autres, pour passer de la considération à propos de soi « je suis différent des autres » à « je suis comme ceux-là qui sont comme moi ».

    J’ai mis un certain temps à m’émanciper. Je devais d’abord vaincre la peur. J’avais des fantasmes, des envies, mais la peur était très forte. Plus forte que mon aspiration au bonheur. La pulsion sexuelle s’associait à cette peur. J’étais prisonnier de la peur ».

    « Et alors, comment êtes-vous arrivé à assumer votre homosexualité ? » je demande.

    « Quand j’ai décidé de sortir du placard, vers mes 40 ans, on m’a dit : « tu es en train de briser ta famille pour du sexe ». A nouveau, j’ai culpabilisé à mort. Mais peu à peu je me suis donné le droit de vivre une vie qui me correspond. Car il ne s’agit pas de sexe, il s’agit d’être moi-même ».

    En entendant le récit de Laurent, je ne peux m’empêcher de repenser à mon ami Thibault et de faire le parallèle avec son histoire à lui. Aujourd’hui, il est avec Nathalie à cause de l’enfant à venir, pour l’assumer. Mais cet enfant a été un « accident », même si ça a l’air de le rendre heureux. C’est de cet « accident » dont découle sa vie actuelle et à venir d’hétéro. Mais qu’en serait-il de sa vie, de ses choix, si cet événement n’était pas arrivé à ce moment de son parcours ? Est-ce qu’il n’aurait pas choisi de vivre, du moins pendant un temps, « du côté des garçons », de faire des rencontres, de prendre le temps de savoir quelle était vraiment sa voie, avant de choisir ?

    Aujourd’hui il accepte cette vie de parfait petit « mari ». Mais jusqu’à quand pourra-t-il refouler ses véritables désirs en les faisant passer après le bien-être de son enfant et de celui de son couple ? Jusqu’à quand pourra-t-il tenir sans que l’envie du contact physique avec un gars ne le tenaille jusqu’à devenir insupportable ? Jusqu’à quand pourra-t-il vivre avec cet interdit ? Quand on sait que c’est précisément l’interdit qui attise le désir…

    « Avec ma femme » continue Denis « j’ai essayé que cela se passe au mieux. J’ai été clair avec elle. C’est quelqu’un d’intelligent, et elle a compris ce que je ressentais. Ce qui a été libérateur, c’est quand elle a décidé de partir, et sans me déclarer la guerre. Nous avons divorcé en bonne intelligence, dans le respect mutuel. Nous avons gardé une profonde estime l’un envers l’autre ».

    « Et vos enfants, ils sont au courant ? » je le questionne.

    « Mes enfants, j’avais envie qu’ils sachent eux aussi qui je suis. Et, aussi, leur offrir l’exemple de quelqu’un qui accepte sa différence.

    Même si je n’y arrive pas moi-même tous les jours. Ça m’arrive encore, parfois, quand des gens parlent des homos devant moi, quand j’entends une blague homophobe, de rougir. Je sais pourtant que ce n’est pas honteux, mais mon corps semble penser autrement. C’est comme ça ».

    « Ça ne t’a pas empêché de rencontrer un homme charmant » fait Albert.

    « C’est vrai que Giovanni me fait beaucoup de bien. Quand je suis dans ses bras, les matins où sa femme est au travail et ses gosses à l’école, je suis bien, comme je ne l’ai jamais été de ma vie. Dans ses bras, je suis heureux. Heureux comme ne le sont que ceux qui ont mis longtemps à se trouver. Même si nous devons vivre cachés ».

    « Vivons cachés, vivons heureux, c’est notre philosophie de vie à nous tous » lance Denis.

    « C’est la philosophie de mon copain aussi » je réfléchis à haute voix.

    « Les générations passent, mais le problème d’acceptation demeure » fait Laurent.

    « Le pire c’est que je commence à croire qu’il a raison ».

    « Les mentalités évoluent quand même » tente de me rassurer Laurent.

    « Mais pas trop vite, pas trop vite » conclut Denis.

    « Et pour vous comment ça s’est passé ? Vous avez fait votre coming out ? » je questionne ce dernier.

    « De mon temps, l’expression même « coming out » n’existait pas » il se moque.

    « Tu sais, de notre temps, il n’y avait pas de gays » fait Albert « Juste des célibataires. Des vieux garçons. On préférait croire qu’un célibataire était trop nul pour se trouver une femme plutôt qu’il ne voulait pas trouver une femme. On n’était gays que si on se faisait choper en flagrant délit. A ce moment-là, on était mis au ban de la société. Mais, je t’ai coupé la parole, mon chéri, désolé, tu allais nous raconter ton parcours ».

    « Il n’y a pas grand-chose à dire » continue Denis « Je suis issu d’une famille modeste, mais j’ai quand même eu droit à une éducation religieuse. Alors, quand vers l’âge de 11-12 ans j’ai commencé à ressentir de l’attirance vis-à-vis des garçons j’ai vite senti que ça allait à l’encontre de cette éducation. « Dieu a détruit les villes de Sodome et de Gomorrhe pour punir leurs habitants immoraux » est écrit dans la Bible qu’on nous faisait étudier au catéchisme.

    Le pire dans tout ça c’était de ne pas pouvoir en parler. Je ne pouvais me confier à personne, personne.

    Je sentais que je n’étais pas comme les autres et je me sentais coupable. J’avais honte. Je me sentais comme un déchet ».

    « C’est dur de ne pas pouvoir parler à personne » je commente « on se sent seuls au monde ».

    « Oh que oui ! L’année de mes 21 ans, j’ai fait une dépression. A l’époque on ne parlait pas encore de dépression, je ne pouvais même pas mettre de mots sur mon mal être. J’ai commencé à sentir des vertiges, à faire des malaises. J’étais incapable de me lever le matin.

    Je suis allé voir un médecin. Je lui ai dit que j’avais des vertiges. Il m’a donné des calmants. Et il m’a envoyé voir un psy, ce qui était un truc pas banal pour l’époque. Car les psys ne couraient pas encore les rues comme aujourd’hui, où ils sont plus nombreux que les boulangeries et les bars ».

    « Mais il faut se remettre dans le contexte » il continue « Les psys du début des années ‘60 n’étaient pas des psychologues, mais des psychiatres.

    Le passage chez le psy ne m’a pas apporté grand-chose. Je ne me suis pas confié, mais je pense qu’il avait compris. Mais je n’ai pas eu le courage de mettre des mots sur ce que j’étais et il a eu la pudeur de ne pas le faire à ma place ».

    « Et vous l’avez revu, ce psy ? » je veux savoir, tout en repensant aux mots de colère de mon père qui m’invitait à aller voir un psy pour qu’il puisse me guérir.

    « Oui, un peu plus tard. Un jour, j’ai eu besoin de me confier. J’ai pensé à mon psy. Je lui ai écrit une lettre. Je ne savais pas exactement ce que j’attendais de lui. Qu’il me fasse parler. Qu’il m’aide à parler. Qu’il m’oblige à parler. Qu’il me guérisse peut-être. Je voulais surtout que mon mal être cesse. Dans ma lettre, je ne savais pas bien comment aborder le sujet. Alors je lui ai écrit que je faisais partie de ces êtres décrits dans les romans de Roger Peyrefitte que je venais de découvrir.

    Quelques temps plus tard, je suis retourné en consultation. Nous avons parlé de la lettre. Il m’a dit que je n’étais pas malade, que mon attirance pour les hommes était un état des choses. C’était la première fois que j’entendais ça et ça m’a fait un bien de fou ».

    « Si seulement mon père pouvait entendre ça de la bouche d’un psy » je lâche, comme un cri du cœur, avant de le questionner à nouveau « et ce psy n’a pas essayé de vous changer ? ».

    « Non, il n’a pas essayé. Nous sommes devenus amis par la suite ».

    « Et vous avez pu commencer à vous assumer après ça ? ».

    « Oui et non, parce que ce n’était pas facile de faire des rencontres. Il n’y avait pas de bars, ou des boîtes de nuit. Dans les villes, les lieux de rencontres par excellence étaient les tasses ».

    « Les quoi ? ».

    « Les tasses. C’était le surnom qui avait été donné aux pissottières publiques à Paris. Et faire les tasses, c’était aller chercher des rencontres. Mais on y allait la peur au ventre de se faire tabasser par des cons ou de se faire embarquer et brutaliser par les forces de l’ordre. A l’époque, l’homosexualité était un délit infamant et stigmatisant. Une fois inscrit dans son casier judiciaire on se traînait cette « honte » à vie. L’homosexualité était aussi considérée comme une maladie mentale, et comme un fléau social, au même titre que l’alcoolisme ».

    « Un soir, au milieu des années ’70 » se remémore Laurent « j’étais en voiture, sur un parking isolé, avec un gars que j’avais rencontré dans une boîte à Paris. Une voiture de Police approche, on nous demande les papiers. Je me souviens du regard des deux policiers, un regard plein de mépris. J’avais peur, très peur. Peur qu’ils nous embarquent, ou qu’ils envoient un courrier chez moi, que ma femme tombe dessus, ou qu’ils envoient un courrier à mon cabinet, que mon associé tombe dessus. Je leur ai expliqué que c’était ma voiture du travail, que j’étais marié, je leur ai fait comprendre que si ça s’ébruitait je risquais de tout perdre. J’étais gêné à mort, je tremblais de trouille. Ils ont fini par nous laisser répartir sans faire d’histoires. Pendant des mois j’ai eu peur d’un courrier qui aurait détruit ma vie. Mais il n’est jamais arrivé ».

    « Heureusement, aujourd’hui, au moins ces peurs, celle du chantage et celle du gendarme, ont disparu » je commente.

    « Je pense qu’aujourd’hui, les jeunes générations sont beaucoup plus libres que ne l’était la nôtre » estime Denis. Elles le sont beaucoup plus sur le plan de la parole. Avant de passer à l’acte, il faut quand même mettre des mots sur les choses. Et à cette époque, les mots ne venaient pas. Pour que les mots viennent, il faut commencer à vaincre la peur. Et dans les années ‘60, elle était énorme, c’était notre principal ennemi ».

    « Après la libération sexuelle, les années ’70 ont été une époque débridée » continue Denis « Ainsi, les années ’80 s’annonçaient sous les meilleurs auspices. La gauche au pouvoir, la dépénalisation de l’homosexualité. Mais tout ça paraissait trop beau pour durer. Les SIDA n’a pas tardé à venir gâcher la fête, et les années ’80 ont été surtout marquées par cette saloperie, le cancer gay comme il était appelé à l’époque. Il y avait des gens pour dire que ça ferait juste du ménage parmi ceux qui ne méritaient que ça. Certains y voyaient un châtiment divin.

    Ça nous est tombé dessus presque du jour au lendemain. Il n’y avait pas de remède. Les gays tombaient comme des mouches. La mort de Le Luron et de Freddy Mercury, deux personnalités que j’appréciais beaucoup, m’a beaucoup affecté. Vous les jeunes de maintenant vous êtes nés avec le SIDA et on vous a appris à vous protéger. A nous, on ne nous l’avait pas appris ».

    « C’est vrai, mais ce n’est pas tout rose pour eux non plus » considère Laurent « car il y a une autre maladie qui fait des ravages à notre époque, comme dans chaque époque, une maladie pour laquelle il n’y a pas et il n’y aura jamais ni de traitement ni de vaccin. Je veux parler de la connerie humaine de certains, et particulièrement de l’une de ses souches les plus odieuses, l’homophobie ».

    « Sale race, ces gens-là ! » lâche Albert.

    « Les homophobes (1) sont des gens qui veulent décider à la place d’autres gens qui ont le droit d’aimer ou pas » considère Laurent « Ils voudraient nous empêcher de nous exprimer, ils voudraient réprimer toute forme de sexualité différente de la leur ».

    Soudain, je repense à un couplet d’une chanson de Madonna remontant à quelques années déjà :

    Express yourself, don’t repress yourself/Exprime toi, ne te réprime pas

    And I’m not sorry/Et je ne suis pas désolé

    It’s human nature/C’est la nature humaine

    « Et ces gens-là, quand tu leur demandes pourquoi ils sont contre l’homosexualité » continue Laurent « tu as droit à des « ouais, mais tu vois, c’est contre nature, en fait, l’homme n’est pas fait pour ça ». Parce que l’homme a été créé pour voler ou aller sur la Lune ? ».

    Did I say something wrong ?/Ai je dis quelque chose de mal ?

    Oops, I didn’t know I couldn’t talk about sex/Oops, je ne savais pas que je ne pouvais pas parler du sexe

    Oops, I didn’t know I couldn’t speak my mind/Oops, je ne savais pas que je ne pouvais pas m’exprimer

    « On a le droit d’être gêné par ça, par deux mecs qui s’aiment, chacun est libre de penser ce qu’il veut. Tant que tu ne fais chier personne il n’y a pas de problème.

    Le problème ce sont ceux qui insultent, frappent, menacent, harcèlent d’autres juste parce qu’ils sont homosexuels. Et eux, ça se voit qu’ils sont cons. Ce sont des pauvres gens ».

    You punished me for telling you my fantasies/Tu m’as puni pour t’avoir raconté mes fantasmes

    I’m breakin’ all the rules I didn’t make/Je vais briser toutes les règles que je n’ai pas faites

    « Comme si les insultes, les coups, les menaces, le harcèlement pouvaient guérir pas de l’homosexualité, remettre les gens dans le « droit chemin ». L’homosexualité n’est pas un choix, c’est une orientation qui échappe à la volonté ».

    Express yourself, don’t repress yourself/Exprime toi, ne te réprime pas

    Did I say something true ?/Ai je dis quelque chose de vrai/bien ?

    « En vrai ça dérange qui l’homosexualité ? Pourquoi ? L’homophobie c’est soit de la jalousie et de la frustration, soit de la peur ».

    « Moi je ne comprends même pas le sens du mot « homophobe ». Dans homophobie il y a peur. Mais quand tu es homophobe, tu n’as pas peur, tu es juste con » conclut Albert (2). 

    Express yourself, don’t repress yourself/Exprime toi, ne te réprime pas

    « I’m not your bitch don’t hang your shit on me/Je ne suis pas ta pute, n’accroche pas ta merde sur moi ».

    « J’ai pu constater dans ma vie que les gens qui sont très agressifs par rapport à l’homosexualité sont ceux qui ont l’homosexualité à fleur de peau » considère Laurent « je pense que l’envie de « casser la du PD », c’est une façon de casser la gueule à leur propre homosexualité, qui les dérange.

    « Si on en croit tes mots, tous les homophobes sont des gays refoulés ? ».

    « Dans certains pays, il y a une profonde hypocrisie au sujet de l’homosexualité. Dans certaines cultures latines très machistes, on accepte que des hommes aient des relations sexuelles avec d’autres hommes, mais seulement s’ils tiennent le rôle actif.

    Le mépris pour l’homosexuel efféminé, ou pour celui qui est passif, est précisément ce qui rend acceptable la bisexualité pour les hommes masculins. C’est pourquoi l’homophobie, le machisme et la bisexualité masculine semblent marchent souvent ensemble ».

    « Lorsque vous jetez votre haine sur moi, ce sont vos peurs que vous projetez sur moi » conclut Albert.

    « Qui a le droit de nous dire ce qui est bon pour nous ? » fait Laurent.

    « Albert et moi on a passé une bonne partie de notre vie ensemble » explique Denis « On a mis en commun nos solitudes, Pour ne pas vivre seul, comme chantait Dalida. Et ça nous a offert les meilleures années de notre vie ».

    « On a vécu de bons moments, de moins bons, on s’est soutenus mutuellement » il continue « Il y a eu le sexe, ce qui dérange les homophobes. Mais il n’y a pas eu que ça, loin de là. Le sexe ne dure qu’un temps, comme pour tout un chacun, y compris les hétéros. Mais avec l’âge, ce qu’on demande à l’autre, c’est la présence de l’autre à ses côtés, de la tendresse, du partage. Ce que j’apprécie, c’est justement de ne pas être seul, de partager un bon bouquin, un bon film, un bon concert, un opéra au Capitole. J’apprécie notre complicité. Et ce que j’apprécie par-dessus tout c’est que la vie et ses tracas sont bien plus supportables depuis qu’il est là » fait-il en cherchant la main de son compagnon de vie.

    « Même depuis que je suis en fauteuil roulant et que je suis un fardeau pour toi ? » le questionne ce dernier, visiblement ému.

    « Je te promets de t’être fidèle dans le bonheur et dans les épreuves, dans la santé et dans la maladie, pour t’aimer tous les jours de ma vie » récite Denis en guise de réponse.

    « Jusqu’à ce que la mort nous sépare » complète Albert « mais ça ne presse pas, chaque jour avec toi est un cadeau ».

    « Merci Denis » fait Albert, les yeux embués de larmes.

    « Tu aurais fait pareil pour moi ».

    Les deux vieux hommes sont émus. Denis se lève et prend son compagnon dans ses bras. Puis, lui enlève les lunettes et essuie les larmes qui coulent sur ses joues.

    « Qui a le droit de mépriser ça ? » conclut Laurent, en posant un regard plein d’émotion sur ses deux potes.

    (1)    Quelques exemples révoltants de la connerie humaine de certains :

    http://www.leparisien.fr/essonne-91/infirmiere-menacee-en-essonne-si-un-cas-se-confirme-dans-la-residence-vous-serez-tenue-pour-responsable-30-03-2020-8290968.php 

    https://www.instagram.com/p/B-WtkzBicac

    (2)    Les propos compris entre les indicateurs (2) sont extraits et adaptés des propos contenus dans une vidéo du youtubeur « Jimmyfaitlecon », dont voici le lien :

    (3)    Très drôle et intelligemment traité aussi :

    Commentaires

    ZurilHoros

    17/06/2020 21:35

    Il fallait bien que Nico en passe par là, puisqu’il a des idéaux d’une vie normalisée d’où la sexualité serait un non sujet. 
    On avait compris qu’il vivait une sorte de relation manquée avec son père, qu’il avait intégré que celui-ci n’était pas fier de lui en raison de son caractère pas assez affirmé, trop féminin pour tout dire. 

    Que va t-il se passer après? Sa famille est raisonnable et son père devrait finir par accepter. Toutefois ce qu’il dit sur la peur qu’il lui inspire me surprend. Son père a t-il été violent dans le passé, même verbalement? 

    Du coup, on peut mieux comprendre ce qui l’attire chez Jérém. Jérém connaît ce manque chez son ourson puisqu’il lui apprend à s’affirmer. Il y a un épisode ou il lui montre carrément comment jouer au mec. Comme quoi, bomec a des trésors cachés d’attention  à offrir. 
    J’espère que Nico va réfléchir un peu plus, si il tient vraiment à Jérém. Il va falloir qu’il renonce à le formater pour la vie de couple dont il rêve.

    Leur discussion est éclairante, non seulement bomec n’y est pas prêt, mais il ne veut pas pour des raisons rationnelles. 
    « Moi aussi, j’ai peur de ce que les gens peuvent dire (…) Et je ne veux pas que cette connerie gâche ma vie et mes projets ».
    Je trouve souvent que Nico est harcelant. Il semble considérer que son fonctionnement est la norme et il s’interroge sur le chemin qui reste à parcourir, voir celui déjà parcouru par bomec. Il veut lui manifester des gestes d’affection en public, il est triste quand il voit que Jerem ne s’assume pas en public etc… Pourtant, lui aussi, gère son parcours en fonction de ce qu’il croit à sa portée. Il n’a souhaité faire son Coming out auprès de son père que parce qu’il a cru que ça passerait bien. Devant ses copains de la FAC, il n’a pas été franc quand il a eu l’opportunité de dire si il préférait blondes ou brunes. 

    Il devrait aussi penser aux conseils cash et trash de son copain Julien. Il devrait penser à ceux exprimés avec plus de noblesse par Charlène. 
    Je pense que son impatience, quelque part sa volonté d’imposer ses règles, le mèneront dans le mur avec Jérémie. Jerem pourrait pourtant lui apporter énormément et inversement. 

    Jérémie ne pourra vivre une vie débarrassée de peur et de faux-semblant que le jour ou il pourra affronter le regard de son père. Ce même père auquel il prétendait vouloir échapper et qui ne lui a pas fait que du bien. Pourtant, dans cette conversation avec Nico, qui a du lui faire peur il dit:
    « L’important, c’est ce qu’il y a entre nous. (…). Je sais que si je parlais de ça au mien, je ne le reverrais plus jamais ».
    Donc contrairement à ce qu’il disait, il n’est pas du tout prêt à affronter le rejet de son père et le risque de ne plus le voir. 
    En tout cas, cet épisode me rappelle à quel point c’est toujours compliqué de s’assumer et d’affronter l’éventualité du rejet. C’est une épreuve dont j’aimerais que les jeunes soient débarrassés un jour. C’est trop de doutes et de souffrances inutiles. 

    ZurilHoros

    04/06/2020 13:03

    Un épisode important qui en dit beaucoup sur Nico. Donc c’était sans doute un chapitre très important pour l’histoire « Jerem&Nico ». 
    Est ce que le rejet des homos est due aux religions monothéistes? on sait que non puisqu’il existe aussi dans l’Hindouisme, en Chine, au Japon, sous des formes différentes. 
    Si on pense à Jérèm, ce n’est pas de religion qu’il s’agit, mais de rapport au genre Masculin. 

    Yann

    24/04/2020 18:34

    Triste pour Nico mais on retrouve dans la réaction de son père le processus classique chez un parent :Le déni : ce n’est pas possible je pense que c’est ce garçon qui t’a tourné le cerveau. La colère : on ne l’a pas élevé comme ça ce qui sous tend qu’ai-je bien pu faire ou pas faire pour qu’il soit Pd ?La déception : par rapport au cours normal de la vie conjugale hétérosexuelle. Tu n’auras jamais d’enfants c’est plus par rapport à la grand-parentalité traditionnelle qui pour Nico. Le doute quand à la réalité de l’orientation sexuelle : Les nans t’a essayé ? Tu devrais consulter un psy pour te faire soigner. La peur : liée au risque de victimisation vécue par les minorités sexuelles dans notre culture. Tu vas être méprisé, tu vas être malheureux. Les Pd se font humilier, tabasser. C’est une vie de merde que tu t’offres. Le malaise social : Qu’est-ce qu’ils vont penser dans la famille, les voisins. Si un jour ça se sait, je n’oserai même plus sortir de la maison !Le soutient parental : sa mère a une longueur d’avance sur son père. Elle est déjà passée par toutes ces étapes et est désormais son meilleur soutien. Moi je suis fière de mon fils. L’adaptation : face à une réalité qu’on fini par comprendre de mieux en mieux. L’acceptation : c’est la phase finale du processus qui demande du temps et des efforts pour retrouver une relation normale père / fils. J’espère que c’est ce qui ce passera pour Nico car jusque là il n’y a rien dans la réaction du père de Nico qui puisse s’apparenter à de l’homophobie. Comme beaucoup de personnes il n’a jamais été en relation avec un parent, un ami, un collègue… qui soit homo. Il lui faut découvrir quelque chose qu’il connaissait que par des plaisanteries plus ou moins blessantes. Il lui faut le voir différemment car c’est de son fils qu’il s’agit. C’est un chemin qu’ils pourraient faire ensemble père fils.Il y a la catégorie de personnes que cette nouvelle bouleverse mais que l’intelligence amène à comprendre que c’est du bonheur de leur enfant qu’il s’agit. Hélas il y a l’autre catégorie, les cons, qui font un rejet irrationnel et arbitraire des homos et les placent hors champ de la société (la leur) pour les en exclure. Il y a dans le rejet des homos un poids très lourd porté par les religions. Dans l’Antiquité l’homosexualité était courante.

  • JN0228 Un dimanche que je n’oublierai pas.

    JN0228 Un dimanche que je n’oublierai pas.

    Lorsque je me réveille, il est 7h20. Mon bobrun dort comme un bébé. Je suis bien. Sa présence à mes côtés me fait un bien fou.

    Je prends mon Jérém dans mes bras, je pose un bisou léger sur sa joue à la barbe de quelques jours. La chaleur de son corps est revigorante, sa présence olfactive est rassurante. Qu’est-ce que j’aime me réveiller et le sentir contre moi ! La simple idée de commencer la journée avec lui, de nous dire bonjour avec un bisou, de prendre le petit déj ensemble suffit à me rendre heureux comme un gosse à Noel.

    Je culpabilise presque d’être aussi bien alors que tant de gens dans ma ville souffrent au même instant. Mais est-ce une raison pour m’empêcher de profiter de l’instant présent, d’être heureux ?

    J’attends impatiemment son réveil pour pouvoir lui faire des bisous. Mais rien ne presse. Je ne me lasse pas de le regarder dormir, beau comme un Dieu, avec ses cheveux en vrac et sa belle petite gueule qui demeure incroyablement sexy même les yeux fermés. Je ne me lasse pas d’écouter sa respiration apaisée, régulière, de regarder le drap léger qui couvre son torse onduler au gré de ses inspirations.

    Et je ne me lasse pas de constater à quel point notre relation a évolué en quelques mois.

    Depuis Campan, c’est le bonheur absolu entre nous. Je n’aurais jamais osé espérer qu’un jour on se réveillerait tous les deux dans mon lit, dans ma chambre, dans la maison de mes parents, après avoir fait l’amour.

    Et qu’est-ce que je suis content que Jérém et mon père aient bien accroché autour du rugby ! C’est important l’entente entre un beau-père et un beau fils ! Je rêve d’un avenir radieux avec mon bobrun, un coming out sans entraves auprès de mon père. Quand on est heureux, on rêve facilement. Car, oui, à cet instant précis, je suis heureux. Du moins dans ma vie sentimentale avec Jérém. Si seulement il avait été recruté par un club à Bordeaux, ou si j’avais pu choisir des études à Paris… Ça me manque terriblement de ne pas être avec lui tous les jours.

    Lorsque Jérém émerge enfin, il a l’air un brin déboussolé. Il est tellement touchant !

    « Salut toi » je lui lance.

    « Salut. Il est quelle heure ? ».

    « Huit heures. Tu as bien dormi ? ».

    « Ça va. Toi aussi ? ».

    « Je dors toujours bien quand tu es avec moi » je lui lance, en l’embrassant doucement.

    Pour toute réponse, mon bobrun se glisse sur moi, prend ma tête entre ses mains et me fait plein de bisous. Les petits frottements de nos deux torses provoque en moi une montée d’excitation presque instantanée. Une tempête de frissons se déclenche dans mon corps. Et je bande en un éclair.

    « Tu me fais bander, Jérém » je lui chuchote, en frissonnant de bonheur.

    « Je sais, toi aussi tu me fais bander ».

    « J’ai envie de toi ».

    Et là, le bogoss se laisse glisser sur moi, tout en posant un délicieux chapelet de bisous sur mon torse, en s’attardant à mordiller mes tétons, en descendant lentement mais assurément vers ma queue. Lorsque ses lèvres et sa langue enveloppent mon gland, c’est un bonheur inouï.

    Jérém entreprend de me pomper avec douceur, faisant monter mon excitation et mon envie de jouir à chaque va-et-vient.

    Mais le bogoss a bien d’autres projets en tête. A un moment, il se relève brusquement, il glisse deux oreillers derrière ma nuque. Il s’installe à cheval sur mon torse, en appui sur ses genoux et il approche sa queue bien tendue de mes lèvres. Je regarde son torse de bas en haut et j’en suis impressionné. J’ai beau les avoir vus des dizaines de fois à poil, ce torse et ce mec m’impressionnent toujours autant.

    Mais qu’est-ce qu’il est bien foutu mon Jérém, putain ! Ses pecs et ses abdos et ses biceps sont plus saillants que jamais. Qu’est-ce que ce jeune mâle donne envie de se faire déglinguer et de satisfaire le moindre de ses désirs sexuels !

    J’avale son manche tendu avec bonheur, je regarde l’ondulation de ses abdos avec enchantement j’accueille ses coups de reins virils mais doux avec délice. J’ai envie de sentir ses giclées percuter mon palais, j’ai envie de retrouver son goût viril.

    Mais là encore, le bogoss a d’autres projets. Et je me laisse porter, comme ensorcelé par sa virilité flamboyante.

    Jérém passe une main sous ma nuque, ce qui provoque en moi des frissons inouïs, la soulève doucement, il récupère l’un des oreillers pour le glisser sous mes reins.

    Un instant plus tard, il vient en moi, me remplit avec son manche gonflé à bloc. Il se laisse glisser lentement, jusqu’à la garde. Puis, il se penche sur moi, m’embrasse longuement, tout en envoyant de tout petits coups de reins, comme des caresses intimes et divinement sensuelles.

    Mais lorsqu’il se relève, lorsque son beau torse me domine de toute sa puissance, ses coups de reins se font bien plus musclés. Ses mains attrapent mes chevilles, les posent sur ses épaules. J’adore sa façon de manipuler mon corps pour rechercher son plaisir. J’adore le voir dans cette position, le torse légèrement vers l’arrière, les pecs bien bombés, les biceps tendus, les abdos qui travaillent avec son bassin pour envoyer des coups de reins amples et souples.

    Et ce qui rend la chose encore plus excitante, c’est d’entendre autour de nous de petits bruits venant de la cuisine, nous rappelant que mes parents ne sont pas loin.

    Et j’adore guetter la montée de son plaisir, dans ses gestes, les attitudes de son corps, les expressions involontaires de son visage, les mouvements de sa tête, les changements d’allure de ses coups de reins, les évolutions du rythme de sa respiration.

    Et lorsque l’orgasme vient enfin, lorsque son corps se raidit, lorsque son visage se crispe, lorsque son esprit s’évapore sous l’effet d’un frisson de plaisir débordant ; lorsque je le sais, son jus de mec quitte ses couilles, gicle de sa queue et vient se loger au plus profond de moi, je ressens tellement de bonheur et de plaisir que je connais une sorte d’orgasme mental, tout aussi fort que l’orgasme physique.

    Quant à ce dernier, il n’est jamais trop loin après que mon bobrun m’ait bien limé et rempli. Ainsi, il suffit que sa main enserre ma queue, qu’elle la secoue avec quelques mouvements fermes, pour que ma jouissance explose et que de nombreuses giclées s’abattent sur la peau de mon torse, jusqu’à mes tétons, jusqu’à mon menton.

    « Je croyais que ça te gênait de faire l’amour chez mes parents » je le charrie.

    « C’est tellement bon » il se contente de me répondre, avant de poser un bisou sur mes lèvres.

    « Putain, que oui… ».

    « Je peux reprendre une douche ? » il me demande.

    Sa question me fait sourire et me remplit de tendresse. Comme si pouvais lui dire non.

    « Bien sûr que oui, tu peux » je fais, sur un ton moqueur.

    « Je demande, je ne suis pas chez moi ».

    « Si, tu es chez toi ici ».

    Nous passons à la douche l’un après l’autre. En haut des escaliers, juste avant de descendre, et alors que mon père est dans le salon en bas, je vole un dernier bisou à mon bobrun gêné.

    Ça me fait une drôle de sensation de descendre retrouver mes parents alors que nous venons de faire l’amour une nouvelle fois. Une sensation qui se dissipe rapidement au contact de l’accueil chaleureux de mon père.

    « Ça va les gars ? Vous avez bien dormi ? ».

    « Très bien, monsieur. Et vous ? » fait Jérém.

    « Il faut arrêter de m’appeler monsieur. Moi c’est Alain ».

    « D’accord, Alain ».

    « Tu veux un café, Jérémie ? ».

    « Avec plaisir ».

    Ça me fait un bien fou de les voir si proches. Jérém semble avoir accompli le tour de force de se mettre papa dans la poche. Papa qui n’est pas vraiment du genre à donner facilement son estime à qui que ce soit, je suis bien placé pour le savoir. Alors, ça me fait d’autant plus plaisir de voir que ça se passe bien entre eux.

    « Bonjour les garçons » fait maman en apportant un plat avec des tranches de pain grillé.

    « Jérémie, comme je ne sais pas ce que tu prends au petit déjeuner, j’ai fait griller du pain. Il y a des confitures. Mais si tu veux autre chose tu me dis ».

    « Ça ira, madame, merci ».

    J’adore cette façon de Jérém d’appeler papa « monsieur » et maman « madame », comme un gosse qui s’adresse à des adultes. Et j’adore aussi le fait que mes parents ont comme « adopté » le garçon qui me rend heureux. Le seul bémol, c’est que si maman l’a fait en toute connaissance de cause, papa l’a fait en ignorant encore un détail plutôt essentiel de notre relation. J’espère vraiment que quand je vais lui apprendre ce détail, ça va bien se passer.

    « Quels sont tes projets pour aujourd’hui, Jérémie ? » le questionne mon père.

    « Je vais aller revoir mon frère à Purpan et après je vais aller voir mon père ».

    « Il habite où ? ».

    « Il est du côté de Condom, dans le Gers ».

    « Et il fait quoi par là-bas ? ».

    « Il cultive de la vigne, il a une cave ».

    « Ah, c’est un beau métier ça ».

    « Il aime ça ».

    « Et tu ne voudras pas reprendre l’affaire plus tard ? ».

    « Je ne pense pas. Ce n’est pas dans mes projets ».

    « Tu verras bien. Et au fait, comment tu vas y aller à Condom ? Si t’as besoin d’une voiture, je peux te filer la vieille Golf. Elle n’est plus toute fraîche mais elle roule bien ».

    Alors là, papa me cloue le bec.

    « C’est gentil mais je viens de demander à un pote de m’en prêter une ».

    « Ok, mais si tu as besoin, tu sais que tu peux demander. Et tu reviens sur Toulouse ce soir ? ».

    « Je ne sais pas encore ».

    « En tout cas, sois à l’aise, tu peux revenir dîner et dormir ici autant que besoin ».

    « Merci, je ne sais pas quoi dire, à part merci ».

    « De rien. Moi aussi j’ai été rugbyman. Ça m’a toujours désolé que Nico ne s’y intéresse pas… ».

    Ça c’est papa tout craché. Jamais un encouragement, mais jamais rater une occasion pour dire quand il est déçu par moi.

    « Entre rugbymen » il ajoute « il faut se serrer les coudes ».

    « Merci monsieur ».

    « Alain ! ».

    « Oui, Alain… ».

    « Tu veux un autre café ? » lui demande maman.

    « Non, merci. Je vais y aller. Merci pour tout ».

    J’accompagne mon adorable Jérém vers l’entrée de la maison. Nous sommes à la vue de mes parents, alors je ne peux même pas lui faire un bisou.

    « Tes parents sont vraiment géniaux ».

    « Tu es un garçon adorable, c’est normal ».

    « Tu parles ».

    « Reviens dormir à la maison ce soir ».

    « Je te tiens au courant ».

    « Je vais essayer de rappeler Thibault ».

    « Tiens-moi au courant aussi ».

    « Bien sûr. Et toi aussi, donne-moi des nouvelles de Maxime ».

    « Ok, pas de problème ».

    « Je t’aime Jérém ».

    Son beau sourire doux et touché est une réponse qui vaut tous les mots de la terre.

    Je le regarde s’éloigner dans la rue, mes yeux ont du mal à se détourner du gars qui m’a fait l’amour cette nuit et ce matin encore. Il beau comme un Dieu. Et il fait l’amour comme un Dieu. Et je suis tellement fier du gars qu’il est devenu !

    A l’instant où il disparaît de ma vue, Jérém me manque déjà.

    Je reviens dans le séjour, j’aide maman à débarrasser. J’essaie ensuite de rappeler Thibault, mais je tombe à nouveau sur le répondeur. De plus en plus inquiet à son sujet, je lui laisse un nouveau message.

    « Salut, Thibault. Je sais que tu m’as dit que tu veux prendre un peu de distance pour l’instant, mais je m’inquiète pour toi, après ce qui s’est passé à Toulouse. J’espère que tu vas bien. Envoie-moi au moins un petit message pour me dire comment ça va ».

    J’occupe le reste de la matinée à aider papa à remettre en place les étages des placards des chambres. En début d’après-midi, je vais retrouver Elodie. Elle garde toujours le sourire, malgré la douleur à l’oreille et un diagnostic qui se confirme comme étant plutôt défavorable pour son tympan touché.

    Je passe l’après-midi à attendre les coups de fil de Jérém et de Thibault. Des coups de fil qui ne viennent pas.

    Ce n’est que vers 19 heures, alors que nous sommes en train de dîner, que mon portable sonne enfin. Et l’écran affiche : « Thibault ».

    « C’est un autre pote qui est pompier » je lance à mes parents, pour justifier le fait de répondre au téléphone alors qu’on est à table, chose qu’ils voient à juste titre comme un manque se savoir vivre.

    Papa et maman acquiescent d’un simple geste de la tête.

    « Salut Thibault ».

    « Salut, Nico, comment ça me fait plaisir de t’entendre. Tu vas bien ? ».

    « Moi ça va. Et toi ? ».

    « Ça va » il lâche sur un ton qui me paraît abattu.

    Ses mots sont suivis d’un long silence.

    « T’es sûr que ça va ? ».

    « Non, ça ne va pas vraiment ».

    « Qu’est-ce qu’il se passe ? ».

    « Je me suis blessé pendant l’intervention ».

    « Qu’est-ce que tu as ? ».

    « Un genou en vrac ».

    « Je suis désolé. Mais tu es à l’hôpital ? ».

    « Non, je suis chez moi. Je viens de rentrer ».

    Je sens à sa voix que le beau pompier a le moral plus bas que ses chaussettes.

    « Je peux passer te voir si tu veux… ».

    « Mais tu es sur Toulouse ? ».

    « Oui, je suis rentré hier soir ».

    « Ta famille va bien ? ».

    « Oui, à part ma cousine qui a un tympan touché ».

    « C’est pas trop grave ? ».

    « Elle pense qu’elle va le perdre ».

    « C’est horrible, horrible, c’est un désastre ».

    Je sens dans ses mots une tristesse et un épuisement qui m’inquiètent. Je voudrais trouver les mots pour le rassurer mais je n’y arrive pas.

    « Nico… » je l’entends me lancer après un nouveau lourd silence.

    « Oui ? ».

    « Passe me voir, ça me fera du bien ».

    J’entends dans sa demande comme un appel à l’aide. Appel auquel je ne peux me soustraire.

    « J’arrive ».

    Une demi-heure plus tard, je sonne à l’interphone du jeune pompier.

    « Je t’ouvre » j’entends une voix féminine m’annoncer.

    Il doit s’agir de sa copine. Je suis un peu déçu d’apprendre que Thibault n’est pas seul. Mais je me dois quand-même d’être là pour lui, alors qu’il a l’air d’aller vraiment mal.

    La porte de l’appart est entrouverte.

    « Nico ! » m’accueille chaleureusement le jeune stadiste.

    Thibault est installé en position demi-assise sur le clic clac ouvert en mode lit, le dos calé par plusieurs oreillers. Il a un grand pansement autour du genou droit, un autre sur l’arcade sourcilière gauche, son visage présente de nombreuses traces de blessures. Même s’il se force à sourire, je vois qu’il a l’air sonné. Mon Dieu qu’il a l’air mal en point mon adorable pote Thibault !

    « Salut Thibault » je lui lance en m’approchant de lui.

    « Ne bouge pas » j’ajoute, en voyant le beau pompier essayer de se lever avec grande difficulté.

    « Mais qu’est-ce que tu fais, chéri ? Le médecin t’a dit de ne pas bouger ! » lui lance une petite brune déboulant au pas de course depuis la cuisine.

    « Je suis foutu » fait Thibault, en essayant de rigoler. Mais je sens qu’il ne rigole qu’à moitié.

    « Mais non, t’as juste besoin de repos pour te remettre » fait la petite brune.

    Je me penche vers Thibault pour lui faire la bise. Et là, à ma grande surprise, le jeune pompier me serre très fort dans ses bras puissants, tellement fort que je manque de partir vers l’avant. Je dois prendre appui sur le dossier du clic clac pour ne pas tomber sur lui de tout mon poids.

    Je suis surpris de ces effusions de Thibault devant sa copine. Mais ça me fait plaisir de retrouver cette intimité amicale. Je suis aussi enivré par le parfum qui se dégage de lui, le même que d’habitude, un délicieux bouquet composé du parfum délicat de lessive et d’une fragrance légère de gel douche et de déo, un mélange de linge propre et de bogoss sexy.

    « Je suis content que tu sois venu » il me lance en me regardant droit dans les yeux, son visage à quelques centimètres à peine du mien.

    Touchant, adorable, émouvant, beau, doux et viril, puits à câlins au regard vert-marron dans lequel on a envie de se noyer, magnifique Thibault, ange et petit Dieu, généreux, altruiste. Ce sont des gars comme lui qui donnent envie de croire en l’espèce humaine.

    Lorsque je me relève, je surprends le regard fixe de Nathalie sur moi.

    « Nico, je te présente Nathalie » fait Thibault « ma copine. Mais aussi, mon infirmière à domicile ».

    « L’infirmière a un patient difficile à gérer » elle fait sur un ton railleur.

    « Mais l’infirmière est très dévouée à la tâche ».

    « Elle est fatiguée l’infirmière, elle n’a pas dormi depuis près de 24 heures et elle va encore se taper une garde de nuit ».

    Après avoir une nouvelle fois arrangé les oreillers dans le dos du beau pompier, Nathalie vient me faire la bise. Elle n’est pas très grande, et fine. Une petite brune pétillante. Elle est plutôt mignonne. Elle a l’air douce mais avec un caractère bien trempé.

    « Comment tu te sens ? » je questionne Thibault.

    « Bien, bien, je tiens le coup ».

    « Allez, je vous laisse entre mecs. Moi je file à l’hôpital. Tu le surveilles un peu, Nico ? » me branche Nathalie.

    « Pas de problème ».

    « Je compte sur toi pour l’empêcher de faire des bêtises ».

    « Je veille sur lui ».

    « A demain matin » elle lance, tout en embrassant longuement son chéri.

    Quand je regarde cette petite brune à côté de ce beau mâle, et je ne peux m’empêcher de mettre en parallèle la puissance du mec et le petit gabarit de la fille, je ne peux m’empêcher de l’imaginer dans les bras puissants du beau pompier, enveloppée par cette étreinte douce, virile et rassurante que je connais bien. Je les imagine peau contre peau, enlacés, en train de faire l’amour. J’imagine surtout Thibault en train de faire l’amour.

    Pendant que je lui refais la bise, alors qu’elle s’apprête à partir, j’ai envie de lui dire qu’elle a une chance inouïe d’être avec un mec pareil. Elle a l’air d’une chouette fille, j’espère qu’elle saura lui apporter le bonheur qu’un mec aussi charmant et adorable mérite. Car cette nana porte l’enfant de mon pote, et elle détient la clef de son bonheur.

    Nathalie vient tout juste de passer la porte lorsque Thibault pousse un grand soupir. Mais ce n’est pas un soupir de soulagement, c’est clairement un soupir de souffrance.

    « Ça va pas ? » je m’inquiète.

    « Je souffre le martyre ».

    « Au genou ? ».

    « Oui, mais aussi au dos, au cou ».

    Thibault soulève son t-shirt et dévoile son torse de statue grecque. C’est beau à en pleurer. Mais le frisson sensuel provoqué par la vision de son torse de malade se mélange très vite à la tristesse de voir son dos parsemé d’ecchymoses.

    « Oh, Thibault… ».

    « J’ai failli y passer, Nico. Ce coup-ci, c’est vraiment pas passé loin ».

    « Qu’est-ce qui s’est passé ? ».

    « On était sur le site une heure après l’explosion, on cherchait des blessés. On est rentrés dans un hangar et des pièces sont tombées du plafond. Je m’en suis pris une sur la tête et sur le dos. Ça m’a projeté au sol. C’était tellement violent que le casque a été déformé. Je suis tombé sur un autre débris et je l’ai heurté avec le genou. J’ai perdu connaissance, alors que le toit se disloquait. Heureusement un collègue m’a sorti de là, sinon j’y serais passé ».

    « Je suis vraiment désolé Thibault ».

    « J’ai eu peur, Nico, très peur. Et j’ai toujours peur, je n’arrive pas à oublier cette peur » fait-il, les yeux rougis, en retenant de justesse ses larmes.

    Je vois cette peur dans ses yeux. Je m’approche de lui et je le serre dans mes bras. Le jeune pompier se lâche enfin et pleure dans le creux de mon épaule.

    « C’est fini, c’est fini ».

    « Je suis désolé de t’imposer ça ».

    « T’inquiète, tu es mon meilleur pote et je suis content d’être là ».

    « Merci d’être venu, Nico, merci ».

    « J’ai senti que ça n’allait pas fort ».

    « Je n’ai jamais vu un tel désastre, Nico, je n’ai jamais vu de telles horreurs de ma vie. J’ai vu des trucs vraiment horribles. Je n’arrive pas à penser à autre chose, je me passe la scène en boucle ».

     « Pourquoi tu caches ta souffrance à Nathalie ? ».

    « Elle est enceinte, je ne veux pas qu’elle s’inquiète ».

    « Mais tu ne peux pas garder tout ça pour toi ».

    « Je n’ai pas envie de lui infliger ça. De toute façon, c’est trop dur. J’en fais des cauchemars. Je n’arrive plus à dormir. J’ai l’impression que je vais devenir fou ».

    « C’est encore frais, ça va se calmer avec le temps » je tente de le rassurer.

    « Ces blessures vont guérir » il répond, en indiquant son pansement au genou « Mais ces autres » il ajoute, en indiquant sa tête « ne vont pas guérir de sitôt ».

    « Si tu veux en parler, tu peux compter sur moi ».

    « Je n’y tiens pas Nico ».

    « Je comprends. Mais je pense que tu devrais en parler quand-même. Je suis certain que ton médecin pourrait t’orienter vers quelqu’un qui pourrait t’aider ».

    Thibault ne répond pas, il a l’air tellement mal. Je le vois mordiller sa lèvre, respirer fort, essayer de retenir ses larmes. Il est tellement touchant, tellement émouvant. Je le prends une nouvelle fois dans mes bras et il éclate à nouveau en sanglots.

    Je le serre contre moi pour essayer de le réconforter mais je n’arrive pas à le calmer. Je suis bouleversé par sa souffrance. Son mal être est profond, et tellement injuste. Je sais que pompier est un métier à risque. Mais je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi le sort est si injuste avec un gars aussi merveilleux.

    Soudain, je réalise que je suis en train d’enlacer Thibault dans ce clic clac où Jérém et lui ont couché ensemble. Mais cela n’a plus d’importance, je ne sais même pas comment j’ai pu lui en vouloir autant.

    Le contact avec le beau pompier me procure d’intenses frissons. La solidité, la puissance, la chaleur de son corps, même meurtri, m’impressionnent. Le contraste entre la puissance du muscle et la douceur de la peau de ses biceps me rappelle des moments d’intense sensualité et de plaisir de la nuit où nous avions partagée avec Jérém. Son empreinte olfactive de jeune mec m’enivre. Son cou puissant à portée de bisous est si tentant.

    « Je suis tellement fatigué » je l’entends soupirer.

    « Ça va aller Thibault, tu es un sacré bonhomme, tu vas remonter la pente ».

    « Je ne sais pas si j’en ai l’énergie ».

    « Tu as une équipe qui t’attend ».

    « Avec mon genou en vrac, je ne pourrai pas jouer pendant des mois ».

    « Et franchement, je ne sais même plus si j’ai envie » il continue, avec une voix faible « Être payé pour jouer au ballon, ça me parait tellement vide de sens. Passer ma vie à m’occuper de mon corps, de mes performances, de mon alimentation, à tourner autour de moi, juste pour être prêt à courir après un ballon, je sens que je ne pourrai pas faire ça longtemps. Après ce que j’ai vu vendredi, je crois que je ne pourrai plus le faire du tout ».

    « Tu veux plaquer le rugby ? ».

    « J’y pense de plus en plus ».

    « Pour faire quoi ? ».

    « Je vais revenir au garage. Mon ancien patron me reprendra ».

    « Et les pompiers ? ».

    « Je ne peux plus. J’ai vu trop d’horreurs, je ne peux plus ».

    « Mais tu ne peux pas renoncer à tous tes rêves ».

    « Quelque chose s’est brisé en moi vendredi dernier et je ne crois pas que je vais arriver à le réparer de sitôt. J’ai eu peur et la peur ne me quitte plus. J’ai besoin de me concentrer sur l’essentiel. D’avoir un taf, un salaire, une vie tranquille. J’ai besoin d’être là quand mon gosse va arriver. C’est peut-être égoïste, mais c’est comme ça ».

    « Thibault, tu es un gars merveilleux. Je crois, non, je suis sûr que je ne connais personne d’aussi courageux, altruiste et généreux que toi ».

    « Ce Thibault-là n’existe plus ».

    « Je suis sûr que si. Il se cache parce qu’il a peur. Mais il ne pourra pas rester planqué longtemps. Tu es un pompier dans l’âme et tu le seras toute ta vie. Tu as des valeurs, des merveilleuses valeurs. Tu as besoin de te sentir utile. Non pas parce que ça fait du bien à ton égo, mais parce que tu es quelqu’un de bien, un gars comme il n’en existe pas des légions. Tu es un gars rare, Thibault. Et je suis heureux, à un point que tu n’imagines même pas, de te connaître et d’avoir ton amitié ».

    « Ça me touche ce que tu viens de dire ».

    « Je le pense vraiment, vraiment. Ne change jamais Thibault, jamais, ne laisse pas la vie t’atteindre au point d’oublier qui tu es. Tu es quelqu’un de trop précieux ».

    « Nico » il soupire, en me serrant très fort contre lui et en posant des bisous dans mon cou. Mais un instant plus tard, comme s’il regrettait son geste, il se laisse glisser de côté, la nuque sur mon ventre. Je caresse ses cheveux et son visage meurtri et le jeune pompier semble s’apaiser peu à peu.

    Nous restons ainsi, en silence, pendant un bon moment. Des longues minutes pendant lesquelles mon regard est aimanté par ses traits doux et virils à la fois, par son cou puissant, ses épaules charpentées, ses biceps musclés, ses pecs ondulant au rythme de sa respiration.

    Ma tête se met à tourner, mon cœur s’emballe. Mon corps est sans cesse parcouru par d’intenses frissons, j’ai du mal à respirer calmement. Sa peau douce, comme un aimant à câlins, est à portée de mes mains, à quelques centimètres de ma bouche.

    Je crève d’envie de poser un chapelet de bisous sur son cou, à la base de sa nuque, sur les quelques petits poils sur ses avant-bras, sur cette petite légère tache de naissance sombre derrière le biceps que je n’avais jamais encore remarquée.

    Ses bisous m’ont touché. Car il a tant de détresse dans ces baisers. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de ressentir dans ces baisers comme une note de sensualité. Je ressens un doux frisson d’excitation parcourir mon corps. Je bande. J’ai envie de lui.

    Je sais que je ne devrais pas ressentir ça pour un autre gars que Jérém. Et pourtant, je ne peux pas m’en empêcher. La beauté et la sensualité masculines me font tellement d’effet. Un effet qui est totalement hors de mon contrôle. Et en matière de beauté et de sensualité, Thibault est un sacré morceau.

    Le désir est un réflexe, un instinct primaire qui me tombe dessus comme l’appétit, la soif, le sommeil. Et là-dedans, ma volonté n’a aucune voix au chapitre. Je peux maîtriser mes actes, mais en aucun cas mon désir.

    Comme je comprends désormais la tentation qui a été celle de Thibault, sur ce même clic clac, en cherchant le contact physique avec son Jé, pour le réconforter, lorsqu’il était en détresse comme lui l’est maintenant.

    La tendresse qu’on offre pour réconforter à un gars qui nous attire est comme posée sur un plan incliné sur lequel elle risque à tout moment de glisser vers la sensualité.

    L’excitation de mes sens ne trouve de répit que lorsque j’entends la respiration du bomécano s’apaiser et glisser vers un tout petit ronflement, si mignon, qui m’annonce son assoupissement.

    Repose-toi, bonhomme, reprends tes forces, tu l’as bien mérité.

    Je sens mes muscles se relâcher peu à peu, je sens la fatigue me gagner. Et je finis par m’assoupir à mon tour.

    C’est la sonnerie de mon portable qui me fait émerger brusquement. Je le cherche dans ma poche, j’ai du mal à le sortir. Lorsque j’y arrive enfin, j’ai tout juste le temps de voir « MonJérém » s’afficher sur l’écran, que la sonnerie cesse d’un coup.

    J’ai le cœur qui bat à mille. Entre autres, parce que la situation me paraît soudainement gênante. Parler avec Jérém alors que je suis dans le clic clac de Thibault, alors qu’il dort la tête posée sur mon torse, même s’il ne s’est rien passé entre nous à part des câlins, me met mal à l’aise. Je me dis que je le rappellerai une fois sur le chemin vers chez moi.

    Je regarde Thibault bouger sa tête, émerger à son tour, l’air complètement assommé.

    « Il est quelle heure ? » il me questionne, la voix pâteuse.

    « Dix heures quarante. Je devrais y aller… ».

    J’ai tout juste le temps de terminer ma phrase alors que mon portable sonne à nouveau.

    « Excuse-moi, je dois répondre » je lui glisse, en soulevant doucement sa tête pour me lever du clic clac. Je me dirige vers la fenêtre donnant sur le paysage urbain illuminé. Je me fais la réflexion que ma ville est à l’image de Thibault. Qu’est-ce qu’elle belle, même lorsqu’elle est meurtrie !

    « Allo ? » je décroche enfin.

    « Ourson… ».

    « Ça va toi ? ».

    « Bien, bien ».

    « Et ton frangin ? ».

    « Bien aussi, son trauma crânien est toujours en observation. Les médecins ne veulent pas se prononcer pour l’instant. Ecoute, Nico, je n’ai pas beaucoup de batterie, ça risque de couper. Je suis toujours dans le Gers, j’ai dîné chez des voisins. Je vais rester dormir chez mon père cette nuit. Je reviens sur Toulouse demain, je passerai te voir dans la matinée. Bonne nu… ».

    Je n’ai pas le temps de lui souhaiter une bonne nuit à mon tour que la communication est coupée.

    « C’était Jé, hein ? » me lance Thibault, alors que je range mon téléphone dans ma poche.

    « Oui ».

    « Il va bien ? ».

    « Oui, il va bien, mais il s’inquiète pour son frère ».

    « Il va bien Maxime ? ».

    « Il a été blessé dans son lycée. Il a un trauma crânien, et les médecins ne savent pas trop comment ça va évoluer ».

    « Du coup, Jé est sur Toulouse ».

    « Oui, depuis hier. Là il est chez son père ».

    « Tu lui passera le bonjour de ma part » fait le beau pompier, l’air ailleurs.

    « Je n’y manquerai pas. Thibault, il se fait tard, je crois que je vais y aller ».

    « D’accord, Nico. En tout cas, merci encore d’être venu ».

    « T’as besoin de quelque chose ? ».

    « Aide moi à me lever, s’il te plaît pour aller à la salle de bain ».

    J’attrape la bonne paluche que le beau pompier me tend. Je l’aide dans ses mouvements pour se mettre debout. Je lui passe ses béquilles et je le regarde avancer lentement vers la salle de bain. Ça me rend terriblement triste de le voir si mal en point. Et ce ne sont pas ses blessures visibles qui m’inquiètent le plus.

    « Merci Nico ».

    « Ça va aller ? » je le questionne, alors qu’il trébuche et se rattrape de justesse à la cloison du couloir pour ne pas tomber.

    « Oui, ça va aller. J’ai envie d’un café, tu en voudrais un aussi ? ».

    « Pourquoi pas ».

    « Tu veux nous en faire chauffer, s’il te plaît ? ».

    « Avec plaisir ».

    Ainsi, pendant que le beau pompier se soulage, je fais chauffer deux tasses de café.

    Thibault revient une minute plus tard et nous buvons nos boissons en silence. Je cherche son regard, en vain. Car son regard semble perdu dans le vide, comme quelqu’un qui est à moitié endormi. Ou très soucieux.

    « Tu veux m’accompagner dans la chambre avant de partir ? ».

    « Avec plaisir ».

    Thibault a bien de mal à se remettre debout. Ses pas sont mal assurés Je l’accompagne en tenant ses épaules massives, je surveille à chaque pas qu’il ne tombe pas. Je l’accompagne ainsi jusqu’à sa chambre.

    C’est la première fois que je rentre dans cette pièce qui, d’une certaine façon, représente à mes yeux l’intimité ultime d’un garçon. C’est ici que le beau pompier dort, rêve, fait l’amour. Découvrir cette chambre n’est pas sans me faire un certain effet.

    Je l’aide également à s’installer au lit. Je l’aide à enlever son short et son t-shirt. La vision de ses cuisses musclées et de son torse massif, taillé en V, sculpté, de ses pecs légèrement poilus, de ses grands tétons saillants, de la belle bosse que fait son boxer bleu me donne des frissons intenses. Mon Dieu qu’est-ce qu’il est bien foutu ce petit Dieu !

    Soudain, le souvenir du plaisir de la nuit chez Jérém remonte violemment à mon esprit. Je revois le beau pompier en train de me faire l’amour, de me donner du plaisir, de prendre du plaisir. Je sens mon esprit vaciller sous l’effet d’un désir dévorant. Une fois de plus, je culpabilise de ressentir autant d’attirance pour Thibault, alors que je suis si bien avec Jérém, alors que la nuit d’avant j’ai fait l’amour avec lui dans ma chambre, chez mes parents. Mon cœur tape très fort dans ma poitrine, ma respiration est tremblante. J’ai besoin de prendre l’air. Il faut que je parte, il faut que j’arrête de penser à ça.

    Le beau pompier se glisse sous les draps, son corps de malade disparaît de ma vue. Je profite de ce répit pour prendre congé.

    « Ça va aller, Thibault ? ».

    « Ça va aller ».

    « Je file alors » je fais, en me penchant sur lui pour lui faire la bise.

    « Merci encore d’être venu, ça m’a fait du bien ».

    « De rien, ça m’a fait plaisir, même si j’aurais préféré te voir plus en forme ».

    « Il ne faut pas te faire du souci pour moi. J’ai juste un coup de blues, mais ça va passer ».

    Pourtant, malgré ses mots qui se veulent rassurants, j’ai mal au cœur de le laisser. Il a l’air si mal, si angoissé.

    « Prends soin de toi, Thibault. Passe une bonne nuit ».

    « Bonne nuit, Nico ».

    J’ai tout juste le temps d’approcher le battant de la porte de la chambre lorsque j’entends Thibault m’appeler.

    « Nico… ».

    Je reviens illico dans la chambre.

    « Qu’est-ce qui se passe ? ».

    « Je ne veux pas rester seul cette nuit. Tu peux rester dormir ? ».

    J’ai un peu hésité. Je me suis demandé si c’était bien. Je me suis demandé ce qu’en penserait Jérém. Je me suis demandé à quel point ce serait dur pour moi de passer la nuit à côté d’un si beau garçon, avec qui j’ai déjà couché, et de devoir faire face à un désir violent, à une tentation impitoyable.

    Mais devant la détresse de mon ami Thibault, je n’ai pas pu dire non. J’ai envoyé un sms à maman et je me suis glissé sous ses draps. Il est venu se blottir contre moi. Peu à peu, j’ai senti sa respiration s’apaiser. Le beau mécano a fini par s’endormir.

    Thibault a besoin de repos. Je l’ai trouvé très fatigué, physiquement et moralement. Il a besoin de dormir longuement.

    Pour ma part, j’ai plus de mal à m’endormir. C’est dur de dormir à côté d’un mec aussi sensuel, de le sentir blotti contre moi, sans avoir envie que ça aille plus loin qu’un simple câlin. Le contact avec son corps, de son torse nu, de sa peau chaude (même si j’ai heureusement gardé mon t-shirt), la proximité de son sexe caché par une fine couche de coton, le parfum de sa peau, sa présence virile me donnent des frissons.

    Bien sûr, je sais que la demande de Thibault n’a pas d’arrière-pensée. Mon pote ne veut rien tenter de sensuel. De toute façon, il n’est pas vraiment en état pour ça. Ce dont il a besoin cette nuit, pour trouver le sommeil, est d’une présence rassurante à ses côtés. Celle d’un pote avec qui il est à l’aise pour partager ce qu’il cache certainement à son entourage. Son mal être.

    Quant à moi, j’essaie de me maîtriser mais je suis excité, je bande à nouveau. La proximité est le terreau de la tentation.

    Mais ça me fait plaisir d’être là pour lui, vraiment plaisir.

    A un moment, Thibault réémerge et me lance :

    « Tu es un bon gars, Nico ».

    « Toi aussi, toi aussi ».

    Et là, après un petit silence, il me lance une phrase qui va me bouleverser :

    « Tu sais, si on s’était rencontrés dans une autre vie, dans un autre monde, dans d’autres circonstances, je pense qu’on pourrait être plus que des potes ».

    Depuis notre précédente rencontre, depuis que Thibault m’avait parlé de ce gars qui lui faisait de l’effet mais qui lui était tout aussi inaccessible que Jérém, je me doutais bien que ça pouvait bien s’agir de moi. Mais je n’avais pas osé, je n’avais pas voulu le croire. Car cette idée me flattait et me faisait peur à la fois.

    Lorsque je me réveille, il est près de 9h00. Thibault dort sur le dos, le drap en travers de son torse, dévoilant un téton et cachant l’autre. Son visage est serein, apaisé. Il est terriblement beau. Ma trique matinale rend ma frustration insupportable. J’ai envie de me branler. Je suis sur le point de me lever pour aller me soulager dans la salle de bain.

    Soudain, je suis surpris par un bruit venant du séjour. Suivi d’un claquement de porte. Et des bruits de pas sur le carrelage.

    Zut alors, Nathalie est rentrée. Soudain, je ressens un immense malaise me submerger. Je suis dans le lit avec Thibault, son mec, le futur père de son enfant. Bien sûr, il ne s’est rien passé entre nous, à part de la tendresse, beaucoup de tendresse. Mais j’ai l’impression d’être pris avec la main dans le pot de Nutella. En plus, je bande comme un fou.

    Je bondis hors des draps de mon pote, je ramasse mes fringues, je me glisse dans la salle de bain en vitesse, tout en faisant moins de bruit qu’un félin ayant retracté ses griffes et ne marchant que sur ses coussinets. Je me rhabille en vitesse, j’arrange un brin ma tignasse. Et je ressors dans le couloir, je vais à l’encontre de Nathalie, tout en en l’appelant par son prénom, afin de pas la surprendre et de ne pas lui faire peur.

    « Oh, Nico, tu as dormi là ? ».

    « Oui, on a discuté jusqu’à tard avec Thibault. J’ai dormi sur le clic clac… je viens de me lever ».

    « Tu l’as trouvé comment ? » elle me questionne en me faisant la bise.

    « Pas bien. Mais il va aller mieux je pense ».

    « Je l’espère. Il dort toujours ? ».

    « Je crois ».

    « Je vais aller le voir ».

    « Je vais y aller, moi ».

    « Reste pour le petit déj. J’ai rapporté des croissants ».

    Nathalie revient quelques secondes plus tard.

    « Il dort comme un ange. Tu veux un café, Nico ? ».

    « Avec plaisir ».

    « J’ai eu très peur pour lui » me lance Nathalie.

    « Je comprends ».

    « Thibault est un gars unique ».

    « Je le sais, c’est mon meilleur pote ».

    « Alors tu dois savoir que je suis enceinte et qu’il va être papa ».

    « Il me l’a dit, oui ».

    « Je suis heureuse que ce soit lui. Il fera un papa extra ».

    « Je le crois aussi ».

    « Mais il faut le laisser tranquille, Nico » elle me lance, en baissant soudainement le ton de la voix et en me regardant droit dans les yeux.

    « Je sais qu’il a besoin de repos » j’imagine aller dans son sens, naïvement.

    « Je ne te parle pas de repos. Je vais être claire, Nico. Je pense que Thibault est attiré par toi ».

    « Pardon ? ».

    « Ça fait un moment que je me demande si Thibault est bi » elle me lance direct sans prêter attention à mon interrogation.

    « Et je suis certaine que tu es attiré par lui » elle enchaîne « je me demande même s’il ne s’est pas déjà passé quelque chose entre vous ».

    « Mais qu’est ce qui te fait penser ça ? ».

    « Une intuition. Certains de vos regards et de vos attitudes l’un envers l’autre. Je me trompe ? ».

    Je ne sais plus quoi lui répondre. Sa perspicacité me prend de court.

    « Regarde-moi dans les yeux et dis-moi qu’il ne s’est jamais rien passé entre vous… si c’est le cas ».

    « Nathalie… »

    « Allez, je ne vais pas me fâcher. Je veux juste savoir ».

    « Ça ne te regarde pas ».

    « C’est vrai, ce qui s’est passé ou pas dans sa vie d’avant ne me regarde pas. En revanche, ce qui va se passer à partir de maintenant, ça me regarde ».

    « Mais moi j’ai un mec, et je n’ai aucune intention de le tromper » je tente de la rassurer.

    « Tant mieux, je suis heureuse pour toi et je vous souhaite tout le bonheur possible. Mais Thibault, il faut le laisser en dehors de tout ça, d’accord ? Je vais fonder une famille avec lui, tu comprends ça, n’est-ce pas ? Je pense que tu peux comprendre ce que je ressens ».

    « Oui, je peux comprendre… » je suis obligé d’admettre.

    « je ne vais pas te demander de ne pas le voir, car il a besoin de ses potes pour remonter la pente. Mais il ne faut pas que ça dérape, ok ? ».

    « Ça n’arrivera pas, je ne veux pas tromper le gars que j’aime ».

    « Merci, Nico. Inutile de parler à Thibault de cette conversation, ça va sans dire ».

    « Ça va sans dire » je répète machinalement.

    Je quitte l’appart des Minimes sans avoir dit au revoir à mon pote blessé. Je quitte l’appart avec un étrange sentiment, avec un goût amer dans la bouche. Les mots de Nathalie sont justes, mais dures à entendre. Je pense que sa réaction est compréhensible. Mais en aucun cas je renoncerai à garder contact avec Thibault. Son amitié est trop précieuse pour moi. En ce moment, il ne va pas bien. Et on se doit de répondre présent lorsqu’un ami a besoin de nous.

    Il est environ 10 heures lorsque je rentre à la maison.

    « J’ai dormi chez un copain qui est pompier et qui a été touché pendant l’intervention à AZF » je réponds aux questionnements de mon père.

    Je suis toujours secoué par la conversation avec Nathalie.

    Il est presque midi lorsque je reçois un coup de fil de Thibault.

    « Désolé d’avoir dormi si tard. Je ne t’ai pas entendu partir ».

    « Ça t’a fait du bien ? ».

    « J’en avais besoin. C’est la première nuit où je dors bien depuis trois jours ».

    « Je suis content pour toi ».

    « Merci encore d’être resté, Nico ».

    « C’était un plaisir ».

    « Tu rentres bientôt à Bordeaux ? ».

    « Demain, je pense ».

    « Fais moi signe quand tu reviens sur Toulouse ».

    « Promis, mais ça risque de ne pas être avant quelques temps ».

    « N’oublie pas de passer le bonjour à Jé ».

    « C’est comme si c’était fait ».

    Pendant le coup de fil, j’ai l’impression de ressentir dans le ton de sa voix la présence persistante de cette détresse qui m’inquiète. Je sens qu’il ne va toujours pas bien et je ne suis pas tranquille. Je passe la matinée à penser à tout ça. Mais aussi à attendre un coup de fil de Jérém. J’essaie de l’appeler plusieurs fois, je tombe toujours sur le répondeur.

    Il est 13 heures lorsque mon portable sonne enfin. L’écran affiche un numéro en 05, mais dont les chiffres suivants n’ont rien de toulousain.

    « Allo ? ».

    « Ourson ».

    « Tu es où p’tit loup ? ».

    « Chez mon père, à la ferme ».

    « C’est son téléphone fixe qui s’affiche ? ».

    « Oui, j’ai oublié mon chargeur à Paris et je n’ai plus de batterie ».

    « Tu fais quoi ? ».

    « On va manger, là ».

    « Ça s’est arrangé entre vous ? ».

    « Sa pétasse est partie dans sa famille, alors on se supporte mieux ».

    « Tu as des nouvelles de Maxime ? ».

    « Ça va mieux, apparemment les médecins sont plus optimistes aujourd’hui. Il a surtout besoin de repos ».

    « Tu rentres sur Toulouse ce soir ? ».

    « Oui, car j’ai un train très tôt demain matin pour Paris ».

    « Viens dîner et dormir à la maison ».

    « Non, Nico, ce serait abuser ».

    « J’insiste. Ma mère sera contente. Et mon père aussi. Je crois qu’il t’apprécie bien ».

    « C’est ça » il se marre.

    « Allez, viens. J’ai envie de te voir avant que tu repartes à Paris… ».

    « On se verra plus tard ».

    « Mais j’ai grave envie de toi… ».

    « Coquin, va ».

    « Toi non… ».

    « Tu as des nouvelles de Thib ? ».

    « Je l’ai vu hier soir ».

    « Il va bien ? ».

    « Il a été blessé en intervention, il a un genou en vrac ».

    « Merde ! ».

    « Mais c’est surtout le moral qu’il a en vrac. Ce qu’il a vécu l’a vraiment secoué. Il a le moral dans les chaussettes. Mais il te passe le bonjour ».

    « Tu sais quoi, Nico ? ».

    « Quoi ? ».

    « Je vais passer quelques coups de fil et je vais organiser une petite soirée ».

    « A quoi tu penses ? ».

    « Je vais voir. Je te tiens au courant ».

    Jérém me rappelle en milieu d’après-midi.

    « On se retrouve à 18h30 en bas de chez Thib ».

    « D’accord, j’y serai ».

    « Tu savais qu’il avait une copine, et qu’elle vit chez lui ? » il me questionne.

    « Je l’ai rencontrée hier soir ».

    Jérém m’explique que Nathalie a été contactée pour savoir si Thibault était assez en forme pour apprécier une petite soirée entre mecs. Elle a répondu que oui, mais qu’elle ne serait pas de la partie puisqu’elle part travailler à l’hôpital à 18 heures pour la garde de nuit. Ce qui tombe plutôt bien, car une soirée entre mecs, c’est une soirée entre mecs ! Je me dis qu’elle doit ignorer que je fais partie de l’expédition. Et puis, de toute façon, je l’emmerde.

    A 18h30, en bas de chez Thib, nous sommes quatre. Je me retrouve en compagnie de trois rugbymen, mon Jérém, ainsi que Thierry et Julien, les bras chargés de pizzas et de bières. Ce soir, les « quatre fantastiques », les « quatre inséparables » de l’ancienne équipe de rugby vont à nouveau être réunis. La soirée s’annonce belle et émouvante.

    Je regarde les trois potes discuter et déconner entre eux. Julien et Thierry questionnent Jérém sur ses entraînements parisiens, ils le charrient. Leur complicité me fascine toujours autant.

    Je suis très fier de l’initiative de Jérém. Y aller tout seul, ça aurait été compliqué. Mais réunir les « quatre fantastiques », je trouve ça une idée de génie. Je suis certain que revoir ses potes va faire du bien au jeune pompier blessé. Je suis tout excité à l’idée de voir sa réaction.

    Nous prenons l’ascenseur et dans le petit espace je suis happé par le mélange de parfums de jeunes mecs, par leurs rires, leur bonne humeur, leur joie de vivre. Je me dis que c’est exactement ça dont Thibault a besoin.

    C’est Thierry qui se charge de taper à la porte du jeune pompier.

    « Qui c’est ? » j’entends Thibault demander depuis le salon.

    « Le livreur de pizzas ».

    « C’est pas ici, je n’ai rien commandé. Vous faites erreur ».

    « Non, il n’y a pas d’erreur. Sur l’adresse il y a marqué « Sacré Thib, pompier valeureux, futur gagnant du Brennus, un pote en or massif ».

    « Thierry, c’est toi ? ».

    « Tu le sauras quand tu auras ouvert la porte ».

    « Il va me falloir un peu de temps, andouille ».

    « Je ne suis pas pressé. Ne te casse pas la gueule, papi ».

    « Qu’est-ce que tu… » fait Thibault en ouvrant la porte.

    « Salut !!! » lancent les gars, en une seule voix, un cœur viril.

    « Qu’est-ce que vous… » il tente de se reprendre.

    « On s’invite pour une petite soirée. On a tout prévu, la bouffe et surtout la boisson » lâche Thierry, face à un Thibault bouche bée, l’air surpris et touché.

    Les retrouvailles démarrent à grands coups de bises viriles.

    Nous nous retrouvons ainsi chez le beau pompier à partager des pizzas, des bières (juste une pour moi), des pétards (à peine quelques taffes pour moi) et de la bonne humeur. Beaucoup de bonne humeur. Thierry est vraiment un joyeux luron, je pense qu’il serait capable de faire rire une statue de cire.

    Très vite, la complicité des quatre fantastiques renaît de l’évocation des souvenirs des expériences marquantes qu’ils ont partagées. Pendant de longs moments, la conversation porte sur le rugby, sur les matchs, sur les actions de la dernière saison qui ont mené leur équipe à gagner le tournoi.

    Très vite, comme la veille pendant la conversation entre Jérém et mon père, je me sens un brin exclus de cette conversation, mais je m’en fiche. C’est une soirée pour Thibault et l’important c’est qu’il se sente bien. Et le beau pompier a l’air heureux et ça fait plaisir à voir. Et ce qui me fait plaisir par-dessus tout, c’est de le voir discuter avec Jérém, rigoler avec, dans une complicité qui ressemble à celle du bon vieux temps. Je serais tellement heureux s’ils pouvaient enfin retrouver leur amitié d’antan !

    La soirée avance dans la bonne humeur et la détresse semble peu à peu disparaître du regard du jeune pompier. Je le regarde prendre vigoureusement part à la conversation, rigoler jusqu’à ce que ses blessures ne le rappellent à l’ordre.

    « Putain, ça fait mal » fait-il à un moment, en se tenant le cœur.

    « T’es bon pour la casse » fait Thierry en passant un bras autour du cou de son pote blessé.

    « Je crois, oui… ».

    « Allez, à partir de maintenant, on va se raconter des trucs qui ne font pas rire. On va parler de taf et de filles moches. Il faut économiser papi ».

    « Mais ta gueule ! ».

    Et la conversation repart de plus belle, les rires fusent, alors que Thibault apprend à maîtriser les siens pour ne pas avoir mal.

    A aucun moment, il est question de parler de ce que Toulouse a vécu deux jours plus tôt. A aucun moment, il est question de parler de ce que Thibault a vécu deux jours plus tôt.

    On le questionne sur ses débuts au Stade Toulousain, on le félicite pour sa chance. Son discours, son attitude me semblent plus optimistes que ceux de la veille. Cette soirée a vraiment l’air de faire du bien à mon pote Thibault.

    « Eh les gars, vous savez qui j’ai vu il y a quelques jours ? » fait Julien, le petit blond gaulé comme un Dieu, au cours d’un joint partagé à quatre, alors que minuit a sonné depuis quelques minutes.

    « Qui donc, le Pape en culotte ? » déconne Thierry, dont l’humour est en train de virer au stone.

    « T’es con… j’ai vu Akim ! ».

    « Ah, il est toujours vivant celui-là ? » fait Jérém.

    « Oui, il m’a appelé un week-end et j’ai été le voir à Albi ».

    « J’ai toujours trouvé dommage qu’il parte en milieu de saison » fait Thierry « c’était un bon joueur ».

    « Il a trouvé du taf là-bas » explique Julien.

    « Mais il n’a pas vécu la finale. Il n’a pas été champion. Alors qu’il le méritait » considère Thibault.

    « Et si on allait lui faire un petit coucou ? » lance Thierry, telle une folle idée.

    « N’importe quoi » fait Julien.

    « Pourquoi pas, les gars ? » insiste le joyeux luron.

    « Là, maintenant ? » fait Jérém, étonné.

    « Oui, maintenant, patate ! Je pense que tout le monde a envie de lui faire un petit coucou. C’est l’occasion ou jamais. Depuis quelques temps, on ne se voit plus tous les jours, si tu as remarqué ».

    « C’est pas faux ».

    « Mais c’est tard » fait Julien.

    « Akim a toujours été un couche-tard ».

    « Mais on a tous bu et fumé » insiste Julien.

    « Pas Nico » fait Thierry « Qui est partant ? ».

    L’immeuble des Minimes possède un ascenseur mais Thibault est évacué par les escaliers à bout de bras par ses anciens co-équipiers, ce qui a l’air de bien l’amuser.

    Nous voilà à cinq dans la voiture de Thierry, sur la route vers Albi. Je suis au volant, je promène cette joyeuse bande de bogoss déconneurs. Il n’y a presque pas de circulation à cette heure, nous avons la route que pour nous. La nuit étoilée est à nous aussi, cette escapade, tout comme cet instant de folie et de liberté. Enveloppé par la musique à fond a caisse, par une ambiance de camaraderie qui me touche profondément, je suis heureux. J’adore cette drôle de soirée.

    « Appuie sur le champignon, papi ! » me charrie Thierry.

    « Fiche lui la paix » fait Thibault.

    « Si on continue comme ça, il va être reparti au taf quand nous allons arriver ! » persiste le clown de la bande.

    Thierry se moque de ma conduite qu’il trouve excessivement prudente. Mais je m’en fous. Car, je le sens, c’est sa façon de m’intégrer à ce petit groupe.

    Encore que, sur le fond, il n’a pas tort. Il me faut plus d’une heure pour arriver à Albi. Il est 1h30 quand Thierry sonne (longuement) à l’interphone d’Akim.

    Akim, le genre de prénom qui sonne à mon oreille comme une promesse de sexytude masculine d’ailleurs.

    « C’est qui ? » fait une voix enrouée.

    « Police Nationale » fait Thierry « nous savons que vous détenez des substances illicites chez vous ».

    « Quoi, c’est quoi ces conneries ? Vous avez vu l’heure ? » fait la voix masculine dans l’interphone.

    « Ouvrez monsieur Akim, magicien de mêlée, ou nous allons envoyer les équipes d’assaut ».

    « Thierry, c’est toi ? ».

    « Comment tu m’as reconnu ? ».

    « Magicien de mêlée ».

    « Ah, je me suis trahi… ».

    « Tu fais quoi là ? ».

    « Je ne suis pas seul ».

    « Y a qui avec toi ».

    « Ouvre et tu verras ».

    « Putain, tu fais chier, je dormais, je travaille demain… ».

    « OUVRE !!! ».

    Nous retrouvons ledit Akim dans un petit appart. Mon intuition ne m’a pas trompé. Comme prévu, le prénom Akim s’applique à un gars bien sexy. L’ancien co-équipier de Jérém est un charmant reubeu au physique élancé, très brun et au regard de braise. Il nous accueille habillé d’un débardeur blanc qui met bien en valeur la couleur mate de sa peau et d’un survet en tissu molletonné.

    Là encore, les retrouvailles sont touchantes. Thibault est ému. Je crois comprendre que lui et Akim étaient très proches lorsqu’ils jouaient ensemble.

    « Je trinque à Thibault » fait le beau reubeu après avoir appris la mésaventure du jeune pompier, en entrechoquant sa bière avec celles de ses anciens co-équipiers « un gars comme ça » il continue, tout en levant fièrement le pouce « le gars qui m’a tout appris au rugby ».

    « Tu savais déjà jouer » tente de se « dédouaner » Thibault.

    « Je savais jouer mais je n’étais pas un joueur. Tu m’as appris l’esprit d’équipe. Tu m’as intégré à l’équipe. Si tu n’avais pas fait des pieds et des mains pour que je joue avec vous, j’aurais recommencé mes conneries de petit dealeur minable. Et les keufs m’auraient embarqué pour de bon. J’étais dans la cité, au chômage et le rugby était tout ce que j’avais. Tu m’as donné la chance de m’en sortir. Alors, oui, tu m’as tout appris au rugby. Et à la vie aussi. Parce que tu m’as appris avant tout comment être un mec bien. Tu m’as obligé à être un mec bien. Je voulais que tu sois mon pote et j’ai vite compris que pour que cela arrive, il fallait que je sois un mec bien, comme toi. Tu es un modèle pour moi et tu le resteras toujours. Ça me fait de la peine de te voir blessé. J’imagine que tu as vu des choses qui t’ont secoué. Mais ne baisse pas les bras, jamais, jamais… ».

    Thibault est très ému. Les deux anciens co-équipiers se serrent longuement dans les bras l’un de l’autre. C’est beau et terriblement émouvant.

    Soudain, je repense aux mots du beau pompier de la veille. Et je me dis que moi aussi, dans une autre vie, dans un autre monde, dans d’autres circonstances, j’aurais tellement aimé être plus que pote avec cet adorable garçon !

    « Arrêtez un peu, les gars, avant de changer de bord » fait Thierry.

    C’est lorsque leur accolade virile prend fin que Thibault fait l’annonce que j’ai d’une certaine façon attendue pendant toute la soirée.

    « J’ai un truc à vous dire les gars… ».

    « De quoi ? Tu vas te faire curé ? » plaisante Thierry.

    « Je vais être papa… ».

    « Sacré Thibault ! » fait le même Thierry en brisant le petit blanc amené par l’annonce du jeune pompier « félicitations mon grand ! ».

    Tout le monde congratule le beau pompier, avec des bises, des accolades. Sur le coup, Jérém a l’air désarçonné par la nouvelle. Comme les autres, mais peut-être davantage encore que les autres. Mais il finit par féliciter Thibault à son tour.

    Lorsque nous arrivons à Toulouse, il est près de 4 heures du mat. J’arrête la voiture en bas de chez Thibault et je laisse le volant à Thierry. Jérém, Thibault et moi descendons de la voiture. Thierry repart aussitôt, tout en nous lançant un adorable : « Je vous adore les gars ! Jamais on ne se perd de vue, ok ? ».

    « Ok !!! »

    Jérém et moi aidons Thibault à regagner son appart.

    Plusieurs mois après notre nuit ensemble, nous nous retrouvons enfin tous les trois réunis. J’ai peur que maintenant que nous ne sommes plus que tous les trois il y ait comme une distance entre nous. Alors, je suis heureux d’entendre Thibault nous lancer :

     « J’ai envie d’un café. Vous voulez un café les gars ? ».

    « Je veux bien » fait Jérém.

    « Moi aussi » je suis le mouvement.

    Thibault entreprend de préparer la cafetière, mais il galère. Jérém le rejoins aussitôt pour l’aider. Thibault le regarde faire sans le quitter des yeux et finit par lui lancer, l’air ému :

    « Merci, Jé, merci, merci, infiniment merci »

    « T’emballe pas, c’est juste une cafetière » plaisante mon Jérém.

    « Je ne parle pas de ça. Thierry m’a dit que c’était toi qui avais eu l’idée de cette soirée et qui avait tout organisé ».

    « Ah, ça… c’est rien ».

    « Au contraire, c’est tout. Tu ne peux pas savoir comment ça m’a fait plaisir de vous revoir. Et de te revoir. Tu m’as beaucoup manqué ».

    « Je suis désolé de comment les choses se sont passées » lance alors Jérém « je n’ai jamais voulu te faire du mal »

    « Je sais, je sais » admet Thibault, faisant face à son meilleur pote.

    « Si tu savais comment tu m’as manqué aussi, frérot » fait mon bobrun, en prenant son pote dans ses bras et en le serrant très fort contre lui.

    « Et merde, tu vas encore me faire chialer » fait Thibault.

    A ce moment précis, je suis tellement fier de mon Jérém. Ces retrouvailles entre meilleurs potes c’est tellement beau à voir !

    « Akim a raison » fait Jérém « tu es un gars génial. A moi aussi tu m’as appris un tas de choses, mais avant tout tu m’as appris comment être un mec bien. Ton amitié compte énormément pour moi. C’est l’une des choses les plus précieuses que je possède. Tu as vécu des choses difficiles, mais tu vas t’en sortir. Je suis à Paris, mais tu pourras toujours compter sur moi. Ne baisse jamais les bras, jamais ».

    « Toi aussi tu pourras toujours compter sur moi, mon pote ».

    « Je le sais, je le sais ».

    « Je suis content pour ce qui t’arrive. Avoir un enfant est une grande responsabilité et tu vas gérer ça comme un chef ».

    « Je l’espère ».

    « J’en suis convaincu ».

    « Et merci à toi aussi, Nico » fait alors Thibault « parce que je suis certain que c’est toi qui as dit à Jé que j’étais pas bien ».

    Je me contente de lui sourire, en essayant de retenir mes larmes.

    « Toi aussi tu es un bon gars » il continue « et je suis content de vous voir heureux ensemble ».

    Avant de quitter Thibault nous nous serrons tous les trois dans une étreinte virile qui fait battre fort mon cœur, de joie et de bonheur.

    Il est cinq heures lorsque nous arrivons chez mes parents.

    Je tombe de fatigue, Jérém aussi. Son train est à 7h45, il lui reste à peine deux heures de sommeil avant le réveil.

    Alors, nous nous couchons illico. Pas de sexe cette nuit, juste quelques bisous, quelques caresses, et ses bras qui enlacent mon corps.

    Cette nuit, je suis heureux. Je le suis, même si je n’ai pas fait l’amour avec Jérém. Je suis heureux parce qu’un petit miracle s’est produit. Plusieurs miracles même. Le moral retrouvé de Thibault. Ses retrouvailles avec son Jé. Cette nuit je suis heureux parce que je sais que Thibault est heureux et que Jérém l’est aussi.

    Oui, je viens de vivre un dimanche que je n’oublierai pas.

    Commentaires

    ZurilHoros

    17/06/2020 18:52

    J’arrive à la fin de la relecture minutieuse de tous les chapitres et pour la première fois, je n’ai rien à modifier dans le commentaire que j’avais laissé précédemment. 
    Cet épisode, et plusieurs autres, montre une facette de Nico que je ne trouve pas claire, voir déplaisante en regard de ce qu’il attend de Jérém. Je trouve curieux qu’il se rende avec Jérém, qui est en panique pour voir son frère, et qu’il pense à admirer sa plastique, à observer que l’inquiétude le rend viril.

    Avec Thibault c’est un cran au dessus. 

    Ca ne me choque pas qu’il soit attiré par Thibault, ça ne me choquerait pas qu’ils s’embrassent puisqu’ils se plaisent. 
    Mais au moment ou Thibault lui confie des trucs extrêmement graves, intimes, qui remettent en cause son avenir, il pense à ses abdos, ses biceps, ses pecs. C’est comme si il tenait le rôle du bon copain mais son empathie ressemble à une façade.  

    « Et pourtant, je ne peux pas m’en empêcher. La beauté et la sensualité masculines me font tellement d’effet. Un effet qui est totalement hors de mon contrôle. »
    « Je sens mon esprit vaciller sous l’effet d’un désir dévorant. Une fois de plus, je culpabilise de ressentir autant d’attirance pour Thibault, alors que je suis si bien avec Jérém, alors que la nuit d’avant j’ai fait l’amour avec lui dans ma chambre, chez mes parents. »

    On est pas loin du satyrisme. Si il était infirmier dans un hôpital militaire, il penserait à sucer les marines plus qu’a les soigner !!! 

    Son entourage croit au gentil et adorable Nico, mais contrairement aux lecteurs, ils ne connaissent pas ses pensées. 

    Thibault. J’aime sa sensibilité, sa lucidité. Il a beaucoup donné mais il n’a pas beaucoup reçu. On s’épuise à ce jeu là. Au fond il a des envies aussi simples que celles de Nico, une vie sans histoires qui s’épanouie dans le cadre familiale. Ils auraient été un couple viable. 
    Sa copine est perspicace, elle sait ce qu’elle veut mais, elle a fait une belle connerie de se mettre en couple avec un type qui ne l’aime pas assez et qui préfère les garçons. 

    Je me demande aussi comment Jérémie fait pour s’afficher avec Nico devant les autres joueurs de rugby. Il n’est pas de leur monde, il n’a pas les mêmes goûts, ils doivent donc se demander ce qu’il fait avec Jérém. Si ils ne sont pas cons, ils vont forcément arriver à la conclusion qu’ils ne jouent pas au ballon tous les deux. 

    La réaction de Jérém au moment ou Thibaut annonce qu’il va être papa, interroge. Se compare t-il? pense t-il à l’avenir? Se dit-il que la vie de son copain se dessine sans lui désormais . 

    ZurilHoros

    31/05/2020 20:36

    Plus la saison deux avance, plus je trouve que la narration est aisée, avec une alternance de situations, des changements de lieu, et des dialogues très réussis et bcp bcp d’émotion. 
    J’aime depuis le début le personnage de Thibaut. C’est jusqu’à présent le sacrifié de l’histoire. On lui prépare un destin un peu en demi-teinte. Des responsabilités, encore et toujours, des rêves qui ne font que passer. 
    Ca fait un petit moment que j’ai des interrogation sur la nature du couple Jerem/Nico, et sur la nature véritable de l’amour que Nico porte à Jerem. D’un coté le démon de l’autre l’ange. Maintenant que le démon s’est calmé, on peut s’intéresser au cas Nico sans s’apitoyer. 
    Ce n’était quand même pas original, ni une preuve de pureté d’âme que de vouloir le mec que tout le monde veut. Le plus beau, le plus sexy, le plus mystérieux et le meilleur des coups de Toulouse, voir plus. Il l’a voulu, il l’a eu. Bravo Nico, tu l’as touché, mis en confiance, rassuré. Tu as voulu mettre ce bel emballage à tes mesures. Un petit peu de tendresse, un petit peu de douceur… Parfait, il te va comme un gant. 
    Mais maintenant que Jérèm s’est dévoilé, qu’il lui a montré ses failles, que va t-il se passer? Lui qui a si peur de l’abandon et de la trahison, est-ce qu’il est tombé sur un ange véritable? 
    Depuis le début, à chaque fois qu’un beau mec passe, Nico est aimanté. Nico se laisse porté par sa sensualité au grès du vent. Les tours qui s’effondrent, une usine qui explose, et maintenant un pote qui souffre, mais qui souffre vraiment, rien ne semble pouvoir lui couper la trique! 
    Et si c’était au tour de Jérèm de morfler un de ces jours  

    richard24

    20/04/2020 17:33

    Toujours aussi bien écrit….et encore  de l’émotion qui noue la gorge et mouille les yeux avec les trois magnifiques

    florentdenon

    18/04/2020 10:48

    Rien a dire : encore un récit mené avec talent, qui nous fait bien partager les tourments et les désirs refoules. Je partage l’idée que rien n’est règle entre Thibault et Nico. J’ai hâte

    Etienne

    13/04/2020 19:17

    Superbe épisode !
    Dans quelques années Thibault se rendra compte qu’il est en train de passer à côté de sa vie et se réveillera.. Et Nathalie ne pourra rien y faire… Patience…
    Je me souviens d’une amie/partenaire de théâtre amateur pour qui il était impensable qu’un homme marié aille voir des hommes… Et puis je lui ai parlé des nombreux hommes mariés avec qui…

    Yann

    12/04/2020 09:44

    J’adore la construction de cette histoire qui nous surprend toujours, nous étonne, nous fait rêver… Rien n’est « linaire » ou convenu. Cet épisode est un condensé de pleins de sentiments divers, l’amitié, les retrouvailles, la tentation, l’amour, l’attention pour les proches… Et puis il y a tous ces bosgoss qui croquent la vie, comme ceux qu’on aimerait pouvoir mater dans les rues, aux terrasses des cafés par ce printemps ensoleillé qui chaque jour est un peu plus terni par les ravages de cette saleté de virus. Fabien te lire nous fait un bien fou encore plus en ces moments.
    Yann 

    Eric

    11/04/2020 22:48

    Episode particulièrement bouleversant Fabien. T écris magnifiquement bien. Vraiment très émouvante Petit regret Nico trop parfait aurait dû céder à son désir mais ouah j ai failli pleurer amicalement

    Virginie-aux-acents

    10/04/2020 18:09

    Quel bonheur de voir le trio réuni, pour le plus grand bien de Thibault.
    Je suis sceptique sur Nathalie, son attitude est étrange. Si elle connaît vraiment Thibault, elle croit qu’elle va pouvoir l’empêcher d’être lui-même? C’est un gars merveilleux… qui aime les garçons (ou du moins qui en aime deux)!

  • JN0227 Par un beau matin ensoleillé.

    JN0227 Par un beau matin ensoleillé.

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    La journée commence par une belle matinée de début d’automne. Le ciel est bleu sur tout le sud-ouest.
    Mario, agriculteur à la retraite, est en train de pêcher la carpe dans le petit lac au milieu de sa propriété, à près de cinquante kilomètres au sud de Toulouse.
    La ligne frémit, un poisson semble avoir mordu. L’homme lève sa canne pour essayer de le sortir de l’eau, lorsque quelque chose d’inattendu se produit.
    BOOOOOOM !!!!
    Un bruit puissant, qui résonne dans tout son corps. Tellement puissant que sa main vacille, la canne plie, le poisson se décroche.
    Mario racontera plus tard qu’il avait cru que ce bruit venait d’une explosion rapprochée.

    Il est un peu plus de 11 heures lorsque je trouve sur mon portable un message de Jérém : « Bien arrivé, c’était trop bien » datant d’une heure plus tôt. Ça me fait un bien fou.
    Midi arrive vite et je vais manger au resto U avec mes camarades. Pendant la pause déjeuner, Fabien, le nouvel arrivé, nous parle de lui, de ses études, de ses projets. Monica a l’air sous le charme.
    Nous sommes sur le point de quitter le resto et de nous diriger vers la salle où se tiendra le cours de l’après-midi, lorsque je surprends une conversation entre deux étudiants qui me glace le sang.
    « … et il paraît que ça pourrait être un attentat… ».
    « Si c’était un attentat, ils auraient choisi Paris… ».
    « Qu’est-ce qui se passe ? » les questionne Raphaël sans détours, alors qu’il vient lui aussi d’entendre le mot « attentat ».
    « Il semblerait que la France soit visée à son tour par une attaque terroriste ».
    « Où ça ? » je lâche, désormais mort de peur.
    « Ce matin, il y a eu une grande explosion à Toulouse. Et il y aurait des victimes ».

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    Valérie, éleveuse de volailles dans une petite commune située à soixante kilomètres au sud-ouest de Toulouse, est en train de nourrir ses canards.
    Elle distribue le grain, vérifie la santé de ses animaux, lorsque quelque chose d’inattendu se produit.
    BOOOOOOM !!!
    Un bruit puissant, qui résonne dans tout son corps. Tellement puissant que sa main vacille, le seau lui tombe des mains et manque de peu de glisser et de tomber.
    Valérie racontera plus tard qu’elle avait pensé qu’un avion avait explosé en vol.

    Ce n’est pas possible, pas ça dans ma ville, pas ça chez moi. Pas là où se trouvent mes parents, Elodie, Thibault, Julien. Le visage des gens qui comptent pour moi défilent dans ma tête, associés au pire. Je sens la peur tétaniser mes muscles, la panique m’envahir. Je retrouve avec horreur la sensation ressentie dix jours plus tôt, devant les images des Twin Towers, la sensation glaçante d’avoir été poignardé dans le dos, la sensation qu’on vient de m’arracher un membre.
    J’ai besoin d’en savoir plus, mais je n’ai pas la force de demander. J’ai envie de pleurer, j’ai envie de ne pas croire à ce que je viens d’entendre. J’ai besoin d’appeler maman, et tous les autres. Jérém n’est pas à Toulouse. Mais si Toulouse est attaquée, est-ce que Paris ne le sera pas ? J’ai besoin de prendre de ses nouvelles aussi.
    « Je dois appeler chez moi » je lance, comme dans un état second.
    « Tiens nous au courant, Nico » me lance Monica, l’air grave.
    « Ça va aller, courage » fait Raphaël, tout en posant une tape amicale sur mon dos.
    Je fonce comme un zombie. Je sors du resto et, les doigts tremblants, j’attrape mon téléphone. Il me glisse des mains, il tombe par terre. Je le ramasse, en larmes, j’essaie de composer le numéro de la maison. Qu’est-ce que je vais retrouver au bout ? Je suis mort de peur. J’appuie sur la touche verte, je porte l’appareil à l’oreille, j’attends plusieurs longues, interminables secondes. La tonalité ne vient pas. Je relance l’appel, et je tombe sur une tonalité bizarre, comme de numéro occupé mais pas tout à fait.
    Je ressaie plusieurs fois, mais mes appels n’aboutissent toujours pas. J’essaie d’appeler Elodie, Julien. Aucun appel n’aboutit. J’ai envie de tenter d’appeler Thibault mais j’hésite, il doit être en intervention à l’heure qu’il est. J’essaie d’appeler Jérém, je tombe sur son répondeur, plusieurs fois. J’essaie même d’appeler Martin, Maxime. J’essaie d’appeler les voisins de mes parents, la boulangerie de ma rue, aucun appel n’aboutit. La panique ne fait que grimper en moi. J’ai peur que ce soit encore plus grave qu’à New York. J’ai peur que ma ville ait été complètement rayée de la carte. Avec les gens que j’aime.

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    Marc, est en train de faire du vélo près de l’Aéroport de Blagnac. Il vient de s’arrêter à un passage à niveau fermé. Le train vient de passer, la barre commence à se lever. Marc se prépare à redémarrer, lorsque quelque chose d’inattendu se produit.
    BOOOOOOM !!!
    Un bruit puissant, qui résonne dans tout son corps. Tellement puissant que, au moment même où ses muscles se contractent pour produire l’effort de démarrage, ses jambes vacillent. Tellement puissant, qu’il en est déstabilisé, déséquilibré et qu’il arrive à se rattraper de justesse pour ne pas tomber.
    Marc racontera plus tard avoir cru à l’explosion d’une canalisation de gaz.

    Je quitte le campus, je veux rentrer à l’appart, je veux prendre la voiture, je veux rentrer à Toulouse.
    Je passe devant un bar où des gens s’agglutinent devant un poste allumé sur les infos. Je rentre et ce sont des images de guerre qui se présentent devant mes yeux.
    J’apprends alors que c’est l’usine d’AZF qui a explosé. J’apprends qu’on ne sait toujours pas s’il s’agit d’un attentat, mais qu’il y aurait bien des morts et des blessés. La caméra montre les décombres fumants des installations industrielles. La rocade, les véhicules arrêtés, les tôles froissées, des gens en sang, le tout recouvert d’une poussière grisâtre. Les immeubles de l’autre côté de la rocade, les façades éventrées, les vitres explosées.
    Non, Toulouse n’est pas rayée de la carte. Mais elle a été sacrément meurtrie. Mais ils sont où mes parents et mes amis ? Est-ce qu’ils vont bien ?
    L’animateur insiste sur le fait qu’il ne faut pas essayer de rejoindre la ville car les accès sont endommagés ou bloqués, et aussi pour ne pas entraver les secours qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour venir en aide aux victimes et protéger la population.
    Je suis mort d’inquiétude. Je sors du bar, j’essaie à nouveau de passer des coups de fil, toujours sans succès. Je rejoins un arrêt de bus, j’attends pendant un laps de temps qui me paraît une éternité. Je ne tiens pas en place, je me sens impuissant, c’est horrible.
    Je ne peux pas attendre, je décide de rejoindre mon studio à pied. Je marche comme un fou, je cours. Je pleure à chaudes larmes. Il me faut un bon moment pour retrouver le portail en bois peint en vert, pour retrouver la petite cour avec le sol peint en rouge.

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    Nadège est assise à son bureau de secrétaire, devant son ordinateur. Nadège travaille dans un cabinet d’avocats en plein centre-ville. Elle s’apprête à boire le café qui depuis quelques minutes est en train de refroidir à côté du clavier, lorsque quelque chose d’inattendu se produit. Un arc électrique se forme entre l’écran d’ordinateur et la lampe posée juste à côté.
    Puis, quelques instants plus tard :
    BOOOOOOM !!!
    Un bruit puissant, qui résonne dans tout son corps. Tellement puissant qu’elle croit d’abord à une explosion dans l’immeuble même où elle travaille. Des plaques des faux plafonds se décrochent en tombent sur son bureau, sur sa tête.

    « Nico ! Nico ! » j’entends Denis m’appeler. Depuis sa position privilégiée, derrière la porte fenêtre du séjour donnant pile face au passage d’entrée à la petite cour, il a dû me voir ou m’entendre rentrer.
    « Oui… ».
    « Tu es au courant de l’explosion à Toulouse ? ».
    « Oui, j’ai appris ça… ».
    « Viens, Nico, viens regarder les infos avec nous ».
    Première note agréable à entendre depuis de longues minutes, que cette invitation empreinte de bienveillance.
    Les images sont horribles. Le site d’AZF est un champ de ruines. La ville est défigurée. On parle des morts, des blessés. On parle d’un nuage toxique qui se serait échappé suite à l’explosion et qui, à la faveur des vents, se dirigerait droit vers le centre-ville. On parle d’attentat. Ou pas. Encore d’attentat. D’erreur humaine. De malveillance isolée. On se demande comment est possible qu’une usine potentiellement aussi dangereuse demeure aux portes d’une ville comme Toulouse, comment les autorités publiques aient pu tolérer un tel risque industriel. « Mais l’usine était là avant que la ville ne l’engloutisse… ». « A ce compte-là, il aurait fallu l’obliger à partir ailleurs… ».
    « Je n’arrive à avoir personne à Toulouse » je lance, triste à mort.
    « Moi non plus » me répond Denis « apparemment les lignes téléphoniques sont saturées ».
    « Je deviens fou de ne rien savoir de ma famille ».
    « On ne peut rien y faire, il faut attendre ».
    « Je deviens fou en pensant qu’ils sont peut-être blessés ou morts ».
    « Il ne faut pas penser au pire, il faut rester positif ».
    « C’est pas facile ».
    « Je sais ».
    « Vous croyez que c’est un attentat ? ».
    « Après ce qui s’est passé il y a dix jours à New York, on y pense tous. Mais c’est difficile de le dire pour l’instant ».

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    « Le 21 Septembre 2001, il faisait beau. Dans mon bureau, nous avons senti le sol trembler. Je me disais qu’il y avait quelque chose de pas normal. Quelques secondes après, un énorme boum.
    L’un des gars a dit de ne pas avoir peur, que c’était juste un avion qui venait de passer le mur du son.
    Nous nous sommes tous réunis au centre de la pelouse en regardant le ciel.
    Nous avons fini par retourner à l’intérieur et nous avons pu écouter la radio.
    Les infos parlaient d’une bombe, d’une explosion qui aurait eu lieu au centre-ville, puis à l’aéroport.
    La circulation était bloquée et nous sommes restés cloîtrés longtemps, inquiets, sans savoir réellement ce qui se passait.
    Quand enfin nous avons pu sortir nous avons vu des gens en sang. Ça faisait froid dans le dos.
    Un terrible cauchemar. Le centre-ville avait été balayé. Notre ville rose était devenue une ville fantôme. De la poussière partout, des vitres brisées, des gens perdus. Un des plus grands traumatismes urbains jamais vécus ».

    Je n’en peux plus de ne pas avoir de nouvelles, j’ai peur, j’étouffe. Je ne peux pas rester sans rien faire. J’ai envie de prendre la voiture et de foncer à Toulouse.
    Les infos relayent pourtant les consignes des autorités enjoignant à ne pas s’approcher de la ville pour ne pas entraver les secours.
    Et si je prenais le train ?
    Espoir de courte durée, car à l’antenne on finit par annoncer que la circulation ferroviaire a été interrompue elle aussi.
    Soudain, une sonnerie retentit dans la pièce. Mon téléphone sonne enfin. C’est maman.
    « Nico, enfin j’arrive à t’avoir ».
    « Vous allez bien ? ».
    « Oui, oui, papa vient de rentrer ».
    « Vous n’êtes pas blessés ? ».
    « Non, mais il y en a beaucoup de blessés, beaucoup. Et toi, tu vas bien ? ».
    « Très bien, je me faisais un sang d’encre ».
    « Tout va bien, mon chéri ».
    « Tu as des nouvelles d’Elodie ? ».
    « Non, pas encore. Je vais essayer de la rappeler et dès que j’arrive à l’avoir, je dis aussitôt ».
    « Il y a beaucoup de dégâts ? ».
    « La ville est complètement retournée, tout s’est arrêté d’un coup. Il n’y a plus de voitures dans les rues. Il y a des sirènes partout. Il paraît qu’il y a du danger à cause des gaz de l’usine. On nous dit de nous calfeutrer chez nous, mais il n’y a plus une vitre entière, même les encadrements ont bougé. Même la porte d’entrée. Des meubles sont tombés et c’est un grand bazar. Mais nous allons bien, c’est le principal ».

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    Maxime est en cours de sport dans le gymnase de son lycée à Toulouse. Il est en train de jouer au basket avec ses camarades. Il vient de faire un panier, ses coéquipiers le félicitent, lorsque quelque chose d’inattendu se produit.
    BOOOOOOM !!!!
    Un bruit puissant, qui résonne dans tout son corps. Les murs de la salle se mettent à trembler. Des éléments du plafond se décrochent et l’un d’entre eux vient percuter le petit brun qui tombe à terre, inconscient.

    Me voilà un brin rassuré. Papa et maman vont bien. Mais je suis toujours inquiet pour Elodie, Julien, Thibault.
    Je viens de raccrocher d’avec maman, lorsque mon portable sonne à nouveau. Lorsque je regarde l’écran je suis tellement submergé par l’émotion que je ne peux retenir mes larmes.
    « Nico ».
    « Tu vas bien, Jérém ? ».
    « Oui, oui, ça va. Tu as eu tes parents ? ».
    « A l’instant, ils vont bien. Et toi tu as des nouvelles de ton frère ? ».
    « Je viens d’avoir mon père… Maxime a été blessé au lycée. Il est aux urgences ».
    « Merde… c’est grave comment ? ».
    « Je ne sais pas, mon père venait de recevoir un coup de fil de Purpan ».
    « J’espère que c’est pas trop grave… ».
    « J’ai peur, Nico… s’il devait ne pas s’en sortir… ».
    « Tais-toi, Jérém, ce n’est juste pas possible ».
    « Je monte dans le premier train pour Toulouse ».
    « Je vais essayer de rentrer moi aussi ».
    « D’accord ».
    « Je te tiens au courant ».
    Pendant les heures qui suivent, j’essaie d’appeler Elodie et Julien, toujours sans succès. J’essaie avec Thibault, je tombe sur le répondeur. Je lui laisse un message pour lui demander de donner des nouvelles dès qu’il le pourra.

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    « J’étais à l’hôpital de Rangueil pour passer une visite gynécologique à Rangueil lorsque l’explosion s’est produite » raconte Elodie C. « tout s’est mis à vibrer. Des vitres brisées tombaient des étages. Quelqu’un a dit qu’un hélicoptère venait de s’écraser sur le CHU. La fenêtre de la salle où je me trouvais est tombée à l’intérieur et a été retenue par un ordinateur, ce qui m’a évité de me la prendre sur la tête. J’ai cru que l’hôpital allait s’effondrer ».

    Il est environ 18 heures lorsque je reçois un nouveau coup de fil de maman.
    « Je viens d’avoir le copain d’Elodie au téléphone ».
    « Alors ? Elle va bien ? ».
    « Elle est à l’hôpital… ».
    « Elle est blessée ? ».
    « Elle n’a pas de blessures graves, mais elle a eu un tympan endommagé à cause du souffle de l’explosion. Elle est à Rangueil, ils sont en train de l’examiner ».
    « C’est un cauchemar sans fin ».
    « Elle est en vie, et c’est le plus important ».

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    « Je me trouve chez moi, à quelques centaines de mètres de cette déflagration assourdissante » raconte Julien B., moniteur d’autoécole « mes oreilles sifflent, je suis abasourdi, figé et paniqué à la fois. Ce matin-là, je ne travaillais pas, je faisais la grasse matinée. Les volets encore fermés de ma chambre ont empêché que les éclats des vitres brisées me tuent dans mon propre lit.
    Je m’habille, je descends, je sors dans la rue. Dans les rues, on court, on pleure, on saigne. J’assiste à un spectacle de désolation, des scènes de guerre, à ce que l’on ne voit qu’à la télévision. Mon quartier, celui où j’ai grandi, ses commerces, mes repères, sont détruits. L’impossibilité de passer des coups de fil à nos proches participe d’autant plus au sentiment de panique. On se réconforte, on se soigne, on s’aide. Peu à peu, nous avons de plus amples informations, les esprits se calment. Mais nous sommes sonnés, sous le choc. Un nuage rosâtre survole la ville. Je prête main-forte jusqu’au soir, nous sommes nombreux, jusqu’à l’épuisement. On s’apaise, on se soutient.
    Le 21 septembre 2001, je suis témoin d’un fait historique et j’apprends à cet instant ce que signifie le mot solidarité.
    Nous nous trouvons en présence de l’une de ces catastrophes qui nous dépassent et qui ont le pouvoir, face au malheur qu’elles apportent, de relativiser tous nos repères et de rabattre les cartes dans notre relation au monde et aux autres ».

    Vers 19 heures, alors que j’aide Denis à préparer le dîner auquel je suis invité, mon portable sonne à nouveau.
    « Julien, ça va ? ».
    « Oui, un peu sonné mais ça va ».
    « Tu n’as rien ? ».
    « Non, j’ai eu un bol pas possible… ».
    « Ah bon ? ».
    « Ce matin je ne bossais pas. Au moment de l’explosion, j’étais encore au lit, et j’étais en train de baiser. J’étais même en train de venir. J’ai entendu les vitres de la fenêtre de la chambre se briser derrière moi. Mon lit est juste devant la fenêtre. Je pense que si les volets n’avaient pas été fermés, je ne serais plus là pour t’appeler, Nico… j’ai eu la trouille de ma vie… j’ai cru qu’on était attaqués, comme à New York. J’ai vraiment cru que j’allais y passer. C’est fou de jouir en pensant que tu vas mourir ».

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    « Je roulais sur la rocade et je me trouvais pile à hauteur de l’usine » raconte un automobiliste « quand soudain mon attention a été attirée vers le ciel. J’ai levé la tête, et j’ai vu comme un « voile qui ondulait au vent » dans les nuages, comme une image qui se déforme. La terre a tremblé. Et 2-3 secondes plus tard, une énorme explosion.
    L’explosion a été simultanée avec un énorme souffle. La voiture s’est déportée d’une dizaine de mètres et je me suis retrouvé contre la bande d’arrêt d’urgence, sonné.
    J’ai ressenti l’onde de choc dans tout mon corps et le souvenir est très vivace. Quand je me concentre j’en ai encore le souvenir et je peux toujours le « ressentir ».
    L’explosion a été accompagnée d’une énorme colonne toute droite et noire, au-dessus de laquelle il y avait une espèce de grosse masse, comme un champignon atomique.
    J’ai vu aussi une couleur orangée au sommet du champignon qui, par l’effet du vent d’Autan, commençait à de dissiper et se diriger vers la ville. J’ai cru qu’un nuage toxique allait envahir Toulouse ».

    Après une nuit épouvantable, peuplée de cauchemars, je prends le premier train pour Toulouse du samedi matin. Je suis content de pouvoir rentrer, je suis impatient de retrouver papa et maman. Et je suis impatient et inquiet d’aller voir Elodie, j’espère qu’elle ne va pas avoir de séquelles.
    Je suis impatient aussi d’en savoir plus sur l’état de Maxime. Hier soir, lors d’un deuxième coup de fil, Jérém m’a annoncé que son jeune frère souffrait de fractures aux côtes et de plusieurs blessures. Les médecins le gardaient quand-même en observation pour la nuit et pour d’autres analyses, ce qui n’était pas vraiment rassurant.
    Enfin, je suis impatient de retrouver mon Jérém, même si ce n’est pas dans des circonstances heureuses. Il m’a annoncé qu’il prendrait un train en début de matinée, et qu’il serait à Toulouse en début d’après-midi. Je veux être à ses côtés pour le soutenir.
    Pendant tout le voyage, je suis angoissé à l’idée de l’état dans lequel je vais retrouver ma ville. Je l’ai quittée « en bonne santé » une semaine plus tôt et je m’attends à la retrouver marquée par les stigmates d’une catastrophe industrielle épouvantable. Le train arrive par le nord, pratiquement à l’opposé du site d’AZF. De ce côté de la ville rien ne semble avoir bougé. Il n’y a pas de dégâts apparents.
    A la Gare Matabiau, boulevard Riquet, Jean Jaurès, rue de la Colombette tout semble à peu près en ordre, exception faite de quelques vitres brisées, de plus en plus nombreuses au fil de mes pas.
    Mais plus j’avance vers le sud, plus les blessures sont visibles et importantes. Des murs lézardés, des portes et fenêtres enfoncées, des toitures et panneaux soufflés ou envolés, des débris de toiture, de bois, de verre jonchent le sol. Dans les rues, des voitures aux pare-brises fendus, aux tôles froissées. Ma ville est blessée, touchée dans sa chair, et j’ai l’impression de l’être avec elle. Je pense au lourd bilan des morts et des blessés qui ne fait d’empirer d’heure en heure. C’est horrible, j’ai envie de pleurer. Mais comment cela a pu arriver dans ma belle ville rose ?
    Mais un choc encore plus grand m’attend lorsque j’arrive dans la rue où se situe la maison de mes parents. Comme me l’a annoncé maman, il n’y a pas de circulation, tout est comme figé. L’entendre raconté est terrible, mais le voir est glaçant. Tout n’est que ruine, couvert d’une poussière grisâtre. Tous les immeubles sont debouts, mais leurs façades sont défigurées. Si je ne savais pas qu’il s’agit de l’explosion d’un site industriel, on pourrait croire qu’il y a eu un bombardement et craindre qu’il il en aura d’autres. On pourrait croire que c’est la guerre. En arrivant dans ma rue, je pleure comme un enfant.

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    « J’étais dans mon bureau à Compans Caffarelli » raconte un employé de bureau « l’immeuble a bougé de droite à gauche et gauche à droite. Ceci a été suivi par une forte explosion. J’ai vu la fenêtre s’ouvrir et se refermer violemment. Mon collègue avait plongé sous son bureau, terrorisé. J’ai pensé de suite à l’attentat de New York. J’ai paniqué, je me suis précipité dans les escaliers, et je suis arrivé 3 étages plus bas, dans la rue. Je me suis mis à courir pour m’éloigner car dans mon esprit l’immeuble allait s’effondrer.
    C’est alors que j’ai vu que d’autres personnes sortaient des immeubles voisins. Personne ne savait ce qui se passait car les portables ne passaient pas. Nous avons vu passer des voitures couvertes de cendres.
    Un souvenir marquant à vie ».

    J’ai du mal à parcourir les derniers mètres qui me séparent de la maison. Mon cœur s’emballe, tape très fort, jusqu’à provoquer une véritable douleur dans ma poitrine. Je force mes jambes qui ne veulent plus avancer. Devant l’entrée de ma maison, j’essaie de maîtriser mes larmes pendant de longs instants. Je ne veux pas pleurer devant mes parents. Je ne veux pas leur saper le moral.
    Je reste planté là, devant cette façade meurtrie, devant cette porte déglinguée, incapable de bouger. Lorsque j’essaie enfin de rentrer, je n’y arrive pas, la porte est bloquée. Malgré mes efforts, je n’arrive pas à l’ouvrir.
    Je me résous alors à sonner. J’attends plusieurs secondes, rien ne se passe. Je tape plusieurs fois sur la porte. Quelques instants plus tard, j’entends la voix de papa demander :
    « C’est qui ? ».
    « C’est moi ».
    « Ah, Nico… ».
    J’entends alors des bruits secs et la porte s’ouvre enfin, en forçant, car elle est en partie dégondée. Je suis comme abasourdi, toujours planté sur le seuil d’entrée.
    « Rentre mon fils » fait papa, en me serrant l’épaule, en se laissant aller à l’un de ses rares gestes de tendresse.
    Sur ce, maman arrive à son tour et me prend dans ses bras.
    « Je suis tellement contente que tu aies pu rentrer ».
    « Moi aussi. Tu as des nouvelles d’Elodie ? ».
    « Il semblerait que les dégâts au tympan soient assez importants ».
    « Elle pourrait ne plus entendre ? ».
    « Ou moins entendre de l’oreille touchée ».
    « Vous êtes allé la voir ? ».
    « Non, pas encore. On a prévu d’y aller cet après-midi ».
    Pendant le reste de la matinée et le début de l’après-midi, j’aide papa à boucher les ouvertures avec des planches de contreplaqué, et maman à faire du ménage et du rangement.
    A 15 heures, mon portable sonne à nouveau.
    « Ourson ».
    « Ça fait plaisir de t’entendre ».
    « Tu es à Toulouse ? ».
    « Oui, depuis ce matin. Et toi ? ».
    « Je débarque à l’instant ».
    « Tu vas aller voir Maxime ? ».
    « Oui. Tu veux venir avec moi ? ».
    « Bien sûr que je vais venir ».

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    « J’étais dans le métro » raconte un étudiant « les murs ont tremblé comme s’il y avait un gros orage, un immense orage ».

    Je retrouve mon bobrun boulevard Carnot, non loin de la rue de la Colombette. Je le retrouve pour la première fois sur Toulouse depuis notre dispute chez moi. T-shirt gris, jeans, blouson noir et baskets, tenue de bogoss. Son regard brun est rempli d’inquiétude. Il est à la fois terriblement sexy et tellement touchant.
    « J’ai tellement envie de t’embrasser » je lui chuchote à l’oreille, alors que nous nous faisons la bise et que j’en profite pour effleurer discrètement et fugacement ses doigts avec les miens.
    « On ne peut pas ici » je l’entends me répondre sèchement.
    « Je sais ».
    « Mais moi aussi j’en ai envie » il finit par admettre alors que nous montons dans le bus.
    « J’ai eu mon père hier soir » il m’annonce « Maxime a plusieurs côtes cassées. Il m’a dit qu’il était conscient mais qu’il devait passer d’autres examens pour voir qu’il n’y ait pas de dégâts internes ».
    « Ça va aller » je tente de l’encourager, en lui serrant brièvement mais intensément la main.
    A Purpan, les souvenirs de l’accident de Jérém remontent en moi. C’est dur d’aller voir quelqu’un qu’on aime et dont on ne connaît pas l’état. Je suis content de pouvoir l’accompagner, je suis content qu’il me l’ait demandé. Je suis content d’être avec Jérém, en ce moment.
    Je le regarde foncer dans la rue, dans l’enceinte de l’hôpital, dans le hall, pressé de revoir son frérot et de savoir comment il va. Il est beau, tellement beau, tellement viril et tellement émouvant.
    Dans un recoin qui nous cache des regards, Jérém me colle contre le mur et m’embrasse. Il me prend dans ses bras et il me serre fort contre lui.
    « J’ai peur ».
    « Ça va aller, ça va aller, il n’y a pas de raison… les Tommasi ont la peau dure » je tente de le rassurer.
    Nous avançons dans les couloirs et nous arrivons à la chambre qui nous a été indiquée.
    Et alors qu’il a avancé d’un pas speedé jusque-là, le bobrun s’arrête net sur le seuil, il se fige. Par-dessus son épaule, je retrouve Maxime, le haut du crâne entouré d’un pansement cachant ses beaux cheveux bruns. Son visage porte quelques égratignures et quelques bleus. Il est amoché, mais il est conscient, assis, et il a même l’air amusé.
    Une femme et un homme se tiennent d’un côté et de l’autre du lit médicalisé.
    « Jérémie » fait la femme.
    Jérém se raidit.

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    J’étais au travail ce jour-là. Normal, c’était un vendredi.
    A l’heure de l’explosion, j’ai senti mon siège poussé vers la table du bureau. J’ai d’abord pensé à une petite blague d’un collègue, je me suis retourné. Personne.
    Puis j’ai entendu le « boum ! » 3 à 4 secondes après, en même temps que le reflet du bâtiment où je travaillais se déformait dans les vitres de celui d’en face.
    Nous sommes sortis de nos bureaux, montés sur le toit d’un bâtiment, rien vu de spécial, à part des bouts de nuage orange qui flottaient.
    J’ai croisé notre secrétaire qui nous a dit qu’elle regardait par hasard par la fenêtre au moment de l’explosion, et qu’elle avait vu un nuage de feu et de la fumée en direction d’AZF.
    Je me souviens que c’était le vent d’Autan, et je me suis dit (égoïstement), « ouf ça ne va pas venir dans notre direction ». Quand on a peur, on pense à soi d’abord.
    C’est à ce moment-là que nous avons croisé des gens entre les bâtiments, dans les couloirs et l’imagination est partie au galop.

    « Tu fais quoi, là ? » lance Jérém, sèchement, à la femme qui vient de le saluer.
    « Comment, je fais quoi, là ? Mon fils est à l’hôpital, je viens le voir ».
    « Tu te rappelles que tu as des fils juste quand ils sont aux urgences ! ».
    « Jérémie, s’il te plaît ».
    « Quoi s’il te plaît » fait Jérém en montant dans les tours.
    « Eh, oh, ici il y a un blessé » lance Maxime en forçant sa faible voix pour se faire entendre. Ce qui a pour conséquence de provoquer une quinte de toux, fait particulièrement douloureux lorsqu’on a des côtes cassées. Le petit brun grimace, porte ses mains sur son flanc.
    « Désolé » fait Jérém, en baissant de plusieurs tons.
    « Ça va mon chéri ? » demande la mère au cadet de ses deux beaux bruns.
    « Ça va, ça va ».
    « Allez, on va prendre un café en bas » fait celui que j’imagine être son compagnon.
    « Comment tu vas frérot ? » fait Jérém en serrant la main de son frère.
    « Je tiens le coup, tu vois ? J’étais jaloux de toi, il me fallait un accident à moi ».
    « T’es con ! ».
    « Salut Nico ! ».
    « Salut Maxime ».
    Et alors que le couple vient de quitter la chambre, Maxime nous lance :
    « Ça va, vous, les amoureux ? ».
    « Mais ta gueule, ferme là ! » fait Jérém.
    « Vous êtes beaux tous les deux ».
    « Oui, c’est ça ».
    « Il a fallu que je me prenne une poutre sur la tronche pour pouvoir vous voir enfin tous les deux ensemble ! » continue l’adorable petit con.
    « C’est très drôle ! ».
    « Surtout ne vous lâchez plus ! ».
    « Occupe-toi de tes fesses ! ».
    « Toi, Nico, ça va ? Tout le monde va bien chez toi ? ».
    « Mes parents vont bien, il y eu juste des dégâts matériels. Mais ma cousine a été touchée au tympan. Elle est à Rangueil ».
    « T’es très mal ? » le questionne Jérém.
    « Ça va… ».
    « Ta gueule, dis-moi en vrai ».
    « En vrai, j’ai mal partout. Aux côtes, aux épaules, au dos. J’ai une migraine terrible et l’estomac en vrac à cause des médocs. Mais ça va passer ».
    « Ils t’ont fait toutes les analyses ? ».
    « Je pense. Même un scanner du cerveau. Ils ont été troublés par ce qu’ils ont trouvé ».
    « C’est-à-dire ? ».
    « Du vide, comme dans l’espace »
    « T’es trop con, frérot ! ».

    En sortant de l’hôpital, Jérém pousse un long soupir de soulagement.
    « Putain, j’ai eu peur ».
    « Je te l’ai dit que ça allait aller ».
    « Tu m’avais pas dit que ta cousine était blessée » il me lance.
    « J’ai zappé. On doit aller la voir avec mes parents ».
    « Tu veux qu’on y aille maintenant ? ».
    « Tu viendrais avec moi ? ».
    « Mais bien sûr ».

    Toulouse, Vendredi 21 septembre 2001, 10h17.

    « Il y avait un léger vent d’Autan ce matin-là. C’était un beau vendredi ensoleillé de septembre. A 10h15 c’est la pause, On fume, on plaisante, on envisage le week-end à venir. Plus que quelques heures.
    Mon regard flotte au-dessus des arbres qui bordent l’enceinte du lycée Jolimont. Et là, je vois les feuilles des arbres qui s’orientent toutes dans le même sens et « BOUM !!! »
    Un léger souffle, les vitres ondulent, on se regarde avec les collègues :
    « C’est peut-être un attentat ? »
    « Déconne pas, c’est pas New York… ».

    Elodie est installée dans une chambre double avec une nana un peu plus âgée qu’elle. Lorsque nous arrivons, elles sont en train de se raconter leurs vies. Tout comme Maxime, elle porte un pansement autour du crâne.
    « Oh mon cousin ».
    « Salut Elodie ».
    Nous nous prenons dans les bras, nous nous serrons très fort l’un contre l’autre.
    « Comment vas-tu ? » elle me demande.
    « C’est à toi qu’il faut le demander ».
    « Je suis sonnée comme une cloche avant la messe ».
    J’ai toujours été impressionné par sa capacité à garder le moral dans les pires situations.
    « Allez, sérieusement ».
    « Moi ça va, il faut juste me parler dans la bonne oreille désormais ».
    « Tu vas pouvoir récupérer l’audition ? ».
    « Les médecins ne sont pas très optimistes pour l’oreille gauche qui a été la plus exposée ».
    « Ma pauvre cousine ».
    « C’est la vie, mon Nico. Ça aurait pu être bien pire. Ça me fait plaisir de te voir. Et ça me fait plaisir de voir enfin de près le fameux Jérémie ».
    « Le plaisir est pour moi » fait mon bobrun.

    Toulouse, Vendredi 21 septembre… 1781, 10h30.

    Au dix-huitième siècle, une poudrerie était installée sur l’Ile du Ramier à Toulouse, pas loin de l’emplacement de l’usine d’AZF. Le 21 septembre 1781, à 10 heures et demie du matin, la poudrerie avait connu un accident majeur. Une grande explosion avait secoué le site. L’accident n’avait pas fait de victimes puisque, par un heureux hasard, les ouvriers étaient en train de prendre leur repas à une certaine distance.
    Le 21 septembre 1781, à 10h30 et 21 septembre 2001 à 10h17, à 220 années de distance. Ça ne s’invente pas.

    Il est près de 18h30 heures lorsque nous quittons Elodie.
    « J’en ai ma claque des hôpitaux pour aujourd’hui » me lance Jérém en quittant la grande bâtisse de Rangueil, dont la façade porte les blessures bien visibles de l’explosion.
    Après avoir fait le tour de nos blessés respectifs, je ne sais pas quels sont les projets de Jérém. J’ai terriblement envie de l’embrasser, de le sentir contre moi, de faire l’amour avec lui.
    « Tu penses rester quelques jours ? ».
    « Je ne sais pas encore. Au moins jusqu’à demain. Ou lundi ».
    « Tu rentres chez ton père ce soir ? » je le questionne.
    « Je ne crois pas, je n’ai pas trop envie ».
    « Viens à la maison alors ».
    « Je ne crois pas que ce soit une bonne idée ».
    « Pourquoi ? ».
    « Je ne sais pas… je crois que je vais plutôt prendre une chambre à l’hôtel ».
    « Allez, ça me ferait plaisir. Ce n’est pas le grand confort en ce moment, mais il y a toujours un toit et des murs ».
    « T’es sûr que tes parents vont être d’accord ? ».
    « Mais oui, surtout en ce moment. Après ce qui vient de se passer, tout le monde a besoin d’aide, il faut se serrer les coudes. Je vais leur dire que tu es là pour ton frère et que tu n’as pas d’endroit où passer la nuit. Je les appelle… ».
    « Attend, Nico… et ta mère, tu crois qu’elle va être d’accord ? Je veux dire… après ce qui s’est passé la dernière fois… ».
    « Ma mère sait aussi que j’ai été à Campan et que tu as été adorable et que je suis heureux avec toi ».
    « Et ton père sait ? ».
    « Non, et il n’a pas besoin de savoir pour l’instant. Tu es un ancien camarade de lycée. Point à la ligne ».
    « Je ne vais pas savoir quoi lui raconter ».
    « Tu vas lui parler rugby, de tes entraînements à Paris, et tu l’auras dans la poche ».
    J’appelle maman malgré la perplexité persistante de mon bobrun. Non seulement elle est ok pour que Jérém passe la nuit à la maison, mais elle insiste pour qu’il vienne dîner à la maison.
    En parcourant la ville en bus vers le sud, Jérém est de plus en plus horrifié.
    « Putain, le bordel. Il va falloir des années pour remettre tout ça en état ».
    A l’approche de la maison, je le vois stresser.
    « Ça va aller ? ».
    « Je suis pas très à l’aise ».
    « Ça va aller, tu vas voir ».
    Pendant le repas, la conversation tourne longuement au sujet de la catastrophe. Ce n’est qu’autour du dessert qu’elle se porte enfin sur un sujet moins grave et bien plus fédérateur, le rugby.
    « Alors, il paraît que tu as été recruté par le Racing ? » lance mon père.
    « Oui, monsieur ».
    « T’as commencé les entraînements ? ».
    « Oui, depuis une semaine ».
    La conversation est lancée. Et elle se poursuit bien au-delà du dessert et du café.
    Pendant que papa et Jérém discutent, j’aide maman à débarrasser la table. Jérém se propose d’aider aussi, mais j’insiste pour qu’il reste assis à sympathiser avec papa.
    « Ils ont l’air de bien s’entendre ces deux-là » me glisse discrètement maman.
    « Oui, ça fait plaisir. Tu n’as rien dit à papa, hein ? ».
    « Non, mon chou, c’est à toi de le faire, quand tu te sentiras prêt ».
    « Merci d’avoir dit oui ».
    « Ce sera toujours oui pour rendre service à ton copain ».
    « Merci maman, merci ».
    « De rien mon chou ».
    Maman a l’air très fatigué et elle monte se coucher dès le lave-vaisselle lancé.
    La conversation entre les deux passionnés de rugby se prolonge désormais au salon. La télé déblatère en sourdine sans que personne ne lui prête attention. Papa est installé dans son fauteuil attitré, je m’installe sur le canapé à côté de Jérém. Je ne connais rien au rugby, alors je ne peux pas vraiment prendre part à la conversation. Alors, je me contente d’écouter, d’observer, d’être heureux, et ému.
    Avoir Jérém à la maison, chez mes parents, partager un repas en famille. Puis, le regarder discuter avec papa, l’entendre raconter ses tournois du rugby, s’attarder sur la dernière saison, celle de la victoire, mais aussi celle de notre amour. Et encore, voir papa pendu à de ses lèvres, attentif et admiratif par ce que petit mec lui raconte du haut de ses vingt ans même pas révolus, c’est juste un bonheur infini.
    Plus ça va, plus ils ont l’air de bien s’entendre. Au fond de moi, j’ai terriblement envie d’annoncer à papa que Jérém est plus qu’un ancien camarade de lycée. Mais je ne veux pas gâcher ce pur instant de bonheur. Je ne veux pas mettre Jérém mal à l’aise. Je me dis que pour l’instant, mon bobrun est en train d’investir dans un capital sympathie auprès de mon père qui me sera utile le jour où je lui annoncerai que ce jeune joueur de rugby qu’il semble trouver passionnant est aussi mon mec.
    « Allez, je vais me coucher aussi » fait mon père sur le coup de 11 heures « bonne soirée les gars ».
    « Il est sympa ton père ».
    « Je crois qu’il t’aime bien ».
    « Parce qu’il ne sait pas tout ».
    « Un jour je lui dirai ».
    « Ok, mais attends que je sois parti ».
    « Oui, t’inquiète ».
    Jérém m’embrasse et me caresse longuement. J’ai envie de lui, et je sens qu’il a aussi envie de moi.
    Nous montons à l’étage. Une fois encore, nous nous brossons les dents ensemble, nous allons dormir ensemble. Ces petits moments du quotidien sont si précieux à mes yeux.
    « Cette pièce a connu des jours meilleurs » se moque le bobrun en t-shirt gris et boxer blanc en passant la porte de ma chambre.
    « C’est clair ».
    En effet, elle a connu de bien meilleurs jours. Une plaque en contreplaqué est vissée sur le cadre de la fenêtre, fenêtre dont les battants, sans vitres, sont entreposés contre un mur. Tout comme les planches de mon étagère renversée et complètement déglinguée par l’explosion. Mes livres et mes cours du lycée gisent en tas dans un coin de la pièce. Mon placard, dont les étages ont lâché aussi, est un fouillis de fringues entassées et poussiéreuses.
    « Fais gaffe où tu poses les pieds. Maman a passé l’aspi toute la journée, mais il pourrait rester des éclats de verre ».
    Une fois au lit, je me colle contre lui et nous nous faisons plein de bisous et de câlins. J’ai terriblement envie de lui. Je passe une main sous son t-shirt, j’effleure ses abdos. Mon avant-bras effleure sa queue.
    « Pas ici, Nico ».
    « Pourquoi ? ».
    « Ça me gêne ».
    « C’est pas la première fois qu’on le fait ici ».
    « Je sais, mais il y a tes parents juste à côté ».
    « On va être discrets ».
    « Non ».
    « Allez… » je fais, en glissant ma main dans son boxer.
    « T’es chiant » il me balance, tout en bloquant ma main avec la sienne.
    « Tu n’as pas envie ? ».
    « Bien sûr que si ».
    « Alors, laisse-toi faire, juste une petite gâterie ».
    « Coquin, va » me chuchote le bogoss alors que le simple contact de mes doigts est en train de faire monter sa queue à vitesse grand V.
    « Et toi donc… t’es pas très crédible dans le rôle de la Sainte N’y Touche ».
    « Ta gueule et suce » il soupire, alors que la montée de son excitation efface d’un coup toutes ses réticences.
    Devant une invitation aussi claire et appétissante, je ne peux que m’exécuter. Je me faufile sous la couette, je fais glisser le boxer le long de ses cuisses musclées, et je m’attaque à la bête chaude et conquérante. Je commence par laisser ma langue caresser ses couilles, avant de la laisser remonter lentement le long de son manche vibrant de désir, jusqu’à titiller le creux de son gland et lui arracher un frisson de plaisir incontrôlable. Je le fais languir, j’aperçois les ondulations sensuelles de ses abdos, j’entends sa respiration changer, ses ahanements contenus.
    Et alors que j’avale enfin sa queue jusqu’à la garde, un soupir de bonheur qui vient « du cœur » lui échappe malgré ses précautions. Ça me fait sourire et ça m’excite tout à la fois.
    Je suis content de coucher à nouveau avec Jérém dans ma chambre, dans ce lit où nous avons couché chaque jour pendant la semaine magique l’été dernier. Je suis content de pouvoir remplacer le dernier souvenir de Jérém dans cette chambre, un souvenir malheureux, avec ce nouveau souvenir, heureux, malgré les circonstances qui l’ont rendu possible.
    Je pompe mon bobrun avec bonheur et délice, mais sans précipitation. L’avoir en bouche est un bonheur dont je ne me lasse pas. Je sais qu’il kiffe ça, alors je vais lui en donner « pour son argent ».
    Mais le bogoss a envie de me sucer aussi, et même de me faire jouir dans sa bouche, et d’avaler mes giclées. C’est tellement bon que j’en oublie presque que mes parents dorment juste à côté et manque de peu de manifester bruyamment mon bonheur.
    Un bonheur que je lui renvoie à l’identique lorsque, moins d’une minute plus tard, je jouis à nouveau en recevant ses giclées puissantes dans ma bouche et en les laissant glisser lentement dans ma gorge.
    « Ça va ? » je lui demande, en remontant vers mon oreiller.
    « Grave. Toi aussi ? ».
    « Oui, très bien. Vraiment, très bien » je lui chuchote, tout en cherchant ses lèvres.
    « J’ai envie d’une cigarette ».
    « Mince, tu ne peux même pas ouvrir la fenêtre. Elles sont toutes condamnées ».
    « Je vais descendre et fumer dans la rue ».
    Je regarde le bogoss se rhabiller dans une sorte de rituel fait de gestes inconscients, assurés et très virils. Je l’entends descendre les escaliers en bois. Il me manque déjà. J’ai tellement envie de lui, tellement envie de l’avoir en moi.
    J’attends son retour, et ces quelques minutes de cigarette me paraissent une éternité.
    Lorsque je l’entends enfin remonter les escaliers, comme pendant la semaine magique, je décide de l’attendre dans une position sans équivoques. Je m’allonge à plat ventre sur la couette, les cuisses bien écartées. Je l’entends ouvrir la porte, la refermer. Le bogoss ne dit rien, mais je ressens son excitation. Je la ressens dans la précipitation de ses gestes pour se débarrasser de ses fringues, au léger bruit du coton qui glisse sur son torse, au cliquetis de la boucle de sa ceinture, au frottement du jeans sur ses cuisses. Je l’entends à sa respiration.
    Je sens le matelas se dérober sous mes pieds et mes mollets sous l’effet du poids de son corps s’approchant du mien. Je frémis, alors que ses doigts saisissent mes fesses, les écartent. Mon excitation s’emballe lorsque je sens sa langue s’insinuer dans ma raie et aller direct exciter ma rondelle. Le temps est comme suspendu lorsque, quelques instants plus tard, je sens une bonne goutte de salive tomber lourdement sur ma rondelle. Et je m’embrase alors que son gland se presse sur mon trou.
    Lorsque sa queue commence à s’enfoncer lentement en moi, je suis une torche brûlante de plaisir.
    Ses va-et-vient sont puissants, virils et fougueux, mais pas précipités. Ses caresses sont douces et sensuelles. Ses baisers chauds et émouvants. Faire l’amour, c’est ça, ça ne peut pas être autre chose.
    Faire l’amour, c’est aussi ne pas pouvoir résister à l’envie de lui proposer de changer de position, pour pouvoir le regarder s’approcher de son orgasme, pour le caresser pendant qu’il me fait l’amour, pour amplifier son plaisir en excitant ses tétons. Faire l’amour c’est aussi le couvrir de bisous alors que, submergé par l’orgasme, il s’abandonne sur moi pendant qu’il me remplit de sa semence. Faire l’amour c’est aussi sa main qui, une minute après, branle ma queue et qui me fait jouir alors qu’il est toujours en moi.
    Faire l’amour c’est se trouver enlacés après l’amour, et se couvrir de bisous et de tendresse.
    « Qu’est-ce que je suis bien avec toi » je ne peux m’empêcher de partager mon bonheur.
    « Merci de m’avoir invité à dormir chez toi. Je n’avais pas envie de rester seul ».
    « Je n’aurais pas pu ne pas passer la nuit avec toi ».
    « Tu as des nouvelles de Thibault ? » me questionne le bobrun.
    « Non, pas encore. Je n’ai pas eu le temps aujourd’hui. Je vais essayer demain ».
    « Tu me diras, s’il te plaît. Je m’inquiète pour lui ».
    « Bien sûr. Mais tu as prévu quoi demain ? »
    « Je vais retourner voir mon frérot à Purpan. J’ai aussi envie d’aller chercher quelques affaires chez mon père ».
    « Mais tu n’as pas de voiture ».
    « Je vais voir si un pote du rugby peut m’en prêter une ».
    Nous nous endormons l’un dans les bras de l’autre.

    Commentaires

    ZurilHoros

    13/07/2020 08:13

    La  mère de Jérémie n’a pas l’air si indifférente que ça et Maxime n’a pas l’air d’être en guerre avec elle.
    Si Jérémie lui dit qu’elle ne se souvient qu’elle a des fils que quand ils sont aux urgences, on peut déduire qu’elle était là pour lui aussi.
    Nico n’a pas beaucoup de temps avec Jérémie, il n’a donc pas beaucoup de temps pour s’intéresser à lui mais, il devrait creuser de ce côté la. 
    ‘Il y a quelque chose à faire pour aider son bomec à être mieux avec lui-même. 

    ZurilHoros

    17/06/2020 06:24

    Tu as écrit un épisode ambitieux, qui atteint son objectif mais dans deux directions opposées. Mon premier commentaire du 4 juin reflète le dilemme . 
    D’un coté, il y a la catastrophe d’ AZF. J’avoue que je n’avais pas réalisé que les dégâts avaient été si importants. Que s’est-il passé? on était tellement en période post attentat, tout ce mélangeait et j’ai plus retenu les polémiques sur les différentes hypothèses que l’accident en lui même. Une histoire de cadavre avec des slips superposés. 
    Je viens de regarder sur Wikipédia et je ne savais pas qu’il y avait eu tant de morts et de blessés. 
    En regard de ça, comme lecteur qui doit commenté, je suis gêné de parler des aspects de la relation Jérémie et Nicolas qui du coup, paraissent futiles.
    Bon, j’y vais quand même. Une fois la porte de la chambre fermée, tu as écrit une rencontre qui est vraiment très sexy. Le coup du Nico, sur la couette du lit, c’est pas mal. Pas mal du tout même. 
    Néanmoins, comme précédemment pour d’autres scènes, ça installe une petite musique qui joue sur la perception que je me fais de lui. Est ce que c’est voulu ou pas? 

    ZurilHoros

    04/06/2020 13:26

    Il se passe beaucoup de chose, de rencontres. On apprend que Jerem à une mère très absente, en tout cas à ses yeux mais moins à ceux de son frère (peut être?) 
    Elodie croise Jérèm, enfin. 
    La scène de cul brève est très cool. Ca me parle 

    gebl

    02/04/2020 13:58

    Drôles de convergences , quel bonheur de te lire cette histoires est toujours captivante, loin des premiers intérêts qu’on y portait (lo , quoique !l)

    MORA Jean-Marie

    01/04/2020 20:45

    J’ai lu la date de l’écriture le 1er mars je pense qu’il fallait liire le 1er avril. C’est toujours aussi beau et bien écrit.

    Eri

    31/03/2020 19:48

    C est un très joli texte Fabien tres bien écrit et très sensible comme toujours Continue

    Florentdenon

    31/03/2020 17:03

    Merci pour ce recit touchant et sensible ! Il fait en effet echo a ce que nous vivons et a la peur de perdre des etres chers…Cela etant, Nico et Jerem vont tellement bien ensemble. Cela va etre difficile de les separer.

    Yann

    31/03/2020 14:37

    Les circonstances actuelles si particulières que nous vivons font que cet épisode n’est que plus touchant. La peur pour ceux qui nous sont proches et que l’on aime et puis toutes ces personnes qu’on ne connait pas et que ce drame touche directement ou un proche. Une pensée à tous. Protéger vous prenez soin de vous et de ceux qui vous sont chers. 
    Yann 

  • JN0226 Quand le vent de l’Océan souffle sur Bordeaux.

    JN0226 Quand le vent de l’Océan souffle sur Bordeaux.

    Jeudi 20 septembre 2001, au matin.

    Le lendemain, je me réveille avec un sentiment de manque terrible. Mais une agréable surprise m’attend.

    « Bonjour toi ».

    Enfin un message de Jérém.

    « Bonjour ça va ? » je m’empresse de lui renvoyer.

    « Oui. on se capte se soir ».

    Le message est laconique, mais il a quand même le pouvoir d’illuminer ma journée.

    En quittant mon appart pour partir à la fac, je suis d’une humeur toute guillerette.

    « Bonjour Nico » me lance Denis.

    « Bonjour ».

    « Ça va ? ».

    « Oui, bien, et vous ? ».

    « Bien, bien. Dis-moi, je voulais te demander un service ».

    « Vous pouvez ».

    « Ce soir quand tu rentres, tu pourras me donner un coup de main pour dépoter ces deux palmiers et à les planter dans la terre dans l’autre cour ? »

    « Avec plaisir. On fera ça dès que je rentre ».

    « Merci ».

    « Il y a du vent ce matin » je constate, en entendant les rafales siffler depuis la rue.

    « C’est le vent de l’Océan. Il faudra t’y habituer ici ».

    « Je suis habitué au vent, à Toulouse ».

    « Ah, oui, mais ici ce n’est pas le vent d’Autan, c’est un vent humide qui amène souvent le mauvais temps ».

    En partant, je colle enfin mon nom sur la sonnette.

    Dans la rue, le vent ronfle très fort. Je l’ignore, mais aujourd’hui encore le vent qui souffle sur la ville annonce que quelque chose d’important va très bientôt se produire dans ma vie.

    Troisième jour de fac, deuxième jour de cours. Dans le bus, le bel ouvrier n’est pas au rendez-vous. Aujourd’hui, Monica n’est pas là non plus.

    « Si elle commence à sécher dès le premier jour, ça promet » plaisante Raphaël.

    « Elle a dû avoir un empêchement ».

    « Moi je dis qu’elle est plutôt bonne, Monica » il enchaîne, sans transition.

    Je fais semblant de ne pas avoir entendu sa remarque.

    « T’en penses quoi, toi ? Tu la trouves bonne ? » il insiste.

    « Elle n’est pas mal ».

    « Les brunes c’est pas ton kif ? ».

    « Non, enfin, oui, ça dépend… ».

    « Tu préfères les blondes ? Regarde cette bombasse à 14 heures avec son haut noir. Moi cette nana me fait craquer ».

    « Je croyais que tu kiffais Monica ».

    « L’un n’empêche pas l’autre. La première qui dit oui sera l’élue. En ce moment, j’ai très faim ».

    Je ne trouve rien à réagir à ses mots. Je suis un peu gêné par son numéro de dragueur. J’espère qu’en ne le secondant pas, il va arrêter. Mais ce n’est pas ça qui va le décourager.

    « Je crois que je préfère quand même la blonde. Il faut que j’arrive à lui parler, il faut que je trouve un prétexte pour lui parler. Si j’arrive à attirer son attention, elle est piégée ».

    « T’es horrible, toi ».

    « Quoi ? Si on ne baise pas à la fac, les études perdent 50% de leur intérêt. Ne me dis pas que toutes ces meufs qui se baladent sur le campus ne te font pas de l’effet. Il n’y en a qui sont plutôt pas mal. Et tu ne m’as toujours pas dit quel est le genre de nana qui t’attire ».

    J’ai envie de lui balancer qu’il n’y a aucune nana qui me fait de l’effet, mais qu’en revanche, il y a plein de mecs qui m’en font. Au lieu de quoi, je me contente de lui répondre :

    « Je n’ai pas un genre fixe, il faut que je puisse discuter avec pour être attiré ».

    « Moi il me suffit de leur regarder le cul pour être attiré. Et il me suffit de leur parler pour les mettre dans mon lit ».

    Le cours du matin démarre enfin et fait taire mon camarade bavard et coquin.

    Midi arrive et pendant le déjeuner, Raphaël lit un journal très à gauche.

    « C’est quand même incroyable la médiocrité de notre classe politique dirigeante actuelle » il lance, sans lever le nez de sa lecture.

    « Pourquoi tu dis ça ? ».

    « Parce que c’est une classe politique dirigée par les intérêts des grands patrons » il m’explique, après avoir enfin levé les yeux des colonnes « Ce sont les grands patrons qui font élire leurs pions politiques, et qui, de fait, dirigent le monde au nom des grands intérêts financiers en exploitant les travailleurs par tous les moyens.

    Que ce soit clair, je regrette tous les morts de New York, jusqu’au dernier, et j’ai de la peine pour leurs familles.

    Mais la destruction d’un centre de finance et de spéculation ce n’est pas en soi une mauvaise chose. Il faudrait que toutes les bourses et tous les centres de spéculation du monde soient mis hors état de nuire, et qu’ils le soient par la loi, ou par une révolte citoyenne, sans attendre que ce soient des attentats qui s’en chargent ».

    Et il se lance dans un long laïus au sujet des méfaits du monde de la finance, les « criminels en col blanc qu’aucune justice ne punit », comme il les appelle.

    Plus je l’entends parler, plus ma fascination pour ce gars ne fait que grandir. Ses connaissances, ses arguments, sa capacité de réflexion et de synthèse, la force de sa pensée politique, son discours aux antipodes de tout ce qu’on entend dans les médias officiels où le bien c’est nous et le mal les autres : tout dans ses mots me fascinent.

    Dans le fond, je ne sais pas vraiment quoi penser de son analyse. Elle a l’air cohérente mais tellement funeste. Je n’ai jamais eu de conscience politique. Je n’ai jamais eu l’occasion de côtoyer quelqu’un d’aussi passionné par la politique. Quelqu’un qui remet aussi profondément en question la gouvernance de nos sociétés, leur justice sociale, le politiquement correct. Qui relativise la localisation du bien et du mal. J’ai toujours inconsciemment cru vivre dans le meilleur des mondes possibles et je découvre soudainement que rien n’est ce qui paraît. Ses mots me font peur parce qu’ils me laissent entrevoir que, derrière le discours officiel, se cacheraient des horreurs inavouables.

    Plus je l’écoute parler politique, plus je trouve son côté passionné profondément séduisant. Un mec passionné a un charme particulier. Un mec assoiffé de justice sociale dégage un charme hors-normes.

    Ce qui me frappe chez lui c’est son assurance, sa profonde et honnête croyance dans les idéaux qu’il essaie de diffuser avec ses tripes. Ce qui me frappe aussi, c’est sa maîtrise du langage, la puissance de son élocution, la solidité de ses idéaux, solidité qui fait son assurance, sa forte personnalité qui s’impose et qui en impose, son esprit vif, observateur, critique, qui n’a pas peur de se poser en marge de la pensée officielle, la clairvoyance de son esprit, la maturité de ses réflexions, en dépit de son jeune âge.

    Pour la première fois de ma vie, je me trouve confronté à l’une des plus puissantes manifestations du charme masculin, le charme intellectuel qui déclenche l’admiration.

    Pendant une bonne demi-heure, le charmant Raphaël continue à me parler politique, en faisant l’apologie d’une société idéale qui serait forcément très à gauche. Je ne peux que l’écouter, car mon manque de connaissance me prive de la capacité et de la légitimité d’un quelconque débat.

    Mon esprit de contradiction me fait me remémorer une punch line que j’ai entendue par Coluche :

    « Le capitalisme est l’exploitation de l’homme par l’homme. Le communisme c’est le contraire ».

    Mais je me garde bien de la sortir, n’ayant pas les arguments pour l’étayer. Sans quoi, je sens que mon camarade n’aurait besoin que d’une phrase pour me mettre face à mes contradictions.

    Pendant que nous nous dirigeons vers la salle où va se tenir notre cours de l’après-midi, il me parle également d’écologie, un autre idéal de société à ses yeux, idéal qui l’a poussé à s’inscrire à Sciences de la Terre et de l’Environnement.

    Mais Raphaël est un animal capable de mimétisme. Au contact d’un journal de gauche, il est profondément politique. Lorsque quelque chose l’amuse, il fait preuve d’un fin sens de l’humour, avec un côté taquin très amusant. Et lorsqu’une belle nana rentre dans son champ de vision, il se mue en charmeur plutôt craquant.

    Ainsi, pendant le cours de l’après-midi, il n’arrête pas d’échanger des regards et des sourires avec la fameuse blonde avec le haut noir qui semble avoir remarqué ses intention et qui paraît de plus en plus intriguée.

    « Avant la fin de la semaine, je vais coucher avec elle » il me lance.

    « Je te trouve bien sûr de toi ».

    « C’est parce que tu ne connais pas mes stats avec les nanas. Elles finissent toutes par craquer sur moi ».

    La fin des cours arrive et pendant que la salle se vide, Raphaël me branche sur ma vie à Toulouse. Je trouve étrange qu’il me pose tant de questions à cet instant précis. Mais je ne tarde pas à comprendre ses réelles motivations. En effet, une minute plus tard, il coupe net la conversation :

    « Allez, à demain, mec. C’est pas que je ne t’aime pas, mais j’ai un truc à faire ».

    « T’as quoi à faire ? »

    « La bombasse blonde est seule, ses copines sont parties. Elle m’attend, c’est le moment d’attaquer ».

    Et là, je le vois partir en direction de la blonde avec un pas assuré et conquérant. Il s’approche d’elle, lui lance son plus beau sourire, elle lui sourit à son tour. Il lui parle. Elle sourit. Je pense que Raphaël a vu juste. Elle est sensible à son charme. Il va passer une bonne soirée.

    Lorsque je quitte la fac, le vent souffle encore plus fort que le matin. Jérém me manque horriblement.

    Il me manque tout le temps mais le pire c’est quand je rentre des cours et que je me retrouve tout seul dans mon petit terrier. Le trajet en bus du matin est un parcours dans la joie d’une nouvelle journée de cours, de découverte de ce nouvel environnement dont je découvre un peu plus chaque jour les charmes.

    Mais le soir, ce même trajet en sens inverse est le parcours vers la solitude de mon 15m². J’appréhende de me retrouver seul dans mon appart. Je ne suis pas habitué à vivre seul. Et j’angoisse à l’idée de devoir attendre des heures pour discuter avec mon Jérém. A condition qu’il soit disponible.

    Ainsi, je trouve réconfortante l’idée de rentrer et de retrouver le petit monde clos derrière le portail en bois peint en vert, de retrouver la bienveillance de mes proprios. Ça me fait du bien de repenser au service que Denis m’a demandé ce matin. Et d’avoir ainsi une occasion d’avoir un peu de compagnie ; de retarder la solitude de mon petit studio.

    Et ce qui me fait du bien aussi, c’est de penser au sms du matin de Jérém, comme une promesse de bonheur : « on se capte se soir ».

    J’ai très envie de l’avoir au téléphone. Hier soir, ce petit rituel quotidien m’a bien manqué. Qu’est-ce qui l’a empêché de me faire un petit coucou ? Il encore dû sortir avec ses nouveaux potes. Je voudrais tant savoir.

    En arrivant dans la rue Saint Genès, je tombe sur une voiture qui était à l’époque ni plus ni moins que la voiture de mes rêves. Elle est garée le long du trottoir à quelques dizaines de mètres de mon petit terrier. Il s’agit d’un magnifique 406 coupé, peinture bleu récif métallisée. Une pure petite merveille. Je me vois bien troquer ma vieille utilitaire pour ce petit chef d’œuvre. La bagnole est immatriculée 17, elle n’est pas de la région.

    Je reste un petit moment à admirer sa silhouette stylée, ses lignes sobres et élégantes, sa couleur bleue qui a quelque chose d’hypnotique, ses intérieurs en cuir crème. Je me dis qu’un jour j’aurai une voiture comme celle-ci.

    J’ai du mal à la quitter du regard et à continuer mon chemin vers mon immeuble.

    Je passe le portail, je traverse le couloir avec le grand miroir, j’arrive dans la petite cour. Et là, surprise, les palmiers ne sont plus là. Denis est en train de balayer la cour.

    « Bonjour Nico » il me lance, tout souriant.

    « Vous avez déplacé les palmiers tout seul ? ».

    « Noooon » il se marre « je n’aurais pas pu tout seul. J’ai eu de l’aide. Un jeune homme est venu, et il m’a filé un coup de main. Il est parti chercher quelque chose dans l’autre cour, il va arriver. Ah, le voilà… ».

    Et là, comme dans un rêve, je vois apparaître le jeune homme en question dans l’embrasure de la petite porte reliant les deux cours, portant un grand pot de fleurs à bout de bras.

    Le mec est foutu comme un dieu, très brun. Son torse, ses épaules et ses biceps sont gainés dans une chemise à manches courtes et à fines rayures bleues. Les deux boutons ouverts du haut laissent dépasser quelques poils bruns, et c’est sexy à mort. Ses biceps portent des tatouages sexy, dont l’un remonte jusqu’à son oreille. Je suis abasourdi par sa sexytude. Par sa peau mate, par son brushing de bogoss sur lequel sont posées de grandes lunettes de soleil.

    En me voyant, il lâche un sourire tellement incendiaire qu’il pourrait mettre le feu à l’Antarctique.

    « J… J… Jérém ? Tu fais quoi là ? » je ne trouve pas mieux à balancer, renversé par la surprise et bouleversé par le bonheur.

    « Je peux me tromper, mais à mon avis il est venu exprès pour te voir » me taquine Denis.

    Pour mieux m’achever, le bogoss me lance un clin d’œil des plus sexy. Et c’est beau à pleurer. J’ai envie de courir vers lui et de le couvrir de bisous.

    Mais je suis obligé de me retenir. Car, à cet instant précis, une dame descend de l’escalier qui débouche dans la petite cour, avant d’emprunter le petit couloir pour sortir. Denis lui dit bonjour.

    « Salut Nico ».

    « Salut Jérém… mais comment tu as trouvé l’adresse ? ».

    « Tu m’avais donné le nom de la rue, et tu m’avais dit que tu mettrais ton nom à l’interphone. Alors j’ai fait toutes les sonnettes de la rue jusqu’à trouver ton nom. Je voulais te faire une surprise… ».

    « Et tu as réussi. Quelle belle surprise ».

    « J’ai sonné et comme tu n’as pas répondu, j’ai sonné à un autre appart. Et je suis tombé sur Denis, qui m’a ouvert. Apparemment tu lui avais déjà parlé de moi ».

    Je souris.

    « Et comme il t’attendait, je lui ai demandé de m’aider » fait Denis.

    « Ca fait longtemps que tu es là ? ».

    « Une demi-heure ».

    « Mais tu fais quoi ici ? ».

    « T’es pas content de le voir ? » se moque Denis.

    « Si, si, si, très content. Mais t’as pas entraînement ? ».

    « On nous a libérés en milieu de matinée. Mais je dois être au terrain de rugby demain à deux heures ».

    « Tu vas devoir te lever de bonne heure » lui lance Denis.

    « Mais tu es fou ! » je ne peux me retenir de lui lancer.

    « Je repars maintenant, si tu préfères » se moque le bobrun au sourire incendiaire.

    « Non, non… ».

    « Laisse, Jérémie » fait Denis en lui attrapant le pot des mains, « va t’installer chez Nicolas ».

    « C’est petit chez moi » je le préviens.

    « Ce sera parfait ».

    J’ai tout juste le temps de refermer la porte derrière nous que le bobrun me colle contre le mur et m’embrasse fougueusement.

    « Alors, t’as aimé la surprise ? ».

    « Oh, que oui ! ».

    « Tu ne t’attendais pas à ça, hein ? ».

    « Ah, non ! Quand tu m’as dit « on se capte ce soir », je pensais juste à un coup de fil ».

    « J’avais trop envie de te voir ».

    « Mais tu es vraiment fou » je lâche, comme ivre, alors que je l’embrasse à pleine bouche et que mes mains parcourent fébrilement son corps musclé comme pour me convaincre qu’il est bien réel et que ce n’est pas un mirage.

    « Oui, fou de toi ! ».

    « Je suis super heureux ».

    « Moi aussi » il me répond.

    Nos regards silencieux s’aimantent. Je sais de quoi il a envie. Car j’en ai furieusement envie aussi.

    Je déboutonne lentement, un à un, les boutons de sa chemisette. A chaque bouton ouvert, je reçois une bouffée de tiédeur parfumée au déo de jeune mâle. Je retrouve ses poils bruns avec bonheur, j’embrasse sa peau avec délice. Les deux pans séparés, je lèche ses tétons, je descends lentement vers ses abdos, je laisse ma langue glisser le long de ce petit chemin de bonheur qui relie son nombril à sa queue. J’ouvre sa braguette en prenant mon temps, je fais durer le plaisir de la découverte. Et je me retrouve face à l’élastique épais de son boxer tendu sous la puissance de son érection.

    Ca sent bon le coton propre et la virilité. Je baisse le boxer et je dégage sa queue tendue, conquérante. Je lui lèche les couilles, tout en le branlant. J’arrive à lui arracher un premier soupir de bonheur.

    Suivi d’un deuxième, autrement plus intense, lorsque j’avale sa queue et que je commence à la pomper avidement. Huit jours que je ne l’ai pas vue, et putain qu’est-ce qu’elle m’a manqué !

    A chacun de mes va-et-vient, les pans de sa chemise brassent de l’air tiède qui caresse sa peau, se charge de délicieux effluves, et m’est renvoyé dans un bonheur olfactif qui me rend complètement dingue.

    Et pour faire monter encore mon excitation, le bobrun pince mes tétons par-dessus mon t-shirt. Très vite, je suis tellement chaud de plaisir que mon seul but est désormais de le faire jouir direct.

    Mais le bogoss a d’autres projets en tête. Il m’oblige à me relever, il m’embrasse. Il se débarrasse de sa petite chemise complètement ouverte, il dévoile la beauté délirante de son torse musclé et poilu. Puis, il attrape mon t-shirt par le bas, le fait glisser le long de mon torse, m’en débarrasse. Pendant un instant, nos torses nus se collent l’un à l’autre, nos mains caressent nos dos, nous sommes avides et insatiables de ce contact qui fait tellement de bien.

    Sans arrêter de m’embrasser, le bobrun défait ma braguette, baisse mon jeans et boxer. Il saisit ma queue, l’aligne à la sienne, son bassin exerce une pression pour que nos deux sexes se pressent l’un contre l’autre, ses reins exercent un doux mouvement grâce auquel nos glands se frottent l’un contre l’autre. C’est terriblement excitant. Jérém me serre très fort contre son corps chaud, ses lèvres effleurent mon oreille.

    « Tu m’as manqué ! » je l’entends me chuchoter.

    « Toi aussi tu m’as manqué, si tu savais ! ».

    C’est un véritable plaisir de savoir qu’on compte pour quelqu’un.

    Le bogoss m’embrasse une dernière fois avant de se laisser glisser à genoux devant moi. Et de commencer à me sucer à son tour.

    Un plaisir délirant envahit instantanément mon corps et mon esprit. Plaisir des sens, plaisir de me sentir « mec ». Une pipe, c’est le premier et intense témoignage de l’attirance qu’on éprouve pour quelqu’un. Ça fait du bien de me sentir aussi puissamment désiré par mon bobrun. Ça fait du bien de voir le mec aux deux tatouages, à la peau mate, au torse massif et poilu, aux biceps musclés, le mec sexy et viril qui suscite la convoitise partout où il passe, de le voir à genoux devant moi, en train de me pomper et de prendre du plaisir à le faire. C’est un pur délire. Un délire que je décide d’amplifier encore en caressant ses épaules, ses pecs rebondis, en agaçant ses tétons. Des caresses qui ont pour effet de décupler son excitation, et de faire redoubler son entrain sur ma queue.

    Très vite, je sens mon plaisir s’emballer, je sens arriver le point de non-retour, l’instant où je ne voudrais plus et où je ne pourrais plus retarder mon orgasme. A chacun de ses va-et-vient, je sens monter mon envie de jouir. Et pourtant j’ai tout aussi envie de le sucer encore et de le faire jouir dans ma bouche. J’ai envie d’avoir son jus dans la bouche. Mais j’ai de plus en plus envie de jouir.

    C’est au prix d’un énorme effort de volonté et d’abnégation que j’arrive à dégager ma queue de sa bouche et à retenir mon orgasme. J’attrape ses biceps et je le force à se relever, je le conduis sur le clic clac ouvert, je le débarrasse de son short et de son boxer.

    Le bogoss accoudé, les pecs saillants, les poils bruns, les abdos sculptés, le regard brun et brûlant de désir posé sur moi, la queue raide et humide d’excitation fièrement dressée devant ma bouche : c’est la vision d’une image d’intense sensualité et de bonheur.

    Je saisis sa queue et je la pompe, avidement, dans le seul but de la faire jouir le plus vite et le plus intensément possible.

    Je n’ai pas besoin d’aller bien loin pour sentir son corps se contracter sous la déferlante de l’orgasme, pour sentir ses ahanements contenus (je réalise à cet instant que la totale liberté de la petite maison à Campan, où personne ne pouvait nous entendre et où son plaisir s’exprimait librement, me manque), pour sentir sa queue se gonfler à l’arrivée fracassante de son jus de mec.

    Une première giclée chaude, lourde, dense, salée percute mon palais, enivre mes sens, m’apporte un bonheur sensuel indicible. Elle est suivie de beaucoup d’autres, tout aussi puissantes, tout aussi délicieuses.

    Le bogoss n’en finit plus de jouir, et je n’en finis plus de goûter et d’avaler l’expression chaude et dense de sa virilité. Et lorsque ses giclées se terminent, je m’attarde sur son gland pour capturer la moindre trace de ce goût qui est pour moi le plus délicieux qui soit.

    « Ah, putain… » j’entends le bogoss lâcher dans un soupir libératoire, comme un cri du cœur, juste avant de laisser tomber lourdement son dos sur le matelas.

    « Ça va ? » je lui demande.

    « Tu suces vraiment trop trop bien ».

    « Tu t’en rends compte que maintenant ? ».

    « Non, bien sûr que non… mais à chaque fois tu me rends dingue ».

    « C’est toi qui me rends dingue » je lui réponds, en me laissant glisser sur son corps et en l’embrassant. Le contact de nos nudités, de nos sourires, de nos envies d’être ensemble est juste magique.

    « Elle te va bien » fait le bogoss en saisissant doucement la chaînette posée sur ma peau, chaînette qui a été la sienne.

    « Je la porte tout le temps, et à chaque fois que je la sens glisser sur ma peau, j’ai l’impression que tu es avec moi »

    « T’es mignon ! ».

    « Toi aussi t’es mignon ! ».

    Et nous nous embrassons encore, insatiables de câlins.

     « T’as envie de jouir ? » il me demande de but en blanc.

    Je n’ai toujours pas joui. Sa queue toujours raide contre la mienne, son goût de mec bien imprimé dans ma bouche, je suis excité au possible.

     « J’en ai envie, mais je vais attendre un peu. Peut-être qu’il n’y aura une deuxième « mi-temps »… ».

    « Je crois qu’il y a des chances ».

    « Alors je vais garder mon excitation ».

    « Tu ne perds rien pour attendre » me lance le petit con sexy, tout en se levant.

    « Tu vas où ? ».

    « Je peux fumer ? ».

    « Tu peux fumer à la fenêtre ».

    « Merci ».

    Le bogoss passe sa chemisette qui semble coupée sur mesure pour son torse de malade, il ferme quelques boutons, passe son short sans boxer, se faufile derrière le rideau, ouvre la fenêtre et allume sa clope.

    Il n’a pas tiré deux taffes que j’entends Denis lui lancer :

    « Ah, tu fumes ? ».

    « Eh oui… ».

    « On ne t’a pas dit que c’est mauvais pour un sportif ? ».

    « Si, on me le dit chaque jour, plusieurs fois. J’essaie d’arrêter mais c’est pas simple ».

    « Il a des cigarettes plus difficiles à éviter que d’autres » il rigole.

    « C’est bien vrai » fait Jérém qui a l’air d’avoir compris l’allusion de Denis de la même façon que je l’ai moi-même comprise.

    « Allez files-en moi une s’il te plaît ».

    « Vous pouvez bien me faire la morale » fait Jérém, insolent.

    « Tu sais, à mon âge, je ne serai plus jamais champion de rugby. Et ça fait bien longtemps qu’il n’y a plus de cigarette « inévitable ». Mais de temps à autre, je m’autorise un petit plaisir. Mais il ne faut pas le dire à Albert ».

    J’entends Jérém sourire. Qu’est-ce que j’aime l’entendre sourire.

    J’entends le bruit du briquet qui allume la clope. J’entends Denis le remercier, je l’entends comme s’il était dans la pièce. Je suis toujours à poil. Il ne peut pas me voir derrière l’épais rideau, mais j’ai le reflexe de me cacher sous la couette.

    Je les entends continuer à discuter. La voix de Denis se fait plus faible, il a dû revenir à ses plantes à l’autre bout de la petite cour. Une idée saugrenue me traverse l’esprit. Je sors du lit, je m’approche de mon brun, je me mets à genoux, je le rejoins derrière le rideau. Je caresse sa braguette, je retrouve la raideur de sa queue. J’ouvre une nouvelle fois les boutons de son short. Le bogoss se laisse faire. Je libère la bête chaude qui a encore envie de plaisirs. Et je recommence à le pomper alors qu’il discute toujours avec Denis. C’est sacr’ment excitant.

    Le bogoss termine vite sa cigarette, il dit au revoir à mon proprio et il referme la fenêtre. Il attrape le rideau et le fait glisser entre la fenêtre et nous.

    « T’es dingue, toi ! » il me lance, tout en m’obligeant à me relever.

    « T’as pas dit non que je sache… ».

    « C’est pas faux ».

    « J’ai trop envie de toi ».

    Le bogoss me sourit et m’embrasse. Il est beau à en crever. Je le regarde défaire les boutons de sa chemisette, avant de s’en débarrasser à nouveau.

    « Il semblerait que la deuxième mi-temps va commencer ».

    « Et comment ! » il me répond, tout en m’entraînant vers le lit.

    Un instant plus tard, je me retrouve allongé à plat ventre sur le matelas. Je sens ses mains saisir fermement mes fesses, les écarter doucement. Je sens sa langue se poser sur mon trou, l’agacer, me chauffer à bloc, me rendre fou d’excitation. Les frémissements de sa langue me font vibrer de fond en comble, m’embrasent de plaisir et de désir.

    « J’ai envie de toi » je ne peux me retenir de lui lancer, l’esprit assommé et la voix déformée par l’excitation.

    « Je sais. T’as envie que je te gicle dans le cul ».

    Voilà sa réponse de petit con. Une réponse qui redouble mon excitation.

    « Si tu savais à quel point ».

    « Je sais, je sais… ».

    Le bogoss se laisse glisser sur moi. Je sens ses lèvres parcourir mon dos avec la légèreté d’une plume, lui procurant mille frissons. Je sens sa queue se caler dans ma raie et provoquer de petits frottements délirants. Je sens ses dents mordiller mon oreille, son corps chaud envelopper le mien. Je suis une torche embrasée de plaisir.

    Quelques instants plus tard, le bogoss se relève, son torse quitte mon dos. Mon envie de lui devient frustration insupportable.

    A nouveau, ses mains puissantes écartent mes fesses. Son gland se presse contre mon trou. Et très vite, mes chairs cèdent sous la pression de la clef qui exige l’accès à mon intimité ultime, cette clef mâle qui va leur apporter un bonheur qui leur est bien connu mais dont elles sont toujours en manque.

    Le bogoss se laisse glisser en moi, il prend possession de moi, lentement, doucement, mais avec une inéluctabilité virile qui me rend dingue.

    Un instant plus tard, je suis envahi, rempli, possédé par mon mâle brun. Comme d’habitude, avant de commencer de me limer, il reste quelques instants bien calé au fond de moi, comme pour savourer d’avance et retarder son plaisir à venir, comme pour me faire apprécier la puissance de sa virilité.

    Puis, il s’allonge sur moi, il pose un chapelet de doux bisous dans mon cou, dans mes épaules. Et alors qu’il commence à me limer avec des va-et-vient lents et doux, son torse chaud enveloppe à nouveau mon dos, ses dents mordillent mon oreille, ses doigts excitent mes tétons.

    « J’ai tellement envie de toi » je lui lance, comme dans un état second.

    « Moi aussi ».

    La puissance de ses coups de reins, les va-et-vient de son manche puissant en moi, le contact de ses mains qui saisissent fermement mes hanches, pus mes épaules, et mes biceps pour lui donner l’appui nécessaire pour envoyer de bons coups de reins : chacune de ces sensations participe à me mettre dans un état de presque folie sensuelle.

    « C’est trop bon » je l’entends soupirer, la voix chargée d’excitation.

    « C’est fou ce que tu me fais… ».

    Sa virilité me fait tellement de bien que, sans même me toucher, je sens un intense frisson brûlant se dégager de mon bas ventre. Les petits frottements entre mon gland et le drap, provoqués par son pilonnage incessant, ont été suffisants pour appeler un orgasme que je sens approcher à grands pas. J’essaie de me retenir, je veux encore de ses assauts virils.

    « … mais si tu continues, je ne vais pas tarder à jouir… » j’arrive à lui lancer en faisant un effort de plus en plus important pour garder mon orgasme à distance.

    Et là, le bogoss s’extirpe de moi, il me fait mettre sur le dos. Il s’allonge sur moi, il m’embrasse. Puis, il attrape un oreiller, le fait glisser sur mes reins. Lorsqu’il se relève, je contemple l’absolue beauté de son torse sculpté et poilu aux tatouages bien virils, de sa belle petite gueule bien excitée.

    Le bogoss se faufile entre mes jambes et il reprend possession de moi. Un frisson parcourt son visage lorsque son gland passe la barrière sans résistance de mon trou.

    Pendant un instant, il me regarde, immobile.

    « T’es vraiment un beau petit mec » il me lance.

    « Et toi alors, t’es beau comme un Dieu ! ».

    Le bogoss me sourit et s’allonge sur moi pour un dernier bisou. Avant de se relever, d’attraper mes jambes, de les mettre sur ses épaules et de recommencer de me pilonner.

    Le bogoss m’offre la vision sublime de son corps et sa belle gueule à la recherche de l’orgasme. Et c’est divinement beau. C’est tellement bon de le sentir glisser en moi, taper à fond, bien au fond, c’est tellement bon de le voir prendre son pied. Alors, quand il pose ses doigts sur mes tétons, je me sens à nouveau très vite glisser vers l’orgasme. C’est tellement rapide que je ne peux rien faire pour le retenir.

    « Oh Jérém… » j’ai tout juste le temps de soupirer, alors que l’orgasme m’assomme, alors que le plaisir parcourt mon corps comme une puissante décharge électrique. Alors qu’une première giclée est violemment éjectée de mon gland et atterrit dans le creux de mon cou.

    Et alors que d’autres giclées trempent mon torse, je vois mon bobrun se crisper, je l’entends pousser un immense soupir de bonheur, je le vois lever le visage vers le plafond, fermer les yeux, ouvrir sa bouche, retenir de justesse dans sa gorge un cri libératoire (comment je regrette la liberté de Campan !). Ses coups de reins s’espacent, ses mains se contractent sur mes cuisses, sa pomme d’Adam bouge nerveusement au gré des vagues de plaisir amenées par l’orgasme puissant.

    Jérém s’allonge sur moi, toujours en moi, sans faire attention à mon sperme étalé sur mon torse. Il m’embrasse.

    « Qu’est-ce que j’aime te faire l’amour » il me chuchote tout bas à l’oreille.

    « Moi aussi, si tu savais ».

    J’adore le garder en moi après l’amour, me savoir rempli de sa semence, de son essence de jeune mâle. Mais j’adore tout autant le voir aussi câlin, le sentir aussi amoureux.

    Nous roulons sur le flanc, nous nous retrouvons face à face, nous nous faisons des bisous.

    Peu à peu, je sens la fatigue me gagner et, bercé par le corps chaud, musclé et doux de mon homme, envoûté par le parfum de sa peau, enveloppé par ses bras puissants, je me laisse glisser dans le sommeil.

    Lorsque je me réveille, je surprends mon beau Jérém en train de me regarder en silence. Il me sourit et me fait un bisou.

    « Tu n’as pas dormi ? » je le questionne.

    « Un petit peu… ».

    « Il est quelle heure ? ».

    « Dix-neuf heures, je pense ».

    « Ça fait longtemps que tu es réveillé ? ».

    « Un petit moment ».

    « Et tu me regardais… ».

    « Oui, je te regardais dormir. Tu es beau quand tu dors ».

    « Toi t’es beau tout le temps ».

    Nous nous embrassons à nouveau.

    « Ça m’a manqué de te parler hier soir » je lui lance.

    « Désolé, on est encore sortis entre juniors. Les gars sont fous. J’ai du mal à tenir le rythme. Je me passerais bien de sortir tous les soirs ».

    « Mais pourquoi tu ne lèves pas un peu le pied ? ».

    « Je ne peux pas rester dans mon coin, sinon ils vont me prendre pour un sauvage. J’ai besoin de m’intégrer, de me faire des potes ».

    « Oui, mais déjà qu’on ne peut pas se voir tous les jours, j’ai envie de sentir ta voix ».

    « J’avais aussi envie de t’appeler, mais ils ne m’ont pas lâché. Ça s’est fait tard et je n’ai plus osé t’appeler. Mais ça a été une soirée profitable. Hier soir j’ai discuté avec un gars qui est inscrit à « gestion des entreprises » à la fac. Et il m’a convaincu de m’y inscrire aussi ».

    « C’est vrai ? ».

    « Oui, chef. Tu vois, c’est utile de faire des connaissances ».

    « C’est vrai ».

    « Mais tu m’as manqué depuis une semaine ».

    « Toi aussi tu m’as manqué. Ça fait longtemps que tu me manques quand tu n’es pas avec moi. Mais encore plus depuis ce qui s’est passé la semaine dernière. Surtout depuis que je suis ici. Je n’ai pas l’habitude de vivre seul ».

    « Je sais. Mais je suis là maintenant » il me chuchote à l’oreille, tout en me serrant très fort dans ses bras.

    « Qu’est-ce que je suis bien avec toi, Jérém ! ».

    « Allez, ourson, je t’invite au resto ».

    « C’est vrai ? ».

    « Oui, mais je ne sais pas où. Je ne connais pas Bordeaux ».

    « On va demander à Denis et Albert, ils vont savoir, eux ».

    Nous passons à la douche et nous nous rhabillons. Qu’est-ce que j’aime partager ces petits gestes du quotidien avec mon Jérém.

    En sortant de mon studio, Albert nous voit et nous invite prendre un verre chez eux.

    Pendant l’apéro, la conversation porte essentiellement sur les entraînements de Jérém, et sur mes premiers cours à la fac. A un moment, j’écoute Jérém et Albert discuter de Campan. Albert semble plutôt bien connaître ce village où j’ai été si heureux avec mon bobrun.

    « Vous êtes tellement beaux tous les deux, profitez bien de votre jeunesse et aimez-vous » nous lance Albert avec une touchante bienveillance, alors que nous lui annonçons que nous allons dîner en ville.

    « Au fait, tiens Jérémie » fait Denis, en lui tendant un billet.

    « Mais non, c’est pas la peine ».

    « Si j’insiste, tu m’as bien rendu service ».

    « On va boire un coup à votre santé alors » fait Jérém en saisissant le billet de cent francs.

    « Ca me paraît une bonne idée. On a plus besoin de santé que d’argent à notre âge » fait Denis.

    « Vous savez où vous allez manger ? » demande Albert.

    « Non, pas vraiment. On voulait justement vous demander conseil ».

    « Tenez » fait Denis en nous tendant une carte. Ce restaurant est tenu par un ami. C’est pas donné, mais c’est très bon. Dites-lui que vous venez de ma part, il vous fera quelque chose sur l’addition ».

    Je file à Denis mon plan de la ville que je ne quitte jamais et il me marque l’emplacement du restaurant.

    « Merci ».

    « Bonne soirée, les mecs ».

    Nous traversons la petite cour au sol rouge et le passage au miroir. Nous traversons le portail en bois et nous voilà dans la rue Saint Genès.

    « Tu es garé loin ? ».

    « Pas trop, non. La voiture est juste là, de l’autre côté de la rue ».

    Je regarde mais je ne vois pas la 205 rouge.

    « Je ne la vois pas. Elle est où ? ».

    « Elle est juste là, devant toi ».

    Et là, sous mon regard interrogatif, il appuie sur une petite télécommande. Et ce sont les clignos du 406 coupé bleu métallique que j’ai admiré tout à l’heure qui se mettent à clignoter.

    « C’est quoi cette merveille ? ».

    « Ma voiture ».

    « Tu as déjà acheté une nouvelle voiture ? » je le questionne, dérouté.

    « Oui, avec mon premier salaire ! ».

    « C’est vrai ? ».

    « Mais non, c’est Ulysse qui me l’a prêtée »

    « C’est qui Ulysse ? ».

    « Un joueur avec qui j’ai sympathisé. Cet après-midi, quand on nous a libérés, il m’a annoncé qu’il allait voir sa copine à l’Ile de Ré. Je lui ai dit que je serais bien allé voir la mienne à Bordeaux. On a fait la route ensemble jusqu’à chez lui et il m’a laissé la voiture. Je le récupère demain matin en remontant vers Paris ».

    Nous nous installons dans la bagnole. Je suis impressionné par la beauté du tableau de bord, le soin des finitions, le confort des sièges en cuir, le parfum de neuf de l’habitacle.

    Le bogoss démarre la voiture et il sort de la place de parking en faisant bramer la bête comme il se doit.

    « Ecoute ce bruit… » fait-il, en appuyant sur le champignon.

    « … et prends cette accélération dans la tronche ! ».

    En effet, je suis scotché à mon dossier par la rapidité de la montée en vitesse.

    « Ton pote a vraiment une jolie bagnole ».

    « Apparemment ses parents sont friqués ».

    « Et il t’a prêté sa belle bagnole alors que vous vous connaissez que depuis quelques jours ? ».

    « C’est un gars très sympa ».

    « Je vois, oui… ».

    Je ressens un petit pincement au cœur en pensant à ce pote. Je me demande quel corps d’athlète, quelle belle petite gueule sexy se cache derrière ce prénom, Ulysse, si inusuel, si beau, si mystérieux. Je sais que je ne peux pas continuer à me poser des questions sur chacun de ses coéquipiers, sinon je vais devenir dingue. Mais c’est plus fort que moi. Je brûle d’envie de lui demander qui est ce pote, comment il est, mais je décide de lui faire confiance. Et de ne pas gâcher ce beau moment où le temps nous est compté avec des questionnements mal placés.

    « J’ai toujours aimé ce modèle » je lui raconte.

    « Si tout se passe bien, bientôt j’aurai une belle bagnole aussi ».

    « Tu penses à quoi ? ».

    « Tu verras » fait le bogoss, l’air fier de lui, tout en allumant la radio.

    Le système de son est raccord avec l’élégance de la voiture. Il est parfaitement conçu. Les basses sont bien dosées, tout comme les aigus, on se sent enveloppés par la musique. Un son parfait pour rendre hommage à la magnifique chanson diffusée sur la station :

    J’ai une chanteuse de cœur, et elle ne changera jamais. Mais Diana Ross fait partie de ces chanteuses dont le personnage, tout autant que la musique, suscite en moi une grande fascination.

    En attendant, je suis sous le charme de mon bobrun au volant de cette petite merveille. Il a l’air tellement à l’aise dans cette belle bagnole qu’il vient de conduire pour la première fois. La transition de sa vieille 205 rouge à ce bolide bleu métal s’est faite sans complexes. A sa place, je serais terriblement intimidé. Mais Jérém à l’air à l’aise comme un poisson dans l’eau, un poisson qui apprécie tout particulièrement son nouvel aquarium signé par un grand designer italien. Et je le trouve terriblement sexy.

    A cet instant précis, je me dis que je suis vraiment heureux.

    Je suis installé dans une belle voiture, dans un siège en cuir hyper moelleux, enveloppé par cette voix si unique, portée par un système de son d’enfer. Je suis en compagnie du gars que je kiffe et que j’aime comme un fou, un gars qui a eu les couilles d’oser se taper 1200 bornes aller-retour exprès pour venir me voir pendant quelques heures, un gars qui vient de me faire l’amour comme un Dieu, qui m’a offert des frissons sensuels tellement intenses qu’ils résonnent encore et toujours dans ma chair. Un gars qui vient de m’inviter au resto et qui accepte de ce fait de se montrer en public avec moi.

    Je pose ma main sur la sienne qui traîne sur le levier de vitesse. Son pouce caresse doucement ma main. Un intense frisson parcourt mon corps. Je croise son beau sourire, à la fois doux et hyper sexy. Il est tellement beau dans sa chemisette qui moule diaboliquement son torse et ses biceps !

    « J’ai encore envie de toi » je ne peux m’empêcher de lui lancer.

    « Je sais… attends un peu, la soirée ne fait que commencer ».

    La soirée s’annonce belle, plus que belle, on ne pourrait plus belle. A cet instant précis je suis le gars le plus heureux de la terre.

    La chanson vient de se terminer et une voix de speaker sensuelle et très masculine annonce le titre du prochain morceau dans cette émission de rétrospective sur la Diva américaine.

    https://www.youtube.com/watch?v=UaYHRx9-v2M

    C’est une chanson à la fois belle et triste, annonçant le départ de l’être aimé et de l’impossibilité de l’oublier et de le remplacer.

    Nous trouvons le restaurant et nous nous garons un peu plus loin. Une fois devant l’entrée, je trouve l’endroit plutôt chic. Je jette un œil au menu et je me rends compte que ce n’est vraiment pas donné.

    « C’est assez cher, on va partager » je propose.

    « Non, je t’invite ».

    « Mais t’es fou ou quoi ?! »

    « C’était ton anniversaire il n’y a pas longtemps, alors je t’invite ».

    « Tu es adorable ».

    « Je sais. Et très sexy » il plaisante avec un sourire à me faire fondre.

    « Petit con, va ».

    « Je ne suis pas sexy ? ».

    « Oh que oui ! Mais t’es aussi un petit con ! ».

    « Je sais aussi, et je sais que tu kiffes ça aussi ».

    Cette véritable première sortie publique est un vrai bonheur. Tout est beau, la déco de la salle, les couverts, les fleurs sur le comptoir, la musique jazzy diffusée par la sono, la tenue des serveurs, et les serveurs eux-mêmes.

    Le repas est délicieux. Jérém commande du vin, il m’en propose. Malgré mon aversion pour le vin en général, j’accepte de le goûter. C’est à mon goût aussi. Je termine mon verre. Il m’en ressert. Le vin me fait tourner la tête. A moins que ce ne soit la présence de mon beau mâle brun qui me fait cet effet. Son regard, son sourire, son charme me donnent le tournis. Je me sens tellement bien, tellement amoureux de mon Jérém. Cette soirée n’est pas belle, elle est magique.

    En sortant du restaurant, je propose à Jérém de faire un tour dans la ville.

    Je l’amène place des Quinconces, je lui fais découvrir le Monument aux Girondins. Nous rejoignons la Place de la Bourse, puis le Pont de Pierre.

    « Tu ne trouves pas qu’il ressemble… ».

    « Au Pont Neuf ? » il complète ma question.

    « Elle te manque à toi aussi ? ».

    « Toulouse, je l’aurai toujours dans mon cœur ».

    « J’ai envie de t’embrasser ».

    « Moi aussi, mais il y a du monde » fait-il, tout en posant un baiser furtif sur mes lèvres, tout en restant sur ses gardes, en regardant à 360 degrés qu’il n’y ait pas de danger majeur en vue.

    C’est dur de se dire qu’en 2001, quand on est un mec qui aime les mecs on doit encore se cacher pour aimer. Qu’en étant homo, on est des citoyens différents des autres, comme des citoyens de deuxième catégorie, avec moins de droits que les hétéros. Qu’en étant homo, ce sont parfois les autres, ceux qui ne sont pas comme nous, qui nous dictent nos règles de conduite.

    Mais malgré ces pensées dérangeantes, je me sens bien. Car mon Jérém est avec moi, et je me sens en sécurité.

    Dans la voiture, en route vers mon petit studio, je ressens les mêmes sensations qu’à l’aller. Qu’est-ce qu’il est beau mon Jérém dans cette belle voiture !

    Protégé par la nuit, je m’enhardis, je porte une main derrière son cou, je le caresse. A l’arrêt d’un feu rouge, alors qu’il n’y a personne autour de nous, je m’aventure même à poser des bisous sur son cou. Le bogoss a l’air d’aimer. Et alors que je reviens à la charge pour un nouveau bisou dans le cou, ses lèvres captent les miennes au vol et leur claquent un doux baiser. J’ai envie de pleurer, de crier de bonheur.

    Il est presque minuit et dans la petite cour, c’est le silence qui règne. Les stores de mes proprios sont baissés. Les papis font dodo.

    Sous la couette, dans la pénombre, je ne résiste pas à l’envie de refaire une bonne gâterie à mon bobrun. Je le suce doucement, je pourrais le sucer pendant toute la nuit. Mais au bout d’un certain temps, le bogoss veut intervertir les rôles. Je me retrouve ainsi en train de me faire sucer par mon bobrun, à frissonner sous les coups de sa langue, sous les va-et-vient de ses lèvres. J’étais parti pour lui faire plaisir, je me retrouve désormais à avoir envie qu’il me fasse plaisir. Plus il me suce, plus je suis happé par l’envie de lui jouir dans la bouche.

    Mais le bogoss a d’autres plans. Lorsqu’il quitte ma queue des lèvres, il s’allonge sur moi, il m’embrasse et me chuchote à l’oreille :

    « J’ai envie de toi… ».

    « Moi aussi j’ai envie de toi, ça fait toute la soirée que j’ai envie que tu me fasses l’amour ».

    « Cette fois, j’ai envie que tu fasses le mec » il me chuchote tout bas.

    Jérém s’allonge sur le ventre, mon cœur se met à taper à mille à la minute. J’ai toujours du mal à réaliser qu’un mec comme Jérém, aussi beau, aussi viril, ait envie de se laisser prendre par un mec comme moi. Je n’arrive pas à croire que je vais faire l’amour au gars aux tatouages sexy. Et pourtant, c’est bien le cas. Et ça fait un bien fou à mon égo de mec.

    Mon égo masculin que j’ai découvert à Campan lorsque pour la première fois Jérém m’a demandé de le prendre, grandit encore et atteint de nouveaux sommets.

    Un instant plus tard, ma langue s’emploie à bien exciter son trou. Je retrouve le plaisir immense de le sentir frissonner de bonheur. Avant de goûter au plaisir le plus exquis, celui de sentir ses muscles se relâcher sous la pression de ma queue, de me sentir glisser dans son intimité ultime. J’entends mon bobrun lâcher quelques soupirs qui traduisent une certaine souffrance au passage de mon sexe.

    Je m’arrête, je veux ressortir. Mais le bogoss m’en empêche. Rassuré, je recommence d’exercer une pression avec mon bassin et je me sens définitivement glisser en lui.

    Je viens de pénétrer mon bobrun et m’allonge sur lui, j’embrasse son cou, ses épaules. Et je commence à lui faire l’amour. Le bogoss souffle de plaisir. J’adore l’idée d’être capable de lui donner ce plaisir en étant « actif », en plus de celui que je sais lui donner en étant « passif ».

    « Attends » je l’entends me chuchoter à un moment.

    « T’as mal ? ».

    « Non, je veux juste changer ».

    Jérém se retourne, il s’allonge sur le dos, il passe un oreiller sous ses hanches comme il l’a passé sous les miennes quelques heures plus tôt.

    « Viens » il m’encourage, tout en écartant ses cuisses musclées.

    C’est la première fois qu’il me demande de le prendre dans cette position. J’y vais, malgré un certain malaise. La petite grimace qui traverse son visage au moment de la nouvelle pénétration ne m’aide pas à retrouver confiance. Je suis gêné, j’ai peur de lui faire mal. Aussi, j’ai peur qu’il trouve ridicules mes attitudes pendant le sexe, alors que je trouve les siennes terriblement sexy. Je me sens intimidé.

    Puis, au fil de mes va-et-vient, et malgré la pénombre, je vois le plaisir s’afficher clairement dans les frémissements de son corps musclé de mâle, sur son visage, dans ses soupirs, ses ahanements. Et je reprends enfin confiance. Car c’est beau, terriblement beau. Et atrocement bon.

    « C’est bon » je l’entends soupirer.

    « Tu aimes ? ».

    « Oh que oui » il lâche, la voix assommée d’excitation « Tu as une bonne queue, putain… tu me fais aimer ça » il me balance, ivre de plaisir, en tâtant nerveusement mes pecs.

    « Toi aussi tu me fais aimer ça » je lui réponds, tout en me penchant sur lui pour l’embrasser.

    Et alors que je sens mon excitation monter dangereusement, je ralentis mes coups de reins pour essayer de me retenir.

    « Pourquoi tu ralentis ? ».

    « Si je continue, je vais jouir vite ».

    « Allez, vas-y, fais toi plaisir ! » il me lance « je kiffe ça ».

    Ses mains saisissent mes biceps, m’invitant à me relever.

    « Laisse-moi voir comment t’es beau ! ».

    Mon égo de mâle prend encore de l’ampleur.

    J’accélère la cadence de mes coups de reins, et le bogoss pince délicatement mes tétons, provoquant d’intenses frissons dans tout mon corps.

    Jérém semble de plus en plus fou de plaisir, j’ai l’impression qu’il prend vraiment son pied.

    Très vite, je sens que vais jouir dans le cul du mec aux biceps tatoués.

    « Je vais venir » je le préviens.

    « Vas-y, fais-toi plaisir, beau petit mec ! ».

    Mon orgasme est sur le point d’exploser. Submergé par la déferlante du plaisir, je laisse mes muscles se détendre, je baisse inconsciemment ma tête, je me penche en avant, je rentre le menton dans mon sternum.

    Et là, je sens ses mains saisir mes biceps une nouvelle fois, et m’inviter à nouveau à relever le buste.

    « Laisse-moi voir comment tu es beau pendant que tu viens » je l’entends me lancer, excité au possible, une excitation que je ressens malgré mon absence provoquée par ma jouissance.

    La sensation de sentir mon sperme en train de se déverser en lui est délirante.

    Je jouis en lui, et il se branle jusqu’à jouir à son tour, en lâchant de lourdes e qui atterrissent dans un bruit sourd sur son torse musclé.

    Je viens de jouir mais la chute de mon excitation n’est pas suffisante pour m’empêcher d’avoir envie de nettoyer tout ce bonheur chaud avec ma langue.

    « T’as aimé ? » il me questionne quelques instants plus tard, alors que je me blottis contre lui et le prends dans mes bras.

    « Trop, j’ai trop kiffé. Je ne pensais même pas que je pouvais kiffer ça ».

    « Moi non plus je ne croyais pas que je pourrais kiffer ça » je le rassure « et je suis content que toi aussi tu as aimé ».

    « C’est ta faute » il plaisante, avant de me glisser « tu fais ça trop bien ».

    Je le serre un peu plus fort contre moi, je lui fais mille bisous dans le cou.

    Très vite, je l’entends pousser de petits grognements tout mignons en s’endormant. Et je m’endors à mon tour en me disant que je voudrais vivre ça chaque jour de ma vie.

    Un peu plus tard dans la nuit c’est l’excitation qui me fait émerger de mon sommeil. Jérém est en train de me sucer à nouveau.

    « C’est trop bon » je lui chuchote, la voix pâteuse.

    « Viens » je l’entends me lancer tout bas, alors qu’il s’allonge une nouvelle fois sur le ventre et qu’il écarte à nouveau ses cuisses musclées pour m’offrir son intimité ultime. Ses gestes sont de plus en plus aisés, ses réticences ont disparu sans laisser de trace.

    Le bogoss a aimé ce que je lui ai fait, et il en redemande. Je me dis qu’alors je ne m’en sors pas si mal. Que je suis en mesure de donner du plaisir à un garçon en étant « le mec ». Je me dis qu’il doit vraiment aimer ça. Mon égo de mâle est en train de s’inscrire durablement dans mon esprit.

    Je mets un peu de salive sur ma queue, j’en mets aussi dans son trou. J’écarte ses fesses et je cherche sa rondelle. Et je m’enfonce dans mon beau mâle brun sans rencontrer de résistance. Dès que je recommence à le limer, le plaisir masculin se propage dans mon corps comme une douce drogue.

    Je limite l’amplitude de mes va-et-vient, la puissance de mes coups de reins, de peur de lui faire mal, de le brusquer, de le braquer. Mais je ne vais pas tarder à réaliser que mes craintes ne sont vraiment pas fondées.

    « Putain, qu’est-ce que c’est bon ! Vas-y Nico… défonce-moi… défonce-moi bien ! » je l’entends lâcher, la voix étouffée par le plaisir.

    J’accélère mes coups de reins, je me lâche. Et mon orgasme arrive rapidement.

    « Je viens… ».

    « C’est bon, vide-toi bien petit mec ! ».

    Et le nouvel orgasme me secoue de fond en comble, me laissant vidé de toute énergie. Je m’allonge sur son dos, épuisé. Un instant plus tard, je me déboîte de lui et je me laisse glisser à plat ventre sur le matelas. Je lui fais un bisou dans le cou. Sa peau sent terriblement bon.

    « Nico… » je l’entends chuchoter.

    « Ça va ? ».

    « Oui, ça va… j’ai envie de te prendre… t’as envie ? ».

    « Fais toi plaisir ».

    Le bogoss vient en moi. Je viens de le prendre, il me prend. Je viens de le limer, il me lime. Je viens de jouir en lui, il ne tarde pas à jouir en moi. Et nous nous endormons l’un contre l’autre en nous faisant des bisous.

    Mon réveil suivant, est à nouveau un réveil d’excitation. Le bogoss est à nouveau en train de me pomper. Il s’y prend avec entrain, je sens qu’il veut me faire jouir dans sa bouche.

    « Tu veux me tuer » je lui lance.

    Pour toute réponse le bogoss accélère ses va-et-vient en précipitant ainsi ma jouissance.

    Puis, sans un mot, mais avec un sourire qui est le plus beau des « bonjours », il se lève et part à la douche. Je regarde l’heure, il 5h30. C’est bientôt l’heure de son départ. Ces quelques heures en sa compagnie ont filé si vite !

    Pendant que mon Jérém se rafraîchit, je lui prépare un café.

    Mais lorsqu’il revient de la douche tout pecs et abdos dehors, sexy à mort, le boxer déformé par une bosse plutôt appétissante, je ne peux résister à l’envie de lui offrir une dernière pipe pour la route.

     « Voilà une bonne façon de commencer la journée » il se marre.

    « Je ne te le fais pas dire » je confirme.

    Je viens d’avaler son sperme et je lui sers son café.

      Ca va aller pour la route ? » je l’interroge.

    « T’inquiète, ça va le faire ».

    « Mais tu n’as presque pas dormi ».

    « Je vais conduire jusqu’à la Rochelle, après je laisse le volant à Ulysse ».

    « Il faut espérer qu’il ait dormi davantage que toi ».

    « Je l’espère aussi ».

    Jérém termine son café, il passe sa chemisette. Je m’approche de lui, je l’embrasse et je me charge de fermer ses boutons, tout en posant des bisous sur son torse musclé avant de sceller une nouvelle portion de son torse divin. C’est à la fois terriblement sensuel et terriblement désolant. Une chemise qui se referme après l’amour est comme un rideau qui tombe sur le plus beau des spectacles. On regrette que ce soit fini et on voudrait qu’il y ait des rappels qui ne viendront pas. J’ajuste le col de la chemisette au tissu doux, je le regarde.

    « Qu’est-ce que tu es sexy ! » je ne peux m’empêcher de lui glisser.

    Le bogoss sourit, passe son short, ses chaussettes et ses baskets et s’en va fumer une dernière cigarette à la fenêtre.

    Ce sont les derniers instants avant de nous quitter et je voudrais avoir le cran de lui parler des choses que j’ai sur le cœur. Je repense aux mots d’Albert et de Julien, leurs plaidoyers sur le besoin impératif de se protéger en cas d’écart. Est-ce que je peux lui faire confiance ? Est-ce que cet Ulysse est un beau garçon ? Est-ce que Jérém le kiffe ? Est-ce qu’il kiffe mon Jérém ? Combien d’Ulysse va-t-il croiser à Paris dans les jours, semaines, mois, années à venir ?

    Pour l’instant tout semble aller pour le mieux entre nous. Il aura fait 1200 bornes aller-retour en quelques heures rien que pour me voir, pour me faire l’amour, pour que je lui fasse l’amour. Sa fougue et son envie de me voir me rassurent et me font penser que depuis une semaine il n’a pas été voir ailleurs. Mais jusqu’à quand va-t-il se souvenir de moi ? Est-ce qu’un jour il va avoir envie d’aller voir ailleurs ?

    Tant de questions se bousculent dans ma tête, exacerbées par l’approche de notre nouvelle séparation. Et pourtant, je n’ai pas le cœur de lui en parler, j n’ai pas le cœur de lui prendre la tête à 3 heures du mat avec tant de route devant lui. Ce sera pour une prochaine fois.

    « Allez, Nico, je dois aller, sinon je vais être en retard ».

    « Fais attention sur la route » je lui glisse, en le serrant très fort contre moi, en le couvrant de bisous, alors que je n’arrive pas à contenir mes larmes. Chaque retrouvaille est une fête, chaque séparation un déchirement.

    Nous sortons dans la petite cour silencieuse. Les stores des proprios sont toujours fermés. Nous traversons le passage, je vois notre reflet dans le grand miroir. Qu’est-ce qu’on est beaux, tous les deux ensemble !

    « Allez, Nico, rentre chez toi, essaie de dormir encore un peu » me lance le bogoss devant le grand portail en bois.

    « C’était trop court ».

    « C’est vrai, mais on se reverra bientôt, je te le promets ».

    « Je suis bien quand je suis avec toi, Jérém ».

    « Moi aussi je suis bien avec toi ».

    « Tu es sage à Paris, hein ? » j’arrive à lui glisser, au prix d’un énorme effort.

    « Sage comme une image » il plaisante.

    Nous nous embrassons une dernière fois. Puis, le bogoss passe le portail et plonge dans la rue illuminée par l’éclairage public. Dans un flash, je retrouve certaines nuits toulousaines où je traversais la moitié de la ville à pied à la suite d’un sms bourré de fautes que mon bobrun venait de m’envoyer pour me baiser. Je repense aussi à certaines nuits où je suis rentré avec lui de boîte et où nous nous sommes promenés depuis le canal jusqu’à son appartement rue de la Colombette. A Bordeaux comme à Toulouse, des petits, immenses bonheurs volés à la nuit.

    Je le regarde rentrer dans sa voiture, démarrer, allumer les feux, s’engager sur la voie et s’éloigner jusqu’à disparaître de ma vue. Et je ne peux m’empêcher de pleurer à chaudes larmes.

    Vendredi 21 septembre 2001.

    Une nouvelle journée commence à Bordeaux. Il fait beau dans la capitale girondine, comme il fait beau dans tout le sud-ouest.

    « Elle s’appelle Aurore » me lance Raphaël juste après m’avoir serré la main.

    « Qui ça ? » je fais, la tête ailleurs, le cœur à des centaines de kilomètres de là.

    « Elle, la blonde qui est assise devant, celle que j’ai emballé à la fin du cours ».

    « Ah, d’accord ».

    « J’ai couché avec elle hier soir ».

    « Déjà ? ».

    « Il faut cueillir les fruits quand ils sont mûrs… et elle était mûre ».

    « Si tu le dis… » je fais distraitement, alors que je regarde mon portable pour voir s’il y a des messages (mais il n’y en a pas, hélas !), tout en essayant de me dégager de cette conversation qui n’a pas vraiment d’intérêt pour moi.

    « Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit, si tu vois ce que je veux dire… ».

    « Oui, oui, je vois très bien ».

    « Toi non plus t’as pas l’air d’avoir beaucoup dormi cette nuit, je me trompe ? ».

    « Oui, enfin, non » je bégaie, pris au dépourvu.

    « T’as baisé toi aussi ? C’est une nana d’ici, je la connais ? ».

    « Non, non… laisse tomber… ».

    « Allez raconte ! ».

    Je commence à me trouver mal à l’aise face à son insistance. Bien m’a pris d’arriver autant à l’avance avant le cours ! Quelle idée j’ai eue d’arriver si en avance au cours !

    Heureusement, une diversion inattendue vient me sortir du pétrin de cette conversation peu agréable pour moi. Elle se présente sous les traits d’un mec brun, pas canonissime mais pas moche non plus, très propre sur lui, l’air d’un garçon « de bonne famille », habillé sans prétention mais pas sans style, le regard vif et malin.

    Le mec semble chercher une place où s’asseoir. Il semble hésiter entre plusieurs. Je croise son regard et il me sourit. Il approche de moi.

    « Salut ».

    « Salut ».

    « Je peux m’asseoir près de vous ? ».

    « Pas de problème ».

    « Je m’appelle Fabien » fait le type, sur un ton plutôt affable, en nous serrant la main.

    « Moi c’est Nico ».

    « Et moi Raph. Je ne t’ai pas vu en cours en début de semaine, tu es nouveau ? ».

    « Tu es de la sécurité ? » se marre Fabien.

    « Oui » fait Raphaël sans se démonter « veuillez montrer vos papiers ».

    « Je n’ai pas pu venir plus tôt car j’ai du remplacer mon père à la station-service ».

    « Tu es d’où ? ».

    « Vic en Bigorre, un bled près de Tarbes ».

    Le prof arrive, s’installe à son bureau, le cours va bientôt commencer.

    Monica arrive à la toute dernière minute. Elle fait la connaissance de Fabien. Notre petite bande compte désormais 4 membres.

    « C’est pas trop tôt » la taquine Raphaël.

    « Mais de quoi je m’occupe » elle le rembarre gentiment, sur un ton espiègle.

    « Qu’est-ce que t’as foutu hier ? Le réveil n’a pas marché ? ».

    « Mais tu veux bien t’occuper de tes oignons ? ».

    Le début du cours met provisoirement fin à ces échanges de piques amicales.

    Le prof a une impressionnante capacité à attirer l’attention. Son cours est captivant. C’est le genre de cours qui te fait oublier le temps qui passe. Du moins, en ce qui me concerne.

    Il est un peu plus de 11 heures lorsque je trouve sur mon portable un message de Jérém : « Bien arrivé, c’était trop bien » datant d’une heure plus tôt. Ça me fait un bien fou.

    Midi arrive vite et nous allons manger au resto U. Pendant la pause déjeuner, Fabien nous parle de lui, de ses études, de ses projets. Monica a l’air sous le charme.

    Nous sommes sur le point de quitter le resto et de nous diriger vers la salle où se tiendra le cours de l’après-midi, lorsque je surprends une conversation entre deux étudiants qui me glace le sang.

    « … et il parait que ça pourrait être un attentat… ».

    «  Si c’était un attentat, ils auraient choisi Paris… ».

    « Qu’est-ce qui se passe ? » les questionne Raphaël sans détours, alors qu’il vient lui aussi d’entendre le mot « attentat ».

    « Il semblerait que la France soit visée à son tour par une attaque terroriste ».

    « Où ça ? » je lâche, désormais mort de peur.

    « Ce matin, il y a eu une grande explosion à Toulouse. Et il y aurait des victimes ».

    Commentaires

    ZurilHoros

    06/06/2020 08:17

    Un épisode ou les élans du corps sont au diapason des élans du coeur. Un épisode sexy et sensuel comme Diana Ross, alors que demander de plus. 
    Ma Diva à moi, sublime, fabuleuse . Une femme que je peux regarder pendant des heures et me fait rêver et me pousse à toujours voir plus haut. 
    Un épisode ou il y a ce Raphael, lui il ne me plait pas du tout. 
    De son coté, Jérém semble vraiment bien avec Nico. Il se confie, il n’a plus peur de rien. En général, dans un couple, le changement de l’un provoque le changement de l’autre. Est ce que le regard de Nico va changer et dans quel sens? 
    Tellement de tentations et l’éloignement. 

    Etienne

    27/03/2020 19:11

    Merci Fabien pour cette belle histoire, j’adore toujours autant les personnages, l’écriture. Ca fait du bien en cette période un peu étrange.
    On va revivre le 21/9/2001, ce n’était pas le meilleur moment de l’histoire Toulousaine…
    En attendant le prochain épisode, rasez les murs !
    Etienne (enfermé à Toulouse)

    FanB

    21/03/2020 19:19

    Je souhaite à tous les lecteurs de J&N bon courage en cette période inédite et exceptionnelle, et je vous enjoins toutes et tous à prendre soin de vous et de tous ceux qui vous sont proches et chers. Une pensée pour tous ceux qui sont dans la peine, aux médecins et soignants, et une pensée solidaire pour nos amis transalpins.
    Faites attention à vous !

    Eric

    20/03/2020 01:43

    Magnifique épisode tres bien ecrit et inattendu

    Max

    19/03/2020 11:51

    Un vrai plaisir de lire cet épisode. J’en redemande…

    Yann

    18/03/2020 08:46

    Trop cool cette surprise de nos deux amoureux qui se retrouvent pour une chaude soirée de confinement lol. Moi aussi j’adore ce fond de texte.
    Yann

    gebl

    18/03/2020 01:33

    sympa ce fond de texte

    gebl

    18/03/2020 01:32

    toujours aussi captivant

    richard24

    17/03/2020 21:36

    MERCI POUR CE NOUVEL EPISODE, TJRS BIEN ECRIT ET DECRIT!!

    Virginie-aux-accents

    17/03/2020 05:52

    Quelles surprises!
    D’abord cette visite inattendue, des retrouvailles chaudes, une soirée romantique et une nuit torride… Jérèm et Nico sont dans le partage absolu, et toujours plus mignons et excitants.
    En cette période où nous devons limiter nos contacts, quel bonheur de retrouver cette magnifique histoire. Merci.

  • JN0225 …A nous deux, Bordeaux !

    JN0225 …A nous deux, Bordeaux !

    Me voilà pile devant le grand portail en bois impeccablement peint en vert foncé mais brillant. On dirait que ça a été fait la veille. Sur le tableau des sonnettes, je repère le nom du propriétaire, Mr Guillon.
    Je sonne. Ma nouvelle vie commence ici et maintenant.
    « Oui ? » j’entends une petite voix dans l’interphone.
    « C’est Nicolas, votre nouveau locataire ».
    « Ah oui, je t’ouvre ».
    Mr Guillon raccroche l’interphone et déverrouille la serrure à distance.
    Et alors que je m’attends à rentrer dans un hall et à trouver un escalier et une porte d’ascenseur, je me retrouve devant un large couloir, un passage assez sombre dont le mur à ma droite est encombré de deux containers poubelles, de nombreux vélos et de deux scooters. Le tout surmonté par un grand miroir d’au moins cinq mètres de long. Un escalier part vers la gauche.
    Mr Guillon m’attend au fond du passage. Me voyant dans la pénombre, il appuie sur un bouton et il allume une lumière.
    « Viens, c’est par ici ».
    Je rejoins mon propriétaire, un bonhomme plus très jeune mais mince, à l’allure sportive, avec des cheveux gris mais bien entretenus. Des lunettes fines et élégantes lui donnent un certain style.
    Le passage débouche sur une petite cour intérieure au sol peint en rouge assez vif, sol jouxté d’un grand nombre de pots remplis de verdure. Deux beaux palmiers trônent dans deux grands pots.
    « Bonjour Nicolas » il m’accueille chaleureusement en me serrant la main.
    Derrière les lunettes, j’ai l’impression que ses petits yeux me scrutent.
    « Bonjour Mr Guillon ».
    « Moi c’est Denis ».
    « D’accord ».
    « Tu as fait bon voyage ? ».
    « Très bien, merci. J’ai un peu tourné avant de trouver le quartier ».
    « Tu ne connais pas Bordeaux ? ».
    « Non, c’est la première fois que je viens »
    « Tu vas apprendre à l’aimer, au fond ce n’est pas si différent de Toulouse. En plus, la Garonne fait le lien ».
    Je souris de cette concordance de réflexions.
    « Au fait, vous pouvez me dire pourquoi ici à Bordeaux la Garonne a cette couleur marron ? » je pense à lui demander.
    « C’est à cause de l’eau de mer qui remonte le fleuve, ça crée des remous et ça laisse des particules d’argile en suspension ».
    Et voilà, je tiens mon explication.
    « C’est vrai qu’à Toulouse, elle a une toute autre couleur » il conclut.
    « Vous connaissez Toulouse ? ».
    « Moi aussi je suis toulousain. Je suis né à Muret mais j’ai vécu dans la ville rose depuis mon enfance jusqu’à mes 30 ans ».
    « Ah, et vous habitiez quel quartier ? ».
    « Jeanne d’Arc ».
    « Moi c’est Saint Michel ».
    « J’avais un amis par là-bas, route d’Espagne, quand j’étais jeune, un très bon ami » fait-il, l’air songeur « mais c’était il y a longtemps, très longtemps. Allez, je te montre l’appart ? ».
    « Oui, et encore désolé de ne pas avoir pu venir avant »
    « C’est pas grave ».
    L’appart, dont la porte d’entrée se situe pile à la limite entre le passage et la petite cour, est un tout petit studio de 15 mètres carrés, avec une minuscule salle de bain au bout. L’ensemble est plus petit que ma chambre à Toulouse. Mais il est tout meublé, et somme toute assez chaleureux.
    « Ça te convient ? ».
    « Oui, très bien ».
    « Alors on va signer les papiers ».
    Denis traverse la petite cour et rentre dans une porte à l’angle opposé. Je le suis. Je pénètre dans une cuisine où un homme aux cheveux blancs est affalé sur un fauteuil roulant calé devant une table. La télé est allumée, mais le bonhomme semble assoupi.
    « Albert ! Albert ! » l’appelle Denis.
    Le bonhomme se réveille en sursaut.
    « Quoi ??? Qu’est-ce qu’il y a ? ».
    « Le nouveau locataire est arrivé, réveille-toi ! ».
    « C’est toi le nouveau locataire ? » il me questionne, encore à moitié dans les vapes.
    « Oui, je m’appelle Nicolas ».
    « Comment ? ».
    « Il s’appelle Nicolas » fait Denis en haussant le ton de la voix.
    « Il est un peu sourd » il m’explique ensuite « et lui c’est Albert ».
    « On a de la visite ? » demande Albert sur un ton joyeux, enfin réveillé, en affichant un sourire lumineux.
    « T’as pas entendu ce que je t’ai dit ? C’est Nicolas, le locataire qu’on attendait »
    « Ah, oui, d’accord, d’accord. C’est le dernier studio de libre. Tu le prends ? ».
    « Oui, monsieur ».
    « Moi c’est Albert, pas monsieur ».
    « D’accord Albert ».
    « Et lui, c’est Autan » fait-il en m’indiquant un adorable chien beagle qui est en train de renifler mes chaussures « je l’ai appelé Autan car il est aussi rapide que le vent ».
    « Il est joli ».
    « Alors, tu viens d’où ? »
    « Je viens de Toulouse ».
    « Ah, Toulouse, comme Denis ».
    « Eh oui, il m’a dit ».
    « Ah, c’est une belle ville, Toulouse. On y allait assez souvent, avant. Mais maintenant je ne vais plus nulle part, car je suis cloué sur ce chariot » fait le vieillard au regard d’enfant.
    « Ne te plains pas, tu as bien profité de la vie » commente Denis.
    « Mais on ne se lasse jamais de profiter » fait Albert en rigolant « Mais bon, maintenant il ne me reste que la télé, et encore il faut que je la regarde avec les sous-titres, car je suis sourd. J’essaie de continuer à lire, mais il me faut une loupe. Je voudrais marcher. Mais il me faut un chariot. Je voudrais pouvoir me lever tout seul le matin, mais il me faut de l’aide. Bref, je ne peux plus rien faire sans assistance ».
    Ses mots sont durs à entendre, sa lucidité quant à son état est terrible. Ça me met mal à l’aise. Je voudrais savoir trouver les mots pour le réconforter, je n’y arrive pas. Et pourtant, il y a dans sa voix une sorte de résignation, comme une acceptation de son état. Une certaine sérénité.
    Soudain, mon regard est happé par une photo posée à côté de la télé. On y voit un superbe jeune homme brun, la trentaine, tout habillé en noir, dans la neige, appuyé contre une paroi rocheuse.
    « Ce gus là, c’est moi, il y a presque cinquante ans, dans les Pyrénées. J’étais pas mal, non ? ».
    Je souris.
    « Je me souviens du jour où cette photo a été prise » il continue « je me souviens que j’étais en colère contre mon copain. C’est drôle, parce que je me souviens que j’étais en colère, et pourtant je ne me souviens même plus pour quelle raison. Ça devait certainement être à cause d’une bêtise. C’est marrant comme avec le temps tout ce qu’on a vécu de négatif perd de l’importance jusqu’à disparaître de la mémoire. Mais on le voit bien sur la photo que je suis en pétard ».
    En effet, maintenant qu’il le dit, je le vois moi aussi.
    « Dans ma jeunesse, j’étais passionné d’alpinisme » il enchaîne « et maintenant, je suis un vieux sur un fauteuil roulant. Mais c’est vrai que j’ai profité de la vie. Il le faut. Il faut profiter de la vie, sans attendre. Le temps passe vite, tu sais ? Il faut vraiment profiter de chaque instant. Vivre chaque jour comme si c’était le dernier qui t’est donné de vivre et le premier du restant de ta vie ».
    En prononçant ces mots, le vieux Albert sur fauteuil regarde le jeune Albert dans les Pyrénées comme dans un miroir déformé par le temps impitoyable. Il y a de la nostalgie dans son regard, mais elle est calme, elle est belle. Ce vieil homme est vraiment touchant.
    « Il fait la morale à tout le monde » plaisante Denis en levant les yeux du contrat de bail qu’il est en train de remplir.
    « Heureusement que tu es là pour m’aider » fait Albert en s’adressant à moi.
    « Je suis un saint. Je te supporte depuis si longtemps ».
    « Je vais sur mes 77 ans » me précise Albert.
    « Tiens, Nicolas, tu vas remplir ta partie et signer » fait Denis.
    « Tout le monde m’appelle Nico ».
    « Ok, Nico ».
    Je remets à Denis le chèque de caution et il me remet les clefs.
    « Ça y est, c’est officiel, tu es bordelais » commente Albert.
    « Je vais chercher mes affaires dans la voiture ».
    « Si tu as besoin de quelque chose, n’hésite pas » fait Denis.
    « Merci ».
    « Enchanté d’avoir fait ta connaissance, Nico » me lance Albert, avec un regard bienveillant.
    « Moi aussi ».
    Je fais deux voyages pour récupérer mes affaires et je prends enfin possession de ce nouvel espace, de ce premier petit chez moi. Je range tout ça dans le petit placard, j’ouvre le clic clac, je m’allonge sur ce lit escamotable. Je me sens bien, je respire à fond, je me pose. Le voyage m’a quand même un peu claqué.
    Soudain, je ressens le contact de la chaînette de Jérém sur ma peau. C’est tellement excitant. Mes muscles se relâchent, j’ai envie de lui. J’ai envie de me branler, j’ai envie de l’appeler. Il est 20 heures. Je vais attendre un peu.
    J’ai faim. J’essaie d’allumer la plaque chauffante pour me faire une omelette, mais ça ne marche pas. Je traverse la petite cour et je vais toquer à la porte vitrée de mes deux propriétaires.
    « Désolé de vous déranger ».
    « Oui, Nico, rentre ».
    Je pousse la porte et je vois Denis en train de servir de la soupe à Albert.
    « Qu’est-ce qui t’arrive ? ».
    « Je n’arrive pas à faire marcher la plaque de cuisson ».
    « Ça doit être un fusible… j’arrive ».
    « Je ne veux pas vous déranger, vous êtes en train de dîner. Je peux attendre ».
    « Allez, viens manger avec nous » fait Albert.
    « Je ne veux pas m’imposer ».
    « Ca nous fait plaisir, au contraire » fait Denis « ça nous changera un peu de nos repas entre vieux. Il y a de la soupe et de la blanquette. Si ça te tente ».
    « La blanquette je n’y ai pas encore goûté, mais la soupe est bonne » m’encourage Albert.
    « Ça me va ».
    Je m’installe à table et Denis met un troisième couvert.
    Albert commence aussitôt à me questionner au sujet de mes études. Albert me parle de la vie à Bordeaux, des quartiers à visiter, des endroits où manger et sortir. Ils me parlent aussi des autres locataires de l’immeuble, quelques étudiants, des familles, des retraités.
    « La porte dans le couloir en face de la tienne c’est un jeune » me raconte Albert « il a une petite copine. Quand elle est là, il ne bouge pas une oreille. Mais quand elle n’est pas là, il invite des potes, ils boivent comme des trous et ils mettent de la musique à fond et très tard. Il faut nous le dire s’il te dérange, on lui dira de se calmer ».
    « D’accord, merci ».
    La conversation est agréable. Je remarque que Denis est du genre réservé, tandis qu’Albert, malgré son infirmité, est d’une nature joviale et optimiste.
    A un moment, mon téléphone se met à sonner. Je le sors de la poche, le cœur en fibrillation. Je frôle le ko technique lorsque je vois s’afficher sur l’écran « Mon Jérém ».
    Je crève d’envie de répondre, mais j’hésite. Je trouve très impoli de répondre au téléphone pendant un repas, en particulier lorsqu’on est invité. Je ne veux pas imposer une conversation privée et je n’ai pas envie de devoir me brider pour rester discret. Mais mon tiraillement doit se voir, car Albert finit par me lancer, taquin :
    « Tu peux répondre, t’inquiète, on ne répètera rien. De toute façon, je suis sourd ».
    « Je vais faire vite ».
    Albert sourit.
    « Allo ? ».
    « Ourson ».
    Ce petit mot me fait toujours autant d’effet. Je crève d’envie de lui répondre « petit loup », mais je n’ose pas.
    « Ça va ? ».
    « Oui, ça va. Tu es arrivé à Bordeaux ? ».
    « Il n’y a pas longtemps ».
    « Et tu es où ? ».
    Dans le quartier de Saint Genès, rue Saint Genès en fait, pas loin du centre ».
    « Cool ! T’as fait bonne route ? ».
    « Très bonne ».
    « L’appart est bien ? ».
    « Pas mal, pas mal ».
    « Tu fais quoi là ? ».
    « Je dîne avec les propriétaires, ils m’ont invité parce que ma plaque chauffante ne marche pas. Ils sont très gentils ».
    « Bien, bien ».
    « Tu as fait quoi aujourd’hui ?
    « On a fait un match et beaucoup d’entraînements ».
    « Ca s’est bien passé ? ».
    « Oui, je kiffe à mort ! ».
    Je suis un peu gêné de parler avec Jérém, j’ai peur de trop me dévoiler. Aussi, je ne veux pas rester trop longtemps au téléphone.
    « Jérém, je peux te rappeler un peu plus tard ? ».
    « Là je sors manger avec les potes, mais on ne devrait pas rentrer tard ».
    « Je te rappelle avant minuit ? ».
    « Ok ».
    « Parfait ».
    « Tu me manques Nico ».
    « Toi aussi tu me manques ».
    « A tout ».
    « A tout ».
    Je raccroche. J’ai le visage en feu. J’ai tellement envie de le voir, de le serrer contre moi. J’ai tellement envie de passer des heures à parler avec lui.
    « C’était ta copine ? » me questionne Albert.
    « Non, c’était… c’était… un copain » je bafouille.
    « Un copain ou ton petit copain ? » il me demande cash.
    Il n’y a que les enfants et les personnes âgés qui osent poser des questions sans détours.
    « Mais laisse le tranquille, t’es pas son père ! » fait Denis, face à ma surprise.
    « Mais je lui pose juste une question, je ne vais pas le gronder ! De toute façon, il n’est pas con, il a compris pour nous deux. N’est-ce pas, Nico, que tu as compris ? »
    Je ne sais quoi répondre. En effet, je me suis posé la question de la relation entre ces deux hommes âgés. Mais de là à en parler, surtout si tôt, je ne me sens pas vraiment à l’aise.
    « Euh… » je tergiverse.
    « Alors, pour qu’il n’y ait pas de malentendu, je vais te dire exactement ce qu’il en est. De toute façon un jour ou l’autre l’un des locataires va te parler des « papis pd » du rez de chaussée. Alors autant que tu sois au courant. Denis et moi, on est ensemble, ça fait des siècles qu’on est ensemble. Nous n’avons rien à cacher. Alors, j’aime mettre les gens à l’aise ».
    Rassuré par ses mots, je décide de jouer franc jeu. D’autant plus que si un jour Jérém vient me voir, ils vont finir par savoir à leur tour.
    « Oui… c’est mon copain ».
    « Je me disais bien qu’un gars aussi sympa que toi devait jouer dans notre équipe » plaisante Albert.
    Je souris.
    « Ton chéri s’appelle comment ? ».
    « Jérémie ».
    « Il est beau ? ».
    « Plus que ça même ».
    « Et il est resté à Toulouse ? ».
    « Non, il est parti à Paris il y a quelques jours ».
    « Et qu’est-ce qu’il fait là-bas ? ».
    « Il a été recruté par un club de rugby pro ».
    « Ah, carrément, un rugbyman… tu te fais pas chier Nicolas… » plaisante Albert.
    « Le Stade ? » m’interroge Denis.
    « Non, le Racing ».
    « Denis est passionné de rugby » m’explique Albert « plus jeune, il y jouait aussi ».
    « Vous jouiez à quel poste ? » je demande.
    « Il était redresseur de troisième mi-temps » fait Albert, un sourire malicieux sur les lèvres.
    « Redresseur ? ».
    « Ne l’écoute pas, il ne raconte que des bêtises » fait Denis.
    « Disons qu’il remontait le moral des joueurs… mais pas que » continue Albert sur sa lancée.
    « Mais la ferme ! ».
    « En fait, il préférait le jeu de boules dans les vestiaires à celui avec le ballon ovale sur le terrain ».
    « Ah tu peux parler, toi qu’on surnommait à Lourdes « le pénitent des broussailles » ».
    « Je suis un homme très pieux, je n’y peux rien » plaisante Albert.
    « Oui, ça, être à genoux ça te connaissait ».
    « La prière est le salut de l’âme ».
    « C’est sûr que tu étais très porté sur les chapelets, surtout ceux à deux grains ».
    « Le Seigneur a dit : tu aimeras ton prochain ».
    « Mais il n’a pas dit que tu l’aimeras dans les broussailles, et notamment pendant les pèlerinages des militaires et des gitans ».
    « Ah, les années 60 et 70, c’était l’époque de l’amour libre et de l’insouciance avant l’arrivée du Sida » commente Albert, dans la voix une visible nostalgie pour ce « paradis perdu ».
    « Aujourd’hui, vous, les jeunes » il continue « vous vivez votre sexualité plus librement, mais vous devez composer avec cette saloperie. A notre époque, on devait rester caché, mais on baisait le cœur léger ».
    « Peut-être un peu trop, même… » commente Denis.
    « Vous avez travaillé à Lourdes ? » je questionne Albert.
    « Oui, pendant plus de 20 ans ».
    « Mais vous êtes originaire des Hautes Pyrénées ? ».
    « Non, je suis bordelais pure souche ».
    « Mon paternel était un médecin très connu » il raconte « j’ai passé une enfance plutôt heureuse, du moins jusqu’à la guerre. J’avais 15 ans en 1939. A vrai dire, comme on avait du fric, on n’a pas vraiment pâti du conflit. Fils unique et fils de médecin en vue, j’ai pu être réformé. On avait une maison à la campagne et on s’y est installés jusqu’à la Libération. En 1946, j’ai entamé des études en architecture.
    Tout se passait bien jusqu’à ce qu’en troisième année je me fasse gauler au pensionnat en train de fricoter avec Charles, un copain de fac.
    Evidemment, c’est arrivé aux oreilles de mon père, qui m’a mis plus bas que terre. Mais ça ne lui a pas suffi. Il était médecin, et il croyait que tout pouvait se soigner. Y compris l’homosexualité.
    Il m’a amené dans un hôpital. On m’a fait des électrochocs. A l’époque on soignait ça comme ça. C’était horrible. A la fin de la première séance, j’étais sonné. Mais j’ai eu la présence d’esprit de sauver ma peau. J’ai bousculé le médecin et l’infirmière, et je me suis tiré. Je n’avais pas un sou en poche mais je ne pouvais pas rentrer chez moi. Mon père m’aurait tué. Pire que ça, il m’aurait ramené à cet hôpital de charlatans criminels. J’ai survécu deux jours en volant à manger à droite et à gauche.
    J’avais très peur de me faire attraper, de me faire embarquer par les flics, et que mon père me retrouve. Alors, je suis allé à la gare Saint Jean. J’ai pris le premier train où j’ai pu monter. Le train s’est arrêté à Lourdes. Je suis descendu. C’était l’année 1948. C’était juste avant Pâques. Sur presque chaque porte d’hôtel il y avait une affiche proposant du travail.
    Je suis rentré au Moderne, l’hôtel juste à côté des Sanctuaires. Il y avait de dizaines d’hôtels à Lourdes, mais je suis rentré dans celui-là parce que c’était de loin le plus beau bâtiment de la ville. Il a été l’un des premiers hôtels de Lourdes, et il a été construit en forme de bateau. Chacune de ses trois façades en style baroque combine la couleur bordeaux du crépi des murs avec les nuances grises et jaune de la pierre qui encadre les ouvertures. Les mêmes façades sont ornées de sculptures, de frises et de mascarons sublimes.
    Cet hôtel est une pure merveille. J’en suis littéralement tombé amoureux. Je suis rentré. Le décor de la réception et de la grande salle de restaurant, deux superbes pièces faites de bois, de marbre, de miroirs et de lustres en cristal, m’a complètement retourné. L’immense escalier en bois en forme de colimaçon m’a fait halluciner. La tenue élégante des serveurs en chemise blanche et gilet noir m’a impressionné ».
    « Ce sont surtout les serveurs qui t’ont impressionné » fait Denis, taquin.
    « C’est vrai qu’il y en avait un qui me faisait beaucoup d’effet. Mais je n’ai jamais rien pu faire avec lui, hélas. Il était hétéro, même après plusieurs verres.
    Bref, je me suis pointé à la réception et on m’a embauché comme plongeur. On m’a donné de quoi manger, une chambre de bonne au dernier étage et des vêtements propres. C’était tout ce dont j’avais besoin à ce moment de ma vie.
    Le soir même, j’ai envoyé une lettre à ma mère pour lui dire où j’étais et ce que je faisais. Elle m’a répondu qu’elle souhaitait que je sois heureux.
    L’hiver suivant, j’étais plongeur dans un restaurant au ski à Barèges. Pendant un paquet d’années, j’ai enchaîné les saisons d’été à Lourdes et les saisons d’hiver dans les Pyrénées. Mais je ne suis pas resté plongeur longtemps. J’ai vite été mis derrière les fourneaux et en deux saisons j’ai été chef cuisinier. C’était une époque où la volonté comptait davantage que les diplômes ».
    « Et alors, comment vous vous êtes rencontrés ? » je suis impatient de savoir.
    « Sur un lieu de drague à Lourdes ».
    « Ah, bon, il y avait ça à Lourdes ? ».
    « Il se passait pas mal de choses à Lourdes, mon cher ami. Et oui, il y avait de la drague dans les broussailles derrière les sanctuaires, de l’autre côté du Gave. C’était avant qu’ils aménagent la prairie et qu’ils bâtissent du bénitier vers là-bas.
    Bien sûr, on y allait la peur au ventre, craignant les descentes des forces de l’ordre, qui n’hésitaient pas à embarquer les mecs pour attente à l’ordre moral. Si on se faisait choper, c’était la garde à vue, le déferrement au parquet, des condamnations, avec ou sans sursis. L’humiliation. Et, surtout, une très infamante inscription sur le casier judiciaire qu’on se traînait toute la vie.
    Mais on n’avait pas le choix. Il n’y avait pas tous les bars et les saunas qu’il y a aujourd’hui.
    Cette année-là, Denis était descendu de Toulouse à l’occasion du pèlerinage militaire au mois de mai. Il était venu avec des « copines » à lui, pour chasser l’uniforme. Je me souviens encore, de cette nuit. C’était en 1963 et on ne s’est pas lâchés depuis. Tu vois, Nicolas, ça fait presque 40 ans ».
    « Et par la suite, vous avez vécu votre relation à distance ? ».
    « Non. L’année suivante, Denis est venu travailler à Lourdes lui aussi. Nous avons fait les saisons jusqu’au début des années 1980. En 1982 mon père est décédé. Je ne l’avais pas revu depuis qu’il m’avait amené à l’hôpital pour me faire soigner. Il n’a même pas essayé de venir me chercher. Il devait considérer que c’était mieux que je reste loin pour ne pas salir la réputation de la famille. Peut-être qu’il espérait un miracle de la Vierge ».
    « Mais il n’est jamais venu » plaisante Denis.
    « Oh que non ! Ma mère en revanche, a été formidable pour une dame de son époque, et pour l’époque. Même du vivant de mon père, elle venait deux fois par an me voir à Lourdes. Elle a connu Denis et s’est très bien entendue avec. Quand elle s’est retrouvée veuve, elle m’a demandé de revenir à Bordeaux pour m’occuper de cet immeuble. Je suis revenu avec Denis et on s’est installés ici. Grâce à cet immeuble, on a passé les 20 dernières années pénards ».
    « C’est une belle histoire ».
    « C’est vrai. Pourtant, ce n’était pas simple d’être gay à mon époque. Je repense à ce pauvre Charles. Maman m’a raconté que son père s’était laissé convaincre par le mien de le faire soigner aussi. Mais lui ne s’est pas enfui de l’hôpital de l’horreur.
    A l’époque où je le côtoyais, Charles était un garçon très vif, drôle, intelligent, cultivé, plein d’énergie. Maman m’a raconté qu’elle l’avait croisé quelques fois par la suite, avec ses parents, et elle l’avait trouvé complètement éteint, le regard vide. Ce mec n’a rien fait de sa vie. Et il s’est pendu alors qu’il n’avait même pas 30 ans. Avec leurs décharges électriques, ils ont du lui cuire le cerveau. Dieu seul sait ce qu’ils lui ont fait subir ces monstres en blouse blanche. Même 50 après, je suis toujours en colère contre cette injustice absurde. Paix à son âme ».
    Un silence lourd s’installe après la fin du récit d’Albert. Je ne sais pas quoi dire, je suis abasourdi par ce qu’il a enduré.
    « Allez, assez raconté ma vie » finit par relancer le vieil homme « parle-moi un peu de toi. Tu l’as rencontré comment ton Jérémie ? ».
    « Je l’ai rencontré le premier jour du lycée. Je suis arrivé dans la cour et il était là, avec des potes, beau comme un Dieu. Je l’ai vu et je suis tombé raide de lui. Mais il couchait avec des nanas. J’ai été fou de lui pendant tout le lycée. Puis, juste avant le bac, je lui ai proposé de réviser ensemble. Et on a commencé à coucher ensemble. C’est lui qui a voulu. Moi je n’aurais jamais osé le lui proposer. Au début, il ne voulait que du sexe. Pendant un temps, c’était dur pour moi. Mais on a fini par s’apprivoiser. Je viens de passer quelques jours avec lui dans les Pyrénées, avant son départ à Paris. Et ils ont été les plus beaux jours de ma vie ».
    « Que c’est beau l’amour entre garçons » fait Albert, rêveur.
    « Alors, il joue à quel poste ? » demande Denis.
    « Quand il va venir te voir, tu le préviendras pour qu’il fasse gaffe » fait Albert, taquin.
    « Gaffe à quoi ? ».
    « Tu lui diras que dans l’immeuble il y a un vieux satyre qui kiffe les jeunes rugbymen et qui, malgré son âge, est encore capable de leur sauter dessus » plaisante Albert.
    « Mais tais-toi, pétasse ! ».
    « Il est ailier » je finis par répondre, après une bonne tranche de rigolade.
    « On va le voir à la télé bientôt, alors ».
    Je n’avais pas pensé à ça. La rigolade laisse vite la place à l’inquiétude. Dès qu’il va apparaître à l’écran, il va être le rugbyman le plus convoité de France. Putain, comment vais-je faire pour le retenir ?
    « Oui je crois » je finis par répondre, comme dans un état second, happé par mes inquiétudes.
    « Tu es très amoureux, hein ? ».
    « Fou amoureux ».
    « Et lui aussi est amoureux de toi ? ».
    « Je crois ».
    « Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ? ».
    « Quelques mois ».
    « Comme je te l’ai dit, nous ça fait presque 40 ans. Mais il ne faut pas croire que ça a toujours été la vie en rose. On a fait quelques écarts, bien sûr. Mais on ne s’est jamais perdus et on a échappé au sida. Si jamais vous mettez un coup de canif au contrat, ce n’est pas grave, mais il faut se protéger, Nicolas ».
    « Je sais, mais c’est dur d’accepter qu’il puisse aller voir ailleurs ».
    « S’il a envie, tu ne pourras pas l’en empêcher ».
    « Je sais ».
    « Alors il faut au moins que tu sois sûr qu’il ne te ramène pas de cochonneries ».
    « Ce n’est pas évident d’en parler ».
    « Pourtant, il le faut. Il faut que vous soyez clairs entre vous ».
    « Mais comment lui en parler sans lui donner l’impression que ça m’est égal qu’il aille voir ailleurs ou que je lui dis ça pour le préparer à l’idée que j’ai envie d’aller voir moi, ailleurs ? ».
    « Oui, c’est délicat, mais il faut que vous en parliez. Tu lui dis ce que tu viens de me dire, que tu l’aimes et que tu ne veux surtout pas qu’il aille voir ailleurs, et encore moins le tromper. Mais il faut que vous vous promettiez que si jamais il y a un écart, que vous allez vous protéger, à tout prix ».
    « Je ne veux pas qu’il y ait d’écart ».
    « Il faut composer avec la distance, le temps, les hormones et les occasions qui peuvent venir sans qu’on aille forcément les chercher. Il faut être paré pour l’imprévu, c’est trop important. Il vaut mieux se faire confiance sur la protection que sur la fidélité ».
    Les mots d’Albert font écho aux mots de mon pote Julien. Je sais que l’un comme l’autre ont raison. Je sais que je vais devoir un jour avoir cette discussion avec Jérém. Mais quand ? Comment trouver le bon moment et la bonne façon pour aborder un sujet si épineux ? Comment me lancer, en prenant le risque de gâcher l’un des rares moments ensemble qui nous seront offerts dans les mois à venir ?
    « Moi je dis que si tu es amoureux d’un gars qui est aussi amoureux de toi, tu as bien de la chance. Alors, profite de la vie, elle passe si vite ! » conclut Albert.
    Son attitude me réchauffe le cœur. Je suis content d’avoir des propriétaires et des voisins comme eux. Je sens que leur présence va m’aider à avancer, à me construire, à m’assumer. J’ai hâte d’entendre d’autres récits de leur expérience dans un monde, celui de leur jeunesse, qui était encore plus répressif avec l’homosexualité que celui d’aujourd’hui.
    Après le dîner, Denis vient changer le fusible à l’appart.
    « Voilà, ça marche maintenant » il me lance, alors que la plaque chauffante s’allume enfin.
    « Merci beaucoup ».
    « Tu as l’air d’un gars sympa, Nicolas. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas à venir nous voir ».
    « C’est très gentil ».
    « La vie ne nous fait pas toujours de cadeaux. Alors, il faut se serrer les coudes entre nous ».
    « Je suis touché ».
    « Surtout n’hésite pas. Si on peut t’aider, on le fera ».
    « Et vous aussi, si vous avez besoin d’aide, vous pouvez compter sur moi ».
    « Je ne dis pas non. Parfois j’ai besoin d’aide au jardin ».
    « N’hésitez pas ».
    « D’accord Nicolas ».
    « Tout le monde m’appelle Nico ».
    « Ok. Bonne nuit Nico ».
    « Bonne nuit ».
    Ces deux messieurs ont l’air vraiment adorables. Ainsi, l’idée de n’avoir qu’à traverser cette petite cour pleine de verdure pour avoir de l’aide et du soutien me rassure et me fait chaud au cœur. Je me sens entouré d’une bienveillance qui, par certains côtés, me fait repenser à celle que j’ai ressentie à Campan, au milieu de la petite bande de cavaliers.
    Je ferme la porte fenêtre derrière moi, je la verrouille, je tire le store. Je m’enferme dans mon petit terrier. J’allume la petite lumière tamisée de chevet. J’ouvre le clic clac, je me glisse sous ma couette. Je me sens bien. J’ai envie de dormir. Mais il n’est que 22 heures, et j’ai promis à Jérém de l’appeler vers minuit. En attendant, j’allume la télé pour tuer le temps. Et je finis par m’assoupir.
    La sonnerie de mon portable me réveille en sursaut.
    « Ourson ».
    « Petit loup. Je m’étais assoupi ».
    « Ah, désolé… ».
    « Ca fait rien. J’avais envie d’entendre ta voix. Tu me manques ».
    « Toi aussi tu me manques. Alors, t’es bien installé ? ».
    « C’est petit, mais je suis bien. J’aimerais que tu sois là avec moi ».
    « Il faut m’inviter alors ».
    « Tu es officiellement invité ».
    « Si je pouvais, je viendrais tout de suite ».
    « J’ai envie de toi ».
    « Moi aussi, grave ! ».
    « Demain je vais mettre mon nom sur l’interphone. Comme ça tu sauras où sonner ».
    « Je viendrais dès que je pourrai, mais ça risque de ne pas être tout de suite ».
    « Je t’attendrai ».
    « T’es mignon, Nico… ».
    « Au fait, j’ai de super voisins ».
    « Ah bon ? ».
    « Ce sont me proprios, ils sont âgés, style 70 piges, et ils sont ensemble depuis 40 ans ».
    « Et comment tu sais tout ça ? ».
    « Ils me l’ont dit ».
    « Au bout de quelques heures seulement après ton arrivée ? ».
    « On a sympathisé ».
    « Ils savent que tu es gay ? ».
    « Ils ont compris après ton coup de fil. Et on a joué cartes sur table. Je te promets, ils sont vraiment adorables. Ils ont hâte de te connaître. Le moins âgé des deux aime le rugby. Il a même joué quand il était jeune ».
    « Ca nous fera au moins un sujet de conversation » il plaisante.
    « En discutant avec eux, je me suis rendu compte qu’on a quand-même de la chance de vivre à l’époque actuelle ».
    « Pourquoi tu dis ça ? ».
    Je lu raconte en quelques mots l’histoire hallucinante d’Albert.
    « Avant c’était quand même horrible ».
    « C’est certain » il commente « mais tout n’est pas parfait aujourd’hui non plus. Les pd sont toujours considérés comme des sous-merdes. Tiens, il n’y a pas un jour dans les vestiaires où je n’entends pas des réflexions du style « on va gagner contre cette équipe de pd » ou « je peux faire ça car je ne suis pas un pd » ou « ce pd m’a fait tomber exprès ». Quand on parle de pd, c’est toujours négatif, plein de mépris ».
    « C’est vrai. Ce n’est quand-même pas normal qu’on dise « un truc de pd » pour quelque chose qui n’est pas vraiment vaillant. C’est pas normal que l’une des insultes les plus offensantes que les mecs lâchent pour humilier quelqu’un soit « pd ».
    « C’est comme ça. Moi aussi je le faisais avant. On entend le faire, et on le fait à son tour pour être comme les autres. C’est con, mais c’est comme ça. Le mépris ne s’arrêtera jamais. Et les gays se font toujours insulter et tabasser ».
    « Mais au moins de nos jours l’Etat n’y met pas du sien. Au contraire, il punit les agresseurs ».
    « On ne viendra jamais au bout de la haine contre les gays ».
    « Regarde comment les choses ont changé en quelques décennies. Ok, tout n’est pas parfait, mais ça avance dans le bon sens ».
    « Je voudrais en être si certain que toi. Allez ourson, je vais aller me coucher, je suis naze ».
    « Au fait, j’ai revu Thibault cet après-midi, avant de partir ».
    « Il va comment ? ».
    « Pas trop mal. Il a juste besoin de temps. Il n’en veut à personne, mais il a besoin de mettre son énergie dans le rugby ».
    « Ça se passe bien ses entraînements ? ».
    « Oui, ça a l’air ».
    « C’est tout ce qu’il t’a raconté ? ».
    Soudain, je repense à la grande nouvelle de sa future paternité. J’ai envie de lui en parler mais Thibault m’a demandé de ne pas le faire et je respecte sa volonté.

    Mardi 18 septembre 2001

    Le lendemain matin, je me réveille en bonne forme. Je me lève rapidement et je me sens plein d’énergie. Jérém me manque beaucoup. Mais c’est le grand jour de ma rentrée à la fac et je suis tout excité. Je passe à la douche, je m’habille. Je découvre sur mon portable un message de mon bobrun me souhaitant une bonne rentrée à la fac. Adorable. Il y a pensé, il s’en est souvenu !
    Je viens de faire chauffer mon café, lorsque j’entends toquer à la porte fenêtre.
    « Bonjour Nico ».
    Denis se tient devant moi, un plat de pancakes maison à la main.
    « Bonjour Denis ».
    « Tu aimes les pancakes ? ».
    « Oui, bien sûr ! ».
    « J’en ai fait beaucoup et j’ai pensé que tu en mangerais au petit déj ».
    « C’est super gentil. Merci beaucoup ! ».
    « Bon premier jour à la fac ! » il me lance.
    En quittant mon appart, je me sens une nouvelle fois apaisé par cette petite cour intérieure au sol rouge. Car c’est un havre de calme, de paix, de chaleur humaine, dans lequel je me sens à l’abri de cette ville encore inconnue, cette ville qui grouille au bout du couloir sombre, derrière le grand portail en bois peint en vert.
    En allant prendre le bus pour aller à la fac, je passe devant un kiosque à journaux. Mon regard est happé par les gros titres des quotidiens toujours en rapport avec ce qui s’est passé le 11 septembre. Soudain, je réalise qu’il s’est déjà écoulé une semaine depuis les attentats de New York. Une semaine déjà. Comment le temps passe ! Comment la vie continue, malgré l’horreur !
    Pendant quelques instants, je revois la tête déconfite de Charlène, lorsque Jérém et moi avons débarqué à l’improviste chez elle, après être redescendus de Gavarnie, après avoir fait l’amour, pour lui apprendre la grande nouvelle du départ pour Paris. Je revois les images d’une tour en feu, d’un avion percutant la deuxième, de l’effondrement des deux à quelques minutes d’intervalle. Je retrouve la sensation d’avoir été poignardé dans le dos, la sensation d’avoir perdu une partie de moi. La sensation d’avoir perdu espoir en l’Homme. Je retrouve la peur. Que ça pète ailleurs, n’importe où, n’importe quand, que ça nous touche dans nos villes, dans nos maisons. La peur que ces attentats provoquent une escalade de violence conduisant à immense conflit dont on a du mal à imaginer l’ampleur et la barbarie. Tout cela tourne en boucle dans ma tête, m’empêchant de penser à quoi que ce soit d’autre. Je n’ai même plus envie d’aller à la fac. A quoi bon y aller, si tout peut se terminer demain ?
    C’est dans le bus que ces idées noires vont enfin me quitter. Un mec est assis vers le milieu du couloir. Pendant un instant, je croise son regard. A partir de cet instant, sa présence accapare totalement mon esprit. Il n’y a rien de tel que la beauté du masculin pour nous faire oublier les soucis et les tracas.
    Vingt ans, cheveux châtain courts. Pas « canon » mais avec un petit quelque chose de sexy et de touchant dans son allure, une bonne tête, un peu ronde. Il n’est pas gros, il a juste une bouille un peu ronde. En fait il y a quelque chose dans son visage qui, d’une certaine façon, me fait penser à Ryan Philippe plus jeune. Il aussi une boucle d’oreille a l’oreille gauche.
    Le bus est bondé, et je suis obligé, comme d’autres passagers, de rester debout dans le couloir. Ce qui me donne une bonne raison pour rester positionné face au bogoss.
    Il doit être apprenti, je dirais maçon, ou plâtrier ou menuisier, un métier manuel en tout cas, car il est en tenue de travail. Il porte une veste de survêtement sale de poussière et de plâtre. Il tient un sac de sport sur ses cuisses.
    Mais ce qui me fait particulièrement flasher sur lui, c’est aussi un détail de sa tenue. Un petit détail pour certains, mais un grand détail à mes yeux. Il n’y a rien à faire, je kiffe ça.
    Certains fantasment sur les tenues en cuir, d’autres sur les marinières, d’autres sur le costard, l’uniforme, d’autres encore sur les jeans moulants. Moi c’est le t-shirt blanc. Un mec porte un t-shirt blanc, et il attire illico mon attention. Un mec porte un t-shirt blanc, et sa sexytude en est décuplée à mes yeux. Car il n’y a pas à mes yeux vêtement plus sexy qu’un simple t-shirt blanc. Evidemment, je le préfère un peu près du corps, des biceps et du cou. Je l’aime bien col en V, mais je kiffe un max le col rond.
    Et le mec dans le bus, sous sa veste de travail ouverte, il porte justement un t-shirt blanc, col rond, collé à sa peau, l’arrondi juste en dessus de sa clavicule. Sexy à mort.
    Deux arrêts plus tard, une place se libère enfin, juste derrière le bogoss. Je cherche du regard s’il n’y aurait pas de passagers prioritaires, personnes âgées, handicapées, femmes enceintes. L’horizon est libre, je m’y installe donc. Ce qui me permet de capter une légère fragrance de déo masculin capable d’éveiller immédiatement mes récepteurs de virilité.
    Je consulte le plan du circuit du bus, comptant à rebours les arrêts me séparant de celui proche de la fac. J’ai un peu le stress d’aller pour la première fois en cours. J’appréhende de devoir me confronter à ce nouveau monde, à tant de gens inconnus. Comment vais-je m’intégrer ?
    A l’approche de l’arrêt juste avant le mien, le bogoss se lève. Ce qui me permet de remarquer qu’il porte un pantalon de survêtement en tissu satiné, comme ceux que portent les footeux. D’ailleurs, il n’y a pas que le pantalon qui me fait penser qu’il puisse être footeux. Il y a aussi son beau petit cul, un vrai bon petit cul de footeux.
    Le bogoss fait deux pas, puis il s’arrête, bloqué par d’autres passagers. Il pose son sac à terre.
    Lorsque le bus s’arrête, le couloir se désengorge peu à peu. Le bomec se penche pour attraper à nouveau son sac. Et là, évidemment, sa veste remonte, avec son t-shirt blanc, et je vois dépasser l’élastique de son boxer. Moment furtif mais frisson garanti, l’instant pendant lequel je capte un éclat de l’intimité d’un bogoss.
    Le bogoss finit par descendre du bus, et par disparaître de ma vue, de ma vie. Je le regarde partir vers sa vie qui me sera à tout jamais inconnue. Mais putain, sans être vraiment canon, qu’est-ce qu’il était sexy avec son t-shirt blanc !
    Le bus arrive vite à l’arrêt de la fac. Je pénètre pour la première fois dans le campus et je me retrouve projeté dans un monde à part, peuplé par une foule de constructions plutôt modernes et assez impressionnantes, un monde grouillant d’étudiants, de vie, de savoir, de promesses d’avenir. Je suis heureux d’être ici, de pouvoir faire des études.
    Soudain, je sens mon cœur plus léger. Ce monde m’impressionne toujours, mais j’ai envie d’en faire partie. Je vais m’accrocher pour en faire partie.
    Je traverse le campus à la recherche de l’amphi où va se tenir la réunion de rentrée de ma promotion. J’ai un plan du campus, j’essaie de le comparer avec les panneaux d’indications ci et là, mais j’ai l’impression de tourner en rond. Il faut dire que je ne suis pas vraiment concentré sur mon plan. Je découvre les lieux. Et, surtout, je découvre leur faune masculine.
    Je découvre une impressionnante concentration et variété de bogossitude au mètre carré. Je crois que je n’ai jamais vu autant de beaux mecs, de bonnes petites gueules, des physiques craquants, de petits cons réunis en un seul endroit, au point que je ne sais pas où donner de la tête.
    Certes, il n’y a pas que des bombasses. Mais à chaque pas un nouveau mec attire mon regard, éveille cette sensibilité qui est la mienne pour la sublime beauté du masculin. Alors, comment être concentré sur mon chemin dans ces « conditions » ?
    Mais le temps presse, la réunion est censée débuter dans 10 minutes et je ne sais toujours pas où je dois me rendre. J’ai la tête tellement en l’air que je ne vois pas une nana qui vient dans la direction opposée. L’« accident » est inévitable. Nous nous rentrons dedans.
    « Désolé » j’entends me lancer avec une voix de petite fille.
    « C’est moi qui suis désolé. Je cherche l’amphi où se tient la réunion de Sciences de la Terre » je fais, en dévisageant la petite brune que j’ai failli renverser.
    « C’est vrai ? Je cherche le même amphi ! ».
    « On peut chercher ensemble, alors » je lui propose.
    « Oui, bien sûr. Je crois que c’est par là ».
    « Je marchais carrément dans la direction opposée » je plaisante.
    « Je crois, oui ».
    « Je te suis ».
    Elle me sourit et presse le pas.
    « Au fait, moi c’est Nico ».
    « Moi c’est Monica. Et tu viens d’où, Nico ? ».
    « Je viens de Toulouse. Et toi ? ».
    « Je viens de Mérignac, c’est pas très loin ».
    Nous trouvons le fameux amphi. Cet espace immense, rempli d’une foule d’étudiants inconnus m’intimide. La réunion démarre une poignée de minutes avant notre arrivée. Le responsable des études présente la fac, explique le fonctionnement, le règlement, le déroulement de l’année. L’emploi du temps est distribué.
    A midi, je déjeune avec Monica au resto U. Nous faisons plus ample connaissance. Elle m’a l’air vraiment sympa. Ça promet bien cette nouvelle aventure.

    « Ourson ».
    Le coup du fil de Jérém du soir me fait toujours un bien fou.
    « Ca va, p’tit loup ? ».
    « Ca va, oui. Alors, cette première journée à la fac ? ».
    « Pas mal. Les cours sont bien. J’ai sympathisé avec une nana plutôt sympa »
    « C’est bien. Tu sais que je risque de rentrer à la fac aussi… ».
    « C’est vrai ? ».
    « Le club encourage les jeunes joueurs à passer des diplômes ».
    « C’est une bonne chose. Et tu sais dans quoi tu as envie de faire des études ? ».
    « Je ne sais pas vraiment. Je voudrais faire STAPS. Mais on me conseille « gestion des entreprises ». Je ne sais pas encore ».
    « Tu as le corps parfait pour STAPS, mais tu as aussi la tête pour t’en sortir en gestion ».
    « Tu m’aides vraiment ».
    « Je serais heureux pour toi quoique tu choisisses ».

    Après le coup de fil de Jérém, je me plonge enfin dans l’univers magique et prenant de Harry Potter. Ma cousine Elodie m’a offert un coffret comprenant les premiers livres pour mon anniversaire quelques jours plus tôt. Mais je n’ai pas eu le temps de commencer à les lire avant. Et franchement, c’est une très belle surprise.
    Presque à chaque page, je me dis que cette saga est une vaste entreprise de recyclage de tous les mythes et de toutes les légendes ancrées dans la mémoire collective. Et pourtant, même avec autant d’ingrédients, « la mayonnaise prend » et le récit est vite addictif.

    Mercredi 19 septembre 2001

    Le mercredi, dans le bus, je croise une nouvelle fois le bel ouvrier en veste de travail et t-shirt blanc. Toujours aussi sexy. Toujours aussi inconnu.
    Sur le campus, je croise des rafales de petits cons, parfois isolés, parfois en grappes, en pleine discussion entre petits cons. Et c’est beau à en pleurer. Je commence à en repérer certains, qui commencent d’une certaine façon à me devenir « familiers ». Des inconnus familiers. Délice et torture, que toute cette bogossitude, mais délice avant tout. Putain, qu’est-ce que j’aime la fac !
    Je retrouve Monica en cours. Et force est de constater qu’on s’entend vraiment bien.
    Monica est vraiment une nana géniale. Elle est drôle, espiègle, elle a de l’humour, de la répartie, du caractère. Pour certains côtés, elle me fait penser à ma cousine Elodie. Elle aime Madonna, Werber, Harry Potter, Tchaïkovski, les peintres impressionnistes, le piano. On est vraiment faits pour nous entendre.
    Il y a une place vide à coté de Monica et une minute avant le début du cours, un mec débarque de nulle part.
    « Bonjour. Elle est prise cette place ? ».
    Le type porte une chemise blanche avec deux boutons ouverts en haut, un blazer marron vif, un jeans, des chaussures de ville. Ses cheveux châtain clair sont coupés en dégradé autour de la tête et tenus en brushing « raie de côté » sur le haut. Ils sont assez longs, lisses, vigoureux. De beaux cheveux.
    Le mec a un sourire charmeur. C’est un petit gabarit, assez fin, mais il a une prestance, il se dégage de lui une élégance naturelle, comme une aura qui le fait se distinguer parmi une foule.
    « Non, je ne crois pas qu’elle soit prise » j’entends Monica lui répondre.
    « Je peux m’asseoir alors » fait le type, avec une assurance qui frise l’insolence.
    « Oui je crois ».
    « Au fait moi c’est Raphaël ».
    « Moi c’est Monica ».
    « Enchanté Monica »
    « Et toi ? » il me questionne.
    « Moi c’est Nico ».
    « Enchanté Nico ».
    « Enchanté moi aussi ».
    Raphaël est un moulin à parole, mais il est très sympa. Le début du cours l’oblige à se taire. Mais ce n’est que partie remise. A midi, nous mangeons tous les trois au resto U et il continue de nous raconter sa vie.
    Raphael est originaire de Bergerac. Ses parents tiennent un bureau de tabac et un kiosque à journaux. Il nous raconte son activisme au sein de la jeunesse d’un parti très à gauche. Je comprends que Raphaël est quelqu’un de politiquement très engagé, très attaché à ses idéaux, convaincu que la politique et les bons politiques peuvent changer le monde. Dans son discours, les mots capitalisme, prolétariat et communisme ont un vrai sens. Car il a l’air de croire dur comme fer à des idéaux, il a l’air sincère, passionné, désireux de justice sociale. C’est la première fois que je rencontre quelqu’un aussi passionné par la politique, surtout aussi jeune. Il est au fait de toute l’actu politique, il est incollable sur n’importe quel débat.
    Moi qui avais jusque-là l’impression que la politique était une matière inerte qui n’intéressait plus personne et dans laquelle plus personne ne croyait, je découvre qu’elle peut encore brasser de véritables passions. Il y a une flamme dans son discours qui est contagieuse.
    Raphaël a l’air d’un mec très droit. Il est aussi très beau parleur, charmant naturellement, charmeur par vocation. Raphaël est un gars très cultivé, et très drôle. Et cela suffit à créer un charme hors normes. Le charme intellectuel, l’une des formes de charme les plus puissantes qui soient. Un charme qui ne fane pas avec le temps, mais qui au contraire, se bonifie avec.
    Raphaël est en passe de devenir le troisième élément de la petite bande dont je ferai partie en cette première année de fac et qui comptera cinq « membres » au final.

    Ce soir-là, j’essaie plusieurs fois d’appeler mon beau Jérém. Mais je tombe à chaque fois sur son répondeur. Je me dis qu’il a encore dû sortir avec ses potes et qu’il ne peut pas me répondre. Peut-être qu’il n’a même pas le téléphone sur lui. Il a oublié de m’appeler. Il aurait quand même pu m’envoyer un petit message.
    Dans mon petit studio, je sens un bon petit coup de blues m’envahir. Jérém me manque trop. Jour après jour il me manque de plus en plus.
    J’appelle maman, je lui raconte ma journée, mais je n’ai pas trop envie de parler. Je coupe court. Aussi, je ne veux pas rater un éventuel coup de fil de mon bobrun.
    Mais ce coup de fil ne vient pas. Je sors dans la cour, en espérant que mes voisins me voient et m’invitent prendre un café. Leurs volets sont fermés, ils ont dû sortir.
    Je décide alors d’aller faire un tour pour me changer les idées. J’ai envie de retrouver la Garonne, j’ai envie de retrouver ce lien qui me relie à ma terre natale.
    Je marche dans la ville et ma première impression se confirme depuis deux jours. Bordeaux manque de couleur par rapport à ma Toulouse de cœur. J’ai toujours l’impression d’être un étranger dans ces rues que je découvre petit à petit. Pas encore un habitant, plutôt un touriste.
    Je cherche la Garonne, je demande à des passants. On m’indique la direction. Au bout d’un bon moment de marche, je tombe sur une magnifique arche monumentale, la Porte de Bourgogne. Devant moi, la Garonne se déploie dans une immensité à laquelle elle ne m’a pas habitué à Toulouse.
    Des véritables voies sur berges, et non un simple boulevard sens unique comme à Toulouse, séparent les bâtiments de la Garonne. Un premier viaduc enjambe les voies, et se connecte à un pont bien plus ancien, dont l’architecture comporte comme des airs de famille.
    Le Pont de Pierre est en effet la copie presque conforme du Pont Neuf à Toulouse, mais avec beaucoup plus d’arcades. Ça me donne encore plus de nostalgie, encore plus de « mal du pays ».
    J’emprunte ce beau pont, je m’engage dans la traversée de la Garonne. Je n’en reviens toujours pas d’à quel point elle est immense à Bordeaux par rapport à Toulouse. Tout comme je n’arrive pas à me faire à la couleur bizarre de l’eau.
    Je m’arrête vers le milieu du pont, je contemple le flux lent et laminaire de l’eau qui inspire une immense quiétude, une sorte de solennité presque religieuse.
    Je reviens sur mes pas, je me balade sur les berges verdoyantes et bien aménagées. Marcher m’apaise. Je regarde mon tel. Toujours pas de nouvelles de Jérém. Je noie ma tristesse en regardant le coucher de soleil sur la Garonne.
    Je continue de marcher jusqu’à la place de la Bourse, magnifique espace monumental. La fatigue commence à se faire sentir. Je remonte vers mon quartier, le plan à la main. Une demi-heure plus tard, alors que la nuit tombe, je suis devant le portail vert qui me sépare de la petite cour au sol rouge, de mon petit terrier.
    Je me brosse les dents, j’allume la télé, je zappe sur les quelques chaînes. Rien n’accroche mon attention. Je me prépare à « éteindre les feux ». Toujours pas de messages de mon Jérém. Je lui envoie un dernier sms.
    « Bonne nuit petit loup tu me manques ».
    Une heure plus tard, à minuit, je ne dors toujours pas. Et il n’y a toujours pas de signe de vie de la part de Jérém.

    Jeudi 20 septembre 2001, au matin.

    Le lendemain, je me réveille avec un sentiment de manque terrible. Mais une agréable surprise m’attend.
    « Bonjour toi ».
    Enfin un message de Jérém.
    « Bonjour ça va ? » je m’empresse de lui renvoyer
    « Oui. on se capte se soir ».
    Le message est laconique, mais il a quand même le pouvoir d’illuminer ma journée.
    En quittant mon appart pour partir à la fac, je suis d’une humeur toute guillerette.
    « Bonjour Nico » me lance Denis.
    « Bonjour ».
    « Ça va ? ».
    « Oui, bien, et vous ? ».
    « Bien, bien. Dis-moi, je voulais te demander un service ».
    « Vous pouvez ».
    « Ce soir quand tu rentres, tu pourras me donner un coup de main à dépoter ces deux palmiers et à les planter dans la terre dans l’autre cour ? »
    « Avec plaisir. On fera ça dès que je rentre ».
    « Merci ».
    « Il y a du vent ce matin » je constate, en entendant les rafales siffler depuis la rue.
    « C’est le vent de l’Océan. Il faudra t’y habituer ici ».
    « Je suis habitué au vent, à Toulouse ».
    « Ah, oui, mais ici ce n’est pas le vent d’Autan, c’est un vent humide qui amène souvent le mauvais temps ».
    En partant, je colle enfin mon nom sur la sonnette.
    Dans la rue, le vent souffle très fort. Je l’ignore, mais aujourd’hui encore le vent qui souffle sur la ville annonce que quelque chose d’important va très bientôt se produire dans ma vie.

    Commentaires

    ZurilHoros

    16/06/2020 20:25

    Il n’est pas loin de la gare St Jean et de la Place Victoire, c’est bien placé. 
    J’aime beaucoup Bordeaux qui est cependant moins immédiatement séduisante que Toulouse. Plus proche de Paris pour voir Jérém.

    Florentdenon

    08/03/2020 10:46

    Récit toujours aussi réaliste et touchant. La suite promet ! Merci encore.

    Virginie-aux-accents

    04/03/2020 22:31

    Comme c’est étrange de voir Nico en dehors de son « milieu naturel », et en même temps s’y habituer si rapidement. Une forte concentration de bogoss, ça aide toujours. 
    Ses deux charmants propriétaires m’ont l’air fantastiques et touchants. Ils pourront lui offrir un havre de paix en cas de coup dur.
      Merci pour ces deux épisodes de transition entre Toulouse et Bordeaux.
    Je crains maintenant le lendemain, 21 septembre…

  • JN0224 Au revoir Thibault, ma ville rose, ma maison d’enfance…

    JN0224 Au revoir Thibault, ma ville rose, ma maison d’enfance…

    Avant de nous quitter, et alors que nous sommes en train de nous dire au revoir devant la porte d’entrée, Thibault va me glisser quelques mots qui vont me bouleverser.
    « De toute façon, maintenant tout ça, ça n’a plus la même importance pour moi. A présent, je dois me concentrer sur le rugby. Et il faut surtout que je m’occupe de ma famille… ».
    « Pourquoi, tu as des soucis ? ».
    « Non, pas de soucis. Que du bonheur. Je vais être papa, Nico… ».
    « Ah bon ? » je ne trouve rien de mieux à lui répondre, complètement dérouté par la surprise.
    « Oui, je vais être papa ».
    « Mais tu as une copine ? ».
    « Oui, enfin, c’est une nana que je voyais de temps à autre ».
    « Mais tu le voulais ? Je veux dire… tu l’avais prévu ? ».
    « Non, pas vraiment. Elle m’a appelé il y a quelques semaines, peu de temps après l’accident de Jé ».
    « Mais si vous n’étiez pas vraiment ensemble… tu es sûr que cet enfant est bien… ».
    « Quand on a couché ensemble, on s’est toujours protégés, sauf deux fois où on n’avait pas de capote. Elle est enceinte de trois mois. Ça correspond bien. Elle est tellement sûre d’elle qu’elle m’a même proposé de faire un test de paternité ».
    « Et tu es heureux ? ».
    « Oui, très heureux ».
    « Garçon ou fille ? ».
    « Je ne sais pas, et à vrai dire, ça n’a pas trop d’importance ».
    Son regard s’illumine enfin quand il parle de son enfant. Il est vraiment beau.
    « Je suis jeune pour devenir père » il enchaîne « et je n’avais pas prévu ça pour si tôt. Mais ce gosse va bientôt être là, et je dois l’assumer ».
    « Et la maman ? ».
    « Elle a cinq ans de plus que moi, elle est infirmière. On s’entend bien ».
    « Mais tu te vois passer ta vie avec elle ? Je veux dire… tu l’aimes assez pour ? ».
    « Je… je… je l’aime aussi… je l’aime bien » il finit par lâcher, après un instant d’hésitation.
    « Dans tous les cas, j’apprendrai à l’aimer » il enchaîne « elle va être la mère de mon enfant, je ne peux pas la lâcher maintenant. D’ailleurs, nous allons bientôt nous installer ensemble ».
    « T’es sûr de toi, Thibault ? T’es vraiment sûr que tu vas te plaire dans cette relation ? Tu t’installerais avec elle s’il n’y avait pas cet enfant ? ».
    « Je ne sais pas. Mais de toute façon, je dois assumer. Ce gosse a besoin d’un papa. Ce gosse va donner un sens à ma vie ».
    « Mais elle a déjà un sens, tu es un gars génial, et tu vas être un grand joueur au rugby ».
    « Tu sais, Nico. Depuis un mois, je me demande ce que je fous à passer toutes mes journées à faire de la muscu et à jouer à la baballe comme un gosse. Je ne me sens pas à ma place ».
    « Je croyais que c’était ton rêve ».
    « Je le croyais aussi ».
    « Tu ne t’y plais pas ? ».
    « Être au Stade, c’est génial. Mais de plus en plus souvent, je me dis que ma place n’est pas là. Je me dis que je serais tellement plus utile à apporter de l’aide et du secours. Il n’y a qu’avec l’uniforme de pompier que je me sens bien. Ça rapporte 100 fois moins et on risque sa vie. Mais c’est ce que j’aime ».
    « Tu es vraiment un gars fantastique ».
    « Depuis mardi dernier, je ne peux plus regarder la télé, ni écouter la radio, ni lire les journaux. Ce qui s’est passé à New York est horrible. Il y a tant d’hommes et de femmes qui ont perdu leur vie sous les décombres. Et tant de collègues pompiers. Si je m’écoutais, je planterais tout et je prendrais le premier avion pour aller donner un coup de main. D’ailleurs, j’y ai pensé très fort la semaine dernière. Mais il n’y avait pas d’avion. Et de toute façon, là-bas je n’aurais pas su comment porter de l’aide dans tout ce bazar. Je ne parle même pas l’anglais ».
    Thibault a vraiment l’air très affecté par les attentats. Sa sensibilité, son empathie, son altruisme, sa profonde humanité me touchent tellement. Ça c’est vraiment un bon gars.
    « Alors » il continue « avec ce qui arrive dans le monde, ce qui s’est passé avec Jé, ça n’a plus la même importance. Le monde est devenu complètement fou. Et je pense que ça n’est pas fini là ».
    « Tu penses vraiment lâcher le Stade ? ».
    « Maintenant j’ai signé pour un an et je ne vais pas leur faire faux bon. Dans six mois, mon enfant va être là. J’aurai la responsabilité de le faire grandir. Ce sera une nouvelle vie. Et cette nouvelle vie me fera peut-être passer l’envie de risquer la mienne pour essayer de sauver celle des autres. Et ça m’aidera à tourner la page vis-à-vis de ce qui s’est passé avec Jé ».
    « Tu crois que tu ne pourrais pas tomber amoureux d’un autre mec ? ».
    « Il y a bien un autre gars qui me fait de l’effet, mais il est tout aussi inaccessible que Jé ».
    Je crève d’envie de lui en demander plus, mais Thibault enchaîne sans m’en laisser la possibilité.
    « De toute façon, je dois oublier tout ça ».
    « Mais tu ne pourras pas. Ce serait trop dur pour toi ».
    « Je m’y ferai, il faut que je m’y fasse. Je suis trop content de devenir papa ».
    Je ne suis pas vraiment convaincu par ses propos. Je sais qu’on ne peut pas s’obliger à aimer. Mais son engouement pour ce petit être en gestation est si sincère, que je n’ai pas le courage d’insister.
    « Alors je te souhaite tout le meilleur, Thibault. D’ailleurs, félicitations… papa ».
    « Merci Nico ».
    « Merci à toi de m’avoir rappelé ».
    « J’ai beaucoup hésité à le faire. Je n’avais pas tellement envie de reparler de tout ça. Mais finalement je te remercie d’avoir insisté, ça m’a fait du bien d’en parler. Pour l’instant, j’ai perdu le contact avec Jé. Mais au moins, avec toi, ça va mieux ».
    « A moi aussi ça m’a fait du bien ».
    « Ça me fait plaisir ».
    « J’imagine que Jé n’est pas au courant de la grande nouvelle » j’ai envie de savoir.
    « Non ».
    « Je peux lui en parler ? ».
    « Je préfère lui annoncer par moi-même ».
    « C’est noté ».
    « Merci ».
    « Je veux qu’on reste amis » je ne peux me retenir de lui lancer.
    « On le restera. Laisse-moi juste un peu de temps ».
    « D’accord. A bientôt Thibault ».
    « Bon courage pour ta rentrée ».
    « Bon courage à toi pour tout ».
    Nous nous faisons la bise. Et alors que je m’apprête à m’éloigner de lui pour repartir, le jeune rugbyman me prend dans ses bras et me serre fort contre lui. Le parfum frais et propre qui émane de son t-shirt m’enivre avec la même puissance magnétique d’un déo.
    « Merci Nico d’avoir fait le premier pas ».
    « Je te le devais ».

    Pour le retour vers la maison, je ne prends pas de bus. Ma discussion avec Thibault m’a donné beaucoup d’émotions. La nouvelle de sa future paternité m’a complètement chamboulé. J’ai besoin de marcher pour évacuer tout ça.
    Je suis heureux d’avoir pu lui parler et d’avoir eu l’occasion de lui dire à quel point je regrettais mon comportement. Aussi, ça m’a fait du bien de comprendre ce qui s’était vraiment passé entre Jérém et lui, et pourquoi. De connaître son ressenti, son histoire. Et d’avoir réussi à rétablir un contact.
    Thibault a été très amoureux et très malheureux. Et j’ai moi-même contribué à son malheur, avec mon comportement injuste après son aveu.
    Certes, sa souffrance est avant tout la conséquence du fait que ses sentiments pour Jérém n’étaient pas partagés. Jérém avait certainement une attirance vis-à-vis de son pote, mais il n’avait jamais eu les mêmes sentiments. Peut-être que l’amitié les avait tués dans l’œuf. Peut-être que s’ils n’avaient pas été potes, s’ils s’étaient rencontrés plus tard, dans un autre contexte, dans un autre monde, ils seraient tombés amoureux l’un de l’autre.
    Car le malheur de Thibault est aussi le dégât collatéral d’une société qui n’accepte pas l’amour dans toutes ses expressions.
    Dans un monde idéal, où toute forme d’amour serait légitime, acceptée et vécue au grand jour, Thibault aurait osé montrer ses sentiments à Jérém. Et ces sentiments auraient peut-être été réciproques. Ainsi, cette nuit sous la tente l’été de leurs 13 ans aurait pu être le premier épisode d’un amour qui durerait peut-être encore aujourd’hui.
    Ou pas. Mais au moins, Thibault en aurait eu le cœur net. Et il n’aurait pas passé des années à désirer, espérer, tenter d’oublier. A s’épuiser.
    Quant à moi, je serais de toute façon tombé amoureux de Jérém. Dans ce monde idéal, j’aurais peut-être eu le courage de lui faire comprendre plus tôt mes sentiments. Ou pas. En fait, je crois que même sans le joug du regard culpabilisant de la société, je n’aurais pas osé. Jérém m’impressionnait trop, je le pensais complètement inaccessible pour un mec comme moi. Trop beau, trop sexy, trop populaire.
    Du coup, j’aurais peut-être quand même attendu les dernières semaines avant le bac pour lui proposer de réviser. Mais il n’aurait pas accepté. Et quand bien même il aurait accepté, il ne m’aurait jamais proposé de lui faire une gâterie. Et nos « révisions » se seraient limitées à de véritables révisions.
    S’il n’avait pas fait le premier pas, je n’aurais pas eu le cran de le faire à sa place.
    Et même si j’avais osé lui faire des avances, il m’aurait refroidi net. « Désolé, je ne suis pas célibataire. J’ai un mec » je me serais peut-être entendu dire. Ça aurait été dur à encaisser, mais je m’en serais fait une raison. Comme tout hétéro qui se prend un râteau. La chose la plus naturelle du monde.
    Le bac serait passé, j’aurais fini par l’oublier et par tomber amoureux d’un autre garçon.
    D’ailleurs, si Jérém avait été en couple avec Thibault, il n’aurait peut-être pas fait le con dans sa classe de seconde, et il ne se serait pas fait jeter de son ancien lycée. Il n’aurait pas redoublé. Nos chemins ne se seraient jamais croisés. Et ma rétine n’aurait pas été brûlée par sa présence dès le premier jour du lycée. Je ne me serais jamais envolé amoureux de lui. Oui, envolé. Car quand on se retrouve amoureux, on n’a pas du tout l’impression de tomber, mais de s’envoler.
    Oui, dans un monde parfait, aujourd’hui Jérém et Thibault seraient peut-être ensemble et ils formeraient un beau petit couple de bogoss.
    Ou pas. Peut-être qu’à l’heure qu’il est ils ne seraient plus ensemble. Rares sont les amours d’adolescence qui arrivent jusqu’à l’âge adulte. Mais au moins ils auraient connu le bonheur de ce premier amour. Jérém n’aurait pas eu besoin de papillonner à tout va, il n’aurait pas eu besoin de faire son petit macho pour se prouver qu’il n’était pas gay. Et Thibault n’aurait pas connu la privation d’un amour et d’un désir qui l’a rongé pendant toute son adolescence et le début de sa vie de jeune adulte, pendant cette période délicate où l’on se construit.
    La fin de cet amour les aurait blessés. Mais la séparation aurait été une séparation normale, ils auraient souffert, puis ils s’en seraient remis, et ils auraient trouvé d’autres gars qui les auraient rendus heureux.
    Hélas, avec les « si » et les « peut-être », on mettrait Paris en bouteille, et Toulouse aussi.
    Je ne sais pas quand je vais revoir Thibault. Ce que je sais, c’est qu’il va me manquer. Son sourire et sa gentillesse vont me manquer. Son côté rassurant et affable qui met à l’aise, qui fait sentir bien et qui donne envie d’être comme lui, quelqu’un de bien, va me manquer aussi. Et ce regard toujours empreint de respect et de bienveillance vers son prochain, son amitié, sa présence vont me faire défaut par-dessus tout.
    Côtoyer un gars comme Thibault est un pur bonheur. C’est une telle caresse pour l’esprit, un cadeau de la vie capable d’éclipser même le désir sensuel que je peux ressentir pour son corps de fou. En sa présence, je ne sens presque plus la piqure d’aiguille dans le ventre qui est chez moi le signal d’une attirance brûlante. Juste un sentiment diffus de bien-être.
    J’envie ses co-équipiers qui vont avoir la chance de le côtoyer tous les jours. J’envie cette nana qui va partager sa vie. Partager l’existence d’un mec comme Thibault, jusqu’à l’intimité de la vie de couple, ça doit être un cadeau absolu.
    Thibault a l’air heureux de devenir bientôt papa. Et d’une certaine façon, je m’en réjouis pour lui. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de me dire que ce gosse va dévier à jamais la trajectoire de son destin.
    A dix-neuf ans, on est au tout début du voyage de la vie, il a à peine commencé, on a des tas d’expériences à faire, pleins de choses à voir, à découvrir, des pays à visiter, des gens à rencontrer. A dix-neuf ans, on a besoin d’apprendre à aimer. A s’aimer soi-même, avant toute autre chose. A dix-neuf ans, on ne peut pas déjà faire une escale qui va durer des années. Et même si cela m’inspire le respect envers ceux qui doivent l’assumer, dix-neuf ans ce n’est pas un âge pour avoir des enfants. Avoir des enfants, c’est une responsabilité, et ça doit être un choix réfléchi. A dix-neuf ans, on doit s’occuper de soi.
    Mais ce qui m’inquiète le plus dans cette histoire, c’est sa volonté de se ranger avec une nana dont il n’est visiblement pas amoureux. Justement parce qu’il y a ce gosse en route.
    J’ai le sentiment que si Thibault va être un jeune papa heureux, il ne sera pas un compagnon heureux. Et je ne crois pas qu’il va pouvoir s’y faire, comme il le prétend. J’espère au moins que cette nana comprend la chance qui est la sienne et qu’elle va bien se comporter avec lui.
    Je repense à cette petite phrase de Thibault, comme quoi il y aurait apparemment un autre gars qui lui ferait de l’effet, mais tout aussi inaccessible que Jérém.
    Mais qui est donc ce mec qui lui fait de l’effet ? Un gars de son équipe ? Un gars qu’il vient de rencontrer ? L’un de ses anciens coéquipiers ? Ou, alors, un pote pompier ? Je n’ai pas osé le questionner à ce sujet. Il en a trop dit ou pas assez, et en tout cas, je ne pourrais pas effacer cette phrase de ma tête.
    Quoi qu’il en soit, quand je pense à l’avenir de Thibault, j’ai un goût amer dans la bouche, je me sens triste. Je sais que je n’ai le pouvoir de changer quoi que ce soit. Ce qui est sûr, c’est que je vais prendre régulièrement de ses nouvelles. Je veux être présent dans sa vie, je veux lui offrir une oreille attentive et du soutien, comme il l’a fait pour moi au début de notre amitié.

    Je m’éloigne du quartier des Minimes en longeant le canal du Midi. Un trajet qui me conduit immanquablement à croiser la rue de la Colombette. Je ne peux m’empêcher alors de m’y engouffrer une dernière fois avant de quitter ma ville, de la parcourir en me remémorant les premiers épisodes de mon histoire avec Jérém.
    A chaque pas, je ressens des frissons. Je repense aux nombreuses fois où je l’ai empruntée pour aller voir mon bobrun, brûlant de désir. Je repense aux départs de chez lui, après nos « révisions », je me revois, rongé par la frustration de ne pas arriver à avoir plus que du sexe de sa part. Je repense à toutes ces occasions où j’ai descendu cette rue, le cœur lourd, tétanisé par la peur de ne plus jamais revoir mon Jérém.
    Aujourd’hui, assuré de son amour, je suis heureux. Mais pendant plusieurs mois, ce n’était pas du tout le cas. Et en parcourant cette rue, je retrouve cette peur en moi, et elle remonte à ma conscience dans toute sa violence.
    Façade après façade, je remonte le temps, je retrouve les sensations de cette époque déjà derrière moi, lointaine. La nostalgie me happe, j’ai envie de pleurer. Une fois de plus, je prends conscience que le temps du lycée est bel et bien fini. Le lycée, ce temps béni où Jérém et moi habitions la même ville, où nous avions à peu près le même emploi du temps et où je pouvais – où j’aurais pu – le rejoindre à pied, le voir et faire l’amour avec lui tous les jours.
    Aujourd’hui nous sommes séparés par des centaines de bornes, par les emplois du temps et les exigences de deux vies très différentes. Nous ne pourrons plus nous voir tous les jours. D’ailleurs, je me demande quand est-ce que je le reverrai. Il me manque tellement !
    En arrivant à proximité de son ancien immeuble, je lève les yeux vers la terrasse où Jérém fumait ses clopes après l’amour. Un mec est en train de fumer une cigarette, appuyé de dos contre la rambarde. Je ne peux pas voir sa tête, mais je devine l’allure du spécimen. Casquette blanche portée à l’envers, t-shirt du Stade Toulousain, cheveux bruns. Même de dos, ça sent l’adorable petit con sexy. Un autre petit con baiseur. Qui se tape-t-il ? Des nanas ? Des mecs ? Est-ce qu’il est au lycée aussi ? Est-ce qu’il a, lui aussi, fait tomber amoureux de lui un camarade de classe ? Y’a-t-il d’autres « révisions » en vue entre ces murs qui ont vu tant de choses ?
    Au revoir p’tit con sexy, profite de chaque instant, et ne sois pas trop dur avec ce mec timide qui te kiffe à mort !

    Lorsque j’arrive à la maison, il est 17 heures passées. Il est grand temps pour moi de larguer les amarres.
    Je dis au revoir à mes parents. Maman est très émue. Alors que papa affiche un air plutôt détaché.
    « Tu n’as rien oublié ? ».
    « Non, maman ».
    « T’es sûr ? ».
    « Je crois, mais de toute façon je vais vite revenir ».
    « Tu fais attention sur la route ».
    « Oui maman ».
    « Appelle quand tu arrives ».
    « Oui maman ».
    « Donne des nouvelles ».
    « Oui maman ».
    Je réalise que je ne suis pas doué pour les « adieux ». En fait, c’et la première fois que j’en vis un. L’émotion de maman me touche, et pourtant je n’ai pas le courage de montrer mon émotion. Est-ce pour ne pas l’attrister encore davantage ? Ou bien pour ne pas craquer ? Ou bien à cause de la présence de mon père ?
    Je démarre ma petite voiture, je quitte le garage de ma maison d’enfance, je me retrouve dans circulation. Au premier feu rouge, je me dis qu’à l’heure qu’il est, maman doit être en train de pleurer. Je le sens dans mes tripes. J’ai aussi envie de pleurer. Je sens mon cœur comme écrasé par une chape de plomb. Au rondpoint suivant j’ai envie de faire demi-tour. J’hésite, je ralentis. Un coup de klaxon me rappelle à la réalité. Si je fais demi-tour, je ne vais pas pouvoir repartir. Je vais rater ma rentrée à la fac.
    Je me force à continuer sur ma route, celle que j’ai décidé d’emprunter pour aller vers mon avenir. Mais qu’est-ce que c’est dur de quitter le nid pour la première fois !
    J’avance, la vue embuée par les larmes. De rues en boulevards, je traverse le paysage familier de ma ville. Un paysage que je quitte en rentrant sur la rocade, cet espace plus tout à fait familier mais pas encore complètement étranger, cette sorte de « no man’s land » entre « chez moi » et « ailleurs ».
    La rocade, comme une piste de décollage où les panneaux parlent de contrées lointaines. « Paris », « Auch », « Tarbes », « St Sebastian ». Et « Bordeaux ».
    Me voilà en train de quitter la rocade, direction l’inconnu bordelais. Bientôt, un alignement de guichets de péage se dresse devant moi. Ca y est, je quitte ma ville pour de bon.
    Je prends le ticket et la barrière s’ouvre. Ca y est, c’est parti. Ma nouvelle vie m’ouvre définitivement les bras. C’est une sorte de point de non-retour. J’hésite encore avant d’embrayer la vitesse. Je me fais klaxonner à nouveau. Je passe le premier rapport, puis le deuxième, jusqu’au cinquième.
    La voiture prend de la vitesse. Et mon cœur semble enfin se délester du poids qui l’avait oppressé jusque-là. Le cordon qui me relie à mon nid d’enfance et qui n’a fait que s’étirer douloureusement depuis que j’ai quitté le quartier St Michel, semble soudainement craquer. Le claquement est sec, mais libératoire. Mes larmes se sèchent. Mes poumons s’ouvrent et se remplissent d’un air nouveau.
    Au revoir Toulouse, à nous deux Bordeaux !
    J’essaie d’avoir des pensées positives, d’imaginer ma nouvelle vie, mon indépendance, mes études passionnantes.
    Et pourtant, je suis assailli par les doutes. Est-ce que je vais réussir mes études ? Est-ce que je vais savoir tenir un appart, un budget, un ménage ? Est-ce que je vais arriver à me faire des amis ? Ca n’a jamais vraiment été le cas au lycée.
    Est-ce que les moqueries et les quolibets vont me suivre à la fac ? Est-ce que je vais pouvoir m’intégrer dans la vie universitaire ? Est-ce que je vais pouvoir tenir bon, sans la présence rassurante de mes parents au quotidien, sans la proximité de ma cousine ? Est-ce que je vais tenir bon, alors que mon bobrun est à 600 bornes ? Est-ce que notre amour survivra à l’éloignement ?
    Je suis excité par cette nouvelle aventure de la fac qui s’ouvre devant moi et pourtant je ressens de la tristesse à cause de ce que je laisse derrière moi, une maman inquiète, un pote Thibault pas vraiment heureux. Mon pote Julien.
    Le petit moment d’euphorie que j’ai connu en quittant la Rocade ne fait pas long feu. Assez vite, au fil des bornes parcourues dans l’indifférence et la monotonie de cette autoroute sans fin, c’est la tristesse et l’angoisse qui prennent le dessus dans mon esprit.
    Heureusement, peu après Castelsarrasin, l’autoroute enjambe la Garonne. Soudain, je réalise que ma ville de mes racines et la ville de mes études sont reliées par cette rivière. C’est idiot, mais cette pensée me rassure.
    A une aire d’autoroute, je fais une pause pipi en terre inconnue. J’en profite pour jeter un œil à mon portable. Il y a un sms :
    « Bon courage à Bordeaux, champion ».
    Julien est toujours aussi adorable. Son message m’aide à reprendre mon chemin avec l’esprit un peu plus apaisé.
    Une heure et demie plus tard, j’arrive à Bègles. Bordeaux n’est plus qu’à une poignée de minutes. Mon appart n’est plus qu’à quelques minutes. Ma nouvelle vie aussi. A partir de Bègles, la route longe la Garonne. Sa présence me rassure à nouveau. Ici la Garonne est immense, bien plus large et imposante qu’à Toulouse. Elle me paraît d’autant plus imposante qu’elle ne coule pas plusieurs mètres en contrebas de la ville, comme chez moi, mais presque au niveau de la route. De plus, elle affiche une drôle de couleur marron que je ne lui ai jamais connue à Toulouse. Je me demande d’où vient cette couleur peu ragoûtante, et si elle est causée par la pollution.
    Au premier contact avec Bordeaux, je trouve ses rues, ses bâtisses, ses teintes plus austères que celles de ma Toulouse natale, plus douce, plus colorée, plus « souriante ». Un environnement étranger nous paraît souvent hostile au premier abord.
    A une époque où le GPS n’est pas encore dans chaque voiture, j’ai un peu de mal à trouver le quartier et la rue St Genès. Je suis obligé de m’arrêter, de demander, de me tromper, d’hésiter, de me faire klaxonner à nouveau. Mais lorsque je trouve enfin, je suis assez fier de moi.
    La rue Saint Genès est une rue tranquille, avec des immeubles à un ou deux étages, plus éventuellement un mansardé. Les façades sont homogènes, en pierre assez claire, avec des balcons en fer forgé.
    Très vite, je me fais la réflexion, accompagné d’un doux frisson, que cette rue à sens unique me rappelle à beaucoup d’égards une rue qui a beaucoup compté pour moi : la rue de la Colombette à Toulouse.
    Je roule doucement, je cherche le numéro de rue indiqué sur l’annonce. Je le trouve. Il correspond à un grand portail en bois peint en vert. Mais il n’y a pas de place à proximité. On me klaxonne à nouveau. Putain, mais le Bordelais a l’avertisseur sonore facile ou quoi ?! Ou alors c’est parce que je suis immatriculé 31, c’est du bizutage.
    Je suis obligé de m’éloigner, de prendre une rue transversale pour trouver à me garer. En sortant de ma voiture, je prends un grand bol de cet air nouveau pour moi. Il fait plus frais qu’à Toulouse. Je me sens étranger en terre inconnue.
    J’appelle maman pour lui dire que je suis bien arrivé. Puis, je prends l’une de mes valises et je me rends à ma future adresse. Me voilà pile devant le grand portail en bois impeccablement peint en vert foncé mais brillant. On dirait que ça a été fait la veille. Sur le tableau des sonnettes, je repère le nom du propriétaire, Mr Guillon.
    Je sonne. Ma nouvelle vie commence ici et maintenant.

    Commentaires

    ZurilHoros

    16/06/2020 20:01

    Ce qui m’apparait évident, c’est que Nico est attiré par lui, non seulement physiquement mais aussi par ce qu’il dégage. Une bienveillance chaleureuse et enveloppante, ou quelque chose comme ça. 

    Par certain aspect, il y a de la passivité dans son attitude, rien que parce que les autres viennent à lui et pas l’inverse, il n’est pas dragueur.  Elodie parle très bien de ce genre de garçons, je ne sais plus ou. 
    De ce qui se dégage, Thibault est homo, plus ou moins refoulé. Mais c’est un mec de devoir. Il sera un super père, il est fait pour ça. Mais comme disent les américains, « What is it that gonna make you happy, Thibault » 

    Ca ne m’étonne pas qu’il veuille arrêter le rugby, parce que il refoule aussi toute agressivité et Jérémy était sans doute son principal moteur pour en faire. 
    Comme il est intelligent, il a compris qu’avec Jérém, il n’y aurait rien, mais depuis presque le début, il est attiré par Nico. Du moins on peut le supposer

    Etienne

    27/03/2020 19:06

    Thibault : « Il y a bien un autre gars qui me fait de l’effet, mais il est tout aussi inaccessible que Jé »…
    Je me demande s’il n’y aura pas des retrouvailles voire relations « étroites » entre Nico et Thibault en saison 3… ?

    lolo1965

    06/03/2020 21:43

    Que ce voyage qui coupe le cordon rappelle des souvenirs bons ou mauvais à chacun d’entre nous Cet épisode de transition est plein de nostalgie Oui les choses ont peut-être changées mais finalement pas tant que ça Tres hâte de lire la suite des aventures de nos deux petits Appolon et curieux de voir comment va évoluer leur vie. En tout cas merci pour toutes ces belles émotions

    Yann

    06/03/2020 11:52

    Les années ont passé et beaucoup de choses ont changé mais il reste encore tellement de chemin à faire pour que les mentalités évoluent.
    Yann

    Florentdenon

    04/03/2020 00:35

    J’avais hâte de poursuivre l’aventure. Me voici exauce ! C’est très cinématographique et réussi. Je suis fan ! Merci.

  • JN0223 Retrouver Thibault.

    JN0223 Retrouver Thibault.

    Life is a journey, not a destination.

    La vie est un voyage, pas une destination.

    Toulouse, le dimanche 16 septembre 2001.

    Après avoir raccroché avec Thibault, je me sens tout retourné. J’ai tant attendu ce coup de fil, j’ai tant espéré qu’il arrive. Et pourtant, j’avais fini par me convaincre qu’il ne viendrait pas. Au point que son arrivée provoque en moi presque de l’étonnement. Je suis étonné et touché du fait que Thibault vient de me tendre la main, une fois de plus.

    Je suis heureux qu’il ait accepté de me voir. Et en même temps, je les redoute un peu. Je me demande à quoi vont ressembler ces retrouvailles. Je sais que je ne peux pas m’attendre à rattraper notre complicité d’avant. Le Thibault bienveillant, plein d’énergie et de générosité en a pris un coup. Je l’ai entendu à sa voix. Son attitude n’est plus la même. Je l’ai senti comme fatigué, blessé par la vie.

    Je sais que je me suis mal comporté. Alors, j’appréhende de me retrouver face à lui.

    Pendant le trajet en bus vers son appart aux Minimes, j’ai comme une boule au ventre. En arrivant à l’arrêt le plus proche de l’immeuble, j’ai l’impression que mes jambes ne vont plus me porter. Lorsque je sonne à l’interphone, mon cœur joue un jive endiablé.

    « Salut, c’est Nico » je lui lance, après avoir entendu un premier bruit disgracieux venant du petit haut-parleur.

    « Salut, monte ».

    Je prends l’ascenseur, je monte jusqu’à son étage. La porte de son appart est entrouverte. Et le bomécano m’attend sur le seuil.

    Et voilà Thibault, le torse bien gainé dans un t-shirt gris redessinant à la perfection ses biceps rebondis, ses épaules carrées, ses pecs saillants, son cou puissant. Le pire, c’est que ce t-shirt n’est même pas particulièrement moulant. Mais comme d’habitude, ça lui va comme un gant. Tout comme ce short en jeans qui laisse admirer des mollets musclés.

    Certes, avec un physique comme le sien, n’importe quel vêtement ressemble à une œuvre d’art. Car son corps est une véritable œuvre d’art. Une œuvre d’art qui semble resculptée depuis la dernière fois que j’ai pu l’admirer, un mois plus tôt, à l’hôpital de Purpan, le jour de l’accident de Jérém.

    Car, certainement à la faveur des premières semaines d’entraînement intensif au Stade, le bomécano a encore pris du muscle. Et il est beau comme un dieu.

    « Salut » je lui lance, en cherchant son regard. Un regard que je trouve d’emblée fuyant, presque vide, privé de sa chaleur. Mais il est passé où ce regard bienveillant qui faisait se sentir si bien ?

    Et même si en me rendant mon « Salut » le bogoss esquisse un petit sourire, on est loin du beau sourire rempli de joie de vivre et d’un optimisme contagieux. C’est un sourire tendu, qui disparaît vite de son visage. Je le sens crispé, mal à l’aise. Je le suis aussi.

    Le bogoss me fait rentrer et me fait la bise. Il sent bon. Je reconnais le délicat parfum de lessive qui se dégage de son t-shirt.

    « Excuse le bordel, mais en ce moment je n’ai pas vraiment la tête à ça ».

    « Ca ne fait rien t’inquiète ».

    « Installe-toi sur le clic clac. Tu préfères un café ou quelque chose de frais ? ».

    « Plutôt quelque chose de frais ».

    « Une bière blanche ? ».

    « C’est ça »

    Je réalise qu’il se souvient de mon goût pour la bière blanche depuis la dernière fois où je suis passé chez lui des mois plus tôt. Vraiment adorable ce mec.

    Thibault s’accroupit devant le frigo pour attraper les bières. Son dos puissant est tout aussi beau que son torse. Et là, le short se baisse un peu, le t-shirt remonte et un épais élastique noir avec des inscriptions en lettres capitales mauves apparaît. Vision d’un bout de sa peau au-dessus de ses reins, vision de bonheur. Sa mâlitude me touche et me procure un intense frisson. Il y’a dans la sensualité une sorte d’allégresse, de bonheur cosmique.

    Je regarde son torse gainé dans ce t-shirt et je repense à la nuit où j’ai fait l’amour avec Jérém, et avec lui. Je me souviens de sa virilité, et de sa douceur. Je me souviens de comment j’avais aimé lui donner du plaisir et le voir prendre du plaisir. Je me souviens de comment lui aussi avait voulu me donner du plaisir. Et de la tendresse. C’était le premiers gars qui me donnait autant de tendresse. Encore plus que Stéphane.

    Dans ses bras, je m’étais senti vraiment bien, vraiment en sécurité. Depuis, je me suis senti bien et en sécurité dans les bras de Jérém aussi. Mais à ce moment-là, c’était quelque chose de complètement nouveau pour moi. Cette nuit-là, j’avais appris ce que c’était d’être vraiment bien avec un gars. Je crois que depuis, c’est cette sensation que j’avais voulu sans cesse retrouver. J’avais tellement forcé les choses pour la retrouver avec mon Jérém que je j’ai fini par le perdre. Il avait fallu un choc, son accident, pour qu’il revienne vers moi, et que je retrouve enfin cette sensation, dans ses bras.

    Thibault revient avec deux bières et s’installe sur le clic clac juste à coté de moi. Je le regarde décapsuler les deux petites bouteilles avec un geste aisé de mec qui a du en décapsuler tant d’autres. Mon regard est aimanté par l’extrême sensualité d’un bout de pilosité dépassant du col de son t-shirt. Ce sont juste quelques poils posés sur sa peau lisse et douce. Mais c’est terriblement sexy.

    Bâti comme un petit taureau, tout en muscles mais transpirant une immense douceur, définitivement ce mec représente pour moi un sommet dans la Mâlitude. Il incarne pour une moi une sorte d’absolu masculin. Un canon, dans le sens « étant une référence ». C’est le Mâle à la virilité tranquille, portée avec naturel, assumée sans arrogance, comme une évidence.

    Une virilité pourtant aujourd’hui marquée par un abattement inquiétant. Super Thibault semble avoir perdu ses super pouvoirs. Il semble fatigué, tant physiquement que moralement. Sa personne dégage cette fragilité que je lui avais vue pour la première fois le jour de l’accident de Jérém. Je le sens dans son regard et dans le ton de sa voix. Peut-être qu’il traîne cette fragilité depuis le jour de l’accident.

    « Ca va, Thibault ? » je me lance, un brin inquiet.

    « Oui, ça peut aller. Et toi, ça va ? ».

    « Je suis content que tu m’aies rappelé ».

    « Désolé de ne pas l’avoir fait plus tôt, j’ai été très occupé ces derniers temps ».

    « Ca ne fait rien ».

    « Alors, qu’est-ce que tu deviens ? » il enchaîne.

    « Rien de spécial, demain je pars à Bordeaux pour la fac ».

    « Tu as trouvé un appart là-bas ? ».

    « Oui, mais je n’ai même pas été le voir ».

    « Ce soir ça va être la grande surprise, alors » il commente, tout en esquissant un petit sourire.

    Et pourtant, malgré ce petit sourire, je sens Thibault distant. Poli, correct, mais distant. J’ai envie de le prendre dans mes bras, j’ai envie qu’il me prenne dans les siens. J’ai envie de retrouver cette complicité, cette magnifique connexion qu’on avait avant l’accident de Jérém.

    « Et toi, quoi de neuf ? » je le questionne.

    « Des entraînement, des entraînements, et des entraînements. C’est épuisant ».

    « Ça donne des bons résultats ».

    « C’est-à-dire ? ».

    « Tu as repris du muscle ».

    « Il paraît, oui. Mais j’ai mal partout. Je suis fatigué. Je n’ai même plus le temps pour faire des interventions ».

    « Avec les pompiers ? ».

    « Oui. Depuis que j’ai commencé les entraînements, je suis sorti tout juste deux fois ».

    « Ça te manque ? ».

    « Oui, beaucoup ».

    « T’es vraiment quelqu’un de bien. Et c’est pour ça que».

    « Dis, Nico, tu as des nouvelles de Jé ? » il me coupe, alors que j’allais tenter de rentrer dans le vif du sujet qui m’a conduit à vouloir lui parler.

    Soudain, je me fais la réflexion qu’« avant », c’était moi qui lui demandais des infos sur Jérém. Alors que maintenant, c’est lui qui m’en demande. D’une certaine façon, j’ai l’impression de lui avoir volé son pote.

    « Il va bien, normalement il a commencé les entraînements ce matin même ».

    « Ça me fait plaisir, vraiment ».

    Thibault a l’air très ému. Ses yeux sont humides.

    « Ça va ? » je le questionne.

    « J’ai eu tellement peur qu’ils lui trouvent une couille et qu’ils ne lui signent pas le contrat » il lâche, la voix cassée par les larmes.

    Thibault est en train de pleurer. C’est dur de voir un gars comme lui pleurer. Je pleure aussi. Je le prends dans mes bras, je tente de le réconforter.

    Thibault m’enveloppe à son tour avec ses bras musclés. Comme un flash, je retrouve la sensation de bonheur que j’ai connue le soir où nous nous sommes donnés du plaisir avec Jérém.

    « Excuse-moi » je l’entends me lancer quelques secondes plus tard, en quittant notre étreinte.

    « Ne t’excuse pas, moi aussi j’ai été soulagé quand j’ai su que tout allait bien ».

    « J’espère que ça va bien se passer pour lui. Je suis en train d’en passer par là et je sais que ce n’est pas facile d’arriver dans une équipe et de trouver sa place. C’est dur physiquement et mentalement ».

    « Je l’espère aussi. Normalement je devrais avoir des nouvelles ce soir ».

    « Vous vous êtes retrouvés, alors ? » fait le jeune rugbyman en essuyant discrètement ses larmes avec le dos des mains.

    « Oui».

    « Depuis longtemps ? ».

    « Dix jours, pas plus. Il m’a appelé le vendredi soir de l’autre semaine et il m’a demandé de le rejoindre à Campan ».

    « Je savais qu’il reviendrait vers toi. Il ne peut pas se passer de toi. Alors t’a aimé Campan ? ».

    Je me retrouve alors à lui parler de mon escapade. Je suis un peu gêné de lui raconter ces quelques jours en compagnie de Jérém, les balades à cheval, les belles rencontres humaines, les gueuletons, la guitare de Daniel. Je suis un peu gêné de lui raconter mon bonheur.

    « Ils vont tous bien ? JP, Charlène, Satine, Martine, Ginette» il me questionne.

    « Tous en pleine forme, tous à cheval. Tout le monde a demandé de tes nouvelles ».

    « Ils sont adorables ».

    « C’est vrai, et ils t’apprécient beaucoup ».

    « Moi aussi je les apprécie beaucoup. JP en particulier, j’adore ce mec. C’est un modèle pour moi. Je voudrais avoir ses qualités humaines, un jour ».

    « Mais tu les as déjà ! ».

    « Je ne sais pas ».

    « Je t’assure ». « Ils m’ont tous dit de t’apporter leurs encouragements pour ta carrière au Stade. Ils sont fiers de toi ».

    Le beau pompier est visiblement touché. Je suis happé par ses yeux vert marron, par son regard transparent, doux et pourtant tellement viril. Un regard pourtant empreint de mélancolie, et qui se dérobe très vite. C’est un regard qui tranche d’une façon assez violente avec le regard vif mais tranquille, bienveillant, rassurant, réconfortant, qui était le sien il y a quelques semaines encore.

    J’ai toujours connu un Thibault qui me regardait droit dans les yeux pendant nos discussions. Comme s’il avait voulu établir une communication plus vraie, un contact par le regard, l’esprit, la considération, en plus de la parole. Désormais, ce regard, cet esprit et cette considération sont aux abonnés absents.

    J’ai l’impression que Thibault est à fleur de peau. Ça m’attriste. Et pourtant, il faut bien admettre que ce côté « cabossé-par-la-vie » donne à son allure de mec un je-ne-sais-quoi qui le rend encore plus craquant.

    Le silence se prolonge jusqu’à ce que je décide de prendre les choses en main.

    « Thibault, je suis vraiment désolé de comment les choses se sont passées ».

    « Moi aussi, Nico ».

    « Je regrette de ne pas t’avoir écouté à l’hôpital, d’être parti et d’avoir été distant par la suite ».

    « Et moi je regrette de t’avoir fait du mal ».

    Une question me brûle les lèvres. Je m’autorise à la poser.

    « Thibault, tu ressens quoi au juste pour Jérém ? ».

    Et là, après avoir pris une longue inspiration, le beau rugbyman finit par lâcher :

    « Je vais être franc avec toi, Nico. Je crois que je suis amoureux de lui ».

    « Ça dure depuis combien de temps ? ».

    « Je ne sais pas te dire. C’est venu sans que je m’en rende compte. Jéjé est mon meilleur pote, depuis toujours. Depuis notre rencontre en CM, j’ai tout partagé avec lui. Je l’ai vu grandir, j’ai vu le gamin timide et gringalet devenir le mec superbe qu’il est aujourd’hui ».

    « Je t’ai déjà parlé de cette nuit en camping, l’été de nos 13 ans, et de ce qui s’est passé sous la tente ».

    « Oui, tu m’en as parlé à l’hôpital » je confirme.

    « Depuis cette nuit-là, ça a été clair dans ma tête. Jéjé me faisait envie. Et pourtant, je m’efforçais de ne pas y penser, j’essayais d’oublier. Je n’ai jamais su ce qu’il en avait pensé, car il a toujours fait comme si rien ne s’était passé. J’ai pensé qu’il l’avait regretté. J’avais très envie de recommencer, mais j’avais peur de tenter quoi que ce soit. J’avais peur de gâcher notre amitié. J’ai essayé de me convaincre que ce qui s’était passé cette nuit-là était juste une bêtise, parce qu’on avait bu. Et que ça ne devait plus jamais arriver ».

    « Mais tu n’y es pas arrivé».

    « C’est pas simple d’oublier l’attirance pour quelqu’un qu’on côtoie au quotidien, qu’on voit régulièrement à poil dans un vestiaire, avec qui on prend sa douche, avec qui on se retrouve souvent seul, quelqu’un pour qui on est le confident. J’étais aux premières loges de sa vie, y compris pour ses exploits sexuels ».

    « J’imagine bien ».

    Je repense aux nombreuses fois où j’ai vu Jérém avec une nana, où je l’ai vu partir avec. J’en avais les tripes retournées. Alors je n’ai aucun mal à imaginer que Thibault ait pu ressentir la même chose, d’autant plus qu’il côtoyait son pote au quotidien, qu’il le voyait à poil dans les vestiaires, qu’il connaissait beaucoup de choses de sa vie sexuelle.

    « J’ai longtemps eu peur de regarder en face ce sentiment qui me prenait aux tripes quand je le voyais sous la douche, quand il s’essuyait à côté de moi, quand nos peaux nues se frôlaient dans les vestiaires.

    J’ai mis du temps à admettre que je ressentais plus que de l’amitié pour lui. Que j’avais aussi envie de le serrer contre moi, de le toucher, de le caresser, de lui procurer du plaisir.

    Mais je n’ai jamais osé tenter quoi que ce soit. De toute façon, très vite, Jérém a été tellement branché nanas ! De plus, je l’entendais souvent tenir des propos homophobes.

    Alors, j’ai essayé de cacher ça au plus profond de moi. Mais ça me rongeait. J’avais peur qu’un regard déplacé puisse me trahir, qu’il comprenne, qu’il me jette. Et pourtant, l’amitié ne me suffisait plus. C’était chaque jour un peu plus dur ».

    « Je n’arrêtais pas de me dire que je devais revenir à la raison. Que je devais me contenter de l’amitié. Alors, quand on a commencé à tourner avec le rugby, et qu’on se retrouvait parfois à dormir à l’hôtel, presque toujours dans la même chambre, parfois dans le même lit, c’était une torture. J’en ai passé des nuits sans sommeil, à regarder dormir, à écouter sa respiration. J’avais envie de lui à en crever.

    C’était à la fois merveilleux et insupportable. Il me faisait tellement d’effet ! ».

    « On passait des heures à discuter, à refaire le match. On rigolait beaucoup. J’adorais la complicité qu’il y avait entre nous. J’étais bien avec lui, parce que je sentais qu’il était bien avec moi, et qu’il appréciait ma compagnie. Il n’y a pas de mots pour décrire ça, il faut l’avoir vécu pour comprendre ».

    « Et ce bonheur, il arrivait presque à faire taire mes autres envies. Mais le sexe était très présent dans la vie de Jé et il n’hésitait pas à m’en parler. Je me souviens d’une nuit en particulier, où il m’a parlé d’une nana qu’il s’était tapée la veille et avec laquelle il disait s’être particulièrement amusé. Il m’a raconté ça dans les détails, tu vois, et après, il a voulu que je lui dise à mon tour ce que j’aimais le plus au pieu ».

    « C’était dur pour moi de parler de ces choses là avec lui. Parce que lorsque je pensais sexe, j’avais envie de lui. Parce que lui raconter ce que j’aimais avec les nanas, c’était lui faire comprendre que j’étais hétéro et que rien ne pourrait se passer entre nous. Je savais que je ne pourrais rien tenter avec lui, et pourtant, au fond de moi, je gardais un petit espoir ».

    « Mais cette nuit-là Jé n’était pas comme d’habitude. Il avait pas mal bu et je ressentais entre nous quelque chose qui me rappelait cette autre nuit sous la tente. Cette nuit-là, j’avais l’impression que quelque chose pouvait se passer.

    A un moment, il m’avait parlé de deux gars de l’équipe contre laquelle on avait joué le jour même et qu’il pensait être gays. Il m’a dit qu’il croyait qu’ils étaient ensemble et qu’ils avaient l’air heureux. Ses propos sur le sujet étaient plus apaisés que d’habitude.

    Moi aussi j’avais un peu bu. Et je me suis senti pousser des ailes. Je l’écoutais parler, je m’efforçais de lui donner la réplique. Mais mon cœur tapait à mille à l’heure. A un moment, j’étais vraiment à deux doigts de l’embrasser.

    Je sentais à sa voix que la fatigue commençait à le gagner. Je me souviens m’être dit que c’était le moment, car qu’une occasion comme celle-ci ne se représenterait plus jamais. J’avais l’impression qu’il se passait un truc, qu’il allait se passer un truc. J’ai essayé de trouver le courage, de prendre le risque, de surmonter ma peur.

    Je sentais les secondes s’écouler au fil des battements de mon cœur qui résonnaient dans mes tempes. A chaque instant je me disais que c’était le bon, tout en me disant que le suivant serait meilleur, et que je trouverais enfin le courage de me lancer.

    J’ai attendu, tétanisé par la peur de me tromper, de faire une énorme bêtise. Le risque était trop grand. Si j’avais gâché notre amitié, si on ne s’entendait plus avec Jéjé, c’est notre parcours dans le tournoi de rugby qui allait en souffrir.

    J’ai trop attendu, j’ai trop cogité. A un moment, je l’ai entendu me souhaiter la bonne nuit. La magie de cette nuit-là était partie, d’un coup. Un instant plus tôt, tout semblait possible. Un instant plus tard, tout était foutu. Deux mots et tout s’était écroulé.

    Sur le coup, je me suis senti soulagé que cette tension cesse enfin. Mais en même temps, j’ai ressenti une frustration et une déception terribles. J’ai su qu’il n’y aurait jamais meilleure occasion que celle-ci. Et que même une occasion pareille ne se représenterait sûrement plus jamais. J’ai compris que je n’arriverais jamais à avouer à Jé ce que je ressentais pour lui.

    Quand je l’ai entendu glisser dans le sommeil, j’ai eu envie de pleurer. J’ai essayé de me ressaisir en me répétant mille fois que Jé était comme mon petit frère, et que notre amitié, notre complicité étaient plus importantes que tout. Et que jamais je ne devais prendre le risque de gâcher ça ».

    « Mais ça n’a pas suffi pour oublier » je considère.

    « Non, non».

    Thibault marque une pause. Une question me brûle les lèvres. J’hésite avant de la poser. Mais je décide de me lancer.

    « Thibault, tu crois que tu es, ? ».

    « Gay ? ».

    « Oui».

    « Je n’en sais rien. J’ai toujours couché avec des nanas. Et ça s’est toujours bien passé. Après, c’est vrai que j’aime regarder un beau garçon. Au rugby, sous les douches, dans les vestiaires, on côtoie des gars vraiment canons. Mais je n’ai jamais ressenti ce que je ressens pour Jé pour un autre gars.

    Je ne sais pas vraiment comment l’expliquer. Avec Jé, c’est différent. Je ne sais pas comment te dire. C’est juste que quand je le regarde, quand je suis avec lui, je suis bien. Et j’ai envie de lui faire plaisir. Voilà, c’est ça. J’ai envie de le faire rire, de l’aider quand il a besoin de moi, j’ai envie de le rassurer, de le soutenir, de l’aider à avancer. Mais j’ai aussi envie de le serrer dans mes bras. J’ai envie qu’il soit bien. Parce que, quand il est bien, je suis bien aussi. C’est même plus fort que l’attirance ».

    Soudain, je réalise que ce que Thibault vient de me donner en quelques mots, ressemble à une inconsciente mais magnifique déclaration d’amour.

    « Tu es déjà ressenti ça pour une nana ? »

    « Je ne sais pas » il finit par lâcher, pensif « je ne crois pas ».

    « De toute façon » il continue « pour Jé ce n’était pas la même chose. Il appréciait mon amitié, mais il ne ressentait pas les mêmes choses que moi. Ça a été dur de le voir aller vers d’autres gars ».

    Thibault me parle alors de la nuit où il avait surpris son pote en train de sortir d’un mobil home au camping de Gruissan, en compagnie d’un autre garçon. De son cousin Guillaume qui dormait parfois chez lui l’an dernier et avec lequel il pensait qu’il se passait des choses. Et aussi d’un rugbyman d’une autre équipe avec qui avait dormi chez lui tout un week-end. Il me parle également de ce plan à quatre avec son pote et les deux nanas quelques mois plus tôt.

    Je suis au courant de tous ces moments, Jérém m’en a parlé à Campan. Mais je le laisse parler, je veux connaître sa version de l’histoire, son vécu, son ressenti. Et je sens qu’il a besoin de m’expliquer, de s’expliquer. Il a besoin de parler. Parce que je suis certainement la seule personne avec qui il peut le faire. Comment je regrette de ne pas lui avoir donné cette occasion plus tôt, de ne pas avoir su l’écouter et lui permettre de soulager son cœur.

    « Quand il m’a proposé ce plan, il m’a scié. J’ai hésité à accepter, de peur d’être confronté à mes démons. Sur le coup, je me suis demandé pourquoi il voulait partager ça avec moi. Mais Jé semblait tellement emballé que je n’ai pas su lui dire non. Alors, j’ai fini par accepter pour lui faire plaisir.

    Je l’ai regardé emballer deux nanas d’un claquement de doigts. Ce mec est incroyable ».

    « Je sais, je l’ai vu faire aussi, j’étais là ce soir-là ».

    « Après, je te cache pas que si j’ai accepté, c’était aussi pour voir Jé à poil, en train de prendre son pied. Je n’allais pas coucher avec lui, mais j’allais pouvoir le voir en train de coucher. La présence des nanas m’offrait cette occasion. Tant pis pour mes peurs, j’en avais trop envie ».

    « Et on s’est retrouvés dans son studio, à poil, en train de baiser les nanas. Je le regardais en train de prendre son pied et je sentais mon excitation monter. La nana avait vraiment l’air de prendre son pied aussi. Elle était folle de lui, elle gémissait de plaisir, ses mains touchaient ses pecs, ses biceps. Elle ne se gênait pas pour lui dire à quel point il la faisait jouir et à quel point elle avait envie d’être à lui. Ca me rendait dingue. Ca me donnait envie, tellement envie de m’occuper de lui à sa place.

    Parce que cette nuit-là, j’étais beaucoup plus attiré par son corps, pas son regard, par son plaisir à lui que par ceux des nanas. Cette nuit-là, j’avais envie de lui, bien plus que des nanas.

    Nos épaules se touchaient, je sentais son parfum, j’entendais sa respiration et ça me donnait des frissons. Je sentais son regard sur moi. Lui aussi me regardait prendre mon pied. Je me suis demandé si ça l’excitait aussi me voir prendre mon pied.

    Très vite, nos regards ont commencé à se croiser de plus en plus souvent. Je sentais mon orgasme arriver et je guettais l’arrivée de son orgasme à lui, j’avais hâte de le voir venir. Et on a fini par venir presque au même moment ».

    Pendant que les nanas étaient là, j’avais eu envie de me retrouver seul avec mon Jéjé. Et dès qu’elles sont parties, je le redoutais. J’avais tellement envie de lui. J’avais peur de ce qui pourrait arriver. J’avais envie de partir à mon tour.

    Mais Jéjé m’a demandé de rester dormir. J’ai essayé de trouver un prétexte pour rentrer chez moi, il a insisté. J’ai cédé pour lui faire plaisir, une fois de plus.

    Nous nous sommes couchés, et il s’est endormi très vite. Mais moi j’ai eu du mal à trouver le sommeil. Pas facile de dormir dans le même lit qu’un mec qui fait tant d’effet, surtout avec ce qu’il venait de se passer. D’autant plus que la trique m’a gagné, même après deux baises rapprochées. J’ai essayé de me calmer, et j’ai fini par m’endormir aussi. Mais quand je me suis réveillé un peu plus tard dans la nuit, je le tenais dans mes bras. Je ne sais pas comment c’est arrivé, mais c’est arrivé, dans le sommeil. J’ai eu tellement peur qu’il s’en rende compte et qu’il me jette ».

    « Je n’ai jamais su s’il s’en est rendu compte, mais je pense que oui ».

    « Il s’en est rendu compte, il m’a parlé de cette nuit. Mais il ne t’en a jamais voulu ».

    « Ça me fait plaisir de l’entendre. N’empêche que le matin, au réveil, il y avait comme un malaise entre nous. Et même l’après-midi, au rugby j’avais l’impression qu’il m’évitait, qu’il n’était pas dans son assiette. Nous n’avons pas arrêté de foirer des actions sur le terrain. Aux vestiaires, sous les douches, on se parlait à peine. J’avais tellement peur que ce plan ait fait du tort à notre amitié ! ».

    « Après cette nuit, c’était le bazar dans ma tête. Encore plus qu’avant. J’avais qu’une envie, c’était de recommencer, de voir Jérém prendre son pied. Mais sans les nanas. J’avais envie de l’embrasser, de le caresser, de faire l’amour avec lui. J’en rêvais presque toutes les nuits. J’avais envie de savoir si je ne m’étais pas trompé, si vraiment lui aussi avait envie de moi. Et, comme toujours, j’avais peur pour notre amitié. Alors, j’ai pris sur moi. J’ai voulu faire comme si de rien n’était. J’ai essayé de me raisonner.

    Je me suis forcé à me dire que renoncer à mes désirs pour Jé était nécessaire. Douloureux et difficile, mais nécessaire. Il fallait à tout prix que j’y arrive. Mais je ne voyais pas comment. Plus j’essayais de me raisonner, plus je crevais d’envie de lui. Je n’aurais jamais du accepter ce plan à quatre. Parce que j’ai trop aimé. Et après, c’était encore plus dur pour moi ».

    Thibault marque une pause. Il sort un paquet de cigarettes.

    « Ça te gêne si je fume ? » il me questionne.

    « Non, tu es chez toi ».

    « Mais au club on ne t’a pas dit à toi aussi d’arrêter ça ? » j’enchaîne, pendant qu’il allume sa cigarette.

    « Si, bien sûr. Il faut que j’arrête. Je n’aurais pas du reprendre ».

    « Excuse-moi, tu as le droit, ce ne sont pas mes oignons ».

    « Mais tu as parfaitement raison ».

    « Quand j’ai compris ce qui se passait entre Jé et toi » il enchaîne « ça a été un nouveau choc pour moi. Certainement le plus grand de tous ».

    « Tu as compris quand ? ».

    « Le jour où je t’ai croisé dans les escaliers chez lui, tu te souviens ? ».

    « Oui, très bien ».

    « Jé venait quasiment de me mettre à la porte parce que tu devais arriver pour le faire réviser. Déjà c’était louche qu’il donne tant d’importance à des révisions, et aussi qu’il insiste autant pour que je parte. Après, quand je t’ai croisé, j’ai vu ton regard. Tu étais tout excité, ton cœur battait la chamade. Vous étiez tellement pressés de vous retrouver, et il n’y a que le sexe et l’amour qui peuvent mettre les gens dans de tels états ».

    « Ca a été dur pour moi de te voir débarquer dans la vie de Jé. Parce que tu n’étais pas une simple aventure comme il en avait eu avant avec d’autres mecs. Cette fois-ci, Jé était tombé sur un gars qui était vraiment amoureux de lui. Car j’ai senti que tu l’aimais ».

    « Pendant un temps, j’ai cru que Jé couchait avec des gars juste pour le sexe. J’ai cru qu’il était bi. Mais je me suis dit qu’il ne renoncerait jamais aux nanas. Et, surtout, qu’il ne serait jamais amoureux d’un gars. Et puis tu es arrivé. Jé a peu à peu oublié les nanas. Et j’ai compris assez rapidement que, malgré ce qu’il voulait croire et faire croire, tu étais quelqu’un de très important à ses yeux. Et tout est remonté en moi. Donc il aimait bien les mecs. Plus que les nanas. Et il pouvait ressentir des choses pour un gars. Mais pas pour moi. J’ai compris qu’il ne s’intéresserait jamais à moi autrement que comme à un pote. Parce qu’il ne me voyait que comme un pote ».

    Je réalise que Thibault a été également aux premières loges pour voir naître ma relation avec son Jé. Combien de fois, coincé derrière ce mur de verre cruel qui l’empêchait d’atteindre son bonheur, Thibault a dû avoir les tripes retournées en voyant son pote coucher avec d’autres ?

    « Mais ce n’était pas tout. Quand tu es arrivé dans sa vie, c’est notre amitié qui a changé. Du jour au lendemain, Jé était moins disponible, pour le rugby, pour les sorties, pour moi. D’un côté, ce n’était pas une mauvaise chose. Moins je le voyais, moins ça me faisait mal de devoir accepter une amitié qui ne me suffisait plus. Et pourtant, il me manquait. Notre complicité me manquait. Jé ne se confiait plus à moi, il me cachait toute cette partie de sa vie ».

    « Mais ça aurait été dur pour toi de l’entendre te parler de sa relation avec moi ».

    « Je le sais, j’étais dans une situation intenable. Ne pas savoir me faisait souffrir. Mais s’il m’avait raconté, je crois que j’aurais souffert encore plus. Et ce qui me faisait du mal aussi, c’était de me rendre compte que si votre relation lui apportait du bonheur, il avait du mal à accepter tout ça, à l’assumer. Si je n’avais pas été amoureux, j’aurais pu le pousser à se confier, et tout aurait été plus simple. Quand un amour à sens unique se mélange à l’amitié, ça produit un mélange explosif ».

    « J’avais déjà du mal à oublier ce que j’avais ressenti pendant le plan à quatre, et le fait de vous imaginer en train de vous donner du plaisir, l’idée de l’entendre me le raconter c’était au-dessus de mes forces. De toute façon, il n’était pas prêt à me raconter cette partie de sa vie.

    Mais en même temps, je me disais que c’était une bonne chose que tu sois arrivé dans sa vie. J’avais besoin de prendre un peu de distance pour essayer d’oublier ce que je ressentais pour lui. Et je croyais pouvoir compter sur toi pour y arriver ».

    « Mais moi je me suis confié à toi ».

    « Je t’y ai poussé. J’avais besoin d’être sûr de ce que tu ressentais pour lui pour encourager votre relation ».

    « Tu as tout fait pour nous rapprocher ».

    « Après coup, tu as du te dire que j’ai joué un drôle de jeu avec toi. Essayer de vous rapprocher alors que j’avais des sentiments pour Jé ».

    Je me dis que c’est vrai, lorsqu’on a des sentiments pour quelqu’un, on n’essaie pas en général de faire copain copain avec la personne qui a la place que l’on convoite dans le lit et dans le cœur de ce quelqu’un. Et surtout pas de pousser son « rival » dans les bras de l’être aimé.

    Mais je me tais. Et je l’écoute. Là encore, je veux entendre son récit et sa cohérence.

    « Et pourtant j’étais sincère. Au fond de moi je savais que je n’avais aucun espoir avec Jé, aucun espoir de bâtir une relation au-delà de l’amitié. Je me suis dit que vous aider à être heureux ensemble me permettrait de tourner la page.

    Et comme je savais que ce n’était pas une mince affaire de s’attaquer au cœur de Jé, j’ai voulu t’encourager, te soutenir. J’ai voulu essayer de te donner quelques clefs pour connaître et comprendre un peu mieux ce sacré bonhomme. Mais ça a été plus difficile que prévu ».

    « J’imagine ».

    « L’un des moments les plus durs, ça a été la nuit où Jéjé s’est battu à l’Esmé, et qu’il n’a pas voulu me dire ce qui s’était passé ».

    « Il s’est battu avec un mec saoul qui voulait me taper parce que je l’avais regardé ».

    « Je me doutais que c’était un truc comme ça. Je crois que c’est cette nuit-là que j’ai compris clairement que Jé ne faisait pas que coucher avec toi, mais qu’il t’aimait. Sans se l’avouer encore, certes, mais il t’aimait. J’ai compris que tu allais prendre une grande place dans la vie et dans son cœur. Une place qui ne serait jamais la mienne.

    Et quand je vous ai regardé partir tous les deux dans la 205, vers son appart, vers son lit, ça a été un déchirement. J’aurais voulu être heureux pour vous, mais je n’y arrivais pas. Je n’y arrivais plus. J’étais trop malheureux ».

    « J’avais plus que jamais besoin de prendre de la distance. De ne plus le voir, de ne plus vous voir pendant un temps. Mais on avait un tournoi à gagner. Toujours pareil, on avait des entraînements, on se voyait dans les vestiaires, sous les douches. Après sa blessure à l’épaule, Jé m’a même demandé de rester dormir chez lui. C’était très difficile pour moi ».

    Thibault allume une nouvelle cigarette. Il tire une longue taffe et il se retourne pour expirer et ne pas m’envoyer la fumée.

    « La nuit qu’on a passé tous les trois ensemble a dû être compliquée pour toi » je considère.

    « Ça l’a été ».

    « Comment se fait que tu es passé le voir si tard cette nuit-là ? ».

    « J’avais besoin de lui parler. Plusieurs fois, avant cette nuit, après des soirées où on avait bu, ça avait failli déraper entre nous. Mais ça n’avait jamais été plus loin qu’une branlette. Et pourtant, ça avait créé un malaise entre nous. J’avais aussi essayé de lui parler de toi, de votre relation, et il m’avait jeté. Je sentais qu’on s’éloignait, on se voyait de moins en moins, au rugby c’était plus comme avant. On était à deux doigts de foirer le tournoi, alors qu’il était tout à fait à notre portée.

    Ce soir-là, j’étais à une soirée chez des potes. En rentrant, je suis passé dans la rue de la Colombette, et j’ai vu qu’il y avait de la lumière chez lui. J’avais besoin de lui parler. J’avais besoin de lui dire que son amitié était trop importante pour moi et qu’il ne fallait pas laisser quoi que ce soit lui faire du tort. Je voulais aussi lui reparler de toi, lui dire que ça ne me posait aucun problème. Je voulais lui dire qu’il avait le droit d’être heureux avec toi.

    En aucun cas j’étais passé pour qu’il se passe quoi que ce soit avec lui. Bien au contraire, je ne voulais surtout plus qu’il se passe quoi que ce soit. Je pensais qu’il était seul ».

    « Mais j’étais là».

    « Oui».

    « Je venais tout juste d’arriver ».

    « Quand Jé a lancé l’idée de ce plan, je me suis demandé à quoi il jouait. Au fond de moi, je me disais que c’était la dernière chose à faire, parce que ça allait encore compliquer les choses. Et pourtant, j’en crevais d’envie. L’idée de retrouver les sensations du plan avec les nanas me faisait vraiment envie. Et l’idée de partager ce moment avec toi, le mec qui faisait du bien à mon pote, me plaisait bien aussi. Je voulais aussi savoir ce que Jé aimait. Et pourquoi il n’arrivait pas à l’accepter. J’étais aussi curieux de découvrir le plaisir entre garçons ».

    « Je crois que pendant ce plan il voulait te montrer que j’étais juste son objet sexuel et qu’il ne ressentait rien de plus pour moi ».

    « Je le crois aussi. Mais je savais déjà que ce n’était pas vrai ».

    « Cette nuit-là, j’ai ressenti tellement de choses » il continue « c’était ma première fois avec un mec, enfin, tu sais, la première fois, jusqu’au bout. Et c’était génial. C’était décomplexé, c’était assumé, c’était bon. Je n’avais jamais pris autant mon pied ».

    « Et moi pareil. C’était la première fois que je couchais avec un gars qui voulait vraiment me faire plaisir. Car jusque-là, Jérém ne semblait se soucier que de son plaisir à lui ».

    « J’ai toujours regretté de ne pas lui avoir empêché de te traiter comme il l’a fait ».

    « Je sais. Mais ça aurait crée des tensions entre vous ».

    « Mais j’aurais du être plus ferme ».

    « Tu as fait ce que tu as pu. Et surtout, tu m’as fait l’amour. Devant Jérém. Et ça, ça l’a rendu fou ».

    « Tu es un gars touchant, Nico. Tu es doux et sensuel. Et tu m’as aidé à regarder en face cette partie de moi que j’avais enfouie depuis toujours. Et de ça, je t’en étais reconnaissant. Tu m’as montré à quel point l’amour entre garçons est bon. Tellement bon qu’on ne peut pas le mépriser, mais uniquement le respecter. Alors, j’ai voulu montrer à Jé qu’il n’y avait aucun mal à ça, qu’il n’avait pas à avoir cette attitude méprisante vis-à-vis de toi. Je me suis dit que s’il me voyait assumer, ça l’aiderait à assumer. Et puis je l’ai vu jaloux. Et je me suis dit que cette jalousie était saine, et que ça le pousserait à se remettre en discussion ».

    « Mais cette nuit-là, j’ai aussi ressenti autre chose » il continue.

    « C’est-à-dire ? ».

    « Jamais je n’ai eu autant envie de lui qu’à ce moment-là. J’ai trouvé que Jé était terriblement sexy, bien plus que pendant le plan avec les nanas. Il avait l’air de prendre son pied comme jamais ».

    « Tu peux pas savoir à quel point j’avais» il ajoute, avant de marquer une pause, l’air très gêné.

    « A quel point ? » je le questionne.

    « Laisse tomber ».

    « Au point où nous en sommes, tu peux tout me dire. Ça te fera du bien ».

    « A quel point j’avais envie d’être à ta place, de lui faire ce que tu lui faisais, de lui laisser faire ce qu’il te faisait. J’avais envie de faire l’amour avec lui ».

    « En plus il ne me lâchait pas du regard » il continue « Son attitude était troublante. Ce soir-là, il s’est lâché beaucoup plus qu’avec les deux nanas. Je me suis dit qu’il avait lui aussi envie qu’il se passe quelque chose entre nous deux. Pendant un moment, j’ai même cru que ce serait lui qui prendrait l’initiative ».

    « Je l’ai senti, j’ai senti votre attirance. Et j’ai cru que vous alliez le faire ».

    « Et ça aurait été mieux que ça se passe là, devant toi, plutôt que plus tard, dans ton dos. C’était la nuit de toutes les folies, et ça se serait arrêté là ».

    « A un moment, j’ai même cru que Jérém avait voulu ce plan pour s’approcher de toi » je lance.

    « Je ne crois pas. Cette nuit-là on n’a pas vraiment couché ensemble Jé et moi ».

    « Mais ça aurait pu » je considère.

    « S’il ne s’est rien passé, c’est parce que je savais que c’était toi qu’il aimait. Je savais aussi que tu l’aimais. Cette nuit-là, dans cette intimité j’ai senti toute l’intensité de votre amour. Je ne voulais pas te faire de mal. Je ne voulais pas que tu te sentes trahi. Mais j’en crevais d’envie. De toute façon, à partir du moment où il a commencé à être jaloux, il a oublié tout le reste. Sa tentation envers moi s’est évaporée aussitôt ».

    « Cette nuit-là a remué bien de choses dans ma tête » il continue « et je me suis rendu compte que je n’en pouvais plus d’endurer tout cela, que j’avais plus que jamais besoin de prendre de la distance.

    Mais je ne pouvais pas m’éloigner de suite. Une fois de plus, j’attendais la fin du tournoi. Jérém serait peut-être parti travailler ou jouer ailleurs. Si je n’avais pas été recruté par le Stade, je me serais investi davantage au SDIS, j’aurais voulu devenir pompier pro. Et je crois bien que j’en aurais profité pour changer de ville. Je me souviens m’être dit qu’il fallait que je tienne bon encore quelques mois, et que j’arriverais enfin à tourner la page.

    Mais rien ne s’est passé comme prévu. Après cette nuit, ça a failli à nouveau déraper entre Jé et moi. Et à chaque fois, j’avais le cœur de plus en plus lourd. Je culpabilisais. Je ne voulais pas gâcher notre amitié, et je ne voulais pas non plus trahir ta confiance, je ne voulais pas me mettre entre vous deux. Je savais aussi que s’il avait failli se passer quelque chose entre nous, c’était aussi parce qu’il était mal dans sa peau. Je ne voulais pas compliquer les choses inutilement ».

    « Après la fin du tournoi, j’ai cru que ça allait bien se passer pour la suite. Je pouvais enfin prendre de la distance. D’autant plus que Jé était accaparé par son taf à la brasserie et que ses horaires étaient très différents des miens.

    C’était dur, mais c’était la seule chose à faire. Ce qui me faisait tenir bon c’était le fait de vous savoir amoureux l’un de l’autre, de vous savoir bien ensemble, de croire que votre bonheur était possible. Je me suis dit qu’il avait le droit passer avant le mien, qui lui n’avait aucune chance.

    J’ai su très vite que tu étais un bon gars et que Jé était bien avec toi. J’ai su que tu pourrais lui offrir tout ce que moi je ne pouvais pas lui offrir. Non seulement le plaisir et l’amour, mais aussi une relation assumée. J’ai vite compris que tu assumais qui tu étais. Et que tu pouvais l’aider à se connaître lui-même, à s’accepter. Tu pouvais l’aider à s’aimer. Ce qui n’a jamais été le cas. Tu sais, derrière sa façade de « petit con qui se la pète », Jé ne s’aime pas vraiment. Pas du tout même. J’ai essayé de lui faire comprendre qu’il est génial, mais il ne l’a jamais imprimé. Je me suis dit que tu avais des chances de réussir là où j’avais échoué. L’amour peut bien des choses. Je me suis dit que tu pouvais le rendre heureux, sans que l’amitié s’en mêle et vienne compliquer les choses.

    D’une certaine façon, j’ai voulu te confier mon Jéjé. Je me suis dit que tu lui apporterais un nouvel équilibre, que tu veillerais sur lui, à ma place. Parce que c’était devenu trop dur pour moi de le faire.

    Oui, après la fin du tournoi, j’ai vraiment cru que ça allait bien se passer. Mais il a fallu que Jé se fasse expulser. Et qu’il me demande de crécher quelques temps chez moi ».

    « Ca n’a pas du arranger les choses ».

    « Non, pas vraiment. Tu sais, j’ai hésité avant de dire oui. Je ne voulais plus être confronté à la tentation, à cet amour impossible. Mais je ne pouvais pas le laisser dans la rue. Je ne pouvais pas lui dire non, surtout qu’il m’avait dit que ce n’était que pour quelques jours. J’ai même prétexté que j’avais du mal à dormir pour lui laisser le lit et prendre le clic clac. Finalement, c’est lui qui a pris le clic clac. Pendant les quelques semaines où il est resté chez moi, j’ai tout fait pour l’éviter. Je n’étais pas là pendant sa pause de l’après-midi, je me couchais avant qu’il rentre du service du soir. On se voyait très peu. Et ça se passait très bien.

    Jusqu’à ce soir du 15 août. Jé a débarqué à l’improviste, en pleine nuit. Il venait de découcher plusieurs nuits d’affilé. Moi j’étais déjà couché, et j’ai été surpris de le voir arriver. Il était complètement paumé. Il était stone. Il était si mal dans sa peau. Et je crois que c’était avant tout parce que tu lui manquais à en crever.

    J’ai essayé de lui parler de votre histoire, de le mettre à l’aise, de lui dire qu’il n’y avait rien de mal à aimer un gars. Il m’a jeté. Il voulait ressortir et je ne voulais surtout pas qu’il reparte, si tard dans la nuit, dans cet état. J’ai juste voulu le réconforter. Je l’ai rejoint sur le clic clac et ça a dérapé ».

    Je réalise que je suis assis sur le clic clac dans lequel les deux potes se sont donné du plaisir. Je ne peux empêcher une poussé de jalousie parcourir ma colonne vertébrale et me couper le souffle. Mais elle retombe très vite, chassée par l’envie d’entendre et de comprendre le récit de Thibault.

    « Jé avait davantage besoin d’affection que de sexe. Si le sexe est venu, c’est parce que nous, les garçons, nous avons besoin de ça pour nous détendre et laisser tomber la carapace. S’il a voulu coucher avec moi, c’est parce qu’il se sentait seul et perdu. Après le sexe, je l’ai pris dans mes bras. J’ai senti qu’il en avait envie, qu’il en avait besoin. Nous n’avons pas parlé. Mais tout était dit. J’étais bien, et je sentais qu’il était bien aussi. C’était si bon de le sentir s’apaiser, partager ce moment de complicité et d’intimité.

    C’était tellement bon d’être là pour lui. Mais aussi très dur ».

    « Je comprends ce que tu as du vivre ».

    « Je pensais vraiment pouvoir garder le contrôle, mais mes sentiments ont fait surface, et c’était violent. J’ai essayé de résister, mais ça a été plus fort que moi.

    Tu sais, Nico, j’ai passé des années à me maîtriser, tout le temps, à arrondir les angles partout, à m’oublier pour faire plaisir aux autres. Cette nuit-là, j’ai perdu pied. C’était une folie et pourtant c’était tellement bon d’écouter enfin mon cœur. Je n’ai pas eu la force de résister. Est-ce que j’ai assez réfléchi aux conséquences ? Je ne crois pas. Non, je ne savais pas comment j’allais gérer ça après, mais j’en avais besoin. En tout cas, je me suis dit que j’assumerais et que je trouverais les mots pour faire comprendre à Jé qu’il devait s’assumer aussi. Mais je n’en ai pas eu l’occasion ».

    « Parce qu’il est parti ».

    « Pendant quelques heures, j’ai cru qu’il reviendrait. Mais il n’est pas revenu ».

    « Tu lui en as voulu ? ».

    « Sur le coup, oui, un peu. J’aurais voulu qu’on se réveille ensemble, qu’on prenne le petit déj, qu’il me laisse l’occasion de lui montrer que ce qui s’était passé ne changeait rien entre nous, que je ne lui demandais rien du tout. J’aurais voulu au moins que ce qui s’était passé entre nous lui montre qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien entre mecs.

    Mais il a préféré partir. Je sais qu’il n’a pas voulu me faire du mal. Peut-être qu’il a eu peur de m’avoir donné des faux espoirs, de m’avoir blessé. Peut-être qu’il a eu peur de me faire davantage de mal s’il était resté. Mais ça a été dur pour moi de le perdre de cette façon.

    En fait, tu l’as compris, c’est ça, bien avant et bien plus que mon recrutement au Stade Toulousain, qui nous a éloignés ».

    « Je comprends, oui ».

    « Je regrette de ne pas t’avoir tout dit le jour où t’étais venu me voir au garage. Mais j’étais tellement mal à l’aise ! Je ne voyais pas comment je pourrais te raconter ça et comment tu pourrais l’accepter. Jé venait de te quitter, vous vous étiez battus, ça avait dû être horrible pour toi. Comment t’expliquer que quelques jours plus tard il couche avec son meilleur pote, moi, en qui tu avais confiance ? Car tu avais confiance en moi et je l’ai trahie ».

    « Après cette nuit, j’ai culpabilisé à fond » il continue « j’avais perdu mon pote de toujours. Je me suis dit que ce qui s’était passé avait été une grosse erreur. Si tu savais comment je m’en suis voulu ! Et encore plus après l’accident ».

    « L’accident n’était pas de ta faute ».

    « Non, mais si on n’avait pas couché ensemble, il serait resté à l’appart, il ne serait pas parti en vrille, et probablement il ne se serait pas battu avec ce type ».

    « Avec les si».

    « Je sais bien. Mais sur le coup, je voyais tout en noir ».

    « Mais depuis, il enchaîne, j’ai eu le temps de réfléchir. Et j’ai arrêté de voir cette nuit comme une erreur.

    Parce que cette nuit-là, on avait besoin l’un de l’autre. D’une certaine façon, je pense qu’il fallait que ça arrive. Car cette nuit nous a permis de nous avouer ce que l’on ressentait l’un pour l’autre. Et elle nous a fait comprendre qu’entre nous ce n’est pas possible. Car Jé est amoureux de toi et moi je ne serais jamais que le bon pote. Cette nuit était une façon de nous dire adieu, alors que le rugby et la vie allaient nous éloigner. Cette nuit a donné la réponse à toutes les questions que nous pouvions nous poser l’un sur l’autre et sur nous-mêmes aussi ».

    Thibault marque une pause, le regard dans le vide. Je me sens bizarre. Je viens de comprendre que Thibault est tout aussi amoureux de son Jéjé que je le suis de mon Jérém. Et qu’il l’est depuis beaucoup plus longtemps que moi, en secret. Je réalise à quel point ça a dû être dur pour lui pendant tout ce temps à côtoyer ce pote dont il était amoureux. Tout en essayant de maîtriser ses sentiments, et de me permettre de me rapprocher de son pote. Car il a été sincère dans sa démarche, j’en suis certain.

    Oui, Thibault a souffert aussi, et bien plus que moi. Moi, avec Jérém, j’ai eu de la peine mais aussi de la joie, beaucoup de joie. Mais Thibault, à part cette unique nuit d’amour, n’a pratiquement retiré de cette histoire que de la souffrance. Et dans cette histoire, il a perdu plus que tout le monde.

    Bien sûr, une partie de moi lui en veut quand même d’avoir couché avec le gars que j’aime. Et pourtant, je comprends désormais son geste. Quand on est amoureux, quand on ressent une attirance, on a beau lutter. Elle finit toujours par nous rattraper.

    Finalement, la « faiblesse » révélée du beau pompier est loin de ternir son image. En réalité, ce qui s’est passé avec Jérém, ne fait que dévoiler sa sensibilité, depuis trop longtemps dissimulée derrière le garçon fort et généreux. Et ça le rend on ne peut plus humain. Thibault dévoile ses fêlures, sans pour autant perdre ses qualités.

    « Les semaines après l’accident de Jé ont été très difficiles ».

    Son regard ému me fait fondre. Il est beau et touchant. Je prends ses mains dans les miennes et je les serre très fort. Ses pouces caressent mes doigts.

    « Je n’aurais pas dû réagir comme j’ai réagi, te laisser tomber sans te permettre de t’expliquer. Je suis désolé de ne pas avoir été là pour te soutenir ».

    « Tu étais déçu et en colère ».

    « Sur le coup, j’étais sonné, comme si j’avais reçu un coup de massue sur la tête ».

    « Je le comprends, et je pense qu’à ta place j’aurais peut-être réagi de la même façon ».

    « Même si, au fond de moi, je savais déjà que tu étais amoureux de Jérém. Moi aussi j’ai ressenti des trucs la nuit qu’on a couché tous les trois. Après cette nuit, j’ai eu peur que vous puissiez coucher ensemble. Et pourtant, j’ai toujours cru que tu arriverais à gérer. Mais quand tu m’as raconté ça, alors que je vivais la période la plus dure de ma vie, entre la séparation avec Jérém et son accident, je suis tombé de haut ».

    « Je suis désolé ».

    « Ne le sois pas. L’amour ne se commande pas ».

    « J’aurais pu te le cacher, mais j’ai préféré être sincère ».

    « Je sais que tu as voulu agir pour le mieux et tu as bien fait ».

    « Je savais que vous alliez vous retrouver un jour, et je ne voulais pas non plus laisser le fardeau à Jé de te l’avouer. Et prendre le risque que ça explose à nouveau entre vous à cause de ça. Mais je ne voulais pas l’accabler, au contraire, je voulais t’expliquer pourquoi c’était arrivé ».

    « Mais je ne t’en ai pas laissé l’occasion ».

    « J’avais aussi besoin de te le dire, pour me soulager de ce poids, surtout après l’accident de Jé ».

    « J’avais tellement peur qu’il ne se réveille pas ! Et quand il s’est réveillé, j’ai eu peur que cet accident brise sa future carrière au rugby ».

    « Vraiment, je suis désolé de ne pas avoir été là ».

    « Je ne t’en veux pas, Nico. Enfin, je ne t’en veux plus. Je comprends que tu aies été blessé par ce qui s’est passé ».

     « Mais tu m’en as voulu».

    « Si je te disais non, je mentirais. Du moins pendant un temps. J’avais perdu mon meilleur pote, et toi aussi tu me tournais le dos. J’ai essayé de t’expliquer, je t’ai demandé pardon. Je regrettais, vraiment, sincèrement. Quand tu es parti sans un mot, je me suis retrouvé seul. C’est bien connu, il n’y a rien de tel que ce genre d’histoires pour venir à bout des plus belles amitiés. Et moi, dans ce cas, j’avais perdu deux potes d’un seul coup. Il faut le faire ! ».

    « Maintenant tout va bien, le plus important c’est qu’il soit est en bonne santé et qu’il puisse réaliser son rêve » considère le jeune rugbyman.

    « Je peux t’assurer que Jérém a toujours besoin de toi, de ton amitié. Il me l’a dit. Et je crois qu’il regrette aussi d’être parti comme un voleur cette nuit-là ».

    « Je l’imagine, je le sais même. Il m’a appelé deux fois, je sentais qu’il voulait me parler, mais je n’ai pas pu. C’est trop dur pour moi. Je n’y arrive pas. Pas encore. Tu sais, Nico, malgré ce qui s’est passé, j’ai toujours des sentiments pour lui. Son départ pour Paris est une bonne chose finalement. Ca va nous permettre de prendre de la distance de tout ça.

    Que ce soit clair, je ne fais pas la tête, il ne faut surtout pas qu’il pense ça, hein ? Mais j’ai besoin de temps, tu comprends ? J’espère que tu comprends et que tu sauras le lui expliquer ».

    « J’essaierai ».

    Je réalise que le Thibault bienveillant, plein d’énergie et de générosité en a pris un coup. Il est las de prendre sur soi. Las de faire passer le bonheur des autres avant le sien. Ce n’est pas qu’il ait changé. Sa nature demeure généreuse au plus haut point. Mais il n’en a plus l’énergie.

    « Et je voudrais aussi que tu veilles sur lui à ma place, maintenant que je ne peux plus le faire. Je sais que tu sauras assurer à merveille ».

    Je suis touché par ce passage de témoin symbolique, et par la confiance que Thibault m’accorde.

    « Et si vraiment un jour il a un problème » il continue « il peut toujours m’appeler. Et s’il n’ose pas, tu peux toujours m’appeler, toi. Tu peux m’appeler même si c’est toi qui as un problème ».

    « Merci Thibault. Toi aussi tu peux m’appeler si tu as besoin de quelque chose ».

    Avant de nous quitter, et alors que nous sommes en train de nous dire au revoir devant la porte d’entrée, Thibault va me glisser quelques mots qui vont me bouleverser.

    « De toute façon, maintenant tout ça n’a plus la même importance pour moi. A présent, je dois me concentrer sur le rugby. Et il faut surtout que je m’occupe de ma famille».

    « Pourquoi, tu as des soucis ? ».

    « Non, pas de soucis. Que du bonheur. Je vais être papa, Nico».

    Commentaires

    ZurilHoros

    30/06/2020 08:56

    Il apparait de Thibaut est amoureux de Jérém, depuis l’adolescence. Il a étouffé cette attirance, mais on ne peut même pas dire qu’il l’ait refoulée. Il est conscient à chaque instant et tout au plus, il attendait le bon moment pour s’ouvrir à Jérém. 
    Est-ce que qu’il est homo? question que lui pose Nico, et qui a le mérite d’être claire. Thibaut place la sexualité à équivalence des sentiments. Il semble donc être bi. Comme il vient de découvrir l’amour physique avec les mecs, il doit y avoir un frisson de nouveauté assez attirant, mais sur la durée, il est surtout sentimental et il n’a pas de préjugés ou d’angoisse vis à vis de sa sexualité.
    Etre père est sans doute une des plus belle chose qui puisse arriver à Thibaut. 

    Florentdenon

    01/03/2020 21:12

    Bravo ! Encore une peinture des sentiments tout en nuances et realisme. Et quel rebondissement ! A certains moments, je me suis demande qui cederait a la tentation…Merci beaucoup pour ces moments d’evasion et d’emotion.

    Yann

    19/02/2020 08:23

    Dans mon dernier com je craignais que les retrouvailles avec Thibault puissent affecter la nouvelle relation qui s’est installée entre Nico et Jerem. Aussi je trouve vraiment génial la façon dont tu as traité cet épisode. D’abord il y a l’explication franche entre eux on sent de la retenue chez Thibault malgré toute la peine qu’il a éprouvé de voir son meilleur pote lui préférer Nico. C’est tout en sensibilité. Ce que raconte Thibault est poignant car beaucoup de lecteur vont comme moi un peu s’y retrouver. Et puis il y a cette nouvelle inattendue que je n’avais pas un instant imaginée : Thibault bientôt papa. Ca alors ! Peut être que Jerem sera le parrain ! Chapeau tu sais surprendre le lecteur au moment où il s’y attend le moins. Toutefois même si cette histoire n’est qu’une fiction Thibault doit il se sacrifier dans une relation hétéro qui ne lui correspond peut être pas ; mais ça c’est toi qui voit et je fais confiance à ton imagination. Cet épisode est parfait et il va plaire j’en suis certain. Comme je te l’ai dit, cette histoire prend du « corps », de « l’épaisseur » c’est ce que quelqu’un d’ailleurs a aussi noté dans un des derniers coms. Merci
    Yann

    Virginie-aux-accents

    16/02/2020 20:07

    Quel bonheur de retrouver le Bomécano. Et quelle émotion de le voir confier ses sentiments pour Jérèm. C’est un immense amour qu’il a nourri pendant tant d’années. Et quelle abnégation!
    Quant au coup de tonnerre de la dernière phrase… quel choc!
    Merci pour cette merveilleuse histoire.
       Virginie

  • JN0222 Les jours d’après (partie 2).

    JN0222 Les jours d’après (partie 2).

    Toulouse, le vendredi 14 septembre 2001.

    Le lendemain, je me réveille avec une gueule de bois, l’humeur maussade. Je n’ai aucune raison de me sentir à ce point au fond du trou, mais c’est pourtant le cas. Je n’arrive pas à me débarrasser de ce sentiment de mal-être.

    Je passe la matinée à écouter les deux cd de Starmania. Je retrouve le bonheur de la première écoute à la radio. Je découvre d’autres chansons que je ne connaissais pas. Pour la première fois, j’écoute toute l’histoire en continu, et je suis frappé par son intense beauté. Par les mélodies, les arrangements, les voix. Et les textes, surtout les textes. Prémonitoires, parodiant et critiquant avec finesse et acuité notre monde moderne.

    Entre deux chansons, je pense à Jérém.

    Entre deux autres, je pense à Thibault. Toujours pas de coup de fil. J’ai toujours du mal à accepter d’avoir perdu son amitié. Quel gâchis !

    L’après-midi, je vais courir sur le canal. Ça me fait du bien. En quelque sorte, je le retrouve, après l’avoir pas mal lâché depuis quelques semaines. Et je lui dis également au revoir, car je sais que je ne le reverrais pas de sitôt.

    Le soir, je vois ma cousine dans un bar en ville.

    Elle veut tout savoir de mon week-end à Campan. Elle est vraiment heureuse pour moi. J’adore ma cousine Elodie.

    « Alors, qu’est-ce que tu avais à m’annoncer de si mystérieux ? » je finis par lui demander, alors qu’elle semble tourner autour du pot.

    Elle sourit, elle prend une grande inspiration, et elle me balance :

    « Je suis enceinte ».

    « Quoi ? »

    « Tu es la première personne à qui je le dis ».

    Je suis assommé. Je n’arrive pas à réaliser que ma cousine va être maman.

    « Mais de combien ? ».

    « Mais non, je blague ».

    « Conasse ! Alors, crache le morceaux ».

    « Regarde » fait-elle, en me montrant une bague avec un petit diamant.

    « Elle est belle. Tu voulais me voir juste pour m’annoncer que tu as une nouvelle bague ? ».

    « Mais qu’il est con ! Philippe a fait sa demande le week-end dernier ! ».

    « Déjà, après deux mois à peine ? ».

    « Oui, je sais, c’est rapide, mais c’était une évidence entre nous. Je n’ai jamais été aussi bien avec un gars. Et Dieu sait que j’ai fait un certain nombre de crash tests, et puis, au pieu ».

    « Ok, ok, j’ai compris ! je suis très content pour vous, pour toi ».

    Je me lève et je m’approche d’elle pour lui refaire la bise et la serrer fort dans mes bras.

    « Je vais me marier mais ça ne doit rien changer à notre relation. Tu seras toujours mon petit cousin adoré et je serai toujours là pour toi ».

    « J’espère ».

    « Tu peux y compter ».

    « Vous allez vous marier quand ? ».

    « Au printemps ».

    « C’est génial ».

    « Je sais que c’est un peu tôt, mais j’ai un truc à te demander ».

    « C’est quoi ? ».

    « Je ne me vois pas proposer à quelqu’un d’autre que toi d’être mon témoin ».

    Je suis tellement touché que j’en perds mes mots.

    « M-m-moi ? » je finis par bégayer.

    « Oui, oui, toi. Tu es la personne dont je suis la plus proche, et tu es un gars formidable ».

    « J’accepte avec plaisir ».

    « Et il est bien évident que le témoin préféré de la mariée est invité à venir accompagné du gars qui le rend heureux ».

    « Si seulement je pouvais te dire que ce sera possible ».

    « Ca le sera peut-être d’ici-là ».

    « J’aimerais bien ».

    « Cool. C’est une affaire qui roule, alors. Sinon » elle enchaîne sans transition « je crois savoir que demain est un jour spécial pour toi ».

    « Mon anniversaire ».

    « Tiens » fait-elle, en sortant de son grand sac un paquet cadeau coloré et en me le tendant.

    « Je t’ai offert un peu de lecture. J’ai découvert cette saga il y a deux ans et j’ai vraiment accroché » elle m’explique pendant que je défais le paquet. Je découvre alors un coffret contenant trois livres en format poche.

    Harry Potter à l’école des sorciers.

    Harry Potter et la chambre des secrets.

    Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban.

    J’ai bien sûr entendu parler de cette saga. Mais je ne me suis pas encore penché sur le sujet. J’attendais la sortie du premier film qui est annoncée pour la fin de cette année.

    « Merci beaucoup ma cousine ».

    Je ne le sais pas encore, mais je suis à la veille de découvrir une saga prenante et qui me tiendra en haleine pendant près de 10 ans, jusqu’au dernier tome et jusqu’au dernier film.

     « Ourson ».

    Un peu plus tard dans la soirée, un nouveau coup de fil de mon bobrun vient égayer mon présent.

     « P’tit loup ».

    Et là, petit loup me raconte qu’il a été reçu par le président du club, qui lui a glissé une grande enveloppe avec un contrat mentionnant un très bon salaire et d’autres avantages. Comme par exemple un appartement payé par le club, et dont il prendra possession dans quelques semaines.

    « Et tout ça pour foutre quatre coups dans un ballon ! » il s’extasie.

    « Fais gaffe à toi, Jérém. Tu te souviens des mots de Daniel, à Campan ? Fais gaffe à ne pas te blesser ».

    « Yes, ourson ».

    « T’es sorti avec tes nouveaux potes, hier soir ? ».

    « Oui, on a un peu fait la fête. Heureusement qu’aujourd’hui je n’avais pas entraînement. Ils sont sympas, mais, putain, qu’est-ce qu’ils sont fêtards ! ».

    Je prends sur moi pour ne pas lui demander comment ça s’est passé, s’il a été sage. Je ne veux pas l’agacer. Et pourtant, à chaque fois qu’il me parle de ses nouveaux potes, je ressens comme une piqûre au ventre. Je pense à la promiscuité des vestiaires, aux regards, aux envies que cela peut faire naître, aux douches, aux corps qui s’effleurent, aux envies que cela peut faire grandir.

    « Tu me manques, p’tit loup » je tente de me rassurer.

    « Toi aussi, toi aussi ».

    Le vendredi, je passe mon temps à essayer de tuer le temps. Jérém me manque de plus en plus.

    Thibault aussi me manque. Je ne sais pas pourquoi, mais ce matin je me suis réveillé avec la conviction qu’il m’appellerait. Je ne sais pas pourquoi, mais j’avais cette intuition. Je crois que j’ai rêvé de lui cette nuit.

    En me levant, j’ai repensé à toutes les fois où nous avions pris un verre ensemble, où il m’avait soutenu, où il m’avait conseillé pour mieux comprendre mon bobrun. J’ai repensé à sa douceur, à sa bienveillance, à sa droiture. Je n’arrivais pas à croire que ça se terminerait de cette façon. J’ai attendu son coup de fil pendant toute la journée, en me donnant des créneaux probables. Midi, l’heure du repas, 18 heures, la fin probable de ses entraînements, 20 heures, le repas du soir, après 20 heures et jusqu’à minuit, la soirée. Chacun de ces « créneaux » est venu et est passé sans que rien ne se passe. J’ai souvent regardé mon téléphone, mais il est resté muet. Pendant la soirée, le moment où il aurait pu difficilement me dire une fois de plus « je suis pas mal occupé » ou « je dois y aller » j’ai eu envie de faire un nouvel essai, de le rappeler. Je n’ai pas eu le courage. Il m’a bien fait comprendre qu’il n’avait pas envie de me voir. Et, certainement, qu’il n’avait non plus envie que je l’appelle.

    J’ai également passé ma journée à attendre le coup de fil de Jérém. Je me doutais que je n’aurais pas de ses nouvelles pendant la journée. Jérém n’est pas très « sms ». L’écriture c’est pas vraiment son truc. Je le vois au fait qu’il met des plombes à répondre à mes messages, je le vois au fait qu’il préfère appeler plutôt qu’écrire. J’imagine que pendant la journée il n’a pas trop le temps de passer des coups de fil. Ces contacts espacés créent un manque de plus en plus fort. Mais je sais que je ne peux rien y faire.

    Alors, j’ai pris mon mal en patience et j’ai attendu le soir pour entendre sa voix. J’ai attendu, longtemps. A 22 heures, toujours pas de coup de fil de Jérém. Je décide de l’appeler.

    Il ne répond pas. Je tombe sur sa messagerie. Rien que sa voix enregistrée me fait vibrer et m’excite. Ça m’inquiète aussi. Pourquoi il ne m’a pas appelé ce soir ? Je laisse un message qui finit par « Rappelle-moi, tu me manques trop p’tit loup ».

    Une heure plus tard, toujours pas de nouvelles. A minuit non plus. Je me dis qu’il a encore du sortir faire la fête avec ses potes. Comme hier soir déjà. Mais ce soir, il a oublié de me donner de ses nouvelles. Je ne peux m’empêcher de me demander si ses nouveaux potes sont déjà en train de l’éloigner de moi.

    Je finis par m’endormir, pour la première fois sans nouvelles de mon Jérém depuis Campan.

    Toulouse, le samedi 15 septembre 2001.

    Lorsque je me réveille le lendemain matin, samedi, je trouve un message envoyé à 2h36.

    « J’ai bu un coup avec pote, je rentre là ».

    Me voilà à la fois rassuré et inquiet. Il ne lui est rien arrivé, c’est le plus important. Mais en même temps, me voilà pris de court par les évènements. A peine il débarque sur Paris, il s’est déjà fait de nouveaux potes, avec qui il sort, il fait la fête, avec qui il va forcément croiser des nanas. Et ces nouveaux potes, ils sont comment ? Est-ce qu’ils sont tous hétéro purs et durs ? De toute façon, Jérém est le genre de bogoss atomique capable de susciter bien de vocations, le genre de bogoss capable de rendre l’hétérosexualité une notion bien mouvante, rien qu’en le côtoyant. Alors, en le voyant à poil dans un vestiaire,

    Quant à Jérém, il connaît désormais très bien le plaisir entre garçons. Il a franchi le pas avant moi, et avec moi, il a exploré une vaste palette de cette sexualité. Il assume de plus en plus ses envies. Est-ce qu’il saura résister à la tentation masculine à laquelle il sera confronté ? « Je ne suis pas pd, moi ». Ça a bon dos. Il a quand même couché avec Thibault, son meilleur pote, non ?

    Arrête ça, Nico, tout de suite. Julien a raison, si tu commences à cogiter comme ça, tu vas devenir fou. Il est juste sorti prendre un verre pour ne pas rester seul dans son coin. Il est naturel et sain qu’il se fasse de nouveaux potes, surtout parmi les gars avec qui il va partager l’aventure du rugby pro.

    J’attends 8 heures pour lui envoyer un message.

    « Bonjour le fêtard, ça va ce matin ? »

    Une minute plus tard, le téléphone sonne.

    « Bonjour, Ourson, ça va ? ».

    Ça me fait plaisir d’entendre sa voix. Même si elle est pâteuse et traînante, comme s’il avait la gueule de bois.

    « Bonjour, ça va, oui. C’est toi qui as l’air fatigué ».

    « Laisse tomber, les gars c’est de vrai fous. Ils n’en avaient jamais assez. Je suis rentré très tard. Je suis complètement en vrac ».

    Puis, il enchaîne, sans transition :

    « Bon anniversaire Nico ».

    Sur le coup, je suis surpris.

    Depuis mon réveil, je n’avais même pas encore percuté qu’on était samedi et que je fêtais mes 19 ans. Mais Jérém y a pensé. Il y a pensé, putain, il y a pensé ! Mon cœur se vide instantanément de toutes les pensées négatives d’un instant d’avant et se remplit d’une joie intense.

    « Merci, Jérém, merci beaucoup ».

    Je suis ému aux larmes.

    « Tu vas faire la fête ? » il me questionne.

    « Non, je n’ai rien prévu. Je pense que maman fera un gâteau ».

    « Si j’étais là, je te ferais bien la fête ».

    « Je ne dis pas que je n’en ai pas envie ».

    « Putain, moi aussi j’ai trop envie ».

    « Rien que d’entendre ta voix j’ai envie de te faire jouir ».

    « T’es un petit coquin, toi ».

    « Pas plus que toi ».

    « Qu’est ce que c’était bon à Campan ! » je l’entends soupirer.

    « Je ne te le fais pas dire ! Je te ferais bien une petite gâterie là ».

    « Je suis presque à la bourre, là. Il faut que je me lève, que je prenne ma douche. Il faut que j’aille à l’entraînement ».

    J’ai envie de prendre la douche avec lui.

    « J’espère que ça va aller ».

    « Ca va aller, aujourd’hui je vais juste faire de la muscu ».

    Soudain, rien que le fait de l’imaginer en débardeur en train de transpirer en soulevant de la fonte me fait bander. J’ai les tripes en feu à force d’avoir envie de le faire jouir. D’autant plus que l’image de la salle de muscu me renvoie à un souvenir des plus torrides avec mon Jérém.

    Je bande instantanément.

    « Tu te souviens du soir où tu m’as fait venir à la salle de muscu au terrain de rugby ? ».

    « Oh que oui ».

    « Le soir où tu m’as baisé la bouche sur la table du développé couché, en prenant appui sur la barre ».

    « C’était excitant à mort ».

    « Et après, tu m’as pris sur la table de massage ».

    « Je me souviens très bien, c’était booooooon !!! ».

    « Putain que oui, c’était bon ! » je confirme.

    C’était l’époque où sa tendresse me manquait à en crever. Une époque où le cœur du bobrun me semblait totalement inaccessible. Ah, putain, mais c’était aussi l’époque où je n’étais que son objet sexuel, où il me baisait comme et quand l’envie lui en prenait, sans apparemment se soucier de mes envies à moi. L’époque où je découvrais la puissance de sa virilité, son incroyable endurance, ses attitudes de petit macho à la queue bien chaude. J’ai envie de sa queue. J’ai envie de le faire jouir. J’ai envie de son jus de petit mâle. Je bande dur. Je me caresse. J’ai envie de me branler. Je ne peux pas m’en empêcher. Je sens que je vais devoir aller au bout.

    « T’es un sacré mec, toi, un sacré mâle, qu’est-ce que tu m’as fait jouir depuis qu’on couche ensemble » je commence à le chauffer, alors qu’une idée saugrenue traverse mon esprit.

    « Tu me fais vraiment de l’effet. Et ton petit cul, c’est le pied ».

     « Tu l’aimes, mon cul, hein ? ».

    « Laisse tomber, rien que d’y penser je bande ».

    « Qu’est-ce que tu as envie de lui faire à mon petit cul ? ».

    « De bien le secouer et de lui gicler dedans ».

    J’adore l’entendre dire ça. Je ne m’en lasse pas. « Bien le secouer et lui gicler dedans ». D’autant plus que je ressens dans sa voix une excitation grandissante. J’ai envie de lui, j’en crève. Et son envie à lui décuple encore la mienne. Rien qu’en entendant sa voix, son excitation, sa façon de me parler de son envie d’être « le mâle », c’est comme s’il était en moi en train de me limer. Mon trou se contracte, un frisson d’excitation y prend naissance et se propage dans tout mon corps. Sept cents bornes nous séparent, et pourtant ce beau mâle arrive presque à me baiser par téléphone interposé. Je suis à lui.

    « T’es encore au lit ? » je le questionne.

    « Oui, pourquoi ? ».

    « Tu es nu ? ».

    « Presque ».

    « Tu portes quoi ? ».

    « Un débardeur ».

    « Blanc ? ».

    « Oui ».

    « Tu dois être sexy à mort ».

    « Je pense » il lâche, coquin.

    Mon excitation grimpe en flèche.

    « Tu bandes ? ».

    « Oui ».

    « Bien dur ? ».

    « Tu connais ma queue ».

    « Elle doit être raide comme un piquet ».

    « Pire que ça ».

    « Tu te branles ? » je le questionne.

    « Il se pourrait ».

    « Qu’est ce que j’ai envie de la toucher ».

    « Moi j’ai plutôt envie que tu la suces ».

    « J’en crève d’envie ».

    « Tu te branles aussi ? ».

    « Grave ! ».

    « Tu me ferais quoi si t’étais là ? » il me questionne à son tour.

    « Je te sucerais jusqu’à te rendre fou, je prendrais ton gland bien au fond de la gorge, comme tu aimes ».

    « Ah oui ».

    Je sens que son excitation grimpe de seconde en seconde, d’échange en échange. Alors j’insiste, je le chauffe à bloc.

    « Et puis je le lècherais les tétons ».

    « Hummmmmm ».

    « Et les couilles, tout en te branlant ».

    « Aaaahhhhh ».

    « Et aussi le trou ».

    « Oooohhhh ouiiiiii ».

    « C’est bon, ça, hein ? » je le cherche.

    « Laisse tomber, tu me fais mouiller le gland ».

    « J’ai bien envie de goûter à ça ».

    « J’ai bien envie de sentir ta langue jouer avec mon gland ».

    « Je ne me ferais pas prier ».

    « Et après ? » il veut savoir, alors que ses ahanements me donnent la mesure de son excitation extrême.

    « Après, je t’offrirais mon cul. Parce que je sais que tu as envie de lui gicler dedans ».

    « Oh que oui ».

    « Si tu étais là tu jouirais dans mon cul ? ».

    « Oh oui, mais d’abord dans ta bouche parce que sinon ça va venir trop vite ».

    « J’avalerais tout ».

    « C’est bon ça ».

    « Et après tu pourrais me prendre ».

    « Et sentir ton cul bien chaud qui enserre ma queue ».

    « Et me remplir ».

    « Et te remplir le cul, oui, oh, oui ».

    Soudain, j’entends ses ahanements s’emballer.

    « Je vais jouir » il m’annonce, la voix déjà cassée par l’orgasme ravageur.

    « Fais toi plaisir » je lâche, ne pouvant faire autre chose que lui donner ma bénédiction. J’aimerais tellement au moins le voir jouir, faute de pouvoir le faire jouir. Mais le fait de n’avoir que le son de son orgasme, le fait de l’entendre jouir au téléphone, d’entendre ses râles de plaisir est quand même terriblement excitant.

    « C’est malin, j’en ai foutu partout sur le torse, jusqu’au cou » il lâche, après un instant de silence.

    Soudain, j’imagine sa peau mate, ses abdos, ses pecs, brillants de son sperme odorant et chaud, les poils du torse humides.

    Je me branle toujours.

    « Quel gâchis ! J’ai envie de tout lécher ».

    « Je te laisserais bien faire, même si tout ça serait bien mieux dans ta bouche ou dans ton cul ».

    « Ca c’est clair ! ».

    J’ai tout juste le temps de terminer ma phrase lorsque je ressens une onde de plaisir prendre naissance dans mon bas ventre, se propager dans mon corps, embraser chacune de mes fibres et submerger ma conscience. Et mon torse reçoit à son tour de bonnes traînées de sperme chaud.

     « T’as joui aussi ? » il demande.

    « Oui ».

    « On est fous ! ».

    « C’était trop bon ».

    « C’est vrai. Mais ce serait tellement mieux en vrai ».

    « Je sais. En tout cas, c’était un beau cadeau pour mon anniversaire ».

    « Je ne t’ai même pas offert de vrai cadeau ».

    « Tu m’en as fait plein. Ton coup de fil la semaine dernière pour m’inviter à Campan était un énorme cadeau. Les quelques jours à Campan, les plus beaux de ma vie, c’était un autre, immense cadeau. Et ta chaînette ».

    « Tu la portes toujours ? ».

    « Oui, bien sûr ! ».

    « Tu l’aimes bien, hein ? »

    « Je l’aime trop. Quand je la sens glisser sur ma peau, j’ai un peu l’impression d’être avec toi, et que tu es avec moi. Et que tu es, en moi ».

    « Me tarde de te voir ».

    « A qui le dis-tu ».

    « Il faut que j’aille à la douche maintenant ».

    « Bonne douche alors, et bonne journée ».

    « A toi aussi, ourson ».

    « Je t’aime, p’tit loup ».

    Je viens de raccrocher et je sens remonter en moi la douce fatigue, l’apaisement total qui suit l’orgasme. Je laisse mon corps en profiter, je laisse chacun de mes muscles se détendre. J’essuie mon torse, je tire les draps. Je me laisse glisser vers un délicieux sommeil matinal déclenché par le plaisir. Ça fait du bien de commencer la journée en jouissant. Même si je préférerais 10.000 fois commencer la journée rempli de sa virilité et de son sperme.

    J’ai le sourire aux lèvres. Parce que ce petit partage sensuel à distance, parce que les mots de Jérém m’ont rassuré quant au fait que les bonnes ondes de Campan résistent à la distance. Par ce coup de fil, j’ai retrouvé exactement le même Jérém que j’ai laissé trois jours plus tôt. Il lui tarde de me revoir. Je suis bien. Je suis heureux. Et je m’endors comme un bébé.

    Lorsque j’émerge, il est presque 10 heures. Sur mon tél, un message de ma cousine :

    « Bon anniversaire, cousin ! ».

    « Bon anniversaire ! » m’accueille maman lorsque je la rejoins dans la cuisine.

    Je passe la matinée à écouter de la musique et à avancer mon récit sur mon séjour à Campan. Je prends un plaisir fou à essayer de faire revivre sur papier ces jours inoubliables, à transcrire les répliques, à décrire les personnalités de ces gens hors du commun qui m’ont tant touché. Mais ce qui me donne le plus de plaisir, c’est de raconter les gestes, les mots, les regards, les attitudes, l’amour de mon Jérém. Je veux fixer ces souvenirs, je ne veux pas les laisser s’effacer de ma mémoire. Un peu plus tard dans la journée, j’aurais des photos. Mais il n’y a que les mots pour retranscrire mes états d’esprits, mes ressentis, mon bonheur.

    Midi arrive très vite, on déjeune à 13 heures. Maman a fait un gâteau à la meringue, garni de grains de grenade et de groseilles. Mon préféré. Il était délicieux. Je suis un garçon comblé. Presque gâté. Lorsque je sors de table, il est l’heure du rendez-vous avec mes souvenirs photographiques.

    [Les paragraphes qui suivent contiennent à nouveau des expériences que notre époque à oubliées. Alors, enjoy-it, lol].

    A 14 heures pétantes, je franchis la porte du magasin. Je file au comptoir photo. Je m’impatiente pendant que la nana parcourt les dizaines d’enveloppes en attente sans trouver la mienne.

    « Je crois qu’elles ne sont pas prêtes, il faudra repasser mardi ».

    « Mardi ? » je demande, ahuri.

    Mais putain, mardi c’est dans trois jours, c’est-à-dire une éternité, je ne vais pas pouvoir attendre jusqu’à là. Mais c’est même bien pire que ça ! Lundi soir je pars à Bordeaux et je ne pourrai passer les chercher que dans deux semaines au mieux ! La déception et la frustration s’emparent de moi. Je ressens du dépit, du désespoir, de la tristesse. Je ne vais pas pouvoir tenir jusqu’à là ! Au secours !

    « Vous êtes sûre qu’elles ne sont pas arrivées » j’insiste.

    « Attendez, ah, si, les voilà ».

    Putain, tu pouvais pas mieux regarder d’entrée, et éviter de me faire une frayeur ?

    Elle me tend la précieuse enveloppe avec un geste machinal. Comme si elle me passait un chiffon sale, et non pas un objet d’une valeur inestimable.

    « Génial. Merci beaucoup ».

    Je l’attrape et le simple contact avec l’enveloppe, son poids dans mes mains me rendent déjà heureux.

    « Sinon, si vous voulez des photos instantanées, nous avons des appareil Polaroïd. Et au rayon électronique, ils ont de nouveaux appareils numériques ».

    « Non, merci, j’aime bien les vraies photos. Bonne journée ».

    Je sors du magasin en vitesse, impatient de découvrir le résultat. Impatient de revoir mon Jérém. Je me pose sur un banc de la place Wilson. J’essaie d’ouvrir l’enveloppe, mais mon impatience me rend la tâche plus difficile que prévu.

    J’y arrive enfin, et je sors le petit paquet de photos avec un soin extrême, comme s’il s’agissait d’un objet sacré.

    Et là, paf, première claque, je tombe sur une photo de mon Jérém à cheval, le torse droit comme un I, une façon bien virile de tenir les rênes, le regard concentré, le sourire aux lèvres. Beau comme un dieu. Je feuillète, les mains tremblantes.

    Quelques photos de paysage, magnifiques. Une autre photo de Jérém, en train de brosser Unico. Il est légèrement penché en avant, le biceps visible bien bandé, tirant dangereusement sur la manchette de son t-shirt gris un peu souillé, les cheveux bruns en bataille, la chaînette qui était encore la sienne pendant dans le vide, le regard fixé sur son étalon. Le bogoss en mode nature, en mode campagne, en mode montagne. Loin du mec toujours bien soigné de Toulouse, c’est le bogoss sans artifices. Simplement et naturellement beau, comme une évidence.

    Une autre photo de Jérém à cheval, complètement ratée.

    Une autre, prise pendant la première soirée au relais de l’asso de cavaliers. Jérém est à côté de Charlène, un sourire magnifique sur son visage.

    Encore une photo floue de Jérém. Grrrrr !!!

    Deux photos « à oreilles », des paysages signés par la présence des extrémités poilues de ma monture. Encore Jérém à cheval, sexy à mourir, qui regarde l’appareil, et celui qui a pris la photo (moi, en l’occurrence) d’un regard doux et touchant.

    Encore des paysages.

    Le tas de photos à découvrir s’amoindrit dangereusement. Mais pourquoi j’ai fait autant de photo de paysages ? Pourquoi je n’ai pas fait plus de photos de mon Jérém ?

    C’est là que je tombe sur LA photo qui me tire les larmes. Jérém et moi, à cheval, l’un à côté de l’autre.

    Notre toute première photo ensemble. Et en plus, elle est très belle. La lumière est époustouflante, les couleurs magnifiques, la mise au point parfaite. C’est la plus belle de toutes. Je ne suis peut-être pas objectif, mais pour moi, c’est la plus belle de toutes. Jérém est souriant, il a l’air vraiment bien. Et moi, je suis fou de bonheur. C’était le plus beau moment de ma vie. Ça transpire de la photo, ça crève les yeux. Je ne peux retenir mes larmes.

    Des larmes dont l’intensité monte encore au fil des photos suivantes. Car Charlène n’en a pas fait qu’une, elle en a fait trois, comme pour bien immortaliser ce beau moment. Trois photos, identiques à quelques détails près, comme des variations sur un même thème de bonheur absolu. Merci Charlène, merci infiniment. Soudain, je me sens bête de ne pas avoir pensé à demander le numéro de Charlène, j’aurais vraiment voulu la remercier et lui envoyer le double de quelques-unes de ces photos.

    Me voilà désormais l’heureux possesseur d’une poignée de photos de mon Jérém. Au final, la moisson photographique n’a pas été mauvaise. Je retourne dans le magasin pour laisser les négatifs pour un deuxième tirage. J’offrirai ces photos à mon Jérém à la première occasion où nous nous reverrons. Il me tarde !!!

    J’ai passé le reste de la journée à essayer d’imaginer à chaque instant ce que mon bobrun est en train de faire. Est-ce qu’il est sur le banc de muscu ? Est-ce qu’il déconne avec ses nouveaux potes ? Est-ce qu’ils le matent ? Est-ce qu’il les mate ? Qu’est-ce qu’il va faire ce soir ? Sortir encore ? Où ? Est-ce qu’il va se faire draguer par des nanas ? C’est inévitable. Est-ce qu’il va savoir dire non ? Est-ce que Julien a raison, qu’il faut laisser faire et juste exiger qu’il se protège ? Le fait est que nous n’avons pas parlé de cela. Comment en parler, d’ailleurs ? Sujet délicat, et auquel je n’ai même pas pensé dans le bonheur de Campan. Dans ma naïveté, je me disais qu’on saurait nous attendre sagement. Mais Julien m’a ouvert les yeux. De toute façon, c’est facile à comprendre et à concevoir. Une bombasse comme Jérém, lâché dans la jungle sexuelle parisienne, au milieu de requins et surtout de requines, est une « proie » de choix. Comment j’ai pu être aussi naïf pour croire qu’il tiendrait ?

    Oui, j’aurais lui parler de protection, de capote. Je pourrais lui en parler au téléphone. Mais comment aborder le sujet sans paraître relou ? De plus, j’ai l’impression que lui en parler, serait comme lui donner le feu vert pour qu’il vive des aventures. D’un autre côté, le fait de ne pas lui en avoir parlé, c’est ne pas savoir à quoi m’attendre.

    Je tente de me rassurer en me disant que je pense qu’il va se protéger, il m’a dit qu’il se protégeait. Je me souviens de sa capote volée de son jeans le dernier jour où il était venu chez moi, avant qu’on se bagarre, lorsqu’il m’avait avoué qu’il couchait avec une nana mais « qu’il se protégeait ». Je me souviens que le fait d’apprendre qu’il se protégeait m’avait fait une belle jambe. Le fait de savoir qu’il couche ailleurs, même avec capote, m’avait brisé le cœur. Et même aujourd’hui, malgré les mots très sensés de Julien, lorsque j’essaie d’imaginer mon bobrun coucher ailleurs, même avec une capote, j’ai le ventre en feu et je ressens une colère sourde mais dévorante s’emparer de mon esprit et de mon corps.

    Voilà des idées qui monopolisent mon esprit ce samedi après-midi-là.

    Heureusement, de temps à autre, d’autres pensées remontent à ma conscience.

    Des pensées plaisantes, comme le souvenir de l’annonce du mariage de ma cousine, et le marque de sa grande considération à mon égard en me demandant d’être son premier témoin. Ça me touche vraiment.

    En rentrant à la maison, je montre les photos à maman.

    Lorsqu’elle tombe sur les photos de Jérém et moi, elle me dit :

    « Vous êtes beaux tous les deux. Et vous êtes bien ensemble, vous avez l’air tellement heureux ! ».

    « Ça se voit tant que ça ? ».

    « Ça crève les yeux ! ».

    A 18 heures, je reçois un coup de fil de mon pote Julien. Il m’invite à sortir le soir même, avec lui et d’autres potes à lui ».

    « On va se faire une virée au Shangay pour fêter ton départ pour Bordeaux ».

    « Je vous paierai un coup à boire, c’est mon anniversaire ».

    « Alors il faut faire la fête ! ».

    « C’est clair ! ».

    Comme il n’y a personne en boîte de nuit avant minuit, la soirée commence dans un bar du centre-ville. Mon pote Julien est sur son 31, avec une petite chemise blanche avec le col et les bords des pans de couleur bleue, bien ajustée à son torse, les deux boutons du haut ouverts sur la naissance de ses pecs, un beau jeans délavé, des chaussures de ville, le bronzage impeccable, le sourire ravageur. Bref, élégant, charmeur et excessivement sexy.

    Et puisque l’une des lois régissant l’Univers, du moins le mien, est celle selon laquelle « le bogoss attire des potes bogoss », ses deux potes ne sont plutôt pas mal non plus. Vraiment pas mal. Jérôme, c’est un blond un peu costaud, mais drôle et charmant. Quant à Adil, c’est un bon spécimen de ce que la reubeuterie peut offrir de sexytude un peu sauvage et fort virile. Et pourtant, son apparence dégage une certaine douceur, tout comme ses gestes, sa façon de parler et le ton de sa voix. En fait, ce gars est à la fois très mec et puits à câlins.

    Autour des bières, j’écoute les potes discuter de voitures, de nanas, de foot. Que des sujets qui me passionnent. Me voyant un peu à part, Julien décide de porter un toast à mes études à venir à Bordeaux. Et là, à ma grande surprise, le bogoss Adil me demande quel cursus je vais suivre. Lorsque je mentionne le cursus de Sciences de la Terre et de l’Environnement, il me répond qu’il est en troisième année en sciences naturelles. Alors, pendant que Julien et Jérôme discutent entre eux, Adil me raconte son entrée à la fac, il me parle de ses rencontres, de sa passion pour les études, de comment il a dû se battre pour suivre cette voie alors que sa famille le poussait à bosser dès la fin du lycée. Il me parle de ses difficultés, de son manque de temps pour les études à cause du boulot de livreur qu’il est obligé de garder en parallèle pour payer ses frais.

    Son récit me donne la mesure de la chance qui est la mienne. Je n’aurais pas besoin de bosser pour me payer la fac. Du moins pas les premières années. Alors qu’il y a plein d’étudiants qui y sont obligés.

    Je lui pose des questions sur la vie à la fac, il me répond généreusement. C’est génial de pouvoir partager l’expérience des autres. Ça m’aide à appréhender plus sereinement la nouvelle vie qui sera la mienne dans tout juste 48 heures.

    Adil me parle aussi de ses projets futurs, une Maîtrise pour être enseignant et/ou chercheur. Il vise haut le beau gosse. J’aime beaucoup son parcours d’études et de vie. Adil est très sympa et il a l’air d’un mec bosseur, droit dans ses baskets. Je ressens de l’admiration pour ce gars.

    Il est environ 23h30, nous sommes toujours en train de discuter, lorsque quelque chose d’inattendu se produit. Mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Mon cœur fait un sprint de 80 à 1000 bpm en une fraction de secondes. Je n’ai pas besoin de regarder le petit écran pour savoir qui essaie de me joindre.

    Jérém. Je ne m’attendais pas à qu’il m’appelle ce soir, et encore moins à cette heure. Je laisse vibrer, jusqu’à ce que la vibration s’arrête. Et alors que Julien entraîne Adil dans une nouvelle conversation, j’en profite pour sortir dans la rue et rappeler mon bobrun.

    « Ourson ! » je l’entends s’exclamer, en guise d’accueil affectueux.

    « Petit loup ! ».

    « Tu dormais déjà ? ».

    « Non ».

    « Tu fais quoi ? ».

    « Je suis sorti prendre un verre ».

    « Seul ? ».

    « Non ». Et là je prends peur. Je réalise que Jérém m’a déjà fait une sorte de scène de jalousie au sujet de Julien. Si je lui dis que je suis avec lui et ses potes, il va s’imaginer des choses qui ne sont pas vraies. J’ai peur qu’il croie que je vais voir ailleurs. Je suis bien placé pour savoir comment la distance peut exacerber la jalousie. Je ne veux pas qu’il se pose des questions et qu’il y réponde en prenant de la liberté de son côté. Alors, je choisis d’arranger un peu la réalité. Un petit mensonge sans conséquence est parfois préférable à une vérité qui peut soulever des doutes.

    « Je suis sorti prendre un verre avec ma cousine » je me prépare à lui dire.

    Mais je n’ai pas le temps d’énoncer mon petit arrangement avec la réalité, je viens tout juste de prononcer le mot « avec » que j’entends dans mon dos la voix de Julien, bien claire et portante m’annoncer :

    « Allez Nico, gourre, on file au Shangay, ah pardon, t’es au téléphone ».

    « C’est qui ce mec ? » j’entends illico Jérém me questionner. Me voilà soudainement mis en porte à faux.

    « C’est, Julien, le moniteur d’autoécole ».

    « Celui que j’ai croisé avec toi l’autre soir ? ».

    « Non, non, non, non, pas du tout. Lui je ne veux plus le revoir. C’est l’autre moniteur, le blond, celui qui m’a fait toutes les leçons de conduite. Tu l’as vu une fois qu’on s’est arrêtés au feu devant la brasserie à Esquirol ».

    « Tu fous quoi avec lui ? ».

    « Il m’a invité prendre un verre avec ses potes à lui ».

    « Et il te veut quoi ? ».

    « Rien, rien du tout. On est amis, c’est tout. Je te promets. J’ai bien le droit de faire une virée avec un pote, comme toi avec tes nouveaux potes ».

    « Et avec ton pote tu vas au Shangay ».

    Eh oui, il y a ce facteur « aggravant » dans l’histoire. Le Shangay est une boîte avec un espace dédié aux gays. Et Jérém le sait. Vu de l’extérieur, et à distance, ça fait louche, en effet.

    Je sens que Jérém fait la gueule. Je sens presque le bruit de ses questionnements.

    « Je vais au Shangay pour danser et boire un coup. Je ne vais pas y aller pour draguer ».

    « J’espère ».

    « T’inquiète pas, c’est toi que j’aime, c’est de toi que j’ai envie ».

    « Moi aussi je vais sortir ce soir ».

    « Je ne veux pas que tu penses à mal. Ce mec est hétéro à 200%. Et même s’il était gay, je n’ai pas envie de coucher avec d’autres que toi. Il ne faut pas que tu sois jaloux ».

    « Je ne suis pas jaloux ».

    « Je serai sage, je t’attendrai, Jérém ».

    « Je l’espère ».

    « Tu seras sage aussi ? ».

    « On verra » fait-il sur un ton moqueur.

    « Ne rigole pas stp. Tu seras sage ? ».

    « Ouiiiiiiiii » il finit par lâcher, sur un ton agacé.

    « J’ai envie de te serrer contre moi ».

    « Moi aussi ».

    « Tu me manques ».

    « Toi aussi ».

    « Je t’aime petit loup ».

    « Ne fais pas de bêtises ».

    « N’en fais pas non plus ».

    D’une part, sa jalousie me fait peur, car elle pourrait le motiver à faire de mauvais choix de son côté. Mais d’autre part, qu’est-ce que ça fait du bien de savoir qu’il tient à moi !

    Au Shangay, nous nous rendons évidemment dans la salle « hétéro ». Dès notre arrivée, Julien se met à draguer à tout va. Rien qu’avec le regard. Pétillant, coquin et charmeur. Et avec le sourire. Ravageur, magnétique, hypnotisant. Il a une facilité à aller vers les nanas, ou plutôt, à attirer les nanas vers lui, qui est époustouflante. Son sourire, à la fois solaire et carnassier, est un véritable aimant à gonzesses. On dirait mon Jérém six mois plus tôt, le soir où il a emballé deux nanas pour un plan à quatre avec son pote Thib.

    Une demi-heure après notre arrivée, nous sommes assis à une table, en compagnie de plusieurs nanas. Comme d’habitude, Julien joue les clowns, il fait son pitre, il est drôle, il fait rire tout le monde. Son pote Jérôme lui donne la réplique et les nanas sont conquises. On dirait un couple comique. « Il y en a un qui épluche les oignons et l’autre qui pleure » aurait dit Coluche. Adil, quant à lui, est plus discret, plus réservé. Mais non moins sollicité par les nanas.

    La présence de toutes ces nanas ne m’enchante pas. Ce n’est plus la même ambiance qu’au bar de tout à l’heure. Là-bas, on était entre mecs, il n’y avait pas tant de musique, on s’entendait parler sans avoir besoin de crier. Et surtout, les mecs étaient en mode « soirée entre potes », alors que là ils ont basculé en mode « drague du samedi soir ». Et si je pouvais me connecter à eux dans la première configuration, il m’est impossible de le faire dans la deuxième.

    Une nana dont je n’ai même pas retenu le prénom commence à me parler, et très vite elle me pose des questions sur ma vie sentimentale. Je n’ai pas trop envie de causer. Et surtout pas de ma vie intime. Je n’ai pas la force de mentir non plus. Le petit échange avec Jérém de tout à l’heure m’a un tantinet perturbé. Mon esprit est happé par cet « impair » dont les conséquences me font peur. Je ne veux pas perdre sa confiance, parce que je veux pouvoir lui faire confiance.

    Malgré mes réponses en format monosyllabique, la nana ne se décourage pas. Elle est collante. Je ressens clairement que si je voulais, ce soir je pourrais la mettre dans mon lit. Mais je ne veux pas. C’est la première fois qu’une nana me montre autant d’intérêt. Oui, c’est génial de se sentir désiré. Même quand le désir n’est pas réciproque. Mais bon, au bout d’un moment, elle commence à m’agacer.

    Je crève d’envie de lui crier que j’aime les mecs. Mais je me dis que ça ne servirait à rien. Elle n’a pas besoin de savoir.

    Il est une heure. Je décide d’aller danser pour me changer les idées. La nana me suit sur la piste. Elle se colle à moi. J’essaie de garder mon espace vital, elle n’en a rien à faire, elle me marche sur les pieds. Sa présence m’agace. D’autant plus que son parfum m’écœure. Autant j’aime les parfums de mec. Autant les parfums de fille, surtout quand ils sont trop insistants, je ne peux pas.

    J’ai envie de me barrer. Je cherche un prétexte pour lui signifier mon départ en la décourageant de proposer quoi que ce soit pour la fin de la soirée. Elle essaie de m’embrasser. Je m’esquive.

    « Je crois que je vais y aller ».

    « Qu’est-ce qu’il y a, je ne te plais pas ? ».

    Depuis quelques minutes, j’ai repéré au bord de la piste de danse un beau reubeu, très bien foutu, le regard viril, terriblement sauvage, limite agressif. Son visage est entouré d’une belle barbe brune bien fournie, remontant bien haut sur les joues. Il porte une chemise blanche, les manches retroussées au-dessus de ses coudes, les deux boutons du haut ouverts, laissant dépasser une belle pilosité brune. Le mec dégage une puissance brute de mâle par laquelle je me sens attiré comme une aiguille par un aimant puissant, une puissance par laquelle mon instinct primaire me donne envie d’être secoué, défoncé et rempli jusqu’à plus de jus. Ce mec me fait terriblement penser au reubeu que j’avais maté une fois en boîte de nuit jusqu’à qu’il repère mon manège et qu’il vienne vers moi avec un air tellement menaçante qu’il m’avait poussé à prendre les jambes à mon cou. J’ai appris de mes erreurs, mes regards sont plus discrets ce soir.

    Alors, avec ma chieuse de nana, je choisis de jouer la carte de la vérité.

    « Tu vois ce mec-là, avec la chemise blanche ? ».

    « Tu le connais ? ».

    « Non, mais c’est le genre de mec que je kiffe à mort ».

    « Ah mais tu es pd ».

    « Gay ça me va mieux ».

    « Ah, c’est pour ça que tu ne veux pas de moi ».

    « Certes. Mais aussi parce que tu es trop casse-couilles » je me retiens de justesse de lui balancer.

    Au lieu de quoi, je me limite à un :

    « Je vais vraiment y aller, là, je suis naze ».

    Je la plante au milieu de la piste et je passe dire au revoir à Julien et ses potes.

    « Donne des nouvelles quand tu es à Bordeaux ».

    « Je n’y maquerai pas ».

    « Et quand tu passes sur Toulouse, sonne-moi ».

    « Ok, merci beaucoup, merci pour tout ».

    « De rien mon pote » fait-il, avec un grand sourire, en me serrant dans ses bras. Ah putain, comment ses pecs sont saillants et son parfum captivant !

    « Et si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas » il ajoute.

    « Merci. Toi aussi, si tu as besoin de quelque chose ».

    « Bon courage bogoss ! ».

    « C’est toi, le bogoss, Julien ».

    Définitivement, ce gars est quelqu’un de vraiment adorable.

    Avant de quitter le Shangay, je ne peux m’empêcher de jeter un dernier regard au beau reubeu à la chemise blanche. Et de me dire que ce qui me fascine chez ce genre de mecs typés, c’est la façon dont ils dégagent souvent une virilité brute, incarnée avec une intensité inouïe.

    Mais il y a aussi parmi eux, des mecs avec des origines maghrébines, des gars comme Adil, des mecs tout aussi virils, mais avec une tête à bisous.

    Je rentre très vite à la maison. Pendant le trajet, puis dans mon lit, je me demande toujours et encore ce que Jérém est en train de faire. Si ce soir je me suis fait draguer par une nana, il doit se faire draguer par dix nanas. Est-ce qu’il va tenir bon ?

    « Je suis rentré. Je pense très fort à toi ptit loup ».

    Voilà le texte du sms que je décide de lui envoyer pour le rassurer, pour me rassurer.

    Il est 4 heures lorsque je regarde mon téléphone pour la dernière fois. Et toujours pas de réponse de Jérém. Mais qu’est-ce qu’il est en train de faire ?

    Toulouse, le dimanche 16 septembre 2001.

    Le dimanche matin, je me réveille à 8 heures. Autant dire qu’après uniquement 4 heures de sommeil, je ne suis pas au top de ma forme. Et pourtant, impossible de me rendormir. Toujours pas de message sur mon téléphone. Je commence à m’inquiéter. Julien avait raison. Si au bout de quatre jours de distance j’en suis déjà à ce stade de cogitations, qu’est-ce que ça va être dans deux semaines, dans quelques mois ? Il a raison, ça va me bouffer. Je devrais arrêter d’y penser. Mais je n’y arrive pas.

    9 heures. J’ai trop envie de l’appeler. Il est trop tôt. Qui sait à quelle heure il est rentré. Déjà que le soir d’avant il est rentré à 2h30 du mat ! Il doit dormir. Pourvu qu’il soit rentré seul,

    10 heures, envie de l’appeler, 11 heures, c’est toujours trop tôt. Je ne veux pas le réveiller.

    Midi arrive, déjeuner en famille. Une heure trente, est ce que je vais oser l’appeler ? Non, pas encore.

    C’est sur le coup de 15 heures que je trouve enfin le courage de composer son numéro. Et je tombe direct sur sa messagerie. Tout comme à 16 heures. Et à 17 heures. Putain, mais qu’est-ce qu’il fout ?

    Putain, mais pourquoi j’ai accepté de sortir en boîte avec Julien ? J’ai peur de l’avoir blessé, peur qu’il croit que je couche ailleurs et qu’il se sente autorisé à coucher ailleurs.

    J’aurais du rester à la maison hier soir. Il n’y aurait pas eu d’embrouille. Je sais que ce sont des considérations stupides. Je ne peux pas m’empêcher de vivre. D’autant plus que lui aussi est sorti. Et c’est bien normal. Doute et confiance, deux plats d’une balance à équilibre instable.

    Je fais une dernière tentative à 20 heures. Et là, mon Jérém décroche enfin.

    « Oui » il répond. Pas d’« ourson » cette fois-ci. Quelque chose a changé.

    « Salut petit loup, ça va ? ».

    « Je suis naze ».

    « J’ai essayé de t’appeler cet après-midi ».

    « J’avais le téléphone éteint ».

    « Tu as fait quoi ? ».

    « J’ai dormi jusqu’à trois heures et je suis sorti manger un bout et faire un tour. Je n’étais jamais monté à Paris ».

    « Cool. Et hier soir, c’était bien ? ».

    « On a beaucoup picolé ».

    « Ah ».

    « Et toi, tu t’es amusé avec ton pote ? ».

    « C’est un gars vraiment sympa. Mais au Shangay il a dragué trop de nanas et je suis parti assez tôt. T’as vu mon message ? ».

    « Oui ».

    Je le sens crispé.

    « J’ai été sage, tu sais. Je me suis fait draguer par une nana mais je l’ai envoyée bouler » je tente de le rassurer.

    Je lui parle des photos que j’ai récupérées dans l’après-midi. Ce qui me donne l’occasion de reparler de certains moments de Campan. Et là, je sens mon Jérém se décrisper peu à peu. Il évoque des souvenirs à son tour, nous retrouvons notre complicité petit à petit. Je suis ému. Car cette complicité est la joie la plus grande de ma vie. Sans elle, je serais bien malheureux.

    « J’ai un mal au crâne terrible » il m’avoue « il faut que j’arrête de sortir autant ».

    Son ton est rassurant, je pense que lui aussi a été sage.

    Toulouse, le lundi 17 septembre 2001.

    Le lundi, je me réveille de bonne heure. C’est le grand jour. Ce soir je pars pour Bordeaux. Ce soir, commence ma nouvelle vie d’étudiant de fac. Ce soir, je vais prendre possession du petit meublé que je n’ai vu qu’en photo à l’agence. Ce soir je vais me retrouver seul entre quatre murs en terre inconnue. Je vais dîner seul, je vais m’endormir seul. Sans mon Jérém. Et sans la rassurante proximité de mes parents. Je suis à la fois excité et mort de peur.

    Je passe la matinée à faire mes valises, et à remplir ma petite voiture. En fait, c’est un petit déménagement. Maman me charge de vivres, comme si je devais tenir un siège de plusieurs mois. La nourriture est l’une des voies principales empruntées par les mamans pour montrer leur amour.

    Il est deux heures, je suis en train de ranger la dernière valise dans ma voiture, lorsque mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Je le sors vite m’attendant un appel surprise de mon bobrun. Mais une surprise de taille m’attend lorsque je regarde le petit écran indiquant avec insistance :

    « Thibault ».

    Mon cœur fait là aussi un sprint digne de la fusée Ariane. Je n’arrive pas à croire qu’il m’appelle. Soudain, j’ai les mains moites, le souffle court. Mais je ne peux pas rater l’occasion. Je dois répondre. Je prends une profonde inspiration et je décroche.

    « Salut Thibault ».

    « Salut Nico, ça va ? ».

    « Bien et toi ? ».

    « Ça va. Alors, tu te prépares à partir ? ».

    Il a retenu que je pars ce soir à Bordeaux. Ce mec est vraiment incroyable.

    « Oui, je viens de ranger la dernière valise dans ma voiture ».

    « T’as le temps de faire un saut chez moi pour un café ? ».

    « Quand ? Vers quelle heure, je veux dire ».

    « Maintenant si tu veux ».

    « J’arrive ».

    Commentaires

    ZurilHoros

    16/06/2020 08:29

    Je relisais avec plaisir la soirée d’anniversaire de Nico et le quiproquo qui s’ensuit. Ils sont marrants, lui et Jérèm parce qu’ils ont une façon irraisonnée de raisonner. Ils font ce qu’on appelle des projections 

    ZurilHoros

    01/06/2020 11:34

    Un petit détail me chiffonne. Si Nico n’avait que 24 poses dans sa pellicule, il comptait forcément, celles qu’il consacrait à Jérémie, et donc, il s’est rendu compte que Charlène avait fait plus qu’une photo! Mais je comprends que l’idée est d’illustrer la bienveillance de Charlène. 

    gebl

    04/02/2020 23:31

    un instantané de vie , que l’on ne peut  toujours pas lâcher. tu as un don pour qu’on s’accroche à cet histoire. Tous  nous t’avons connu pour tes récits érotiques voir pornos et maintenant nous sommes comblés de 2 chapitres où le sexe est anecdotique voir  a été remplacé par les ressentis de l’amour au propre et au figuré : chapeau bas  l’artiste 

    lolo1965

    03/02/2020 16:25

    HelloJe viens de lire que dis je plutôt dévorer ces 2 nouveaux épisodes et c’est avec joie que nous reprenons le fil des aventures.L’écriture est toujours aussi détaillée et léchée (sans jeu de mots). Nous voilà confronté aux affres de la relation à distance avec tous ce qu’elle sous-entend et que dire de ce sexe par téléphone tellement réaliste surtout si on se replace à l’époque ou se situe cette aventure. J’ai très hâte d’être emporté dans la suite de cette aventure que je sent malheureusement glisser vers le malheur mais peut-être que je me trompe en tout cas je l’espère Encore merci et bravo

    Yann

    01/02/2020 15:14

    C’est, je crois, une première dans l’histoire, le sexe par téléphone ! Une façon comme une autre de combler l’absence de l’être cher. Comment vont se passer les retrouvailles avec Thibault ? Perso je préférerais qu’il ne soit plus célibataire pour écarter toute tentation qui pourrait assombrir cette belle histoire entre nos deux amoureux. Même chose du coté de Jerem si ça devait arriver ce serait trop tôt et leur amour ne serait pas aussi sincère qu’il avait l’air … mais ce n’est qu’un point de vue. Merci.

  • JN0221 Les jours d’après (partie 1).

    JN0221 Les jours d’après (partie 1).

    Happyness is not a destination, is a way of life.

    Le bonheur, n’est pas une destination, mais un chemin (mode) de vie.

    Toulouse, le jeudi 13 septembre 2001.

    Le lendemain de mon retour sur Toulouse, je me réveille dans un état d’esprit étrange, dans lequel se mélangent des opposés, le bonheur le plus radieux et la tristesse la plus sombre. L’écho de l’amour partagé avec mon bobrun pendant ces quelques jours à la montagne vibre toujours en moi. Mais en même temps, le manque et la distance se font sentir de façon violente.

    C’est le premier jour où je me réveille chez moi, depuis Campan. La première fois où je me réveille à Toulouse, dans mon lit, sans Jérém à mes côtés, ou du moins à proximité.

    Alors, en cet instant de flottement entre sommeil et veille, entre rêve et réalité, en ce « lieu » imaginaire où tout semble encore possible, je cherche mon bobrun dans les draps, je cherche sa présence, son parfum, sa peau, la chaleur, le contact rassurant de son corps. Pendant un instant, j’arrive presque à me créer l’illusion d’être encore avec lui. Car mon t-shirt, ma peau, mon corps, mon être tout entier portent son « odeur ».

    Je me force à garder les yeux fermés, je me force à entretenir cette illusion le plus longtemps possible. Mais lorsque je me résigne à accepter l’évidence, à admettre que mes mains ne rencontrent que des draps vides, que je suis seul dans mon lit, ce sont mes larmes qui balaient les dernières « poussières de rêves ».

    Je crois que cette nuit j’ai rêvé de mon bobrun. Je crois que j’en ai rêvé toute la nuit durant. J’ai rêvé qu’on faisait l’amour, qu’on se serrait très fort l’un contre l’autre, qu’on se couvrait de bisous. J’ai rêvé de son sourire, de son regard amoureux. J’ai rêvé qu’on était ensemble et qu’on ne serait plus jamais séparés.

    Et pourtant, force est de constater que nous le sommes. Et que si hier matin encore j’étais avec lui – au réveil, pendant le petit déj – aujourd’hui nous sommes loin l’un de l’autre. Commencer une journée sans lui, la première d’une série à la durée indéfinie, ça ne me motive pas vraiment à me lever. Son absence m’assomme.

    Je n’ai pas senti de suite cette absence dans toute sa violence. Pas jusqu’à ce réveil.

    Certes, dès l’instant où nous nous sommes séparés hier matin, il m’a manqué. Pendant le voyage de retour, tout le long de la route, et même lorsque je suis rentré à St Michel, il m’a manqué, à chaque instant.

    En arrivant sur Toulouse, j’ai retrouvé ma ville comme après le retour d’un très long voyage. J’ai eu l’impression de ne plus la reconnaître. Comme si elle avait profondément changé depuis mon départ. En roulant sur la rocade, en parcourant les rues, en regardant les façades, en retrouvant les commerces et les quartiers d’une ville familière et pourtant distante, je me suis senti « étranger ». J’ai eu comme l’impression que mon départ, c’était il y a des années. Et pourtant, il ne s’était écoulé qu’une poignée de jours. Bien sûr, rien n’a vraiment changé depuis vendredi dernier, à part la météo. Grise et pluvieuse alors, intensément ensoleillée ce mercredi. Non, rien n’a changé, à part mon regard, mon ressenti. A part l’absence de mon Jérém. « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ».

    Mais lorsque j’ai retrouvé ma rue, lorsque j’ai garé la voiture au garage, lorsque j’ai refermé la grande porte derrière moi, lorsque j’ai passé le seuil de la porte du cellier et que j’ai fait la bise à maman, lorsque je me suis réfugié dans ma chambre, je me suis senti comme protégé. Jérém me manquait horriblement, bien sûr. Et pourtant, ce n’était pas aussi violent que ce matin. Je crois que j’étais comme dans le prolongement de la magie de nos retrouvailles. C’est un peu comme lorsqu’on revient d’un beau voyage et qu’on a du mal à « atterrir » dans notre tête, parce qu’on a encore les yeux pleins d’étoiles.

    Jusqu’à hier soir, j’étais encore sur mon petit nuage. Au point que, par moments, mon inconscient me chuchotait la folle impression que la porte de ma chambre pourrait s’ouvrir d’une minute à l’autre et que mon Jérém pourrait débarquer pour passer sa vie avec moi. Rien que cela. Alors qu’il était déjà loin, en route pour la capitale, en route pour sa nouvelle vie.

    C’est sûrement pour ne pas redescendre de mon petit nuage que je n’ai pas non plus eu envie d’appeler qui que ce soit hier après-midi. Ni ma cousine, ni Julien, ni même Thibault. En fait, j’ai passé l’après-midi à me replonger dans les souvenirs de ces petites vacances, et à essayer de les mettre par écrit. Car je veux me rappeler à tout jamais des moindres moments, de chaque rencontre, de chaque conversation, de chacun des personnages dont j’ai fait la connaissance là-haut. Je ne veux pas oublier ce petit monde et du bonheur qu’il m’a apporté. Et, surtout, je veux me souvenir de chaque mot, du moindre sourire, du moindre regard, du moindre geste de mon Jérém amoureux.

    Quand je pense que j’ai failli ne pas aller le rejoindre. Et que j’ai donc failli ne pas connaître la joie immense de retrouver mon Jérém, de le découvrir dans un décor inattendu et surprenant. Aimant et touchant. Il s’en est manqué de peu pour que je passe à côté de ma vie.

    La seule personne que j’ai laissé rentrer dans ma bulle, c’est ma maman.

    Hier, lorsque je suis rentré, elle m’a dit qu’elle était très soulagée de me revoir enfin à la maison. Elle m’a dit aussi qu’elle s’était beaucoup inquiétée après les attentats de New York.

    « Mais je n’étais pas à New York ! » je lui ai rétorqué.

    « Je sais. Mais pendant quelques heures, on a tous cru que c’était la fin du monde. Et tu n’étais pas sous mes yeux ! »

    « Je comprends ».

    Il est plutôt simple à comprendre, le cœur d’une maman, lorsqu’on tend bien l’oreille.

    Elle m’a ensuite demandé si mes vacances dans les Pyrénées s’étaient bien passées.

    Je lui ai dit à quel point j’avais été heureux pendant ces quelques jours avec mon Jérém.

    « Tu es vraiment très amoureux ! ».

    « Je n’ai jamais ressenti ça de ma vie ».

    « Et lui aussi, il t’aime ? »

    « Je crois bien, oui ».

    « Il te l’a dit ? »

    « Non, mais il me l’a montré de tant de façons ».

    « A savoir ? ».

    « Il s’est excusé pour le mal qu’il m’a fait ».

    « Ah, quand-même ! ».

    « Je te promets, il a été doux, adorable, aimant, à un point que je ne pensais plus possible ».

    « Votre petite bagarre a l’air de lui avoir ouvert les yeux ».

    « C’est certain ! T’imagines qu’il a même fait son premier coming out avec ses potes, c’est énorme ! ».

    « Ah, carrément. Et il est où maintenant ? ».

    « En route pour Paris. Le club de rugby qui l’a recruté le mois dernier l’a convoqué pour faire les derniers examens ».

    « Et vous allez faire comment pour vous revoir ? ».

    « Je ne sais pas encore, mais on va y arriver ! ».

    Le reste de l’après-midi a glissé sans crier gare. Tout pris dans mon écriture, je n’ai pas vu le temps passer. Le soir est venu, l’heure du dîner avec, puis celle du coucher. Et un signe de sa part. Un sms.

    « Je sui bien arrive. Tu me manque ».

    Un petit message doux comme un baiser. Comme une caresse. Une caresse qui, malgré les larmes qu’elle m’a tirées, m’a fait sentir bien, aimé, et m’a aidé à trouver le sommeil. Un simple sms et j’ai eu l’impression que mon bobrun était à nouveau côté de moi.

    Mais ce matin, jeudi, mon bobrun me manque horriblement. Je n’ai pas envie de me lever. Pas envie de sortir, de me balader dans cette ville de Toulouse où je suis désormais certain de ne pas pouvoir croiser mon Jérém. Une ville où son absence est totale, une ville qui me remplit de tristesse. Sa présence dans l’absence est déchirante. Saudade.

    Depuis mon réveil, je n’ai cessé de revoir la 205 rouge s’éloigner de Campan. La douceur des souvenirs se mélange à la violence de la séparation. Et dans mes souvenirs, je retrouve également le drame américain de la veille. Je retrouve la peur.

    Le réflexe est alors d’allumer la radio, pour voir si pendant la nuit, pendant mon sommeil, il ne s’est pas produit d’autres catastrophes. Heureusement, ça ne semble pas être le cas. Mais les infos parlent toujours des attentats de New York. Sur toutes les stations.

    L’écho du 11 septembre retentit toujours dans ma conscience. En entendant parler et reparler de ces attentats, je retrouve intacte l’impression qu’on m’a arraché un bras, l’impression de ressentir l’odeur du sang et de la fumée dans mon nez.

    Hier soir, au journal de 20 heures, qui s’est prolongé bien au-delà de sa durée normale et dont le seul sujet était les attentats, la télé n’a cessé de nous repasser en boucle les images des avions qui s’encastrent dans les tours, des tours en feu, des tours qui s’effondrent, des hommes et des femmes en sang.

    On a l’impression de vivre une sorte de retour au moyen âge, et le spectre de la guerre est réel. On a l’impression que ces attentats incroyables vont secouer nos civilisations et nos démocraties occidentales jusqu’à la racine et que tout ce qu’on a connu, paix, prospérité, relative liberté, va bientôt disparaître.

    Les médias contribuent grandement à créer et entretenir l’ambiance de panique qui sature l’esprit des gens.

    J’ai peur, comme tout un chacun a peur. Peur que ça pète ailleurs, peur que le temps nous soit compté. J’ai retrouvé le cocon familial et cela me rassure. Mais j’ai tellement besoin de mon Jérém, de me retrouver dans ses bras puissants, chauds et rassurants. Tellement besoin de dormir avec lui, me réveiller avec lui, me sentir aimé et protégé. J’ai besoin de mon Jérém, il n’y qu’avec lui que je me sentirai en sécurité. Et si c’était vraiment les dernières heures qu’il nous est donné de vivre avant l’Apocalypse, il serait dommage, ce serait un gâchis effroyable, de ne pas les passer ensemble à faire l’amour.

    Et si un attentant semblable se produisait à Paris ? Je frissonne à l’idée qu’un truc horrible puisse arriver dans l’une des capitales les plus en vue du monde occidental.

    Alors, non, rien ne me motive à me lever en ce triste jeudi matin.

    Puis, en me retournant dans mon lit, il se passe quelque chose. Je sens les mailles de ma chaînette glisser sur ma peau. Sa chaînette. Quelle bonne idée, quel beau geste de sa part de me donner cette chaînette. Je ne la quitterais pour rien au monde.

    La chaînette de Jérém est bien lourde, la caresse du métal est parfois bien chaude, parfois fraîche, elle m’apporte toute une palette de sensations, entre émotion, nostalgie et excitation.

    Cette chaînette qui a été au contact de sa peau pendant des années, qui est comme imprégnée de sa virilité radioactive. Cette chaînette qui a reçu la vibration de tant d’orgasmes de mon bobrun. Avec moi, avec d’autres. Mais le plus grand nombre, avec moi. Cette chaînette que je trouvais si sexy sur mon beau mâle brun, était l’un des « ingrédients » du désir qu’il provoquait en moi. Cette chaînette est désormais à moi. C’est presque un « trophée ». Et en même temps, la plus belle preuve de son amour.

    Je ne suis pas sûr de la porter avec le même panache que lui, mais je l’adore. Car je me sens bien avec elle. En la sentant autour de mon cou, j’ai un peu l’impression que Jérém est avec moi. Et en moi.

    Elle me donne de l’énergie. Elle me motive à quitter mes draps.

    Pourtant, ça ne suffit pas. Je sens que pour pouvoir démarrer cette nouvelle journée, j’ai besoin d’un petit shoot de mon Jérém. J’ai alors l’idée de lui envoyer un nouveau sms.

    « Bonjour beau mec ».

    Rien que le fait de l’avoir envoyé, sans même avoir de retour, suffit à me requinquer. Ma journée a désormais un but. Celui de recevoir la réponse de mon bobrun.

    En attendant, je pars me doucher, je m’habille, je prends mon petit déj. Mon attente est de plus en plus fébrile. Mais après le petit déj, toujours pas de réponse.

    Il est 9 heures. Qu’est-il est en train de faire à cet instant précis ? Est-il déjà chez le médecin qui doit l’examiner ? Est-ce qu’il est déjà en boxer en train de se faire reluquer par de jeunes infirmières ?

    Pourquoi n’a-t-il pas pensé lui aussi à m’envoyer un message pour me souhaiter la bonne journée ?

    Parce qu’il a d’autres chats à fouetter ce matin, et il doit pas mal stresser.

    Pourquoi ne m’appelle-t-il pas, pourquoi il ne se repose pas sur moi s’il stresse ?

    Parce qu’il est comme ça, il garde tout pour lui. Il va sans doute m’envoyer un message un peu plus tard dans la journée.

    Après le petit déj, j’appelle mon futur proprio à Bordeaux pour fixer un nouveau rendez-vous pour signer le bail pour le meublé. Le type a l’air gentil et arrangeant, il me dit qu’il me fait confiance pour signer le jour de mon emménagement, c’est-à-dire le jour de la rentrée à la fac. Ce qui m’évitera un aller-retour. Sur les photos de l’agence, l’appart a l’air correct. Pourvu qu’il n’y ait pas embrouille une fois sur place.

    Entre midi et deux, je passe d’autres coups de fil. J’appelle d’abord ma cousine pour lui dire que je suis rentré et pour lui parler un peu de mon long week-end, en attendant de pouvoir lui raconter en détail lorsque je la verrai en vrai. Mais elle est très occupée et je n’arrive pas à lui raconter grand-chose. A part lui dire que je viens de passer les plus beaux moments de ma vie toute entière.

    « Je suis vraiment heureuse pour toi, mon cousin ».

    « Merci beaucoup. Et toi, ça se passe toujours bien avec ton beau Philippe ? ».

    « Ça se passe merveilleusement bien. D’ailleurs, j’ai quelque chose à t’annoncer ».

    « C’est quoi ? ».

    « Je te dirai quand on se verra ».

    Intrigué, j’insiste.

    « Allez, raconte !!!! ».

    « Tu peux bien patienter un peu, je devrais pouvoir me libérer demain ».

    Puis, elle a rapidement pris congé et raccroché. Me laissant intrigué par le petit mystère qu’elle n’a pas voulu me dévoiler.

    J’ai alors appelé mon pote Julien. Je lui ai demandé s’il avait le temps pour prendre un verre. Il m’a répondu qu’il avait des cours toute la journée mais qu’il pouvait se libérer sur le coup de 18h30. Il n’a pas pu s’empêcher de me demander si j’avais pris cher. Je ne me suis pas privé de l’envoyer chier.

    J’aime beaucoup notre relation. Son humour, ses expressions grivoises, sa coquinerie, le tout sous couvert d’une bienveillance qui me fait chaud au cœur. Car ce mec est un véritable pote désormais, et il me fait bien rire. C’est drôle, il m’aura fallu attendre la fin du lycée pour trouver un pote.

    Lorsque je raccroche d’avec Julien, je prends une longue inspiration et je passe le dernier et le plus difficile des trois coups de fil de la journée.

    Rien qu’en lançant le numéro, et a fortiori lorsque la tonalité retentit dans mon oreille, mon cœur fait une accélération vertigineuse. Car j’ai toujours en tête la distance que j’avais ressentie dans sa voix lorsque je l’avais appelé avant mon départ pour Campan. Ça m’a marqué. J’ai peur de retrouver cette distance telle quelle. Il m’avait promis de me rappeler. Il ne l’a pas fait. J’ai peur de paraître insistant, ridicule. J’ai peur de provoquer de l’agacement. Et pourtant, je dois le faire. Je ne peux pas ne pas faire une dernière tentative de m’expliquer avec Thibault.

    A la troisième tonalité, j’ai l’impression d’avoir le cœur assis sur mes cordes vocales. C’est là que l’ancien bomécano, le bopompier, le nouvellement « beau demi de mêlée du Stade Toulousain » décroche enfin.

    « Salut Nico ».

    C’est un accueil typiquement « thibaudien ». J’ai toujours eu l’impression que sa façon de glisser le prénom de son interlocuteur dans la phrase était une marque de sa considération.

    « Salut, tu vas bien ? ».

    « Ca va, ça va, et toi ? ».

    « Ca va aussi » je lui réponds, avant qu’un silence gêné s’installe entre nous.

    Nous n’avons pas échangé dix mots. Et j’ai à nouveau l’impression que le jeune pompier est distant.

    « Ça se passe bien les entraînements ? » j’arrive à glisser pour débloquer la situation.

    « Oui, très bien, mais je n’ai jamais été aussi fatigué de ma vie ».

    Puis, il enchaîne, sans transition.

    « Nico, tu as des nouvelles de Jé ? Tu sais s’il est parti à Paris ? ».

    « Oui, il est parti hier ».

    « Et il a passé ses examens médicaux ? ».

    « Je crois qu’il les passe en ce moment même ».

    Puis, un nouveau silence nous rattrape. Je décide de forcer les choses.

    « Thibault, ça te dirait qu’on prenne un verre ? ».

    « Je n’ai pas trop le temps en ce moment ».

    « Je vais bientôt partir à Bordeaux pour mes études. Je voudrais vraiment te voir avant. J’ai des trucs à te dire. Je me suis mal comporté avec toi ».

    « Laisse tomber ça, Nico. C’est mieux si on oublie tout ça ».

    « Juste un moment, s’il te plaît ».

    « Je ne sais pas si c’est une bonne idée pour l’instant. S’il te plaît, n’insiste pas ».

    Sa détermination me touche et m’impressionne. Elle m’attriste. Et pourtant, elle force le respect.

    « Je n’insiste pas, alors ».

    « C’est mieux comme ça, je t’assure ».

    Depuis quelques jours, à chaque fois que j’ai pensé rappeler Thibault, je me suis demandé si ça n’allait pas être trop tard pour rattraper le coup avec lui. Je crois que je tiens là ma réponse. Je n’ai plus d’arguments à lui opposer. Je culpabilise, j’ai envie de pleurer. Du coup, je ne sais pas comment mettre fin à cette conversation qui vient de me confirmer que j’ai perdu un ami.

    Alors, dans un dernier élan d’espoir, je décide de jouer le tout pour tout.

    « J’ai énormément d’estime pour toi, Thibault. Tu es un gars en or. Vraiment. Tu es un modèle pour moi. Ton amitié est précieuse pour moi ».

    « Nico ».

    Pendant une poignée de secondes, un silence interminable me donne la mesure du malaise qui s’est installé entre nous.

    « Je, je » je l’entends bafouiller. Je le sens touché, ému par mes mots.

    Je touche du doigt le mal que je lui ai fait et qui lui empêche désormais de surmonter la distance créé par la souffrance. Thibault est blessé. Je l’ai blessé. J’ai blessé ce gars qui était mon ami, un ami sincère. Je l’ai blessé parce je n’ai pas su essayer de comprendre que, pour une fois, il ait pu avoir envie de penser à son propre bonheur. Parce que je n’ai pas su comprendre que, sous sa maturité, sa générosité, son altruisme, son abnégation, Thibault est un être sensible, on ne peut plus humain, et amoureux.

    Je me sens minable. J’ai envie de pleurer. J’essaie de me maîtriser, non sans mal.

    « Moi aussi je t’aime bien » il finit par lâcher.

    « Je regrette tellement, si tu savais ».

    « On a tous agi d’une façon qui n’était pas la bonne ».

    Un nouveau silence s’installe, pesant.

    « Thibault ».

    « Je dois y aller maintenant ».

    « Rappelle-moi, quand tu veux ».

    « Tu es toujours sur Toulouse ? ».

    « Oui, mais pas pour longtemps. Je pars lundi soir à Bordeaux ».

    « Bon courage pour la fac, Nico ».

    Là, je suis assommé. Car cette formule ressemble à un adieu. J’ai vraiment du mal à retenir mes larmes.

    « Merci, et bon courage à toi pour le Stade. Fais attention à toi, essaie de ne pas te blesser. Ce serait dommage qu’il t’arrive quelque chose ».

    « Merci Nico. Adishatz » il me lance.

    « Adishatz, je te dirai pour ses examens » j’ai tout juste le temps de lui relancer, avant que la communication ne soit coupée de son côté.

    Désormais, j’en ai le cœur net. J’ai perdu l’amitié de Thibault. Je n’ai senti aucun reproche direct dans ses mots, et pourtant j’ai senti qu’il a été affecté par mon comportement. Jérém pense qu’il a besoin de temps pour surmonter tout ça. Mais moi j’ai bien peur que cela soit plus grave que ça. J’ai peur que, pour se protéger, il coupe les ponts pendant un temps tellement long que si un jour on se recroise, on sera à nouveau de parfaits étrangers. Je sais qu’il ne me rappellera pas.

    Ce coup de fil m’a sapé le moral. Je m’en veux horriblement.

    Je ressens la tristesse m’envahir. Soudain, Jérém me manque encore plus fort. Je regarde mon téléphone, toujours pas de message de sa part. J’aimerais tellement me blottir dans ses bras pour me réconforter. J’ai envie de le voir, de le toucher, de le serrer contre moi, de l’embrasser, de faire l’amour avec lui. J’ai envie d’entendre sa voix, d’avoir de ses nouvelles, de savoir comment se sont passés ses examens médicaux. Je tourne en rond dans ma chambre.

    Je mets un cd de Madonna, cette amie que je connais depuis mon adolescence et dont la « présence », les chansons, ont marqué chaque moment de ma vie. Elle est là quand je suis heureux et quand je ne vais pas bien. Elle m’accompagne, sa présence et sa musique font que d’une certaine façon je ne me suis jamais senti seul même dans les pires moments. Et pourtant, cet après-midi, malgré sa musique, la solitude me prend à la gorge.

    Je sors les photos que Thibault m’avait données un jour, lorsque nous étions potes. Une époque, hélas révolue.

    Je retrouve Jérém assis sur la pelouse de la prairie des Filtres, on voit une arcade du Pont Neuf tout à gauche de l’image. Le buste soutenu par ses bras tendus derrière son dos et ses mains posées à plat sur le sol. Il est habillé d’un simple jeans et d’une chemise à carreaux noirs et blancs, les manches retroussées, ouverte sur un t-shirt blanc sur lequel sa chaînette de mec est négligemment abandonnée, le regard ténébreux. Tenue et attitude, très, très, très, mais alors, très très très très très meeeeec !

    Je retrouve également Jérém en maillot de rugby. Beau comme un Dieu.

    Et je retrouve ma préférée, mon bobrun sur la plage, torse nu, le bronzage ajoutant des couleurs à sa peau mate, la lumière du soleil mettant en valeur et en relief la musculature parfaite de son corps.

    Je n’arrive toujours pas à croire que j’ai la chance de faire l’amour avec un mec pareil. Et encore moins à croire que je suis quelqu’un de spécial pour ce mec. Qu’il a fait son premier coming out pour moi.

    Sur ces trois photos Jérém est plus jeune mais déjà tellement sexy. J’ai tellement envie de lui. J’attrape son t-shirt et son boxer volés dans la corbeille à linge de l’appart de la rue de la Colombette, j’étale les trois photos à côté de moi et je me branle. L’excitation et la montée vers le plaisir me font très vite oublier tous mes tracas.

    J’imagine le corps de mon bobrun contre le mien, sa peau chaude enveloppant la mienne, je ferme les yeux et je retrouve la sensation de sa queue dans ma bouche, de ses va et vient, de ses giclées puissantes, de son goût à la fois fort et doux de jeune mâle. Je retrouve sa présence virile entre mes fesses, je me sens envahi par son manche, enivré par son plaisir. J’ai tellement envie de faire jouir ce mec, putain !

    La puissance de sa virilité, le goût de son jus de mec me manquent comme une drogue dure. Je revois ses biceps, ses pecs, ses abdos, sa bonne petite gueule se contracter sous l’effet de la décharge de l’orgasme. Je m’imagine bien rempli de sa semence chaude et dense. Qu’est-ce que je ne donnerais pas à cet instant pour qu’il soit là, en train de gicler en moi ! Et je jouis. Avec une intensité inouïe.

    Dans les instants qui suivent l’orgasme, je suis envahi par cette sensation d’intense apaisement qui fait tellement de bien. Une sensation qui, hélas, ne dure pas longtemps.

    Lorsque je redescends, je repense au moment où le bomécano m’a offert ces images. C’était pendant l’été dernier, la seule fois où il m’avait invité prendre un verre chez lui. Je venais de lui avouer mes sentiments pour son pote. Même si ça faisait un moment qu’il avait compris.

    Je me souviens qu’il m’avait parlé de l’anniversaire de son pote Jéjé.

    « Dans moins de trois mois, il va fêter ses vingt ans » il m’avait raconté « et j’ai prévu de lui faire une surprise. J’ai envie de l’amener au Mas d’Azil pour lui offrir un saut à l’élastique de 80 mètres de haut. Je sais qu’il va kiffer ».

    L’anniversaire de Jérém, c’est dans moins d’un mois. Je doute fort que cela se fasse.

    Soudain, je réalise qu’il serait bon que j’aille voir mon bobrun à Paris le week-end de son anniversaire. J’aimerais qu’on puisse se voir avant, mais au pire, je ne peux pas rater le coche du week-end du 13 et 14 octobre, juste avant son anniversaire le 16. Est-ce que je vais lui faire une surprise ? Il faudrait déjà que je sache où il crèche et que je sois certain de son emploi du temps. Que je sois certain de ne pas le déranger. De ne pas trop exposer notre relation. Ça fait beaucoup d’inconnues. Putain, son anniversaire c’est rien que dans un mois. Comment vais-je tenir jusque-là ? J’aimerais tellement pouvoir aller le voir dès ce week-end !

    Soudain, en regardant une énième fois les photos de Jérém, je me rappelle que ce ne sont plus les seules que je possède de mon bobrun. Car il y en a bien d’autres dans mon appareil jetable de 24 poses, et qu’il suffit de les amener à développer pour retrouver mon bobrun, d’une certaine façon.

    Ceci me donne une raison pour sortir de ma tanière. Ca me changera les idées, en attendant le rancard avec Julien.

    [Attention : les paragraphes qui suivent décrivent des gestes et des plaisirs aujourd’hui disparus, inconnus pour les nouvelles générations nées avec le tout numérique et le tout Internet. Et pourtant, qu’est-ce que c’était bon ! Enjoy-it !].

    En début d’après-midi, je me rends au grand magasin de cd et livres de la place Wilson. Je laisse les négatifs au comptoir. La nana m’annonce que je peux passer les récupérer samedi 14 heures. Deux jours, ça va être super long ! Je suis tellement impatient de savoir si les photos sont réussies ! Je suis tellement impatient de revoir mon Jérém tel que je l’ai retrouvé à Campan !

    Et pourtant, il y a dans cette attente quelque chose de magique. Car c’est bien cette attente, ajoutée au prix à débourser pour obtenir une quantité limitée de clichés, qui donne à ces derniers leur valeur. Pourvu qu’il n’y ait pas d’accident au développement, car ces photos que je n’ai pas encore vues sont déjà si précieuses à mes yeux !

    Etant sur place, je profite pour faire un tour dans les rayons cd et dvd. Je flâne, je fouille dans les bacs, je découvre, je laisse mon regard se balader dans cet univers coloré et plein de tentations. Dans les bacs, à la lettre M, je m’attarde sur la section Madonna, de loin la plus fournie de toutes. Les albums côtoient des maxi cd contenant des remix, ou même des cd pas vraiment officiels. Je vérifie s’il y a des cd qui ne sont pas encore dans ma collection. Un cd de pressage américain et au packaging cartonné contenant des remix du titre « Music » attire mon attention. Je ne l’ai pas. Aujourd’hui, je vais encore enrichir ma collection. Je ressens un vrai plaisir. Je le prends, impatient de l’écouter.

    Soudain, je me rappelle m’être dit que j’achèterais le cd de Starmania, cet opéra futuriste et prémonitoire que j’ai découvert à Campan. Je cherche, je ne trouve pas. Je cherche un vendeur, je demande. Il m’indique le rayon, avec le sourire. Il m’explique que c’est la version de 1998, celle montée pour les 20 ans de l’opéra rock. Il ajoute qu’il l’aime beaucoup, car elle est à son avis plus sobre et peut-être plus aboutie même que l’original de 1978.

    Aujourd’hui, j’explose mon budget musique. Quand je serai à Bordeaux, je devrais faire davantage attention, car la vie étudiante a des priorités autres que les cd.

    Je me dirige vers la caisse. Et là, un choc m’attend. Venant en sens inverse et se dirigeant vars le rayon cd, mon regard est aimanté par un petit brun excessivement mignon, avec un brushing de bogoss, un physique de parfait petit con sexy, une peau délicieusement mate, et une petite gueule du genre à faire jouir avec une urgence plus qu’absolue. Une petite gueule bien connue, avec un air de famille. Putain, si je m’attendais à ça, à tomber sur Maxime, le frérot de mon Jérém !

    Le bogoss est accompagné de sa copine. Et lorsqu’il me repère, sa belle petite gueule s’ouvre dans un sourire à faire pleurer tous les Dieux de l’Univers. Ah, putain, qu’est-ce qu’il est beau lui aussi, beau étant largement insuffisant à qualifier une telle présence, et le bonheur qu’elle dégage. Un bonheur qui n’a d’équivalent que dans celui provoqué par son frère. A une différence près : le petit Tommasi, tout en étant aussi charmant que son frère, est davantage souriant et jovial. Ça tranche énormément avec le petit gars terrifié, en pleurs et en colère que j’ai découvert dans le hall de l’hôpital de Purpan, le jour de l’accident de Jérém.

    « Hey, Nico, tu vas bien ? » me salue le petit mec, très chaleureux, en me claquant la bise.

    « Très bien et toi ? ».

    « Bien, bien. Je te présente ma copine. Nico, Claire, Claire, Nico ».

    « Alors, comment ça s’est passé à Campan ? » il enchaîne.

    « Très bien ».

    J’ai envie de lui dire « très bien parce que ton frère était tendre, doux, parce qu’il m’a fait comprendre à quel point je compte pour lui, parce qu’on a fait l’amour tant de fois, parce qu’il a fait son coming out ».

    Au lieu de quoi, je me contente d’ajouter :

    « J’ai fait du cheval pour la première fois de ma vie et j’ai rencontré des gens formidables ».

    « Et Jérém il allait bien ? » il me demande, alors que la copine part faire un tour dans les rayons.

    « Il était en forme. Il attendait le coup de fil de Paris ».

    « Je l’ai eu ce matin, il attendait pour commencer le visites. Il me tarde d’être à ce soir pour savoir ».

    Qu’est-ce que c’est beau cette complicité et cette proximité entre frères.

    « Moi aussi ».

    « Il m’a dit que lui aussi il a passé un très bon moment. Il avait l’air vraiment content que tu l’aies rejoint ».

    « C’était génial ».

    « Maintenant, il va falloir faire des bornes pour vous voir » il ajoute.

    « Il me tarde d’aller le voir ».

    « A lui aussi ça lui tarde. Tu comptes vraiment beaucoup pour lui, tu sais ».

    « J’espère qu’il ne va pas m’oublier ».

    « Non, il ne t’oubliera pas. Mais il va falloir te battre ».

    « Je sais ».

    « Allez Nico, je vais rejoindre Claire, avant qu’elle fasse la gueule. Content de t’avoir vu ».

    « Moi aussi je suis content de t’avoir vu ».

    « Au plaisir de te revoir » fait-il, en partant vers le rayonnage, après m’avoir claqué une nouvelle bise et avoir laissé traîner un clin d’œil des plus charmants et sexy.

    « J’espère ».

    « Tiens » fait-il, en revenant soudainement sur ses pas « je vais te filer mon numéro, et tu vas me filer le tien. Si jamais, un soir on se fera une bouffe ».

    Vraiment adorable le petit gars. Je note son numéro sur mon portable et je lui donne le mien.

    « Bon courage pour tes études ».

    « Merci ».

    Je le regarde s’éloigner avec sa démarche bien mec. J’adore ce petit gars. Je crois que j’ai trouvé un nouvel ami.

    La télé tourne en continu à la maison. Le monde s’accroche à l’info pour tenter d’apaiser sa peur. Une info qui hélas, distille davantage de questionnements dans l’esprit des gens qu’elle apporte de réponses. Une info qui ne fait qu’alimenter encore cette peur, sans jamais l’apaiser.

    Les images effrayantes des impacts des avions sur les tours jumelles et de leur effondrement continuent de tourner en boucle. Des experts de tout bord, dans toutes les langues, se succèdent dans les émissions spéciales qui bouleversent les programmations des chaînes.

    Le discours du président américain de la veille est lui aussi passé et repassé et décortiqué sans cesse. Ce qui me frappe le plus dans ses mots, c’est « la guerre ». Une guerre « contre la terreur » qui se veut réponse ferme au sentiment de peur de toute une civilisation. Mais qui, à bien regarder, a un goût de vengeance pure. Une guerre qui veut laver une humiliation, sans se pencher sur la compréhension des raisons qui ont conduit à ce désastre. Une guerre pour éradiquer le terrorisme, par la violence. Une guerre pour créer la paix. Un bel exemple d’oxymore. Car la guerre ne fait en général que créer la guerre. Dans une guerre, il n’y a pas de gagnant. A l’échelle du temps, il n’y a que des perdants.

    Cette guerre me fait peur. Jusqu’où elle va nous mener ? Est-ce que les attentats de New York ne sont qu’un avant-goût de l’horreur que vont connaître nos pays occidentaux ?

    Je dois retrouver Julien en début de soirée. Je lui ai donné rendez-vous dans une brasserie. Un endroit que je n’ai pas choisi au hasard. Une brasserie à Esquirol. La brasserie où Jérém a travaillé pendant tout l’été passé. J’ai envie de sentir les vibrations de ce lieu qui demeure à mes yeux marqué et imprégné par la présence de mon bobrun.

    J’arrive une demi-heure avant le rendez-vous. Il n’y a pas grand monde et j’ai la chance de pouvoir m’installer à la même table où j’étais installé le jour où je suis venu le voir à la brasserie, le dernier jour de la semaine magique où il était venu chaque jour me faire l’amour à la maison pendant sa coupure de l’après-midi.

    Je regarde la terrasse presque vide, ses tables inoccupées et je revois mon bobrun avec sa belle chemise blanche, bien ajustée à son torse de fou, les manches retroussées, deux boutons du haut ouverts laissant entrevoir sa chaînette posée sur le relief de ses pecs délicatement poilus. Je le revois, avec son pantalon noir élégant et ses baskets blanches et rouges, un plateau rond chargé de boissons, je le revois voltiger entre les tables, avec son assurance, avec son sourire charmeur et ravageur. Je le revois en train de se faire draguer par deux nanas.

    En attendant Julien, j’ai le temps de prendre un café, prétexte pour accéder aux toilettes de l’établissement. Non pas que j’aie vraiment besoin d’aller au petit coin. Ce dont j’ai vraiment envie, c’est de revoir et d’approcher la porte du fond du couloir, celle qui donne sur la petite cour qui mène à la réserve, cet endroit rempli de bouteilles au milieu desquelles mon Jérém a voulu que je lui fasse une gâterie qui s’était révélée terriblement excitante.

    Je prends même le risque de pousser la porte qui donne sur la petite cour, comme pour pénétrer un peu plus dans le souvenir. Soudain, à la vue de la porte entrouverte de la réserve, je ressens une bouffée de chaleur monter à mon visage. Mon cœur se tape un sprint mémorable, ma respiration devient espacée et profonde. L’excitation s’empare de moi. Je bande comme un âne. J’ai envie de lui à en crever. Réflexe pavlovien.

    Car en une fraction de seconde, je retrouve intactes les sensations de ce jour-là, ce mélange de peur de nous faire gauler et d’excitation extrême. Je retrouve dans mon nez le parfum de sa peau, la chaleur de son corps, les petites odeurs de sa virilité moite de transpiration. Dans mes oreilles résonne le bruit de sa ceinture qui se défait, de sa braguette qui s’ouvre, de son boxer qui glisse sur ses cuisses, de sa queue tendue qui jaillit en claquant sur ses abdos, de ses ahanements de plaisir. Dans ma bouche je ressens la raideur de son manche. Et ses giclées, leur puissance, leur goût divin. Putain de jeune mâle, que ce Jérémie ! Quand je pense que c’est lui qui m’a proposé cette galipette !

    J’ai encore envie de me branler. Pendant un instant, l’idée de m’enfermer dans les toilettes pour me soulager me traverse l’esprit, mais j’y renonce. Je reviens à ma table et je me perds à nouveau dans mes souvenirs. Je repense à la semaine magique, aux après-midis chez moi, dont cette pipe dans la réserve avait été le point d’orgue avant le clash qui allait nous séparer pendant un mois. Un mois horrible, le pire moment de ma vie, après cette belle semaine qui était à ce moment-là le plus beau souvenir de ma vie. Et pourtant, après la souffrance, un nouveau bonheur, encore plus grand, était venu. Campan.

    Mais ce bonheur avait été de courte durée. Une poignée de jours magiques, avant une nouvelle séparation difficile. Mais cette fois-ci, c’était l’amour qui l’avait rendue difficile, et non pas la bagarre. Un amour que nous partagions, dont les preuves tangibles étaient des larmes que nous partagions également.

    La séparation à Campan était le déchirement de deux êtres qui s’aiment et qui se sentent aimés. Peut-être la plus déchirante de toutes des séparations. Certes, pas une séparation définitive, mais une séparation avec des vœux de retrouvailles. Des retrouvailles sans échéance précise, avec une distance dans le temps et dans l’espace. Une séparation qui pourrait faire vaciller les bonnes dispositions de mon bobrun encore fraîches, jeunes et fragiles.

    « Eh, oh ! Tu es parti ou, là ? » se moque le beau Julien en me secouant au sens propre (je sens sa main se poser sur mon cou par derrière, l’enserrer et le remuer légèrement) que figuré, de mes rêveries.

    Tout pris dans mes réflexions, je ne l’ai même pas vu arriver.

    Mais lorsque je reviens à moi, sa présence se dévoile à mes yeux avec la force d’une claque en pleine figure.

    Avec son sourire incendiaire, sa voix éraillée et sexy, ses attitudes de charmeur, son t-shirt noir bien ajusté à son physique élancé, sa peau bronzée, ses yeux pétillants, sa dentition parfaite et immaculée de jeune loup conquérant, et ce parfum hypnotisant qui avait failli me faire rater ma conduite à l’époque, le boblond est toujours aussi craquant.

    « Alors, comment se sont passées ces retrouvailles avec ton mec ? ».

    « Très bien »

    « Vous avez bien profité de vos corps ? ».

    « Oh que oui ».

    « Quand je pense que tu hésitais à y aller ! ».

    « C’est vrai, merci de m’avoir convaincu. Et d’ailleurs, encore merci d’être venu faire démarrer la voiture ».

    « C’est rien. Alors, raconte, il t’a demandé en mariage ? » il plaisante.

    « T’es con ! Non pas vraiment, mais c’était génial, vraiment génial. Il m’a amené chez lui, il a une vieille bicoque là-haut, dans les montagnes. Il a été tendre, doux, il m’a beaucoup parlé de lui, il m’a dit à quel point il tenait à moi. Il m’a présenté ses amis cavaliers, on a fait du cheval ensemble. C’était la première fois que j’en faisais, je suis tombé, je suis remonté en selle. J’ai rencontré des gens drôles et ouverts d’esprit. Et un soir, il m’a embrassé devant tous ses potes ».

    « Ah, carrément ! Couillu, le mec ! ».

    « Oui, couillu, on a bien rigolé, on s’est fait des bisous, beaucoup de bisous, et beaucoup venaient de lui. On s’est caressés, on s’est serrés l’un contre l’autre, on a dormi ensemble, on s’est réveillés ensemble, on s’est douchés ensemble, on a mangé ensemble, comme un vrai petit couple. C’était tellement, tellement bien ! »

    Pendant que je parle, j’en ai les larmes aux yeux. C’est la première fois que je parle si précisément de ces jours magiques à Campan et soudain, la parole ravive le souvenir, et la souffrance que me procure le manque de Jérém se fait sentir comme une plaie béante sur laquelle on aurait jeté du sel.

    « Et puis le coup de fil de Paris est arrivé. Et il a dû partir, hier matin ».

    « Il te manque, hein ? » fait le boblond, en saisissant mon bras avec sa main chaude et ferme et en caressant ma peau avec son pouce.

    « Tu peux pas savoir à quel point. Surtout après ce qui s’est passé avant hier ».

    « C’est horrible, on est tous sous le choc. Ça m’a tellement secoué que j’ai ressenti le besoin de prier. Ça devait faire plus de dix ans que je n’avais pas prié. Mais avant-hier soir, j’ai eu besoin d’aller à St Sernin et prier pour toutes ces victimes. J’ai prié pour que rien de semblable n’arrive en France, et que ça n’arrive plus jamais nulle part dans le monde. J’ai prié pour que les Hommes reviennent à la raison, et pour qu’il n’y ait pas une guerre qui pourrait tout effacer de la surface de la planète ».

    « Ça dépasse l’entendement » je commente.

    « Mais il faut aller de l’avant, il ne faut pas cesser de vivre. Vous allez vous revoir quand ? ».

    « Je n’en sais rien, c’est ça qui est le plus dur à supporter ».

    « Tu dois lui manquer aussi ».

    « Oui, il me l’a dit hier soir ».

    « Alors vous allez vous revoir bientôt ».

    « Ça dépend de lui, de comment il va être installé, de son emploi du temps. La semaine prochaine c’est ma rentrée à Bordeaux. Ce ne sera pas avant 15 jours au mieux, et plusieurs semaines au pire ».

    « L’essentiel c’est que ça arrive, que vous vous retrouviez. Plus l’attente sera longue, plus vous aurez du plaisir à vous retrouver ».

    « J’espère qu’il ne va pas m’oublier à Paris ».

    « Il ne t’oubliera pas ».

    « Il y a tellement de tentations la bas ».

    « Je ne te dis pas qu’il ne couchera pas ailleurs, mais tu seras toujours celui qui a la place de choix dans son cœur ».

    « Coucher ailleurs ? » je fais, déstabilisé par ses mots.

    « Tu te doutes bien que tu ne peux pas lui demander de ne pas se vider les burnes pendant des mois ».

    « Je préfère ne pas y penser ».

    « Toi aussi tu auras des occasions ».

    « Je n’en veux pas ! ».

    « Si tu t’obstines à lui réclamer la fidélité et à lui imposer l’abstinence, tu vas le perdre ».

    Je pousse un souffle de détresse.

    « Et si tu t’imposes l’abstinence » il continue « tu vas devenir fou. L’important, c’est que vous vous protégiez quand vous allez voir ailleurs. Que vous ne vous rameniez pas de saloperies. C’est ça que tu dois exiger de lui et c’est aussi ça que tu dois lui garantir ».

    « Je ne veux pas coucher ailleurs, et je ne veux pas qu’il couche ailleurs ».

    « Je ne te parle que de sexe. Il sera toujours ton Jérémie et tu seras toujours son Nico à lui ».

    « Qui me garantit qu’en couchant ailleurs, il ne va pas tomber amoureux d’un autre ? ».

    « Personne. Et c’est vrai aussi de ton côté. Mais c’est le risque à prendre pour donner une chance à votre relation. Toi non plus tu ne tiendrais pas ».

    « Si ».

    « Admettons. Mais pour lui ça va être plus compliqué ».

    « Pourquoi ? ».

    « Un joueur de rugby pro, bogosse comme lui, dans une ville comme Paris, il sera sollicité à mort. Il ne tiendra pas. Si tu lui demandes de ne pas coucher, il sera obligé de te mentir. Et un jour tu découvriras ses mensonges et tu auras mal. Vous vous finirez par vous vous disputer et vous quitter ».

    « Tu es si négatif ! ».

    « Non, je suis réaliste. Je te parle de mon expérience avec les nanas ».

    « Je ne sais pas si je suis capable d’accepter que Jérém couche ailleurs ».

     « Si tu n’acceptes pas ça, ta vie va vite devenir un enfer. Tu vas être rongé par la jalousie et les questionnements et tes études vont s’en ressentir. Et en plus, tu vas le perdre ».

    « Ecoute, Nico » il continue, tout en posant sa main sur la mienne, pour me rassurer « il a 20 ans, laisse-le papillonner jusqu’à ce qu’il en ait marre. Et toi aussi fais des expériences. Imagine s’il part un jour à l’étranger pour une carrière internationale, ce sera encore plus difficile ».

    Je frissonne à la simple évocation de cette possibilité que je n’avais encore jamais envisagée.

    « Dis-toi qu’il a fait un grand pas vers toi en faisant son coming out ».

    « J’ai peur que ses bonnes intentions et sa volonté de s’assumer ne durent pas longtemps à Paris ».

    « Pourquoi ça ? ».

    « A Campan on était au milieu de nulle part, entouré de gens bienveillants. Mais à Paris, dès qu’il va être connu, j’ai peur qu’il veuille à tout prix garder les apparences et remettre de la distance entre nous ».

    « C’est fort possible. Mais dis-toi bien que s’il ne peut pas assumer ta présence dans sa vie dans l’immédiat, le forcer ne servirait à rien. Montre-lui ton amour et n’exige pas plus que ce qu’il peut te donner. Sois patient et prête attention aux petites choses qui t’assurent de son amour, au-delà de ses coucheries et de ce que son environnement sportif lui impose comme limites ».

    Les mots de Julien me secouent. Car il a mis le doigt précisément là où ça fait mal. Je sais que Julien a raison, mais c’est horriblement dur à entendre et à admettre. Car le cœur a ses raisons que la raison ignore, et le cœur aime mieux écouter ses propres raisons plutôt que celles de raison. Alors, je préfère penser que nous allons y arriver, que notre couple va résister à la distance sans que nous ayons besoin d’aller voir ailleurs.

    Jérém me manque horriblement. Sur le chemin vers la maison, je lui envoie un nouveau sms.

    « Tout se passe bien ? ».

    Deux minutes plus tard, je reçois sa réponse.

    « Pas encore finit, je tappelle tt l heure ».

    Pendant le dîner, j’attends fébrilement son coup de fil. Mais à 20 heures il n’est toujours pas arrivé. A 21 heures non plus.

    Ce n’est qu’à 21h50 que mon portable se met à vibrer et que l’écran affiche les dix chiffres familiers associées au prénom tant aimé de mon Jérém.

    « Ourson » je l’entends répondre à mon simple « Allo ? ». Le ton de sa voix est calme et doux comme une caresse. Et dans ce petit surnom, je retrouve toute sa tendresse, son amour.

    « Comment ça va ? » je le questionne.

    « Bien ».

    « Alors, ces visites médicales ? ».

    « Ils m’ont fait foutre à poil, ils m’ont regardé sous toutes mes coutures, ils m’ont fait toute sorte d’examens, prises de sang, test de souffle, j’avais l’impression d’être une voiture et de passer le contrôle technique ».

    « Verdict ? Avec ou sans contre-visite ? ».

    « Sans. Il semblerait que je suis pas trop détraqué ».

    « C’est bon alors ? ».

    « Ouiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!!!!!!!!!! Normalement je signe le contrat demain et je commence les entraînements dès mercredi ! ».

    Sentir Jérém à ce point heureux m’émeut jusqu’aux larmes. On dirait un gosse le jour de Noël. Je voudrais tant être à ses côtés pour partager cette joie avec lui. Fêter ça avec un resto. En faisant l’amour.

    « Je suis tellement content pour toi ».

    « Merci, merci ».

    « Tu l’as dit à Maxime ? ».

    « Non, je vais l’appeler juste après. Je voulais te l’annoncer en premier ».

    Adorable.

    « Je l’ai croisé aujourd’hui en ville avec sa copine. Il m’a demandé comment s’était passé Campan ».

    « Il est curieux, le petit ».

    « Il est très sympa ».

    « Il est génial ».

    « Comme son frère ».

    « Tu me manques, Nico ».

    Lire ces mots dans un sms, m’a ému aux larmes. Les entendre de sa vive voix, me bouleverse.

    « Toi aussi tu me manques. Il me tarde de te revoir ».

    « Dès que je serai installé, promis ».

    « Tu dors où ce soir ? ».

    « Dans un hôtel payé par le club. J’ai une chambre toute pour moi. Et il y a d’autres joueurs juniors à côté. Mais dès le mois prochain je devrais avoir un appart ».

    La simple idée de la proximité d’autres jeunes joueurs que j’imagine d’emblée bien foutus et sexy, mais aussi seuls, un peu déboussolés par cette ville inconnue, par ce changement d’horizon, par cette vie nouvelle, et qui ne seraient pas contre un peu de compagnie et d’intimité, suffit à produire en moi une flambée de jalousie.

    « Tu vas faire quoi ce soir ? ».

    « On a prévu d’aller prendre un verre avec les gars ».

    « Tu restes sage ! » je ne peux m’empêcher de lui glisser en rigolant.

    « T’inquiète, je ne vais pas trop boire ».

    « Je parlais des gars » je fais, sur un ton taquin.

    « Ah, mais je ne suis pas pd, moi ! » il se marre.

    « C’est ça ».

    « J’ai envie de toi ».

    « Moi aussi, j’ai eu envie de toi depuis ce matin ».

    « Ce matin je me suis branlé en pensant à toi » il me glisse.

    « Moi aussi ».

    « Quel gâchis ».

    « Je ne te le fais pas dire ».

    « Passe une bonne soirée, Nico ».

    « Toi aussi, Jérém, et bon courage pour demain ».

    « Bisous ».

    « Bisous ».

    Ce soir, dans mon lit, j’ai du mal à trouver le sommeil. Je repense aux mots de Julien : « il n’a que 20 ans, laisse-le papillonner ». Et je repense aux mots de Jérém : « On a prévu d’aller prendre un verre avec les gars ». Mais aussi, et surtout, à ses autres mots : « j’ai envie de toi ». Je ne sais pas de quoi demain sera fait. Mais j’ai envie d’y croire. Et je m’endors en pleurant, à la fois de bonheur et de tristesse.

    Mais avant de partir dans les limbes, j’envoie un message à Thibault.

    « Les examens se sont bien passés. Jérém commence les entraînements lundi ».

    « Merci Nico ».

    Commentaires

    ZurilHoros

    07/07/2020 19:31

    « Je touche du doigt le mal que je lui ai fait et qui lui empêche désormais de surmonter la distance créé par la souffrance. Thibault est blessé. Je l’ai blessé. J’ai blessé ce gars qui était mon ami, un ami sincère. Je l’ai blessé parce je n’ai pas su essayer de comprendre que, pour une fois, il ait pu avoir envie de penser à son propre bonheur. Parce que je n’ai pas su comprendre que, sous sa maturité, sa générosité, son altruisme, son abnégation, Thibault est un être sensible, on ne peut plus humain, et amoureux. »

    ZurilHoros

    15/06/2020 20:58

    Cet épisode ressemble à ce qu’il raconte. Quand on rentre de vacances, on trouve que tout à changé, et à la fin de la journée, on est là où on a toujours été, comme si on était jamais parti. 
    On à l’impression de Nico avait quitté Toulouse très longtemps, et à la fin de la lecture, on à l’impression qu’il était avec Jérém à Campan il y a très longtemps. 
    Les premiers instant ou le manque se fait sentir, sont bien décrits et analysés. Avec ce geste d’envoyer un sms qui le soulage, mais tellement momentanément que les heures qui suivent sont encore plus lourdes. On va mieux quand on agit mais ensuite, il faut supporter l’attente. « Est-ce que je suis dans ses pensées autant qu’il est dans les miennes »? c’est à peut près ce qu’il doit se dire. 

    C’est également touchant de savoir qu’il consigne tout ce qu’il a vécu par écrit. Peut être le vit il plus maintenant que sur le moment ou il était plus préoccupé par la présence physique de bomec que par ce qu’il lui montrait. Ca c’est ce que je ressens à partir du récit. 

    Enfin Thibault, un personnage auquel je me suis attaché. Ils ont pris conscience, Jérém et lui, de la profonde, et lancinante détresse qui a pu être la sienne. Nico qui est un garçon très moral, veut soulager sa mauvaise conscience. 
    Fabien, tu as vraiment un don pour écrire des dialogues ciselés, très simples mais très éloquents par rapport aux intentions. On sent la gêne, l’appréhension, l’hésitation chez Nico. Son malaise quoi! On sent la réflexion et la fermeté chez Thibaut. Pas de la colère, pas de la rancoeur, mais l’absolue nécessité de ne plus avoir mal. 
    Je ne comprends pas très bien pourquoi Thibault a été blessé par Nico. Il ne lui a rien fait d’autre que de resté silencieux, assommé, dans des circonstances très particulières. C’est Jérém qui a joué à un sale jeu, c’est lui qui a été très égoïste. Mais on lui pardonne tout à celui-là! 
    A la place de Nico, j’aurais été glacé par cette fin de non recevoir terrible. Après ce coup de froid, je suis content de retrouver Julien qui est un des types les plus sympas que tu aies imaginé. 

    Ce qu’il balance n’est que bon sens, expérience, logique, lucidité. Mais comment un idéaliste comme Nico peut entendre ça? C’est tout juste impensable, ça va le miner, le ronger. A la place de Juju, j’aurais adopté une technique plus light.  
    Du coup, Nico ne va pas passer une bonne nuit et celles qui viennent risques d’être agitées.

    Florentdenon

    18/02/2020 23:44

    Tu cherches vraiment les compliments ! Merci pour ce nouveau bon moment.

    gebl

    04/02/2020 22:43

    trp cool de retrouver cette  séquence
    de vie si agréable à lire

    Yann

    01/02/2020 15:01

    Vraiment très heureux de retrouver le fil de l’histoire et ses protagonistes Nico, Jerem et à nouveau les autres Julien, Thibault, la cousine … Le contre-coup de la séparation est dur. L’amour est le plus beau des sentiments car il comble de bonheur mais il fait d’autant plus souffrir que ce bonheur est intense. Nico a connu cette souffrance alors qu’il aimait Jerem mais croyait que ce sentiment n’était pas partagé et puis après Campan il découvre un Jerem aussi amoureux que lui c’est un autre bonheur plus intense qu’il découvre puisque les sentiments sont partagé et leur séjour à Campan est idyllique. Mais la séparation et la peur pour chacun de perdre l’autre est une nouvelle souffrance de l’amour. Ce que ressent Nico ce jour d’après est admirablement bien décrit et raconté, je le vivais presque : j’ai vraiment adoré.

    Frederic M.

    01/02/2020 09:25

    Jerem est né le 16 octobre ? Tiens, ça me rappelle quelqu’un…

  • JN0220 Saudade.

    JN0220 Saudade.

    Dans la petite maison dans la montagne, le mercredi 12 septembre 2001.

    Après l’amour, je me suis endormi assez rapidement. Je crois que j’ai passé une bonne partie de la nuit dans les bras de mon bobrun. Dans ses bras, mon sommeil était plus apaisé.

    Lorsque j’émerge, le radio-réveil indique 6h52. Je n’ai dormi que 4 heures. Jérém n’est déjà plus au lit.

    Peu à peu, le souvenir de son départ imminent remonte à mon esprit. Mais, très vite, ce sont les souvenirs des images horribles de la veille qui accaparent ma conscience.

    Et avec eux, les questionnements sur l’avenir. Pourquoi se lever ce matin ? Pourquoi se quitter, alors que plus rien n’a de sens ? Pourquoi ne pas tout envoyer valser et rester ensemble, tant qu’on est vivants ? Comment et pourquoi reprendre la vie après ça ? A quoi bon ?

    Et pourtant, la vie a déjà repris autour de moi.

    Un beau feu crépite dans la cheminée. La cafetière chauffe sur la plaque en fonte. Le café est en train de monter avec ce bruit si particulier, accompagné de cet arôme intense qui remplit la pièce, et qui sent le bonheur du réveil aux côtés du gars que j’aime. Un nouveau jour va bientôt se lever.

    Je n’ai pas besoin de chercher Jérém comme la veille. Je reconnais le doux bruit de l’eau de la douche, le délicieux parfum de son gel-douche qui vient titiller mes narines. Puis, c’est le parfum de son déo qui vient exciter mon odorat.

    Quelques instants plus tard, le bogoss déboule de la salle de bain avec un brushing au gel encore humide, la barbe bien taillée, aux contours nets et réguliers, le torse enveloppé par un t-shirt blanc soulignant le relief de ses pecs, la carrure de ses épaules, la puissance de ses biceps, la couleur mate de sa peau, la couleur sombre de ses tatouages. Il traverse la petite pièce bien à l’aise dans son beau boxer orange moulant divinement ses cuisses et ses fesses musclées.

    Tout peut s’effondrer autour de nous, il y a un truc qui ne change pas. C’est la beauté surnaturelle de mon bobrun. Ah, putain, qu’est-ce qu’il est sexy !

    Mais il y a autre chose qui, apparemment, n’a pas changé : c’est son envie de me faire des câlins.

    Me voyant réveillé, il vient dare-dare me faire un bisou.

    « T’as bien dormi ? » il me demande.

    « Dans tes bras, je dors toujours bien ».

    Le bogoss amorce un petit sourire aussi beau que le plus beau des levers de soleil.

    « Et toi, t’as bien dormi ? ».

    « Pas beaucoup ».

    « Ca va aller pour la route ? ».

    « Oui, je vais faire des pauses ».

    « Tu sais où tu vas dormir ce soir ? ».

    « On m’a donné l’adresse d’un hôtel » fait le bobrun, tout en commençant à ramasser ses fringues et en les fourrant en vrac dans son grand sac de sport.

    Je le regarde faire et j’ai envie de pleurer. Le moment de nous séparer approche à grand pas. Les « gestes de l’adieu » s’accomplissent devant mes yeux et j’ai l’impression que je vais crever. Une partie de moi tente toujours de lutter contre l’inéluctable, elle cherche toujours le moyen de ne pas être séparée du gars que j’aime plus que tout au monde. Non, je n’arrive pas encore à accepter le fait que dans une heure ou deux je ne pourrai plus le voir, lui parler, le toucher, le câliner, faire l’amour avec lui.

    Comment arriver à accepter, et même à concevoir, l’idée de me séparer de lui, alors que le seul endroit au monde où je me sens vraiment bien, et où je me sens désormais en sécurité, c’est dans le creux de ses bras ?

    Je n’ai pas envie de me lever, j’ai l’impression que si je reste au lit, je peux arrêter le temps. J’ai besoin d’arrêter le temps. Mais mon bobrun ne semble pas partager ce besoin. Pour lui, tout a l’air de se dérouler normalement, selon « les plans » :

    « Tu passes à la douche, Nico ? ».

    « Ouais » je fais, avec tristesse.

    « Vas-y, alors, après je vais faire un peu de ménage ».

    Je prends une profonde inspiration, et je prends surtout bien sur moi pour quitter les draps. Je me lève d’un bond, je me dirige vers la salle de bain comme un robot, sans regarder en arrière, me faisant violence à chaque pas pour ne pas faire demi-tour.

    J’ouvre l’eau de la douche, je laisse couler. Je lance un regard dans la petite pièce, j’essaie de m’imprégner de chaque détail de cette petite maison du bonheur que je vais quitter d’ici peu. Je fixe mon regard sur chaque objet me parlant de lui. Sa serviette humide accrochée au mur, son t-shirt gris de la veille juste à côté, son boxer abandonné au sol, le gel pour cheveux, le rasoir, le déo posés en vrac sur le rebord du lavabo. J’essaie de m’imprégner de cette « scène du quotidien » partagé avec mon bobrun, j’essaie de graver dans ma mémoire les moments de bonheur que j’ai eu la chance de vivre pendant ces quelques jours. Est-ce que je vais en connaître de semblables à Paris ?

    Je me fais une nouvelle fois violence pour passer sous la douche. Le bruit de l’eau couvre celui de mes sanglots. Après la douche, ma serviette se charge d’éponger tout autant mon corps que mes larmes incessantes. Avant de regagner le petit séjour, j’essaie de me maîtriser. Je ne veux pas gâcher ces derniers moments ensemble avec ma tristesse.

    Lorsque je le rejoins, Jérém est en train de dévorer une épaisse tartine pleine de confiture tout en buvant de bonnes gorgées de café fumant. Oui, définitivement, la vie a repris en ce 12 septembre 2001.

    « Dis-donc, t’avais faim ! ».

    « Grave ! Pas toi ? » il me lance, sur un ton presque insouciant.

    « Si ».

    Oui, moi aussi j’ai faim. Car la veille nous n’avons pas dîné.

    Alors, je mange, beaucoup, malgré la boule au ventre qui grossit de minute en minute. Je sais que je suis en train de vivre notre dernier réveil, notre dernier petit déjeuner ensemble. Je cherche désespérément le moyen d’en profiter un max, de ne pas me laisser gâcher ce moment par ma tristesse. Je cherche, sans trouver. Jérém ne parle pas, moi non plus.

    Je réalise qu’à l’approche d’une séparation, les derniers instants ensemble sont les plus durs et ils sont de plus en plus durs au fur et à mesure que le moment de se quitter approche.

    Les voir glisser sur le silence est tellement frustrant, tellement dur à vivre, tellement cruel qu’une partie de moi commence à souhaiter que ça se termine le plus vite possible.

    Je sais que je regretterai ce souhait dès l’instant où je serai séparé de mon Jérém. Mais là, j’ai juste envie d’être seul et de pleurer son départ.

    Après le petit déjeuner, le bogoss s’attaque au ménage. Je l’aide à ranger, balayer, nettoyer. La pièce étant petite, à plusieurs reprises nous nous encombrons l’un l’autre. Nos épaules se frôlent, nos mains s’effleurent, nos regards se croisent, nos lèvres se cherchent. Je ne suis pas un grand fan du ménage, mais j’adore ce moment, car c’est l’un des derniers que nous partagerons tous les deux avant longtemps. Ce ménage me fait presque oublier que c’est l’un des derniers que nous partagerons tous les deux avant longtemps. Mais lorsqu’il se termine, je sens une nouvelle tristesse m’envahir.

    Après un tour dans la salle de bain pour ramasser ses affaires, Jérém passe un beau jeans délavé et déchiré par endroits.

    C’est à quelque chose près la même tenue qu’il portait le jour de notre première révision. Je le revois, dos contre le mur, les deux extrémités de la ceinture ballantes, la braguette ouverte, un bout du tissu du boxer en vue, déformé par son érection. Et son regard lubrique, sûr qu’il aurait ce qu’il attendait de moi.

    « Je sais que tu veux la voir, alors viens la chercher ».

    Ça ne fait que quatre mois qu’elle a eu lieu, mais j’ai l’impression que c’est déjà si loin !

    Je le regarde boucler les boutons de sa braguette et je me dis qu’on devrait profiter de ces derniers instants pour faire une dernière fois l’amour, ou au moins pour lui faire une dernière pipe. Va savoir quand nous en aurons à nouveau l’occasion.

    Mais ma tristesse provoquée par notre séparation imminente me submerge, et le choc des évènements de la veille est encore plus présent et intolérable à la lumière du jour. Je suis comme tétanisé, je suis perdu. Il ne nous reste qu’une poignée de minutes à partager, et je les regarde défiler sans rien faire pour essayer de les retenir. Et Jérém pas plus que moi. Sa tête est peut-être déjà en voyage pour Paris.

    Je le regarde boucler sa ceinture. Ses gestes sont rapides, assurés, ils ont quelque chose de très viril. Je le regarde passer ses baskets rouges, passer une main dans ses cheveux pour les arranger.

    Je finis par éclater en sanglot.

    Le bobrun me prends dans ses bras et me câline longuement, en silence. Ses caresses et ses bisous ont une délicatesse, une pudeur, une douceur dans lesquelles je ressens la mélancolie qui est la sienne, une mélancolie qui ressemble à la mienne, même si elle se manifeste de façon moins explicite.

    Le contact avec son corps, l’étreinte de ses bras, ses caresses, ses bisous, son empreinte olfactive, la chaleur de sa peau : sa présence a le pouvoir de m’apaiser. Je voudrais que cette étreinte ne se termine jamais.

    Mais l’heure tourne hélas. Et à un moment j’entends le bobrun lâcher :

    « Il va falloir y aller ».

    Un instant plus tard, après un dernier bisou, notre étreinte se relâche.

    Je m’habille à mon tour. Je ramasse mes affaires en silence, tout en regardant le bobrun boucler son sac de sport. Je le regarde emballer sa vie pour pouvoir la transporter ailleurs. Le geste de faire ses bagages prend alors toute une symbolique à mes yeux, la symbolique du départ, du changement, comme s’il apprêtait à devenir quelqu’un d’autre, ailleurs. Loin de moi. J’ai l’impression que je ne pourrai jamais suivre le changement qui va s’opérer dans sa vie et que je serai vite déphasé. Que je ne reconnaîtrai pas mon Jérém lorsque je le reverrai.

    L’idée de la séparation me rend triste comme les pierres, m’envahit jusqu’à me couper le souffle, jusqu’à me donner mal au ventre, jusqu’à me rendre fou.

    Jérém vient de fermer son sac de sport dans un grand bruit de zip. Je le regarde se diriger vers la cheminée, jeter de l’eau sur les braises pour éteindre le feu. La flamme disparaît d’un coup, dans un grand nuage de fumée blanche.

    C’est fini, petite maison à la montagne. Nous allons te quitter. Quitter le bonheur immense que tu nous as offert pendant une poignée de jours magiques. Est-ce que je reverrai un jour cette cheminée allumée ? Est-ce que je retrouverai un jour ce bonheur ?

    Quelques instants plus tard, nous sommes dehors, sous le petit appentis. Nous nous faisons face. C’est toujours violent de croiser son regard brun, et ça l’est encore plus lorsque je réalise qu’il retient la même émotion que la mienne.

    « T’as rien oublié ? » il me demande, la gorge visiblement nouée.

    « Non, je ne crois pas, je ne sais pas » je bafouille, complètement perdu et dépassé par les événements.

    Si, j’ai oublié un truc : une partie de mon cœur. Car elle est restée coincée dans cette maison à la montagne, dans ces montagnes, dans son lit, dans ses bras, et je sais que je ne pourrai jamais la récupérer.

    J’ai envie de pleurer, j’ai envie de crever. Nous nous échangeons des bisous enfiévrés.

    « C’est ici qu’on se quitte ? » je lui demande.

    « Je, je vais passer dire au revoir à Charlène et aux chevaux. Tu viens avec moi ? ».

    Ce petit sursis est à la fois le bienvenu, mais également une prolongation annoncée de ces instants d’adieu de plus en plus pénibles. Et pourtant, j’accepte sans hésitation.

    Jérém monte dans sa voiture, je monte dans la mienne. Je claque la porte et je suis une nouvelle fois en larmes. Je regarde une dernière fois la petite maison laissant échapper un filet de fumée mourant de sa cheminée et je me sens mourir à l’intérieur.

    Je regarde la 205 rouge démarrer, quitter la petite cour, s’engager sur la route, je la suis. J’ai la gorge nouée, la tête proche de l’explosion.

    Lorsque nous arrivons au petit centre équestre, Charlène est en train de petit déjeuner.

    « Je n’arrive pas à décoller ce matin » elle nous confie, alors que la télé repasse en boucle les images des attentats de la veille.

    Après avoir pris un café en sa compagnie, nous descendons au pré pour dire un vrai revoir aux chevaux, chose que nous n’avions pas eu la tête ni le cœur de faire la veille.

    Unico et Tequila sont postés devant le fil, ils nous attendent de pied ferme. Bille aussi. Le petit cheval en forme de boule semble très en forme ce matin, il nous accueille en se roulant sur le dos tout en poussant de courts hennissements. Il a l’air heureux. Cette attitude est sa façon à lui de nous faire partager son bonheur.

    Comme je t’envie, petit cheval, comme je vous envie, Unico et Téquila, vous qui ne savez pas que votre maître va partir et que vous ne le reverrez pas avant longtemps ! Si vous saviez comme je vous envie de ne pas pouvoir pleurer !

    Je regarde mon Jérém faire des papouilles à ses trois équidés. C’est touchant, émouvant.

    Lorsque nous remontons au centre équestre, Charlène est en train de s’éloigner en tracteur, une botte de foin piquée sur la fourche frontale.

    « Elle va revenir dans quelques minutes » fait Jérém, tout en s’allumant une clope.

    Un 4*4 vient d’arriver dans la cour du centre équestre.

    « Salut les gars, comment ça va ce matin ? » nous demande JP, sur un ton chaleureux, tout en nous faisant la bise. Sa barbe est douce, sa gentillesse exquise.

    « Ça va, ça va » fait Jérém « je pars à Paris ce matin. Ils ont fini par m’appeler ».

    « Ah, ça c’est une grande nouvelle ! ».

    « Oui ».

    « C’est un petit oui, ça ».

    « Ça va, ça va ».

    « Je sais que ce n’est pas facile de partir ou de regarder partir quand on est bien avec quelqu’un » fait JP, en regardant Jérém et moi à tour de rôle.

    « Oui, c’est dur » fait Jérém « très dur ».

    Ça me fait plaisir de lui entendre dire, avec ses mots, de l’entendre dire autour de lui. De l’entendre « dire » que c’est dur de partir alors qu’il est bien avec moi.

    « Mais Paris n’est pas à l’autre bout du monde. Et quand deux esprits sont faits pour être ensemble, ils finissent toujours par se retrouver, peu importe la distance, peu importe les circonstances ».

    Ses mots me font du bien.

    « Il faut profiter de la vie, il ne faut pas baisser les bras, il faut croire à l’avenir » continue JP.

    « Pas facile après ce qui s’est passé hier » fait Satine.

    « C’est quand même incroyable qu’on ait pu faire ça, il faut être de sacrés tarés. C’est de la violence gratuite » enchaîne Carine.

     « Ces attentats n’ont absolument rien de gratuit. Au contraire, ils ont une dimension éminemment politique. Dans leur horreur, ils ont une portée historique. Et dans l’histoire, chaque événement survient pour une raison bien précise, même si nous n’arrivons pas à la saisir, ou à la comprendre ».

    « Moi j’ai peur qu’il y ait une troisième guerre mondiale » fait Satine.

    « La réponse à ces attentats va être violente, c’est inévitable. L’Amérique a été attaquée. Elle fera tout pour laver cette offense. Comme après Pearl Harbor, avec Hiroshima et Nagasaki ».

    « Mais la violence n’arrangera rien. Elle tuera des terroristes, certes, mais aussi beaucoup des innocents. Mais elle ne tuera pas le terrorisme. Elle ne fera qu’engendrer encore plus de haine, et cette haine nourrira le terrorisme. On ne pacifie pas avec les armes. On ne fait que préparer les conflits de demain ».

    « Mais qu’est-ce que nous pouvons faire contre cela ? ».

    « Il ne faut pas céder à la peur. Il ne faut surtout pas faire le jeu de ceux qui tentent de la propager. Il ne faut pas faire le jeu de ceux qui veulent terroriser pour appeler la violence. Il faut rester soudés. Et continuer à vivre ».

    La sagesse de JP est une lumière d’espoir dans le brouillard confus de la peur qui m’a envahi depuis la veille. Pourquoi ce ne sont pas des JP qui nous gouvernent ? Le monde irait tellement mieux, je pense.

    « Il va falloir que j’y aille » fait Jérém, tristement.

    « Je te souhaite un bon démarrage à Paris et une belle carrière pleine de succès » fait JP en serrant très fort mon Jérém dans ses bras.

    « Sois heureux là-bas mais n’oublie jamais ce qui te rend vraiment heureux. N’oublie pas que tu as un gars qui t’aime et aussi des amis qui seront toujours là pour toi ».

    Lorsque l’étreinte prend fin, Jérém est visiblement ému, il retient ses larmes de justesse.

    « Viens là, petit con » fait Charlène, émue elle aussi « je suis tellement heureuse pour toi. Mais tu vas me manquer ! ».

    « Vous aussi vous allez me manquer. Mais je reviendrai, je reviendrai bientôt » fait-il, la voix cassée par l’émotion.

    « Toi aussi, Nico, tu vas nous manquer » fait JP « tu reviendras nous voir avec Jérémie, ok ? ».

    « Ok, c’est promis ».

    C’est dur de partir, de quitter ces amis dont la présence nous fait tant de bien. Nous devons nous faire violence pour nous retourner et repartir vers nos voitures.

    « Tu viens avec moi dire au revoir à Martine ? » je l’entends me lancer.

    J’ai envie de le prendre dans mes bras, de mélanger nos émotions, de nous offrir un dernier instant de douceur. Mais Jérém trace tout droit, il semble pressé d’en finir avec cette torture.

    Nous approchons des voitures, le moment de nous séparer approche à grand pas. Non, il n’y aura pas d’autre final pour notre histoire. Le compte à rebours continue, impitoyable. Tout va si vite, c’est si violent. C’est insupportable. J’en ai le souffle coupé, la tête qui tourne, j’ai l’impression que mes jambes vont me faire défaut.

    « Jérém », je l’appelle, alors qu’il a déjà saisi la poignée de la porte de la 205 rouge.

    « Jérém, s’il te plaît » j’insiste, alors que le bobrun ne semble pas réagir à mon premier appel, alors que mes larmes coulent sur mes joues.

    Jérém se retourne et me prend dans ses bras et il me serre très fort contre lui. La puissance de son étreinte, la chaleur de son corps, sa présence olfactive ont une fois de plus le pouvoir de me rassurer et de m’apaiser instantanément.

    C’est doublement dur de le quitter alors que le monde que nous connaissions jusqu’à là s’effondre, alors que la peur se mélange à la tristesse. Est-ce que je serai en sécurité Bordeaux ? Est-ce qu’il sera en sécurité à Paris ? J’ai l’impression que nous ne serons en sécurité que si nous sommes ensemble, pour veiller l’un sur l’autre.

    Je pleure, tout en caressant son cou, sa nuque, ses beaux cheveux bruns.

    « Ne pleure pas, Ourson » je l’entends me chuchoter « sinon tu vas faire pleurer Petit Loup aussi ».

    « Tu aimes, alors, Petit Loup ? ».

    « J’aime beaucoup ».

    « Je ne veux pas qu’on soit séparés ».

    « On se reverra, Ourson, et on s’appellera ».

    « Mais qui sait quand ».

    « Bientôt, bientôt ».

    « Ne m’oublie pas Jérém ».

    « Je ne t’oublierai pas ».

    Pendant le court trajet vers le village, je n’arrive pas à contrôler mes sanglots.

    Après avoir annoncé à Martine la nouvelle du départ de Jérém pour Paris, nous sommes confrontés à des nouveaux adieux émouvants.

    En sortant de l’épicerie, alors que Martine est accaparée par un client, Jérém se saisit de l’un des beaux briquets métalliques exposés au comptoir. Avec un geste assuré et est très viril, il ouvre le capuchon, produisant un intense cliquetis métallique, ainsi qu’une belle flamme puissante.

    Pendant un instant, je crois que Jérém va l’acheter. Mais je me trompe. Un instant plus tard, le bogoss coupe la flamme en refermant le capuchon, deuxième geste bien viril. Et il pose à nouveau le beau briquet à côté des autres.

    Et alors qu’il sort dans la rue tout en s’allumant une nouvelle clope, je lui lance un « J’arrive » et je m’attarde encore quelques instants dans l’épicerie.

    Lorsque je le rejoins, Jérém est sous la halle, au même endroit où il se trouvait le jour où ce week-end magique a commencé. La halle des retrouvailles. La halle de son premier bisou. La halle du bonheur. Et, désormais, la halle de nos adieux.

    « Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? » je l’entends me demander, l’air inquiet.

    Je trouve son attitude terriblement touchante.

    « Je ne sais pas. Mais on va y arriver » je m’entends lui répondre.

    Je m’approche de lui et je le prends dans ses bras.

    « Toi non plus, ne m’oublie pas » je l’entends me chuchoter, la voix étranglée par l’émotion.

    Ses mots et sa tristesse me touchent au plus profond de moi. Je sais désormais que je suis quelqu’un de spécial pour lui. Et pourtant, une partie de moi a envie de lui poser mille questions. Est-ce que nous sommes ensemble pour de bon ? Est-ce que nous sommes un couple ? Qu’est-ce que nous sommes en droit d’attendre l’un de l’autre ?

    Mais je n’ai pas le cœur à ça.

    A l’autre bout de la halle, une femme trace son chemin. Je reconnais en elle la même qui, le jour de nos retrouvailles nous voyant nous embrasser, nous avait regardés de travers. Aujourd’hui, elle nous regarde à nouveau. Et pourtant, son regard me semble moins dur, j’ai presque l’impression que notre émotion la touche aussi.

    « Comment je pourrais t’oublier, Jérém ? Tu es l’amour de ma vie » je finis par lui répondre.

    Et là, je vois le bobrun pencher la tête vers l’avant, porter ses deux mains derrière le cou, et décrocher sa chaînette de mec.

    « Tiens, prends-la avec toi ».

    « Tu rigoles ou quoi ? Je ne peux pas » je fais, bouleversé par son geste.

    « J’insiste ».

    « Non, Jérém, je sais ce qu’elle représente pour toi ».

    « Je veux que tu la gardes ».

    Je suis déboussolé par ce cadeau. Je ne veux pas qu’il se prive de ce souvenir, de cet objet si symbolique.

    « Tu vas la prendre, c’est tout » fait le bobrun, en avançant vers moi, en passant derrière mon dos et en passant le précieux bijou autour de mon cou.

    Je sais que je n’aurai pas gain de cause cette fois-ci non plus. De toute façon, je n’ai ni la force ni l’envie de me « bagarrer » avec mon Jérém.

    Le poids et la chaleur du métal me font du bien. J’ai déjà la chance de la porter en une autre occasion, après que Jérém l’avait perdue chez moi lors de la semaine magique. C’était avant notre séparation brutale à Toulouse. Le poids me parle de sa présence. Mais c’est la première fois qu’elle m’apporte la chaleur de sa peau mate. Et ça me donne mille frissons. Décidemment, cet objet est magique. Ensorcelé à tout jamais par des années au contact avec la mâlitude de mon Jérém.

    « Comme ça je serai toujours avec toi » je l’entends me chuchoter, alors que ses doigts frôlent à plusieurs reprises la peau de ma nuque en essayant de boucler le maillon de raccord.

    « Merci, Jérém, merci ».

    Je suis tellement touché par son geste que, pour un peu, j’en oublierais de lui donner le petit cadeau que j’ai prévu pour lui.

    « Moi aussi j’ai quelque chose pour toi » je lui annonce, en lui tendant le gros briquet en métal qu’il avait essayé en sortant de l’épicerie.

    « C’est quoi, ça ? ».

    « Un petit cadeau. Comme ça, tu penseras souvent à moi ».

    « T’es fou, toi, c’est cher ! ».

    « Ca me fait plaisir, j’ai vu qu’il te faisait envie ».

    Le bogoss saisit le petit mais lourd objet. Ce nouveau contact de ses doigts avec les miens me donne des frissons. Une nouvelle fois, sous l’effet d’un geste rapide et assuré, le capuchon saute, en produisant le cliquetis rapide et bien caractéristique, ainsi qu’une belle flamme jaune et bleue.

    « Je n’en ai jamais eu un de si beau ! » fait-il, tout en me serrant très fort dans mes bras et en plongeant son visage dans le creux de mon épaule.

    « Je sais que tu veux en finir avec les clopes. Mais en attendant ».

    « Tu sais, je crois que je ne suis pas près d’arrêter ».

    « Pourquoi ça ? ».

    « Je stresse, j’ai peur de ne pas y arriver ».

    « Bien sûr que tu vas y arriver, tu es un champion, je crois très fort en toi » je tente de le rassurer, en portant une main sur son épaule charpentée.

    Jérém s’approche de moi et me fait un bisou.

    « Merci Nico ! C’est un très beau cadeau. Mais, tu sais, je n’ai pas besoin de ça pour penser souvent à toi » il me chuchote.

    Nous nous retrouvons dans la même position qu’à Gavarnie, front contre front, nez contre nez, en train de nous échanger des bisous légers, en silence, en retenant nos larmes de justesse. C’est notre façon de nous dire l’un l’autre que nous n’avons pas envie de nous quitter. C’est notre façon de sentir la présence de l’autre le plus intensément possible, comme pour nous en imprégner, pour la porter avec soi malgré la distance.

    Ce sont vraiment nos derniers instants ensemble. J’ai envie de crever. Je souffre déjà le martyre en pressentant le désespoir qui m’envahira dès l’instant où je serai séparé de l’amour de ma vie. Pendant un instant, je suis à deux doigts de lui demander de ne pas partir, de ne pas me quitter.

    Et pourtant, je suis tellement heureux pour ce petit mec qui s’apprête à accomplir son rêve. Heureux et fasciné.

    En effet, qu’est-ce qu’il est craquant ce petit mec qui semble avoir trouvé sa voie, qui s’en va accomplir son destin, qui a les couilles de partir loin, de partir d’une certaine façon « à l’aventure », de quitter sa ville, ses potes, ses repères, de se jeter dans un monde inconnu. J’admire son choix, son courage. Qu’est-ce que je suis fier de lui !

    Et pourtant, en pensant à son départ, je me dis aussi que je ne fais pas le poids face à ses rêves de gloire, que ce qui compte pour lui avant tout c’est sa future carrière, et qu’il serait prêt à tout y sacrifier. Je serais presque sur le point de l’accuser d’égoïsme, et de lui en vouloir.

    Mais est-ce que je peux seulement lui en vouloir d’avoir envie de réaliser son rêve ? De quel droit pourrais-je ne serait-ce qu’imaginer un seul instant lui demander d’y renoncer pour moi ? Aimer, n’est-ce pas être heureux du bonheur de l’autre avant de lui demander de nous rendre heureux de la façon dont nous avons besoin ?

    Quand on aime, on ne peut pas demander de choisir entre l’amour et son rêve. Déjà, parce on ne peut jamais être certain du choix de l’autre. Aussi, je m’en voudrais de l’empêcher de réaliser ses rêves. Lui aussi il m’en voudrait. Il m’en voudrait pour le fait même de le lui demander. De toute façon, il partirait quand même. Et ma tentative désespérée de le retenir gâcherait quelque chose pour tous les deux.

    Pour moi, car je serais confronté à un « non », à un choix qui n’est pas celui que j’attends. Pour lui, car ça lui montrerait que je fais passer mon bonheur avant le sien.

    Alors, pour douloureuse que cette séparation puisse paraître, elle est inévitable. Je n’ai aucun pouvoir de l’empêcher, et il vaut mieux que je ne fasse rien pour l’empêcher.

    Garder un fauve en cage est un geste égoïste. Car c’est précisément sa liberté, son indomptabilité qui nous fascine. Un fauve en cage est triste et malheureux.

    J’ai envie de croire que notre belle histoire ne se finira pas, que ces derniers instants à la montagne ne sont pas un adieu, mais juste un « au revoir ». Non, ça ne peut pas être un adieu, nous sommes trop bien ensemble, notre amour est trop fort, on doit arriver à s’aimer malgré la distance.

    Je tente de me rassurer, de penser positif, mais c’est dur, dur, dur.

    Jérém me regarde droit dans les yeux.

    « Merci encore d’être venu, Nico ».

    « Merci à toi, Jérém, de m’avoir appelé. Ces derniers jours ont été les plus beaux de ma vie ».

    « Ces quelques jours avec toi ont été géniaux ».

    « Je n’aurais jamais pu espérer un meilleur cadeau pour mon anniversaire » je lâche, en réalisant soudainement à quel point j’aurais envie de fêter cette échéance imminente avec lui et à quel point il va me manquer ce jour-là.

    « C’est quand ton anniversaire ? ».

    « Le 15 septembre ».

    Jérém hoche de la tête, il plisse les yeux d’une façon hyper sexy, il amorce un petit sourire plein de tendresse.

    A cet instant précis, j’ai très envie de lui dire je t’aime.

    « Jérém » je me lance.

    « Quoi ? » fait-il, avec beaucoup de douceur.

    « Je t’aime, Jérém Tommasi ! ».

    Jérém, JTM : comme une évidence, un pléonasme bâti autour de la différence d’une simple petite consonne.

    Comme d’habitude, sa seule réponse à mes trois petits mots, les trois petits mots les plus beaux de l’Univers, est de me faire des câlins et des bisous.

    Je sais que je suis quelqu’un de très spécial pour lui. Pendant ces quelques jours, je l’ai senti, il me l’a montré, et il me l’a dit plein de fois. Mais ça me ferait un bien fou de lui entendre dire ces trois petits mots à son tour.

    Je le sais, il m’aime lui aussi, à sa façon. Mais j’ai besoin de lui entendre dire. J’en ai besoin maintenant. Ça me rassurerait, ça m’aiderait à apaiser la tristesse de cette séparation qui me happe comme dans un précipice sans fin. Est-ce qu’un jour j’aurai le bonheur de l’entendre me dire ces trois petits mots magiques ?

    Un simple « moi aussi » ferait l’affaire.

    « Je va vraiment falloir que j’y aille maintenant ».

    Un dernier bisou volé sous la halle, et j’accompagne Jérém à la 205 rouge garée dans la rue.

    « Fais attention sur la route » je lui lance, comme un dernier « je t’aime » déguisé, alors qu’il a déjà ouvert la porte et qu’il s’apprête à s’asseoir au poste de conduite.

    « Toi aussi fais attention à la route, jeune conducteur ».

    Je tends la main vers lui pour caresser une dernière fois ses cheveux bruns. Ses lèvres caressent mes doigts. J’ai l’impression que je vais m’effondrer d’un instant à l’autre.

    « Je t’envoie un message quand j’arrive, si c’est pas trop tard ».

    « Envoie quand même, même si c’est très tard ».

    « Au revoir, Nico ».

    « Au revoir, Jérém ».

    La porte de la voiture se referme dans un claquement sourd et définitif, sans appel. Le moteur démarre.

    Voilà, l’instant de notre séparation est arrivé. Il est là, devant moi. Rien ne peut le repousser. Ainsi se terminent ces petites vacances magiques. Tout simplement. Impitoyablement. Sans musique poignante, sans ralenti d’image qui soulignerait le côté dramatique du moment, sans chute spectaculaire, sans coup de théâtre imprévu qui changerait le scénario écrit d’avance. L’instant d’avant on était encore ensemble, l’instant d’après on est séparés.

    Je regarde la 205 rouge quitter le parking et rouler droit devant elle, les larmes aux yeux. Je la regarde s’éloigner, devenir de plus en plus petite au fur et à mesure qu’elle prend de la distance. La 205 rouge s’en va, elle amène loin le gars que j’aime, loin de moi.

    Je suis pétrifié de peurs. La peur de le perdre, la peur qu’il lui arrive quelque chose, la peur de ne plus jamais le revoir.

    J’ai envie de l’appeler, de lui dire de faire demi-tour, de m’amener à Paris avec lui. Mais je ne le fais pas. Qu’est-ce que je ferais à Paris avec lui ? Est-ce qu’il voudrait de moi à Paris ?

    Le ciel est couvert, il fait froid. Lorsqu’il fait gris, le paysage de la montagne s’habille de couleurs ternes. Et cela s’emmêle à ma tristesse, lui offrant un terreau fertile.

    Je regarde la 205 jusqu’à ce qu’elle disparaisse de ma vue, engloutie par le brouillard. Et même après, il se passe un long moment avant que j’arrive à quitter la rue des yeux.

    Je suis son ourson, il est mon petit loup, j’ai sa chaînette, je ne la quitterai jamais. Il a mon briquet, il pensera à moi à chaque fois qu’il allumera une clope. Je m’accroche à cela pour empêcher la douleur de me terrasser.

    Je me dirige vers ma voiture, mais je n’ai pas envie de prendre la route. Ce petit village où j’ai passé les moments les plus heureux de ma vie semble me retenir.

    Je ne peux m’empêcher de faire un dernier tour à l’épicerie. Sous prétexte d’acheter un truc à boire, j’ai envie de prolonger un peu plus mon séjour à la montagne.

    « Oh, Nico, t’as l’air à ramasser à la petite cuillère » fait Martine, sans détour.

    « C’est dur de le voir partir ».

    « Mais vous allez vous revoir, j’en suis certaine ».

    « Alors, il a aimé le briquet ? » elle enchaîne.

    « Je crois que oui ».

    « Ca m’a fait plaisir de te rencontrer Nico, et je suis certaine que ceci n’est qu’un au revoir et que nous reverrons bientôt ».

    Les mots et l’accolade de Martine me font un bien fou. Je trouve enfin le courage de rejoindre ma voiture et de quitter ce petit Paradis sur terre.

    A la sortie du village, le brouillard m’enveloppe. Il fait gris, il fait humide, il fait hiver. A l’horizon, les nuages et le brouillard se confondent, la terre et le ciel se mélangent.

    Mon regard est une dernière fois happé par les éléments simples et puissants, immuables, l’eau, la roche, par la nature indomptée de la montagne, une nature qui force le respect et remet à sa place. Une nature qui impressionne et qui ramène à l’humilité.

    Les larmes aux yeux, je zappe la radio. J’ai besoin de musique pour me changer les idées, pour m’empêcher de penser à cette séparation, pour ne pas devenir fou. Je zappe jusqu’à capter les rares fréquences qui passent entre ces montagnes.

    Mais à chaque fois je tombe sur des émissions qui parlent d’une seule et unique info, les horribles événements de la veille.

    En roulant, je regarde les maisons, les arbres, les rues, les villages, les commerces, les voitures, les passants. Tout me paraît étranger, comme si je revenais après un très long voyage et que tout avait changé pendant mon absence. J’ai l’impression que depuis 24 heures, il s’est écoulé un siècle. En écoutant les infos, je réalise que je vais retrouver un monde qui n’est plus celui que j’avais quitté en montant quatre jours plus tôt.

    J’écoute juste quelques instants, pour m’assurer que rien de nouveau ne s’est produit pendant la nuit. Je suis soulagé de savoir qu’il ne s’est rien passé de plus, à part l’effondrement d’un nouvel immeuble à Manhattan, touché par la chute des deux tours jumelles.

    Mais je n’ai pas envie d’entendre les détails macabres de la catastrophe. Je vais assez mal, j’ai assez peur, je n’ai pas la force d’en rajouter. Alors je continue de zapper. Je fais plusieurs fois le tour de la bande FM, avant de tomber sur une voix que je reconnais instantanément. C’est la voix féminine qui racontait l’histoire de Starmania dans l’émission passionnante sur laquelle j’étais tombé la veille en montant vers Gavarnie avec Jérém.

    [« Et maintenant, la suite de notre émission consacrée à Starmania. L’opéra-rock fourmille de thèmes toujours d’actualité. On pourrait songer à l’omniprésence du béton et des matières artificielles, aux villes tentaculaires aux gratte-ciels vertigineux, à ce numéro sur le dos évoqué dans la chanson Monopolis, désormais concrétisé par ce numéro de portable que chacun traîne avec soi et qui permet de nous tracer, de nous surveiller.

    On peut penser au pouvoir de la télévision (et désormais d’Internet) dans un monde hyper-médiatisé, à son rôle dans la manipulation de l’information, à sa contribution dans la création du consensus autour d’une classe dirigeante qui mène des politiques qui vont souvent à l’encontre de l’intérêt général, au profit d’une poignée de nantis amis du pouvoir qui tirent les ficelles. A l’opposition entre le monde Occidental, garant de la liberté, et le Tiers Monde obscurantiste.

    Le monde dépeint par Starmania semble oppressé, dominé par la consommation et dénué de liberté d’expression. La société elle-même semble soigneusement structurée et organisée, ne laissant guère de place à des idées différentes, ou autre chose que ce qui est déjà programmé par la pensée unique.

    Tout cela est bien représenté par le discours électoral de Zéro Janvier, frappant de similarité avec les pires paroles politiques d’aujourd’hui : »].

    Pour enrayer la nouvelle vague terroriste/Nous prendrons des mesures extrémistes

    Nous imposerons le retour à l’ordre/Si on ne peut pas vivre dans la concorde

    Nous mettrons la capitale/Sous la loi martiale

    (,)

    Si on veut éviter de faire que la terre/Devienne un jour un seul pays totalitaire

    L’Occident doit fermer ses frontières/A toute influence étrangère

    (,)

    Cessons de nous ruiner pour le tiers-monde/Qui nous remerciera bientôt avec des bombes

    Assurons d’abord notre survivance/Je suis pour l’Occident l’homme de la dernière chance

    [« Zéro Janvier n’est qu’un avatar de tous les hommes politiques autoritaires qui se transforment en dictateur, tant en mots qu’en apparence. Ses chances de gagner sont assurées car, en plus d’être probablement le plus riche homme de l’Occident, il n’hésite pas à se marier à Stella Spotlight, star en pleine déchéance, pour assurer son image dans le show-business. Autant de choses qui, réunies dans une seule main, peuvent mener à la dictature.

    Face à ce danger, les Étoiles Noires font donc rapidement figure d’anarchistes, de bandes de jeunes voulant seulement perturber l’ordre public, cherchant à combattre la société en place qui n’œuvre pas pour le bonheur du plus grand nombre.

    Ils projettent de commettre un attentat contre le candidat favori des élections. Mais Sadia retourne sa veste en révélant ce projet à Zéro Janvier, pour qui elle travaillait depuis le début.

    Sadia est probablement l’un des personnages les plus intéressants de l’opéra-rock. Son but n’aura été que de pousser les Étoiles Noires à répandre la terreur dans la population, pour mieux assurer une victoire électorale à l’Etat policier de Zéro Janvier »].

    Quand tout l’monde dort tranquille/Dans les banlieues-dortoir

    On voit les Etoiles Noires/Descendre sur la ville

     (,) C’est la panique sur les boulevards/Quand on arrive en ville

    Il se passe quelque chose à Monopolis/

    Quand le soleil se couche tout l’Occident a peur

    L’histoire développée dans Starmania a un écho particulier après les événements de la ville. J’en ai des frissons dans le dos.

    [« L’opéra-rock interpelle forcément » continue l’animatrice « car les thèmes de Starmania sont intemporels et, on peut le dire, visionnaires. Nous les vivons tous les jours. Starmania est une réflexion sur nos vies, si riches de choses matérielles, mais si pauvres et vides à bien des égards. Car, au final, seul l’amour compte. Starmania dit tout cela.

    D’ailleurs, la solitude est l’un des thèmes principaux de l’opéra rock »].

    On dort les uns contre les autres/On vit les uns avec les autres

    On se caresse on se cajole/On se comprend on se console

    Mais au bout du compte/On se rend compte

    Qu’on est toujours tout seul au monde

    On danse les uns avec les autres/On court les uns après les autres

    On se déteste on se déchire/On se détruit on se désire

    Mais au bout du compte/On se rend compte

    Qu’on est toujours tout seul au monde

    [,]

    Nos planètes se séparent/Aujourd’hui pour toujours

    Faut pas me retenir, m’en vouloir/Si je pars

    Nos planètes se séparent/Comme la nuit et le jour

    [,]

    A quoi sert de vivre/S’il faut vivre/Sans amour

    Evidemment, les couplets de cette chanson ont une résonance particulière en moi. Mille questions ressurgissent à mon esprit. Quelle va être la suite de notre histoire ? Est-ce que nous arriverons à nous voir régulièrement ? Est-ce que la distance physique ne mettra pas de la distance entre nos sentiments ? Comment Jérém voit les choses, notre avenir, qu’est-ce qu’il est vraiment prêt à assumer ? Est-ce qu’une fois qu’il sera à Paris, il se souviendra de qu’on a vécu à Campan dans la petite maison en pierre ?

    Je ne lui ai pas demandé tant qu’il était temps de le faire et maintenant c’est trop tard. Est-ce qu’il m’aurait répondu seulement ? Et de quelle façon ?

    J’ai tellement envie de pleurer.

    [« Et c’est une nouvelle fois la lucidité de Marie-Jeanne, la serveuse automate, que nous retrouvons dans le grand final de l’opéra »] annonce l’animatrice de l’émission.

    J’ai la tête qui éclate/J’voudrais seulement dormir/M’étendre sur l’asphalte/Et me laisser mourir

    Stone/Le monde est stone/Je cherche le soleil/Au milieu de la nuit

    (,) J’ai plus envie d’me battre/J’ai plus envie d’courir

    Comme tous ces automates/Qui bâtissent des empires

    Que le vent peut détruire/Comme des châteaux de cartes

    Stone/Le monde est stone

    (,) J’sais pas si c’est la terre/Qui tourne à l’envers

    Ou bien si c’est moi/Qui m’fais du cinéma/Qui m’fais mon cinéma

    J’ai envie de pleurer et je pleure à chaudes larmes.

    L’émission se termine, suivie d’une longue page de pub que je gobe pendant un long moment avant de trouver le courage de recommencer à zapper.

    Je zappe longuement en évitant les infos omniprésentes, je zappe jusqu’à tomber sur une chanson dont je ne comprends pas les mots mais dont la musique, la voix et la mélancolie s’accordent bien à ma propre mélancolie.

    [« Saudade est un mot portugais, du latin solitas » explique l’animateur « qui exprime un sentiment complexe où se mêle mélancolie, nostalgie et espoir. Saudade est un mot portugais difficile à traduire.

    Le dictionnaire français Larousse le définit comme « sentiment de délicieuse nostalgie, désir d’ailleurs » mais il n’y a pas de mot exact qui correspond à Saudade en français.

    La saudade est une « tension entre contraires » : d’une part le sentiment d’un manque, d’autre part l’espoir et le désir de retrouver ce qui nous manque. L’objet du manque peut-être un passé heureux, une personne ou encore un lieu. Lors des conquêtes portugaises en Afrique, la saudade exprimait notamment le désir des colons de retrouver leur pays.

    Ce sentiment met en jeu une certaine relation au temps : c’est une manière « d’être présent dans le passé, ou d’être passé dans le présent »].

    C’est exactement le sentiment qui m’habite à cet instant précis.

    Dans ma tête prennent forme des couplets que j’écrirai dès mon retour sur Toulouse le soir même.

    Saudade, quand ta voiture s’éloigne

    Et je ne sais pas quand on se reverra

    Saudade, quand la distance devient injustice

    Car je voudrais que tu sois dans mes bras

    Saudade, une solitude dans laquelle tu es bien présent

    Avec nos rires, ta voix qui me touche et me fait vibrer

    Saudade, me demander quand tu reviendras, si tu reviendras

    Repenser à tes mots, « on se reverra, ourson », qui font chaud au cœur

    Saudade, lorsque j’appelle ton nom jusqu’à en perdre le souffle

    Et je pleure en comptant chaque minute qui nous sépare

    Il est 22 heures passées, je viens de griffonner sur un papier ces quelques mots, allongé sur mon lit, dans la pénombre de ma chambre. Et mon portable se met à couiner. Mon cœur fait une accélération digne d’un moteur de Ferrari. Pendant un instant, je fixe mon téléphone, incapable de le saisir. Je me demande ce que je vais trouver dans ce message qui vient d’arriver.

    Mais très vite, je succombe à l’impatience de savoir.

    « Je sui bien arrive. Tu me manque ».

    Et je pleure à chaudes larmes.

    Chers lecteurs,

    Merci de votre fidélité et de votre comprehension.

    Un merci particulier à ceux qui laissent des commentaires.

    Fabien

    Commentaires

    ZurilHoros

    15/06/2020 20:16

    C’est l’épilogue d’un chapitre qui débute par un appel téléphonique inattendu. Entre le départ improvisé de Nico de Toulouse à Campan et cet épisode, il ne se passe que trois jours. Tout ce qui était en gestation depuis la fin de la saison 1 a trouvé à s’accomplir et comme lecteur j’en ressors avec le sentiment de ne plus être dans le même trip. Je ne l’a pas vu venir, car le narrateur prend son temps pour redessiner ses personnages. 20 épisodes, c’est beaucoup. En distillant des détails, en débusquant les intentions, jusque là encore secrètes de la saison 1, en dévoilant des pans de la vie jusque là insoupçonnés de Jérémie, Fabien éclaire d’un jour nouveau le personnage. Le paysage aussi a changé, au propre et au figuré, de Toulouse, on est passe à la montagne et l’horizon se dégage pour permettre de voir plus loin. 

    Si j’ai aimé la saison 1, j’ai une très nette préférence pour la saison 2 qui me parait plus forte. Jérémie n’est plus simplement le fantasme de Nico mais il devient quelqu’un. Donc, c’est Nicolas et Jérémie en parallèle et à égalité. 

    Les fins de vacances sont toujours un peu pénibles. On est un peu triste de voir Nico aider bomec à ranger en silence en essayant de cacher sa peine. Ranger, dire au revoir aux gens du centre, se dire au revoir. 
    Nico est en pleine régression, il pense avec le champ lexical d’un enfant de 8 ans. « Au revoir petite maison, petit centre, petit cheval » . Du coup Jérémie doit se montrer plus fort et comme il l’est déjà, du moins en apparence, il renforce son statut de mâle avec un M.  
    Non, il n’est pas ridicule le Nico qui éclate en sanglot devant le bite dressé de bomec. C’était juste une tentative inutile de lui montrer qu’il existe, mais bomec comprend tout ça très bien. Il le lui montrera plus tard.
    J’aime bien dire bonjour mais pas au revoir et en lisant ce chapitre, je comprends pourquoi. On entend des phrases toutes faites, d’autres qui nous déchirent, on des pensées contradictoires. 
    Je ne te jugerais pas Nico, tu aimerais que Jérém renonce à tout pour rester avec toi. Je connais ça. Mais toi aussi tu vas grandir LOL 

    « Ne pleure pas, Ourson » je l’entends me chuchoter « sinon tu vas faire pleurer Petit Loup aussi… ». C’est clair qu’il a vraiment réussi à se faire prendre en charge comme un bébé, mais c’est peut être ce qu’attend Jérém, sans en être conscient. 

    Toutefois, il y a une différence entre les deux. Quand ils se seront quitté, Nico va rester le monde qu’il connait, il va passer de lycéen à étudiant. Il ne se projette pas encore dans une vie d’adulte, alors que Jérém, même affecté par son départ, est déjà ailleurs. Il a quelque chose à faire, des défis à relever, et sa vie futur en dépend. C’est ici et maintenant. Pas comme Nico, qui n’a devant lui que des partielles, des trimestres à valider…
    Est ce que cela explique une relative distance de Jérémie, ou est ce qu’il s’efforce d’être fort pour deux. 
    C’est sûr qu’il y a une différence entre le « merci d’être venu » de Jérémie et  le « je t’aime » de Nicolas. 
    En lisant, je me suis dit qu’un timide « moi aussi » aurait été bienvenu, souhaitable. Il ne viendra pas. Pourquoi? 
    Est ce que Jérém mesure mieux le poids des mots. Alors qu’il n’a que 18 ans, Nico lui dit « tu es l’amour de ma vie », Bomec pense peut être, comme dans une chanson de Barbara 
    « Je t’aime pour la vie ! faut se méfier, c’est long Chéri, la vie ». 

    Toutefois, Jérémie offre à son copain un très beau cadeau dont le symbole n’échappe pas à Nico. Ce n’est pas ce que je retrouve dans les commentaires que je peux lire, mais il me semble que Jérémie à plus d’authenticité dans son affection. Il ne cherche pas, ou plus, à formater Nico selon ses besoins. Nico est un peu… comment dire! 

    Le chapitre se referme sur Nico, dans sa chambre, à Toulouse. Le soir il écrit les souvenir de ce we sur un papier quand il reçoit un sms de Jérém. Il est bien arrivé à Paris. 

    Merci pour ce très beau et tendre récit dont on espère (ou dont j’espère) qu’il finisse bien, en les faisant sortir par le haut, quelque soit ce haut.

    ZurilHoros

    26/05/2020 18:38

    C’est un épisode très réussi et qui ouvre des possibilités infinies pour la suite 

    richard24

    20/01/2020 17:40

    Cher FABIEN
    J’ai découvert ton histoire il y a 1 mois et je viens de finir la deuxième relecture de tous les épisodes.
    Quelle claque!!! on passe par tous les sentiments, puis les larmes et aussi tes descriptions des scènes de sexe et des ressentis de Nico, ouff!!!!
    Je crois qu’il n’ y a pas un lecteur qui ne se soit pas retrouvé dans un des chapîtres
    J’ attends fébrilement la suite,
    Bravo et à bientôt

    Etienne

    10/12/2019 21:48

    Whaou !!! Merci Fabien pour cette escapade à la montagne. Toutes ces émotions si bien décrites.
    Profite toi aussi du temps qui passe avec celui, ceux, que tu aimes.
    … et vivement janvier !

    Florentdenon@hotmail

    02/12/2019 21:42

    C’est un recit tellement empli de verite que l’on peut etre triste avec le narrateur. Merci encore pour ces emotions. J’espere que Nico/Fabien reste avec nous.

    lolo1965

    27/11/2019 20:45

    Comme on s’y attendait la séparation est douloureuse vive et poignante et tellement bien racontée que l’on souffre avec eux Pourvu que leurs retrouvailles soient de la même trempe car on a envie de connaitre la suite et de vivre de nouvelles belles aventures avec nos 2 petits choux Merci à toi Fabien pour nous faire partager cette magnifique histoire Profites bien de se repos bien mérité Passes de belles fêtes de Noël et profites de cette ambiance festive et douce pour donner un bel élan à ton histoire pour bien démarrer 2020 avec de bonnes vibrations car nous en avons tous besoin je pense

    Arnaut

    27/11/2019 07:39

    Très belle histoire parfois dure mais tellement réaliste. Merci au talent du narrateur. Vivement la suite.

    izzyyuki

    25/11/2019 21:59

    Merci et Hâte de lire la suite
    A en janvier 🙂

    GEBL

    21/11/2019 21:32

    Simplement MERCI

    Yann

    21/11/2019 18:50

    Comme on pouvait s’y attendre, cet épisode est poignant, bouleversant. C’est aussi un magnifique cadeau avant l’heure car les sentiments partagés de Jerem et Nico entre tendresse, sensibilité, tristesse sont tellement bien racontés. Ces épisodes qui racontent ces quelques jours à Campan marquent  un « sommet » dans toute cette histoire. Vivement leurs premières retrouvailles …
    Yann

  • JN0219 La fin des illusions.

    JN0219 La fin des illusions.

    Campan, le mardi 11 septembre 2001.

    Lorsque le deuxième avion frappe la tour Sud en direct à la télé, j’ai la tête qui tourne comme si on m’avait mis un coup de poing en pleine figure. C’est irréel, atroce, terrifiant. Là c’est clair que ce ne peut pas être un accident.

    Je pense aux gens qui étaient dans les avions, je pense à ceux qui sont dans la deuxième tour. Il va y avoir des morts, beaucoup de morts. Je suis pris par une intense sensation de dégoût, je crois que je vais vomir.

    Les images au sol montrent des pompiers en train d’accourir sur les lieux pour porter secours. Je les regarde s’engouffrer dans les immeubles, partir au cœur de la catastrophe pour essayer de sauver des vies. Plus que jamais j’admire leur courage et leur dévouement dans leurs mission. Les secours contre les attaques sanglantes, les pompiers contre les terroristes, ou tout ce que l’Humanité peut produire de meilleur vs tout ce que l’Humanité peut produire de pire. Combien de ces gars et de ces femmes héroïques vont perdre leur vie dans cette catastrophe en essayant d’en sauver d’autres ? Est-ce que les tours vont tenir le coup ? Combien de morts civils ? Des dizaines, des centaines ?

    Soudain, je pense à Thibault. Si une catastrophe semblable devait arriver à Toulouse, il serait très probablement en première ligne. Il prendrait tous les risques pour accomplir sa mission. Un frisson parcourt mon dos et provoque une douleur intense à hauteur des cervicales. Combien d’adorables Thibault parmi ces soldats du feu à l’autre bout de l’Atlantique ?

    Nous sommes incapables de quitter la télévision des yeux. Je regarde les images, j’écoute la voix de l’animateur scander les détails de la catastrophe. J’entends le bruit des sirènes, les cris de gens terrifiés, la bande son d’une ville en guerre. Plus les minutes passent, plus ce que je vois me glace le sang. Je suis paralysé, crispé par une terreur jamais connue auparavant.

    A un moment, je me surprends à me déconnecter du flot incessant d’infos et d’horreurs. Comme dans les récits de voyages astraux, lorsqu’on regarde son propre corps depuis le plafond. Le son de la télé m’arrive comme filtré par une épaisseur d’eau. C’est un silence lourd, violent, traumatisant, irréel lui aussi. C’est le silence de la terreur. Tout semble s’être figé autour de nous.

    Je regarde Jérém, je regarde Charlène. Je n’arrive pas à croiser leurs regards, rivés sur l’écran, ni à attirer leur attention, avide de la moindre info, ni à me connecter à leurs esprits, happés par l’impensable. L’un comme l’autre, ont l’air perdus, désorientés. A quoi pensent l’un et l’autre devant ces images ?

    Je n’avais encore jamais vu mon Jérém dans cet état. On n’est pas préparé à tant d’horreur. Dans son attitude, j’ai l’impression de déceler un effroi qui ne fait qu’accroître encore le mien.

    Mais la sidération de Charlène me touche encore davantage que celle de Jérém. Car si Jérém est un mec, c’est un jeune mec. Il a mon âge, à un an près. Je peux comprendre qu’il soit secoué.

    Mais Charlène, c’est une adulte. C’est une autre génération. Elle n’a pas connu la guerre non plus, mais elle doit forcément avoir de l’expérience, du recul.

    Je n’avais jamais eu l’occasion de voir un adulte terrifié. Voir un adulte paniquer, c’est terrible. A cet instant précis, je réalise que les adultes aussi peuvent être effrayés comme des enfants. Car on est tous des enfants face à ce qui nous dépasse.

    Devant le regard désemparé de Charlène, je sens une peur et un désespoir immenses m’envahir. Je me souviendrai à tout jamais du regard terrifié de Charlène. Tout comme je me souviendrai toute ma vie de cette journée, de ces instants où le monde a basculé dans la terreur.

    Les mots « attentat terroriste » tournent en boucle dans la bouche de l’animateur. Avec des détails de plus en plus précis sur le nombre de « tarés des airs » à l’origine de tout cela.

    J’ai la sensation d’avoir été poignardé en plein dans le dos. J’ai du mal à seulement imaginer qu’un esprit humain ait pu concevoir tant de mal. Pourquoi ? Comment on a pu en arriver là ? Qui a voulu ça ? Pourquoi ? A qui profitent ces attentats ?

    Mais aussi, comment tout cela a pu se produire, à fortiori dans la plus grande puissance économique et militaire du monde ? Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de contrôles suffisants aux embarquements des aéroports pour prévenir ce genre de risque ? Où étaient les services de renseignements bien connus, CIA et FBI ? Et le Pentagone ? Ça sert à quoi tous ces milliards alloués à la défense nationale ?

    Je ressens du vertige, et un malaise de plus en plus profond. J’ai l’impression que, minute après minute, l’écran aspire toute mon énergie, ma joie, mon âme. La mienne, tout comme celle de Jérém et celle de Charlène. Et, je l’imagine, celle des millions et des milliards de personnes à travers le monde qui sont devant leurs télés à cet instant précis.

    J’ai les mâchoires serrées, j’ai du mal à respirer, j’ai l’impression qu’après ça rien ne sera plus pareil et que le mot bonheur sera rayé à tout jamais de la face de la Terre. Devant la télé ou tout ce que j’ai connu jusque-là semble en train de basculer à tout jamais, j’ai l’impression que mon âme est touchée et abîmée pour toujours.

    Le sentiment d’horreur monte encore d’un cran lorsque l’animateur commence à parler de la stabilité des tours, de leur capacité présumée à tenir debout après un tel impact. La simple évocation de leur solidité suffit pour installer le doute sur le fait qu’elles puissent au contraire ne pas résister à l’attaque.

    Non, ça ne peut pas arriver, ça ne doit pas arriver ! Pitié, non, pas ça ! Combien de gens sont encore à l’intérieur ? Combien de pompiers ? Combien de gens vont perdre la vie si tout cela s’effondre ? Des centaines ? Des milliers ?

    Scotché devant la télé, devant ces images de guerre, je prends brutalement conscience de la fragilité de l’Homme, de la civilisation, de la paix, du monde tel qu’on le connaît. Ou qu’on se l’imagine.

    Les commentaires affolés de l’animateur, lui aussi visiblement secoué, ne font qu’alimenter la panique face à ce cauchemar. Un cauchemar, hélas, loin d’être terminé.

    Il est presque 16 heures lorsqu’on apprend qu’un troisième avion de ligne se serait écrasé sur le Pentagone. Le Pentagone, rien que ça. Le siège de la puissance militaire américaine vient d’être touché à son tour par une attaque terroriste. Mais comment est-ce possible, comment ? Jusqu’à quand ça va continuer à frapper, combien de fois encore, à combien d’endroits ?

    J’ai l’impression que c’est la fin du monde, l’apocalypse, le jour du jugement dernier tel qu’on me l’a enseigné au catéchisme.

    Une vue grand angle de Manhattan nous montre les deux tours en feu. Les deux panaches de fumée noire qui s’en échappent défigurent le ciel bleu et transforment les Streets en paysage lunaire. Depuis son îlot, la Statue de la Liberté semble regarder ce désastre, impuissante.

    Le journaliste parle de dizaines de milliers de personnes travaillant dans les tours. Combien ont déjà péri, combien ont pu sortir, se mettre à l’abri ?

    Je me surprends à prier pour que les tours tiennent bon, pour qu’elles ne s’effondrent pas.

    Combien de temps pour effacer tout ça, ces cicatrices, ce traumatisme, combien de temps pour que la ville retrouve sa splendeur d’avant ? Comment effacer toute cette souffrance ? Est-ce qu’il est seulement possible d’effacer un tel traumatisme de la mémoire de ceux qui l’on vécu et qui ont survécu, de ceux qui ont perdu des proches, de ceux qui l’ont vécu dans leur ville, dans leur pays, dans leur chair ? De ceux qui ont vu la mort en face ?

    Plan serré sur l’une des tours en feu. Quelque chose tombe le long de la façade en verre. Un, deux, dix points noirs traversent l’écran de haut en bas. Et l’horreur s’ajoute à l’horreur lorsque l’animateur explique que des gens pris au piège et en proie à la panique se jettent dans le vide.

    Ces corps courbés comme des « virgules noires », comme on les appellera plus tard, sautent par douzaines des fenêtres du bâtiment en feu, se tenant parfois la main.

    Il n’y a même plus de mot pour décrire ce que je ressens en voyant ces images.

    Et pourtant, le cauchemar est toujours loin d’être terminé. Très loin.

    « Oh, my God ! Oh, my God ! » on entend crier soudain de toute part.

    Il me faut un instant pour réaliser ce qui se passe.

    Charlène pousse un cri d’horreur.

    La deuxième tour percutée est en train de s’effondrer comme un château de cartes, emportant avec elle l’illusion que les morts ne puissent se compter que par centaines.

    Un immense nuage de débris et de poussières provoqué par le souffle de l’effondrement envahit les rues comme un tsunami. La télé montre des gens qui courent dans la rue pour ne pas être percutés, ensevelis.

    J’ai froid, très froid et je ne peux m’empêcher de trembler. J’ai l’impression que le sang se glace dans mes veines. Je suis tétanisé. Jérém me serre très fort la main.

    La tour vient de tomber et j’ai l’impression qu’on m’a arraché un bras. Des cris paniqués résonnent partout. Combien de morts civils, combien d’innocents, combien de pompiers ? Pourvu qu’au moins la deuxième tour tienne bon !

    J’assiste à l’apocalypse, et ça se passe à New York. Des avions ont été lancés contre le symbole même de la ville, la ville de tous les rêves, l’une des destinations que je rêvais de visiter un jour.

    Soudain, je repense à une conversation de la veille, pendant le repas chez Florian. Je repense à Carine qui voulait voir les tours jumelles de près et qui regrettait de ne pouvoir se trouver à New York en ce moment même. Et je repense à cette phrase tristement anti-prophétique de Martine : « Tu vas attendre l’année prochaine, tes tours ne vont pas s’envoler ! ».

    Mais le cauchemar n’est toujours pas terminé. Il nous réserve encore deux horribles rebondissements.

    D’abord, un animateur nous annonce qu’un quatrième avion s’est écrasé en Pennsylvanie, en rase campagne. On apprend qu’il se dirigeait sur Washington et que la Maison Blanche était probablement visée.

    Puis, quelques minutes plus tard, la tour nord s’effondre à son tour. Sa chute nous donne définitivement la certitude que ces attentats se solderont avec un bilan humain atroce.

    Un malaise immense se propage dans mon esprit, j’en ai l’estomac remué, la tête qui tourne, et je me demande si je ne vais pas vomir ou perdre connaissance.

    Je ressens l’horrible mais intense sensation qu’un nouveau membre m’a été arraché et qu’il gît béant, au sol, devant mes yeux.

    Je fixe la télé et l’impression de sentir monter de l’écran, avec les images atroces et les sons glaçants, l’odeur de feu, de poussière, de fumée, d’incendie, de sang, de chair déchirée, de corps brisés, calcinés. C’est l’odeur d’une blessure tellement grave infligée à l’Humanité qu’elle n’en guérira jamais, un traumatisme capable de faire revenir nos civilisations en arrière de plusieurs décennies, si ce n’est des siècles, à une époque de barbarie sans nom.

    J’ai peur, très peur, j’ai envie de pleurer. Et je finis par pleurer, en tremblant comme une feuille. Je serre un peu plus fort la main de Jérém, il serre la mienne un peu plus fort aussi.

    Nous sommes tous abasourdis, assommés. En 1h30, nous avons été les spectateurs du film catastrophe de loin le plus marquant de l’histoire. Aucun scénariste hollywoodien, même pas le plus tordu, n’aurait pu seulement imaginer un truc pareil.

    On vient d’assister au dernier acte de la terreur des cieux mais à cet instant précis nous ne savons pas que c’est le dernier. Nous restons longtemps devant la télé, en attendant des nouvelles horreurs.

    Nous vivons dans la terreur, en nous demandant ce qui va encore se passer et où. Où ça va frapper maintenant, dans une minute, dans une heure, demain, après demain ? Et si ça arrivait à Paris ? Ou à Toulouse ? Où serons nous désormais en sécurité ? Où nous sentirions nous désormais en sécurité ?

    La peur s’installe dans les esprits. On savait déjà que le terrorisme existait. Mais là, il prend une dimension inédite. La menace d’un terrorisme plus puissant et implacable que jamais vient de surgir de nulle part et nous prend par surprise.

    Ce jour a certainement changé la face du monde. Le 11 septembre 2001, je le vois un peu comme « ma » chute du Mur de Berlin. Trop jeune à l’époque de ce qui s’était passé en 1989, je n’ai pas vraiment eu conscience sur le moment de cet événement marquant qui a tourné une page d’histoire.

    Les gens qui l’ont vécu, ont compris d’emblée qu’il y aurait un avant et un après la chute du mur. Et je crois qu’on sait tous qu’il y aura un avant et un après les attaques des tours jumelles.

    Avant ce 11 septembre, la naïveté de mes 18 ans m’amenait à croire que le monde dans lequel je vivais pouvait me garantir la sécurité, la liberté, la paix, le bien-être économique, l’état de droit, un avenir radieux. Et qu’il pouvait le faire indéfiniment, quoi qu’il arrive. Comme si tout cela était acquis.

    Hier encore, le 10 septembre 2001, cette naïveté me faisant oublier que le monde que je connaissais ne s’était construit que tout récemment, peu avant ma naissance. Que ça ne faisait même pas soixante ans que l’Europe connaissait la paix, après des siècles de conflits et deux guerres mondiales. Que la guerre froide, la menace d’un affrontement entre Etats-Unis qui se serait très probablement déroulée sur le sol européen, ne s’était dissipée que depuis une dizaine d’années. Et que l’écho des tirs d’artillerie et l’odeur des incendies et du sang ne se sont pas encore effacés des territoires de l’ex Yougoslavie, théâtre d’une guerre bien moderne, en plein cœur de l’Europe si civilisée, et pas si loin de nous. Sans compter que partout dans le monde, à Beyrouth, à Gaza, au Rwanda, la guerre et la mort font rage au quotidien. Mais c’est si loin,

    Les Etats-Unis c’est loin, encore plus loin. Mais pas dans nos esprits. Ce qui se passe là-bas, nous touche, et nous nous sentons concernés. Car leurs villes ressemblent à nos villes, aux villes de l’an 2000. Leurs vêtements ressemblent aux nôtres, leur mode de vie ressemble au nôtre. Leurs films, leurs séries, leurs musiques sont les nôtres, car il est bien vrai que de New York à Tokyo on danse le même disco. On se retrouve en eux, dans leur civilisation, dans leur mode de vie, dans leur façon de voir le Monde. Et lorsque leur pays, leur civilisation est attaquée, on se sent attaqués avec eux.

    Je crois qu’à cet instant précis nous nous sentons tous Américains. Comment ne pas se sentir profondément solidaires de ce peuple et de ce pays attaqué par surprise, attaqué dans la société civile ?

    On se sent attaqués comme les Américains, humiliés comme les Américains, incrédules, apeurés, assommés, en colère, comme les Américains.

    Devant une catastrophe d’une telle ampleur, je prends brutalement conscience du fait qu’en 2001 on peut encore tuer au nom de la religion, comme au Moyen Age, au temps des croisades et des invasions sarrasines. Je réalise que si la religion est une notion en perte de vitesse dans nos sociétés occidentales, ce n’est visiblement pas du tout le cas dans d’autres sociétés.

    Je réalise avec effroi que le sentiment de sécurité que je ressentais vis-à-vis de notre monde splendidement évolué, un monde que je croyais solide et à mesure de pouvoir indéfiniment garantir la paix et la prospérité, n’était qu’illusion et que ça pouvait s’arrêter en un instant.

    Je réalise que, malgré l’évolution de nos sociétés occidentales, malgré l’argent, la science, la technologie, le droit, les ordinateurs, tout cela demeure bien fragile. Car rien n’est acquis pour toujours.

    Je réalise que je fais désormais partie de la génération terrorisme : une génération qui n’a pas connu les guerres dans son propre pays, mais qui sait que ça peut péter n’importe où.

    Pour moi, ces attentats sonnent le glas d’une illusion, d’une certaine forme d’innocence, d’insouciance. Définitivement, après ça, les choses ne seront plus jamais comme avant. Je crois que le 11 septembre 2001 m’a brutalement arraché de mon enfance.

    Plus de quinze ans après, je n’ai pas oublié ces images, ces sensations. Et lorsque j’y repense, j’en ai encore des frissons.

    Les infos continuent d’arriver à flots. Les images des impacts d’avions sur les tours passent en boucle. Les journalistes nous gavent de détails qui nous donnent de plus en plus précisément l’ampleur de la catastrophe. On commence à faire une estimation des morts, des blessés. On entend parler de guerre sainte, de croisade, des mots qu’on croyait appartenir définitivement au passé, définitivement enterrés. On se rend compte que c’est le retour à la barbarie.

    La vision des deux tas fumants de celles qui ont été jusqu’à il y a deux heures encore les deux plus hautes tours de la planète me hante. Combien de vies brisées dans les décombres ?

    Nous n’arrivons toujours pas à nous décoller de l’écran. Je crois que nous attendons toujours le générique de fin du film catastrophe auquel nous venons d’assister. Nous veillons sur le Monde, par le biais de la télé, comme on veillerait sur un mourant dans l’espoir de retarder son départ.

    Je crois que nous avons tous peur que ce ne soit pas encore fini. Pourquoi ça ne frapperait pas encore, après tout ? Quand ? Où ? Si cela a été possible dans la plus grande puissance économique et militaire de la planète, ça doit être possible de frapper ailleurs. Ça peut désormais frapper n’importe où, n’importe quand. C’est horrible d’avoir peur.

    On retient tous nos souffles. Les minutes passent, une demi-heure, une heure. Rien ne vient. On commence à penser que c’est fini. Du moins pour aujourd’hui, du moins pour l’instant.

    Qu’est ce qui va se passer après ça ? Demain, après demain, dans un mois, dans les années à venir ?

    Le spectre de la guerre plane à l’horizon. Les Etats-Unis humiliés vont certainement réagir militairement. Sommes nous à l’aube d’un nouveau conflit mondial ? De l’Apocalypse, la fin du monde ? Sommes nous en train d’assister aux dernières heures de la civilisation et de l’espèce humaine ?

    Comment quitter la télé des yeux pour reprendre le cours de nos vies alors que tant d’inquiétudes habitent nos esprits ?

    D’ailleurs, comment reprendre le cours des choses après ça ? Comment recommencer ne serait-ce qu’à respirer à pleins poumons après ça, alors qu’on a tous une énorme boule au ventre qui ne veut pas partir ?

    Comment vivre après ça ? Comment vivre avec ça ? Comment croire en l’Humanité après cela ? Comment faire des projets, des études, comment partir bosser, après ça ? A quoi bon reprendre le cours normal des choses ? Comment avoir envie de faire quoi que ce soit après ça alors que tout peut se terminer quand on s’y attend le moins ? Comment être heureux, avoir de l’espoir en l’avenir, comment vivre sa jeunesse après ça ? Comment aimer, comment faire l’amour ? Comment être heureux à nouveau, alors que la simple idée d’essayer de l’être paraît une insulte aux victimes de cette horreur qui dépasse l’entendement ?

    A côté de ce drame, tout paraît désormais futile, sans importance, sans utilité.

    Comment ne pas laisser la peur nous tétaniser et nous ronger ?

    Jérém demande à utiliser le téléphone de Charlène pour appeler son frère Maxime.

    Dans un moment de lucidité, je pense à maman. Je demande à mon tour à Charlène d’utiliser son téléphone. Pendant le coup de fil, je sens qu’elle est très inquiète de me savoir loin. Elle me demande quand je compte rentrer.

    « Demain, demain, en fin de matinée ».

    J’ai envie de pleurer en prononçant ces mots. Et je pleure en raccrochant le combiné.

    L’idée d’être éloigné de Jérém m’est de plus en plus insupportable. Comment ça pourrait en être autrement, alors que le seul endroit au monde où je me sentirais désormais en sécurité c’est dans le creux de ses bras ?

    Nous aidons Charlène à soigner les chevaux. J’ai l’impression que cela dure une éternité, que nos gestes sont empâtés, comme s’ils avaient perdu toute motivation, comme si nos membres étaient lestés de poids invisibles. Charlène nous propose de rester manger avec elle. J’entends Jérém décliner son offre. Nous ne nous sommes pas concertés mas moi non plus je n’ai pas envie de rester. J’ai envie de profiter de ces dernières heures en sa compagnie, j’ai envie de l’avoir tout pour moi. J’ai envie de pleurer, et j’ai besoin de pleurer dans ses bras.

    Je l’entends également expliquer en deux mots la raison de notre visite, la nouvelle de son départ pour Paris le lendemain. Raison dont on n’avait pas pu lui faire part avant, accaparés comme on l’était par l’Horreur. J’entends Charlène féliciter son « protégé ». J’entends leurs échanges comme enveloppés dans un brouillard épais, comme dans un écho lointain.

    Les félicitations de Charlène sont sincères. Et pourtant, je décelé une note de tristesse dans sa voix. Elle est visiblement émue.

    « Fais bien attention à toi, mon grand » elle lui glisse, en serrant longuement Jérém dans ses bras et le couvrant de bisous comme une maman aimante et inquiète.

    « Et toi aussi, Nico, fais bien attention à toi » elle me lance dans la foulée, tout en me serrant à mon tour très fort dans ses bras.

    « Essayez d’être heureux, essayez malgré tout. La vie doit gagner, pas la peur. Nous ne devons pas nous laisser avoir par la peur, nous ne devons pas rentrer dans le jeu d’une poignée de tarés qui veulent nous empêcher de vivre, d’être libres, d’être heureux ».

    Pendant le retour vers la petite maison, Jérém demeure silencieux. Il a l’air tout aussi secoué que moi. J’ai envie de le serrer contre moi, j’ai envie de lui dire que je ne veux pas qu’on se quitte, que je veux rester avec lui pour toujours, qu’il n’y a qu’en restant ensemble qu’on sera en sécurité.

    Je ne sais pas par où commencer, je ne sais pas quels mots utiliser. Tout paraît si creux après ce qui vient de se produire. J’ai envie de pleurer, mais je me fais violence pour me retenir.

    Alors je renonce à la parole. Je choisis d’essayer de communiquer avec lui à l’aide d’un câlin. Je passe une main dans son cou, je glisse le bout de mes doigts dans ses cheveux bruns.

    Et là, sans que je l’aie vu venir, mon Jérém éclate en sanglots. Jérém, le mec viril qui n’est pas vraiment du genre à perdre le contrôle des émotions et à les montrer ouvertement, est en train de pleurer à chaudes larmes devant mes yeux. Le voir ému devant les images horribles de la télé m’a beaucoup touché. Mais le voir éclater en sanglots me bouleverse. C’est dur de voir un homme pleurer. Devant ses larmes, les miennes ne peuvent se retenir plus longtemps.

    De retour à la petite maison, il rallume le feu. Là encore ses gestes sont lents, sans motivation. C’est lorsqu’il allume une clope près de la cheminée que je réalise que depuis notre arrivée chez Charlène il n’avait pas fumé.

    Je m’approche de lui, je passe mes bras autour de sa taille, je le serre contre moi, je plonge mon visage dans le creux de son cou.

    Ni lui ni moi n’avons faim. Nous nous mettons au lit et nous restons longtemps en silence, dans les bras l’un de l’autre. A chaque seconde je me dis qu’on devrait profiter de ces derniers instants pour parler, pour rigoler, pour faire l’amour. Et pourtant, nous n’avons pas le cœur à ça. Nous venions de retrouver notre complicité sur la butte au cœur de cirque de Gavarnie, et voilà qu’elle nous échappe à nouveau, emportée par des événements terribles.

    Je suis inquiet. Inquiet par ce qui va se passer demain, dans un mois, dans un an. Pour notre séparation, pour l’avenir du monde après ce désastre.

    « Tu crois qu’il va se passer quoi, maintenant ? » je finis par le questionner à un moment.

    « Je ne sais pas ».

    « J’ai peur que ça frappe ailleurs ».

    « Ce n’est pas impossible ».

    « J’ai peur qu’il y ait la guerre ».

    « Je crois qu’on a tous peur de ça ».

    « Tu vas me manquer, Jérém ! ».

    « Toi aussi, toi aussi, ».

    Je pleure. Jérém me serre très fort dans ses bras et me couvre de bisous tout doux.

    « Nous devrions essayer de dormir » je l’entends chuchoter.

    Il a raison, l’heure tourne, et demain il a un long voyage à faire.

    J’essaie de m’endormir, mais la peur me hante.

    Ce soir, quand le soleil se couche, tout l’occident a peur.

    Lorsque le sommeil vient enfin, il est peuplé de cauchemars et ponctué par de réveils en sursaut.

    Jérém aussi semble avoir du mal à dormir. Il tourne sans cesse dans le lit, sans arriver à trouver la bonne position. Ce qui contribue certainement à mes réveils répétés.

    Le petit radio réveil indique 2h45 lorsqu’il se lève pour aller fumer une nouvelle cigarette près du feu.

    « T’arrives pas à dormir ? ».

    « Je suis désolé, je t’empêche de dormir aussi ».

    « C’est pas grave, c’est surtout pour toi que je m’inquiète, tu as un long trajet à faire demain ».

    « Ca va aller ».

    De retour au lit, Jérém me prend dans ses bras. Qu’est-ce que j’aime me sentir enveloppé par son corps chaud et musclé. Qu’est-ce que ça va me manquer !

    Je sens son souffle chaud dans le cou. Je sens les battements rapides de son cœur. Soudain, je me rappelle que cette nuit est certainement la dernière occasion qui nous est donnée de faire l’amour avant longtemps. Pourtant, ni lui ni moi n’osons nous y lancer.

    J’en ai terriblement envie mais pour la première fois de ma vie je ne suis pas à l’aise avec cette envie. Je culpabilise de penser au sexe alors que dans une ville meurtrie on compte les morts par centaines, alors que de milliers de secouristes sont à pied d’œuvre pour chercher des survivants dans les décombres fumantes, alors que le monde entier est traumatisé.

    Comment ne pas culpabiliser de faire l’amour après ça ?

    Soudain, je repense aux mots de Charlène.

    « La vie doit gagner, pas la peur. Nous ne devons pas nous laisser avoir par la peur, nous ne devons pas rentrer dans le jeu d’une poignée de tarés qui veulent nous empêcher de vivre, d’être libres, d’être heureux ».

    Oui, je repense aux mots de Charlène et tout va mieux. Car elle a raison. Ces attentats ont détruit des vies, et ils visent à en traumatiser bien d’autres. Il ne faut pas que cela arrive. Notre seule arme est de continuer à vivre. Il faut bien du courage, bien de l’énergie pour continuer à vivre après ça. Et pourtant, il le faut.

    Car, demain ce sera trop tard. Demain Jérém ne sera plus là, près de moi. Et peut-être qu’après demain une catastrophe semblable nous empêchera de nous retrouver pour de bon. Alors, il faut profiter de l’instant présent, de notre jeunesse, du plaisir que nos corps et nos esprits peuvent nous offrir. Tant qu’on est vivants, personne ne nous empêchera d’être heureux ensemble.

    Cette nuit, nous faisons l’amour. C’est un amour tout doux, tout comme le sont les bisous qu’il pose sans cesse sur mon cou et sur mes épaules, tout comme l’est l’étreinte de ses bras puissants.

    Ce moment de plaisir, de complicité et de tendresse avec Jérém, c’est tout ce dont j’ai besoin en ce moment.

    Après l’amour, mon bobrun m’enveloppe avec son torse et ses bras puissants.

    Définitivement, il n’y a que dans son étreinte que je me sens en sécurité.

    Commentaires.

    ZurilHoros

    15/06/2020 18:31

    J’ai hélas suivi les événements en direct, dans la mesure ou je me souviens du premier flash de France Info en début d’AM. Puis d’un deuxième etc…
    Le soir, j’ai préféré sortir plutôt que de voir les images mais en rentrant, vers minuit j’ai allumé la TV et j’ai eu un choc. Horrible, surtout de voir les gens qui se balançaient dans le vide. 
    A oublier 0

    lolo1965

    27/11/2019 18:42

    Encore une fois quel beau récit qui fait remonter en chacun d’entre nous qui étions là à ce moment des souvenirs poignants et émouvants comme ceux que vivent nos protagonistes
    Cela nous rappelle que la folie des hommes hier comme aujourd’hui peut être sans limite tout cela au noms de religions qui prônent pourtant la tolérance et l’amour de son prochain mais dont la lecture est dévoyée par des fous fanatiques sans foi ni loi
    je pense que cela a bouleversé à l’époque la vision du monde de beaucoup de gens comme cela a encore sans doute  le cas lors des attentats plus récents perpétrés en France 
    Les époques changent mais la folie reste
    Cruel destin que celui de l’Home qui peut être tellement bon et se mobiliser pour de grandes causes mais qui peut être également d’une violence inouïe pour ces mêmes causes 0

    Yann

    21/11/2019 17:36

    Nous avons tous eu cette même envie de nous rapprocher de ceux que l’on aime après ce terrible événement. Il y a les catastrophes naturelles contre lesquelles, hélas, on ne peut rien mais là, ces attentats du 11 septembre et tous ceux qui ont suivi, sont perpétrés par des hommes contre d’autres hommes pour semer la terreur au nom d’une religion qui est sensée prôner la paix et pas la haine de l’autre.0Répondre

  • JN0218 Tout peut prendre fin lorsqu’on s’y attend le moins.

    JN0218 Tout peut prendre fin lorsqu’on s’y attend le moins.

    Dans les Pyrénées, le mardi 11 septembre 2001.

    Lorsque je me réveille, le bobrun n’est plus dans le lit. Je le cherche du regard, dans le petit séjour, autour de la cheminée, en train de fumer une clope ou de faire le café, il n’est pas là. Je tends l’oreille, à l’affût du moindre bruit venant de la salle de bain. En vain. Tout est silence dans la petite maison.

    Le feu crépite dans la cheminée, mais pas de trace de mon Jérém. Je me lève, enroulé dans une couverture, je jette un regard à travers la fenêtre. Il n’est pas non plus devant l’entrée, ni dans la cour. D’ailleurs, la 205 rouge n’est pas là non plus.

    Je cherche dans ma tête, il ne m’a rien dit la veille. Je reviens au lit, en me disant qu’il a dû partir faire une course. Oui, il existait jadis un temps où l’on ne dégainait pas le portable au moindre imprévu. Déjà, parce que le portable n’était pas encore dans toutes les poches. Et quand il l’était, il ne captait pas forcément. Ensuite, parce que la technologie ne nous avait pas encore rendus esclaves du « tout, tout de suite ». Certes, on s’énervait déjà quand le portable ne captait pas, mais ce n’était pas le drame que cela peut représenter aujourd’hui. Au fond, on était moins stressés. Moins informés, mais moins inquiets.

    En attendant son retour, j’ai le temps de laisser remonter les souvenirs de ce dîner magique avec les potes de l’asso de cavaliers, cette soirée spéciale où il s’est passé quelque chose d’inespéré, le premier coming out de mon Jérém. Et quel coming out, quelle façon touchante de le faire, en me donnant un bisou devant tout le monde, pour exprimer en un instant, dans l’essentiel et sans fioritures, tout ce qu’il avait à dire. Lorsque je repense à ce baiser, j’en ai encore des frissons.

    Entouré de bienveillance et d’amour, porté par les discussions et les encouragements de ses amis, Jérém s’est autorisé à être heureux. Certes, cela s’est passé dans un environnement très favorable, au milieu de gens très ouverts d’esprit. N’empêche que j’ai l’impression qu’après ça, tout devrait être plus simple.

    Et aussi, bien évidemment, je repense à l’amour qu’on s’est donné cette nuit. Et, surtout, à ce que mon bobrun a voulu essayer pour la toute première fois.

    Lorsque je repense à moi en lui, en train de lui faire l’amour, je n’arrive pas encore à réaliser que cela s’est vraiment produit. Que le bogoss, le rugbyman très populaire qui s’est tapé la moitié des nanas du lycée et qui a dû faire mouiller l’autre moitié rien qu’en existant, s’est donné à moi. A moi, qui n’étais au départ que son vide-couilles. Du moins c’était l’impression que j’en avais.

    Que de chemin parcouru depuis le lycée, depuis l’image du petit hétéro bisexuel, macho, sexuellement actif, incorrigiblement actif, l’image que je m’étais forgée à son sujet et qui m’attirait et m’impressionnait au plus haut point. Oui, que de chemin parcouru depuis ses attitudes de mâle dominant pendant nos premières révisions !

    Et le fait qu’il ait eu envie de m’offrir sa première fois me touche et me flatte d’une façon inattendue. Je mesure à sa juste valeur le cadeau qu’il m’a fait, ce cadeau que je n’avais même pas imaginé qu’il puisse envisager de m’offrir un jour.

    Après cette nuit, mon Jérém n’en est pas moins viril à mes yeux. Il lui a fallu des sacrées couilles pour assumer cette envie qui va tellement à l’encontre de ce qu’il avait prétendu être jusque-là. Jérém demeure et il demeurera à jamais « mon mâle ». Mais, depuis hier soir, depuis cette nuit, le gars est devenu encore un peu plus humain. Parce que non seulement il s’est donné à moi, mais il s’est d’une certaine façon dévoilé, confié à moi.

    J’aimerais bien connaître en détail le déclic qui s’est produit dans la tête de mon beau Jérémie. Certes, hier soir, il avait un peu bu, un bon peu même. Je pense que cela aussi a dû jouer son petit rôle dans ce qui s’est passé.

    Mais j’imagine que, comme pour le coming out, il a surtout dû sentir que le moment était venu, que ça devait se faire. Il en avait envie, voilà tout. Et peut-être que, dans un cas comme dans l’autre, l’imminence du coup de fil de Paris a pu jouer le rôle d’étincelle, lui faisant prendre soudainement conscience que c’était « maintenant ou jamais ».

    En tout cas, c’était bon, terriblement bon. Lorsque j’ai joui en lui, ma jouissance était tellement puissante que j’ai cru en devenir fou. Pendant un court instant, alors que mon esprit s’évaporait sous la déferlante de l’orgasme, j’ai même cru que je n’y survivrai pas, comme certains insectes qui ne survivent pas à l’amour.

    Plus je pense à ce nouveau et incroyable plaisir, plus j’ai envie de recommencer. Je sens que la prochaine fois que nous coucherons ensemble je vais penser à ça, sans cesse, comme une idée obsédante. Est-ce qu’il aura envie de recommencer ? Je risque d’être frustré. Déjà que jusque-là, à chaque fois que nous nous donnions du plaisir, j’étais frustré de ne pas avoir mon bobrun partout en moi à la fois, maintenant je vais être frustré de ne pas pouvoir à chaque fois venir en lui.

    Oui, j’ai terriblement envie de recommencer. Mon corps le réclame, mon égo le réclame aussi. Car il n’y a pas que le premier qui a joui de cette nouvelle expérience. Mon égo aussi a joui, tout aussi intensément. Et il a envie de ressentir à nouveau le frisson du petit mâle qui jouit dans l’« autre ». Je crois qu’il y a pris goût. Je pense que la prochaine fois je serais bien plus à l’aise. Ça donne de l’assurance de jouer au petit mec.

    Et aussi des nouveaux fantasmes inspirant les plaisirs solitaires.

    Soudain, je réalise que je bande à vitesse grand V. Je commence à me caresser en pensant à ma queue coulissant entre ses fesses bombées de rugbyman. Et, très vite, je perds le contrôle, de bonnes traînées chaudes atterrissent sur mon torse.

    Mais lorsque je reviens de cet étourdissement passager que provoque l’orgasme, lorsque je rentre dans la phase de « reflux » après le plaisir solitaire, je ressens monter en moi une forme d’anxiété que l’excitation et le plaisir avaient masquées jusque-là. Une anxiété qui prend rapidement de l’ampleur.

    Je repense à Paris, aux tentations auxquelles Jérém sera sans cesse confronté. Est-ce qu’il saura résister à l’envie de coucher ailleurs ? Est-ce que cette nouvelle envie, ce nouveau désir, ce nouveau plaisir, qui par définition ne peut être satisfait que par un mec, ne le poussera pas encore plus fortement vers la tentation ? Est-ce qu’il pourra m’être fidèle ? Est-ce qu’il pourra ne serait-ce l’envisager ? Est-ce que j’arriverai seulement à lui faire promettre de l’être ?

    A cet instant précis, je me sens accablé, j’ai la sensation que je perdrai mon Jérém dès l’instant où il aura posé un pied sur le sol parisien. Soudain, le fait de me retrouver seul dans la petite maison en rajoute à mon angoisse. Ou est-tu parti, Jérém ? Pourquoi n’es-tu pas là ?

    Les minutes passent et je commence à m’inquiéter de son absence. Je me lève, je reviens à la fenêtre. Toujours pas de 205 rouge dans la cour. Je regarde mon portable. Toujours pas de réseau.

    Je commence à me poser des questions, à vouloir interpréter son absence qui se prolonge. Il peut être chez Charlène, en train de prendre le café et de discuter chevaux. Il est peut être chez Martine, ou chez son pote fromager, ou chez n’importe lequel de ses potes cavaliers. Peut-être qu’il a crevé un pneu. Ou qu’il lui est arrivé un accident. Non, Nico, arrête ça tout de suite, ne commence pas à penser au pire.

    Soudain, ce départ inattendu de Jérém avant mon réveil me fait repenser à un autre matin, après une nuit magique à l’appart de la rue de la Colombette, un matin où je m’étais réveillé seul dans son lit, un matin où il était parti avant mon réveil, car il n’assumait pas ce qui s’était passé entre nous pendant la nuit. Et il ne s’agissait là que de tendresse et de câlins,

    J’espère que ce coup-ci il n’est pas parti aussi parce qu’il n’avait pas envie de voir ma tronche dès le réveil, parce qu’il ne peut assumer ce qui s’est passé hier soir, cette nuit. J’espère qu’il ne s’est pas tiré parce qu’il a honte, parce qu’il m’en veut, parce qu’il n’est pas bien dans sa peau. Pourvu qu’il ne regrette pas, pourvu que ça ne le pousse pas à revêtir à nouveau son armure de petit macho, à revenir sur toutes les avancées spectaculaires de ces quelques jours dans les Pyrénées.

    J’en arrive même à regretter d’avoir accepté de lui faire l’amour. Pourtant il le voulait. Mais cette envie n’était peut-être là qu’à cause de l’alcool. Comme d’autres envies avaient été jadis dictées par le joint. J’aurais dû le comprendre. J’aurais dû me maîtriser. Mais comment lui refuser cela, alors qu’il le demandait avec insistance ? Si je ne lui avais pas donné, il aurait fini par le chercher ailleurs.

    Et maintenant le mal est fait. Pourvu que ce ne soit pas irréparable.

    Dans ma tête, je me jure que cela ne se reproduira pas, même s’il le redemande, même si j’ai kiffé à fond et que j’ai terriblement envie de recommencer. Mais pitié, reviens Jérém, reviens vite, s’il te plaît !

    Je regarde le portable une nouvelle fois, toujours « Pas de réseau ». Fait chier ! Je sens comme une boule s’installer dans mon ventre, grandir de minute en minute, m’oppresser, me couper le souffle.

    Je panique, je commence à bâtir les scenarios les plus catastrophiques, mon bobrun qui change son attitude du tout au tout, qui n’assume à nouveau plus rien, ni notre plaisir, ni nos câlins, ni notre amour. Je le vois faire marche arrière toute, me dire de partir vite et de ne plus jamais essayer de le contacter. J’ai peur de son regard noir, de sa colère. Une fois encore, je ressens la sensation que j’ai tant de fois ressentie en partant de l’appart de la rue de la Colombette, et notamment ce fameux matin où je m’étais réveillé seul dans son lit, la sensation que je ne le reverrai plus jamais, qu’il va me laisser tomber comme ça, sans explications et sans recours possible.

    Non ce n’est pas possible, pas après ce qu’on a vécu ce week-end, pas après ce qu’on a entendu à l’asso. Non, il ne va pas m’abandonner dans cette petite maison, il ne va pas me quitter de cette façon. Ce n’est pas possible. Et pourtant, je commence à imaginer que ça puisse être possible.

    Pendant un instant, je me dis qu’il ne reviendra pas. Je regarde ma voiture et je me dis qu’il ne me reste qu’à ramasser mes affaires et partir. Puis, le crépitement dans la cheminée me fait prendre conscience que ce feu est un signe qui devrait me réconforter. S’il comptait ne pas revenir, il n’aurait pas pris la peine d’ajouter du bois et de faire flamber.

    Et pourtant, je n’arrive pas à me rassurer. Je ne tiens plus en place. Je me lève, je regarde une nouvelle fois par la fenêtre. Toujours pas de voiture. Je fais le tour de la petite maison, je regarde sur chaque meuble à la recherche d’un mot qu’il m’aurait laissé. Rien du tout. Je panique.

    Je commence à m’habiller à toute vitesse, bien décidé à prendre ma voiture et à me rendre à la superette chez Martine et chez Charlène pour savoir si elles ont vu mon Jérém.

    Je viens tout juste de passer mon boxer, mes chaussettes et mon pantalon, lorsque j’entends un bruit de moteur. Je regarde une nouvelle fois par la fenêtre, et je vois la 205 rouge se garer devant la porte.

    Mon cœur s’emballe, je suis soulagé, j’ai l’impression de respirer à nouveau après un trop long moment d’apnée, ma boule au ventre se dissipe d’un coup. Soudain, je me trouve idiot d’avoir imaginé « le pire ».

    La porte d’ouvre, le bogoss rentre dans le petit séjour. Immanquable pull capuche gris sur t-shirt blanc, short en dessous du genou, baskets, cheveux bruns en bataille, peau mate, il est sexy à mourir. Qu’est-ce que ça fait du bien de le voir enfin !

    « Salut petit loup » je lui lance en m’approchant de lui pour l’embrasser.

    « Salut » il me lance, laconiquement.

    Mais elle est passée où la mention « ourson » ? Très vite, j’ai l’impression que quelque chose cloche ce matin.

    Mon intuition se confirme lorsque je m’approche de lui pour l’embrasser et renouer avec la complicité de nos câlins de la veille. Me voyant approcher et franchir son espace vital, Jérém a une réaction surprenante, presque « défensive ». Puis il se ressaisit, et il m’embrasse brièvement. Nos lèvres se rencontrent fugacement, et ça n’a rien à voir avec les élans de la veille.

    Je suis surpris. Abasourdi. En une fraction de seconde, je passe de la joie immense de le retrouver, à la désolation de voir l’un de mes pires scénarios se réaliser. Oui, ce que je craignais s’est bel et bien produit. Son attitude a changé. Ce matin, mon bobrun a l’air bien soucieux. Il a mauvaise mine.

    « Ça va, toi ? » je tente de faire bonne figure.

    « Oui ».

    « T’étais parti où ? » je le questionne.

    « Chez Martine pour acheter des cigarettes et des croissants, merde, ils sont restés dans la voiture ».

    Le bobrun se précipite dehors et il revient avec un sachet en papier rebondi.

    « Ah, merci, c’est super gentil » je tente de le décrisper. Son attention me touche.

    « Je vais faire le café ».

    Soudain, je m’en veux de ne pas avoir pensé un seul instant à préparer moi-même le café, au lieu de passer les longues minutes à paniquer. En rentrant dans le petit séjour, mon Jérém aurait été submergé par l’arôme rassurant, il aurait été touché par mon petit geste et ça l’aurait peut-être mis de meilleur poil. L’odeur du café est un pourvoyeur de bonheur puissant. Il n’y a pas que la musique ou l’alcool ou le joint qui adoucissent les mœurs.

    Je regarde mon Jérém pendant qu’il s’affaire avec la cafetière. Ce matin, il a l’air complètement à l’ouest. Ses gestes, d’habitude si aisés et rapides, ont quelque chose de maladroit. Le réservoir d’eau lui échappe des mains, il tombe dans l’évier avec un bruit assourdissant.

    « Fait chier » je l’entends marmonner entre les dents.

    En versant le café dans le filtre directement depuis le sachet, il fait déborder, et il s’énerve à nouveau. Il tente de visser les deux réservoirs, le pas de vis semble réfractaire, il insiste. A la suite d’un mouvement brusque, du café tombe sur son pull et sur le carrelage.

    « Merde, merde, merde » je l’entends pester.

    Il arrive enfin à serrer les deux parties de la cafetière, et cette dernière atterrit sur le feu. Pendant ce temps, je passe un t-shirt et j’attrape le balai pour nettoyer, mais le bobrun m’en empêche.

    « Laisse » il me lance sèchement, en m’arrachant l’outil des mains.

    Définitivement, ce matin mon bobrun est de mauvais poil. Et je commence à m’inquiéter sérieusement.

    « Qu’est-ce qui se passe ? » je le questionne.

    « Il ne se passe rien, j’ai juste fait tomber du café ».

    « Je vois bien que ça ne va pas ».

    « Je te dis que ça va ».

    Oh, putain, on dirait nos conversations rue de la Colombette. Moi qui essaie d’escalader un mur de verre et Jérém qui met de l’huile dessus pour qu’il soit encore plus glissant.

    « T’as pas bien dormi ? » je tente de lui faire la conversation. Ou, plutôt, de ne pas regarder les choses en face.

    « Pfffffff ! ».

    Là il n’y a plus de doute, notre complicité de la veille s’est envolée. J’ai envie de pleurer. J’ai envie de partir. Je passe mon pull, j’approche de la fenêtre et je regarde dehors pour cacher les larmes que je n’arrive pas à retenir.

    Dehors, il fait très gris. Tout comme dans le petit séjour. Le brouillard sur les pentes est de plus en plus épais et menaçant. Tout compte fait, je me demande si c’est une bonne chose d’aller se balader aujourd’hui.

    Soudain, je sens sa présence juste derrière moi. Le bobrun passe ses bras autour de ma taille, il me serre contre lui, il me fait un bisou, un seul, dans le cou et il me chuchote :

    « Désolé, c’est vrai, je n’ai pas très bien dormi cette nuit ».

    « Qu’est-ce qui s’est passé ? J’ai pris trop de place ? J’ai ronflé ? ».

    « Non, non, ça m’arrive parfois. Mais ça va aller, laisse-moi le temps d’émerger, le café va me faire du bien ».

    « D’accord » je fais, un brin rassuré, tout en me retournant et en cherchant à l’embrasser. Mais, en dépit de ses mots qui se veulent rassurants, son attitude demeure distante. Ses lèvres sont peu chaleureuses.

    Allez, ne te prends pas la tête Nico, s’il a dit qu’il a besoin de temps pour émerger, laisse-lui le temps. Sois confiant. Et change de sujet.

    « Elle allait bien, Martine ? ».

    « Oui, elle avait l’air. Je lui ai dit qu’on partait à Gavarnie ce matin ».

    « T’es sûr que c’est une bonne idée d’y aller aujourd’hui ? » je profite pour lui faire part de mes doutes.

    « Pourquoi ça ? ».

    « Regarde ce brouillard ».

    « Ca va aller ».

    « Pourquoi on n’y irait pas plutôt demain ? ».

    « Non, on y va aujourd’hui » fait-il, sèchement.

    « On y va aujourd’hui » il se reprend sur un ton plus calme « parce que c’est pas sûr que demain la météo sera meilleure ».

    Je me range à son avis et je n’insiste pas. Je passe à la douche. Lorsque je reviens, le café vient de monter, nous déjeunons en silence. Un silence qui me fait mal au cœur. Car, malgré ses explications, je sens qu’il y a un malaise, un malaise que je ne sais pas comment dissiper. Je connais un peu mon bobrun et je sais que le questionner davantage ne ferait que le braquer.

    Et pourtant, notre complicité des jours précédents me manque terriblement. Où est-elle passée ? A quel moment l’avons-nous perdue ? Comment on fait pour la retrouver ? Ni la confiture, ni le bon pain, ni les chocolatines, ni même le café n’ont la même saveur sans cette délicieuse complicité.

    Jérém a vite avalé son café et une chocolatine, il est parti à la douche, il est revenu avec les cheveux encore humides, sexy à tomber, et il s’est installé à côté du feu pour se griller une clope.

    « Tu t’es mis de la confiture sur le pull » il me lance sur un ton monocorde alors que je ne peux détacher les yeux de lui, tout en me forçant à terminer la dernière chocolatine.

    Je regarde mon pull taché et je rigole. Jérém ne rigole pas. Son regard est fermé, ses traits immobiles. J’ai à nouveau envie de pleurer.

    Jérém termine sa cigarette et s’approche du lit. Il fouille dans son sac de sport et il en sort un pull à capuche rouge avec des inscriptions blanches floquées. Il s’approche de moi et me le tend.

    « Il est bien chaud » il me lance.

    Son geste me touche.

    « Merci ».

    Je me déleste de mon pull taché et je passe le sien.

    Dès le premier contact, le tissu m’a paru doux, chaud et agréable. Mais lorsque je le passe, lorsque le tissu caresse la peau de mes bras et de mon cou, lorsque mon nez plonge dans l’univers olfactif dont sont imprégnées ses fibres, je manque de peu de disjoncter.

    Car ces fibres portent à la fois le parfum de sa lessive, son parfum à lui, la signature olfactive de sa présence. Les tissus qui ont caressé sa peau sont comme marqués à tout jamais par cette mâlitude radioactive qui se dégage de lui et qui imprègne tout ce qu’il approche.

    Ce pull est comme une caresse, comme une étreinte de mon bobrun, une étreinte et une caresse parfumées, qui remplacent un peu celles qu’il ne semble plus disposé à m’offrir aujourd’hui. Enveloppé dans ce pull, j’ai presque l’impression d’être dans ses bras.

    Soudain, je repense à cette chemise qu’il m’a passée un jour pour couvrir mon t-shirt taché lors de nos fougueuses « révisions », et qu’il ne m’a jamais réclamée. Je l’ai passée parfois, pour retrouver son odeur, pour retrouver sa présence. J’adore porter ses vêtements, j’adore sentir sa présence autour de moi, sur moi.

    « Il est un peu grand » je rigole « mais il est très chouette ! Merci, Jérém ! ».

    Je tente de lui donner un bisou, qu’il me rend sans entrain.

    Quelques minutes et une nouvelle cigarette plus tard, nous sommes en route vers Gavarnie.

    Au village, nous prenons la direction de La Mongie. Je suis toujours autant émerveillé par les paysages à la fois domestiqués et indomptés de la montagne, par l’architecture typique de la région, par ces petites maisons en pierre, recouvertes d’ardoise, par les petits ponts, par les murs de soutènement en pierre, autant de témoins de la rudesse de la vie dans la région dans les siècles passés.

    Ici, dans les Pyrénées, j’ai l’impression d’être dans un autre monde, dans une autre dimension. Ici tout a l’air plus simple et plus authentique qu’en ville, la vie, les gens, les relations humaines.

    La 205 rouge file tout droit sur sa route. Le ciel est gris, il y a du brouillard dans la vallée, les couleurs sont ternes, tristes. Un fin brouillard tombe sur le parebrise. Il fait gris dehors, et j’ai toujours l’impression qu’il fait gris dans la voiture aussi, entre Jérém et moi.

    J’ai envie de lui poser mille questions mais je ne veux pas empirer la situation, je ne veux pas gâcher l’espoir qu’il « émerge » enfin, comme il me l’a promis. Ou alors, au contraire, est-ce qu’il ne vaudrait-il mieux crever l’abcès tout de suite ? Il faut juste que je trouve le bon moment et les bons mots.

    Plusieurs kilomètres plus loin, je n’ai toujours pas trouvé ni l’un ni les autres. La fine pluie a cessé. Le brouillard est toujours épais, mais il a l’air de vouloir se dissiper au loin. Ce qui ne semble pas être le cas de celui qui plombe l’humeur de mon bobrun.

    Le silence dans la petite voiture se prolonge et devient de plus en plus gênant. De temps à autre j’essaie de faire la conversation, mais le bobrun n’est vraiment pas causant ce matin.

    Faute de savoir comment lui parler, je le regarde en train de conduire. Sa façon de tenir le volant, en l’empoignant fermement, est très virile. J’ai toujours aimé regarder mon Jérém au volant, car il dégage quelque chose à la fois de très sexy et de profondément rassurant. J’ai l’impression que rien ne peut m’arriver quand je suis en voiture avec lui. Que je pourrais le suivre jusqu’au bout du monde.

    Soudain, les souvenirs d’autres voyages dans la 205 rouge remontent en moi, les souvenirs de retours de boîte de nuit vers l’appart de la rue de la Colombette, souvenirs de l’époque de ma totale soumission à ses envies de mâle dominant. Lors de ces voyages, Jérém était silencieux aussi, et distant. Et si, comme je le craignais, ce qui s’est passé cette nuit marquait un retour en arrière drastique ?

    Nous traversons le village de La Mongie, nous apercevons le départ du téléphérique sans apercevoir le Pic du Midi, enveloppé par le brouillard.

    « T’es déjà monté tout en haut ? » je le questionne.

    « Oui, il y a quelques années, mais c’était un jour comme aujourd’hui, couvert ».

    « Alors t’as rien vu ».

    « Si, j’ai vu la mer de nuages. Le sommet est quasiment tout le temps au-dessus des nuages. On les traverse avec le téléphérique. Là-haut, il fait soleil presque en permanence ».

    « Ça doit être beau la mer de nuages ».

    « Ça l’est, mais on ne voit rien du paysage ».

    « J’aimerais y monter un jour ».

    « C’est pas donné, mais ça vaut le coup ».

    « J’aimerais qu’on y monte tous les deux » je précise mon propos.

    « Il faut y monter l’été » c’est sa réponse laconique, alors qu’il vient d’allumer la radio, comme pour faire diversion.

    Les petites enceintes de la voiture grésillent sur une fréquence chargée de bruits parasites.

    « Vas-y, cherche une station qui capte » il me lance, en remettant sa deuxième main sur le volant.

    Mais moi, au contraire, j’ai envie d’éteindre, et de chercher à savoir enfin ce qui le chagrine.

    Et pourtant, je m’exécute. Mais j’ai beau parcourir plusieurs fois de bout en comble le spectre entre 88 et 108 MHz, je ne capte que des bouts de mots et de musiques parasités par d’insupportables grésillements.

    Du moins, jusqu’à ce que je tombe sur une chanson bien connue et qui me prend instantanément aux tripes. Par chance, la station semble relativement stable, le grésillement est toujours présent mais acceptable.

    (,) Il y aura certainement/Sur les tables en fer blanc

    Quelques vases vides et qui traînent/Et des nuages pris aux antennes

    Je t’offrirai des fleurs/Et des nappes en couleurs/Pour ne pas qu’octobre nous prenne

    Une chanson qui me donne envie de pleurer car elle me parle de cet automne qui arrive, de ce temps qui avance et qui finira par me séparer de mon Jérém. Et l’idée de nous séparer alors que notre complicité s’est envolée m’est encore plus insupportable. Il faut absolument que je trouve le moyen de la retrouver. Mais où et comment aller la chercher ?

    La chanson se termine, j’ai besoin de me rassurer en caressant le cou et la nuque de mon Jérém. Mais, comme cela avait été le cas pour le bisou lors de son arrivée à la petite maison, il a un mouvement d’esquive, comme s’il ne supportait pas ce contact.

    « Qu’est-ce qu’il y a ? Tu n’aimes plus ? ».

    « Il fait jour, on peut nous voir ».

    « Et c’est grave ? Tu m’as bien embrassé sous la halle, le jour de mon arrivé ».

    Jérém ne répond pas, il se contente de secouer la tête et d’allumer une nouvelle cigarette. Mon malaise et ma tristesse gonflent de minute en minute.

    Je suis à deux doigts de le questionner. Le bobrun doit le sentir car il ne m’en laisse pas l’occasion. Il prend l’initiative de meubler le silence en faisant une nouvelle recherche sur la radio, en calant sur une fréquence diffusant du rock, et en montant le son.

    Devant nous, le brouillard se dissipe un peu. La route de fond de vallées serpente dans un paysage de pentes douces couvertes d’une végétation rase mais verdoyante. Un peu plus haut, la flore est dense et luxuriante, comme laine à moutons. En remontant encore les pentes, le paysage devient de plus en plus minéral, le gris devient la couleur dominante.

    Nous longeons un quartier avec de nombreuses résidences à flanc de montagne, plus ou moins stylées.

    La radio se met à grésiller à nouveau, la station est perdue. Je recommence à zapper, j’erre longuement sur les fréquences sans arriver à trouver quelque chose d’écoutable.

    Jusqu’à ce que, au bout d’un moment d’intenses grésillements, je suis accroché, harponné, scotché par la mélodie, la voix et les mots d’une chanson que je découvre pour la toute première fois. Par chance, j’arrive à stabiliser la fréquence.

    De New York à Tokyo/Tout est partout pareil

    On prend le même métro/Vers les mêmes banlieues

    Tout le monde à la queue leu leu/Les néons de la nuit/Remplacent le soleil

    Et sur toutes les radios/On danse le même disco/Le jour est gris la nuit est bleue

    Dans les villes/De l’an deux mille/La vie sera bien plus facile

    On aura tous un numéro/Dans le dos/Et une étoile sur la peau

    On suivra gaiement le troupeau/Dans les villes/De l’an deux mille

    (,)

    Monopolis/Il n’y aura plus d’étrangers/On sera tous des étrangers

    Dans les rues de… /Monopolis

    Et qui sont tous ces millions de gens/Seuls/Au milieu de…/Monopolis,

    Je suis abasourdi. Pour moi, cette chanson, c’est une révélation, une claque. Ça me donne des frissons partout, des orteils jusqu’à la racine des cheveux. Car, en quelques couplets et sans détours, cette chanson parle de la vie dans les villes d’aujourd’hui, de métro-boulot-dodo, de standardisation des modes de vie, de dépersonnalisation, de perte d’identité, d’exploitation, de masses humaines se comportant comme de troupeaux de moutons, d’uniformisation culturelle, de surveillance de masse. Et, par-dessus tout, de solitude.

    Je n’en reviens pas de ne pas connaître un truc aussi génial. Ça date de quand, c’est sorti quand ? J’ai terriblement envie de me procurer le cd pour mieux réécouter ce petit chef d’œuvre, j’ai besoin de savoir qui en est l’auteur et le compositeur, et qui est la chanteuse qui m’a donné tant de frissons.

    Et alors que je commence à me sentir frustré que le titre se termine sans que je ne sache rien de cela, voilà que sur les dernières notes de musique, une voix féminine vient m’offrir le bonheur d’en savoir un peu plus sur cette chanson et sur sa genèse.

    [« Monopolis est l’une des chansons d’ouverture de Starmania, opéra-rock cultissime de Luc Plamondon et Michel Berger. On ne présente plus Starmania, il est peu probable de ne pas en connaître au moins une chanson, tant certaines sont passées dans la culture collective : « Le blues du businessman », « Ziggy », « SOS d’un terrien en détresse », ou encore « Le monde est stone »].

    Je connais en effet la chanson de Ziggy et « Le monde est stone ». Notamment car la première parle d’un garçon qui aime les garçons et elle a été reprise par Céline Dion, alors que la deuxième a été reprise en anglais par Cindy Lauper. Mais je ne connaissais jusqu’ici Starmania que de nom, et de façon plutôt abstraite.

    [« Créé en 1979 » continue l’animatrice radio « Starmania est un bel exemple de dystopie.

    Dystopie, quésako ? Une dystopie est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur. Une dystopie peut également représenter une utopie ou une idéologie qui vire au cauchemar. Ce genre est souvent lié à la science-fiction, ou à l’anticipation.

    L’action de Starmania se situe peu avant les années 2000, dans un monde futuriste, hyper-urbanisé et hyper-industrialisé. La surface de la Terre semble n’être plus que décombres et la population vit dans des villes-capitales souterraines. Alors que les métro est aérien. Définitivement, c’est un monde qui tourne à l’envers.

    Une bande de zonards menée par Johnny Rockfort, lui-même mené par une dénommée Sadia, devient terroriste pour lutter contre Zéro Janvier, un riche constructeur de gratte-ciels qui se présente aux élections pour la présidence de l’Occident. Rien que cela »].

    Quand tout l’monde dort tranquille/Dans les banlieues-dortoir

    On voit les Etoiles Noires/Descendre sur la ville

     (,) C’est la panique sur les boulevards/Quand on arrive en ville

    Il se passe quelque chose à Monopolis/

    Quand le soleil se couche tout l’Occident a peur

    [« La première partie de notre émission consacrée à Starmania s’achève ici. La suite demain à la même heure sur nos ondes. Nous vous laissons avec l’un des airs les plus connus de l’opéra-rock, « La Complainte de la Serveuse automate ». Marie-Jeanne, la serveuse de l’Underground café, est peut-être le personnage le plus lucide dans ce décor de gens complètement déconnectés d’eux-mêmes. Bonne écoute, je vous retrouve demain »].

    J’ai pas d’mandé à v’nir au monde/J’voudrais seul’ment qu’on m’fiche la paix

    J’ai pas envie d’faire comme tout l’monde/Mais faut bien que j’paye mon loyer

    J’travaille à l’Underground Café

    Encore une chanson magnifique, qui parle une fois de plus de solitude, d’un monde où le bonheur est absent, ou les Hommes se sentent frustrés dans leurs aspirations profondes, d’une société qui offre des biens matériels mais qui est fatale pour l’épanouissement de tout un chacun.

    Starmania. J’ai bien retenu le nom de l’opéra. J’aimerais tellement pouvoir écouter l’émission du lendemain, et découvrir la suite des chansons et de l’analyse de l’animateur. Je ne sais pas si cela sera possible. J’en doute fort.

    Quoi qu’il en soit, dès mon retour à Toulouse, une virée dans un célèbre grand magasin culturel de la place Wilson s’impose. Il me tarde d’avoir le cd et de découvrir toutes les chansons de ce chef d’œuvre.

    Pendant un court instant, mon retour de Toulouse m’apparaît comme une source de bonheur. Un instant qui se dissipe très vite et très violemment, lorsque je réalise que ce retour est synonyme de séparation de mon Jérém. Alors, je n’ai aucune raison de me réjouir d’être à Toulouse. Et encore moins maintenant, alors que j’ai perdu la connexion magique avec mon bobrun et que je n’arrive pas à la retrouver, à l’instar de cette radio dont je balaie les fréquences sans arriver à capter quoi que ce soit d’intelligible.

    Jérém enchaîne les cigarettes et demeure silencieux, l’air complètement ailleurs. Je tente de garder espoir que son moral puisse se lever, se dégager, qu’un rayon de notre belle complicité des derniers jours puisse pointer à travers les nuages de sa mauvaise humeur et arriver à réchauffer mon cœur frigorifié. J’espère que ça va lui passer, qu’il va se rendre compte que rien de ce qui s’est passé hier soir ou cette nuit n’est grave, et que notre amour vaut bien plus que tous les remords. Des remords qui n’ont d’ailleurs aucune raison d’être.

    Mais plus le temps passe, plus j’ai du mal à garder cet espoir. Ma tristesse ne fait que gonfler encore et encore. J’ai de plus en plus de mal à retenir mes larmes. Kilomètre après kilomètre, cette virée qui devait être magique, devient un cauchemar d’inquiétude.

    Après Luz-Saint Sauveur, la vallée devient de plus en plus encaissée, la route serpente à flanc de montagne. Sur la droite, en contrebas, coule une rivière.

    « Tu sais ce que c’est cette rivière ? » je le questionne.

    « C’est le Gave de Pau. Il prend sa source à Gavarnie, par la grande cascade » il m’explique, avant de continuer, sur un ton plus taquin « et il descend jusqu’à Lourdes, où ses eaux deviennent soudainement miraculeuses ».

    Et là, alors que je n’y espérais plus, je sens sa main se poser sur ma cuisse, chaude, lourde, rassurante. Je pose à mon tour ma main sur la sienne et nos doigts s’entrelacent. Mon cœur bondit, l’ascenseur émotionnel est violent. Je passe de la tristesse au bonheur en une fraction de seconde. Mes larmes changent de signe instantanément et je ne peux plus les retenir, mes yeux s’embuent.

    Une fois de plus, j’ai l’impression de respirer à nouveau après une longue apnée. Par ce simple contact de nos doigts, j’ai l’impression de retrouver mon Jérém.

    « Ça va Nico ? » il me questionne.

    « Maintenant ça va ».

    J’ai envie de le couvrir de bisous et de câlins, j’ai envie de le serrer très fort contre moi, j’ai envie de sentir nos corps nus l’un contre l’autre, j’ai envie de plonger mon nez dans les poils doux de son torse, j’ai envie de faire l’amour avec lui.

    La route est étroite et sinueuse. Nous sommes ralentis pas un camping-car que nous avons chopé à Luz et que nous n’avons pas pu doubler depuis.

    Le contraste est saisissant entre la paroi rocheuse à notre gauche et la falaise à notre droite au fond de laquelle circule la rivière alimentant une végétation luxuriante.

    A l’approche de Gavarnie, Jérém fait un écart pour éviter de justesse un gros caillou tranchant tombé sur la route et qui aurait pu crever un pneu.

    Au détour d’un virage, nous arrivons à destination. Dès l’entrée du village, la vue du cirque rocheux s’offre à nous. Sa forme en amphithéâtre est spectaculaire et majestueuse. Nous nous garons sur un petit parking. Je suis impatient de marcher vers le géant de pierre.

    Nous traversons un quartier de restaurants et de magasins, ces derniers exposant toute sorte de bibelots souvenirs. Dans des paniers en hauteur, des armées de marmottes en peluche sifflent sur notre passage.

    Au fur et à mesure que nous nous éloignons du village, les commerces se font plus espacés, et nous rentrons dans une région marquée par la musique de la rivière roulant sur les cailloux, une région où la montagne reprend peu à peu ses droits.

    Le cirque se dresse devant nous. Je repère la fameuse cascade sur la gauche. Notre destination paraît étonnamment proche. Mais, à en juger par l’impression de vitesse ralentie de la cascade, ce sentiment de proximité n’est qu’illusion. D’ailleurs, un panneau en bois indique : « Cascade 2h15 ».

    « Ça va faire une sacrée trotte » je commente.

    « Ça c’est un timing pour les vieux, nous on va faire ça en moitié temps ».

    « Si tu le dis ».

    Et en effet, mon bobrun avance d’un pas soutenu. J’essaie tant bien que mal de suivre, porté par le bruit sec et cadencé de nos pas sur les cailloux.

    Nous quittons peu à peu la civilisation pour nous aventurer dans la nature. Nous continuons de suivre la rivière à contre-courant, alors que le chemin commence à monter doucement. Nous tombons sur un petit pont en pierre de toute beauté.

    Nous ne sommes pas les seuls marcheurs, mais il n’y a vraiment pas grand monde aujourd’hui. L’été est bel et bien derrière nous.

    Nous arrivons dans une prairie d’estive rasée par les bêtes pendant leur séjour à la belle saison. Le soleil est enfin de sortie, il fait chaud, le bobrun tombe le pull à capuche, il fait péter le t-shirt blanc mettant en valeur son torse musclé et ses biceps puissants. Il est vraiment sexy à mourir. Mais toujours excessivement silencieux. Si seulement je pouvais retrouver le Jérém de la veille, putain !

    Le chemin se fait de plus en plus pentu et rentre dans un sous-bois où la lumière du jour n’arrive qu’à faible intensité. Ici, au pied des arbres, on sent remonter les odeurs de terre, d’humidité, de feuilles mortes, l’odeur de l’automne.

    Au gré de nos pas, le cirque se cache et se dévoile par surprise. Lorsqu’il réapparaît dans une ouverture dans la végétation, il semble désormais nous surplomber. Mais là encore, ce n’est qu’illusion. Un autre panneau en bois indique : « Cascade 1h45 ».

    La pente de plus en plus importante, ainsi que la marche sur les cailloux sans chaussures adaptées, me ralentissent. Mais le bobrun, bien musclé, avance toujours d’un pas rapide. Il me distance. Je n’essaie pas de le retenir, je garde mon souffle pour l’effort. Je ne veux pas non plus l’agacer.

    Puis, à un moment, il finit par se retourner. Et là, me voyant ramer, il me sourit, pour la première fois de la journée. Je devrais en être heureux, mais j’ai l’impression que son sourire est terne. D’ailleurs, il disparaît très vite de son visage.

    Au bout de nombreux virages et de nombreux efforts, nous arrivons aux pieds d’une grande bâtisse sur laquelle est peint, en grandes lettres capitales, l’intitulé de « Hôtel de la Cascade ».

    Nous arrivons par l’arrière, nous contournons l’édifice. Mais les volets sont fermés, la terrasse est déserte. Le cirque se dresse devant nous.

    « C’est ici que mon père s’est arrêté » il me raconte, après s’être assis sur un petit mur en pierre et avoir allumé une clope.

    « Et tu voulais aller plus loin ».

    « Il faisait chaud, et je voulais aller me baigner à la cascade. Je croyais qu’il y avait un grand bassin avec d’autres enfants en train de jouer ».

    « T’avais quel âge ? ».

    « Sept, peut-être huit ans ».

    La cascade sur la gauche du cirque nous nargue. Un sentier de plus en plus escarpé, étroit, à flanc de montagne, nous sépare de notre destination ultime.

    « Allez, en marche ! » fait mon bobrun en écrasant le mégot sur une pierre, avant de le glisser dans sa poche.

    Nous reprenons notre avancée sur un chemin peu aisé, un parcours très « sportif », permettant à la puissance physique de mon bobrun de s’exprimer pleinement. C’est beau d’être aussi musclé.

    Au bout d’un bon moment de marche, nous contournons une butte positionnée pile en face du cirque. En fait, elle donne l’impression d’être installée précisément au cœur du cirque. On dirait une perle posée dans sa coquille ouverte.

    Le cirque est de plus en plus imposant, il nous enveloppe, il nous domine. Je me sens tout petit devant son regard multi-millenaire, « multi » à un point que ma raison ne peut même pas concevoir. Et je me sens tout petit devant cette nature indomptée.

    Jérém file tout droit vers la cascade et je m’efforce de rester derrière lui. La vision de son dos en V et de ses épaules charpentées m’aide à avancer, comme un mirage de bogossitude s’éloignant sans cesse et m’entraînant dans son errance.

    La végétation disparaît peu à peu, laissant la place à la roche nue. Des sifflements de rapaces tournoyants dans les airs résonnent dans l’amphithéâtre naturel.

    Vingt mètres devant moi, Jérém s’arrête soudainement, ce qui me permet de le rattraper.

    « Tu fatigues ? » je le charrie.

    « Ecoute » fait-il, sans prêter attention à mes mots.

    « Quoi, les oiseaux ? ».

    « Non. Ecoute bien, tu entends ces sifflements rapides, fins, aigus ? ».

    Je tends l’oreille et effectivement, j’arrive à distinguer ce sifflement de celui des rapaces.

    « Oui, je l’entends ».

    « Ce sont des marmottes ».

    « Mais ça ne siffle pas comme celles des magasins au village » je rigole.

    « Ça siffle comme des vraies » il se moque.

    « J’aimerais en voir de près ».

    « Ça m’étonnerait qu’on y arrive » fait le bobrun.

    « En revanche » il continue « ça ne m’étonnerait pas qu’on croise des Dahus ».

    « Des quoi ? ».

    « Des Dahus. Tu connais pas ? ».

    « Non ».

    « Le Dahu ressemble à un Isard ».

    « C’est quoi un Isard ? ».

    « Un chamois des Pyrénées. Donc, le Dahu ressemble à un Isard, sauf qu’il a les deux pattes de droite qui sont plus courtes que celles de gauche ».

    Et là, devant mon regard incrédule, il précise :

    « C’est pour mieux se tenir à flanc de montagne ».

    « T’es con » je fais, tout en rigolant de sa blague sur laquelle je viens enfin de percuter.

    Jérém aussi se marre, il rigole, et son sourire me réchauffe le cœur.

    Nous recommençons à marcher et le paysage devient de plus en plus lunaire, 100% minéral.

    La cascade est de plus en plus proche, mais une dernière côte raide nous y sépare. Jérém file tout droit, finger in the nose.

    Son cul bien rebondi est une machine de guerre et un bonheur pour le regard. Et quand je pense qu’il a été à moi, pas plus tard qu’il y a quelques heures, j’en banderais presque sur le champ, si seulement je n’étais pas à ce point à bout de souffle. Vraiment, c’était trop bon de lui faire l’amour. J’espère vraiment que ce n’est pas à cause de ça qu’il n’est pas bien dans ses baskets aujourd’hui. Et pourtant, à quoi d’autre pourrait être dû son changement radical d’attitude ?

    A la moitié de l’ascension, la fatigue me gagne. Je n’en peux plus, j’ai besoin d’une pause, je me pose sur une roche. Je regarde mon bobrun tracer tout droit, comme un TGV. C’est à la fois fascinant et décourageant.

    Au bout d’une minute à peine, je me fais violence pour reprendre la marche et ne pas me faire trop distancer par Jérém. Même si, désormais, c’est certain, il arrivera au pied de la cascade avant moi.

    Je monte en zigzaguant pour apprivoiser la pente, mais c’est dur quand même. Je glisse, je dérape. Plusieurs dizaines de mètres plus haut, mon bobrun s’est posé aussi. Il fume une cigarette. Mais où trouve-t-il tout ce souffle ?

    Après un gros effort physique, en arrivant près de lui, je dérape une nouvelle fois. Le bogoss se lève, jette sa cigarette et je sens sa main attraper la mienne. Le contact avec sa peau, avec sa prise puissante me fait du bien, me rassure, me touche, m’émeut, me charge de l’énergie nécessaire pour accomplir la dernière ligne droite sur la côte raide.

    « Merci ».

    Jérém reprend de l’avance, je trime pour franchir les derniers mètres, alors que le bruit de la cascade devient un peu plus tonitruant à chaque pas. J’ai à la fois chaud, à cause de l’effort prolongé, et froid, à cause du contact de ma transpiration avec l’air glacé et humide qui passe les vêtements.

    Jérém est arrivé à la cascade, il se tient juste devant, les jambes légèrement écartées, les mains sur les hanches, une attitude qui semble traduire une belle satisfaction pour son exploit. Mais le bogoss a froid aussi, et très vite il remet son pull à capuche.

    Un dernier effort, le plus dur, et j’y arrive enfin, j’arrive moi aussi au pied de la cascade, je rejoins mon Jérém. Et je reçois de plein fouet l’air humide sur ma peau, ainsi que le bruit assourdissant de l’eau jaillissant de la roche, percutant violemment les rochers après une chute de cent mètres, pour alimenter une rivière et tant de vie sur son parcours.

    Je regarde mon Jérém, il me regarde à son tour, je lui souris. Lui aussi me sourit. Et son beau sourire semble enfin libéré. La fierté pour son exploit doit y être pour quelque chose, mais ce sourire me permet de recommencer à espérer.

    « J’ai toujours eu envie de venir ici » il m’explique, en criant, pour se faire entendre par-dessus le bruit assourdissant.

    « C’est magnifique » je commente.

    « Je suis content d’y être venu avec toi » il ajoute, en me regardant droit dans les yeux. Son regard est à nouveau doux et adorable.

    Nous nous faisons face. Je sais que nous sommes seuls, car il n’y a personne dans les parages à moins de longues minutes de marche au ralenti dans un environnement difficile. De plus, nous sommes protégés par les roches, par le bruit sonore de la cascade.

    Alors je m’enhardis. J’attrape les deux cordelettes de son pull à capuche, je l’attire contre moi. Jérém oppose une certaine résistance, le temps de balayer à son tour l’horizon du regard.

    « Il n’y a personne, t’inquiète. Ce ne sont pas les Dahus qui vont nous regarder de travers » je le taquine.

    Réplique qui me donne droit à un nouveau magnifique sourire de bobrun.

    Jérém avance vers moi, et m’embrasse. Nos lèvres et nos langues se mélangent, ses mains enserrent les miennes.

    Eh bien voilà, voilà où elle se cachait notre complicité non pas perdue mais simplement égarée. Elle nous avait devancés au pied de la grande cascade du cirque de Gavarnie et elle nous attendait. J’ai froid, je frissonne, mais je suis heureux.

    Un instant plus tard, le bogoss passe derrière moi, me prend dans ses bras et il me serre très fort contre lui. Tout en posant quelques bisous très doux dans mon cou.

    La chaleur de ses bras et de son torse me fait du bien. Au corps, tout comme à mon esprit.

    Nous restons un petit moment là-haut, enlacés, à contempler la puissance de l’eau et de la montagne. Avant d’entamer la descente, nous échangeons un dernier bisou.

    Dans ce paysage lunaire à forte pente, la descente est tout aussi fatiguant que la montée. Car elle mobilise des muscles déjà bien fatigués, les fait travailler à « contre-sens » et elle oblige à négocier le moindre déplacement pour ne pas glisser et se ramasser plusieurs dizaines de mètres plus bas.

    Jérém est plus rapide, mais il finit par m’attendre au pied de la côte. Nous avançons d’un pas soutenu, l’appétit motivant notre marche que je crois calée, pour lui comme pour moi, sur le chemin le plus court pour arriver au village et à la nourriture.

    Mais lorsque nous arrivons à hauteur de la butte en plein cœur du Cirque, sans prévenir, Jérém grimpe dessus. Sans hésiter, je marche dans ses pas.

    Le bogoss s’assoit par terre, il allume une cigarette. Il a à nouveau l’air soucieux, ailleurs. Je m’assois à côté de lui. Je décide de mettre mes peurs de côté et d’en avoir le cœur net.

    « Qu’est-ce qui ne va pas, aujourd’hui, Jérém ? ».

    « Tout va bien ».

    « Non, je vois bien que quelque chose te tracasse ».

    Un silence entrecoupé par des taffes est sa seule réponse.

    « Tu regrettes ce qui s’est passé hier à la soirée ? » je tente de le cuisiner.

    « Non, pas du tout. Au contraire, ça m’a fait du bien ».

    C’est déjà ça. Mais ça ne répond pas à mes questionnements. Alors, je décide d’y aller franco :

    « Et ce qui s’est passé cette nuit ? ».

    Le bogoss demeure silencieux, le regard perdu au loin.

    « Je veux pas t’embêter avec ça, mais tu n’as rien dit après, alors je ne sais pas ».

    « J’avais envie de savoir comment c’est ».

    « T’as aimé ? »

    « J’avais envie de te faire plaisir ».

    « C’est pour ça que tu l’as fait ? ».

    « Je savais que t’en avais envie ».

    « T’as eu mal ? ».

    « Un peu, au début ».

    « Je m’y suis mal pris ? ».

    « C’était une première fois »

    « Et après, t’as aimé ? ».

    « Oui, enfin, je ne ferais pas ça tous les jours. Je préfère comme on fait d’habitude ».

    Un instant plus tard, il écrase sa cigarette dans l’herbe et range le mégot dans sa poche. Puis, après avoir pris une profonde inspiration, il me lance à brûle-pourpoint :

    « J’ai un truc à te dire, Nico ».

    Cette simple phrase a le pouvoir d’éveiller en moi une peur bleue. Instantanément, un frisson géant me glace le dos.

    « Si ce matin je suis allé chez Martine » il continue « c’était pas juste pour acheter le petit déj ».

    Le cœur dans la gorge, incapable d’émettre le moindre mot, je le laisse parler.

    « J’y suis allé aussi pour écouter mes messages ».

    Soudain, tout devient clair dans ma tête. Mon cœur s’emballe, je sens un flot de larmes se presser au seuil de mes yeux.

    « Et il y avait un message de Paris » je le devance, sans possibilité de me tromper, hélas.

    « Oui ».

    Un coup de massue sur la tête. Voilà ce que je ressens à cet instant précis. Bien sûr, à une ou deux reprises, je m’étais posé la question de savoir si son changement d’attitude n’était pas plutôt lié à ce coup de fil, ou du moins à son imminence. Certes, il ne l’a jamais évoqué. Et pourtant, dans mon for intérieur je me dis qu’il doit y penser quand même. Mais pas un seul instant j’aurais imaginé que ce coup de fil était déjà tombé et que tout allait se précipiter si vite.

    Je me sens soudainement perdu, abandonné. J’ai l’impression qu’un abysse de solitude et de tristesse s’ouvre devant moi, m’aspire inexorablement.

    « Tu dois partir quand ? » j’arrive quand même à le questionner, après un moment de silence nécessaire pour revenir à moi, comme après un choc.

    Et là, deuxième coup de massue, à la puissance décuplée :

    « Je dois être au club jeudi matin. Alors, je dois partir demain ».

    « Si vite ? ».

    « Oui ».

    « C’est pour ça que tu faisais la tête. Pourquoi tu ne me l’as pas dit avant ? ».

    « Je ne savais pas comment te le dire ».

    Je ne peux plus me retenir, j’éclate en sanglots.

    « Tu vois, je ne voulais pas ça » fait-il, visiblement ému lui aussi, en se glissant derrière moi et en me prenant dans ses bras.

    J’attrape ses mains et je les serre contre mon cœur. J’essaie de maîtriser mes sanglots, mais je n’y arrive pas. Car c’est la fin de ce bonheur à la montagne. Je suis content pour lui, mais triste de devoir le quitter.

    « Combien de temps il faudra avant qu’on se retrouve ? ».

    « On se retrouvera bientôt, dès que je serai installé ».

    J’ai envie de lui parler de Paris, de ses nanas, de ses mecs, de ses tentations, de mes peurs. J’ai à la fois envie de lui poser tant de questions et peur de le faire.

    Mais ses bisous dans le cou et la caresse de sa barbe sur ma peau ont le pouvoir de m’apaiser peu à peu. Je sens sa présence, je sens son amour, c’est si fort, que je me dis que c’est si spécial ce qu’il y a entre nous que ça résistera à la distance.

    Et pourtant, j’éclate une nouvelle fois en sanglots. C’est nerveux, incontrôlable. Jérém me serre très fort dans ses bras, il fait tout ce qu’il peut pour me rassurer.

    « Ne pleure pas, ourson, ça me rend triste aussi. Tu sais, je ne pars pas à la guerre ».

    « Ne m’oublie pas, Jérém » je lui lance en pleurant. Une poignée de mots qui résument parfaitement toutes mes peurs et ma tristesse.

    « Je ne pourrais pas ».

    Le ciel se couvre à nouveau, la couleur grise revient en force avec son côté à la fois mélancolique et romantique.

    « Pourquoi tu ne m’as pas redemandé la chemise que tu m’as donné un jour, après une révision ? » j’ai soudainement envie de lui demander.

    « Pour te laisser un souvenir de moi ».

    Nous restons assis, enlacés, sur la butte au cœur du cirque en pierre, le vent frais sur la peau, pendant un bon moment. Ses bras chauds et son torse chaud m’enveloppent, comme le cirque nous enveloppe. Il n’y a que dans ses bras que je trouve un apaisement à ma tristesse.

    Quelques gouttes commencent à tomber, et nous obligent à repartir. Sans cela, je crois que nous aurions pu rester là, sur la butte, enlacés, à tout jamais.

    Avant de reprendre la descente, nous nous faisons un dernier câlin front contre front, nez contre nez, les mains enserrées autour du visage l’un de l’autre, nous nous échangeons des bisous pleins de fougue, comme rageurs, parce que volés au temps qui bientôt nous empêchera d’en échanger d’autres.

    En descendant, nous marchons côte à côte, en échangeant des regards complices, des petits sourires émus. Et dans son regard, je lis son amour.

    Au village, nous prenons des sandwichs pour calmer notre faim.

    « Pour le Pont d’Espagne, c’est raté aujourd’hui » fait mon bobrun en regardant la pluie tomber.

    « C’est dommage ».

    « On ira une autre fois » il annonce.

    « Promis ? ».

    « Promis ! ».

    De retour au chalet, nous faisons l’amour, un amour doux, tendre, câlin. Nous savourons à fond ces derniers instants ensemble avant la fin de ce week-end magique, avant le saut vers l’inconnu qui nous attend dans quelques heures à peine.

    Après l’amour, Jérém me regarde et me sourit. Son sourire est beau, adorable.

    « Pourquoi tu souris ? ».

    Pour toute réponse, il me fait un bisou.

    « A quoi tu penses ? ».

    « Tu es beau, Nico, et tu es vraiment un super mec ».

    « Pourquoi tu dis ça ? ».

    « Parce que tu as fini par m’apprivoiser ».

    C’est beau ce qu’il vient de dire, et ça me touche.

    « Ça n’a pas été une mince affaire ».

    « Il y a un truc qui m’a touché chez toi depuis toujours » il enchaîne, alors que mes doigts se glissent presque tout seuls dans sa toison de mâle.

    « C’est quoi ? ».

    « Ce sont tes yeux ».

    « Mes yeux ? ».

    « Tu as de grands yeux dans lesquels on lit tout ce que tu ressens. C’est un regard un peu naïf, mais curieux, et qui se laisse émerveiller, comme celui d’un enfant qui découvre le monde.».

    « Un peu trop naïf, peut-être ».

    « Non, pas du tout. Tu es un gars timide et très sensible, tu es un gars à fleur de peau. Tu manques d’assurance, et ça te rend vraiment touchant ».

    « Merci ».

    Et alors que je n’ai pas encore totalement accusé le coup du bonheur apporté par ses mots, le bogoss enchaîne déjà :

    « Et pourtant, tu m’impressionnes ».

    « Moi, je t’impressionne ? T’as vu ça où, toi ? ».

    « Si, je te promets. J’aime ton côté fonceur et ta façon de ne pas te laisser décourager par les difficultés. J’aimais bien quand tu essayais de me tenir tête ».

    « Quand j’essayais de t’embrasser ? ».

    « Oui, par exemple ».

    « Et pourtant tu me jetais comme une merde ».

    « Je sais, et pourtant j’aimais ».

    « Si j’avais su » je fais, sans pouvoir arrêter de caresser cette douce toison mâle sur ses pecs.

    « Tu as l’air de quelqu’un de doux, de fragile » il continue « et pourtant, tu as du caractère, tu sais ce que tu veux et ce que tu ne veux pas. J’aime ton coté assumé ».

     « Je ne m’assume pas tant que ça, il n’y a pas grand monde à qui j’ai dit que je suis homo ».

    « Mais tu sais depuis longtemps que tu aimes les mecs et tu n’as jamais essayé de lutter pour être quelqu’un d’autre que toi-même. Franchement, je trouvais que tu étais courageux de supporter les moqueries au lycée ».

    « J’en ai pas mal bavé ».

    « Je sais. Mais j’ai toujours eu l’impression que même si tu en souffrais, tu assumais qui tu étais ».

    « Quand on a commencé à me traiter de pd, je ne savais même pas ce que c’était. Je crois que je me suis vraiment accepté le jour où je suis tombé amoureux. C’est là que je me suis dit : pourquoi je m’interdirais de vivre ça ? C’est tellement bon d’être amoureux. Ce jour-là, c’était le premier jour du lycée, dès que je t’ai vu ».

    Pour toute réponse, le bogoss recommence à poser des bisous tout doux sur ma peau.

    « On a tous besoin de quelqu’un à aimer, peut-être plus encore que de quelqu’un qui nous aime » je réalise soudainement à haute voix.

    L’amour de l’autre nous dévoile à nous même. Le bonheur nous inspire.

    « Parfois » continue le bobrun « quand tu passais au tableau ou que tu étais interrogé par un prof, quand je te voyais lutter contre ta timidité et contre les moqueries, j’avais envie de te prendre dans mes bras, de te rassurer, de te protéger ».

    « Pourquoi tu ne l’as pas fait ? ».

    « Pendant les cours ? » il se marre.

    « Non, je veux dire, pourquoi tu n’es pas fait comprendre avant ce que tu ressentais vis-à-vis de moi ? ».

    « Je ne voulais pas être gay ».

    « Et pourtant, t’as couché avec d’autres mecs avant moi ».

    « Ce sont des occasions qui se sont présentées sans que j’aille vraiment les chercher. Mais c’était toi que je kiffais. Depuis le premier jour du lycée ».

    « Qu’est-ce qui t’a touché ce jour-là ? ».

    « Ton regard. Tu m’as regardé comme si j’étais un dieu. Personne ne m’avait encore regardé de cette façon, même pas les nanas. Ton regard me manquait quand tu n’étais pas en cours. En fait, tu me manquais tout court » il enchaîne après un moment de silence.

    « Toi aussi tu me manquais quand tu n’étais pas en cours » je me précipite de lui répondre, tout en le serrant très fort dans mes bras.

     « Tu crois au destin ? » il me demande.

     « Je crois, oui ».

    « Quand on s’est croisés dans la cour du lycée le premier jour, j’ai ressenti un truc bizarre, comme si on se connaissait depuis longtemps, depuis toujours, depuis une autre vie, comme si on avait été séparés et qu’un se retrouvait à nouveau, et qu’on se reconnaissait sur le champ ».

    Je me suis souvent demandé ce que Jérém me trouvait, pourquoi il m’avait choisi, moi, pour ses révisions. Et je me suis aussi demandé ce qu’un gars comme Jérém pouvait bien ressentir vis-à-vis de ma façon d’être, de ma personnalité.

    Désormais, je suis fixé. Et ça fait chaud au cœur. Je n’aurais jamais pensé qu’il me kiffait à ce point, qu’il me trouvait tant de qualités, qu’il appréciait tant de choses en moi, et qu’il avait tant de considération à mon égard. D’ailleurs, je n’imaginais même pas qu’on puisse me kiffer de cette façon, me trouver tant de qualités, et qu’on puisse avoir tant de considération à mon égard. Et surtout pas que je puisse toucher, impressionner un mec comme Jérém, un mec qui avait l’air de tout sauf de quelqu’un de facilement impressionnable.

    Je n’aurais jamais pensé qu’il serait touché par ma sensibilité, à ma timidité, à ma gaucherie, et qu’il me cernerait aussi bien. Et qu’il saurait l’exprimer, qu’il aurait le cran de le faire de façon si précise. Ce mec auparavant si fier et sûr de lui, si mystérieux, accepte désormais de s’ouvrir à moi. Jérém est un gars sensible et intelligent.

    Je m’étais déjà senti apprécié dans le regard de Stéphane et, dans des proportions différentes, dans celui de Martin, celui de Julien et dans celui de Thibault. Mais cette fois-ci, la sensation est puissance mille car je me sens apprécié dans le regard bienveillant du gars que j’aime. Son regard me fait un bien fou. Et il m’émeut aux larmes.

    Le regard de l’autre, lorsqu’il est bienveillant, et à fortiori lorsqu’il est amoureux, nous fait nous découvrir à nous-mêmes.

    J’ai été ébloui par le Jérém « petit con hypersexy ». J’ai été attiré par son corps de dieu grec, par sa belle petite gueule à faire jouir d’urgence. J’ai été fasciné et comblé par sa sexualité débordante de jeune mâle. J’ai été intrigué par un bobrun ténébreux et mystérieux qui cachait des fêlures. J’ai été amoureux d’un gars dont le cœur m’était inaccessible. Et je suis désormais fou amoureux d’un petit mec touchant, un mec au grand cœur, un mec vraiment bien. Et je crois, j’en suis certain même, que je n’ai jamais été aussi amoureux de lui.

    Après m’avoir ému avec ses mots, mon bobrun s’est une nouvelle fois donné à moi. Et, en dépit de ses mots sur la butte à Gavarnie, je sais qu’il a pris du plaisir. Quant à moi, j’étais moins stressé, car je possédais désormais quelques repères. Et ça a été juste délirant.

    Puis, ça a été à mon tour de me donner à lui une nouvelle fois. J’en avais envie, et mon bobrun a pris son temps. Nous avons chacun joui deux fois, une première en se donnant à l’autre, une deuxième en faisant l’amour à l’autre.

    Et c’était divinement bon à chaque fois. Pendant l’amour, il n’y avait plus d’actif, plus de passif, juste deux corps qui se donnaient du plaisir, un plaisir qui passerait presque au second plan par rapport à cette communion des esprits et de l’amour qui est le plus intense des bonheurs.

    On aurait pu attendre le soir pour refaire l’amour, mais on en avait tous les deux très envie. Et au fond de moi, quelque chose me disait qu’il ne fallait pas attendre et qu’il fallait profiter tant qu’il en était encore temps.

    Il est 14h55 lorsque nous débarquons chez Charlène pour lui annoncer le départ de Jérém et pour revoir les chevaux une dernière fois. Je le sais, car j’ai regardé mon portable en arrivant au centre équestre pour vérifier s’il y avait du réseau. Je voulais appeler maman pour lui annoncer mon retour le lendemain. Mais il n’y avait pas de réseau.

    La pluie tombe drue, il fait froid. Il y a de la lumière dans la cuisine, on tape à la porte. Un instant plus tard, Charlène vient nous ouvrir. Mais ce n’est pas la Charlène rigolote et souriante qu’on connaît. La Charlène qui se présente à nous a les yeux hagards, le teint blanc comme un chiffon. Elle a la tête complètement déconfite, on dirait qu’elle vient de voir un fantôme.

    « Qu’est-ce qui se passe ? » la questionne Jérém.

    « Vous ne savez pas ? ».

    « De quoi, on ne sait pas ? ».

    « De ce qui se passe ».

    « Dis-nous ce qu’il y a, tu nous fais peur, là ».

    « Un avion de ligne a percuté une tour ».

    « Où ça ? ».

    « A New York ».

    « Mais comment ça, un avion percuté une tour ? Comment c’est possible ? » fait Jérém, incrédule.

    « Venez regarder la télé ».

    On se souvient tous ce qu’on faisait et avec qui on était en ce 11 septembre 2001, lorsqu’on a appris que les Etats-Unis étaient attaqués. Moi j’étais à Campan, avec mon Jérém et Charlène.

    Les images qui se présentent à mes yeux sont incroyables. L’une des Twin Towers est en feu, une épaisse fumée noire s’échappe de plusieurs étages et assombrit le ciel bleu.

    « Ça s’est produit il y a quelques minutes » nous explique Charlène « un avion de ligne s’est encastré dans la tour. Les programmes viennent d’être interrompus, sur toutes les chaînes on ne parle que de ça ».

    « Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Comment c’est possible ? » je tente de comprendre l’incompréhensible.

    « Au départ ils ont parlé d’un départ de feu, puis d’un accident ».

    Charlène vient tout juste de terminer sa phrase, lorsque nous entendons l’animateur prononcer les mots « détournement d’avion », « attentat terroriste », « kamikaze islamiste ».

    « Non, pas ça » fait Charlène, horrifiée.

    L’inconcevable prend forme dans nos oreilles et dans nos têtes. Et l’incrédulité cède soudainement la place à la sidération, à un profond sentiment de malaise, d’écœurement, à une souffrance qui est un mélange d’horreur, d’injustice, d’impuissance.

    Cette catastrophe se passe à des milliers de kilomètres de moi et pourtant je la sens si proche, je la sens dans mes tripes. Et c’est la même chose pour Charlène et pour Jérém. On est tous scotchés à la télé, sciés, abasourdis, anéantis. La main de Jérém cherche la mienne, nos doigts s’entrelacent, les yeux toujours rivés sur l’écran.

    Ma raison bugge face à ce drame qui la dépasse. Elle ne peut pas supporter tant d’horreur, alors elle se livre au déni. Je me dis que ce n’est pas possible, qu’on est en train de regarder un mauvais film catastrophe. Ou qu’on est les victimes d’un canular médiatique. Comme celui d’Orson Welles il y a 60 ans.

    Et alors que je tente de me persuader que d’ici peu l’animateur du flash info va vendre la mèche et que le cauchemar va prendre fin, un deuxième avion surgi de nulle part traverse le ciel comme un éclair et va s’encastrer dans la deuxième tour, après l’avoir percutée de plein fouet, avec une violence inouïe. Une boule de feu et de fumée se dégage instantanément, comme une image de l’enfer. Chantal pousse un cri d’horreur.

    « Mais il y a des gens là-dedans ! ».

    Non, le cauchemar ne va pas prendre fin de sitôt, il n’en est qu’à son début.

    Soudain, des couplets entendus à la radio le matin même remontent à ma conscience, résonnent dans mes oreilles et font se dresser tous les poils de mon corps :

    Il se passe quelque chose à Monopolis

    Quand le soleil se couche, tout l’Occident a peur

    MERCI pour vos commentaires sur l’épisode précédent.

    Merci pour ce débat qui s’est amorcé depuis quelques épisodes, un débat sur l’homosexualité, sur le regard que notre société porte sur elle, sur la notion de respect qui devrait être à mon sens le principal moteur du bien vivre ensemble et d’appréhender toutes les différences.

    Merci pour vos réflexions et votre sagesse et qui m’inspirent et inspirent les mots et les actes de mes personnages.

    Fabien.

    Commentaires

    ZurilHoros

    14/06/2020 20:23

    J’ai beaucoup aimé relire ce chapitre qui donne l’occasion d’observer finement deux profils psychologiques complètement différents
    Jérémie n’est pas facile à vivre et Nicolas n’est pas facile à contenter. 

    C’est tellement révélateur de voir Nico se lever heureux, puis, être perturbé dès qu’il fait face à l’inattendu. Une question se pose, il cherche une réponse, puis une autre, toute aussi incertaine. Bref les incertitudes se multiplient, l’anxiété augmente et ça tourne en boucle dans sa tête. Comment peut-il croire que Jérémie l’a planté après tout ce qu’il vient de lui offrir! ça n’a aucun sens. 
    Il vit les choses sur un plan cérébral mais il ne se nourrit pas de ce qui lui est donné. On dirait qu’il a une idée de la perfection relationnelle et tant qu’il n’aura pas tout verrouillé, il ne sera pas heureux. 
    De son coté, Jérémie, quand il est contrarié, se referme, devient fébrile, brutal, il impose sans expliquer. Le malaise s’installe mais on comprend que Nico n’en est pas la cause, puisque Jérémie tente malgré tout de le rassurer autant qu’il le peut, c’est à dire pas beaucoup. Décidément, il a du mal à sortir ses émotions, et à trop les contenir, elles le déborderont un jour ou l’autre, comme il l’a déjà expérimenté à ses dépends. Depuis qu’il a parlé de se foutre en l’air à Thibault, il m’inquiète. 

    Je dirais que Nicolas est un hyper émotif et Jérémie un hyper sensible.

    On retrouve cette différence de personnalité sur le chemin qui les mènent à Gavarnie. Bomec trace, pressé d’atteindre son but, on ne sait pas vraiment pourquoi. Lui le sait sans doute mais il ne l’a pas expliqué à Nico qui rame derrière lui. 
    Comme disait le Général De Gaule, « l’intendance suivra ». 

    On le voit s’arrêter pour regarder le paysage. Il a un rapport sensuel à la nature, aux animaux. Il a sans doute passé des heures à les observer, seul ou avec son grand-père peut être. 

    Nico peine à suivre, et son esprit est assailli de pensées, il regarde le cul de son mec, il se demande si il n’aurait pas préféré baiser au chalet, et quand bomec lui dit de regarder le paysage, il le fait. Je pense que plus tard, quand le temps fera le tri, il se souviendra de ce qu’il a vu et ce moment lui apparaitra aussi important qu’il le mérite. C’est un temps décalé par rapport à son bomec. 
    Devant la cascade on sait de Jérém n’est pas dans son assiette parce qu’il a un réflexe de recul avant d’enlacer Nico. C’est un beau moment fusionnel et poétique ou les deux garçons ne font plus qu’un. Le moment ne dure pas longtemps et quand ils redescendent vers la ville, je pense à Adam et Eve chassés du Paradis. Les grands mythes religieux restent de puissants symboles. 

    Le moment magique étant terminé, le temps est venu de savoir ce qui arrive à Jérém. On s’y attendait et on comprend son appréhension. Je me mets à sa place, parce que c’est insupportable de voir un enfant pleurer et on a qu’une envie, c’est le consoler et le rassurer. Quand Jérém lui dit  « Ne pleure pas, ourson, ça me rend triste aussi. Tu sais, je ne pars pas à la guerre ». ça me fait fondre. 
     Ce n’est pas le passage le plus drôle qui soit parce qu’il marque la fin de quelque chose. 

     Est ce pour apaiser la tristesse de son ourson qu’il lui fait une très belle déclaration… Il lui dit en substance « tu es beau comme tu es et je t’admire » , c’est pas mal. Il lui dit aussi cette phrase très surprenante :
    « Quand on s’est croisés dans la cour du lycée le premier jour, j’ai ressenti un truc bizarre, comme si on se connaissait depuis longtemps, depuis toujours, depuis une autre vie, comme si on avait été séparés et qu’un se retrouvait à nouveau, et qu’on se reconnaissait sur le champ ».

    Pourquoi le retour au réel passe par le 11 septembre plutôt que de rester sur une note sentimentale aussi forte? Peut être pour nous rappeler qu’en parallèle de ce qu’on peut vivre quand on se croit seul au monde, le monde bouge.
    Je serais bien rester sur ce moment de rêverie avant de passer au chapitre suivant. 

    ZurilHoros

    01/06/2020 09:34

    C’est une magnifique histoire d’amour, très touchante et complexe

    Virginie-aux-accents

    12/11/2019 06:52

    Comme Nico, j’ai cru un instant (très long) que Jérèm allait tout regretter et redevenir le « p’tit con » sans coeur des débuts… Comme Nico, j’ai été soulagée qu’il n’en soit rien…
    Je suis à chaque fois emportée par cette histoire que je ne voudrais pas voir (mal) finir.
    Merci.

    Florentdenon

    11/11/2019 21:31

    C’est trop bien ! Tu excelles vraiment dans la peinture des cheminements interieurs et des sentiments. Ca va etre dificile de les quitter. Encore bravo

    Yann

    08/11/2019 14:43

    Jerem et Nico découvrent que l’amour est ce qu’il y a de plus beau au monde. Il n’y a rien de plus merveilleux que de se voir dans le regard de l’autre et de mesurer la place que l’on occupe dans son coeur. Pourtant l’amour est une blessure. Je vaudrais juste citer un passage du banquet de Platon : quand on est amoureux on a peur de ne pas être aimé par l’autre ; de ne pas être à sa hauteur, de ne pas lui plaire. L’autre, absent, nous manque ; et nous craignons de manquer de quelque chose, de ne pas être assez comme ceci, pas assez comme cela, pour lui plaire, pour le retenir. Le manque est une dimension essentielle de l’amour… L’amour, c’est le manque, la recherche douloureuse et passionnée de ce que l’on n’a pas et ensuite de ce que l’on veut garder. Ainsi l’amour est symbolisé par Cupidon qui tire des flèches dans les coeurs parce que l’amour est une blessure.
    C’est en fait tout cela qui, dans cet épisode, est raconté de façon merveilleuse. 
    L’heure de la séparation approche, c’était prévu et on s’y attendait, pourtant on est touché comme si on la vivait nous-mêmes. L’amour est une flamme sur laquelle il faut veiller chaque instant. Sauront-ils la préserver ?

    Lolo1965

    05/11/2019 22:18

    Putain quel ascenseur émotionnel cet épisode !!!!En même temps que nos tourtereaux grimpent la montagne nous on monte vers des sommets vertigineux d’émotions et d’amour.Le descente n’en est que plus brutale bien qu’annoncée Et que dire de ce 11 septembre dont tous ceux qui étaient nés ou en âge de comprendre se souviennent et se rappellent exactement ou ils étaient et ce qu’ils faisaient.Cet épisode est bouleversant à tous les niveaux et nous rappelle la fragilité de la vie et la folie de nos sociétés. Heureusement il reste l’amour et c’est vrai que l’on grandit dans les yeux de l’autre et grâce à la lui ou elle car la non plus il n’y a pas de préjugés c’est pareil pour les hétéros et les homos En conclusion la vie vaut la peine d’être vécue à fonds tous les jours car tout peut s’arrêter très vite.Pour nos deux protagonistes les nuages commencent à s’accumuler hélas car on se plaisait à vivre avec eux leur amour profond et beau.

  • JN0217 Une soirée et une nuit que je n’oublierai pas.

    JN0217 Une soirée et une nuit que je n’oublierai pas.

    Campan, le lundi 10 septembre 2001, au soir.

    Au final, c’est à la ferme aux volets bleus, chez Florian, que nous nous retrouvons ce soir-là pour dîner. Nous sommes onze convives au total : JP et Carine, Ginette et son mari Edmond, Charlène, Jérém et moi, plus Martine, Daniel et Lola qui nous ont rejoints en cours d’apéro. Enfin, treize convives, car les labradors Gaston et Illan sont assis de part et d’autre du maître de maison, lui-même installé en tête de table.

    Comme d’habitude, chacun a apporté quelque chose, des entrées, des desserts, de la boisson, en plus de leur immanquable bonne humeur. Florian, quant à lui, s’est occupé du plat principal, directement issu de sa production, et qui est en train de cuire au four.

    « Trinquons à ces bonnes retrouvailles » lance JP « ça me fait plaisir de te revoir Florian, et de te retrouver en grande forme. Tu nous as manqué ».

    « Vous aussi vous m’avez manqué ».

    « On s’est dit qu’on aurait plus de tes nouvelles » fait Carine.

    « C’est toi qui t’es dit ça » réagit JP « moi j’étais sûr que la vie nous réunirait un jour. Les vrais amis finissent toujours par se retrouver ».

    « J’avais besoin de prendre du recul ».

    « On l’avait bien compris. C’est pour ça qu’on t’a laissé tranquille » fait Martine.

    « Merci ».

    « Même si ça a été dur de te voir disparaître du jour au lendemain ».

    « Mais on te retrouve avec un immense plaisir, et c’est le plus important » conclut JP, en portant une main chaleureuse sur l’épaule de Florian

    « Et si j’allais voir où en est le gigot » fait ce dernier, visiblement ému.

    « Ca sent vachement bon » fait Charlène. Puis, elle continue, sur un ton taquin « c’est pour ça aussi que tu nous as manqué ».

    « Tu ne penses qu’à bouffer » fait Daniel « tu es un ventre sur pattes ».

    Florian ouvre le four, escorté par ses labradors, la queue moulinant vigoureusement en l’air, la truffe à l’affut.

    « Je crois qu’il est prêt ».

    Un instant plus tard, le gigot fumant entouré de ses pommes de terre atterrit au milieu de la table. Qu’est-ce que c’est bon de se retrouver entre bons amis, entouré de bonne humeur et de bienveillance, autour d’un bon repas. Ça fait chaud au cœur.

    Et, cerise sur la gâteau, qu’est-ce que c’est magique d’y être avec le mec que j’aime. Ce mec beau comme un dieu, et sexy à mourir dans sa tenue « de soirée », cheveux bruns en bataille, pull capuche gris ouvert sur un sur t-shirt blanc col en V soulignant l’incroyable relief de ses pecs, un simple jeans, des baskets. La tenue la plus simplement « mec » qui soit.

    Un bon repas, de bons amis, des bons vivants, à la fois déconneurs et bienveillants, voilà la convivialité dans son état le plus pur. Un moment de bonheur simple et intense qui réchauffe le cœur.

    Ce que j’adore chez ces gens, c’est que, quel que soit leur âge, ils ont tous gardé quelque chose de très jeune dans leur façon de faire, comme une part d’enfance qui les fait aller vers l’autre et rend le contact facile et la rigolade omniprésente.

    C’est ça la vie, aller vers les autres, partager un moment comme celui-ci. Et voir mon Jérém s’amuser, ça me rend tellement heureux.

    « Si vous m’avez autant manqué » relance Florian à un moment « c’est à cause de moments comme celui-ci. Et aussi parce que, depuis la première fois où j’ai mis les pieds à l’asso je me suis senti bien en votre compagnie. Car vous m’avez accepté comme je suis. Et pour la première fois, je me suis senti bien avec moi-même et avec les autres. Avec vous, j’ai pu assumer qui je suis. C’est rare de trouver une ambiance comme celle de l’asso ».

    « Tout le monde devrait être ouvert et tolérant » fait Ginette.

    « Ce n’est pas une question de tolérance ».

    « Comment ça ? » elle s’étonne.

    « A moi, le mot « tolérance » ne me convient pas ».

    « Ah bon ? ».

    « Je pense que « tolérance » ce n’est ni le bon mot ni le bon état d’esprit » il continue.

    « Pourquoi ça ? ».

    « La tolérance, ce n’est pas suffisant. On tolère quelque chose que l’on a du mal à accepter ou quelque chose qui nous porte un préjudice mineur. Est-ce que l’homosexualité porte préjudice à ceux qui n’en sont pas concernés ? Je ne vois pas en quoi. Alors, pourquoi on devrait avoir du mal à l’accepter ? ».

    « Ca c’est bien vrai » confirme JP.

    « Les gays, qu’ils soient hommes ou femmes » continue Florian « ne doivent en aucun cas se contenter d’une quelconque « tolérance » à leur égard. Ils doivent exiger et obtenir une acceptation pleine et entière, sans réticences ».

    « L’acceptation d’une différente qu’ils n’ont pas choisie » abonde Charlène.

    « Le mot « tolérer » me fait réagir car il sous-entend une semi-acceptation. De plus, « tolérer » suppose un jugement selon lequel « ON » déciderait ce qui est ou pas tolérable. Mais qui peut se permettre de porter un tel jugement sur la vie privée des autres ? Qui est cet « ON », et pour qui se prend-il ? L’humanité est ainsi faite, il y a toujours eu des homos, il y en a et il y en aura toujours ».

    « Les familles s’inquiètent du bonheur de leurs enfants » fait Ginette « c’était le cas de ma mère au sujet de mon frère ».

    « Je peux comprendre que des parents ou des proches puissent s’en inquiéter. Mais si l’homosexualité était parfaitement acceptée, le bonheur serait à portée de tous. Personne ne se cacherait, de peur d’être insulté, tabassé, exclus socialement. Et il n’y aurait pas trois fois plus de suicides d’ados chez les gays ».

    « Parfois, ils se demandent ce qu’ils ont fait de travers pour que leur enfant soit gay » continue Ginette.

    « Il faudrait qu’ils comprennent très vite qu’ils n’ont rien fait de travers, car être gay ce n’est pas quelque chose « de travers ». Plus tôt ils comprennent cette vérité, mieux ça va aller pour tout le monde ».

    « Souvent, ils s’inquiètent aussi du « qu’on dira-t-on » » fait Carine.

    « Ce qui est très con, parce que le regard des autres devrait être le dernier paramètre à prendre en compte, ça ne devrait même pas être un paramètre d’ailleurs ».

    « Les parents s’inquiètent aussi de ne pas avoir de petits enfants » lance Martine.

    « Oui, certainement. Mais ça, je trouve que c’est un brin égoïste comme inquiétude ».

    « Moi je pense que quand on est parents, ce qui doit primer, c’est le bonheur de l’enfant, et non pas le bonheur qu’il nous apportera ou pas » fait Charlène.

    « Florian a raison » fait JP « les homos ont droit au respect en tant que personnes comme tout un chacun. L’orientation sexuelle ne doit pas occulter le fait qu’un gay est un être humain avant tout ».

    « En fait, ce qui est dommageable, c’est de faire passer la sexualité des homos avant leur statut d’individu » confirme Florian.

    « C’est vrai, on ne dit pas d’un mec hétéro qu’il est hétéro » enchaîne Charlène « mais on dit d’un homo qu’il est homo ».

    « C’est stigmatisant » fait Florian « je pense à tous ces jeunes qui se découvrent homo et ne le supportent pas au point d’envisager l’irréparable. Ou de ceux qui ne s’acceptent pas, parce qu’ils ont peur des regards, des jugements, de la violence, de l’exclusion sociale. Tout cela ne devrait plus exister à notre époque ».

    « De toute façon, qu’est-ce que ça peut faire qu’un homme couche avec un homme, ou une femme avec une femme, tant que tout le monde est consentant ? C’est un non-sujet, on s’en fout ! » fait JP.

    « Les homophobes semblent s’imaginer que les gays passent leur vie à baiser » fait Florian « ils sont obsédés par ce qu’on fait au lit, ça les intrigue de savoir qui fait le mec, qui fait la femme et comment.

    Ils ont l’air de ne pas arriver à concevoir que les homos, comme les hétéros, ne passent pas le plus clair de leur temps vie à baiser, loin de là. Ils ne pensent pas qu’on a des vies à mener comment tout un chacun, avec un travail, des objectifs, une famille, des amis, des factures, des emprunts, des impôts à payer, des courses à faire, des chiens, des chats, des tracas de toute sorte ».

    « Ils ne s’imaginent pas qu’« être gay », ça ne prend au final que quelques heures par mois » il continue « le reste du temps, on est tous dans le même bateau. Ou a besoin d’aimer et d’être aimés comme tout un chacun. Ce que l’on cherche, c’est le bonheur. Comme tout un chacun.

    Alors, ce qui se passe dans la chambre à coucher ou dans l’intimité ne peut pas être plus représentatif de la personne que ce qu’elle fait dans sa vie de tous les jours et dans ses interactions sociales ».

    Cette discussion me plaît, me fait chaud au cœur. Et ce qui me plaît encore plus, c’est de voir que Jérém aussi la suit avec intérêt. Et j’ai l’impression que cela le touche tout particulièrement.

    « Quand on est gay, c’est plus facile de commencer à s’assumer dans un environnement accueillant et ouvert d’esprit. Ça a été le cas pour moi avec vous dans l’asso »

    « C’est vrai qu’au début, vous aviez du mal avec Loïc » conclut Charlène, tout en lançant un regard en biais en direction de Jérém et moi « mais avec nos grandes gueules on vous a vite mis à l’aise ! ».

    « C’était génial, je ne vous remercierai jamais assez d’être comme vous êtes. Ne changez jamais ».

    « Tu sais, à notre âge, on est vieux cons et on le reste » fait JP.

    « J’espère devenir moi aussi un vieux con de cette trempe en vieillissant, c’est tout le mal que je me souhaite ».

    Puis, très vite, la conversation part dans d’autres directions, les vannes recommencent à fuser et l’ambiance est à nouveau à la déconne bon enfant.

    Lorsque Florian propose une nouvelle tournée de gigot, les candidats sont nombreux. Un peu plus tard, le fameux flan de Carine termine le repas, accompagné par le champagne amené par Daniel et Lola.

    C’est entre le champagne et le café que la discussion se porte une nouvelle fois sur Jérém et sur son avenir parisien. Les bulles montent à la tête, les langues se désinhibent.

    Daniel est en mode grande déconne, tout comme Martine et Carine. Les piques sur les copines à venir de Jérém s’enchaînent sans relâche. « A Paris tu vas faire des ravages ! ».

    Jérém a un peu bu lui aussi. Il a le regard pétillant et un peu paumé, les paupières un peu lourdes. Il essaie de donner le change à Martine et Daniel qui n’arrêtent pas de le charrier. Il joue les machos, il laisse entendre qu’il est toujours le mec qui ne pense qu’au sexe sans lendemain. Et pourtant, il y a quelque chose de malaisé dans ses répliques, comme s’il se forçait, comme si ça sonnait faux. Mais il parvient quand même à faire illusion.

    Ces piques insistantes, ces échanges finissent par me mettre mal à l’aise, car ils ravivent toutes mes craintes. En quelques minutes à peine, le bonheur de cette belle soirée s’évapore et je suis submergé par la tristesse vis-à-vis de cet avenir qui me fait peur. Je me sens étouffer, j’ai envie de partir.

    « Ça va pas Nico ? » me demande Ginette à un moment, en voyant ma tête se déconfire à vitesse grand V.

    « Si, si, ça va » je mens.

    « C’est le fait que ton pote s’en va à Paris qui te met dans cet état ? » demande Carine.

    Je n’ai pas le courage de lui répondre. J’ai l’impression que si je prononce ne serait-ce qu’un seul mot, je vais fondre en larmes pour de bon.

    « Je vais prendre l’air » je fais en me levant.

    Mais je ne peux pas m’éloigner de ma chaise. Quelque chose m’en empêche. Jérém vient de saisir mon avant-bras, il me retient.

    « Reste, Nico. Ce sont des amis, ils ont le droit de savoir ».

    « Savoir quoi ? » fait Daniel, intrigué.

    Tout le monde nous regarde. Charlène fait de grands yeux. Je sens le cœur taper dans ma poitrine aussi fort que des coups de massue sur un gong.

    « La vérité » claque Jérém.

    Et ce disant, le bobrun m’attire contre lui et me claque un baiser sur les lèvres. Ca ne dure qu’une infime fraction de seconde. Et pourtant, le temps est comme suspendu, le silence est total autour de nous. Le seul bruit que je perçois, assourdissant, est le battement de mon cœur qui résonne dans ma cage thoracique et jusqu’à mes oreilles en feu.

    Je ne savais pas si j’étais prêt pour ça, un coming out public, mais maintenant que c’est fait, je me sens bien. Mon Jérém ne cessera jamais de me surprendre et de me faire vibrer.

    Le bobrun me fixe avec son regard doux et un peu alcoolisé. Pourvu qu’il ne regrette pas ce geste à jeun.

    « Alors, ça » je crie dans mon for intérieur.

    « Alors, ça » s’exclame Charlène à voix haute.

    « Moi je le savais, putain je le savais, j’ai du nez pour ça ! » s’exulte Martine, en laissant libre cours à son côté éternelle adolescente « quand je vous ai vus ensemble, j’ai de suite compris qu’il y avait un truc ».

    « Comment ça ? » fait Carine, interloquée.

    « Il y a des regards et des petits gestes qui ne trompent pas ».

    « Je crois que j’ai raté un épisode » fait Daniel.

    « Je t’expliquerai quand tu seras grand » se moque Lola.

    « Moi je n’ai rien vu venir, mais je suis heureux pour vous deux » fait JP.

    « Il y en a une qui savait » insinue Martine, tout en cherchant Charlène du regard.

    « Depuis pas longtemps » se défend cette dernière en rigolant « sous la moustache ».

    Je suis touché, ému, bouleversé par le geste de mon Jérém. Je me retiens de justesse de le couvrir de bisous. Sous la table, sa main cherche la mienne. J’en ai les larmes aux yeux.

    « Ça fait longtemps que… » tente Carine.

    « Mais tu ne vas pas leur faire passer un interrogatoire » la coupe net JP « allez, trinquons ! A Jérémie et ses futurs exploits dans le rugby, à Nico et à ses brillantes études. Et à leur bonheur ! ».

    « Gay ou hétéro, l’amour n’en est pas moins beau » fait Martine.

    Nous trinquons dans toutes les combinaisons de verres possibles et cette conversation s’arrête là. Le chapitre est clos, il n’est pas question d’en faire des tonnes. J’adore cette façon d’appréhender les choses de la vie.

    C’est Charlène qui se charge de lancer un nouveau sujet de conversation.

    « Alors, ce voyage aux States ? » fait-elle, en s’adressant à JP et Carine.

    « Ça va se faire, ça va se faire » fait JP.

    « Je suis dégoutée » fait Carine « on avait prévu d’y aller ce mois-ci, mais nous nous y sommes pris trop tard ».

    « Vous êtes de jeunes retraités, vous êtes débordés » se moque Martine.

    « C’est ça ».

    « On ira l’année prochaine » fait JP « je m’y engage formellement ».

    « J’ai tellement envie d’aller à New York ! » explique Carine « je rêve de grimper sur l’Empire State Building. Et aussi de voir les Twin Towers de près. Je ne sais pas si on peut monter tout en haut, mais j’aimerais au moins rentrer dans le hall. Ce sont quand-même les plus hautes tours de la planète ».

    « On dirait que tu es obsédée par les symboles phalliques ! » se marre Charlène.

    « Ça doit être ça ».

    Et là, Martine lâche ces mots, elle a cette sortie, elle lance cette image dont tous les convives présents autour de cette table ce soir-là se souviendront encore bien des années plus tard, car moins de 24 heures plus tard elle sera infirmé de la plus tragique des façons :

    « Tu peux bien attendre l’année prochaine, tes tours ne vont pas s’envoler ! ».

    Mais déjà Daniel vient de dégainer sa guitare et il commence à gratter les accords bien connus d’une chanson de Joe Dassin, au texte raccord avec le sujet de la conversation :

    Mais l’Amérique, l’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai

    L’Amérique, l’Amérique, si c’est un rêve, je le saurai

    Les chansons s’enchaînent, Daniel chante juste et fait le pitre, nous autres nous chantons très fort et souvent très faux. C’est à la fois très joyeux et très chaleureux.

    La soirée avance dans la bonne ambiance et ce partage entre potes qui fait du bien.

    Il est une heure passée lorsque Daniel annonce le dernier rappel.

    Et là, il entonne une chanson qui ne me semble pas choisie au hasard.

    La différence

    Celle qui dérange

    Une préférence, un état d’âme

    Une circonstance

    Un corps à corps

    En désaccord

    Avec les gens trop bienpensant

    Les mœurs d’abord

    (,)

    Sans jamais parler

    Sans jamais crier

    Ils s’aiment en silence

    Sans jamais mentir, ni se retourner

    Ils se font confiance

    Si vous saviez comme ils se foutent

    De nos injures

    Ils préfèrent l’amour, surtout le vrai

    À nos murmures

    (,)

    De Verlaine à Rimbaud

    Quand on y pense

    On tolère l’exceptionnelle différence

    (,)

    La différence

    Quand on y pense

    Mais quelle différence ?

    C’est sa façon de nous dire au revoir. En faisant le pitre mais en y mettant du cœur. Et c’est vraiment adorable.

    Nous aidons Florian à débarrasser la table, à faire la vaisselle, chacun met la main à la pâte pour ranger, nettoyer. Le tout sous le regard attentif des deux labradors qui guettent tout reste susceptible de glisser des assiettes et de tomber dans leur gueule insatiable. Même le ménage est fait dans une ambiance bon enfant où tout est prétexte pour prolonger un peu plus le bonne humeur de la soirée.

    Le ménage presque achevé, Jérém sort fumer une cigarette.

    JP en profite pour m’approcher et me glisser quelques mots.

    « Jérémie est un bon gars, mais comme tous les bons gars, il a besoin de quelqu’un qui le soutienne mais qui sache aussi lui tenir tête. Je crois que tu es la bonne personne, Nico ».

    « Je l’espère ».

    « Moi j’en suis sûr ! Quand il sera à Paris il va avoir besoin de toi, il aura besoin que tu l’aides à garder les pieds sur terre, il aura besoin que tu lui rappelles ce qui est vraiment important. Ça ne va pas être simple, mais ne le laisse pas tomber ».

    « Je ne le laisserai jamais tomber ».

    « Je suis vraiment heureux pour vous deux » fait-il, en me prenant dans ses bras et en me serrant bien fort contre lui.

    « Merci ».

    Dehors, il pleut. La plupart des invités viennent de partir. Florian, Jérém et moi, ainsi que Charlène et Martine, nous nous retrouvons sous l’appentis pour les derniers au revoir.

    « C’est courageux ce que tu as fait » lâche Florian à l’attention de Jérém.

    « C’est venu comme ça ».

    « Être gay, ce n’est pas simple » continue Florian « malheureusement, tout le monde n’est pas aussi ouvert d’esprit que les gens qui étaient là ce soir. Il y a encore du mépris et du rejet pour les gars comme nous. Le regard que la société pose sur les gays n’est pas flatteur du tout. On nous met une étiquette, et on nous ghettoïse. Comme si l’homosexualité était ce qui nous caractérise avant tout. Mais ce n’est pas cela qui doit nous définir en premier. On n’est pas homos avant d’être des hommes, on est des hommes bien avant d’être des homos ».

    « On doit obtenir le respect en étant nous-mêmes chaque jour, en assumant qui nous sommes, sans pour autant qu’elle devienne notre principale caractéristique. On doit obtenir le respect en montrant que nous sommes des gars bien. Car c’est ça le principal, d’être quelqu’un de bien ».

    « Vous avez une chance folle de vous être rencontrés » il conclut.

    « Je sais » fait Jérém en portant son bras autour de mon cou et en caressant ma nuque.

    « Être amoureux c’est beau, et c’est précieux » abonde Charlène.

    « Il faut essayer d’être heureux, essayer très fort, essayer au plus vite » fait Florian « et quand on est heureux à deux, c’est dix fois mieux que de l’être tout seul ».

    « Ca c’est bien vrai » confirme Martine.

    « Profitez bien de l’ivresse des premiers jours, et faites-la durer le plus longtemps possible » conclut Florian.

    Lorsque nous quittons la ferme aux volets bleus, la pluie tombe de plus en plus drue. Je suis ému par cette soirée, touché par ces gens, par leurs mots, par leur façon d’être. J’ai l’impression que ce petit monde, c’est le Paradis. On vient tout juste de se quitter, et ces gens me manquent déjà. Est-ce que je les reverrai ?

    Soudain, la tristesse m’envahit. Plus tard, j’écrirai ces quelques lignes, en repensant à cette soirée.

    La pluie qui tombe

    Appelle l’automne

    La fin de l’année,

    Une autre qui passe

    Septembre s’avance,

    Soudain la rentrée,

    L’année se prépare

    A sa dernière saison

    Septembre s’envole

    Mais fait une pause

    Autour d’un weekend

    De chevaux et d’amis

    Ce soir encore, Jérém a un peu bu. Ce soir encore, Jérém me laisse conduire sa voiture. Ce soir encore, Jérém m’a surpris, m’a fait vibrer.

    « Ça va, ourson ? » il me demande, tout en posant une main sur ma cuisse, geste qui me procure toujours le même frisson.

    Sa façon de m’appeler « ourson » aussi me donne un immense frisson.

    « Très bien » je lui réponds, tout en me penchant vers lui pour échanger un bisou rapide. Son haleine est un mélange d’alcool et de cigarette, c’est très sensuel.

    « Et toi, ça va ? » je lui demande à mon tour.

    « Très bien » fait-il, tout en portant une main sur ma nuque, geste qui provoque en moi un frisson tout aussi géant.

    « T’avais l’air déçu tout à l’heure quand Charlène a parlé de sa retraite et de l’avenir de sa pension » je me lance.

    « Ce centre c’est tout mon enfance. J’ai tellement de souvenirs ici. Et je m’y sens bien. A une époque j’avais même pensé le reprendre ».

    « Elle a encore un peu de temps pour trouver un repreneur ».

    « Sans Charlène, ce ne sera plus la même chose ».

    « Je comprends » je tente de le réconforter en caressant son cou puissant.

    « Ce qui me fait chier, c’est que j’aurai encore moins de temps pour profiter de mes chevaux ».

    « Tu auras des vacances ».

    « Oui » fait-il, dubitatif.

    « Tu m’as espanté ce soir » je lui lance, après un instant de silence pendant lequel nos mains se sont cherchées, nos doigts entrelacés, nos esprits mélangés.

    « Pourquoi ça ? ».

    « Ce que tu as fait devant tout le monde ».

    « T’as pas aimé ? ».

    « Si, bien sur que si, mais je ne croyais pas que tu ».

    « J’en avais envie, j’avais envie de savoir ce que ça fait d’assumer ».

    « Et alors, ça fait quoi ? ».

    « C’est pas si compliqué au fond. Et ça soulage ».

    « C’est vrai que ces gens sont géniaux ».

    « Ce qu’à dit ce gars, ça m’a touché ».

    « Florian ? ».

    « Oui, c’est un bon gars ».

    Ce soir, j’ai très envie de mon bobrun. J’ai très envie de faire l’amour avec lui. Mais, plus encore que de faire l’amour, j’ai envie de le serrer contre moi, de le couvrir de bisous et de câlins et de ne plus jamais le quitter.

    Lorsque nous arrivons à la petite maison, il pleut à seau. Nous sortons de la voiture en vitesse et nous nous engouffrons dans le petit refuge en bois. Hélas, le feu est éteint. Dans le petit séjour, il fait frais, il fait presque froid. Sans le feu, ce n’est pas du tout la même ambiance.

    Mais Jérém semble avoir l’intention de me faire oublier ce petit détail. La porte d’entrée claquée derrière nous, il me plaque contre le mur, il me prend dans ses bras, il m’embrasse fougueusement. Sur la bouche, sur le visage, dans le cou. Le bobrun est déchaîné, son envie de câlins semble insatiable. Des câlins et de bisous que je lui rends avec la même ardente intensité, tout en me demandant où cette escalade de mamours va nous amener.

    Quelques instants plus tôt j’avais surtout envie de câliner mon Jérém. Mais désormais, ces câlins ont entrainé l’excitation des sens. J’ai très envie de lui. Mon Jérém est tout aussi ivre que le soir précédent, et je sais à quel point l’ivresse peut le désinhiber sexuellement.

    « Ne bouge pas » il me lance à un moment, en arrêtant net ses bisous, et s’éloignant de moi.

    Le bobrun remet du bois dans la cheminée et en deux temps trois mouvements, il fait repartir un joli feu. Très vite, la flamme répand dans la pièce sa chaleur, sa lumière mouvante, son crépitement, le bonheur de se sentir protégé et aimé dans ce petit refuge où rien ne peut m’arriver.

    Jérém revient auprès de moi, il dézippe le pull à capuche, dévoilant ce t-shirt blanc qui restitue si bien le relief de ses pecs. Je me débarrasse de mon blouson à mon tour. Et alors qu’il m’embrasse à nouveau, je ne peux résister à la tentation de glisser mes mains sous son t-shirt, de laisser les bouts de mes doigts trébucher sur le terrain « accidenté » de ses abdos, de chercher le contact avec ses poils doux, avec ses tétons saillants, de m’enivrer de ce bonheur tactile fait de fermeté et de douce chaleur.

    Le bobrun en fait de même, il glisse ses mains sous mon t-shirt, ses doigts pincent mes tétons et me rendent dingue. Je vais de caresse en ivresse, je soulève son t-shirt blanc. J’ai besoin de voir ses poils bruns, de plonger mon nez dedans, j’ai besoin de lécher et de mordiller ses tétons.

    Mais quelques instants plus tard, le bogoss se met à l’aise, me met à l’aise. Il fait voler le t-shirt blanc. J’ai beau connaître sa plastique par cœur, à chaque fois qu’elle se dévoile à mes yeux, c’est toujours la même claque inouïe.

    Naaaaaan, mais, vraiment, ce mec va finir par me mettre ko. Putain, qu’est-ce que c’est beau que cette tenue, torse nu sur jeans, jeans duquel dépasse l’élastique blanc du boxer. Et qu’est-ce qu’elle est belle cette aisance à exhiber ce corps parfait ! Mon Jérém, bogoss drapé de sa jeunesse et de sa virilité.

    Ses mains défont sa ceinture, puis le premier bouton du jeans. Entraînés par les deux bouts de cuir ballants, les deux pans du denim s’écartent un peu, et un petit aperçu du boxer se dévoile.

    Le bogoss dégaine son arme de destruction massive, son sourire lubrique à hurler. Puis d’un regard rapide dirigé vers son boxer, il m’indique sans détour la nature de ses envies.

    C’est une image de bonheur. L’image du mec qui s’apprête à sortir sa queue pour se faire sucer. Mais il ne le fait pas tout de suite, et il ne le fait pas lui-même. Il me montre le chemin, il me donne envie de le faire moi-même.

    Et ça marche. Dans la seconde, je suis saisi par une violente envie d’œuvrer à ses genoux pour voir une nouvelle fois sa jolie petite gueule se crisper sous la déferlante de l’orgasme.

    Je lui souris à mon tour. Un instant plus tard, je suis à genoux devant sa virilité incandescente. Je défais les derniers boutons de sa braguette, je caresse le coton doux du boxer, dont la toile est tendue sous l’effet du désir violent de sa queue. Je pose mon nez et mes lèvres sur le tissu fin, je m’enivre des petites odeurs de mâle qui se dégagent. Jérém renverse la tête en arrière, soupire de plaisir. Il attrape alors lentement mais fermement ma tête à moi, pour la plaquer contre sa bosse.

    Je saisis l’élastique de part et d’autre de son bassin, je le fais glisser lentement vers le bas. Son manche tendu et chaud se dévoile. Je l’avale d’une seule traite et je commence à le pomper comme un fou.

    Pendant que je le suce, le bogoss caresse mes tétons, mes cheveux, mes épaules. Cette façon de me renvoyer du plaisir me donne des frissons de malade. Mon excitation grimpe en flèche, mon envie de lui faire plaisir est décuplée, et mes va-et-vient redoublent d’entrain.

    « Doucement, sinon je vais jouir très vite » il me chuchote, la voix éraillée par le plaisir qui commence à le submerger.

    Débordé par mon excitation, je n’arrive pas à m’arrêter. D’autant plus que son invitation à calmer mes ardeurs ne fait au contraire que les faire flamber un peu plus encore. De ses mots, je n’ai retenu que « je vais jouir ». Et c’est précisément ce dont j’ai envie, besoin, furieusement besoin, à cet instant précis. Je ressens un besoin impérieux de le sentir jouir dans ma bouche, d’accueillir ses giclées puissantes, de goûter à son jus bien chaud.

    Mais le bogoss ne l’entend pas de la même façon. Il recule son bassin, il prive mes lèvres du contact avec sa queue raide. Il me met instantanément en état de manque.

    Ses mains m’attrapent doucement par les épaules, m’invitent à me remettre debout. Je me retrouve à mon tour dos collé au mur. Alors que le beau rugbyman aux abdos d’acier, aux pecs saillants et velus, aux épaules sculptées, aux biceps puissants, aux beaux cheveux bruns en bataille, est à genoux devant moi. Frissons indescriptibles pendant qu’il défait ma ceinture, puis ma braguette, lorsque ses gestes impatients font glisser mon boxer le long de mes cuisses. Puis, lorsque ses lèvres et sa langue rentrent en contact avec mon gland. Puis, encore, lorsque son buste et sa tête commencent à imprimer un mouvement de va-et-vient, lorsque ma queue disparaît et réapparaît entre ses lèvres.

    Sucer Jérém me fait sentir très passif. Mais me faire sucer par Jérém me fait sentir très actif. Qu’est-ce que c’est bon que de se faire sucer ! Il y a le plaisir du corps, intense, insensé. Et il y a le plaisir de l’égo masculin, dont je découvre peu à peu tous les recoins, qui fait kiffer à fond le bonheur de voir l’autre désirer et rendre hommage à sa propre virilité.

    C’est tellement excitant, et Jérém y met tellement d’énergie, que, très vite, je sens mon orgasme monter.

    « Je vais pas tarder à jouir » je lui lance, à la fois avertissement pour qu’il se retire à temps et demande non assumée de me laisser venir dans sa bouche. Quand on se fait sucer, on ressent très vite l’envie de jouir dans la bouche de celui qui suce.

    Mais le bogoss ne semble pas avoir entendu mes mots. Ou, du moins, ne pas y prêter attention. Il continue de me pomper avec le même entrain. Non, j’ai même l’impression qu’il redouble d’entrain. Il empoigne mes fesses, et les mouvements de ses mains amplifient les va-et-vient de sa bouche.

    Il n’y a plus de doute, nos envies se rejoignent, il a envie de me laisser jouir dans sa bouche.

    Happé par mon orgasme, je laisse mes mains se poser sur sa nuque, mes doigts se crisper dans ses cheveux. Mes giclées sont nombreuses, chacune d’entre elles me secoue de fond en comble, fait évaporer un peu plus ma conscience. Lorsque cela s’arrête, je suis assommé, je suis KO.

    Lorsque Jérém se relève, je m’attends à ce qu’il aille direct recracher mon sperme. Il n’en est rien. Le bogoss me regarde droit dans les yeux, me sourit. Et il avale. Lentement, il avale mon jus. C’est la première fois que ça m’arrive. Et c’est sacrément excitant. Et ça touche une corde sensible de mon égo masculin que je ne savais même pas posséder.

    « T’as aimé ? » il me questionne.

    « Oui, et toi ? ».

    « Oui ».

    Un instant plus tard, je suis à nouveau à genoux devant lui. Je le pompe. Et la venue de son orgasme est accompagnée par des râles bien sonores.

    A Toulouse, il se faisait violence pour étouffer ses râles de plaisir « Il y des voisins » il m’avait repris à plusieurs reprises. Mais ici, à la montagne, il n’y a pas de voisins, on peut se lâcher. Le bogoss exprime son plaisir sans réticence.

    Sa jouissance se manifeste par de grands traits chaud et lourds qui répandent son délicieux goût de jeune mâle dans ma bouche.

    Nous nous échangeons de nouveaux bisous. Je retrouve son goût mélangé à mon goût à moi. Ça doit en être de même pour lui. Mais ça n’a pas l’air de le déranger. Ce soir, nous avons mélangé nos jus. Mon corps et mon esprit tanguent dans une ivresse qui me donne le tournis.

    Après l’amour, je me retrouve dans ses bras. Je plonge mon visage entre ses pecs et ses poils et je m’enivre de cette odeur caractéristique que son corps dégage après chaque orgasme. C’est une petite odeur plutôt prégnante qui se mélange à celle de sa transpiration et de son déo, une senteur de jeune mâle qui semble venir de ses aisselles. Et qui me shoote jusqu’à me mettre presque dans un état second.

    Dans les bras l’un de l’autre, nous échangeons des bisous insatiables et des caresse innombrables.

    Il me serre dans ses bras, je le serre dans les miens. J’adore cette proximité, cette intimité, ce bonheur olfactif et tactile qui possède quelque chose de familier et de rassurant qui me fait me sentir si bien, vraiment à ma place, en accord avec les besoins de mon être profond. C’est une sensation de bien-être absolu, un bonheur qui relève d’un besoin de contact et de partage avec l’intimité d’un corps et d’un esprit qui ressemblent au mien.

    « Je suis bien avec toi, ourson » il me chuchote.

    « Moi aussi je suis bien avec toi, petit loup ».

    « Petit loup ? Ça vient de sortir ? » il se moque.

    « Oui, je viens d’y penser à l’instant et je trouve que ça te va bien ».

    « Je ne suis pas un petit loup ».

    « Tu es un loup adulte, un beau mâle, mais tu es touchant. Alors, tu es aussi mon petit loup ».

    « Ouaiss ».

    « On pourrait aller se balader, demain » lance Jérém après un instant de silence et de papouilles.

    « A cheval ? ».

    « Je pensais à autre chose ».

    « C’est-à-dire ? ».

    « Tu connais Gavarnie ? ».

    « De nom, en photo, mais je n’y suis jamais allé ».

    « C’est pas trop loin, on pourrait y faire un saut ».

    « Mais avec plaisir ! Tu connais, toi ? ».

    « J’y suis allé quand j’étais enfant, et j’ai été frustré que mon père ne veuille pas aller au pied de la grande cascade ».

    « On peut faire ça, alors ».

    « Et tu connais le Pont d’Espagne ? ».

    « Non plus ».

    « On pourrait aller à Gavarnie le matin et au Pont d’Espagne l’après-midi. S’il arrête de pleuvoir ».

    « Avec toi, j’irais jusqu’au bout du monde ».

    Dans cette petite maison dans la montagne, dans cet endroit hors du temps et de l’espace, dans ce lit, dans ces draps, dans ses bras, je crois rêver, tellement je suis heureux. Pour moi, le Paradis, c’est ici et maintenant.

    Après le cheval, après la fête, après l’amour, le corps demande le repos. Le bruit de la pluie qui tombe sur les ardoises et qui se mélange au crépitement du feu est une délicieuse berceuse. Jérém me souhaite la bonne nuit, me fait un dernier bisou et se tourne sur le côté. Je le prends dans mes bras et je plonge mon visage dans ses cheveux bruns. A cet instant, tout est harmonie dans ma vie.

    Lorsque je me réveille, il fait toujours noir. Je ne sais pas quelle heure il est, mais le matin semble encore bien lointain. Je me réveille de la même façon que la nuit dernière, cahoté par des petits mouvements, par de petits frottements contre ma queue. La conscience de mon excitation remonte rapidement en moi. Je bande. Je passe en un temps record de l’envie de me rendormir et l’envie de faire l’amour.

    Je crois que Jérém a vraiment envie de ça. Je seconde ses mouvements, et le bogoss amplifie les siens. Mon cœur bat à tout rompre. Le bout de mon gland s’enfonce de plus en plus entre ses fesses, bute contre sa rondelle. J’entends sa respiration rapide, ses ahanements, je ressens ses frissons. Le bogoss se branle en même temps.

    Je pose quelques bisous dans son cou.

    « J’ai envie de toi » je l’entends chuchoter dans la pénombre, de façon tout juste perceptible.

    Je ne suis pas certain d’avoir bien entendu. Ou bien je n’arrive pas à le croire. J’en ai terriblement envie aussi, mais je veux être certain d’avoir bien compris, je veux être certain qu’il sait ce qu’il fait et qu’il ne le regrettera pas juste après.

    « T’es vraiment sûr ? ».

    « Oauais, ouais ».

    Le bogoss recommence à envoyer de petites oscillations du bassin. Malgré son feu vert, je suis comme tétanisé, je n’arrive pas à seconder ses mouvements. Est-ce que je vais savoir faire ? Est-ce que je vais savoir lui offrir du plaisir de cette façon ? Et, aussi, encore et toujours, est-ce qu’il va l’assumer demain ? Comment cela va changer ma perception de mon mâle Jérém ?

    « Et toi, t’as envie ? » il finit par me demander, en se retournant soudainement.

    « Si, si, très envie ».

    « Vas-y, alors, mais vas-y doucement, je n’ai jamais fait ça » fait-il, avant de m’embrasser et de se remettre sur le flanc.

    Si j’avais imaginé cela, lorsque je le matais en cours avant nos révisions, ou bien pendant nos révisions dans l’appart de la rue de la Colombette !

    J’ai envie de lui offrir le même bonheur qu’il m’a offert tant de fois. J’ai envie de lui faire l’amour. J’ai envie de prendre le temps de lui faire l’amour. Rien ne presse. J’ai surtout envie de lui faire plaisir. Comme toujours. Même si les rôles sont inversés.

    J’ai un peu le stress, je ne veux surtout pas qu’il ait mal. Je guette ses respirations avec appréhension, cherchant à déceler le plaisir ou la douleur. Je suis bien placé pour savoir que pendant la pénétration, surtout la première fois, l’un et l’autre sont présents. Ou, du moins, latents. Et que ça ne tient vraiment pas à grand-chose pour que l’un ou l’autre se manifeste et prenne le dessus.

    La faible réverbération du feu mourant dans la cheminée plonge nos corps emboîtés dans une pénombre terriblement excitante. La vue n’est plus le sens qui apporte le plus de sensations. Tout ou presque est désormais dans le toucher, l’odorat, l’ouïe.

    Être en lui, bien au fond de son intimité jusque-là si inaccessible, est une sensation de fou. Jamais encore il y a peu, je n’aurais cru que ceci serait possible un jour. Lorsque quelque chose qu’on considérait depuis longtemps impossible devient enfin possible, c’est pas mal déroutant. Et ça donne des sensations incomparables.

    « Je n’ai jamais fait ça ». Ses mots résonnent dans ma tête et me font un bien fou. Car ils touchent à la fois mes sentiments (Jérém se sent en confiance avec moi, il sait que je l’aime et il m’aime aussi, et c’est à moi qu’il offre ce cadeau, sa « première fois ») et mon égo masculin (si, si, définitivement j’en ai un, je viens de le découvrir) qui apprécie à sa juste valeur une « première fois » qui lui est offerte.

    Je n’arrive pas encore à bien réaliser ce qui est en train de se passer. C’est la première fois de ma vie que je prends un mec, la première fois que j’envoie des coups de reins, et c’est entre les fesses de mon Jérém !

    Au fil des va-et-vient, au fil des frissons de plaisir, je découvre toutes les sensations que doit ressentir Jérém lorsqu’il est en moi, lorsqu’il me fait l’amour, les sensations que doit ressentir l’actif lorsqu’il prend son pied, et lorsqu’il voit l’autre en prendre avec lui. Je me sens le mâle qui attise le plaisir avec sa queue. Son propre plaisir, et celui de l’autre. Voilà ce C’est tellement bon de voir, de sentir l’autre frissonner sous ses assauts ! Et voir le corps musclé de mon beau rugbyman vibrer au rythme de mes va-et-vient, c’est délirant.

    Peu à peu, je sens ses muscles et tout son corps se détendre. Mais par-dessus tout, c’est son esprit qui se détend. Qui accepte ce dont son corps a besoin. Le physique et le mental alignés, la douleur se mue peu à peu en plaisir, un plaisir de plus en plus intense.

    La peur de lui déplaire évacuée, mon esprit est libre de se consacrer au plaisir. Et, très vite, je ressens de plus en plus violemment monter dans mes reins ce besoin irrépressible, pressant, viscéral, l’instinct animal et primitif du mâle qui pénètre et ne pense plus qu’à jouir dans son partenaire. Même un mec passif, lorsqu’il « devient » actif, peut ressentir cette pulsion profonde qui le dépasse.

    Mais je ne veux pas que ça s’arrête si tôt, je veux que ça dure plus que ça. Et aussi, je ne sais pas si mon bobrun est prêt à aller vraiment jusqu’au bout. Se laisser pénétrer, se laisser limer, ce sont déjà des grands pas. Et mon bobrun vient de les franchir. Mais laisser l’autre gicler en soi, ça en est un autre, et bien plus grand encore.

    Alors, c’est un prix d’un effort de plus en plus considérable que :

    Je vais et je viens/Entre ses reins/Mais je me retiens

    Jérém prend bien son pied, et il l’exprime de plus en plus fort, sans réticence.

    « Vas-y, Nico, c’est bon ! Vas-y, vas-y à fond ! ».

    Sentir Jérém prendre autant son pied, le sentir l’exprimer de cette façon de plus en plus désinhibée, par les frissonnements de son corps, par des gémissements de plus en plus bruyants, par ses mots d’où la pudeur s’évapore à grande vitesse, m’excite au plus haut point. Ainsi, je sens mon plaisir monter, je sens que je ne vais pas tarder à jouir.

    Je vais et je viens/Entre ses reins/Je vais et je viens/Et je me retiens

    Pour combien de temps encore, je ne sais pas. Et pour ce faire, je suis obligé de stopper net mes va-et-vient. Juste à temps. Je me fais violence pour éloigner l’orgasme qui, pour peu, allait m’échapper.

    « Pourquoi t’arrêtes ? » je l’entends me demander sur un ton dans lequel se mêlent impatience et excitation.

    « Si je continue, je vais jouir ».

    Un instant de silence suit mes mots. Ma queue enfoncée entre ses fesses, mon excitation me torture. Mon cœur cogne à tout rompre, ses battements assourdissants semblent devoir faire exploser mes tempes.

    Et je me retiens,

    « Ne t’arrête pas » je l’entends chuchoter tout bas.

    « T’es vraiment sûr ? ».

    « Vas-y, Nico, j’en ai envie ».

    Non! Maintenant, viens!

    Je ne peux croire à ses mots. Je suis touché qu’il veuille m’offrir autant de ses premières fois. A cet instant précis, je me sens vraiment l’« élu ».

    Je m’allonge une dernière fois sur lui, je pose quelques bisous tout doux sur son cou.

    « Je t’aime » je lui chuchote.

    Je prends une nouvelle fois appui en enserrant ses biceps musclés, je me relève et je recommence à envoyer de bons va-et-vient. Et là, très vite, je perds le contrôle, je me laisse glisser dans la pente vertigineuse de l’orgasme.

    « Oh, Jérém » je laisse échapper, bouleversé par cette jouissance délirante que je découvre instant après instant. Je ressens une boule de chaleur dans mon bas ventre et qui se propage dans tout mon corps. J’ai l’impression que plus rien n’existe à part ma jouissance, que je ne suis plus qu’un corps secoué par une vibration qui dépasse l’entendement.

    Je me laisse submerger par mon plaisir, je sens mon esprit s’évaporer vers une dimension de jouissance d’une intensité inouïe. L’orgasme masculin, si éphémère et si puissant à la fois.

    Je comprends désormais le plaisir de Jérém, je comprends son attitude, son arrogance de petit macho lorsqu’il giclait en moi. Je comprends le bonheur d’être le mâle. Je comprends le bonheur de jouir dans l’autre, de répandre ma propre semence. Je comprends ce que ça fait de savoir que « quelque chose de moi est désormais en lui ».

    Faire l’amour et jouir dans l’autre, ça donne de la confiance en soi. J’ai été très passif, mais je suis quand-même un mec. Je peux jouir comme un mec. Je peux faire jouir comme un mec. Et je peux ressentir l’égo masculin comme un mec.

    L’orgasme passé, je me sens secoué comme si on m’avait roulé dessus avec un rouleau compresseur. Je me laisse aller, je m’allonge sur mon bobrun pour récupérer. Je pose quelques bisous sur sa peau. Je cherche de l’air, je cherche du répit.

    Mais quelques instants plus tard déjà, j’ai l’intuition que mon bobrun a envie de quelque chose que je ne pourrais pas lui refuser, notamment dans de telles circonstances, malgré mon état d’épuisement et la baisse drastique de libido après cet orgasme géant.

    Alors, je me laisse glisser à côté de lui, je m’allonge sur le matelas, sur le ventre, et je m’offre à lui. Je lui dois bien ça. D’autant plus que, malgré le fait d’avoir joui, mon excitation est encore là, et mon envie de lui intacte.

    Le bogoss ne se fait pas prier. Il vient sur moi, il vient en moi, il commence à me limer doucement. Son excitation est telle qu’il jouit très vite à son tour.

    Le bogoss s’affale sur mon dos, me fait quelques bisous dans le cou. Puis, il se déboîte de moi et part près du feu. Je le rejoins comme tout à l’heure, et je le prends dans mes bras. Sa main se pose sur ma main, l’enserre. Nous restons ainsi, enlacés, en silence, pendant qu’il fume lentement sa cigarette.

    Bien sûr, ce qui vient de se passer me fait poser mille et une questions. Des questions auxquelles Jérém seul pourrait apporter la réponse. Mais est-ce bien le bon moment pour les poser ? Est-ce qu’il a seulement les réponses ? Et, plus généralement, est-ce qu’il est utile de mettre tout le temps des mots sur tout ? Il est des actes et des sensations qui se passent des mots.

    Nous restons en silence, mais notre connexion n’a jamais été aussi parfaite.

    Lorsque nous regagnons le lit, nous nous échangeons la bonne nuit et un bon nombre de bisous. Tout va bien, Jérém a l’air d’assumer ce qui vient de se passer. Je me retrouve une nouvelle fois enserré dans ses bras. Et, une fois de plus, je suis le gars le plus heureux de l’univers.

    Très vite, j’entends le bruit désormais familier de sa respiration de sommeil. Quant à moi, une fois de plus, je rate mon rendez-vous avec Morphée.

    Ce que vient de se passer me hante, pulvérise définitivement ma naïveté, fille de mon inexpérience, qui me faisaient imaginer jusqu’il y a peu encore, que le monde, et la sexualité plus en particulier, se présente de façon parfaitement binaire.

    Lorsque j’étais puceau, je m’imaginais que chez les gars qui aiment les gars, les rôles de chacun étaient figés à tout jamais. Que les mecs actifs n’étaient qu’actifs, et que les passifs n’étaient que passifs.

    Or, s’il est possible que ces extrêmes existent (des gays actifs qui trouvent inconcevable se faire envahir par un autre mec, et des mecs complètement passifs qui ne prennent aucun plaisir avec leur sexe), dans l’immense majorité des cas, la réalité est bien plus nuancée que cela.

    Parfois, on peut ressentit la curiosité et l’envie d’expérimenter ce que ressent l’autre, de découvrir et de faire découvrir l’« envers du décor ».

    Et puis, peut-être que, comme il est dit dans une célèbre chanson :

    Le nec plus ultra en ce paysage

    C’est d’aimer les deux côtés

    Souvent, l’envie d’expérimenter « l’autre rôle » dans l’amour est déclenchée lorsqu’on sent la même envie, de signe opposé, chez celui qu’on aime. Lorsqu’on se sent vraiment en confiance, lorsqu’on est amoureux, l’envie de faire plaisir à l’autre peut pousser à franchir des barrières autrefois infranchissables. Et à découvrir, par la même occasion, que « l’autre rôle » peut être aussi génial que celui qui était le sien jusque-là.

    Aucun mec ne ressemble à aucun autre. Entre « uniquement actif » et « uniquement passif », il existe une infinité de nuances d’envies et de pulsions, qui sont en plus changeantes au gré du temps et des rencontres.

    Un mec actif a parfois envie de connaître la virilité de l’autre. Un mec passif a parfois envie d’exprimer sa propre virilité.

    Dans le sexe et le plaisir, il est souvent question de rencontres, d’opportunités.

    Se cantonner dans un rôle, et cantonner son partenaire dans un autre, c’est rassurant. Cela finit par donner une « identité sexuelle ». C’est ce qui m’est arrivé avec Jérém depuis notre première révision. C’est ce qu’a dû chercher mon Jérém avec moi. A se rassurer. Il était mon mâle, j’étais son passif.

    Mon seul plaisir, était son plaisir à lui. Sa virilité, ses besoins sexuels de mec actif only étaient à mes yeux quelque chose de sacré, de logique, de naturel, d’immuable. Un repère qui définissait ma propre sexualité et mon plaisir. Et les siens aussi.

    Je me disais qu’un gars qui a couché avec tant de nanas auparavant ne peut être qu’un mec avec une sexualité bien définie. Et si de grâce il acceptait de coucher avec un mec, il ne serait que « LE mec ».

    Et pourtant, c’est peut-être justement parce qu’il a été si souvent « LE mec », avec tant de nanas, avec quelques mecs avant moi, puis avec moi, qu’il a désormais envie de découvrir l’« envers du décor ». C’est peut-être pour cela qu’il a voulu coucher avec moi. Pour se mettre en confiance avant d’assumer ses envies les plus refoulées.

    Peut-être que ce qui s’est passé ce soir, il en avait envie depuis longtemps. C’est peut-être contre cette envie qu’il luttait dans sa tête lorsqu’il me traitait de trou à bite, lorsqu’il me dominait avec sa virilité, lorsqu’il aimait me soumettre au début de nos révisions.

    Mais la confiance a fini par arriver. Et sa sexualité a pu s’épanouir. Et cette nuit, elle a eu envie d’explorer l’une de ses limites les plus reculées.

    Oui, le fait que Jérém me cantonne dans un rôle de passif, avait fini par définir mon « identité sexuelle ». Je ne cherchais mon plaisir que dans cette direction. Puis, dernièrement, lorsque Jérém a commencé à me traiter « comme un mec », lorsqu’il a commencé à me sucer, j’ai été un peu surpris. Car cela remettait en cause cette « identité », me faisait perdre pas mal de repères.

    Mais très vite, j’ai trouvé de nouveaux repères. J’ai découvert de nouveaux plaisirs. Je sais désormais ce que Jérém ressent lorsqu’il est « le mâle ». Et la prochaine fois qu’il me fera l’amour, cette conscience ne fera que décupler encore mon plaisir d’offrir du plaisir au mâle.

    Aimer un garçon, c’est un désir de communion des corps, des esprits. Aimer les garçons c’est avoir la chance de connaître et apprivoiser toutes les facettes du plaisir, au gré des rencontres, des envies.

    Cette nuit, nous avons échangé des baisers, des caresses, des câlins, du plaisir, de l’amour. Cette nuit, nous avons échangé nos semences.

    Cette nuit, je n’ai besoin de rien de plus. Mon bonheur est parfait. Demain, ce sera une nouvelle journée avec mon Jérém. Nous irons nous balader à la montagne, rien que tous les deux. Je voudrais qu’il y ait tant et tant d’autres journées comme celles que je suis en train de vivre.

    Dans son sommeil, mon bobrun relâche son étreinte et se tourne sur le flanc. Je me retourne aussi, je me cale contre son corps chaud et je le serre contre moi.

    Oui, à cet instant, tout est harmonie dans ma vie. Car tout est si parfait, quand le monde entier se glisse dans vos bras.

    Commentaires

    ZurilHoros

    15/06/2020 18:24

    Un épisode qu’on oubliera pas parce qu’il contient deux des scènes les plus sexy de Jerem et Nico. 

    A la place de Nico, j’aurais été gêné de ne pas savoir sur quel pied danser, entre un Florian plutôt sympa quoique radical, qui est prêt à en découdre avec quiconque le contredirait et un Jérém mis en position d’insincérité. Je comprends son insécurité grandissante. Est-il là comme le faux copain d’un faux hétéro, le vrai copain d’un bomec qui doit mentir, sous le regard complice de deux témoins qui sont dans la confidence. Dans l’après-midi il était un « ourson » adoré, et là, tout lui rappelle qu’il ne sait pas ce qui se passera après ni ce qui restera de cette histoire quand ils seront séparés. 
    Les questions des autres convives deviennent ingérables et il n’arrive plus à faire face, pour ne pas embarrasser Jérémie, il préfère quitter la table sous un faux prétexte. 
    Le passage ou la main de Jérém le retient, m’a surpris, scotché, je ne m’y attendais pas. C’est magnifique de voir bomec venir au secours de son ourson, c’est très émouvant. Ce n’est pas vraiment un Coming Out, c’est plus un Couronnement. 
    Ca me fait penser à cette phrase que chante Vanessa Paradis et qui m’a toujours plu « c’est toi que j’aime pour de vrai ». 
    Après une scène aussi puissante c’est la force de Jérém et Nico que de rester dans le réel et la vérité des personnages grace à des dialogues incroyablement vrai. Dans la voiture qui les ramène à la maison, Jérém n’en fait pas des tonnes. Mais ce n’est pas une attitude empruntée, c’est sa vraie nature. Ce n’est pas une Drama Queen, sauf éventuellement quand il joue les tombeurs de meufs. 
    C’est également joli que Nico respecte sa discrétion et qu’il ne cherche pas à lui en faire dire plus sur son geste. 
    Ce nouveau départ pour Jérémie s’accompagne aussi de la tristesse de devoir quitter une partie de son enfance en sachant qu’il ne la retrouvera plus quand Charlène aura quitté le Centre. 

    La deuxième scène sexy et même plus, se déroule dans la maison. Jérém offre à Nico ses deux premières fois en le laissant puis en lui demandant de venir en lui. Quand il avale Nico en le regardant dans les yeux, c’est assez troublant. 
    La description de ce que ressent Nico comme actif est magnifique. On aurait pu croire que Nico flancherait tant ce que bomec veut était inconcevable dans sa tête, mais ils sont tellement ensemble qu’il fallait qu’ils ne fassent qu’un. 
    Nico est si retourné qu’il oublie même que ce qui se concrétise ce soir là, avait eu ses prémices dans la nuit qui se prolongeait après le départ de bobarbu. 

    ZurilHoros

    29/05/2020 19:44

    Je ne trouve pas que ce soit un adjectif à dévaloriser. Tout simplement par ce que l’on peut s’obliger à être tolérant, on peut travailler sur soi, se maitriser, juger que c’est une bonne attitude. 
    On ne peut pas se forcer à être indifférent, on ne peut pas se forcer à aimer et on ne peut pas se forcer à accepter. C’est beaucoup trop dur, trop long, c’est toute une vie parfois. 
    On ne peut pas forcer des sentiments, mais on peut forcer des comportements. C’est peut être moins parfait, moins angélique, mais c’est plus réaliste. 

    fab75du31Auteur

    25/10/2019 19:52

    Pour moi le bon mot est tout simplement : le respect.

    Virginie-aux-accents

    25/10/2019 03:42

    Je pense que vous avez tout dit concernant les révélations et la sensibilité de cet épisode…
    Je tiens juste à ajouter une chose : en tant qu’hétéro, je ne m’étais jamais posé de question sur le terme de « tolérance ». Je l’enseigne même à mes élèves comme une valeur positive. Mais je réalise que le terme est effectivement maladroit, voire blessant. C’est aussi ça, les leçons de Jérèm&Nico…
    Merci à Fabien et merci à vous tous pour ces discussions.
       Virginie

    fab75du31Auteur

    24/10/2019 11:51

    Merci à vous tous pour ces beaux commentaires, pour ce débat sur un sujet qui nous touche beaucoup. Merci d’insuffler votre vécu, votre sagesse, votre ouverture d’esprit et votre intelligence. C’est un plaisir d’écrire quand on a des lecteurs comme vous.

    Lolo1965

    23/10/2019 20:13

    Je suis bien d’accord avec toi. Tous les détracteurs et polémistes de la terre ne voient les homos qu’au travers du prisme de la sexualité.Il ne prennent jamais en compte l’amour.Pourquoi les homos ne seraient que des machines à baiser et pourquoi ne pourraient ils pas aimer.C’est bien cela que jerem découvre dans son histoire avec nico.Alors tous ces gens qui ne veulent pas nous laisser nous aimer sont ils eux eux mêmes seulement capables d’aimer ? On peut se le demander.Lolo

    Yann

    22/10/2019 10:33

     Juste une réflexion supplémentaire à mon commentaire pour enrichir la discussion intéressante sur cet épisode. En effet comme le dit Florian les homos sont regardés à travers le sexe et j’ajouterais parfois comme des pervers ou des déviants. Or, ce n’est pas le sexe qui défini notre orientation mais l’attirance. C’est l’attirance qui nous gouverne que l’on soit homo ou hétéro et on n’en est pas responsable. Si on peut débattre sur ce qui différencie homos et hétéros c’est donc sur cette différence d’attirance qu’il faut se  s’interroger. L’attirance, c’est d’abord par la perception visuelle que naît une émotion. En un instant très bref une multitude d’éléments physiques du visage (les yeux, la bouche les cheveux…), La stature, la voix, la personnalité, la façon de bouger sont perçus et transmis à notre cerveau qui selon notre personnalité envoie un signal  qui nous fera ressentir ou pas des émotions. En fait avec qui on couche n’est que la conséquence de cette émotion ou cette attirance et je n’imagine pas qu’il puisse y avoir de sexe sans ce désir.

    lolo1965

    20/10/2019 14:06

    Dieux que l’attente a été longue depuis le dernier épisode mais cela valait vraiment le coup
    Tu nous a fait franchir un nouveau palier d’intensité et de plaisir de lecture et de participation à cette belle histoire 
    Qu’est ce que j’aurais aimé être autour de cette table car ce gigot avait l’air si appétissant 
    Les commentaires de Yann, Etienne et GEBL que je ne connait pas en disent long sur les attentes et le suivi de tes lecteurs
    Même si tu as volontairement placé ton action dans une autre époque Les paroles de Florian et de ses acolytes sont malheureusement encore terriblement d’actualité et on empêchera jamais les détracteurs qui sont à l’oeuvre sur les télés et les réseaux sociaux de faire du mal
    Et la ou je te rejoins (euh pardon je rejoins Florian) et Yann c’est que ni le mot tolérance pas plus que le mot acceptation sont acceptables pour moi ni pour les autres autres gays qui nous entourent 
    La seule chose que je demande c’est de vivre comme les autres ni plus ni moins, juste une vie d’être humain noyé dans la masse sans esprit revendicatif ou communautariste, mais la vie de tous le monde
    Les paroles que tu fais prononcer à tes  personnages sont criants de vérité et rappellent sans doute à beaucoup d’entre nous des moment difficiles, cuisants de leur vie mais aussi d’autres moment très heureux et qui ont sans doute construit notre personnalité comme tu es entrain de construire celle de Jerem et Nico
    Et pour ne rien gâché le sexe fait sont retour mais plus en tant que composante principale de l’histoire mais comme complément normal à une vie de couple qui se découvre et qui découvre les joies de la vie à 2 
    Je ne peux que me joindre aux autres commentateurs pour te dire à quel point cela m’a remué au plus profond de moi et à fait ressortir en plus des larmes des souvenirs enfouis loin au plus profond de moi
    Pour tout ça déjà et pour la suite à venir merci FABIEN
    Je ne te connait pas mais quelqu’un qui écrit des histoires aussi belles, touchantes doit être forcément quelqu’un de bien ( et peut être d’écorché aussi)
    Lolo

    Yann

    19/10/2019 18:33

    Cet épisode est exceptionnel et mérite un commentaire particulier. Ce que je retiens c’est qu’au-delà de l’histoire érotique, tu nous livres Fabien de magnifiques leçons de vie au fil des épisodes de cette histoire. Tout d’abord cette discussion sur l’homosexualité par la voix de Florian mais aussi des autres. Même fictifs tes personnages n’en sont pas moins crédibles sur ce sujet. C’est un fait qu’être gay n’est pas un choix. Pourtant certains le pensent comme ce polémiste (que je ne nommerais pas pour pas lui faire de pub) qui sur Cnews la semaine dernière affirmait que les gay choisiraient leur sexualité et qualifiait le désir d’enfants de caprice. Il y a aussi tous ces mots évoqués dans cet épisode. Je dirais qu’ils ont exclusivement utilisés pas les hétéros pour parler des homos. Tolérance, j’ai déjà dit ce que j’en pensais et je préfère acceptation même si cela suggère que certains auraient le droit de dire ce qui est acceptable ou pas en matière de sexualité ! Pour moi Hétéro, homo ou bi c’est comme être droitier, gaucher ou ambidextre. Même contrarié un gaucher restera un gaucher qui plus est avec des troubles. Il n’empêche que certains voudraient soigner les homo par des thérapies de conversion !!! J’aime bien cette réplique de Muriel Robin lorsqu’elle dit : je ne suis pas homo je suis moi.
    Il y a aussi la question qui revient régulièrement sur le rôle de chacun dans un couple gay. Ca encore c’est bien une question d’hétéro. Qui fait le mec, qui fait la femme ? Et en quoi le couple hétéro serait une référence ? Et puis est-ce qu’ils accepteraient qu’on les questionne sur qui fait quoi dans leur couple ? Dans la même veine il y a celle sur qui porte sur qui est le dominant et le dominé ou actif et passif. En amour il ne peut pas y avoir de domination mais que du partage et le désir de penser à l’autre avant soi-même (sinon c’est du viol ou du SM). Dans cet épisode Nico en est le parfait exemple lorsqu’il se soucie de faire passer le plaisir de Jerem avant le sien.
    Comme GEBL j’ai été ému aux larmes. Le choix de Jerem qui, pour faire comprendre aux autres ce qu’il avait a leur dire, donne un baiser à Nico plutôt que d’utiliser des mots est attendrissant. Il a aussi raison de dire que le sexe devient anecdotique et laisse une place de choix aux sentiments et à l’amour.
    Yann

    Étienne

    19/10/2019 10:27

    Bravissimo !Un épisode parfait (que je n’esperais plus…) et qui renvoie à bien des réflexions et situations vécues.Ah aussi, je me demande s’il n’y aurait pas un peu de Fabien dans le personnage de Florian…

    GEBL

    19/10/2019 08:04

    le bonheur complice que vient de franchir leur relation , me fait monter les larmes aux yeux (sic).  Le sexe, dans l’écriture devient anecdotique par rapport au bonheur que sont leurs sentiments respectif si bien retranscrit. Ce texte à bien des moments me rappelle ma vie, le jour où l’on découvre l’envers du  décors , parce que ce que l’on veut comprendre ce qui motive tant de donation d’autrui.   Merci pour cela

  • JN0216 L’amour ne vit plus ici.

    JN0216 L’amour ne vit plus ici.

    Campan, le lundi 10 septembre 2001.

    « Florian, c’est l’ex de Loïc » nous explique Charlène « on s’est pas mal côtoyés jusqu’à la rupture avec Loïc, il y a un an, non, deux ans déjà, le temps file si vite. Ça n’a pas été du gâteau pour lui, il en a bavé ».

    « C’est Loïc qui l’a quitté ? » fait Jérém.

    « Oui, il l’a quitté pour Sylvain. En fait, il avait déjà rencontré Sylvain avant de quitter Florian ».

    « C’est chaud » lâche Jérém.

    « Ouais. Ça me fera plaisir de lui faire un petit coucou, ça fait un moment que je ne l’ai pas vu. ».

    Dans mon for intérieur, je suis curieux de rencontrer ce Florian. J’ai soudain de l’empathie pour ce gars qui a vécu une séparation difficile. Je ne le connais pas, et pourtant j’ai envie de voir comment un homo s’assume à l’âge adulte, j’ai envie de voir comment on se reconstruit après une rupture. J’ai aussi envie de savoir à quoi il ressemble. Et quel genre de mec il peut bien être.

    Sur notre droite, un grand pré en pente clôturé enferme un troupeau de brebis à la laine bien blanche. Les petits herbivores sont en train de pacager paisiblement.

    Et alors que nous approchons de la maison aux volets bleus, deux labradors, l’un sable, l’autre noir, déboulent à notre rencontre. Le noir aboie de façon insistante, son jappement est sonore et retentissant.

    « On va se faire bouffer » je commente.

    « Mais non, ils sont sages comme des images » fait Charlène « Gaston, Illan, c’est moi ».

    Pour toute réponse, le labrador noir aboie un peu plus fort encore, le corps massif tout tendu, le poil brillant hérissé autour de l’encolure, comme s’il se préparait à attaquer.

    « Ils ne m’ont pas reconnue. Et pourtant, il y a eu une période où l’on se voyait très souvent » elle continue, sur un ton empreint d’une sorte de nostalgie « ce qui est chiant, quand un couple d’amis se sépare, c’est de devoir en quelque sorte choisir lequel on va continuer à fréquenter. Allez, les toutous, du calme ! ».

    Les mots de notre « guide » semblent apaiser les deux labradors. En effet, après quelques derniers aboiements insistants, les deux gros toutous se contentent de nous escorter jusque dans la cour de la ferme.

    Un mec d’une trentaine d’années vient de se pointer sur le seuil de la maison, alors qu’une musique vive s’échappe de la porte ouverte. Le type nous regarde, en utilisant sa main comme d’un parasol pour se protéger du soleil. Le mec est grand, un peu enrobé, châtain, les cheveux frisés. Il est habillé d’un vieux t-shirt rouge délavé et d’un short coupé dans un jeans qui a fait son temps.

    « Charlène ! » je l’entends s’exclamer, la voix joyeuse, et avec un grand sourire, lorsqu’il réalise qu’il s’agît de son ancienne copine « du cheval ».

    Cette dernière descend de sa monture, passe les rênes à Jérém, et s’empresse d’aller lui claquer la bise.

    Jérém et moi regagnons le sol à notre tour et Charlène fait les présentations.

    « Florian, voici Jérémie et Nicolas ».

    « Mais on s’est déjà vu, non, Jérémie ? » fait Florian.

    « Oui, je crois ».

    « Jérémie n’est pas venu souvent nous voir ces dernières années, mais c’est un cavalier, et un bon cavalier. Nicolas, c’est un ami à lui, qui est venu s’essayer à l’équitation ».

    « Je me disais bien que ta tête ne m’était pas inconnue » fait Florian.

     « Et de moi, tu te souviens, espèce de goujat ? » fait Charlène.

    « T’es qui, toi ? » se marre Florian.

    « Celle qui va te mettre une bonne fessée ! ».

    « Ça me fait plaisir de te voir ».

    « Moi aussi. Tu nous manques à l’asso de cavaliers ».

    « Vous aussi vous me manquez, enfin, certains plus que d’autres ! ».

    Charlène éclate dans un rire sonore.

    « Je veux bien te croire ».

    « Je vois que t’as toujours la pêche, et que tu montes toujours, ça me fait plaisir ».

    « Je monterai jusqu’à que je tiendrai debout. Toi, en revanche, t’as arrêté le cheval ».

    « Oui ! Et je ne m’en porte pas plus mal ! ».

    « Ce n’était pas vraiment ton truc ».

    « Non, j’ai toujours eu peur à cheval. Je crois que pour ne pas avoir peur, il faut commencer quand on est très jeunes et inconscients. Moi j’ai commencé à monter à trente ans. Et dès la première fois, je n’ai jamais cessé de me demander quand je tomberais. Et je suis tombé plus que mon dû ».

    « Si ce n’est pas une passion, il vaut mieux ne pas se forcer ».

    « Je montais surtout pour faire plaisir à Loïc, pour partager quelque chose à deux. Mais visiblement ça n’a pas suffi ».

    « Tu as fait tellement d’efforts pour sauver ton couple. Hélas, parfois les choses nous échappent des mains et il n’y a rien à faire ».

    « C’est ça, merde au passé ! Alors quel bon vent t’amène ? ».

    « On a fait la grande boucle dans la forêt et le cheval de Jérémie est en train de déferrer. Alors on se demandait si tu pouvais nous filer une pince pour sortir les clous qui restent et enlever le fer ».

    « Mais avec plaisir. Viens voir à l’atelier, si tu trouves ton bonheur » fait Florian à l’intention de mon bobrun.

    Jérém le suit à l’atelier. Les deux gars se postent devant un panneau mural garni d’ustensiles de toute sorte, clefs, pinces, marteaux. Mon bobrun de dos, sa plastique moulée dans le coton gris du t-shirt marqué par une trace de transpiration le long de la colonne vertébrale, il est juste sexy à se damner.

    « Prends ce que t’as besoin » fait ce dernier, tout en lorgnant du côté de mon Jérém en train de choisir et de décrocher les outils.

    « Je crois que j’ai tout ce qu’il me faut, merci ».

    Jérém revient vers son cheval, il reprend le pied d’Unico et tente d’extraire les clous, non sans effort. Après une première réticence, Unico se laisse faire bravement.

    « Tu as besoin d’un coup de main ? » je lui demande.

    « Non, ça va aller. Mais ça va prendre un certain temps ».

    « T’es sûr que t’as besoin de rien ? » insiste Charlène.

    « Merci, c’est une affaire entre lui et moi » il plaisante.

    « On te laisse faire, alors. Nous on va boire un coup » fait Florian.

    « Oui, merci ».

    « Venez donc à l’intérieur, j’ai même de la pastèque au frais ».

    « Ce n’est vraiment pas de refus ».

    Au fur et à mesure que nous approchons de la maison, la musique m’enveloppe un peu plus à chaque pas, les décibels me happent, me font vibrer. Et lorsque nous passons la porte d’entrée, je suis instantanément plongé dans un univers sonore saisissant.

    Dans un angle du séjour trône une grande chaîne hi-fi, surmontée d’une platine vinyle massive. Un disque 33 tours tourne d’une allure paisible et régulière, alors que deux grandes enceintes à chaque coin de la pièce envoient « du pâté », délivrant le son qui arrive à mes oreilles, dans ma chair, dans mes tripes.

    Florian s’empresse de baisser le volume sans pour autant arrêter le disque.

    « Ici je n’ai pas de voisins » il nous explique « alors, depuis que je suis seul, je ne me gêne pas pour mettre la musique à fond ».

    « C’est ça qui est bon quand on est seuls, c’est qu’on fait ce qu’on veut » commente Charlène.

    Je suis aimanté par le mouvement hypnotique de la galette sur la platine, si loin de la frénésie de rotation d’un cd, je suis happé par cette pointe qui parcourt patiemment son sillon pour en extraire le son. Regarder un disque tourner c’est apaisant, c’est presque comme regarder une clepsydre, on a l’impression de regarder le temps en train d’avancer.

    A cet instant précis, je découvre le disque. Enfin, je le redécouvre. Maman avait un tourne disque, mais il était loin d’avoir la gueule et le son de l’équipement de Florian. Quant à moi, depuis que j’écoute de la musique, je n’ai jamais acheté de disque. J’ai commencé avec des cassettes. Et je suis rapidement passé au cd. Avant de me laisser conquérir, quelques années plus tard, par la musique numérique.

    Le son d’un vinyle sur une bonne chaîne hi-fi, on n’a encore jamais rien fait de mieux en termes d’expérience d’écoute musicale. Même le cd n’arrive pas à rivaliser avec la richesse et l’authenticité du son d’un bon vieux vinyle. Et certainement pas avec son charme daté mais jamais démodé.

    A côté de la chaîne hi-fi est installé un meuble rempli de disques, exposés sur la tranche. Et devant ces importantes archives musicales, une pochette est debout, appuyée contre l’alignement de ses consœurs, exposée à la vue. C’est certainement la pochette du disque qui est en train de jouer.

    L’image, assez sombre, représente un beau garçon en demi-buste, de profil, la barbe d’une semaine, une grande boucle en forme de croix à l’aplomb de son oreille. Le gars est habillé d’un blouson en cuir qu’il soulève avec ses mains et dans lequel il semble vouloir cacher son visage. Entre les deux pans, on devine une portion de torse velu. Pas de titre d’album, ni de nom du chanteur bogoss.

    « Dis-donc, t’as une sacrée collection de disques » lance Charlène à Florian, alors que la chanson se termine et un petit crépitement de fond fait la liaison avec le titre suivant.

    « Et encore ils ne sont pas tous là. La musique c’est mon plaisir. Je crois que je pourrais vivre sans sexe, mais jamais sans musique ».

    « A ce point ».

    A nouveau je me laisse happer par le disque et sa rotation perpétuelle. Et soudain le titre suivant démarre.

    Des notes de piano, un air doux et un peu mélancolique. Une ambiance jazzy. Puis vient la voix. C’est une voix feutrée et pourtant bien virile, une voix de jeune mâle, comme une caresse à la fois très douce et terriblement sensuelle, une vibration qui touche des cordes sensibles, qui me touche au cœur. Et en quelques secondes à peine, elle m’émeut jusqu’aux larmes.

    Vinyle vidéo :

    Cette voix, cette vibration masculine fait dresser mes poils, jusqu’au cuir chevelu, elle me file une boule au ventre, et l’envie de pleurer. Car il y a dans cette musique et dans cette voix une sensualité qui donne envie de faire des câlins, de faire l’amour avec l’homme qu’on aime.

    Comme promis, Florian nous offre des boissons et de la pastèque. Mais moi j’ai complètement oublié ma soif et ma fatigue, tout ce dont j’ai besoin à cet instant c’est de silence autour de moi pour être seul avec cette voix qui me fait vibrer et avec mon Jérém avec qui j’ai envie de faire l’amour.

    La porte d’entrée est restée ouverte. Les deux labradors nous ont suivis à l’intérieur et se sont installés d’un côté et de l’autre de la chaise occupée par Florian. Ils se sont postés en position assise, la truffe à l’affut du moindre petit geste de leur maître en train de découper la pastèque.

    Une tranche atterrit dans les mains de Charlène, une autre dans les miennes. Florian découpe la sienne en petit morceaux et il en balance un à chaque labrador, à tour de rôle. Ces derniers gobent voracement l’aubaine sans même lui laisser toucher le sol.

    « Ils sont doués, dis-donc » fait Charlène.

    « On s’entraîne tous les jours ».

    Je regarde le labranoir et sa truffe de gros toutou adorable et soudain je repense à Gabin. A Stéphane. Ça fait un moment que je n’ai pas de leurs nouvelles. Qu’est-ce qu’ils deviennent ? Est-ce que tout se passe bien pour eux ? Est-ce que Stéphane a trouvé un mec à Bâle ? Quelle belle rencontre, celle avec le garçon au labrador.

    Pendant que Charlène et Loïc discutent tout en mangeant leurs tranches de pastèque, je me laisse amener de plus en plus loin par cette voix et par les couplets qu’elle me chuchote à l’oreille.

    La chanson parle d’un amour unique et irremplaçable. Au détour d’un sillon, la beauté mélancolique des couplets est soulignée par l’envolée de la musique, par la montée en puissance de la voix :

    But remember this/Mais souviens-toi de ceci

    Every other kiss/Chaque autre baiser

    That you ever give/Qu’il t’arrivera de donner

    Long as we both live/Tant que nous vivrons tous les deux

    When you need the hand of another man/Lorsque tu auras besoin de la main d’un autre homme

    One you really can surrender with/Un homme auquel tu puisses véritablement t’abandonner

    I will wait for you/Je t’attendrai

    Like I always do/Comme je le fais toujours

    There’s something there/Il y a quelque chose là-dedans

    That can’t compare with any other/Que je ne peux comparer à rien d’autre

    Puis, la chanson s’installe à nouveau dans la douceur, dans un duo piano-voix qui me donne des frissons.

    You are far/Tu es loin

    When I could have been your star/Alors que j’aurais pu être ton étoile

    You listened to people/Tu écoutais des gens

    Who scared you to death, and from my heart/Qui te glaçaient le sang, et du fond de mon cœur

    Strange that I was wrong enough/Il est étrange que je me suis trompé à ce point

    To think you’d love me too/Pour croire que tu m’aimais aussi

    I guess you were kissing a fool/J’imagine que tu as embrassé un idiot

    You must have been kissing a fool/Tu devais embrasser un idiot

    Des crépitements plus marqués d’échappent des enceintes, puis le silence se fait, un silence par-dessus lequel se fait entendre un léger bruit de mécanique bien réglée, le mouvement du bras du tourne disque qui se lève et se remet seul sur son support, alors que la galette cesse de tourner.

    La chanson vient tout juste de se terminer et elle résonne toujours en moi. J’ai vraiment l’impression que je n’ai rien entendu de si beau auparavant. Je crois que même sans comprendre les mots, la douceur et la mélancolie de cette voix savent parler directement au cœur et transmettre une émotion incroyable.

    J’en ai le souffle coupé. J’ai des frissons, un nœud au fond de la gorge, j’ai la chair de poule, les poils dressés sur les bras. Je ressens une sensation d’électricité qui part d’entre mes reins, remonte le long de ma colonne vertébrale, fait vibrer mes omoplates, crispe mon cou et se perd dans le bas de ma nuque. Je suis retourné comme une chaussette, comme si j’avais pris une claque en pleine figure. Je sens les larmes mouiller mes yeux.

    Un disque a un début, un développement, et une fin. Suivis par le silence. Un silence aussi long que la flemme de celui qui écoute de se lever et aller remettre la galette à tourner, la faire démarrer depuis le début, ou choisir un morceau précis, ou pour la retourner. J’ai très envie d’écouter à nouveau ce petit chef d’œuvre que je viens de découvrir. Et pourtant, je savoure le silence qui suit le chef d’œuvre et qui le fait apprécier par le manque. Ne dit-on pas que le silence après du Mozart, c’est toujours du Mozart ?

    « Ça va Nico ? » me demande Charlène.

    « Oui, ça va » je lui réponds, en essayant sans succès de cacher l’émotion qui s’invite dans ma voix.

    « T’as l’air tout ému ».

    « C’était très très beau ».

    « Elle se nomme Kissing a fool » fait Florian « et c’est vrai qu’elle est magnifique. Je crois que la première fois que j’ai entendu cette chanson, j’ai été aussi touché que toi. C’était il y a environ quinze ans. Ça fait plaisir de voir que la magie opère toujours, même aujourd’hui, et même sur les nouvelles générations ».

    « J’avoue que c’est une très belle chanson » confirme Charlène « au fait, c’est qui le chanteur ? ».

    « C’est George Michael » fait Florian, en se levant et en approchant du tourne disque.

    George Michael. Je connaissais le garçon sur la photo du disque, je connaissais sa voix, et certains de ses tubes. Je ne connaissais pas cette chanson, en revanche.

    « Ah, George Michael » se souvient Charlène « ma fille en était folle quand elle était ado, elle écoutait ses cassettes en boucle ».

    Un instant plus tard, j’entends le bruit de diamant qui ripe bruyamment sur le vinyle, suivi par quelques crépitements, avant qu’à nouveau des notes de piano empreintes de tristesse et de beauté, les mêmes que quelques minutes plus tôt, viennent me faire vibrer d’émotion.

    Florian a remis le même titre.

    « Merci » j’ai envie de lui lancer.

    Clip officiel :

    Et la voix revient, apportant avec elle le même frisson que la première fois.

    Porté par la puissance et la fidélité des grandes enceintes, à nouveau cette voix, cette caresse me prend aux tripes, elle m’enveloppe d’une sorte de douceur virile qui m’émeut.

    « On était nombreux à en être fou à cette époque, il était juste canonissime, il était sexy à mourir, en plus d’être un musicien génial et un très bon interprète. Ferme les yeux et écoutes. Tu te laisses transporter, et t’as l’impression que c’est à toi et à toi seul qu’il chuchote à l’oreille ».

    Je fais l’expérience suggérée par Florian, je ferme les yeux et je me concentre sur la voix. Et j’ai effectivement l’impression que le beau George est penché sur mon oreille et qu’il me prend dans ses bras chauds et rassurants. Comme Jérém après la pause déjeuner tout à l’heure.

    J’ai tellement envie d’être dans les bras de mon mec. J’ai envie de l’embrasser, de danser avec lui sur cette musique, sur cette voix, danser serrés l’un contre l’autre, et ne plus jamais se quitter. Cette musique, cette voix donnent envie de dire des mots doux à la personne qu’on aime.

    « Cette voix me fait un effet de fou » lâche Florian.

    « Moi aussi » j’ajoute à mon tour.

    « Quand on pense qu’il n’avait que vingt ans quand il a chanté ça » il explique.

    Vingt ans. Que vingt ans ! Un petit mec de vingt ans capable de graver une telle émotion dans le sillon, ça a tout mon respect.

    « C’est pas lui qui a fait une chanson qui s’appelle Faith ? » se souvient Charlène.

    « Oui, oui, c’est bien lui. A l’époque, le clip passait en boucle sur MTV, lui et son jeans mettant en valeur son beau cul, lui et son blouson en cuir sur débardeur blanc, lui et ses chaussures pointues, ses grandes lunettes de soleil, sa grande boucle d’oreille en forme de croix, sa guitare, ses déhanchements sexy. Lui, beau comme un Dieu !

    Et il a fait un autre clip très sexy, I want your sex. A un moment, on le voyait torse nu au lit avec une nana. Il était sexy à un point inconcevable. Je pense qu’avec ces deux clips, il a inspiré un nombre difficilement quantifiable de plaisirs solitaires autour de la planète ».

    « Ooooohhhh !!!! » feint de s’offusquer Charlène.

    « Pendant l’été ’87 » continue Florian « j’avais 17 ans et j’étais en vacances à Port Leucate avec ma cousine. Nous étions en train de refaire le monde et de mater les beaux mecs sur la plage, tranquillement allongés sur nos serviettes. Un gars s’était pointé et avait allongé sa serviette pas très loin de nous. Le mec était seul et il était beau comme un dieu. Il devait avoir quelques années de plus que moi, peut-être 20-22 ans, et je me souviens que sa démarche et son attitude dégageaient une assurance qui m’impressionnait. Il était brun, il avait une belle gueule, la peau mate. Il avait un short rouge et des grandes lunettes de soleil. Et il était torse poil ».

    « Dis donc, tu as de la mémoire » s’étonne Charlène.

    « Une mémoire très sélective pour les bogoss. Et lui, il était vraiment bogoss. Il était bien gaulé, il avait un torse en V, des pecs saillants et des beaux abdos. Et sur toute la hauteur de ces abdos, il y avait une inscription, sur deux lignes, tracée en lettres capitales bien épaisses. Ce n’était pas un tatouage, ça avait l’air d’avoir été dessiné, au Stabilo noir ou au stylo. Cette inscription disait :

    I  WANT

    YOUR SEX

    « La dégaine de ce gars, beau et sexy comme pas possible, portant sans pudeur cette inscription évoquant sa sexualité, l’air fier de son corps et de sa virilité, était pour moi, ado, comme un appel sauvage au sexe. Je crois que j’ai bandé sur le champ, que j’ai eu envie de lui comme d’aucun gars auparavant. C’était vraiment violent. Tout en lui semblait évoquer une sexualité bouillonnante, c’était comme un truc invisible qui se dégageait de sa simple présence et qui m’étouffait.

    Evidemment, il ne m’a pas décroché un seul regard.

    Je me suis demandé qui avait pu faire cette inscription sur ses abdos. Car elle avait dû certainement prendre pas mal de temps, et elle était trop nette, il n’avait pas pu se la faire tout seul. Est-ce que c’était l’œuvre d’une nana particulièrement enthousiaste de ses prestations sexuelles ? Et si c’était le cas, quel bonheur sensuel et sexuel avait bien pu pousser cette nana à écrire cela après l’amour, à vouloir à ce point flatter l’ego du beau mec ? Quelles caresses, quels plaisirs avait connu ce gars autour de cette inscription ?

    Je crois que c’est la première fois où j’ai violemment fantasmé sur la sexualité d’un mec, un mec complètement inaccessible et dont la simple vision me vrillait les tripes.

    Bref, c’était la première fois que la sexualité et le plaisir d’un beau gars m’était envoyée à la figure d’une façon si directe, presque violente, et par conséquent la première fois où je me suis posé les questions que depuis me hantent à chaque fois que je croise un beau mec.

    Avant ce jour j’étais un gars très timide, introverti, un gars qui se cherchait, qui ne voulait pas voir l’évidence, mon attirance pour les gars. Je crois que cet épisode a marqué mon éveil à la beauté masculine et à la sensualité. Ce que j’ai ressenti ce jour-là était trop violent pour que je puisse l’ignorer. La sensualité de ce gars m’a mis face à moi-même. Alors, d’une certaine façon, c’est un peu grâce à George Michael que j’ai commencé à accepter mon orientation sexuelle ».

    « Ça doit être violent, en étant adolescent, de réaliser qu’on n’est pas comme la plupart des copains, qu’on est attiré par des gars qui souvent ne sont attirés que par les nanas » considère Charlène.

    « Je ne te le fais pas dire » fait Florian, songeur.

    « Je ne te le fais pas dire » je lâche, comme un cri du cœur.

    Nos voix se superposent, ce qui provoque l’hilarité de Charlène.

    Définitivement, j’aime bien ce Florian. Je me reconnais en lui, dans ses ressentis, dans ses fantasmes, ses désirs, ses peurs, dans sa façon de découvrir ses penchants, ses attirances, dans ses frissons face aux bombasses mâles. Et aussi dans cet épisode de l’éblouissement face à la bogossitude extrême, comme ça a été le cas le premier jour du lycée en voyant Jérém, qui a été comme une révélation, et qui a provoqué le déclic, le début de prise de conscience de l’irrépressibilité de cette attirance et de sa légitimité. Lui aussi, comme moi, a dû se dire : « si regarder un gars me donne autant de frissons, ça ne peut pas être une mauvaise chose. En tout cas, ça ne l’est pas pour moi. Pourquoi j’essaierais de m’opposer à cette attirance ? Je n’ai pas à le faire, je ne veux pas le faire. Car elle me fait être en phase avec moi-même, car elle me rend heureux ».

    Je me reconnais également en Florian dans le fait d’avoir une cousine qui a certainement dû être sa confidente comme Elodie l’est pour moi, d’avoir été à la plage avec elle, à quelques dizaines de bornes à peine de notre plage à nous, celle de Gruissan.

    « Kissing a fool » se termine pour la deuxième fois et le bras de la platine revient sur son support. Le disque cesse de tourner.

    « Pas trop mal ».

    « Tu y penses toujours ? ».

    « Comment ça pourrait en être autrement, après douze ans de vie ensemble ? ».

    « Tu ne lui parles toujours pas ? ».

    Florian marque une pause. Il me jette un regard, et il semble réaliser qu’il n’est pas seul à seul avec Charlène, qui à l’évidence doit être sa confidente. Mais un instant plus tard, après avoir pris une bonne inspiration, ses réticences semblent s’évaporer. Comme s’il me faisait confiance, comme s’il avait compris qu’on se « ressemble », et comme si le fait qu’on se « ressemble » le mettait à l’aise.

    « Non, je ne lui parle pas ».

    « Tu lui en veux toujours ? ».

    « Je lui en ai voulu de m’avoir quitté, mais je crois que ce n’est même plus le cas. Aujourd’hui, j’ai juste envie de garder de la distance. Et, surtout, pas envie d’entendre parler de sa super nouvelle vie avec l’autre machin ».

    « L’autre machin c’est son mari maintenant ».

    « Je sais bien. Alors, quoi leur souhaiter, si ce n’est, bon divorce ! ».

    « T’es mauvais ! ».

    « Je pense que je lui reparlerai quand il se sera fait larguer par son pouffiau ».

    « Son quoi ? ».

    « Pouffiasse, nom féminin, pouffiau, déclinaison au masculin ».

    Charlène se marre. Moi aussi.

    « En vrai, ce qui me guérirait, ce serait qu’il assume sa part de responsabilité dans la fin de notre histoire, alors qu’il a toujours soutenu dur comme fer que tout était de ma faute ».

    « Tu sais, quand l’amour n’est plus là, tout est prétexte et mauvaise foi » fait Charlène.

    « Mais tout ça, ça n’a plus grande importance. Tout ce que je veux, c’est ne rien savoir. Je voudrais même oublier qu’ils existent, ces deux-là. Celui qui quitte devrait avoir la décence de partir loin et de ne plus donner des nouvelles jusqu’à ce qu’on lui en redemande, éventuellement, un jour ».

    « T’exagères ».

    « Notre séparation a duré trop longtemps, ça m’a usé ».

    « Je te l’avais dit qu’il fallait lâcher prise plus tôt ».

    « Je sais, mais je n’étais pas prêt ».

    « Tu sais, tu n’es pas le seul à avoir connu une séparation difficile » continue Charlène « regarde à l’ABCR, depuis 10 ans, les trois quarts des couples ont explosé. Nadine, Martine, Satine, Emelyne. Quand l’amour finit, il n’y a pas de fautif. C’est comme ça, c’est la vie ».

    « Parfois, j’ai l’impression que cette séparation a brisé quelque chose en moi. Ma capacité à faire confiance, à tomber amoureux à nouveau. Et j’ai l’impression que ce « quelque chose » personne ne me la rendra, jamais ».

    « Je ne crois pas que notre capacité à être amoureux s’émousse avec le temps ou les déceptions » considère Charlène « je pense juste que les premières fois on se laisse transporter par ce sentiment qui est nouveau pour nous et qu’on ne cherche pas à maîtriser, car c’est tellement agréable.

    Après une rupture, on est plus prudents, on réfléchit deux fois avant de se donner tête et corps perdus dans une relation. On se protège. Parfois trop.

    Je sais que c’est difficile, parce que ce n’est pas toi qui as fait ce choix de rupture, mais tu dois arriver à tourner la page ».

    « Accepter de tourner la page, c’est accepter le fait que toute l’énergie que j’ai mis dans mon couple dès le départ, jusqu’aux efforts déraisonnables pour le sauver quand il était déjà foutu, ça n’a servi à rien. A part à me faire quitter pour quelqu’un d’autre ».

    « Après une rupture, on peut avoir le cœur comme « asséché », mais pas de façon irréversible » continue Charlène « le tout est de savoir réapprendre à recevoir de l’autre et à faire confiance pour le réhydrater ».

    « Cette maison, cette ferme pleines de souvenirs ne m’aident pas à aller de l’avant ».

    « Ça, je le comprends ».

    « Il faut en créer de nouveaux ».

    « Facile à dire ».

    « Tu trouveras chaussure à ton pied. Tu es beau garçon ».

    « Ici dans la vallée, c’est le casting des Gremlins ! ».

    « Ça viendra quand ça doit arriver ».

    « En vrai, je crois que je ne veux pas de mal à Sylvain ni même à Loïc ».

    « Je crois qu’il aimerait retrouver une relation apaisée avec toi ».

    « Une relation apaisée ? J’y arriverai peut-être un jour, mais pour l’instant, je ne peux pas. Je ne supporte pas de sentir son regard « amical » à la place du regard amoureux que je lui ai connu pendant douze ans. Je ne peux pas supporter ses derniers messages, finissant par « Bises » alors qu’il y avait eu tant de « baises » enflammés par le passé.

    Après avoir vu de l’amour et de l’admiration dans son regard, c’est très dur de ne retrouver que de la distance ».

    « Je comprends parfaitement. Mais tu sais, je crois que malgré tout, tu as toujours une place spéciale dans son cœur, et que tu l’auras à tout jamais ».

    « Moi aussi je pense souvent à lui. J’espère qu’il va bien, même loin de moi. Je me demande comment il va, quels sont aujourd’hui ses rêves, ses bonheurs, ses angoisses. Je me demande si ça lui arrive de penser à moi, de se demander comment je vais. Je me demande s’il se souvient de nos moments heureux. Je me demande si ça lui arrive de se dire que les choses auraient pu se passer autrement, que tous les deux on aurait pu faire en sorte qu’elles se passent autrement ».

    « Quand je t’écoute, j’ai l’impression qu’une partie de toi s’échine à vouloir prouver que ce qui a échoué aurait dû réussir ».

    « C’est peut-être de la fierté mal placée ».

    « On peut appeler ça comme ça, mais moi je dirais que c’est surtout un besoin de déculpabilisation. Je conçois que la fin de cette histoire soit encore pour toi un dossier épineux. Parce qu’il y a des choses que tu n’as pas acceptées, car elles t’apparaissaient injustes.

    Mais il faut à un moment savoir lâcher prise, renoncer à tout comprendre, à tout analyser, sans quoi on continue son chemin comme quelqu’un qui conduirait un véhicule sans en desserrer le frein à main.

    On ne peut pas effacer le passé, et heureusement, car on doit apprendre de tout, y compris de ses propres échecs et de ce qui nous a fait souffrir. Mais il ne faut jamais lui laisser te voler ton avenir.

    Il ne faut pas laisser la peur et la rancœur nous empêcher de saisir le bonheur quand il vient sonner à notre porte. Car il ne passe pas tous les jours ».

    Pour toute réponse, Florian se lève et s’approche de la platine. Il saisit la galette immobile avec soin, et il la glisse dans sa sous pochette en papier, puis dans la pochette cartonnée. Il glisse le tout à un endroit choisi dans l’alignement de vinyles.

    Et le disque que Florian choisit en suivant, je ne le connais que très bien. Ce disque est un monument de la pop des années ’80. Lorsque je vois la couverture, je me sens chez moi.

    Regard captivant, maquillage relevé, robe de poupée, suggestive, ceinture avec mention « Boy Toy ». Définitivement, Florian et moi nous nous ressemblons à plus d’un titre.

    Le disque est sur la platine, il commence à tourner, le diamant se pose dans un sillon dans un bruit de craie qui ripe sur une ardoise, avant de capter le crépitement entre deux chansons.

    Un instant plus tard, l’intro reconnaissable entre mille parvient à mes oreilles avec la qualité inégalée du son venant d’un disque joué par un bon équipement hi-fi.

    Et sa voix arrive enfin. Une voix à la fois fragile et puissante.

    You abandoned me/Tu m’as abandonné

    Love don’t live here anymore/L’amour ne vit plus ici

    Just a vacancy/Juste un vide

    Love don’t live here anymore/L’amour ne vit plus ici

    J’ai de plus en plus d’estime pour ce Florian. Car un gars qui écoute du Madonna ne peut être qu’un bon gars.

    Love don’t live here anymore/L’amour ne vit plus ici

    Just emptiness and memories/Juste le vide et les souvenirs

    Of what we had before/De ce que nous avions avant

    You went away/Tu es parti

    Found another place to stay, another home/Trouver un autre endroit où rester, une autre maison

    « Moi aussi j’adore Madonna » je ne peux m’empêcher de lâcher.

    « Elle est pour moi cette voix qui, même dans les jours les plus sombres, sait allumer une lueur d’espoir ».

    « C’est très juste » je commente.

    « Sa voix me fait du bien ».

    « C’est exactement ça ».

    « Je l’ai découverte en 1982 avec Holiday et je ne l’ai jamais lâchée. Et elle n’a jamais lâché. Elle a toujours été là, quand j’ai été heureux, quand j’ai été triste ».

    « Moi je l’ai découverte à l’époque de « Secret » en 1994 ».

    « Tu es un petit jeune » il se moque gentiment.

    « Mais elle m’a bien accompagné aussi ».

    « Même dans 20 ans, même si elle se mettait à chanter l’annuaire téléphonique en chinois, en roumain ou en portugais, je l’écouterai toujours »

    « Je suis allé la voir cet été à Londres ».

    « À Londres ? Chanceux, va ! ».

    « Allez, je vais vous laisser faire l’apologie de Madonna, moi je vais voir où il en est avec cette ferrure » fait Charlène.

    Elle vient tout juste de franchir le seuil de la maison, lorsque Florian change brusquement de sujet et me lance :

    « Veinard, va ! ».

    « De quoi ? » je tombe des nues, pris au dépourvu.

    « Comment ça, de quoi ? Vous êtes beaux tous les deux ».

    « Ah » je réalise enfin.

    « Tu l’aimes, hein ? ».

    « Je suis fou de lui ».

    « C’est beau ! ».

    « Mais si je peux te donner un conseil » il continue « n’oublie jamais que l’amour de l’autre n’est jamais acquis et que pour que la flamme dure, il faut l’alimenter un peu chaque jour.

    Ne cesse jamais de lui montrer que tu l’aimes, mais n’accepte pas tout par amour.

    Et si un jour vous emménagez ensemble, rappelle-toi qu’une vie de couple est faite de bonheurs, mais aussi de concessions, parfois de déceptions, et d’une bonne dose d’indulgence.

    Même si tu es fou de lui et que tu as envie de tout partager avec lui, garde toujours un petit coin rien que pour toi, un petit jardin secret. Garde des amis, garde tes passions, car si un jour l’amour devient souffrance, tu auras toujours quelque chose auquel t’accrocher pour ne pas sombrer, en attendant de retrouver la force de rebondir et aller de l’avant ».

    Le titre se termine, Florian arrête la platine. Ses mots me touchent beaucoup. J’aurais envie de passer des heures à discuter avec lui, ça fait toujours du bien de croiser une sensibilité aussi proche de la sienne.

    Mais déjà Charlène revient. Et elle est accompagnée de mon bobrun, en nage. Florian lui propose une bière et Jérém la boit directement à la canette. Le t-shirt gris trempé de transpi, la pomme d’Adam s’agitant nerveusement au gré de la déglutition sous sa peau mate, moite, portant une barbe de plusieurs jours : on dirait une pub pour une célèbre marque de soda. Je ne peux décrocher les yeux de lui, et Florian non plus.

    « Alors, cet étalon ? » finit par demander ce dernier.

    « Le clou l’a blessé, il va avoir besoin de repos et de soins ».

    « Je vais m’en occuper » assure Charlène.

    « En attendant, je vais terminer la balade à pied » fait Jérém.

    « On va y aller alors ».

    « Merci » fait mon bobrun à l’intention de Florian.

    « De rien, de rien » fait ce dernier.

    « Oui, merci » lance Charlène à son tour « ça m’a fait plaisir de te revoir ».

    « A moi aussi. Je suis désolé de ne pas avoir donné de nouvelles pendant tout ce temps, mais j’avais besoin de prendre du recul. J’avais besoin d’éviter tout ce qui me renvoyait à ma vie passée ».

    « J’ai bien compris, et tous les autre cavaliers l’ont compris aussi. Il y avait des jours où j’avais envie de prendre de tes nouvelles, mais je me suis forcée à respecter ton besoin de prendre de la distance. Il faudra qu’on se fasse une bouffe l’un de ces quatre, je t’inviterai avec JP, Carine, Ginette, Martine ».

    « Avec plaisir » fait Florian, visiblement touché « j’ai hâte de les revoir. Je sais que nous sommes le genre d’amis qui se retrouvent un jour comme s’ils s’étaient quittés la veille, même s’ils se sont quittés des années plus tôt ».

    « C’est bien vrai, ça. En tout cas, je te trouve bien mieux qu’il y a deux ans. Et ça me fait plaisir de voir que tu reprends du poil de la bête ».

    « J’y travaille ».

    « Le temps sera ton allié, crois-moi ».

    Charlène et moi remontons à cheval, tandis que Jérém prend le sien en longe. Et pendant que nous nous éloignons de la maison aux volets bleus, Gaston et Illan nous escortent le long des clôtures.

    En m’éloignant de la ferme, je n’arrive pas à cesser de penser au récit ce Florian, à son parcours. La petite complicité qui s’est créé entre nous deux alors que Charlène était sortie voir mon bobrun me fait chaud au cœur. Oui, tous les deux on se ressemble. Pourvu que nos trajectoires sentimentales ne se ressemblent pas autant.

    « Alors, comment avez-vous trouvé Florian ? ».

    « Je l’ai trouvé très gentil ».

    « Il a été sympa » fait Jérém.

    « J’espère qu’il va retrouver un gars qui saura le rendre heureux » fait Charlène, avant de continuer « et vous deux, faites attention l’un à l’autre, ne vous perdez pas, ne gâchez pas cette chance inouïe que vous avec eu de vous rencontrer ».

    Ni Jérém ni moi ne trouvons les mots pour lui répondre. Mais nos regards se croisent pendant un instant fugace, et notre entente est merveilleuse.

    Nous marchons en silence pendant un long moment. Au bout d’une heure, Charlène propose à Jérém de le remplacer à terre pour accompagner Unico.

    « Mais ça va pas, avec ton genou en vrac ? ».

    Je lui propose à mon tour, mais le bobrun décline également ma proposition.

    Je le regarde, les cheveux bruns en bataille, la barbe de plusieurs jours, le pull à capuche et le pantalon d’équitation marqués par des traces de boue, de végétation, d’animal. Et je me dis que, loin du Jérém petit con soigné de la ville, le Jérém nature à la campagne me fait, si possible, encore plus d’effet.

    Une autre bonne heure plus tard, alors que nous approchons du centre équestre, Charlène me lance :

    « Moi je dis que t’as bien tenu le coup, Nico. La balade était longue, et avec quelques difficultés. Vraiment, je te félicite ».

    Les mots de cette pro du cheval me font chaud au cœur. Mais ils sont loin de me toucher autant que ceux que mon bobrun va m’envoyer dans la foulée.

    « Pour un gars qui n’a jamais monté, tu as une très bonne position à cheval, tu te tiens bien droit, un peu en arrière, tu as les talons vers le bas et les rênes assez souples. Je prends du plaisir à monter avec toi ».

    « C’est pas ce que tu disais hier » je le cherche.

    « J’ai changé d’avis, car tu progresses à vue d’œil ».

    « Moi aussi j’adore faire du cheval avec toi ».

    « J’aime bien parce que tu en veux, et tu ne te laisses jamais décourager ».

    Une nouvelle fois je me sens bien dans son regard, je me sens apprécié. Je commence à m’habituer à ce regard bienveillant, et je me dis qu’il va terriblement me manquer quand nous serons loin l’un de l’autre.

    Aussi, j’ai l’impression que ses mots recèlent un petit sous-entendu très agréable à mes oreilles. J’ai l’impression que dans ses intentions, ce n’est pas que du cheval dont « j’en veux », mais aussi de notre relation, malgré toutes les difficultés passées, et celles à venir.

    « Et moi je n’existe pas » se moque Charlène.

    « Si, on t’adore » lâche Jérém.

    « Tu m’as donné de bons conseils ce matin » je lui lance.

    « Vous êtes si mignons tous les deux ».

    En arrivant au centre équestre, nous trouvons un petit comité d’accueil inattendu. JP et Carine, ainsi que Ginette, accompagnée par un petit bonhomme qui doit être son mari, sont en train de desseller leurs montures.

    « Vous êtes parti en balade, vous aussi ? » fait Charlène.

    « Tu n’étais pas là, alors on s’est fait un petit tour, seuls comme des grands » fait Ginette.

    « Vous avec largement atteint l’âge pour vous dispenser de permission de sortie ».

    « Dit la pucelle » fait JP.

    « Nous on a fait la grande boucle par la forêt » fait Charlène après une bonne tranche de rigolade.

    « T’as fait toute la boucle ? » s’étonne Carine à mon intention.

    « Oui ».

    « C’est qu’il prend goût au cheval, le Nico ! » fait JP.

    « Il se débrouille comme un chef » lâche Jérém.

    Entouré par la bienveillance de ces gens que je considère désormais comme des véritables amis, touché par l’attitude adorable de mon bobrun, mon bonheur est total.

    « Eh, les amis » fait JP « et si on se faisait une bonne bouffe ce soir, tous ensemble ? ».

    « Mais quelle riche idée » fait Charlène « restez manger à la maison ».

    « Comme ça on peut profiter un peu plus du champion avant qu’il se casse à Paris » assure JP « et de Nico, avant qu’il se casse à Bordeaux ».

    « Et si on invitait Florian aussi ? » propose Charlène.

    « Ca c’est une très bonne idée » délibère le sage JP.

    BONUS

    Bonus 1 : George Michael

    Faith

    I want your sex

    Praying for time

    Jesus to a child

    Chanson écrite en mémoire d’Anselmo, celui qui a été l’amour de sa vie, décédé du SIDA.

    Bonus 2 : le disque.

    Le disque est un objet fascinant. Il est élégant, distingué, sa robe noire n’est jamais démodée. Ses sillons brillants captent la lumière et la visualisent sous la forme d’un faisceau de lumière radiale frémissant au gré de sa rotation.

    Un disque a un poids, une envergure, une présence, une fragilité. Un disque, ça a de la gueule. Un disque impose le respect.

    Le disque impose des temps, des attitudes, des gestes. Avant d’extraire la musique emprisonnée dans ses sillons, il demande tout un rituel qui fait la solennité de l’écoute à venir. Avant d’entendre la moindre note, le moindre crépitement, il faut sortir le disque de la pochette cartonnée, puis de la pochette de protection en papier ou nylon. Avant d’écouter la musique, on écoute le bruit du papier qui frotte contre le carton, puis celui du vinyle qui glisse contre le papier. D’une certaine façon, le disque commence à jouer alors qu’il n’est même pas encore sur la platine.

    Aussi, le disque est fragile, si on veut le garder en bon état, il faut en prendre soin. Il faut l’attraper sur les bords, pour ne pas salir ou endommager les sillons. Il faut le poser délicatement sur la platine, tout en profitant pour apprécier le visuel du macaron comportant le nom de l’artiste et le liste des titres de la face visible. Il faut saisir le crochet du bras, décaler ce dernier pour que le disque commence à tourner, poser délicatement le diamant sur le vinyle, viser le sillon avec précisions pour ne rien endommager, pour choisir le morceau qu’on désire écouter. Le disque impose des règles et les règles imposent le respect.

    Autour du disque, il y a une poésie, le récit d’une époque, une façon d’être. Le disque raconte une histoire, celle du temps qui passe. Le disque commence, avance et a une fin, comme toutes les bonnes choses, comme la vie elle-même.

    Le disque a un son qui lui est propre, chaud, rassurant.

    C’est peut-être grâce à son charme particulier que malgré les évolutions techniques, et même à l’époque du tout numérique, le disque n’a jamais été complètement abandonné et qu’il compte toujours des aficionados.

    Le numérique, notamment par le biais du streaming, a amené l’abondance, la diffusion la plus large et la plus accessible qui soit. Il a amené la démocratisation des contenus, il a porté la facilité d’écoute à son paroxysme. Mais il a ôté une partie de la magie de l’écoute de la musique.

    Quand celle-ci était plus rare, plus difficile à obtenir, car liée à un objet physique, elle était davantage respectée. L’abondance et la facilité d’accès amènent à une sorte de dévalorisation. Tout ce qui est facile à obtenir a moins de valeur que ce qui doit être gagné.

    L’« effort » de se déplacer pour aller acheter le disque dans un magasin, n’était que le début d’un rituel qu’il fallait à chaque fois accomplir avant d’écouter une chanson qu’on aimait au point de nous pousser à dépenser de l’argent et du temps pour pouvoir l’avoir chez nous.

    A l’époque du disque, la musique était plus rare, moins disponible, elle s’écoutait dans la séquence prévue par l’auteur. Pour faire une playlist, on devait s’improviser DJ. Et, d’une certaine manière, elle avait davantage de valeur.

    Depuis l’évènement du tout numérique, la musique n’a plus de support, et elle ne demande plus aucun effort pour venir à nos oreilles. Quelques clics suffisent pour avoir cinquante millions de titres dans ses oreilles, n’importe où, n’importe quand.

    Le manque de support et d’effort nécessaire pour écouter de la musique à l’ère du numérique rend l’écoute éphémère.

    Le disque, c’est autre chose. Un disque existe, il a une taille, une envergure qui nous rappelle sa présence. On ne range pas un disque n’importe où, mais souvent dans un séjour ou dans une chambre, sur une étagère, sous notre regard. Sa présence nous invite à l’écouter. Alors qu’un fichier caché dans un serveur lointain se fait oublier beaucoup plus facilement.

    Un disque pouvait être un cadeau rappelant notre amitié ou notre amour pendant de longues années. Parfois il survivait à l’une et à l’autre. Va donc offrir un fichier en streaming pour rappeler l’amour et l’amitié,

    Un disque c’est grand, il faut le manipuler. Et on s’imprègne de sa présence. Avec le disque, on « touche » la musique, car elle a un support qui la transforme en objet, qui la rend plus réelle, plus précieuse.

    Lorsqu’on touche un disque après des années, on peut se souvenir du jour où il est rentré en notre possession, par l’achat, ou en tant que cadeau. On peut se souvenir de qui on était au moment où il est rentré dans notre vie, un disque peut nous ramener des années et des années en arrière.

    Un disque est un vrai support pour le souvenir, un objet de collection qui nous replonge dans l’instant où il est arrivé dans notre vie.

    Un vinyle qui tourne, ça a quelque chose de chaleureux, d’apaisant, de solennel, de précieux. Un charme qui est aussi dans ses imperfections, dans sa fragilité.

    Car un disque peut s’abimer. Il craint la poussière, l’humidité, les rayures. Un disque demande à être extrait de sa pochette avec soin, et à nouveau rangé après l’écoute avec le même soin, si on veut le préserver.

    Un disque peut carrément casser lors d’une mauvaise chute. Au fil du temps, ses crépitements peuvent se faire sentir de plus en plus marqués sur la musique. Un disque peut sauter un sillon, se mettre en boucle. Et parfois il peut se ressaisir tout seul et se remettre à avancer. Et se remettre une nouvelle fois en boucle, sans fin. Autant de petits défauts amenés par le temps, comme autant de cicatrices, comme des rides, les signes de l’âge. Un disque c’est « vivant ». Un vinyle, ça possède un « âme ».

    Aussi, le disque avait une pochette, une grande pochette avec de belles photos, une pochette qu’on pouvait toucher, dont on pouvait sentir l’odeur, sur laquelle on pouvait écrire, un prénom, une date, un mot d’amitié ou d’amour, un souvenir.

    Une pochette qu’il fallait manipuler avec prudence, dont il fallait prendre soin pour ne pas l’abîmer, envers laquelle il y avait de l’affectif, un sorte d’attachement. Malgré les efforts, la pochette de disque finissait par se tacher, elle s’abîmait à force de frotter contre d’autres pochettes. Au fil des années, le papier prenait l’odeur du temps. La pochette vieillissait aussi, car elle était « vivante » aussi.

    A l’époque du numérique quel support physique pour le souvenir ?

    Le streaming est éphémère, le disque est matière.

    Le disque avait un charme dont le streaming est totalement dépourvu.

    Mais à quoi bon toute cette matière ?

    J’ai tant de disques, de cd, de cassettes et de livres chez moi : qu’en sera-t-il de toute cette collection qui compte tant pour moi, le jour où je ne serai plus ?

    Commentaires

    ZurilHoros

    29/05/2020 13:00

    Tel que le récit s’agence, et je ne sais pas ou l’auteur va emmener les deux tourtereaux, mais dans leur avenir,  je ne vois que des nuages. Nico a raison de s’angoisser. Si Jeremie aime plaire à ce point, et comment pourrait il en être autrement? Que fera t-il à Paris, ou même ailleurs qu’à Paris. Nico sera loin, une vie d’étudiant, en parallèle d’une vie de sportif. Qu’est ce qui va les relier? 

    Est ce qu’il y a quelque chose que Jérémie voit chez Nico qui est irremplaçable, précieux, un truc que seul Nico aurait… 

    Est-ce qu’un WE sublime peut suffire à tisser un lien qui permet de sublimer les aléas, les mecs de passages, les filles… Est ce que avec deux vies parallèles ils auront encore des choses en commun. 

    Charlene est très gentille, très tendre, et elle a sans doute raison. Elle a raison de lui dire de ne pas tout encaisser. 

    Nicolas 92

    20/11/2019 02:28

    Je suis sur cette histoire depuis le début. Bravo pour ta capacité à retranscrire tellement bien les sentiments des personnages. Cet épisode m’a beaucoup touché, tellement je me suis reconnu dans l’histoire de Florian et Loïc. Je n’ai jamais commenter mais pour une fois je voulais répondre aux questions de Florian… L’amour qui s’éteint la rencontre d’un autre homme je l’ai connu du côté de Loïc. Dans ce cas de séparation, même si l’amour se termine la tendresse demeure et je suis sûr que Loïc pense souvent à Florian, on se demande comment il va, il il se souvient des bons moments, il sait tous les efforts qu’est-ce que Florian a pu faire pour sauver leur couple. La vie est ainsi faite, on avance on traverse des montagnes, continue à avancer mais la montagne est toujours derrière.C’est un commentaire sûrement inutile, mais ce passage de l’épisode m’a tellement touché que je tenais à partager mon ressenti.Cela dit, en tant que cavalier je suis ravi de la tournure équestre de cette histoire.Merci encore de nous faire vibrer avec cette magnifique histoire qui je l’espère finira mieux pour Jérémy Nico que pour Florian et Loïc.

    fab75du31Auteur

    07/10/2019 23:54

    Merci à vous trois pour ces beaux commentaires.
    Fabien

    florentdenon

    04/10/2019 21:53

    Tu cherches les compliments ! Encore un tres bel episode, tout en sensibilite et qui nous embarque dans cette histoire qui sent le vecu. Vivement le 15 octobre !

    Lolo1965

    27/09/2019 17:36

    Salut Fabien
    Je viens de lire et relire et re-relire les 2 derniers épisodes pour bien m’en imprégner
    Que c’est beau, tendre et émouvant ça m’a pris aux tripes (oui toujours mon côté fleur bleue)
    On peut y vois une double lecture dans les propos de Florian qui sont ajustés au cordeau et tellement criants de vérités
        – Son ressenti et son vécu par rapport à sa rupture (ce qui réveille an chacun de nous, vieux et moins vieux des cicatrices parfois douloureuses de notre propre vécu)
       – Mais on peut peut être aussi y voir des paroles prémonitoires pour le pauvres petit Nico car je pense que là tu nous emmène vers des sommets d’amour et de tendresse, mais mon pessimisme naturel me conduit à penser que tout cela se finira mal tôt ou tard 
    En tout cas nos 2  protagonistes sont mignons et tendres et on aimerais les prendre sous une aile protectrice pour qu’il fassent un bon bout de chemin dans leur vie et dans leur acceptation d’eux-même
    Ton écriture est toujours aussi prenante et inclusive
    ça me donne envie de venir vois Toulouse et ses environs
    Vivement la suite, et pourvu qu’elle soit encore quelque temps heureuse et positive
    Lolo

    Yann

    27/09/2019 11:37

    Emu par ce que dit Florian sur sa relation avec son ex. C’est criant de réalisme et m’a fait penser à quelqu’un pour qui j’ai de l’affection. Quant à George Mickael, en plus d’être un bogoss il était aussi un très bon artiste que j’adorais et que j’écoute toujours.

    Yann

  • JN0215 Balade avec Charlène et mon mec.

    JN0215 Balade avec Charlène et mon mec.

    Campan, le lundi 10 septembre 2001.

    Après la bonne pipe du matin, mon Jérém bondit du lit, l’air gai comme un pinson. On dirait que l’idée de la balade avec Charlène lui fait très plaisir. J’aime penser que le fait qu’elle ait compris et accepté ce qu’il y a entre nous deux le fasse se sentir bien.

    Le bogoss disparaît dans la petite salle de bain, sans vraiment fermer la porte derrière lui. Je l’entends siffloter, alors que son jet dru du matin tombe lourdement dans les wc, suivi du bruit de la chasse d’eau.

    « T’as l’air tout guilleret toi » je lui lance, alors que je l’entends tirer le rideau et ouvrir l’eau de la douche.

    Et là, je le vois revenir d’un pas rapide, et s’approcher du lit. Le bogoss se glisse sur moi, m’embrasse et me chuchote :

    « J’aime bien me réveiller à coté de toi, ourson ».

    « Ourson ? ».

    « Ça ne te plaît pas ? ».

    « Si, si, mais tu ne m’as jamais appelé de cette façon ».

    « Ça m’est venu comme ça ».

    « Pourquoi ourson ? Je ne suis pas poilu ».

    « Mais tu es tout doux, tout mignon, comme un ourson, et moi j’ai envie de te prendre dans mes bras » il me répond, tout en me serrant très fort entre ses biceps puissants et en me faisant des bisous.

    « Je suis un ourson alors » j’accepte volontiers ce petit surnom.

    « Un ourson tantôt tendre, tantôt chaud comme la braise » il me lance, en quittant le lit, avec un sourire doux et adorable.

    « Moi aussi j’aime me réveiller à coté de toi » je finis par me rappeler de lui répondre, alors qu’il est à nouveau debout.

    « Et moi j’ai aimé cette pipe » il me balance, en se dirigeant une nouvelle fois vers la salle de bain.

    « Coquin ! » je lui lance assez fort pour qu’il l’entende par-dessus le bruit de l’eau de la douche.

    « C’est qui qui a commencé ? » il me relance, en apparaissant juste à moitié, le visage et les pecs, sur le côté de la porte, l’air canaille à tomber « moi je n’étais même pas réveillé ».

    Il n’a pas tort, et je me contente de lui sourire. Quant à Jérém, il pousse sa canaillerie jusqu’à me balancer un sourire incendiaire et un clin d’œil explosif, avant de disparaître sous la douche.

    Je suis très touché par ses mots : « j’aime me réveiller à coté de toi », c’est mignon et adorable. Mais il y a autre chose qui me touche encore davantage, qui me fait vibrer, qui me fait rêver. Un simple mot, inattendu et pourtant tellement chargé de significations.

    « Ourson ».

    Ourson. Je trouve ça adorable. Ourson. C’est mignon comme tout. Je suis son ourson. Ça me plaît. Mon Jérém ne cessera jamais de me surprendre et de me faire kiffer. Et de me rendre heureux. Au-delà de mes espoirs les plus fous.

    Jérém vient de passer sous la douche et le bruit de l’eau change illico de tonalité. Avant de retomber dans le bac, elle atterrit désormais sur ses cheveux bruns, sur ses épaules, elle ruisselle sur sa peau, sur ses muscles, elle glisse sur sa queue. J’hésite à aller le rejoindre, mais en même temps je suis tiraillé par une autre envie, celle de voir débouler sa bogossitude « après douche », de le voir sortir de la salle de bain tout beau, tout propre, les cheveux encore humides, la peau fraîche, le déo entêtant, le t-shirt moulant, le boxer bien rempli.

    Aussi, je trouve très excitant d’imaginer mon bobrun sous la douche, juste en écoutant les bruits, les sons, comme une symphonie de la bogossitude, capables de m’apporter des images très évocatrices. Ça commence par le petit claquement du bouchon du flacon du gel douche qui s’ouvre, ça continue avec le sifflement du liquide dense qui gicle du petit orifice sous l’effet d’une pression plutôt virile, ça s’envole au rythme des frottements de ses doigts qui savonnent ses beaux cheveux bruns, des claquements de ses paumes qui astiquent sa peau mate, ses pecs, ses abdos, ses aisselles, sa queue.

    Autant de bruits, associés aux sensations olfactives, comme le parfum du gel douche qui se répand dans toute la maison à la vitesse de la lumière et qui vient violemment titiller mes narines, que mon cerveau traduit en images, des images très excitantes.

    Tellement excitantes que je ne peux m’empêcher de commencer à me caresser moi aussi. D’autant plus que cette petite pipe m’a bien mis la trique et que je n’ai toujours pas joui. Ma queue ne se fait pas prier pour afficher le garde à vous. Je me branle en écoutant mon Jérém se doucher et en repensant au gabarit de sa queue qui remplit ma bouche, à ses giclées puissantes, à son goût de mec qui persiste sur ma langue. Mon excitation monte rapidement. Et lorsque je repense à la délirante sensation de mon gland collé à sa rondelle, sur le point de glisser dedans, l’orgasme me prend par surprise. Des bonnes giclées bien lourdes aspergent mon torse, jusqu’à mon cou.

    C’était terriblement bon. L’orgasme passé, je me sens envahi par une profonde sensation de bien-être, comme si chaque cellule de mon corps et chaque neurone de mon cerveau étaient heureux. J’ai l’impression de planer. Je me sens presque stone. Je prends une profonde inspiration et je m’empresse de m’essuyer. Je dois lutter contre l’envie de me glisser sous les draps et me rendormir une nouvelle fois.

    Je regarde par la fenêtre, il fait beau. Ça s’annonce bien pour la balade. Je me demande comment vont se passer ces « retrouvailles » avec Charlène, après cette soirée géniale, après cette mise au point avec Jérém, tout aussi géniale. Je me demande si le sujet de la relation entre Jérém et moi va revenir sur le tapis. J’imagine que si ça doit venir, ça ne pourra venir que de la part de Charlène. Je vois mal Jérém en parler de son propre chef, et je ne vois pas comment je pourrai parler de ça sans prendre le risque de gêner mon bobrun.

    J’espère vraiment que Charlène va vouloir en savoir un peu plus sur notre relation. J’ai hâte de voir comment Jérém va réagir, et ce qu’il sera en mesure d’assumer. J’espère vraiment qu’il va accepter la complicité et la main tendue de Charlène, et que cela va l’aider à avancer durablement.

    Le bruit de l’eau de la douche vient de s’arrêter. J’entends le rideau de douche s’ouvrir. J’entends le beau mâle ruisselant d’eau faire un pas en dehors du bac, saisir la serviette. J’entends la serviette frotter ses cheveux, sa peau mate. J’entends le sifflement prolongé de son déo parfumant généreusement ses pecs, ses abdos, ses aisselles. Une seconde plus tard, le parfum du déo envahit à son tour mes narines, assomme ma raison. J’entends des glissements légers de coton sur la peau, le bogoss est en train de s’habiller. J’entends le chuintement du gel pour cheveux sortant de son flacon, le bobrun soigne son brushing. Rien que des bruits, et l’odeur de son déo, et j’ai envie de lui. Je bande à nouveau. Instinctivement, j’attrape un bout de drap pour dissimuler ma trique.

    Quelques instants plus tard, mon bobrun déboule dans le séjour, les cheveux humides d’eau et de gel plaqués en arrière, un t-shirt gris épousant de façon vertigineuse ses pecs et ses biceps, un boxer rouge du meilleur effet, dont la poche est bien remplie, bien suggestive.

    Le bogoss avance avec sa démarche de jeune mâle satisfait de son corps, baladant à la fois nonchalamment et avec panache sa jeune virilité. Sacré mec, mon Jérém.

    En le regardant, je me surprends à repenser à ce qui s’est passé, à ce qui a failli se passer, cette nuit. Je me demande si je ne l’ai pas tout simplement rêvé. J’ai du mal à imaginer qu’un mâle comme Jérém, un mec aussi viril, puisse avoir envie de ça. J’ai toujours imaginé mon bobrun comme étant actif, et uniquement actif.

    Certes, depuis que je suis venu le rejoindre, il m’a sucé à de nombreuses reprises. C’est bon, terriblement bon. Et il a l’air d’y prendre goût. Mais la sodomie, je ne sais pas. Mon bomâle qui a envie de se faire prendre ? Lui, si macho encore il n’y a pas si longtemps, assumant le rôle de passif ? J’ai du mal à le croire. Et pourtant, ça avait l’air si réel. Une partie de moi a envie d’en avoir le cœur net. Mais pour cela, il faudrait en parler avec le direct intéressé. Conversation potentiellement dangereuse.

    En tout cas, moi j’ai vraiment kiffé. C’est fou comme, même en étant passif, j’arrive à ressentir des envies d’actif quand le mec en face de moi sait toucher les cordes sensibles pour réveiller mon côté « petit mec ». Après m’avoir fait sentir longtemps à lui, après m’avoir rendu passif et soumis à sa virilité, Jérém sait aussi me donner envie de jouir comme un mec actif.

    J’avais ressenti cette envie avec Stéphane, qui m’avait fait ma première pipe, et dans une moindre mesure avec Martin. Mais avec Jérém, c’est tellement plus puissant. Ce mec me fait vibrer comme personne d’autre. Lorsqu’il me suce, il sait réveiller en moi des envies de mec actif et même « dominant ». Non pas dans le sens de jouer au petit macho, de vouloir soumettre l’autre. C’est plutôt dans le sens d’avoir envie d’exprimer mon côté masculin, et de sentir que cela peut faire de l’effet. Je sais qu’en tant que passif je peux donner du plaisir. J’ai envie de sentir que je peux en donner aussi en tant qu’actif. Et cet aperçu de sodomie active, m’a donné envie de découvrir comment c’est « de faire le mec ». J’ai envie de goûter à ça. Est-ce qu’il sera prêt un jour à assumer cette envie ?

    Oui, une partie de moi a envie d’en parler, de savoir ce qu’il a ressenti, s’il a eu mal, s’il a envie de recommencer. Mais une autre partie me dit que ce n’est pas une bonne idée, qu’il est des choses sur lesquelles il vaut mieux ne pas mettre des mots. Au fond de moi, je sais ce qui s’est passé. Et lui aussi sait ce qui s’est passé. Si l’envie est là, elle se manifestera à nouveau. Il suffit d’attendre. Je décide d’écouter sagement cette dernière partie de moi.

    Le bogoss en t-shirt et boxer vient de s’arrêter au pied du lit et il me regarde fixement.

    « Qu’est-ce qu’il y a ? ».

    « Toi t’es un vrai coquin » il me balance, en hochant instamment la tête, un petit sourire plein de malice au coin des lèvres.

    « Pourquoi tu dis ça ? ».

    Jérém monte sur le lit, s’approche de moi, il lève le drap et découvre ma queue raide.

    « Moi je pense que tu t’es branlé pendant que j’étais sous la douche ».

    « Non » je lui mens, juste pour le plaisir de me faire prendre en flagrant délit de canaillerie.

    « Si ».

    « Comment tu sais ? ».

    « Tes joues sont toujours bien rouges après que t’as joui ».

    « T’as remarqué ça, toi ».

    Son regard bien lubrique semble vouloir transpercer le mien et pénétrer mon esprit.

    « Et aussi, t’as oublié d’essuyer ça » il ajoute, tout en se penchant sur moi et en passant sa langue dans le creux de mon cou, pour essuyer ce qui devait être une dernière trace brillante de ma jouissance. Décidemment, mon bobrun a bien changé. Ou bien, tout simplement, il ne fait qu’écouter ses envies.

    En attendant, le corps puissant et fraîchement douché et au déo captivant de mon bobrun contre le mien me donne de sacrées envies. Je regrette déjà de m’être branlé. Si ma libido n’était pas au plus bas, en phase de réamorçage, je lui sauterais bien dessus.

    Le bogoss m’embrasse et sur ses lèvres et sur sa langue je retrouve un goût qui n’est pas le sien, mais le mien.

    « Allez à la douche ! » il me lance. Je le regarde quitter le lit et se balader dans la maison, promenant sa bogossitude avec une nonchalance, avec un naturel déconcertants, très mec, très viril, dégageant une sensualité torride, comme une aura, un fluide qui ensorcèle.

    Le bogoss ajoute du bois dans la cheminée et s’attelle à la préparation de la cafetière. Je ne peux détacher les yeux de lui, tout en me disant à quel point ce petit con est sexy avec son beau t-shirt gris et son boxer rouge, lorsque mon téléphone émet le couinement caractéristique de l’arrivée d’un message.

    « T’as du réseau, toi ? » me demande Jérém.

    « A peine » je lui réponds, en découvrant une misérable barre de réseau sur mon écran. J’ouvre les messages et j’y trouve un sms de mon pote Julien :

    « Alors, tu t’es mariée ? ».

    Croyant comme beaucoup d’hétéros que les gays aiment parler d’eux au féminin, et pensant que c’est drôle. J’imagine sa façon de le dire, avec coquinerie et bienveillance à la fois. Et en fait, ça me fait sourire.

    « Alors, c’est qui ? ».

    « Juste un pote qui me demande des nouvelles ».

    « Le mec avec qui tu étais le soir ».

    « Non, son collègue, le mec qui m’a fait les cours de conduite ».

    « Le blond ».

    « Tu te souviens de lui » je m’étonne.

    « Vite fait ».

    Soudain, je me rappelle d’un cours de conduite avec Julien cours pendant lequel on était passé devant la brasserie où Jérém travaillait à l’époque. Je me souviens qu’on s’était arrêté au feu rouge pas loin de la terrasse, et je me souviens du regard noir que mon bobrun m’avait lancé en me voyant en voiture avec le beau moniteur. Un regard tellement noir qu’il avait attiré l’attention de ce dernier, qui avait bien saisi sa jalousie.

    « Il est pd lui aussi ? ».

    « Non, il est très hétéro ».

    « Comment tu sais ? ».

    « On a discuté un peu, et on est devenus potes ».

    « Il t’a dragué ? ».

    « Non, mais il a compris pour moi ».

    « Tu l’as maté ? ».

    « On ne peut pas ne pas mater un mec comme lui ».

    « Ah bon ».

    « Il est presque aussi canon que toi. Je dis bien, presque ».

    « Tu le kiffes ? ».

    « Il est beau et il est sexy, je ne vais pas te mentir. Mais t’as pas à t’inquiéter. Déjà, il n’aime que les nanas. Et puis, surtout, je suis trop bien avec toi, je n’ai vraiment pas envie d’aller voir ailleurs ».

    « Tu dis ça maintenant ».

    « Ce sera la même chose quand tu seras à Paris ».

    Ça me fait bizarre de me retrouver à rassurer Jérém sur mes éventuelles tentations lorsqu’il sera loin de moi, alors que je n’arrête pas de m’inquiéter au sujet des tentations certaines auxquelles il sera exposé dans le milieu dans lequel il va évoluer, lorsqu’il sera un sportif connu, en plus qu’être un bogoss sexy en diable.

    Quand il aura goûté à ce monde-là, est-ce qu’il se souviendra longtemps de moi, de ce week-end à la montagne ? Pendant un temps, la magie pourra peut-être perdurer, mais jusqu’à quand ?

    J’imagine qu’il aura toujours besoin de briller, de vouloir être au centre des attentions comme il l’a toujours été. Et sans doute encore plus qu’avant, car il va désormais devoir se faire à nouveau une place, dans un monde inconnu, et plus difficile à conquérir.

    J’ai peur qu’il cède bien trop rapidement aux pièges auxquels faisait allusion Daniel, qu’il ne se contente pas de vouloir montrer qu’il est le meilleur sur le terrain de rugby, mais qu’il veuille aussi montrer qu’il est le meilleur au lit avec les nanas, ne serait-ce que pour dissimuler ses véritables penchants. J’ai peur que, malgré ses sentiments sincères aujourd’hui, Jérém ne cessera pas d’avoir envie de plaire, de séduire, d’affirmer sa virilité conquérante, y compris face à d’autres mecs qu’il ne manquera pas de rencontrer sur son chemin, des mecs comme le Romain du On Off par exemple.

    Soudain, je repense une nouvelle fois à ce qui a failli se passer cette nuit. Est-ce que Jérém a vraiment envie de ça ? Quand sera-t-il à mesure de l’assumer ? Quand aura-t-il envie de ressayer ? Un peu plus tôt dans la journée je me suis dit que si l’envie est là, elle se manifesterait à nouveau et qu’il suffirait d’attendre. Le fait est que je n’ai pas ce temps d’attendre. Nous ne sommes pas vraiment un couple, nous ne vivons pas ensemble. Dans quelques jours, Jérém sera à Paris, et moi à Bordeaux. Nous nous verrons au mieux une fois par semaine, le week-end, certainement moins. A Paris, il pourra avoir autant de mecs qu’il voudra, des mecs autrement plus expérimentés que moi, et qui sauront s’y prendre pour satisfaire cette envie, cette curiosité. Est-ce qu’il saura m’attendre, ou est-ce que sa curiosité et son impatience vont le pousser à aller chercher ailleurs ce que je n’ai pas su lui apporter ?

    Jérém est-il vraiment « impatient » d’essayer ça ? Bien sûr, j’ai du mal à l’imaginer céder plus ou moins facilement son statut de mâle actif à un autre mec inconnu. Car ce serait, de son point de vue, je pense, une façon de « se rabaisser », et je ne sais pas si ça c’est quelque chose qu’il pourrait accepter. Mais si je ne lui donne pas ça, si je m’y prends mal, est-ce qu’il aura envie de ressayer avec moi, d’autant plus que les occasions vont se faire rares ? Est-ce qu’il aura envie d’attendre ? Tôt ou tard, le désir est toujours plus fort du plus fort des tabous. Il suffit pour cela de le laisser inassouvi assez longtemps. Est que les tentations parisiennes n’auront pas un jour raison de ses tabous ?

    Et j’ai bien peur que, face à ces tentations, ses promesses de ne plus me faire souffrir seront bien fragiles. D’ailleurs, il a bien dit « Je ne sais pas comment je vais gérer quand je serai à Paris ».

    Oui, quand je pense à sa future vie parisienne, je suis mort d’angoisse. Mais en attendant, la jalousie et l’inquiétude que je décèle dans ses questionnements à peine voilés vis-à-vis de l’avenir de notre relation, me touchent profondément. J’ai envie de le rassurer. Je me lève, je m’approche de lui et je le serre dans mes bras.

    « Tu seras toujours mon Jérém à moi, personne ne pourra prendre cette place, personne ».

    Je lui fais des bisous dans le cou, sur la joue. Le bogoss se laisse faire. Je sens qu’il en a envie, qu’il en a besoin. Il tourne la tête, ses lèvres cherchent les miennes. C’est tellement bon ça, ces moments de complicité, cette envie de câlins, être l’un contre l’autre, les corps et les esprits si proches.

    Je pars enfin à la douche. Je ne traîne pas dans la salle de bain, je reviens le plus vite possible auprès de mon bobrun. Je sais que le temps m’est compté, alors j’ai envie de profiter de chaque instant que nous pouvons passer ensemble. D’autant plus que, dès que le contact visuel est coupé, mon Jérém me manque. Je deviens accroc à sa présence.

    Lorsque je reviens de la douche, le café vient tout juste de couler, son arôme sature l’air du petit séjour. Jérém nous en sert deux grandes tasses. J’adore ces petits déjeuners avec mon Jérém. Car ces petits déjeuners marquent à chaque fois le début d’une nouvelle journée de bonheur ensemble. Une nouvelle journée arrachée au temps.

    « Allez, on est partis ! » fait le bogoss après avoir avalé sa tasse d’une seule traite, se levant de la chaise presque d’un bond.

    Décidemment, Jérém a l’air bien en forme. Je le regarde passer son pantalon d’équitation, le pull à capuche gris, le même qu’il portait lorsqu’il était venu m’attendre à la halle. Je le regarde chausser ses boots, glisser son paquet de cigarettes dans la petite poche du pantalon. En une minute chrono, mon bobrun est prêt à partir. Décidemment, dans sa tenue de cavalier, il est terriblement sexy. Et pour rajouter un côté insoutenable à sa sexytude incandescente, voilà qu’à la faveur d’un étirement matinal, le bas de son t-shirt gris se lève un peu, une fine ligne rouge de l’élastique de son boxer apparaît au-dessus du bord du pantalon, ainsi que quelques poils en dessous de son nombril. C’est craquant.

    « Alors, tu t’habilles pas ? » il me lance.

    « Si, si » je lui réponds, en m’activant enfin.

    « Je t’attends dehors » fait le bogoss en sortant dans le jardin pour se griller une clope.

    Je finis de m’habiller en vitesse. Je rejoins mon bobrun et je lui propose de prendre ma voiture, ce qu’il accepte de bon gré. Ça me fait plaisir qu’il monte dans ma voiture. J’ai envie que le siège, les tissus, les plastiques s’imprègnent de son déo et de sa présence.

    Avant d’aller chez Charlène, nous faisons un petit détour par la superette de Martine pour acheter notre casse-croûte de midi.

    « Alors, les garçons, ça va bien depuis hier soir ? ».

    « Ça va, ça va » fait Jérém.

    « Oui, très bien » je lui réponds « la fondue était très bonne, je crois que je n’en ai jamais mangé d’aussi bonne »

    « Merci, c’est gentil, mais je suis savoyarde, la fondue c’est dans mes gènes, et dans mes hanches » elle rigole.

    « Allez, on est attendus, on va prendre deux bricoles et on y va » fait Jérém en baillant.

    « Mais vous avez de petits yeux, les garçons, la nuit a été courte on dirait ».

    Quelque chose dans son regard me fait dire qu’elle aussi a compris pour Jérém et moi. De plus, sa façon de nous appeler « les garçons » sonne étrangement allusive à mes oreilles.

    « Non, ça va » coupe court Jérém en partant dans les petits rayons.

    Je le rejoins et j’en profite pour prendre un appareil photo jetable. J’ai envie de faire des photos, d’immortaliser ce moment, ces montagnes, ce bonheur. Et par-dessus tout, j’ai envie d’avoir quelques photos de mon Jérém. Je n’en ai toujours pas, à part les trois que m’a données Thibault. Je sens que j’en aurai besoin quand il sera à Paris. En parlant de Thibault, il faut absolument que j’aille le voir dès que je serai de retour sur Toulouse.

     « Vous faites quoi aujourd’hui ? » nous questionne Martine pendant qu’elle fait l’addition de nos courses.

    « On repart en balade » fait Jérém.

    « Alors, bonne balade ! ».

    « D’abord on va aider Charlène à soigner les chevaux, après on prend le petit déjeuner et on part avec elle ».

    « Ah, c’est pas une balade en amoureux du coup ».

    « Mais ta gueule ».

    « Il est ronchon, ton pote, ce matin, non ? » elle fait, en s’adressant à moi « il s’entraîne pour quand il sera à Paris ».

    Sa réflexion me fait rire. Mais pas Jérém.

    « Tenez, je vais vous donner quelques chouquettes pour le petit déj. Vous m’en direz des nouvelles ».

    « Elle est marrante cette Martine. Et très gentille » je lance dès que nous sommes en voiture.

    « Elle est chiante, surtout ».

    « Pourquoi tu dis ça ? ».

    « Elle est toujours en train de fouiner ».

    Je tends une chouquette à mon bobrun qui la dévore d’une seule bouchée, l’air contrarié. J’en goûte une à mon tour. C’est vraiment super bon ça.

    « Tu crois qu’elle a compris pour nous ? ».

    « Je n’en sais rien, mais je la connais, si elle a un doute, elle va faire des pieds et des mains pour savoir, et elle va cuisiner Charlène jusqu’à ce qu’elle parle ».

    « Je pense que Martine est une nana aussi cool que Charlène ».

    « Peut-être, mais je ne tiens pas que tout le monde soit au courant. Ce qui se passe entre nous ne les regarde pas ».

    « Mais regarde comment ils ont accepté Loïc et Sylvain ».

    « Je m’en fous, je ne suis pas comme eux ».

    « C’est à dire ? ».

    « C’est-à-dire qu’eux ils aiment s’afficher, pas moi ».

    Ce que Jérém vient de dire, je le partage dans un certain sens : c’est vrai, au fond, ce qu’il y a entre nous ne regarde personne à part nous. Je ne suis pas forcément prêt à m’afficher non plus devant tout le monde. Mais d’un autre côté, ça me fait chier de devoir me cacher des personnes qui, j’en suis certain, pourraient comprendre et nous soutenir.

    « Passe une autre chouquette » fait mon bobrun en mode gourmand.

    « Coucou les bogoss » nous accueille Charlène, l’air de fort bonne humeur.

    Après les bises, nous l’aidons comme prévu à soigner les chevaux au pré et dans les box. Très vite, Jérém a chaud, et il se débarrasse de son pull à capuche. Je le regarde en train de bosser, de prendre de grandes fourchées de foin, de paille ou de fumier. Je l’observe sous l’effort, les pecs enveloppés dans ce t-shirt gris bien ajusté, les biceps en action, à un rien de craquer les manchettes. J’assiste à la formation d’une double trace de transpiration entre les pecs et entre les omoplates. Et c’est beau à en donner le tournis.

    « Ah, putain, j’avais oublié à quel point c’est bon d’avoir un mec à la maison » commente Charlène en contemplant le travail accompli « avec un mec, ça va trois fois plus vite. En plus, ce matin je suis gâtée, j’en ai deux pour le prix d’un ».

    « N’y prends pas trop goût » fait mon bobrun.

    « Ça m’est de plus en plus pénible de m’occuper des chevaux, avec mon genou en vrac ».

    « Tu devrais embaucher quelqu’un ».

    « J’attends patiemment ma retraite dans deux ans ».

    « Et tu comptes faire quoi, après, du centre ? ».

    « Si ma fille veut le reprendre, je l’aiderai à s’installer. Mais je doute qu’elle en ait envie. Sinon, je vais essayer de le donner en gérance. Et si je ne trouve personne, je vais tout arrêter ».

    « Et moi je vais faire quoi de mes canassons ? » fait Jérém, l’air inquiet.

    « T’inquiète, il y aura toujours un pré pour tes chevaux ».

    Cette réponse aurait dû rassurer mon bobrun. Et pourtant, il semble toujours soucieux.

    « Allez, on va prendre le petit déj, vous l’avez bien mérité ».

    Pendant que Jérém s’allume une clope et se fait réprimander une nouvelle fois par Charlène, je vais chercher les chouquettes dans la voiture. En revenant, j’ai du mal à lui arracher un bisou, car il semble avant tout se soucier de ne pas être vu par Charlène. Le fond de l’air est frais, je rentre en premier, sans attendre qu’il termine sa clope.

    « Ah, Nico, vas-y, assieds-toi » m’accueille Charlène.

    Dans la grande cuisine, deux chiens sont en train de dévorer chacun leur gamelle de croquettes. Sur une vieille gazinière à bois qui a l’air de ne pas avoir servi depuis des lustres, un chat isabelle et obèse mange calmement son repas du matin.

    Sur une moitié de la grande table, les tas de papiers et de toute sorte d’objets semblent avoir encore avoir doublé de volume par rapport à la dernière fois. Aux fenêtres, les toiles d’araignées semblent en passe de se transformer en rideaux. Le sol est toujours autant couvert de poils de chien et de poussière.

    Et pourtant, cette cuisine a quelque chose de profondément accueillant. L’odeur du café et du pain grillé sature l’air de la pièce. Un petit insert dégage une chaleur douce. Sur la deuxième moitié de la table, trois bols, trois couverts et trois verres nous attendent. Il y a du jus de fruit dans une carafe, de la confiture maison dans un pot, du beurre sur une petite assiette, du pain grillé dans une corbeille. Elle ne s’est pas foutue de nous, pour nous remercier de notre aide, Charlène nous a préparé un vrai bon petit déj. Qui donne envie. D’autant plus qu’il commence à faire faim. L’exercice matinal ouvre l’appétit. La présence bienveillante de la maîtresse de maison réchauffe le cœur.

    « Ça va, Nico ? ».

    « Oui, très bien, j’ai faim ».

    « Vas-y, prends ce qui te fait envie ».

    « Merci ».

    « Alors, ça a été après la soirée, il s’est calmé ? » fait elle en s’installant à table à son tour et en commençant à beurrer une tranche de pain.

    Je suis surpris mais enchanté de cette question ouvrant une complicité inattendue.

    « Oui, après que tu lui as parlé, tout s’est arrangé ».

    « Vous en avez reparlé ? ».

    « Oui ».

    « Et alors ? ».

    « Je crois qu’il est content que tu sois au coura… ».

    « Chut, il arrive » me coupe Charlène.

    Ce n’est pas de la cachotterie. Mais il ne faut surtout ne pas donner l’impression à Jérém de parler dans son dos, ça le braquerait à coup sûr.

    « Il fait quand même frais dehors » fait Jérém.

    « Aaahhh, tu pues la clope » fait Charlène.

    « Je pue le fumier aussi ».

    « Mais l’odeur de la clope c’est pire. Vraiment, tu devrais arrêter de fumer ».

    « Et toi tu devrais arrêter le beurre » répond le petit con du tac au tac, alors que Charlène s’apprête à avaler une pauvre tranche de pain chargée d’une couche de beurre proche du centimètre.

    « C’est pas faux » fait-elle en éclatant dans ce rire sonore qui est un peu sa « marque de fabrique ».

    « Bien sûr que c’est vrai ! Je pense à ton cheval, c’est lui qui va porter sur le dos toutes ces plaquettes de beurre. Surtout, tu ne montes jamais mes chevaux ».

    « Mais t’es vraiment qu’un petit con ! ».

    « Vielle peau ».

    « Moi aussi je t’aime ».

    « C’est ça ».

    « Toi aussi tu m’aimes ».

    « Je vais y réfléchir ».

    « Je t’en foutrais ! ».

    « Il est aussi insolent avec toi ? » elle me demande sans transition. Nouvelle petite forme de complicité qui m’enchante.

    « Il est pire ».

    « T’as du mérite, alors » fait-elle en nous servant du café.

    Jérém et Charlène n’arrêtent pas de se taquiner, et le petit déj se passe dans une bonne humeur géniale. Nous déjeunons longuement, en prenant notre temps. C’est une merveilleuse façon de bien commencer la journée. Si on n’avait pas une balade à faire, je voudrais que ce moment se prolonge à l’infini.

    « Quelqu’un en veut ? » demande Charlène en saisissant une grande théière en fonte posée au coin de la table.

    « Garde ta bouillasse » fait Jérém.

    « Petit merdeux ! ».

    « Moi je veux bien goûter ».

    « C’est du thé que j’ai ramené cet été de Mongolie ».

    Elle me tend une tasse et la remplit de la boisson dorée. J’allonge la main pour prendre un sucre.

    « Malheur ! On ne sucre pas un thé pareil ! C’est pas du Lipton ! Tu vas couvrir tous les arômes ! ».

    « Ah ».

    « Goûte d’abord, après tu aviseras ».

    Je porte la tasse à mes lèvres, je goûte. Elle a raison, ce thé a un caractère, un vrai, il a un arôme, et même plusieurs arômes, ils pétillent sur la langue, dans le palais, remontent dans les narines et provoquent un feu d’artifice sensoriel dans la tête. C’est une expérience gustative qui n’a rien à voir avec celle des sachets.

    « Alors, comment tu trouves ? »

    « C’est vraiment super bon ».

    A mi-tasse, je reprends une chouquette. Les deux saveurs s’épousent à merveille.

    « Tu as été en vacances en Mongolie ? » je lui demande.

    « J’y ai passé un mois, en balade, à cheval. C’est la troisième fois que j’y vais. J’y retourne tous les 2-3 ans. J’adore cette région ».

    « Mais tu pars comment, toute seule, à l’aventure ? ».

    Charlène nous raconte sa dernière randonnée en Mongolie, avec trois de ses clients, épaulée par une famille nomade.

    Elle nous parle des immenses plaines et de la solitude, des petites yourtes et de leur promiscuité, du mode de vie nomade qui ramène à l’essentiel et ignore tout ce qui est superflu.

    Des petits chevaux de là-bas, « pas plus grands que des pottocks du Pays Basque ».

    Elle nous parle d’un soir où elle a voulu faire pipi derrière un buisson et où elle s’est trouvée presque nez-à-nez avec un loup.

    Du mode de vie des tribus nomades, dont la seule richesse est le bétail, vaches, chèvres, chameaux, moutons, chevaux, yacks, un bétail autour duquel toute la vie de la famille est organisée.

    De ces mecs qui s’occupent de l’alimentation du bétail (la recherche de fourrages dicte la dynamique du nomadisme) et de sa surveillance (notamment contre le loup).

    De ces femmes qui s’occupent de tout le reste, des gosses, de la bouffe, de la traite, de travailler le lait.

    De ces hommes et de ces femmes qui avec peu d’outils savent tout faire, car ils ont gardé un bon sens paysan qui leur permet de vivre, certes durement, mais en harmonie avec la nature et avec les ressources qu’elle peut offrir, sans la violenter.

    Elle nous parle de gens simples, souriants, heureux. Elle nous parle de leur gentillesse, de leur hospitalité, de leur profond respect des traditions. Elle nous parle de gens ancrés à leurs racines qui poussent pourtant les enfants à faire des études à la ville « pour ne pas trimer comme leurs ainés ». Elle nous parle d’un mode de vie, d’un monde en cours de disparition.

    « Leur simplicité, leur authenticité, leur force et leur vulnérabilité me touchent et me fascinent. Voilà pourquoi j’aime retourner dans ce pays, dans ces plaines, auprès de ces gens ».

    Je suis enchanté par son récit, et j’ai envie de lui poser plein de questions. Mon bobrun semble lui aussi ravi d’entendre parler d’un mode de vie si différent de celui de nos pays, de nos villes.

    Hélas, le temps nous presse, et c’est Charlène même qui nous le rappelle :

    « Allez, il faut quand même y aller. J’ai prévu une boucle pas trop compliquée, mais assez longue ».

    Nous terminons nos boissons chaudes et nous allons chercher les chevaux. Unico et Téquila sont alignés devant l’entrée du paddock. Ils trépignent, comme s’ils savaient qu’ils vont partir en balade.

    Jérém rentre en premier, passe le licol à Unico. En cinq secondes net, le cheval est en longe. De mon côté, c’est un brin plus laborieux. Ce matin, Tequila semble d’humeur taquin, elle n’arrête pas de mouliner avec sa tête. Lorsque j’arrive enfin à passer le licol, je l’attache de travers. J’essaie de le défaire, mais elle n’arrête de bouger, je n’arrive à rien. Heureusement, Jérém vient à mon secours. Il tire un bon coup sur le licol, la jument affiche un air surpris, et elle arrête net son cirque. Le bobrun n’a plus qu’à reprendre les lanières, boucler au bon endroit, et me tendre le licol. Dans la vie, on est pro ou on ne l’est pas. Je le regarde, il me regarde. Mon regard est plein d’admiration, le sien plein de douceur et d’indulgence. Je lui dis « Merci », il me fait un bisou. Et il part devant, avec son Unico en longe, un beau sourire au fond de son regard.

    Au centre équestre, je brosse ma jument jusqu’à la faire briller de mille feux. Je mets le tapis pile au garrot, j’installe la selle, je sangle. Enfin, j’essaie, car le bidon de Tequila est énorme ce matin. Je suis obligé de forcer comme un âne pour arriver à avoir le premier trou. La selle c’est bon. Pour le mors et les rênes, là ça se complique sérieusement. Je ne sais jamais par quel bout attraper ce machin !

    Une fois de plus, l’aide de Jérém est providentielle.

    « Au fait, les garçons, je ne vais pas pouvoir partir tout de suite » fait Charlène en nous rejoignant.

    « Comment ça ? ».

    « J’avais complètement zappé qu’il y a un jeune qui doit passer ce matin pour voir Unico ».

    « C’est qui ce type ? ».

    « C’est le fils d’une amie à moi qui se propose de monter ton entier cette année. Comme toi tu ne vas pas trop avoir le temps de le monter, j’imagine, ce serait dommage qu’il reste au pré sans rien faire ».

    « C’est sûr ».

    Les mots de Charlène me rappellent instantanément l’imminence du départ de mon bobrun pour Paris. Et la tristesse qui va avec.

    « Il doit passer quand ? ».

    « Il m’a dit 9h30. Il est 9h45, je pense qu’il ne va pas tarder. Tant pis, je vais l’attendre. Jérémie, t’as qu’à monter Little Black, et vous n’avez qu’à y aller, je vous rejoindrai en chemin avec Unico ».

    « Je préfère l’attendre, moi. Je veux être là pour voir s’il peut faire l’affaire. Apparemment celui qui le montait cette année était nul ».

    « Ça c’est clair ».

    « Allez, filez, je m’occupe du casting pour mon cheval ».

    « T’es sûr ? ».

    « Certain ! ».

    « Ça te dit, Nico, si on part tous les deux ? » me demande Charlène.

    « Oui oui ».

    « Allez, en selle, alors ! ».

    Je ressangle ma jument. Maintenant qu’elle s’est détendue, j’arrive à gagner deux trous de sangle. J’attrape les rênes et le pommeau de selle, je mets le pied à l’étrier. Je sais que mon Jérém me regarde faire, je sens ses yeux bruns sur moi. Je ne veux pas le décevoir. J’ai envie qu’il soit fier de moi. Je suis les consignes à la lettre, je m’élance avec puissance et j’atterris sur la selle comme une plume. Tequila ne bouge pas une oreille, et surtout pas un sabot, ce qui m’aide bien.

    « Joli » fait Charlène à mon intention.

    Je capte le regard de mon bobrun. Le bogoss me sourit, il hoche la tête en signe d’approbation et de fierté. Je me sens tellement bien dans son regard. Je suis heureux.

    « Il a vraiment une bonne posture » elle insiste.

    « Je lui ai tout appris » fait Jérém en souriant, le ton taquin et le regard bienveillant.

    « Tu me fais confiance ? » me demande cette dernière.

    « J’ai pas le choix » je la cherche.

    « Petit con toi aussi ! ».

    « Tu le corriges s’il monte mal ma jument » fait Jérém.

    « Tu lui as peut-être tout appris, mais moi je vais le prendre en main et le faire progresser encore ».

    « Vous faites attention, surtout ».

    « Oui, t’inquiète, je vais prendre grand soin de ton chéri ! » ose Charlène.

    Jérém réagit en pouffant comme si cette dernière avait dit une énormité. Mais il n’a pas l’air vexé. C’est déjà ça.

    Après avoir longé les clôtures du centre équestre, nous empruntons un sentier qui grimpe, grimpe, grimpe. Chaque foulée faite nous emplit les yeux d’un paysage de plus en plus majestueux. Chaque mètre parcouru nous apporte des odeurs de terre, de végétation, d’animal, nous emplit les oreilles des bruits du cuir de nos harnachements, de la respiration de nos montures, de leurs sabots ferrés qui foulent le sol, qui résonnent contre les pierres. Le vent s’infiltre dans les frondes des arbres, souffle dans nos oreilles. La balade commence, le temps s’étire, nous changeons de dimension spatio-temporelle.

    L’émotion que tout cela me procure est tellement intense que plus rien ne me semble exister au-delà du sublime paysage qui se déroule sous mes yeux.

    Là, au milieu de nulle part, les soucis et les peurs s’évaporent comme le brouillard du matin sous un soleil bien chaud. Tant de beauté donne l’impression que le bonheur est à portée de main et que les obstacles qui s’interposent sont sans importance. A cet instant précis, même le départ de Jérém à Paris ne me fait plus peur. Je suis dans un état d’enchantement total.

    Nous marchons toujours au pas et à un moment je me sens assez en confiance sur Tequila pour penser à sortir mon appareil photo et essayer de capturer ce beau paysage.

    « Tu vas faire des photos à oreilles ? » me lance Charlène.

    « Des quoi ? ».

    « Quand on prend des photos à cheval, on obtient souvent des clichés avec les oreilles de sa monture en bas de l’image. C’est presque une signature. Du cavalier et de son cheval. Et on appelle ça des « photos à oreilles » ».

    Je trouve ça marrant, des « photos à oreilles ». Je vise, j’appuie sur le déclencheur. Clic, clic, clic. Une fois, deux fois, trois fois. Il faut que j’y aille mollo, je dois garder quelques poses pour prendre en photo mon Jérém. 24 négatifs, ça va vite. C’était avant le numérique, c’était une autre époque. Et pourtant, cette quantité limitée de photos, l’impossibilité de voir le résultat sur l’instant et d’effacer les ratés, ce petit rouleau qu’on devait amener à développer dans un magasin, l’attente avant d’aller chercher les photos papier, la joie de découvrir celles qu’on avait réussies, la déception de découvrir celles qu’on avait ratées, tout cela avait son charme.

    Nous reprenons notre chemin. Charlène n’a pas menti, elle semble bien intentionnée à me faire progresser. D’abord, elle veut à tout prix que je trouve mon équilibre sur la selle sans me tenir au pommeau, pommeau qui est pourtant mon grand allié ainsi qu’un grand ami, car il m’inspire confiance et il est toujours là quand j’en ai besoin. « Tu t’appuies trop dessus, ça te fait prendre de mauvais reflexes ». Ensuite, elle me propose des séances de trot enlevé, séances au cours desquelles elle m’invite à relâcher les rênes pour « laisser respirer Tequila « au moins une fois chaque quart d’heure » (là encore, ce sont ses mots).

    J’ai toujours pensé que dans l’équitation c’est l’animal qui se tape tout le taf. Depuis que je monte à cheval, je constate que ce n’est pas du tout le cas. Putain, qu’est-ce que c’est physique ce trot enlevé !

    Entre deux exercices, nous marchons au pas. Charlène en profite pour me donner plein de conseils sur ma position en selle et sur l’écoute de l’animal. Elle a une grande connaissance et une immense expérience des équidés. En plus elle est très bonne pédagogue. C’est une passionnée, et par conséquent, sa pédagogie est passionnante.

    Puis, à un moment, alors que nous marchons au pas sur un sentir relativement plat, elle lance le sujet que je rêve d’aborder depuis que le hasard a décidé que nous allions nous balader seul à seul pendant un petit moment.

    « Alors, raconte, ça fait depuis combien de temps que vous êtes ensemble ? ».

    « On n’est pas vraiment ensemble. En tout cas, on ne l’était pas avant ce week-end ».

    « Ah bon ? Comment ça ? ».

    « C’est-à-dire qu’on, couchait ensemble mais que Jérém ne voulait surtout pas que ça se sache ».

    « Ah, oui, ça j’ai bien vu ! Et alors, ça marchait comment votre relation ? »

    « Il couchait avec moi mais il couchait aussi avec des nanas ».

    « Et tu supportais ça ? ».

    « Je n’avais pas le choix, c’était ça ou rien ».

    « C’est parce qu’il n’assumait pas, parce qu’il se cherchait ».

    « C’est ça, jusqu’au jour où j’en ai eu assez ».

    « Je te comprends. Et qu’est-ce qui s’est passé ? ».

    « Un jour on s’est disputés, c’était peu de temps avant cet accident ».

    « Je pense que cet accident ça lui a remis les idées en place et ça lui a fait ouvrir les yeux sur ce qui était vraiment important pour lui ».

    « J’aurais quand même préféré qu’il n’y ait pas besoin de cet accident pour que les choses évoluent entre nous ».

    « Certes. Mais parfois il faut un électrochoc pour faire avancer les choses ».

    « Au fait, comment vous avez su l’un pour l’autre ? » elle enchaîne « je veux dire, je me suis toujours demandé comment vous, les homos, vous arriviez à vous reconnaître ».

    « Lui il savait que je le kiffais ».

    « Et comment ? ».

    « Parce que je n’arrêtais pas de le regarder, depuis le premier jour du lycée. Mais moi je ne savais pas si je lui plaisais ».

    « Et alors ? ».

    « Un jour je lui ai proposé de réviser ensemble et il a voulu que ça aille plus loin ».

    « C’est lui qui a voulu ? ».

    « Je le voulais aussi, mais je n’aurais jamais osé tenter quoi que ce soit. Il m’impressionnait trop. Et j’avais peur qu’il me mette son poing dans la gueule ».

    « C’est vrai, il y a ça comme danger, aussi… ».

    « Tu l’aimes ? » elle enchaîne.

    « Comme un fou ».

    « Et lui ? ».

    « Ça a été difficile jusqu’à il y a pas longtemps, mais là, je crois que oui. Même s’il ne me l’a jamais dit, je crois que oui. Depuis que je suis ici, je me sens vraiment heureux avec lui ».

    « Tu sais, Jérémie c’est un peu comme un enfant pour moi. Je l’ai vu grandir, je le connais un peu. J’arrive à lire derrière les apparences. Jérémie ne sait pas mentir, et surtout il ne sait pas me mentir. Il a beau faire l’indifférent, comme tout à l’heure quand je t’ai appelé son « chéri », moi je suis persuadée qu’il t’aime vraiment ».

    « Je pense, enfin, j’espère ».

    « Nan, mais t’as vu ce regard qu’il avait quand tu es monté à cheval ? C’était un regard plein d’admiration et de tendresse. Tu sais, je paierais cher pour qu’un mec me regarde de cette façon. Hélas, à mon âge c’est foutu ! ».

    Je souris. Elle enchaîne :

    « Quand il m’a parlé de toi pour la première fois, comme d’un « pote qui allait venir quelques jours » j’ai senti qu’il avait vraiment envie de te voir. Il était fébrile à l’idée de te voir. Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai senti que tu étais plus qu’un pote. Tu sais, il n’a jamais amené personne ici, aucune copine. Juste deux ou trois fois son pote Thibault. Et, maintenant, toi ».

    « Je voudrais que ce week-end ne se termine jamais ».

    « C’est Paris qui t’inquiète ? ».

    « Oui, la distance, et tout ce qu’il va trouver là-bas ».

    « Tu verras, vous allez y arriver, j’en suis persuadée. Il faudra juste être patient. Et persévérant. La persévérance, c’est ce qui rend l’impossible possible, le possible probable et le probable réalisé ».

    « Laisse-lui le temps de s’accepter. Donne-lui autant d’amour que tu peux. Fais-le se sentir bien. Je pense qu’il est très difficile d’assumer sa sexualité quand on l’associe à la peur du regard des autres et à la honte. En dehors du plaisir sexuel immédiat, elle ne procure aucun bonheur. Mais dès qu’on associe sa sexualité à la joie et à l’amour, c’est facile d’accepter qui l’on est. C’est une chance qu’il soit tombé sur un gars comme toi. Tu l’aimes, et il le sait, et il t’aime lui aussi. Je crois que je ne l’ai jamais vu aussi heureux depuis le divorce de ses parents. Il t’aime parce qu’il est heureux avec toi. Et c’est ça qui va faire bouger les lignes dans sa tête ».

    « J’espère juste que le jour où il s’acceptera, il aura toujours envie d’être avec moi, qu’il n’aura pas trouvé un autre gars qui lui plaît davantage et qui sera plus près que moi ».

    « Tu es quelqu’un de spécial pour lui ».

    « J’espère que tu dis vrai ».

    « Parce que c’est Nico, parce que c’est Jérémie ».

    « De quoi ? ».

    « Tu ne connais pas cette citation de Montaigne ? On ne vous apprend donc rien au lycée ? ».

    « Non, je ne connais pas, désolé ».

    « Dans ses Essais, Montaigne a écrit un long chapitre sur l’amitié, à l’intention de La Boétie, son ami disparu prématurément, et qui était probablement plus qu’un ami. Une phrase de ce chapitre est restée célèbre, car elle résume en quelques mots simples la particularité, l’intensité de cette amitié qui le liait à la Boétie : « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Ça veut dire qu’il y a des amitiés, des relations, des coups de foudre, qui sont comme des évidences, qui sont si fortes que rien ni personne ne peut les empêcher. Elles doivent arriver et elles arrivent ».

    Les mots de Charlène me font chaud au cœur.

    « Qu’est-ce que c’est beau de tomber amoureux à votre âge ! » elle me lance, sur un ton enjoué « accroche-toi, Nico, car on ne tombe vraiment amoureux qu’une seule fois dans la vie ».

    Charlène a tout juste le temps de terminer sa phrase, lorsque nous entendons au loin le claquement des sabots d’un cheval approchant au grand galop. Je ne le vois pas encore, mais je suis sûr qu’il s’agit de mon beau Jérém. Je me retourne, impatient de le voir apparaître. Le bruit de tonnerre des sabots augmente d’intensité seconde après seconde. C’est une cadence très rapide, c’est un bruit très sonore, presque une musique, un « allegro con moto » dans lequel j’ai envie de lire son impatience de me retrouver.

    Un instant plus tard, le bobrun apparaît sur son étalon, au grand galop. Qu’est-ce qu’il est beau mon Jérém sur son Unico ! Dès qu’il nous voit, il ralentit et il approche au pas.

    « Eh, ben, on dirait que tu étais impatient de nous rejoindre » fait Charlène.

    « Ça a été vite plié avec Gildas ».

    « Alors, comment tu l’as trouvé ? ».

    « Je lui ai mis les points sur les « I » ».

    « Tu lui as pas fait peur ? ».

    « Non, je blague, il a l’air bien ce gars. Je lui ai fait faire un tour sur Unico dans la carrière. Ça va le faire ».

    « Allez, trêve de bêtises, on continue, la boucle est encore longue » fait Charlène.

    Nous marchons au pas avec pour décor un paysage magnifique. Et pourtant, il est un détail dans le paysage qui capte toute mon attention. Jérém marche désormais vingt mètres devant nous, et je ne peux détacher mes yeux de ce petit t-shirt gris qui moule ses épaules, ses biceps et souligne avec une précision redoutable le V de son torse.

    « Mais regarde un peu ce dos massif ! Quand je pense qu’il était tout fin quand il était plus jeune ».

    « Il est vraiment bien foutu » je confirme.

    « J’adore le dos des mecs, je trouve qu’il exprime toute la puissance d’un ».

    « Mâle » je complète sans réfléchir.

    « C’est exactement ça ».

    « Moi aussi j’adore son dos ».

    Oui, j’adore son dos. Et j’adore également sa position sur le cheval que je trouve très suggestive, notamment au pas. Le buste bien droit, maintenu un peu vers l’arrière, les épaules ouvertes, tous pecs dehors, le bassin qui oscille avec nonchalance au gré des pas de l’animal, mouvement qui n’est pas sans me rappeler ses coups de reins pendant la recherche du plaisir masculin. D’une certaine façon, sa position et son attitude à cheval me rappellent ses positions et ses attitudes pendant l’amour. Dans les deux cas, il s’agit d’une forme de domination virile. Dans les deux cas, il s’agit d’une forme de sensualité. Une sensualité, celle dégagée par mon Jérém en selle sur son étalon, au parfum de terre, de nature, de transpiration, qui a quelque chose de profondément sauvage, d’authentique et d’indompté.

    « On va arriver dans une descente plutôt raide » m’annonce Jérém « et Tequila n’aime pas ça ».

    « Ah » je stresse.

    « Tu te penches en arrière le plus possible et tu lui mets des petits coups de talon pour qu’elle avance. Il ne faut pas la laisser s’arrêter. Car si elle se plante, tu vas te faire chier pour la faire repartir ».

    Je ne savais pas que mon adorable Tequila pouvait être caractérielle. On ne finit jamais d’en apprendre à cheval et au sujet de son cheval.

    En effet, la descente est assez couillue, et elle m’occasionne un certain nombre de frissons. Je suis les consignes de mon bobrun à la lettre, je suis pratiquement couché sur ma jument, et je mets de petits coups de talon sur son ventre pour la faire avancer. Tout semble bien se passer lorsqu’elle s’arrête net au beau milieu de la pente, alors que Jérém et Charlène sont pratiquement arrivés en bas. Je me relève, je tape plus fort avec les talons. Rien ne se passe. Et là, je vois le bogoss descendre de son Unico, confier les rênes à Charlène, et remonter lentement la pente sous le soleil battant, jusqu’à moi.

    « Je suis désolé ».

    « C’est pas ta faute, elle est chiante. Passe-moi les rênes ».

    « Je descends ? ».

    « Tu peux rester en selle, tu risques rien ».

    J’ai déjà entendu cette phrase, et je me souviens qu’elle s’est révélée pas complément fondée. Pourtant, je décide de lui faire confiance. J’adore me sentir pris en main par mon Jérém.

    « Ça va ourson ? » il me demande.

    Ourson. Ça me plaît de plus en plus. Ça me donne des frissons. Je me sens tellement bien dans ce simple mot qui me rappelle à chaque fois toute la douceur et l’affection qu’il me porte.

    Le bobrun fait avancer Tequila en serpentant dans la pente jusqu’à rejoindre Charlène qui nous accueille avec un sourire plein de tendresse.

    Vers midi, nous nous arrêtons à l’ombre pour la pause déjeuner, déjeuner tiré de nos sacoches (j’adore toujours autant cette expression). A notre grande surprise, Charlène fait apparaître des magrets de son paquetage magique.

    Jérém se dépêche de faire un feu de camp. Nous nous installons autour et nous les faisons griller directement au-dessus du feu, perchés sur des petites branches.

    Pendant que les magrets cuisent, nous mangeons des entrées froides, nous racontons des bêtises, nous rigolons beaucoup. Je prends Jérém et Charlène en photo. Je prends Jérém en photo.

    Quelques minutes plus tard, nous retirons les magrets du feu. Mon bobrun se charge de les couper sur une pierre lisse. Il en fait des lanières, il en tend à Charlène, il m’en offre à moi.

    J’ai très faim, et la première bouchée est toujours la meilleure. Verdict : je crois que je n’ai jamais mangé un magret aussi bon de ma vie ! Ce goût de grillé, de fumé, cette texture légèrement croustillante en dehors, tendre dedans, c’est divin. Charlène a eu une bien bonne idée. Nous nous régalons.

    « C’est bon, ourson ? » me demande Jérém.

    « C’est très bon ».

    « Comment tu l’as appelé ? » ne manque pas de relever Charlène.

    « Nico ».

    « Non ».

    « Si ».

    « T’as dit ourson ».

    « T’as mal compris » fait Jérém en rigolant.

    « Ourson, c’est troooop mignon ! ».

    Après le repas, Charlène nous annonce son intention de faire une petite sieste.

    Elle s’éloigne un peu et s’allonge à l’abri du vent. Jérém fume sa cigarette le dos appuyé à un arbre. Ce t-shirt gris enveloppant son torse est sexy à mourir. Autour de nous, les chevaux évoluent en totale liberté. C’est apaisant de les regarder en train de brouter.

    « Alors, Charlène a essayé de te cuisiner ? ».

    « Elle m’a posé quelques questions ».

    « Comme quoi ? ».

    « Comme depuis combien de temps on était ensemble, comment ça avait commencé ».

    « Et tu lui as dit quoi ? ».

    « Je suis resté vague ».

    « Elle ne peut pas s’en empêcher ! ».

    « Elle t’aime beaucoup, c’est normal qu’elle veuille savoir ».

    « Viens voir » fait le bobrun, en m’attrapant par le bras.

    « Quoi ? » je feins d’opposer une improbable résistance.

    « Viens voir » fait-il en m’attirant fermement contre son torse et en m’embrassant.

    Une seconde plus tard, je me retrouve dans ses bras, mon bassin entre ses cuisses, le dos enveloppé par son torse et ses bras. Jérém me fait des bisous dans le cou, s’attarde dans cette région hypersensible à la lisière des cheveux et de la nuque. Je vibre. Sa langue léchouille mon oreille, elle me procure des frissons inouïs. Sa barbe m’excite à fond. Je me retourne, nos lèvres se rencontrent, nous nous embrassons longuement.

    Je bande, j’ai envie de lui. Tellement envie que, pendant un instant, je suis traversé par l’idée de lui proposer de chercher un coin tranquille pour pouvoir lui faire une gâterie dans la nature. Mais je me ravise très vite. Car ce moment est purement magique, et rien ne pourrait me rendre plus heureux. Moi dans les bras du mec que j’aime, devant ce paysage magnifique. C’est le bonheur absolu, c’est un rêve qui devient réalité.

    « On est bien, là » je lâche.

    « C’est clair ».

    « Je n’aurais jamais imaginé que cette première révision chez toi nous conduirait ici, aujourd’hui, dans les bras l’un de l’autre » je considère.

    « Moi non plus ».

    « Je n’aurais jamais imaginé que je serais aussi heureux un jour ».

    « Moi aussi je suis très heureux ».

    Nous restons ainsi, dans les bras l’un de l’autre, pendant un petit moment. Et nous finissons par nous assoupir.

    « On se fait des papouilles ? » fait Charlène en revenant de sa sieste et nous arrachant de la nôtre.

    Derrière moi, je sens Jérém remuer, je sens qu’il veut se dégager de cette position au plus vite. Mais Charlène lui pose une main sur épaule pour l’en empêcher.

    « Vous êtes vraiment mignons tous les deux ».

    Nous finissons quand même par nous relever. Je regarde Jérém, il me regarde lui aussi. Il me sourit.

    « Allez, le bisou, le bisou, le bisou ! » fait Charlène.

    « Mais ça va pas ? » fait Jérém.

    « Le bisouuuuuuuuuuu ! ».

    « Non ! ».

    « Je parie que vous n’avez jamais fait ça en public ».

    « Non, et c’est pas au programme non plus ».

    « Allez, je suis certaine que Nico en a envie, hein, t’en as envie, Nico ? ».

    Dans mon for intérieur, j’en ai envie, mais je ne veux pas mettre mon Jérém mal à l’aise. D’autant plus que moi aussi je suis un peu mal à l’aise avec le fait de l’embrasser devant quelqu’un, même si c’est Charlène, car je n’ai jamais fait ça auparavant.

    « Oui, mais je ne veux pas forcer Jérém, s’il n’a pas envie, il n’a pas envie ».

    Jérém a l’air surpris et touché par ma réponse. Et là, je le vois approcher de ma joue et claquer un bisou.

    « Et c’est tout ? ».

    « Il est timide » je m’enhardis.

    « Il est gêné » rigole Charlène

    « Putain ! » j’entends mon bobrun pester.

    Et là, je le vois approcher mon visage du mien, je sens ses lèvres se coller sur les miennes et poser un bisou, certes rapide, mais bien appuyé.

    Une décharge électrique secoue mon ventre et se propage dans tout mon corps. La gêne se dissipe, volatilisée par le bonheur.

    « C’est bon ? » fait le bogoss sur un ton sarcastique.

    « Et voilà, ça c’est un bisou ! Il ne faut jamais avoir peur d’aimer ».

    « Tu m’emmerdes ».

    « Je sais, mais maintenant que tu l’as fait une fois, tu auras moins peur de le refaire ».

    « C’est ça ».

    « Il faut assumer qui l’on est ».

    « Elle me les brise menues ».

    « Je sais que tu es un mec, un vrai, alors j’attends de toi que tu assumes qui tu es, surtout devant moi, qui ne te veux que du bien. Tôt ou tard, vous serez confrontés à d’autres personnes qui comprendront qui vous êtes l’un pour l’autre. Et quand ça arrivera, tu vas faire quoi ? Tu vas nier, mentir, te cacher, tu vas avoir peur à chaque fois ? ».

    « T’inquiète, je me débrouillerai ».

    « T’es têtu comme un âne ».

    Nous ressellons nos chevaux et avant de remonter sur ma jument je prends mon bobrun en photo sur son étalon.

    « T’as pas fini avec tes photos ? ».

    « Il t’aime, il ne peut pas s’en empêcher » fait Charlène « d’ailleurs, donne ton appareil, je vais vous prendre tous les deux. Allez, Nico, en selle ».

    Soudain, j’ai envie de l’embrasser. Je n’avais même pas osé imaginer avoir une photo avec mon Jérém. Et Charlène a l’idée de le faire. Je l’adore.

    « Jérémie ! » elle l’appelle.

    « Quoi ? ».

    « Viens là, je vais vous prendre en photo, toi et ton ourson ».

    « J’aime pas les photos ».

    « Dépêche-toi ! ».

    « T’es vraiment chiante ! » grogne mon bobrun, tout en approchant Unico de Téquila.

    Lorsqu’il arrive à côté de moi, il me passe un bras autour du cou. Et Charlène appuie sur le bouton.

    « C’est dans la boîte ».

    « Merci encore ».

    « Je pense que tu en avais envie ».

    « Ah oui ! Merci beaucoup ».

    Je suis heureux. Je reprends l’appareil des mains de Charlène avec un soin tout particulier, car il recèle désormais un trésor inestimable, une photo de mon bobrun et moi.

    Vers le milieu de l’après-midi Tequila semble pressé. Elle fait des pieds et des mains pour prendre la tête du cortège. Le pas, elle le veut rapide. Le trot, elle le veut sans cesse. Le galop, elle se l’octroie sans rien demander. Tequila est un « véhicule » à boîte automatique, elle passe la troisième vitesse sans se soucier un seul instant de mon avis. Je suis surpris (c’est un euphémisme). J’ai une réaction épidermique, je tire un grand coup sur les rênes. Et là, elle réagit au quart de tour. On dirait un dessin animé : elle stoppe net, c’est presque un arrêt sur image. Les quatre fers en l’air, elle lévite un instant avant de retomber sur le sol.

    Sur un chemin à flanc de montagne, je me fais une frayeur lorsqu’elle semble trop approcher le bord. Je me vois déjà dans le vide ! J’ai une exclamation de panique qui fait beaucoup rire Jérém et Charlène.

    En milieu d’après-midi, il fait très chaud. Et nous n’avons plus d’eau, ni Jérém, ni moi. Ni même Charlène.

    « Et il nous reste au moins deux heures avant d’arriver chez moi » fait cette dernière.

    « On aurait dû prendre davantage d’eau » regrette Jérém.

    « C’était pas prévu qu’il fasse si chaud » fait Charlène, avant d’enchaîner « et en plus j’ai l’impression qu’Unico boîte ».

    « C’est pas qu’une impression. Ça fait un petit moment que je le sens sensible des pieds ».

    Et, ce disant, mon bobrun descend illico de son étalon, il lui attrape le pied et regarde à l’intérieur du sabot.

    « Y a un clou du ferrage qui est en train de se barrer. Il faudrait le déferrer ».

    « Tiens, j’ai une idée. On n’est pas loin de chez Florian. On va se faire payer un coup à boire et se faire prêter des outils pour le déferrer ».

    Commentaires

    ZurilHoros

    26/05/2020 07:29

    Ce chapitre est très joli, fin et bien observé. 
    Je pense qu’il est très difficile d’assumer sa sexualité quand on l’associe à la peur du regard des autres et à la honte. En dehors du plaisir sexuel immédiat, elle ne procure aucun bonheur. Mais dès qu’on associe sa sexualité à la joie et à l’amour, c’est facile d’accepter qui l’on est. 
    C’est très vrai ça…

    Lolo1965

    18/09/2019 15:31

    Fabien C’est moi qui te dit merci car dans un océan de noirceur ta belle histoire est un vrai réconfort

    fab75du31Auteur

    18/09/2019 14:18

    Yann, Lolo, vos commentaires me touchent beaucoup beaucoup. Merci

    Lolo1965

    18/09/2019 12:42

    HelloUn petit commentaire complémentaire à celui d’hier car je viens de lire avec bonheur l’épisode 215 que j’avais zappé Malgré mon âge je suis encore très fleur bleue et cette histoire me touche au plus profond et m’émeut parfois jusqu’au larmes Ton écriture si simple mais si détaillée nous fait nous sentir si proche voir intime de Nico et Jerem C’est beau une belle histoire d’amour avec ce jeune couple qui se découvre et qui découvre la vie à 2 et tout cela sans clichés mais avec une sexualité forte qui colle bien au monde gayC’est prenant je dirais même addictif J’ai hâte de lire la suite car je trouve que tu leur fait prendre un beau chemin sans encore avec des embûches et des questions comme je l’avais dit hierC’est vrai qu’un film ou téléfilm pourrait être beau mais je ne sais si un réalisateur pourrait rendre l’amour et la chaleur qui transpire dans tes textes Je vais ronger mon frein en attendant le prochain épisode

    Yann

    15/09/2019 18:54

    Le passage de la douche de Jerem dont chaque bruit et chaque odeur viennent nourrir le fantasme de Nico pour le conduire à son plaisir est magnifiquement raconté par tous les détails.
    La perspective de leur séparation inquiétait déjà Nico mais suite au sms qu’il a reçu et à ses questions on sent que Jerem y pense aussi et s’en préoccupe. L’amour est la plus belle des choses et on est tous fait pour aimer car sans amour on n’est rien. Mais l’amour rend sensible et vulnérable car notre bonheur dépend de l’autre et la peur de ne pas être aimé ou celle d’être séparé de celui qu’on aime est une souffrance. Le manque est une part essentielle et indissociable de l’amour qui fait souffrir.
    Le passage avec Charlène est aussi magnifique vis-à-vis de son « fils de cœur » et aussi de Nico. Sa maturité devrait leur être précieuse peut être même après le départ de Jerem pour Paris. Ils ont désormais une confidente qui pourra les aider.
    Yann

  • D05 Jérém&Nico Livre 1. Jérém, qui est-il ce garçon ?

    D05 Jérém&Nico Livre 1. Jérém, qui est-il ce garçon ?

    Après une longue gestation, le premier livre de Jérém&Nico est enfin imprimé et prêt à être expédié.

    « Jérém&Nico Livre 1. Jérém, qui est-il ce garçon ? » reprend les 40 premiers épisodes de l’histoire, enrichis de nombreux passages piochés dans les épisodes plus récents, lorsque ces derniers s’intègrent aux premiers de façon intéressante.

    Il en résulte une toute nouvelle structure narrative, allégée et plus cohérente.
    Jetez un œil pour vous en rendre compte !


    Télécharger « Jerem & Nico – Livre I PROMO 10 épisodes.epub » version pour liseuse, gratuit.

    Tu peux commander ta copie dédicacée en version papier ou epub (pour liseuse) via la plateforme tipeee.com/jerem-nico-s1.

    Acheter le livre « Jérém : qui est-il ce garçon? » version epub, 15 euros (envoi par mail), cliquer ICI.

    Acheter le livre papier « Jérém : qui est-il ce garçon? », 30 euros (envoi par la Poste), cliquer ICI.

    Pour me donner un coup de main à partir de 1 euros, cliquer ICI. 


    En achetant le livre papier ou numérique, ou en faisant un tip sur tipeee, tu contribues au travail d’écriture de la suite de l’aventure Jérém & Nico.

    Merci d’avance !

    Fabien.

    Un petit aperçu du livre :

    Télécharger « Jerem & Nico – Livre I PROMO 10 épisodes.epub » version pour liseuse, gratuit.

    En format lisible directement sur ce site :

    https://ekladata.com/HnW_44zy8e7fCVEUv-2ClQ2-dno/00000-Livre-1-JeremNico-Final-promo-10-episodes-PDF.pdf

      en 47 secondes

    Participer à l’aventure Jérém&Nico (en 2 minutes chrono !)

  • JN0214 Nuit d’amour, nuit douce et quelques inquiétudes.

    JN0214 Nuit d’amour, nuit douce et quelques inquiétudes.

    Dans la petite maison, le dimanche 09 septembre 2001, tard le soir.

    Après l’amour, qui a été à la fois intense et plein de douceur, nous nous allongeons sur le lit. Jérém me couvre de bisous. Il me caresse, me chatouille, joueur comme un chiot foufou. Et toujours, sur son visage, ce beau sourire heureux qui me fait fondre.

    Petit à petit il finit par se calmer, la fatigue le gagne. Pendant de longues minutes, nous restons dans les bras l’un de l’autre. En silence. Et au bonheur de le voir tout foufou après l’orgasme succède un autre bonheur, celui de le voir épuisé, repu, comblé après l’amour.

    « Vraiment, jamais j’ai pris autant mon pied » je l’entends répéter tout bas, tout en se laissant glisser sur un flanc, face à moi.

    Ah, que c’est bon de l’entendre dire ça !

    « Je te fais de l’effet, alors » je rebondis.

    « Il faut croire ».

    « Allez, dis-moi, qu’est-ce qui te plaît chez moi ? ».

    « Arrête ».

    « Ce coup-ci tu ne vas pas m’avoir avec le sexe, je n’arrêterai pas jusqu’à ce que tu me dises ! » je lance sur un ton joyeux.

    Mais le bobrun demeure silencieux.

    « Allez, s’il te plait ! » j’insiste, tout en caressant les poils entre ses pecs. Décidemment, je ne m’en lasse pas.

    « Ce que j’aime… » il finit par lâcher.

    « Vas-y ! » je l’encourage.

    « J’adore ta peau ».

    « Ma peau ? ».

    « Elle est douce » fait-il en caressant fugacement mon avant-bras.

    « Et c’est tout ? ».

    « Pffffff ».

    « Allez !!! ».

    « J’aime ça aussi (fait-il en se retournant vers moi, en m’enlaçant avec ses bras et en posant un bisou sur ma joue) et ça (il passe ses doigts dans mes cheveux) et ça (il léchouille mes oreilles) et ça (il frotte son nez contre ma mâchoire) et ça (il pose plusieurs bisous sur mes lèvres) et ça (il embrasse ma pomme d’Adam) et ça (il embrasse mes épaules) et ça, ça, alors, je kiffe un max ces petits trucs (il mordille mes tétons et je frissonne) et ça (il caresse mes pecs) et ça (il titille mon nombril avec le bout de sa langue). Et j’aime ça aussi (il enchaîne, en saisissant doucement ma queue). Alors, ça te convient comme réponse ? ».

    « Ah oui, ça me convient tout à fait ! ».

    « Et j’aime ça, putain, qu’est-ce que j’aime ça (il caresse mes fesses) ».

    « Tu les aimes mes fesses, hein ? » je le cherche.

    « J’adore ton petit cul ».

    « A ce point ? ».

    « Ça fait longtemps que je le mate, ton petit cul. Et depuis qu’on a commencé nos sauteries, alors, là, je suis accroc ».

    « C’est vrai ? ».

    « Tu peux pas savoir comment j’ai eu envie de toi après ce premier après-midi chez moi ».

    « Moi aussi j’avais envie de toi ».

    « Tu m’as fait une pipe de fou » il continue.

    « Tu m’as chauffé à blanc ».

    Nous nous échangeons des bisous en silence, la douce mélodie de nos caresses se mélange au crépitement du feu dans la cheminée.

    « Tu sais, je me suis branlé des fois en pensant à toi » il me balance.

    « Quand ça ? Après le début de nos révisions ? ».

    « Oui, et même avant ».

    « Même avant ? ».

    « Oui ».

    « Avant, quand ? ».

    « Je crois que la première fois c’est après l’anniversaire de Thomas ».

    Je suis scié d’apprendre ça. Le plus beau mec du lycée qui se branlait en pensant à moi, pendant que je me branlais en pensant à lui. Quel gâchis !

    « Si tu savais le nombre de fois où je me suis branlé en pensant à toi. J’ai été tellement jaloux de voir que tu sortais avec des nanas alors que je crevais d’envie d’être avec toi ».

    « Je suis désolé de t’avoir traité comme je l’ai fait » il lâche tout bas, en ajoutant des bisous à ses excuses sincères.

    Je suis ravi de nos confessions sur l’oreiller. Pourtant, une question me brûle les lèvres. Il est des questions qu’il faut savoir poser lorsque le bon moment se présente, et le bon moment c’est quand on se sent le courage de le faire et que l’on sent l’autre réceptif. Il ne faut pas laisser passer ce moment précieux, car on ne sait pas s’il va se représenter un jour.

    « Et tu pourras assumer tout ça, demain ? » je me lance.

    « Je ne sais pas comment je vais gérer quand je serai à Paris ».

    « Je ne te parle pas de le crier sur les toits, je te parle de l’assumer au moins « entre nous » ».

    Le bogoss relève son buste, me fixe droit dans les yeux, son regard est doux et charmant.

    « Je suis bien avec toi ».

    « Moi aussi je suis bien avec toi, je voudrais que ce week-end ne se termine jamais ».

    « Moi non plus ».

    Le bogoss me fait plein de bisous.

    « Quand je pense comment tu m’as jeté les quelques fois où j’ai essayé de t’embrasser. Quitter ton studio sans le moindre geste de tendresse de ta part, c’était tellement dur ».

    « Pour moi aussi c’était dur. Parce que moi aussi j’en avais envie. J’avais besoin de câlins autant que toi, mais je me faisais violence pour ne pas céder. Parce que je voyais ça comme une faiblesse. J’étais pas bien dans ma tête ».

    « Je t’avais dit que les câlins c’était génial ».

    « Et tu avais tellement raison ».

    Je le prends dans mes bras et je lui fais des câlins et des bisous dans le cou.

    « Ne me fais plus souffrir, Jérém ».

    « Promis ».

    « Promis, promis ? ».

    « Je m’endors » il lâche, la voix pâteuse.

    « Promis, promis ? » j’insiste.

    « Oui, promis, promis, bonne nuit » il lâche, alors que sa voix ralentit comme la musique d’un baladeur à cassettes dont les piles commencent à vaciller.

    Jérém s’endort en premier dans mes bras. Je me laisse bercer par sa respiration apaisée, par les battements de son cœur, par le contact avec la douce chaleur de sa peau.

    Et pourtant, je n’arrive pas à trouver le sommeil. Tant de choses se bousculent dans ma tête, tant de découvertes inattendues, tant de bonheurs.

    Je repense à la balade à cheval, aux attitudes bienveillantes de Jérém à mon égard pendant cette journée, à sa façon de s’inquiéter de ma sécurité, à sa façon de m’apprendre les rudiments de l’équitation. Je repense à l’amour dans la nature. Je repense au petit « accident » lorsque Charlène nous a surpris dans le box, et à la façon dont ça a été désamorcé. Je repense à l’amour de cette nuit, à cette intense expérience sensuelle qui m’a rendu dingue. Et je repense, bien évidemment, à notre nouvelle discussion sur l’oreiller.

    Je me suis souvent demandé ce que Jérém me trouvait, pourquoi il m’avait choisi moi pour ses révisions, pourquoi j’avais été l’élu de son lit avant de devenir, je l’espère, l’élu de son cœur. Désormais, je sais.

    Je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse me trouver attirant à ce point.

    Je me sens bien dans son regard, et je me sens beau aussi. Je m’étais déjà senti attirant dans le regard de Stéphane et, dans des proportions différentes, dans celui de Martin, celui de Julien et dans celui de Thibault. Mais cette fois-ci, la sensation est puissance mille car je me sens beau dans le regard du gars que j’aime.

    Mes yeux commencent à se fermer et je repense à tous ces cavaliers joyeux et bienveillants, et que je considère désormais comme des amis. Je suis bouleversé par ces rencontres avec des gens intelligents comme il en existe heureusement beaucoup et pour lesquels les gays ne posent aucun problème.

    Saint Exupéry a écrit : il n’est qu’un luxe véritable, c’est celui des relations humaines. Le voilà à mon sens, le véritable essence de l’ABCR : des amis, avant même que des cavaliers. Autour d’une fondue ou en balade, l’ABCR c’est avant tout une histoire de rencontres et de partage de bons moments avec des gens aimants. L’ABCR ce sont des moqueries, des blagues, des rires, mais toujours dans une ambiance bon enfant. L’ABCR est un joyeux bordel, une famille d’amis.

    Je suis heureux comme jamais, je suis comblé. Et pourtant, la petite voix qui me parle du coup de fil de Paris résonne toujours au loin.

    Je ne sais pas quelle heure il est lorsque j’émerge de mon sommeil. Derrière les carreaux, il fait toujours noir. Le feu dans la cheminée a l’air d’avoir perdu pas mal de son panache. Jérém est toujours dans mes bras, nos corps entièrement nus sont toujours collés l’un contre l’autre, mon visage dans le creux de son cou, mon torse contre son dos, mon bassin à hauteur de ses reins.

    Je ne suis qu’à moitié réveillé, mais je ressens une sensation tout aussi agréable qu’insolite monter dans mon bas ventre. Je ressens comme une excitation, comme un frisson.

    Soudain, je réalise que je bande et que ma queue est calée entre les fesses de mon bobrun. Et aussi, que son bassin fait de petits mouvements qui provoquent en moi ces frissons hyper excitants.

    Est-ce que Jérém est réveillé ? Je n’ose demander. Si oui, de quoi a-t-il envie ? Qu’est-ce qu’il attend de moi ? Je n’ose pas penser qu’il puisse avoir envie que, Non, c’est pas possible, il ne peut pas avoir envie de ça.

    Pourtant, les petits mouvements se font de plus en plus appuyés. Jérém est bel et bien réveillé. Je l’entends cracher dans sa main, et venir enduire son entrejambe. Son bassin revient se caler contre ma queue. Je me laisse porter par mon excitation et j’entreprends de seconder ses mouvements. Je ne peux toujours pas croire ce qui est en train de se passer,

    A chaque frottement mon gland détecte le doux relief de sa rondelle. La pression de son bassin augmente un peu plus à chaque passage. Mon excitation grimpe elle aussi un peu plus à chaque passage. Jusqu’au moment où mon gland bute contre son trou. Je sens mon bobrun se crisper.

    Une nouvelle fois son bassin s’éloigne, une nouvelle fois sa main vient enduire son entrejambe de salive. Jérém revient se coller contre moi, son trou capte direct mon gland, la pression de son bassin redevient insistante. Et là, j’ai l’impression que la résistance de sa rondelle est sur le point à céder, l’impression que je vais glisser en lui. Mon cœur fait un sprint vers des rythmes délirants. C’est une sensation tellement extrême que j’en ai comme le vertige. C’est ma première fois. J’ai peur et j’ai très envie en même temps. J’espère que Jérém sait ce qu’il fait et qu’il ne va pas se mettre en pétard plus tard !

    Je commence à me préfigurer ma première sodomie en tant qu’actif, je commence vraiment à en avoir envie, lorsque son bassin s’éloigne avec un mouvement brusque. Jérém se cale sur le flanc, loin de moi. Dans le noir, je l’entends reprendre son souffle. Je suis presque certain qu’il a mal.

    « Ça va ? » je lui demande tout bas.

    « Ouaiss ».

    Et je me retrouve là, avec ma trique d’enfer, abasourdi par ce qui a failli se passer. Et à m’imaginer toutes les conséquences de cela, sans avoir le cran de lui poser la moindre question.

    Quelques minutes plus tard, je détecte un changement dans la respiration de mon bobrun qui m’annonce qu’il s’est rendormi. Je devrais essayer d’en faire de même.

    Lorsque je me réveille à nouveau, de la lumière rentre déjà par les ouvertures de la petite maison. Mon bobrun est toujours au lit, allongé sur le dos, ses bras et ses pecs dépassent des draps, beau comme un dieu. L’odeur de sa peau nue m’enivre. Sa proximité me donne le tournis. Une envie violente s’empare de moi. L’envie de réveiller mon bobrun avec une bonne gâterie matinale, l’envie de le prendre en bouche et de retrouver le goût de son petit jus chaud de mec.

    C’est une envie tellement violente que je ne peux pas m’y opposer. Alors, je me glisse sous les draps et je commence à caresser doucement la bête encore endormie.

    « Nico » je l’entends soupirer, la voix encore pâteuse.

    Je le prends en bouche, je commence à le pomper et je sens sa queue grossir peu à peu.

    « Tu fais quoi ? ».

    « J’ai envie de te sucer ».

    « T’es fou, toi ! ».

    « Tu n’aimes pas ? ».

    « Tu veux me tuer ».

    « Non, juste te faire jouir ».

    « Ce matin, c’est libre-service sans assistance » il lâche, en paraphrasant la réplique de Lola à Daniel du soir précèdent. Et alors que je recommence à le sucer, il laisse retomber lourdement son dos sur le matelas.

    J’ai envie de rigoler, mais je suis avant tout rassuré que mon bobrun semble de bon poil et que ce qui vient de se passer un peu plus tôt dans la nuit n’a pas affecté notre harmonie. Mais de quoi avait-il réellement envie cette nuit ?

    Je le pompe avec bonheur, je le pompe avec entrain. Assez vite, sa queue se tend à bloc. Quant à son jus, il ne tarde pas non plus à jaillir de son gland et à atterrir dans ma bouche. J’adore la puissance de ses jets, j’adore ce goût, cette odeur, ce témoignage chaud et dense de son plaisir de jeune mec, l’essence de sa bogossitude, de sa jeunesse, de sa puissance virile. Ce petit jus du matin est un cadeau qui met de bonne humeur pendant toute la journée.

    « T’es fou, Nico ».

    « C’est toi qui me rends dingue ».

    « Allez, debout » fait le bogoss après un court instant de récupération « on a une balade à faire aujourd’hui ».

    Commentaires

    ZurilHoros

    13/06/2020 08:16

    Nuit douce, torride et j’ajouterais, ludique. 

    Depuis les premiers épisodes, j’ai trouvé beaucoup d’intérêt à voir comment le plaisir du passif était montré, décrit. C’est pas mal du tout, et ce n’est pas commun. 
    Il y a une dimension de jeu de rôle dans la sexualité et je trouve que l’un et l’autre le pratique avec le bon équilibre. C’est suffisamment bien joué pour qu’ils y croient mais ils savent très bien ce qu’ils font. Ce n’était pas ça au début. Que se passerait-il si les acteurs improvisaient sur le scénario établi. 
    C’est ce à quoi on assiste dans ce chapitre, ou Jérémie devient l’initiateur d’un Nico qui en a bien besoin. Et si bomec voulait changer les rôles?  c’est une scène hyper bien écrite. 

    Nico se vit comme un second rôle qui a obtenu un privilège et il a peur qu’on le lui retire d’un claquement de doigts. 
    Pour Jérémie aussi, c’est peut être compliqué. Il s’est tellement habitué à être l’élu, qu’il peut avoir peur de perdre ce privilège et aussi croire qu’il n’a que ça comme atout… Il peut être tenté de vérifier qu’il l’a encore et toujours en baisant à tire-larigot. Il n’a pas une très haute estime de lui, on l’a vu quand il était avec Thibaut.

    Ca va pas être facile à gérer tout ça. 

    Commentaires

    gebl

    17/09/2019 18:46

    L’histoire est là : sentiment et sexe. le sexe est très hard , pornographique, mais terriblement sensuel, amoureux. 
    Ton écriture nous fait vivre ces moments sans le coté violent que les scènes de sexe peuvent avoir. On avale (sic) l’histoire , en fantasmant sans forcément, avoir envie de se soulager physiquement  car  l’histoire nous fait vivre le bonheur. tu sais sublimer ce que l’acte sexuel peu transmettre en bien être. 
    Je suis désolé de ne pas pouvoir en l’état t’aider financièrement.
    je souhaite que  ton écriture trouve un cinéaste qui saurait garder l’esprit ce ce roman.

    Lolo1965

    17/09/2019 18:42

    Salut FabienÇa fait plusieurs jours que devore cette merveilleuse histoire d’amour et je suis devenu accro comme Nico à JeremLeur histoire évolue en même temps que ton écriture Après la descente aux enfers de ma 1ère saison cette 2e saison et le vrai naissance de leur amour est envoutant et ton style évolue avec eux avec leur douceur et leur sensualité Il reste tellement de chose à nous faire découvrir comme par exemple :Comment va évoluer leur relation à distance Est ce que Nico va parler à sa maman et s’ouvrir à son père Le présentation du beau Jerem aux parents de Nico et comment va s’il être bouleversé par une cellule familiale aimante lui dont la vie de famille est en désastre Comment se passera aussi leur 1ere sortie avec maxime et surtout à quand le retour du gentil thibault qui ne mérite pas d’être relégué au second rôle Jerem poursuivra t’ sur la voie du coming out dans son entourage proche ou avec son père En fait la bifurcation vers l’histoire d’amour belle sensuelle ouvre un magnifique champs des possibilités même si d’avance je suis déjà déçu puis le Nico d’aujourd’hui a clairement laissé entendre qu’il n’était plus avec Jerem ce qui est dommage Je ne sais pas si il y a beaucoup d’autobiographie dans cette histoire mais elle est belle fraîche et fait du bienMerci et à très vite pour la suite

    fab75du31Auteur

    31/08/2019 21:39

    Merci à Yann et Florentdenon, vos messages sont adorables

    Florentdenon

    31/08/2019 12:23

    Encore un episode lu avec beaucoup de plaisir! Tu sais tres bien donner une touche tres sensuelle et exprimer les sentiments.Ne condamne pas trop vite ce bonheur ephemere…

    Yann

    27/08/2019 15:43

    Je m’émerveille de cette capacité qu’ils ont de saisir parfaitement la nature de leur relation et de la sublimer par leur amour.
    Merci Fabien tu as été bien inspiré.

  • JN0213 Une soirée très riche en émotions (partie 2).

    JN0213 Une soirée très riche en émotions (partie 2).

    Campan, le dimanche 09 septembre 2001, un soir au relais.

    Je m’baladais sur l’avenue le cœur ouvert à l’inconnu,

    J’avais envie de dire bonjour à n’importe qui

    N’importe qui et ce fut toi, je t’ai dit n’importe quoi

    Il suffisait de te parler, pour t’apprivoiser

    La voix puissante de Daniel et la vibration sonore de la guitare m’enveloppent, la musique prend vie. Nous chantons ensemble, sans nous préoccuper de chanter juste. C’est la première fois que je vois et j’entends jouer de la guitare de si près. C’est la première fois que je vis un moment de partage aussi incroyable. Et j’en ai des frissons.

    Les couplets défilent, ponctués parfois par des mots drôles, des regards marrants, des attitudes hilarantes de notre joyeux luron musicien dont la spécialité est d’apporter de la légèreté et de la bonne humeur.

    Les chansons s’enchaînent, « Le sud », « Siffler sur la colline », « Le petit âne gris », « Stewball », « L’été indien », « Santiago », « La montagne », « Mon amant de Saint Jean », « La complainte de la butte ». Des grands classiques de la chanson française, entrecoupés par la répétition régulière d’un « tube maison » appelé « Il me faut du carburant ». Formule par laquelle, toujours en grattant sur sa guitare, Daniel réclame à boire régulièrement.

    Le répertoire de notre musicien n’est pas composé de chansons d’aujourd’hui, et pas forcément des chansons les plus gaies qui soit. Mais ce sont toutes de belles chansons, des chansons des années ’70, des textes et des musiques empreints d’une double nostalgie. Il y a la nostalgie inscrite dans le texte par l’auteur. Et puis, il y a la nostalgie de Daniel, et de la plupart des cavaliers de l’ABCR, la nostalgie d’une époque, époque que ces chansons ont le pouvoir magique de faire ressurgir.

    Après une énième pause à la bière, Daniel annonce « le dernier rappel avant le baisser de rideau, qui sera suivi d’une pipe et d’un bon dodo, hein, Minou ??? ».

    « Tu peux toujours courir ! Ce soir si tu as des envies, c’est « libre-service sans assistance » » balance Lola, du tac-au-tac.

    J’adore l’humour abrasif de ce couple hétérogène par l’âge (Lola doit avoir tout juste la quarantaine, alors que Daniel me semble avoir la soixantaine révolue) et pourtant soudés et complices comme peu d’autres couples. Daniel est un joyeux luron. Lola a du répondant et de l’humour. Ensemble, ils forment presque un duo comique.

    « Je vais branler la guitare, alors, Minou ».

    « Branle ce que tu peux ».

    « Je vais t’en jouer une pour te faire hérisser les poils ».

    « Allez, vas-y, fais hérisser les poils » fait-elle, l’air blasé.

    « Une chanson qui parle de sexe ! ».

    « Soudain, j’ai peur » elle se moque.

    Et là, Daniel entonne les premiers couplets de celle que je considère l’une des plus belles chansons françaises de tous les temps :

    Il venait d’avoir 18 ans

    Il était beau comme un enfant

    Fort comme un homme,

    Une chanson que j’ai entendue pour la première fois lorsque j’avais 14 ans, à la radio, une chanson que j’avais trouvée incroyablement culottée au fur et à mesure que les couplets étaient parvenus à mes oreilles pour la toute première fois.

    Et aujourd’hui, l’entendre jouer, chanter, et de la chanter moi-même avec les autres cavaliers, me la fait redécouvrir et l’apprécier davantage encore. Ainsi, lorsque le dernier couplet résonne :

    J’avais oublié simplement

    Que j’avais deux fois 18 ans,

     j’ai envie de la rechanter dès le début.

    « C’est vraiment une belle chanson » fait Charlène.

    « Une chanson très vraie » relance Martine.

    « C’est vrai, quelle femme de quarante ans n’a pas un jour eu envie de coucher avec un jeune qui lui ferait retrouver sa vingtaine ? » s’accorde Satine.

    « Il paraît que cette chanson est autobiographique, il paraît que Dalida avait eu une aventure avec un jeune fan italien qui s’était pointé chez elle au culot un soir de Noël » raconte Carine.

    « Eh, les nénettes, je vais vous calmer vite fait bien fait » fait Daniel « au cas où vous ne le saviez pas, cette chanson a été écrite par Pascal Sevran ».

    « Et alors ? » fait Satine, interloquée.

    « Et alors, Sevran aimait les mecs. Alors, ce n’est peut-être pas Dalida qui a couché avec le minet dont il est question dans cette chanson ».

    « Ah ! » fait-elle, surprise, alors que Martine et Charlène se moquent d’elle et que Nadine part dans l’un de ses fous rires incontrôlables.

    « Il n’y a pas que les nanas qui ont envie de coucher avec des bogoss de 18 ans » fait Sylvain, le regard rivé sur Jérém. Celui-là commence vraiment à m’énerver.

    « Les homos ne se reproduisent pas, et pourtant, ils sont de plus en plus nombreux ! » fait Daniel en citant une réplique de Coluche.

    « Vous avez entendu que depuis quelques mois le mariage entre personnes du même sexe a été voté au Pays Bas ? » lance JP.

    « Je pense que c’est une bonne chose » fait Charlène « je ne vois pas pourquoi deux mecs ou deux nanas ne pourraient pas s’unir civilement, et même adopter un gosse ».

    « Vous en pensez quoi, vous, les garçons ? » lance Martine à l’attention de Loïc et Sylvain.

    « Moi je voudrais que ça arrive chez nous » réagit Loïc « je voudrais pouvoir me marier comme tout le monde. Je voudrais pouvoir adopter un enfant comme tout le monde. J’en ai marre de me sentir un citoyen de seconde catégorie ».

    « Nous ne pouvons même pas donner notre sang à cause du fait qu’on est gay ! Même si on est en couple ! ».

    « Je pense qu’en France le mariage n’est pas près d’arriver. Les mentalités ont encore besoin de beaucoup évoluer » fait Carine.

    « Dans 10-15 ans, peut-être » fait JP, le visionnaire.

    « Quand tu penses qu’il y a tous les jours des mecs qui se font tabasser juste parce qu’ils sont gays » s’indigne Nadine.

    « Et qu’il y a des pays où les gays sont rejetés par leurs familles, persécutés par la religion, par le pouvoir, où ils sont torturés, tués par la police » abonde Loïc.

    « Ma mère avait un frère » raconte Ginette « apparemment, c’était quelqu’un de bien. Et puis, un jour, il est parti. Il a mis fin à ses jours.

    Je n’étais qu’une gamine quand c’est arrivé. Par la suite, maman ne parlait jamais de son frère. Alors, un jour je lui ai demandé de me parler de lui, de me raconter quel genre de personne il était.

    Elle m’a dit que c’était un garçon sensible et gentil, peut-être trop sensible et gentil. Elle m’a dit que c’était le seul de la famille sur lequel on pouvait toujours compter.

    Alors, je lui ai demandé si elle savait pourquoi il avait fait ça.

    Elle m’a dit qu’elle pensait qu’il ne supportait plus le regard que les gens portaient sur lui. Qu’il ne supportait plus les bruits, la honte, la solitude. Parce qu’il aimait les hommes. Il semblerait qu’à un moment cela soit devenu trop dur à porter pour lui.

    C’était une autre époque. C’était très dur d’être gays dans les années ‘50. Heureusement, les temps ont changé. Enfin, un peu, mais pas encore assez ».

    Le récit de Ginette, venant du fond du cœur, son regard ému, m’ont profondément touché.

    « Moi je n’arrive pas à comprendre pourquoi il y a tant de haine, de mépris et de violence autour des gays » fait Charlène et posant un regard bienveillant sur Jérém « vraiment, je ne vois pas en quoi le fait que deux mecs s’aiment puisse déranger qui que ce soit. Il y a bien d’autres choses autrement plus dérangeantes que cela, il y a bien d’autres raisons de s’indigner ».

    « C’est vrai » abonde JP « chaque jour on assiste sans ciller à des guerres, des famines, à la pauvreté, à l’injustice sociale, à la corruption, au pillage de la planète, à des catastrophes naturelles et écologiques. Mais deux gars qui s’aiment, ça choque. Franchement, qu’est-ce qu’on en a à foutre de ce que les gens font dans leur lit et avec qui ! La liberté ne s’arrête que lorsqu’elle entrave celle d’autrui. Et les gays n’entravent en rien les libertés des hétéros, alors que certains hétéros, et ils sont nombreux à le faire, ne serait-ce que par le mépris, essayent trop souvent d’entraver les libertés des gays ! ».

    « C’est pour ça qu’il y encore tant de gays qui n’osent pas sortir du placard » fait Loïc en me regardant droit dans les yeux.

    Mais il cherche quoi, lui aussi ?

    Jérém avait raison, JP est un véritable puit de science. JP est le genre d’homme qui t’apprend quelque chose d’intéressant à chaque fois qu’il l’ouvre. Oui, ce type est vraiment un type bien. Et sa simple présence, son regard, donnent direct l’envie, l’inspiration et l’énergie pour chercher à devenir quelqu’un de meilleur.

    Depuis plusieurs minutes, j’écoute attentivement les échanges entre les cavaliers au sujet de l’homosexualité et j’en suis profondément ému. Jamais de ma vie je me suis retrouvé dans un environnement aussi accueillant, aussi rassurant, aussi gay friendly. Vraiment, ça fait un bien de fou. Charlène avait raison, à l’ABCR, le fait que deux mecs s’aiment ne pose problème à personne. J’en ai les larmes aux yeux. Et si ça ne tenait qu’à moi, si ça ne concernait que moi, je crois que je ferais mon coming out sur le champ.

    Définitivement, dans ce relais, au sein de cette petite « communauté », je découvre un autre monde, un monde tellement différent de celui du lycée, de ma famille, de ma ville, un monde à part. J’ai de plus en plus l’impression d’avoir enfin trouvé de vrais potes, même s’ils sont tous bien plus âgés que moi. Mais qu’importe l’âge au fond ? Car je suis conquis. C’est magique, et je suis heureux comme jamais.

    Après cette parenthèse un plus grave, l’adorable Daniel nous joue et nous chante une chanson paillarde au vocabulaire bien salace pour remettre le rire au centre de la soirée.

    A un moment, quelque chose me surprend. Jérém est en train de me faire du pied sous la table. Nos regards se croisent. Et dans le sien, je découvre une étincelle lubrique qui embrase illico mon désir. Car son regard de braise est une promesse de baise sauvage et torride. Notre complicité est géniale. Et putain, qu’est-ce qu’il est sexy dans son maillot Wilkinson !

    Les cavaliers commencent à sortir de table et des petits groupes se forment à la cuisine (pour les fées et magiciens du logis) autour de la machine à café (pour les amateurs de boissons chaudes), et à proximité de la cheminée (pour les fumeurs).

    Jérém rejoint bien évidemment dans ce dernier groupe. Tout comme Sylvain. Sylvain qui, très vite, lui tape la discute.

    Et alors que je me retrouve coincé entre Martine et Ginette me questionnant sur mes études à venir, je trouve que Sylvain a une attitude qui ne me plaît pas du tout. Déjà, il a l’air trop intime avec mon bobrun, alors qu’il ne le connaît ni d’Eve, et surtout pas d’Adam.

    J’ignore de quoi ils causent, car je suis trop loin pour tendre l’oreille, mais leur conversation a l’air amusante : mon bobrun lâche à plusieurs reprises son sourire incendiaire.

    Mais ce qui m’intrigue le plus, et qui me rend jaloux et inquiet, c’est le fait que Sylvain semble complètement sous le charme. Il ne quitte pas Jérém des yeux, et un petit sourire niais ne quitte pas sa sale gueule.

    Et Jérém dans tout ça ? A quoi joue-t-il ? Est-ce qu’il ne se rend pas compte que Sylvain le drague ?

    Ce qui m’inquiète le plus c’est que le sourire de Jérém est un sourire flatté, signe que Sylvain doit lui dire des choses qui touchent des cordes sensibles. Quelles cordes Sylvain est-il en train de faire vibrer chez mon bobrun ? Que cherche-t-il ? Il est où Loïc ? Pourquoi il ne tient pas son pote en rênes courtes ?

    Oui, leur conversation se prolonge beaucoup trop. Elle me perturbe un peu plus à chaque seconde. Au bout d’un petit moment, je me surprends à être carrément jaloux. Je me surprends à m’imaginer que Sylvain soit en train de dire à Jérém qu’il le trouve canon, qu’il soit en train de lui faire des propositions, ou du moins lui faire comprendre qu’il le kiffe et qu’il serait partant pour coucher avec lui. Certes, Sylvain n’est pas vraiment ce qu’on appelle un canon, et il a bien dix ans de plus que Jérém, et pourtant je ne peux m’empêcher de bouillir intérieurement.

    Jusqu’à ce que ce mon bobrun me rassure par lui-même. Ainsi, alors que je ne cesse de le fixer, j’ai l’impression à un moment que sur son visage l’amusement laisse la place à une sorte d’agacement. Et lorsque je croise son regard, il lève les yeux au ciel, geste doublé d’un haussement de sourcils et d’une « mise en chapeau » comme il sait si bien le faire. Le sien, c’est un regard complice, suivi d’un clin d’œil à me faire tomber à la renverse. J’ai l’impression que le bogoss cherche à me rassurer, à me dire qu’il n’en peut plus de se faire tenir la jambe, que ça le saoule.

    Ça me rassure, mais en même temps ça me donne un aperçu grandeur nature des tentations qui l’attendent à Paris, dans des soirées, dans les troisièmes mi-temps, dans le métro, dans la rue, partout. Le regard complice de Jérém me rassure et m’inquiète à la fois.

    « Eh, Nico, raconte-nous, il avait combien de copines au lycée ? » me prend à parti Martine.

    « Beaucoup, beaucoup de copines ! » je plaisante.

    « Avec un corps comme le sien, comment s’en étonner ? » lâche Satine.

    « J’ai pas d’abdos, moi » fait Jérém, d’un air coquin, tout en joignant à la parole un geste d’une sexytude inouïe, un geste faisant preuve de son goût prononcé pour le danger. Ce geste est celui d’attraper son maillot par le bas, de le soulever, en dévoilant pendant une fraction de seconde le bas-relief spectaculaire de ses abdos, tout un baissant la tête, comme s’il voulait s’essuyer le front.

    Paf ! Une nouvelle claque.

    Les sifflements féminins fusent dans la grande salle.

    « Mais mate-moi un peu ces abdos ! » fait Nadine.

    « J’ai les mêmes » plaisante Daniel.

    « Tu avais les mêmes, à son âge, si on en croit les photos » fait Lola.

    « Moi, même à son âge, je n’avais pas les mêmes » commente JP, réaliste.

    Le maillot retombe vite sur cette vision de bonheur et de désir. J’ai envie de lui,

    « Allez, finie la récré, on va peut-être ranger un peu tout ce bordel ! » lance Martine.

    Et pendant que Daniel recommence à jouer sur sa guitare et à débiter les couplets de Santiago, tous les autres cavaliers sans exception s’activent pour débarrasser la table, nettoyer, balayer.

    Soudain, ça sent la fin de la soirée, ça sent le départ, la fin de ce moment heureux. Au fond de moi, je me sens triste. Comme au dernier jour des vacances. J’ai envie que cette soirée dure encore.

    Hélas, en quelques minutes tout est rangé, et l’un après l’autre les cavaliers commencent à prendre congé. Des bises sont échangées lors d’aurevoirs prometteurs de joyeuses retrouvailles à cheval et/ou à table.

    « Merci à vous tous, qui avez fait de cette soirée, une fois encore, un moment heureux » lance JP à la petite assemblée.

    J’ai moi aussi envie de remercier tout le monde pour cette belle soirée, tellement riche en émotions ! Une envie que je n’ose pas assouvir.

    « Alors, tu restes dans notre région combien de temps ? » me demande Ginette après m’avoir fait la double bise d’au revoir.

    « Je ne sais pas encore, un jour ou deux ».

    « Si vous avez le temps, passez prendre un café à la maison ».

    « On essaiera de venir, oui » fait Jérém.

    « Vous avez prévu quoi pour demain matin ? » demande Charlène.

    « Rien de spécial » fait Jérém.

    « Si ça vous dit, on se refait une petite balade, histoire de bien remettre Nico en selle et de lui donner quelques astuces supplémentaires ».

    « Je ne sais pas trop »

    « On ne serait que tous les trois ».

    « T’en dis quoi, Nico ? ».

    « Moi ça me va » je lance, tout heureux de cette prolongation du bonheur ressenti pendant cette journée. Aussi, j’ai hâte de retrouver Charlène après la petite mise au point de la soirée, et j’ai hâte de voir comment Jérém a intégré son « sermon », hâte de voir comment il va se comporter avec elle, avec moi devant elle, hâte de savoir si Charlène va remettre ça sur la table, si elle va avoir envie d’en savoir un peu plus sur notre relation, de savoir comment son Jérémie est devenu « mon Jérém ».

    « Ok, c’est bon ».

    « Neuf heures chez moi ? ».

    « Ok, s’il ne pleut pas ».

    « Mais non, il va faire beau ! Venez même un peu plus tôt, on déjeunera ensemble ».

    « On viendra vers huit heures et on te donnera un coup de main aux chevaux ».

    « Ah, qu’il est bien ce petit ! ».

    « Tu en doutais encore ? ».

    « Non, parce que c’est moi qui t’ai bien dressé ».

    « Vieille peau ! ».

    « Petit con ! ».

    Leur complicité retrouvée me fait vraiment chaud au cœur.

    Nous faisons la bise de la bonne nuit à Satine, Marie-Line, Bernard et Carla qui sont les heureux squatteurs des niches en bois du relais.

    Charlène, Martine, Jérém et moi redescendons vers la pension, éclairés par la lampe frontale « troisième œil » de Charlène elle-même. Pendant le court trajet, les échanges portent sur la soirée, sur le bonheur simple et pourtant intense de ce moment de partage et d’amitié. Nous aurons le temps demain de revenir sur les sujets brûlants. Du moins, je l’espère.

    En arrivant à la voiture, Jérém sort les clefs de sa poche et les fait tomber par terre. Et alors qu’il se baisse, avec lenteur et hésitation, pour les ramasser, j’entends Charlène lui balancer :

    « Tu vas pas conduire, j’espère ? ».

    « Et pourquoi pas ? ».

    « Parce que t’as pas mal bu ».

    « T’as compté mes verres ? ».

    « Non, mais t’as pas l’air d’être en état de conduire ».

    En effet, mon Jérém a l’air un tantinet éméché.

    « C’est pas loin, t’inquiète ».

    « Je m’inquiète si je veux ! Nico, tu conduis, ok ? ».

    « Oui, je peux conduire ».

    « Je vais conduire » insiste Jérém.

    « Tu ne vas pas gagner » rigole Martine.

    « Donne lui les clefs ! » insiste Charlène.

    « Non ! ».

    « Donne lui les clefs ou je te mets une fessée ! ».

    « Ne lui donne pas les clefs, c’est moi qui vais lui mettre une fessée ! Je rêve de mettre une fessée sur ce cul d’enfer » fait Martine, morte de rire.

    « Allez, prends les clef, sinon elle va nous faire un scandale » me lance Jérém, sur un ton faussement agacé, la voix un brin pâteuse, le regard un peu ahuri, témoin d’un début d’ivresse qui le rend à la fois touchant et sexy en diable.

     « Mais tu fais attention à ma voiture, elle est presque neuve » il ajoute sur un ton d’autodérision.

    « Elle est presque bonne pour la casse tu veux dire ! » lui balance Martine.

    Un instant plus tard, nous échangeons avec Charlène et Martine les dernières bises de la soirée.

    « Bonne nuit ! » lance cette dernière en démarrant sa voiture.

    « A demain, les mecs ! » fait Charlène en prenant la direction de sa maison.

    Elle n’a pas fait vingt pas que mon bobrun essaie à nouveau de n’en faire qu’à sa tête.

    « Allez, file-moi les clefs ».

    « Non, je conduis ».

    « Tu connais pas la route ».

    « Si. Laisse-moi faire, s’il te plaît ».

    « Vous me fatiguez » fait-il, tout en prenant place côté passager.

    J’ouvre la porte et je prends place côté conducteur. Je viens de claquer la porte, et immédiatement je réalise à quel point ça me fait bizarre de m’installer au volant de cette voiture, la 205 rouge de mon Jérém, cette voiture mythique dans laquelle je suis monté un certain nombre de fois, de retour de boîte, direction l’appartement de la rue de la Colombette.

    Soudain, je repense à ce lieu, cet appart, cette adresse magique dans laquelle j’ai connu l’amour avec mon Jérém. Je réalise que je ne reverrai certainement plus jamais cet endroit. Est-ce qu’il a déjà été reloué ? Qui a pris la place de mon Jérém ?

    Ce qui est certain, c’est que le nouveau locataire est loin d’imaginer ce qui s’est passé entre ces murs, le plaisir qu’on s’est donné, Jérém et moi, le nombre d’orgasmes qu’on s’est offerts. Il ignore qu’entre ces quatre murs j’ai été heureux, triste, jaloux, blessé, frustré, désespéré.

    Oui, je réalise que je ne reverrai plus jamais cet appart. Et cette idée me remplit de désolation. Ce lieu, c’était L’adresse de Jérém. C’était le lieu où je pouvais espérer le retrouver. Son ancrage dans l’espace. Et c’était un ancrage que je pouvais atteindre en quelques minutes de marche à pied. Désormais, quel sera l’encrage de mon Jérém ? Où est-ce que je vais pourvoir le retrouver ? Combien d’heures de voiture, de train, d’avion, pour rejoindre mon bobrun ?

    « Qu’est-ce qu’il y a, t’as pas trouvé la clef ? » fait Jérém, en me tirant de mes réflexions.

    Jérém parle fort, et sa voix est raillée. Son haleine est clairement alcoolisée. Charlène a eu bien raison d’insister pour que je conduise à sa place.

    « Si, si ».

    J’ai envie de conduire, et c’est mon devoir de le faire, car Jérém est vraiment éméché. Mais une partie de moi appréhende l’idée de conduire devant mon bobrun. Je viens d’avoir le permis, il l’a depuis plus d’un an. De plus, ce n’est pas ma voiture. J’ai peur de perdre mes moyens, de me mélanger les pinceaux, de conduire comme un pied. J’ai peur de ne pas être à la hauteur. Non pas que je cherche à l’impressionner, mais je n’ai pas envie non plus de passer pour un nul devant le mec que j’aime.

    En m’installant dans le siège de Jérém, j’ai l’impression de me glisser dans sa peau, de voir le monde avec ses yeux. Je le regarde, enfoncé dans le siège côté passager, le regard dans le vide, et j’ai l’impression de ressentir ce qu’il ressentait lorsqu’il me prenait en voiture avec lui, lorsqu’il conduisait. Le simple fait d’être au poste de conduite donne de l’assurance, comme une illusion de « pouvoir ».

    « Allez, on y va ou quoi ? Tu veux que je conduise ? » il me taquine.

    « Non, c’est juste que ça me fait bizarre de me retrouver sur ce siège ».

    « Allez, roule ! » il lâche, sans essayer de comprendre ma remarque.

    Et je démarre enfin. Après un petit différend avec le levier de vitesse pour trouver la marche arrière qui n’est pas positionné de la même façon que sur ma voiture, je roule. Jérém descend la vitre à moitié, il allume une cigarette et s’enfonce un peu plus encore dans le siège.

    Ah, putain, qu’est-ce qu’il est sexy dans son maillot Wilkinson et avec sa cigarette !

    « Ça va ? » il me demande, après un petit moment de silence. Et là, je sens sa main gauche se poser doucement sur ma cuisse. Son pouce fait de petits va et vient appuyés, comme une petite caresse tendre et complice. J’ai envie de lui faire plein de câlins. J’ai envie de pleurer de bonheur.

    « Oui, très bien, et toi ? » je finis par répondre.

    « Oui » il lâche.

    « C’était une super soirée ».

    « C’est toujours des super soirées avec eux ».

    Je repense à cette conversation sur l’homosexualité, à cette ouverture d’esprit dont tous les cavaliers ont fait preuve ce soir. Vraiment, j’étais loin d’imaginer que des gens aussi géniaux puissent exister. Ce soir, ces gens m’ont aidé à m’accepter un peu plus, à m’aimer un peu plus, ils m’ont convaincu un peu plus de la légitimité de mon orientation sexuelle. Ils m’ont donné envie de me battre pour ce que je suis. J’espère que ça en est de même pour Jérém. J’ai envie de mettre le sujet sur le tapis, mais je me dis que ce n’est pas le bon moment. Il y aura d’autres occasions.

    Jérém est en pleine phase décuve-cigarette. Le silence s’installe. Je conduis lentement, il fume lentement. A un moment, je sens son regard insistant sur moi.

    « Qu’est-ce qu’il y a ? » je finis par lui demander.

    « C’est la première fois que tu conduis ma bagnole ».

    « Merci de me faire confiance ».

    « Le seul à qui je l’ai laissé conduire, c’est Thib. Avec lui, je me sentais en confiance ».

    « Avec toi aussi je me sens en confiance » il ajoute, après avoir repris une taffe.

    Ça fait du bien d’apprendre que Jérém m’accorde sa confiance très sélective. Comme à Thibault, le mec le plus rassurant que je connaisse. Voilà une belle marque de considération.

    Une nouvelle fois je me sens bien dans son regard. Je commence à m’habituer à ce regard bienveillant, encourageant, valorisant.

    « Merci, Jérém ».

    Un instant plus tard, sa main quitte ma cuisse, elle se pose sur mon cou et entreprend de caresser le bas de ma nuque. Instantanément, un frisson géant se propage dans mon corps et a raison de ma concentration sur la conduite. Je suis troublé, et je mets un coup de frein aussi brusque qu’involontaire.

    « Qu’est-ce qu’il y a ? ».

    « Rien, c’est juste que quand tu me caresses là, ça me perturbe ».

    « Ok, j’arrête ».

    « Non, enfin, si, j’adore ça, mais je conduis, là ».

    « Ok, ok ».

    Oui, son haleine sent l’alcool. Mais Jérém n’a pas l’alcool mauvais, non, il a l’alcool câlin. Un instant plus tard, il pose le dos de sa main sur ma joue, il commence à la caresser tout doucement. Il fait des aller retour jusqu’à mon oreille, qu’il titille de façon répétée. Je frémis, j’ai envie de pleurer.

    « Tu kiffes ça, hein ? ».

    « Je ne peux même pas t’expliquer à quel point ! ».

    Et alors que ses doigts continuent de caresser mon visage, je tourne ma tête d’un coup et je pose un bisou sur sa main.

    Pour toute réponse, le bogoss s’approche d’un geste rapide et il pose un bisou tout doux dans mon cou.

    « Merci » je l’entends chuchoter de façon tout juste perceptible.

    « Merci de quoi ? ».

    « Merci d’être là ».

    « Je suis bien avec toi » je lâche, une vérité venant du profond de mon cœur.

    « Je ne te mérite pas ».

    « N’importe quoi. Pourquoi tu dis ça ? ».

    « Je t’ai fait trop de mal ».

    « C’est derrière nous tout ça ».

    « Je ne veux plus te faire du mal ».

    « Ça n’arrivera pas ».

    « Dans quelques jours, on va être loin ».

    « Je viendrai te voir à Paris ».

    « Ça ne suffira pas ».

    « On se verra à chaque fois qu’on pourra ».

    « Ne m’oublie pas, Nico ».

    A cet instant précis, j’ai l’impression que mon cœur vient de s’arrêter. Jérém ne m’a jamais dit « je t’aime ». Mais ce « Ne m’oublie pas, Nico » sonne dans ma tête comme une formulation alternative de ces trois petits mots que je rêve de lui entendre prononcer un jour.

    Non, jamais je n’aurais imaginé entendre un jour une phrase comme celle-ci dans la bouche de Jérém. Alors lui aussi s’inquiète de l’avenir de notre amour. Alors, lui aussi a peur de me perdre. C’est touchant, adorable, émouvant. Parfois, l’alcool sait si bien faire les choses.

    « Comment veux-tu que je t’oublie ? » j’ai à la fois envie et besoin de le rassurer « tu es le mec que j’aime, je ne pourrais jamais t’oublier ! ».

    Son regard doux et perdu me fait fondre. J’ai envie de pleurer toutes les larmes de mon corps. Et je pleure en silence. Mais lorsque mon bobrun se penche vers moi, lorsqu’il pose un nouveau bisou dans le creux de mon cou, lorsqu’il pose sa tête sur mon épaule, je pleure pour de bon. J’ai envie de le couvrir de bisous et de câlins.

     « Toi non plus, ne m’oublie pas » je lui retourne.

    « Je ne t’oublierais pas ».

    « Ça me fait plaisir de repartir en balade avec Charlène et toi, demain » j’ajoute, après un moment de silence.

    « A moi aussi ça me fait plaisir ».

    « Tu avais raison, cette nana est vraiment super ».

    « Elle est un peu casse couilles, mais elle est top ».

    « Elle l’a bien pris ».

    « De quoi ? ».

    « Pour nous ».

    « Ouais ».

    « Alors ça t’embête plus qu’elle nous ait vus ? ».

    « Je ne sais pas, enfin, je ne crois pas. Charlène fait partie des quelques personnes que j’avais envie de mettre au jus. Elle a raison, si je t’ai présenté, c’est parce que j’avais envie qu’elle sache. Et si j’ai eu envie, c’est que je suis bien avec toi. Je regrette juste qu’elle l’ait appris en nous voyant, de ne pas avoir eu les couilles de lui dire direct ».

    « C’est pas grave qu’elle l’ait appris comme ça. Parfois, il faut laisser faire les choses ».

    « J’avais quand même peur de sa réaction, j’avais peur de la décevoir ».

    « Ça n’a pas été le cas ».

    « Non ».

    Dans le noir, mon bobrun me fait plein de bisous sur la joue et dans le cou.

    Je suis heureux. Même s’il n’est pas encore prêt à afficher notre amour au grand jour, j’ai à nouveau l’impression que, pierre après pierre, l’édifice magnifique de notre amour est en train de grandir.

    Un nouveau silence s’installe.

    « Alors, qu’est-ce qu’il t’a raconté, Sylvain, tout à l’heure ? » j’ai envie de savoir.

    « Il a été relou ».

    « Il te disait quoi ? ».

    « Au début, il était marrant. Mais après, il a commencé à me saouler ».

    « Allez, raconte ! ».

    « Il voulait savoir si on était plus que potes ».

    « Et tu lui as dit quoi ? ».

    « Je suis resté vague ».

    « Et c’est tout ? ».

    « Après il a commencé à me dire que je montais super bien à cheval, que j’ai une très bonne technique, une très belle posture ».

    « Bref, il t’a dragué ».

    « Un peu ».

    « Et ça t’a fait quoi ? ».

    « Rien du tout, en plus je ne le kiffe pas du tout. Il a une tête de mec chiant, une voix de mec chiant, une dégaine de mec chiant. Bref, c’est un mec chiant ».

    « Et si ça avait été un bomec qui t’avait fait du rentre dedans ? ».

    « Nico, t’as pas à t’inquiéter, c’est de toi que j’ai envie. J’avais tellement envie de toi ce soir ».

    « Ah bon ? ».

    « Pas toi ? ».

    « Non, moi j’avais juste envie de câlins » je le balade.

    « Ah bon, juste de câlins ».

    « Parfaitement ».

    « Je ne te crois pas ! » fait-il, avec un petit rire coquin à craquer, un regard de petit voyou sexy en diable.

    « C’est ça ».

    « Alors, comme ça, pendant la soirée tu avais juste envie de bisous » il me relance, après un instant de silence.

    « Oui, et quoi d’autre ? T’avais envie de quoi, toi ? » je le cherche.

    « Moi j’avais envie de t’allonger sur la grande table en bois et de te prendre direct ! ».

    « Comme la fois sur le banc de massage au terrain de rugby ? ».

    « Ah, putain, qu’est-ce que c’était bon ce soir-là ! ».

    « C’est toujours bon avec toi, Jérém ».

    « C’est clair, c’est toujours bon quand on le fait tous les deux ».

    « Moi aussi ce soir j’avais envie de toi » je finis par admettre « j’avais envie de toi depuis ce matin. T’es tellement sexy à cheval ! ».

    « Il paraît, oui » fait-il, le regard impertinent et l’air satisfait de sa bogossitude, comme une évidence.

    « Petit con, va ! ».

    « C’est vrai, les filles m’ont toujours dit ça » fait-il, l’air innocent. Il est à craquer !

    « Elles sont folles » je commente.

    « C’est bien vrai, mais elles sont marrantes ».

    « Jérém, tu me rends dingue ».

    « Toi aussi ».

    Je le sens bien excité, en plus que pas mal éméché. Je sens que le retour à la petite maison va être chaud.

    Mais en passant la porte d’entrée, la première chose que je constate, avec dépit, c’est que depuis notre départ de la maison au matin, le feu dans la cheminée est mort.

    Et pourtant, je ne me suis pas trompé, la chaleur ne va pas manquer. Dès le seuil franchi, Jérém me plaque contre le mur, il m’embrasse fougueusement, nos langues se mélangent, nos corps s’enlacent, se caressent, s’excitent. Son envie de me faire des câlins à la fois doux et sensuels semble insatiable. Nos deux queues tendues se cherchent à travers les couches de vêtements qui ne vont pas tarder à sauter.

    « Attends, bouge pas » fait le bobrun, la voix étouffée par l’excitation, en quittant soudainement notre accolade.

    « Où veux-tu que j’aille ? Tu es là, alors c’est ici et nulle part ailleurs que j’ai envie d’être ».

    Je regarde mon bobrun dégager un peu les cendres dans l’âtre sans vie, mettre quelques brindilles de bois, les allumer avec son briquet, rajouter du bois plus massif, et faire repartir un beau feu crépitant en une minute chrono.

    Très vite, les bruits, les odeurs, les lumières et la chaleur de la cheminée atteignent et dépassent mes sens, ils se rejoignent au plus profond de mon cœur pour afficher une seule et unique sensation : le bonheur.

    Lorsque mon bobrun revient vers moi, il me plaque direct face contre mur et dégrafe mon pantalon de cheval. Je sens son souffle brûlant et alcoolisé sur mon cou. Je sens son envie, pressante, sauvage. Je la ressens dans ses gestes précipités, témoignant de l’urgence de son désir, et aussi de son état d’esprit, désinhibé par l’ivresse. Je sais à quel point l’alcool peut rendre mon bobrun sexuellement déchainé. J’ai hâte de découvrir ce qu’il me réserve ce soir. Comment il va prendre son pied. Quelles vont être ses attitudes. Comment il va me secouer. La proximité de sa virilité en surchauffe m’excite au plus haut point.

    Ses mains fébriles descendent mon pantalon, ouvrent le sien. Mon excitation s’envole vers des sommets vertigineux.

    Très vite, ses mains font glisser mon boxer le long de mes cuisses. Son corps plaque et enveloppe le mien de toute sa puissance.

    « J’ai envie de toi » je l’entends me chuchoter à l’oreille.

    « C’est moi qui ai envie de toi, comme un fou » je lâche, comme une délivrance.

    La position, debout, face au mur, la pénétration directe, la précipitation et l’urgence de ses mouvements, son excitation extrême, son souffle excité dans mon cou : son attitude n’est pas sans me rappeler celle qui avait été la sienne lors de notre arrivé à l’appart de la rue de la Colombette après le bac philo, après que je l’avais bien chauffé pendant toute la durée de l’épreuve.

    Jérém&Nico, le Livre ! 

    Jérém : qui est-il ce garçon? 

    PS : je cherche un pro des réseaux sociaux et autres moyens de communications pour orchestrer la promo du livre. Candidature à envoyer par retour de ce mail. Merci ! 


    Après une longue gestation, le premier livre de Jérém&Nico est enfin imprimé et prêt à être expédié. 

    Ce livre reprend les 40 premiers épisodes de l’histoire, enrichis de nombreux passages piochés dans les épisodes plus récents, lorsque ces derniers s’intègrent aux premiers de façon intéressante. 

    Il en résulte une toute nouvelle structure narrative, allégée et plus cohérente. 

    Tu peux commander ta copie dédicacée en version papier ou epub (pour liseuse) via la plateforme tipeee.com/jerem-nico-s1.  

    Pour commander le livre en version epub, cliquer ici. 

    Pour commander le livre en version papier, cliquer ici. 

    En achetant le livre papier ou numérique, tu contribues au travail d’écriture de la suite de l’aventure Jérém & Nico. 

    Merci d’avance pour ta contribution à Jérém et Nico ! 

    Fabien 

    Jérém&Nico 

    L’inspiration 

    « Jérém & Nico est une histoire qui est venue à moi un jour d’été, un jour où j’ai eu l’intuition que je devais construire autre chose, réorienter ma vie tel un fleuve creusant un nouveau lit qui ferait dévier son cours ». 

    L’histoire 

    Jérémie est un beau brun ténébreux, rugbyman et tombeur de nanas. Son camarade de lycée Nico est un jeune homo à l’esprit pur et rêveur. 

    Pourtant, c’est Jérémie qui, lors des révisions pour le bac, initie Nico à l’amour physique entre garçons.  

    Mais alors que Jérémie ne semble intéressé que par le sexe, Nico est fou amoureux de lui. Ainsi, l’amour physique avec le beau brun, pourtant explosif, ne lui suffit pas.  

    Mais qui est réellement Jérémie ? Comment vit-il leurs « révisions » sexuelles avant le bac ? Que ressent-il vraiment pour Nico ?  

    Quel rôle pour Thibault, le meilleur ami de Jérémie, à qui Nico finira par se confier ?  

    L’histoire se déroule à Toulouse entre 2001 et « nos jours ». C’est en effet en 2018 que le Nico adulte raconte ses années lycée et fac.  

    Nico n’a jamais pu oublier son Jérém. Bien que depuis tant de temps déjà, leurs vies ne marchent plus ensemble.  

    Commentaires

    ZurilHoros

    07/06/2020 10:21

    J’ai beaucoup de plaisir à relire la dernière partie de ce chapitre. En dépit de Nico, dont la pensée est aussi volubile que les musiques de Michel Legrand, quand la portière de la voiture se referme, il y une la tension sexuelle dans l’air, un climat particulier qui s’installe. C’est un chapitre magnifique, un de mes préférés. 

    ZurilHoros

    29/05/2020 08:32

    Très bel épisode assez riche en action et événement. C’est sur que Jérém n’est pas le genre à faire un coming out, mais en même temps, il met tout en place pour ne rien dissimuler. 

    Yann

    13/08/2019 10:50

    Je trouve que cette histoire colle bien à la réalité du fait homo vu à la fois d’aujourd’hui et du passé. Cet épisode nous montre l’exemple de gens intelligents comme il en existe heureusement beaucoup et pour lesquels les gays ne leur posent aucun problème. Gay ou hétéro, à leurs yeux, l’amour n’en est pas moins beau. Toutefois juste un petit bémol pour moi. Les gays ne doivent s’accommoder d’aucune tolérance car ce serait une forme d’indulgence vis-à-vis de ce qu’ils sont. Le manque de tolérance est souvent évoqué dans l’actualité sur cette question. Non ce ne doit pas être de la tolérance mais une acceptation pleine et entière d’une différente qu’ils n’ont pas choisie.
    Maintenant sur le fond de l’histoire, oui Jerem a bien changé. Il y peu de temps encore, après s’être fait surprendre avec Nico il aurait passé sa colère sur lui. A présent il lui fait des câlins et ça n’en est que plus touchant.

    Florentdenon

    12/08/2019 16:42

    La magie opere toujours ! Merci pour ce nouveau bon moment au coeur de l’ete. La suite, la suite !

  • JN0212 Une soirée très riche en émotions (partie 1).

    JN0212 Une soirée très riche en émotions (partie 1).

    Cet épisode a été écrit en grande partie au cours d’un voyage entre Québec et Montréal. C’est pour cette raison que j’ai décidé de le dédier aux lecteurs (nombreux) qui suivent Jérém&Nico depuis ce beau pays.

    Solo chi sogna puo’ volare (Seuls ceux qui rêvent peuvent voler).

    Campan, le dimanche 09 septembre 2001 en fin d’après-midi.

    « Attends, Charlène ! » je l’entends l’appeler pour essayer de la rattraper.

    Secoué par ce qui vient de se produire, je n’ose quitter le box, je suis la scène à distance.

    « J’ai pas fini de desseller » j’entends Charlène lâcher sans s’arrêter.

    « C’est pas ce que tu penses ».

    « Dis pas de bêtises, Jérémie, je… ».

    « Ah, tu es là, Charlène » je reconnais la voix de Martine « tu n’aurais pas du ruban à clôture ? ».

    « Si, si ».

    « Mais qu’est-ce qui se passe ici ? Vous avez l’air d’avoir vu un fantôme ».

    Après un instant de flottement, Charlène finit par lâcher :

    « Non, rien de grave, euh, Jérémie vient de me dire qu’il pense que son Unico s’est fait une entorse ».

    Sacrée répartie la Charlène.

    « Ah, c’est pas cool ça ».

    « Je vais aller le voir » fait Jérém, pressé de se soustraire aux questionnements de Martine.

    « Oui, tu me diras ce qu’il en est. On en reparle plus tard » fait Charlène.

    J’attends que tout le monde soit reparti avant de sortir du box et d’aller rejoindre Jérém.

    Il n’a pas menti, il est effectivement descendu au pré. Il se tient à côté de son Unico. Il le caresse d’une main, tout en fumant une cigarette avec l’autre. Mon bobrun a l’air soucieux.

    « Ça va ? ».

    « Oui, ça va » il lâche, sur un ton sec et expéditif.

    Malgré sa réponse, je sais que ça ne va pas. Son regard complice et doux de tout à l’heure a complètement disparu de son visage. Ses yeux sont fuyants, inquiets.

    « Ça t’embête que Charlène nous ait vus ? ».

    « T’occupe pas de ça ».

    Je le sens vraiment à fleur de peau.

    « Je ne pense pas qu’elle va mal le prendre ».

    « J’en sais rien ».

    « Je pense que tu n’as pas à t’inquiéter. Elle est tellement bien cette femme. Et puis, elle t’aime trop ».

    Jérém ne répond pas, il fume nerveusement, comme s’il marchait sur des braises.

    « Je pense qu’elle va garder ça pour elle, de toute façon » je tente de le rassurer.

    « On arrête de parler de ça, ok ? On va aller à la soirée et on va essayer de faire comme si rien ne s’était passé. Ce soir, on s’amuse avec les autres »

    « Jérém ».

    « S’il te plaît ».

    « D’accord »

    Pendant que nous remontons vers la pension, Jérém demeure silencieux. Je comprends bien que ce petit accident puisse le toucher. Un coming out involontaire, c’est un coming out pour lequel on n’est pas prêts, c’est un coming out « volé » d’une certaine façon. Je connais ça, j’ai vécu la même chose avec maman, le jour où Jérém et moi on s’est tapé sur la gueule.

    Pourtant, je suis quelque part déçu qu’il soit à ce point secoué par ce petit accident. C’est vrai, après tout, qu’est-ce que ça peut faire que Charlène soit au courant ? Charlène m’a l’air de quelqu’un parfaitement à l’aise avec les réactions entre garçons, il suffit de regarder son attitude vis-à-vis de Loïc et Sylvain. Alors, je ne vois vraiment pas en quoi le fait de savoir que son protégé aime un garçon pourrait lui poser un problème.

    Je crois plutôt que c’est à Jérém que cela pose problème. Le fait que désormais sa « maman de substitution » sache, rend tout cela un peu plus vrai, et l’oblige à regarder les choses en face, et à les regarder d’encore plus près. Un coming out nous met en face de nous même, comme devant un miroir. Un coming out, c’est mettre des mots sur une partie de notre intimité, et partager cette intimité avec une autre personne. Les mots et leur partage, sans eux, rien n’existe. Car ce sont eux qui font tout exister. Dès lors qu’on a mis des mots sur quelque chose, cela devient irréversiblement réel, pour l’autre, et pour nous.

    « C’est pas ce que tu penses ».

    Ce petit accident me montre à quel point Jérém n’est pas du tout prêt à s’assumer, même devant les personnes qui l’aiment le plus et qui sauraient sans doute le mettre à l’aise vis-à-vis de tout ça. Depuis deux jours, j’avais l’impression que les choses étaient vraiment en train d’évoluer dans le bon sens dans la tête de Jérém. A cet instant, j’ai à nouveau l’impression que ça ne changera jamais, que notre histoire est destinée à rester discrète, cachée, loin des regards « tiers ».

    Soudain, j’ai comme l’impression d’avoir un aperçu de ce que je vais vivre à l’avenir dans notre relation. Non pas une existence épanouie et assumée, mais une sorte de huis clos.

    A cet instant précis, je réalise à quel point j’aspire à ça, à une vie à deux, et non pas une vie en cachette.

    J’aspire à une vie de relative normalité, une vie où nos amis et nos familles seraient au courant que nous nous aimons, sans que cela pose de problème. Une vie dans laquelle nous serions un couple parmi d’autres, hétéros ou pas, une vie où le fait que nous soyons deux mecs en ménage ne serait pas notre principale caractéristique dans le « fichage inconscient » des gens qui nous entourent. Je rêve d’une vie ou le fait que je sois « gay et en couple avec un autre gars », ne prenne pas plus de place dans mon « curriculum social » que « je suis châtain », j’ai la barbe qui rouquine », « je suis né en 1983 », « j’ai fait telles études », « j’exerce tel métier », « je suis quelqu’un de gentil ».

    Est-ce que Jérém pourra un jour m’offrir ce genre de vie ? A quelle distance se situe-t-il ce jour béni ? Est-ce que je suis prêt à l’attendre ? Et si jamais ce jour ne venait jamais ?

    Tu te vois, Nico, à passer toute une vie à cacher ta relation avec l’homme que tu aimes ?

    Soudain, j’ai l’impression de me retrouver sur le bord d’une falaise, face à un abîme infini. J’ai l’impression que je n’y arriverai pas avec Jérém, que tout mon amour ne suffira pas à le mettre suffisamment en confiance pour l’amener à s’accepter et à nous accepter. Une immense mélancolie m’envahit. Je suis au bord des larmes.

    Puis, je sens un petit espoir poindre dans mon esprit. J’ai entendu Charlène lâcher à Jérém un « on en parle plus tard ». J’espère vraiment qu’elle va le faire, et qu’elle va surprendre Jérém par sa tolérance et sa bienveillance. Charlène a un ascendant énorme sur mon bobrun et je suis certain qu’elle a un rôle, et pas des moindres, à jouer dans le chemin malaisé que mon bobrun doit parcourir pour arriver à s’aimer tel qu’il est. Pour arriver à m’aimer. Car, oui, avant de pouvoir m’aimer vraiment, mon bobrun a besoin de s’aimer lui-même, aimer tout ce qu’il est, sans exceptions.

    Nous arrivons à la voiture de Jérém. C’était en effet une bonne idée de prévoir des vêtements de rechange, car l’odeur du cheval imprègne les tissus de nos vêtements de la journée. C’était également une bonne idée de prendre une petite laine : le soleil va bientôt se coucher et l’air se fait très frais.

    Je regarde mon bobrun se changer et je ne peux le quitter des yeux. J’adore le voir se dessaper, même si c’est juste pour se changer.

    Lorsqu’il ôte son débardeur gris, la vision de son torse, de ses pecs, de ses abdos, de ses tatouages me frappe de plein fouet et manque de peu de m’assommer. Ce qui peut paraître étonnant, en sachant que depuis notre première révision je l’ai vu torse nu un bon paquet de fois. Et pourtant, à chaque fois que Jérém ôte son t-shirt, c’est toujours la même gifle puissante. C’est dingue comment ce gars est bien foutu. Ce torse est d’une beauté à vriller les tripes. C’est dingue le côté violemment viril apporté par ses poils.

    Et quand la beauté plastique se combine au souvenir de l’amour, le frisson ressenti est du genre à couper le souffle, à mettre ko.

    Ainsi, lorsque le bogoss ôte son pantalon de cheval et qu’il se retrouve en boxer, je me retrouve projeté dans un état second : ça dépasse l’ivresse visuelle, c’est carrément du « coma visuel ». C’est dingue le désir que ce gars m’inspire. C’est dingue l’effet qu’il me fait. J’ai terriblement envie de faire l’amour avec lui.

    Mon corps a besoin du contact de son corps, il besoin de sentir la vibration de sa virilité.

    Pourquoi ce mec m’inspire une telle violente envie de me laisser remplir par sa virilité, de me laisser gicler partout où je pourrais accueillir son jus de mâle ? Pourquoi j’ai à ce point envie de voir sa petite gueule se crisper sous la vague de l’orgasme ? Pourquoi je crève d’envie de le sentir crier son orgasme ?

    Oui, sa presque-nudité me rend dingue. Et le fait qu’il s’apprête à la cacher sous un t-shirt et un pantalon aurait de quoi me faire hurler de frustration. Mais lorsque sa plastique de fou est « emballée » sous ce magnifique « papier cadeau » qu’est le maillot de Wilkinson, là je n’ai plus rien à dire, à part : putaaaaaaaaaaaaaaain ! Oui, putain, qu’est-ce qu’il est sexy dans ce maillot !

    Un simple polo dont la coupe frôle la perfection, dont toutes les coutures semblent conçues pour mettre en valeur les lignes, les muscles de la plastique de mon bobrun, avec une mention spéciale pour le relief de ses pecs, qu’on devine très, très, très bien sous le coton tendu. Un maillot qui, de plus, possède une symbolique bien à lui, celle du rêve de rugbyman de mon bobrun.

    Puis, dans la foulée, son boxer est éclipsé par un beau jeans surmonté par une belle ceinture de mec. Au final, avec son maillot, son jeans et ses jolies baskets rouges, mon Jérém est à hurler.

    Pourtant, force est de constater qu’au-delà de sa tenue, c’est son attitude naturelle qui fait sa sexytude. Je veux parler de sa façon de tenir son torse et son cou bien droits, ses épaules bien ouvertes, ses jambes légèrement écartées, ses pieds bien plantés sur le sol. Je veux parler de sa façon de tenir la cigarette d’une main, tout en gardant l’autre enfoncée dans une poche du jeans. Je veux parler de cette attitude de mec bien dans ses baskets, satisfait et fier de son corps et de sa bogossitude, une assurance masculine qui ne le quitte jamais, même dans des moments de doutes et d’inquiétudes comme celui-ci. Car sa sexytude et sa virilité transcendent son état d’esprit, son humeur. Jérém est sexy et viril même quand il fait la gueule.

    Un instant plus tard, alors que la nuit commence à s’installer, nous remontons à pied un chemin qui part du centre équestre et qui mène au minuscule village de Pélées. Sur le chemin, nous rattrapons un petit groupe de cavaliers qui s’avère être composé de Satine, de JP et de Carine.

    « Alors, comment ça va le dos, Nico ? » m’interroge Carine.

    « Ca va aller, je ne sens presque plus rien ».

    « Tu nous as fait peur » fait JP.

    « C’est le métier qui rentre » conclut Satine.

    « Jérémie, tu peux être vraiment fier de ton camarade. J’en connais pas beaucoup qui feraient ce que Nico a fait aujourd’hui, pour son baptême à cheval ».

    « Oui » fait Jérém, laconique.

    J’ai peur que sa mauvaise humeur nous gâche la soirée. J’ai peur que les autres cavaliers la remarquent, qu’ils cherchent à savoir, et que Jérém se rebiffe. Surtout si, comme je l’imagine, mon bobrun va essayer de trouver du réconfort et de l’apaisement dans la boisson. Mais en attendant, qu’est-ce qu’il est sexy dans son maillot Wilkinson !

    Le relais est un grand bâtiment en briques rouges situé à l’entrée du minuscule village. Une bâtisse faisant partie d’un corps de ferme plus vaste et qui, dans le temps, a certainement dû être une étable. Il est entouré par un petit pré clôturé avec du ruban blanc dans lequel quatre chevaux sont en train de paître.

    Nous rentrons par une petite porte qui donne sur un premier espace, pas plus grand que le studio de la rue de la Colombette, mais au plafond très haut. A droite, une curieuse structure en bois attire mon attention. Neuf loges y sont aménagées, occupant la totalité de la paroi, on dirait un lit superposé à plusieurs étages. Et en effet, quatre des loges sont occupées par des sacs de couchage multicolores. Apparemment, quatre chevaux et quatre cavaliers vont dormir au relais cette nuit.

    Nous tournons sur la droite et avançons vers une nouvelle porte.

    « Les toilettes, c’est ici » m’explique Carine, en m’indiquant une toute petite porte sur la droite « ça ne fait pas longtemps qu’elles ont été installées ».

    « Elles ont été installées à la demande réitérée, très réitérée, des nanas de l’assos » plaisante JP.

    « Bah, oui, vous les mecs c’est facile, vous sortez le tuyau et vous faites pipi n’importe où. Pour nous, les nanas, c’est pas pareil » s’insurge Satine.

    « C’est clair » confirme Carine.

    « Si tu t’en sers, Nico, tu nous raconteras comment tu as vécu cette expérience, extrême » fait JP sur un ton faussement sérieux et, de ce fait, très hilarant.

    « Pourquoi, elles ont quelque chose de particulier ? ».

    « Ce sont des toilettes sèches » explique Carine.

    « Tu fais ce que t’as à faire et tu recouvres avec de la sciure, il y a un stock juste à côté » précise Satine face à mon silence interrogatif. J’avoue que je ne connaissais pas le concept.

    « Tu fais comme les chats : tu fais, tu grattes et tu recouvres » plaisante JP, tout en ouvrant la porte qui amène dans la salle principale du relais.

    Chaleur, lumière, simplicité (dans le décor, les fringues, dans les relations humaines), conversations enjouées, rires sonores. En résumé, impression d’un endroit extrêmement accueillant : voilà ce que je ressens en une fraction de seconde alors que la porte vient tout juste de s’ouvrir. Je suis impatient de pénétrer dans ce lieu, de plonger dans cette ambiance, de me laisser transporter par cette soirée qui s’annonce tout aussi agréable que la journée que je viens de vivre. Si seulement mon bobrun arrêtait de faire la gueule !

    Le grand espace est dominé par une grande cheminée dans laquelle crépite un beau feu qui fait chaud au corps et au cœur. C’est fou comment un simple feu de cheminée peut donner une profonde impression de bien-être et de bonheur. C’est le cas pour moi. D’autant plus que le crépitement et l’odeur du bois qui brûle me rappellent les sensations découvertes dans la petite maison de Jérém. Des sensations que j’associe désormais au bonheur le plus absolu.

    La grande pièce doit faire une hauteur d’au moins 4 mètres, et elle est surmontée par un plafond en bois soutenu par des vieilles poutres apparentes. Un beau lustre rustique, constitué d’une ancienne roue de charrette sur laquelle ont été installées des ampoules, y est suspendu par de nombreuses chaînes. Les murs interminables sont peints à la chaux et présentent de nombreuses traces d’infiltration d’eau par le toit. Sur ma gauche, une petite fenêtre et une grande porte fenêtre, l’une comme l’autre fermées. Sur ma droite, un escalier en bois plutôt raide conduit certainement au grenier.

    Une immense table, entourée de longs bancs pouvant accueillir plusieurs dizaines de convives, trône au milieu du grand espace. C’est une table en bois massif, tout comme les bancs, comme on n’en voit qu’à la montagne.

    Le salle est sommairement meublée, avec des pièces (canapés, crédence, commode, étagères) qui n’ont pas grand-chose à voir les unes avec les autres, s’agissant certainement de meubles de récupération. Et pourtant, l’ensemble dégage quelque chose de « cohérent », car chaleureux, accueillant, douillet.

    La plupart des cavaliers sont déjà là, assis à la grande table centrale ou en train de discuter et de se réchauffer devant la cheminée. Et lorsqu’ils nous voient arriver, ils nous accueillent tout autant affectueusement que bruyamment.

    « Tiens, le voilà le toulousain ! » lance le jovial Daniel.

    « Il va être parisien, bientôt » relance JP.

    « Mais il sera toujours toulousain, j’espère, dans son cœur » fait Martine.

    « Alors, comment va le futur gagnant du Brennus ? » se corrige Daniel.

    « Ça va, ça va » lâche mon bobrun sur le bout des lèvres.

    Définitivement, Jérém n’est pas dans son assiette. Et ça me fait mal au cœur. Comment va se passer cette soirée s’il continue de tirer cette tête ?

    « Bien sûr qu’il va bien, quand on est foutu comme il est foutu, on ne peut aller que bien » lance Satine, avant de conclure « si seulement j’avais 20 ans de moins ».

    « Si t’avais 20 ans de moins, il ne voudrait pas de toi quand même » fait Daniel.

    « Et pourquoi donc ? ».

    « Parce que t’es trop casse couilles ! ».

    « Mais ta gueule ! ».

    « Mais tu voudrais de moi, si j’avais 20 ans de moins, hein ? » fait Martine, taquine « remarque, on s’en fiche des 20 ans de trop, je crois que je viens de me découvrir une vocation de cougar ».

    « Mais arrêtez un peu de l’emmerder » tranche JP « vous êtes toutes largement périmées pour un mec qui est né quand vous aviez déjà des gosses au collège ».

    « T’es qu’un rabat-joie, laisse-nous rêver un peu ! » se rebelle Satine.

    « Ça faisait un moment qu’on ne l’avait pas vu, il faut bien qu’on le taquine un peu » fait Martine à son tour « il n’est pas venu nous voir souvent, dernièrement ».

    « C’est qu’il avait un tournoi à gagner, le petit » explique Daniel.

    « Allez, ne leur prête pas attention, elles sont folles » fait JP « ça doit être à cause de la Lune. Jérémie, viens boire un verre entre mecs. Tu bois quoi ? ».

    « Un whisky ».

    « Monsieur est servi » fait Daniel, le gardien de la boisson et de la bonne humeur, en tendant un verre à moitié rempli à mon bobrun. Ça commence fort.

    « Et toi, tu bois quoi, Nico ? ».

    Mais avant que j’aie le temps de lui répondre, il précise :

    « Je suis désolé, je n’ai que de l’alcool », tout en feignant une fausse désolation, et en cachant maladroitement une bouteille rouge et blanche derrière son dos.

    « N’importe quoi, mais sans alcool » je finis par lui répondre.

    « Je n’ai rien de tel ».

    « Il ment » fait Martine.

    « T’es sûr que tu ne veux pas essayer un vrai apéro ? Une bière ? ».

    « Si elle est blanche ».

    « Je n’ai pas de blanche. Moi je préfère les blondes, ou les brunes, ou les rousses » semble vouloir m’expliquer Daniel, avant de déraper sur l’humour grivois « quand elles sont blanches, c’est perimé pour moi ».

    « Dans ce cas, la bouteille que tu caches derrière ton dos, ça me va très bien ».

    « Aaaah, ça ? Tu bois du pipi de chat ? ».

    « C’est ça ».

    Après avoir joué les clowns, Daniel me sert enfin de la boisson à bulles, l’air dépité.

    Je trinque avec Daniel (qui fait la grimace, puisque « on ne trinque pas avec du pipi de chat »), avec Jérém (qui fait toujours la gueule), et avec tous les cavaliers et cavalières à proximité (qui semblent tous ravis d’être là).

    « Allez, si je m’activais, moi » fait Martine « la fondue ne va pas se faire toute seule ».

    « Je vais venir t’aider » fait Ginette.

    « Moi aussi » se proposent à tour de rôle Carla et Satine.

    « Perso, je suis vraiment fier pour ton recrutement, je le savais que tu étais destiné à accomplir de grandes choses » fait JP.

    « Merci, j’espère que ça va bien se passer » fait Jérém, touché.

    « Pour l’instant, je vais essayer de jouer du mieux que je peux, et ce sera déjà énorme » le douche mon Jérém. Yes !

    « Tu sais déjà quand tu vas partir ? » se renseigne Daniel.

    « Je ne sais pas encore, j’attends un coup de fil d’un jour à l’autre ».

    Je suis heureux pour mon Jérém. Ce recrutement est une occasion en or pour lui. Je suis certain qu’il va faire des étincelles. Pourtant, l’idée de ce coup de fil qui doit arriver « d’un jour à l’autre » me donne envie de pleurer, car cela sonnera inexorablement la fin de ce moment parfait.

    Après ce coup de fil, des centaines de kilomètres nous sépareront. Comment va tenir cette relation, comme va-t-elle résister à la distance, au temps, aux tentations parisiennes ?

    L’idée de ce coup de fil me rend triste, mais je m’efforce de ne rien montrer, j’essaie de profiter de l’instant, de cette soirée, de ces gens qui me font rire et qui nous entourent de bienveillance et d’amitié. Mais cela serait plus aisé si Jérém arrêtait de tirer une gueule pas possible. D’ailleurs, un instant plus tard, il a quitté la conversation pour s’en aller fumer, seul, à côté de la grande cheminée, tout en sirotant son whisky, le regard ailleurs, la tête ailleurs. Heureusement qu’il avait dit qu’on devait faire comme si de rien n’était, et nous amuser. Ça semble mal parti de son côté,

    Et merde, il a fallu qu’on se fasse gauler par Charlène. Déjà qu’il y avait eu la remarque de Loïc sur le débardeur passé à l’envers après notre petite escapade sexuelle dans la nature, maintenant, cet « accident » en plus, ça risque de faire beaucoup.

    Détail qui a son importance, depuis que nous avons débarqué au relais, Jérém n’a adressé ni un seul mot, ni un seul regard, à Charlène. Jérém a mis de la distance entre Charlène et lui, une distance qui est également physique, puisqu’il se tient éloigné d’elle, alors qu’ils étaient si complices, et souvent physiquement proches, jusque-là.

    Charlène, quant à elle, discute et rigole tour à tour avec les uns et les autre comme si de rien n’était. Elle n’a pas l’air perturbée pour un sou. Son rire franc et tonitruant résonne dans le grand espace et jaillit par moment par-dessus toutes les conversations.

    « T’as l’air soucieux, Jérémie » fait l’adorable Ginette.

    « Non, ça va. Je suis juste un peu fatigué ».

    « C’est vrai, tu n’as pas l’air bien » enchérit Satine.

    « Ça va, Nico ? ».

    La voix de Charlène très proche de mon oreille me surprend. Je ne l’ai pas vue s’approcher.

    « Oui ».

    « En tout cas, ton pote n’a pas l’air d’aller bien ».

    « Je ne sais pas pourquoi il réagit comme ça ».

    « Tu crois que c’est à cause de, tout à l’heure ? ».

    « Je pense, oui ».

    « Bouge pas, je vais arranger ça » fait Charlène sur un ton tranché.

    « Il y a quelque chose qui te tracasse ? » j’entends Satine insister auprès de mon bobrun.

    « Tout va bien » fait Jérém sur un ton agacé.

    « On ne dirait pas ».

    « Tu veux pas changer de disque ? » lâche le bogoss avec un ton d’humour qui n’en est pas vraiment un.

    « C’est à cause de l’entorse d’Unico ? » fait Martine en se joignant au cœur de nanas curieuses.

    « Oui, oui » fait Jérém sur un ton expéditif « on verra ça demain ».

    « Tu vas appeler un veto ? » fait Ginette.

    « Je ne sais pas, je ne pense pas » fait Jérém, fuyant, franchement agacé.

    « Il faut pas s’inquiéter, parfois ce n’est rien du tout » tente de le rassurer Martine.

    « Mais ça peut être grave aussi » s’invite Charlène « et si on ne le soigne pas de suite, ça peut avoir des graves séquelles ».

    « C’est vrai, ça. Je me souviens que mon Gringo ».

    « Allez, assez palabré » tranche net Charlène, sans prêter la moindre attention à l’histoire que Satine s’apprête à raconter « Jérémie, Nico, venez avec moi, on va voir Unico ».

    « On verra ça demain » tente de se dérober Jérém.

    « Une entorse, c’est pernicieux. Plus on s’occupe vite, plus on évite les complications ».

    Soudain, j’ai l’impression de capter dans les mots de Charlène comme une subtile allusion, un parallèle entre l’entorse à soigner rapidement et son désir bienveillant de mettre tout aussi rapidement les choses au point avec Jérém.

    « Pas maintenant ».

    « Maintenant, tout de suite, petit con ! » fait elle en levant la voix, en accompagnant son injonction par un sourire sonore.

    Jérém renonce à la ramener et emboîte le pas à Charlène qui se dirige tout droit vers la sortie du relais. J’emboîte à mon tour le pas à mon bobrun.

    « Il fait pas chaud » commente Charlène une fois dehors, en relevant le col roulé de son vieux pull.

    Ni Jérém ni moi ne trouvons rien à ajouter. Elle fixe une petite torche sur son front à l’aide d’un élastique qui fait le tour de sa tête. Lorsqu’elle l’allume, on dirait qu’elle a un troisième œil. Ou un seul œil. Comme un cyclope. Comme un Illuminati.

    Guidés par le faisceau lumineux, nous descendons au pré. Enfin, à vrai dire, nous ne faisons que nous nous éloigner du relais. Lorsque nous sommes à bonne distance, Charlène ne prend pas de détours et va droit au but.

    « Allez, raconte, Jérémie ».

    « Tu veux que je te raconte quoi ? ».

    « Je voudrais savoir pourquoi tu fais la gueule ! ».

    « Je fais pas la gueule ! ».

    « Si tu fais la gueule ! ».

    « Je te dis que non ».

    « Si, tu fais la gueule » je me surprends à considérer à haute voix.

    « Tu vois, il n’y a pas que moi qui l’ai vu ».

    « Je ne sais pas quoi vous dire ».

    « Allez, fais pas chier, on n’a pas le temps. Ecoute-moi, petit con. Tu crois que ce que ce que j’ai vu tout à l’heure m’a choquée ? ».

    « Je ne sais pas ».

    « Pffff !!! Tu me gonfles ! Alors, rassure-toi, ça ne m’a pas choqué du tout. C’est vrai que sur le coup j’ai été surprise, mais ça c’est pas du tout le genre de truc qui me tracasse ! ».

    « T’es pas déçue ? ».

    « Et pourquoi, déçue ? ».

    « Je ne sais pas ».

    « Si dois être déçue pour quelque chose, c’est que tu réagisses de cette façon, que tu puisses penser que ça puisse me poser de problème d’accepter ce que tu es, et ce qui te rend heureux ».

    Jérém se tait, sort son paquet de cigarettes pour en saisir une. Charlène lui en empêche.

    « Tu sais, il n’y a aucun mal à ça. La seule chose importante c’est que tu sois heureux. Du moment que tu es heureux, je suis heureuse pour toi. Parce que le plus important, dans la vie, c’est d’essayer d’être heureux. Qu’importe si on est heureux avec un mec ou avec une nana, tant qu’on l’est. La vie est trop courte pour perdre du temps à s’empêcher d’aimer avec des prétextes aussi foireux que la peur des « qu’on dira-t-on ». Une dernière chose. Le fait que tu sois avec un gars ça ne change rien, tu m’entends, rien de chez rien pour moi. Tu as toujours été comme un fils pour moi, et ça ne changera pas. Jamais. Je t’aime et je t’aimerai toujours. Et j’aimerai celui qui te rendra heureux. Alors, j’aime Nico aussi ».

    J’ai l’impression que Jérém est en train de pleurer. Je suis au bord des larmes.

    « Viens là, petit con » fait Charlène, visiblement émue elle aussi, en prenant dans ses bras le jeune étalon redevenu poulain. Leur étreinte dure plusieurs secondes.

    « Nico a l’air d’un bon gars » fait-elle, en m’attrapant la main et en la serrant dans la sienne. Ce contact me fait un bien fou. Je pleure.

    « En plus, vous avez l’air heureux ensemble. Mais de quoi t’as peur, Jérémie ? ».

    « Les pd, tout les monde leur crache à la gueule ».

    « Ce « tout le monde » dont tu parles, on s’en fout, ce ne sont que des cons. Mais tu sais comme moi qu’il y a bien des gens, des gens bien, et en particulier ici à l’ABCR, qui ne sont pas ce « tout le monde ». Regarde, il n’y a jamais eu aucun problème avec Loïc et Sylvain ».

    « La vie, ce n’est pas que l’ABCR ».

    « Certes, mais une chose est certaine, si tu veux du respect de la part des autres, il faut déjà que tu en aies pour toi et pour ce que tu es ».

    « Désolé que tu l’aies appris ça de cette façon, j’aurais dû t’en parler ».

    « Mais tu l’as fait, Jérémie »

    « Et quand ? ».

    « Hier, avant-hier. Je pense que si tu m’as présenté Nico c’est aussi pour me faire comprendre ce que tu n’osais pas me dire avec des mots. Je me trompe ? ».

    « Je ne sais pas ».

    « Ça se voit que tu es bien avec Nico. Alors, ce que j’ai vu tout à l’heure ne m’a surprise qu’à moitié ».

    « T’avais compris ? ».

    « Je crois que j’ai compris la première fois que vous êtes venus me voir tous les deux ».

    « Pourquoi, on fait pd ? ».

    « Arrête de dire pd, c’est tellement moche. Mais non, pas du tout. C’est à cause de vos regards. Les regards de deux êtres qui s’aiment ne trompent pas. Ah oui, et aussi, tout à l’heure, quand vous êtes revenus après la sieste au bivouac. J’ai bien vu que vous veniez de faire plus qu’admirer le paysage ».

    Jérém rigole pour la première fois depuis l’« accident ». Et ça me met du baume au cœur.

    Pendant que nous remontons vers le relais, Jérém et Charlène parlent des chevaux, de la balade, ils se taquinent. Ils semblent avoir retrouvé leur complicité. Je suis heureux.

    « Vous êtes tellement beaux tous les deux !  Je suis presque jalouse de ce que vous avez, de votre bonheur » fait Charlène à mi-voix en arrivant devant la porte du relais « ne gâchez pas ça, le bonheur ne se laisse pas attraper souvent dans une vie ».

    « Et t’inquiète, ça restera notre petit secret tant que tu le voudras » précise Charlène juste avant d’ouvrir la porte de la grande salle, alors que le bruit indistinct et atténué des conversations vives de l’intérieur fait vibrer tout mon corps d’impatience et d’excitation. C’est un peu comme lorsqu’on attend avant d’entrer dans une boîte de nuit, alors que les basses de la musique qui s’échappent de la salle font vibrer le sol sous les pieds de ceux qui sont encore au vestiaire.

    « Merci Charlène » fait simplement mon bobrun. On dirait un gosse qui vient d’apprendre qu’il ne sera pas grondé malgré la bêtise qu’il vient de faire. Il est tellement touchant.

    « Alors, cette entorse ? » questionne Martine.

    « Ça a l’air d’aller mieux, beaucoup mieux » fait Jérém.

    « Parfois, il suffit de regarder les choses d’un peu plus près pour se rendre compte qu’il n’y a pas de problème. Jérémie s’inquiétait pour rien, pour rien du tout » précise Charlène.

    J’adore le regard complice que ces deux-là s’échangent à cet instant. Jérém a l’air à nouveau bien dans ses baskets. Il a l’air soulagé. Il sourit. Qu’est-ce que ça me fait plaisir de le voir comme ça !

    A partir de cet instant, la soirée peut vraiment commencer. Jérém est dans la place, et moi avec lui. A partir de cet instant, je me laisse emporter par le cyclone de la bonne humeur ambiante, par les répliques tour à tour cinglantes, fracassantes, parfois déroutantes, qui fusent de partout.

    Martine, Satine, Daniel, Arielle, JP, Carine, Charlène, Nadine, Carla, Daniel, Lola, Marie-Line, Bertrand, Loïc, Sylvain, chacun semble avoir son rôle à jouer dans ce scénario de folie.

    Tout le monde rigole, charrie, balance. Même l’adorable Ginette, l’aînée de la bande, s’emploie à utiliser des mots et des expressions qui de premier abord étonnent dans la bouche d’une dame de son âge, à l’air si respectable. Ainsi, elle a parfois des sorties très drôles. Malgré ses nombreux printemps, Ginette a l’air d’être quelqu’un qui a su garder le cœur et l’esprit très jeunes.

    Oui, les grandes gueules ne manquent pas à l’ABCR. Et force est de constater que Jérém se fond parfaitement dans ce décor. Il répond aux piques, drôles, parfois « frontales ». Il rigole, il a de la répartie, il est drôle, il est beau à tomber. Crever l’abcès avec Charlène lui a fait un bien fou. C’est comme s’il avait été libéré d’un poids immense. En fait c’est ça dont mon bobrun a besoin. De se sentir accepté, aimé pour ce qu’il est. Il a besoin qu’on lui dise qu’il n’a pas à avoir peur, qu’il n’a pas à avoir honte. Et Charlène est la bonne personne pour le faire sentir bien.

    Les discussions, ponctuées de blagues en tout genre, de franches rigolades et de ces fous rires incontrôlables dont Nadine a le secret, vont bon train. Dans le relais, il y a une ambiance de fou !

    Les délires des nanas sont parfois ponctués par une réplique de JP qui apporte de la sagesse, du consensus, de la réflexion, une bonne tranche de rigolade.

    Je ne connais ces gens que depuis quelques heures et pourtant je ne me suis jamais senti aussi bien dans un groupe auparavant. Je sens de la bienveillance autour de moi, je sens de l’amitié.

    A plusieurs reprises, on vient me parler, on me charrie, moi aussi j’ai droit à ma part de piques. Je me sens intégré de cette façon, par la déconne, par la bonne humeur, par la rigolade franche et réjouissante. JP raconte ma chute, et dans ses mots je me sens apprécié, valorisé. Ça fait un bien fou. J’ai envie de connaître ces gens, j’ai envie qu’ils fassent partie de ma vie, durablement. Je n’ai pas envie de repartir, de les quitter, j’ai envie de ne plus jamais repartir de ce village, de ce relais, de cette soirée.

    Je respire à pleins poumons cette chaleur, cette convivialité, cette bonne humeur, ce sentiment pour moi inédit de faire partie d’une sorte de grande famille.

    Les conversations s’enchaînent sans répit, elles se chevauchent, se croisent, se mélangent. J’écoute plus que je ne cause, car les conversations, lorsqu’elles ne sont que pure déconne, tournent le plus souvent autour de cette passion qui réunit toutes ces fortes personnalités dans ce relais, dans ce foyer « transfamilial ». J’écoute avec intérêt ces conversations, ponctuées de mots que je découvre, par un jargon qui esquisse dans ma tête un monde (presque) inconnu.

    « On dirait que ça va mieux » me glisse Charlène discrètement.

    « On dirait, oui. Et c’est grâce à toi. Merci pour cette petite explication, merci d’avoir pris les devants ».

    « Parfois il faut prendre le taureau par les cornes ».

    « C’est bien vrai ça ».

    « Je porte un toast pour Nico qui a fait toute la balade sans avoir jamais monté auparavant, et qui est remonté sur Tequila de suite après être tombé » lance JP sur un ton enjoué.

    Tout le monde trinque à mon exploit.

    « Il est tombé ? » feint de s’étonner Daniel, tout en entonnant le fameux refrain « il est des nooootres !!!! ».

    « Mais toujours pas pour la boisson » il se corrige.

    « Au fait, il va bien ton pote Thibault ? » demande JP.

    « Bien, bien ».

    « Il doit être content de son recrutement au Stade Toulousain ».

    « Oui, oui, je crois, en fait, je n’ai pas trop de nouvelles, on se voit moins ».

    « Ah bon ? C’est dommage. Ce gars est vraiment quelqu’un de bien. Un mec de cet âge, avec cette maturité, ces valeurs, c’est incroyable. Vous n’êtes pas fâchés quand même ? ».

    « Non, enfin, bref » tente de se dépatouiller Jérém.

    « Je parie que c’est à cause d’une gonzesse » lance Daniel « il ne faut jamais laisser les gonzesses gâcher l’amitié entre potes ».

    « Allez, on mange, chaud devant ! » lance Martine avec sa voix puissante et enjouée, en déboulant de la cuisine avec un caquelon qui a l’air bien lourd et bien chaud. L’irruption de Martine donne l’occasion a Jérém de se sortir de ce pétrin.

    Satine et Ginette disposent sur la table deux autres caquelons fumants.

    Enfin le repas va commencer. Il était temps que ça arrive, il commençait à faire faim. Je ne bois pas, je déteste les apéros qui s’éternisent, surtout quand je commence à avoir de l’appétit.

    Je m’installe en bout de table, à un mètre de la cheminée. Mon bobrun s’installe à côté de moi, Martine et Satine juste en face. Je sens qu’on va bien rigoler.

    Le feu dans la cheminée chauffe mon corps et l’ambiance conviviale du repas chauffe mon cœur. Et la présence de mon Jérém, sa proximité physique, nos regards, mais aussi notre complicité retrouvée, me rendent heureux comme jamais.

    Les quiches et les salades s’entrechoquent sur la table. Chacun a apporté de la nourriture.

    Martine allume les réchauds positionnés sous chaque caquelon. La bonne odeur de la fondue commence à chatouiller agréablement les narines. Ensuite, elle annonce qu’il faut goûter pour voir si les papilles vont être titillées aussi favorablement que l’odorat.

    Nadine s’y lance. A en juger par son regard ravi, l’essai est concluant. Très vite, tout le monde suit son exemple. La bataille des caquelons vient de commencer. C’est dorénavant chacun pour soi, fourchette spéciale à la main, pour tremper, sans le laisser tomber, son morceau de pain dans le mélange onctueux.

    Vraiment, c’est super bon la fondue ! Les niveaux descendent à vue d’œil dans les caquelons. Les joues rougissent, les voix portent plus haut, les rires fusent, les verres se remplissent, les bouteilles se vident. Et la joie d’être ensemble est bien là. Dans les cabas, chacun a amené non seulement de la nourriture, mais aussi sa bonne humeur. Et pour certains, c’est le cas de Daniel, quelques blagues qu’il développe sans retenue, bien aidé de JP, pendant la première partie du repas.

    « Comment on appelle un chien sans pattes ? On ne l’appelle pas, on va le chercher ! ».

    « C’est l’histoire d’un aveugle qui rentre dans un bar, et dans une chaise, et dans une table, et dans un mur ».

    « Deux œufs discutent ensemble. Le premier dit à l’autre : « Pourquoi t’as des poils et tu es marron ? ». « C’est parce que moi je suis un kiwi, connard ! ».

    Entre deux bouchées de fondue, Martine demande à Jérém et moi de lui raconter notre balade. Et dans ses mots, dans sa façon de raconter mon petit exploit, je ressens quelque chose qui ressemble à de la fierté. Dans son regard, je me sens apprécié, je me sens « important », comme il l’est depuis longtemps dans le mien. Fini le mépris des premières révisions. Désormais je me sens bien dans son regard. Qu’est-ce que j’aime, ce nouveau Jérém !

    Martine propose de respecter jusqu’au bout la tradition de la fondue en cassant des œufs dans les caquelons pour épaissir ce qui reste du fromage et racler le fond. Elle se saisit de l’un des caquelons, elle vide le fond des deux autres dedans et s’en va chercher les œufs. Elle en casse quatre, les brouille dans ce qui reste de fromage, jette deux poignées de pain dedans, tout en continuant à mélanger. Tout le monde suit avec attention et curiosité son drôle de manège. Il y en qui se déclarent sceptiques.

    « T’es sure que ça va être bon ? » demande Satine.

    « Allez, laissez-moi bosser » fait Martine « dois-je vous rappeler que je suis savoyarde ? Vous n’allez pas m’apprendre à faire une fondue ! ».

    Peu à peu, l’odeur du mélange gratiné vient chatouiller les narines des convives. Finalement ils sont de plus en plus nombreux à vouloir tester le « gloubiboulga », pour ne pas « mourir bête ».

    J’étais moi aussi silencieusement sceptique. Et pourtant, lorsque je goûte, je trouve ça plutôt pas mal, voire délicieux !

    Le dernier caquelon passe de main en main et il revient récuré jusqu’à l’émail. Nous sommes tous repus, le ventre bien tendu. La salade verte de Lola, la copine de Daniel, arrive pour rafraîchir cette fin de repas.

    A chaque fois que je regarde mon bobrun, je me peux m’empêcher de me dire que je le trouve sexy comme pas possible, et que, de plus, la façon dont ce maillot le met en valeur c’est un truc de fou. Apparemment, je ne suis pas le seul à me faire la remarque.

    « Il est beau ton maillot. Tu l’as eu comment ? » demande Martine.

    « C’est Nico qui me l’a ramené de, Londres » fait Jérém sans réfléchir. Je sens dans sa petite hésitation avant de prononcer « Londres », qu’il regrette déjà d’avoir répondu aussi franchement.

    « Il te va très bien » commente Sylvain.

    Lui, il ne parle pas beaucoup, mais à chaque fois qu’il l’ouvre, j’ai envie de lui en mettre une. Ça va tomber, ça va tomber !

    « Un mec foutu comme lui, même un sac lui irait comme un gant » fait Satine.

    « C’est vrai, oui » insiste Sylvain.

    Rien que sa voix m’indispose.

    « En tout cas, ton camarade ne s’est pas foutu de toi » fait Daniel, avant d’enchaîner « Minou, il me faut le même ».

    « Mais chéri, avec ton bidon, tu ne vas pas le porter pareil, du tout, du tout ».

    « Tu crois ? ».

    « Je ne le crois pas, j’en suis sure ! ».

    Tout le monde rigole.

    « Bientôt nous pourrons acheter un maillot « Tommasi » » fait JP.

    « Moi je veux te dire un truc, Jérémie » fait Daniel.

    « Qu’est-ce que tu vas encore sortir comme bêtises, toi ? » demande Lola, sur un ton faussement agacé.

    « Je suis sérieux ».

    « T’en es capable ? ».

    « Je vais essayer. Ce que je veux te dire, Jérémie, c’est de faire attention à toi quand tu seras à Paris ».

    « Pourquoi, t’as peur qu’il se fasse violer ? » fait Satine.

    « Mais tu veux bien la fermer ? » lance Daniel du tac-au-tac.

    « Ce que je veux te dire, Jérémie, c’est que le rugby c’est un très beau sport. Je sais que ça ne se voit pas, mais j’ai joué au rugby dans ma jeunesse, jusqu’à ce qu’on appelle maintenant la pro D2. Depuis que j’ai arrêté, j’entraîne des jeunes, tous les ans. Et j’ai vu comment ce sport a évolué au fil du temps.

    Ce que je veux te dire, c’est que le rugby n’est plus ce qu’il était il y a 30 ans. Il a bien changé, surtout depuis la professionnalisation il y a quelques années, depuis que l’oseille est rentrée dans les clubs. L’oseille, ça gâche tout ».

    « C’est vrai, avant on jouait pour s’amuser, aujourd’hui on doit jouer pour gagner. Il y a une pression sur les clubs et sur les joueurs qui n’existait pas avant » abonde le sage JP.

    « Ce que je remarque » continue Daniel « c’est que le rugby est de plus en plus violent, et qu’il arrive de plus en plus d’accidents graves, notamment à cause de plaquages brutaux. Fractures, dégâts aux cervicales, à la colonne vertébrale, la liste est longue et franchement pas jolie. Quand on suit le rugby de près comme je le fais, on voit que les gabarits s’épaississent et que la puissance des coups est de plus en plus violente. Les gars sont HS de plus en plus jeunes. Certains sont obligés d’arrêter prématurément leur carrière parce qu’ils boitent, ou parce qu’ils ont le dos en compote, d’autres parce qu’ils ne supportent plus la pression, et qu’ils pètent un plomb.

    Ce que je veux te dire, Jérémie, c’est qu’aujourd’hui tu es jeune et tu peux être tenté de te donner à 200% pour faire décoller ta carrière. Mais il ne faut pas. Limite-toi à te donner à 100% et, surtout, fais travailler autant le mental que le physique. Rappelle-toi que la tactique est plus importante que la puissance. Fais attention aux coups. Tu dois vivre ton rêve, car je suis certain que tu vas faire des merveilles. Mais si tu ne te ménages pas, le rêve va vite se transformer en cauchemar. Fais attention à ne pas t’abîmer trop tôt. Tu as un seul corps, un seul mental, une seule jeunesse : une fois que tu les as niqués, ils sont perdus à tout jamais ».

    « Tu veux bien arrêter de lui saper le moral ? » s’insurge Nadine.

    « Je ne veux pas lui saper le moral, pas du tout, je veux juste qu’il sache à quoi s’en tenir, au-delà du rêve qu’on va lui vendre à Paris. Parce que c’est un rêve sans mode d’emploi. En très peu de temps, tu vas avoir de l’argent, de la notoriété, tu vas goûter à la belle vie, voitures de luxe, boîtes de luxe, put, enfin, poules de luxe. Il faut bien sûr profiter de tout ça, mais en gardant à l’esprit que tout cela ne dure qu’un temps. Il ne faut pas que ça te monte à la tête, il ne faut pas que ça te perde. Et, aussi, il ne faut jamais oublier que tout ce bling bling a un prix ».

    « C’est quoi le prix ? » fait Jérém, intrigué.

    « On va te marteler H24 et 7 sur 7 que tu dois être fort, de plus en plus fort, que tu dois être technique, tactique, physique et que ça te rendra riche et connu. Mais il est où l’humain là-dedans, bordel ? Il est où le plaisir de jouer avec tes potes ? On fait de toi une machine en te faisant croire qu’il faut donner toujours plus ! Tu vas courir après toi-même, après l’argent, après la gloire, et tu te rendras compte un peu tard que toutes tes illusions ne sont que du vent. Parce que quand ça s’arrête, y a plus personne. Alors, entre deux matches et entre deux cuites, fais des études, mets de l’argent de côté, élabore un plan B pour quand cela s’arrêtera. N’attends pas.

    Une carrière sportive à haut niveau nécessite une implication totale. C’est un boulot, un vrai. Dur et éprouvant, autant mentalement que physiquement. Ne t’épuise pas à vouloir prouver à tout le monde que tu es toujours au top du top. Ce n’est pas humain. Ecoute ton corps et accepte ses faiblesses. Si un jour il dit STOP, il faut le respecter. Et plutôt que de rêver à être le plus riche et le plus connu, garde toujours à l’esprit que tu n’es rien sans les autres ».

    « Ceci étant dit, on attend tous avec impatience de voir tes fesses sur le calendrier de l’année prochain » fait Nadine. Une note marrante, bienvenue pour détendre l’ambiance un peu plombée par les mots de Daniel.

    « Pfffff, les nénettes ! Tout ce qui les intéresse au rugby, c’est de voir des mecs à poil » commente Daniel.

    « Il n’y a pas que les nénettes que ça intéresse » fait Sylvain.

    Je crois bien que celui-là cherche des baffes. S’il continue sur ce ton, il ne va pas tarder à en trouver.

    La bienveillance de Daniel à l’égard de Jérém me touche profondément. Je sais qu’il a parlé pour le bien de Jérém, pour le mettre en garde. Et je lui en suis profondément reconnaissant. Ce qui n’empêche pas que sa tirade fait ressurgir en moi des inquiétudes que j’essaie de maîtriser tant bien que mal depuis que j’ai appris pour son recrutement parisien. Et, aussi, de m’alerter sur d’autres sujets d’inquiétude auxquels je n’avais pas encore pensé et qui m’arrivent à la figure comme autant de gifles.

    Que Jérém va être exposé aux tentations de la grande ville, soirées, rencontres, ça je l’avais anticipé. Ce que je n’avais pas anticipé c’est que l’argent et la notoriété puissent changer mon bobrun. Et, encore moins, que le rugby puisse être un sport à ce point dangereux.

    Heureusement, très vite la soirée repart sur un ton beaucoup plus léger, et je suis vite enveloppé à nouveau par la bonne humeur. Les desserts arrivent. Crumble, tarte, salades de fruits, le flan de Carine.

    « Allez, il est temps de passer aux choses sérieuses ! » lance Daniel à un moment.

    Et là, ni une ni deux, le bonhomme attrape la guitare appuyée au mur derrière lui et commence à gratter sur ses cordes. Lola s’active aussi, elle sort de son sac plusieurs classeurs avec de dizaines de textes de chansons.

    Daniel continue de gratter sur la guitare en alignant des notes au hasard. Puis, soudain, les accords s’harmonisent pour dessiner une mélodie, sur laquelle notre musicien aux cheveux d’argent va poser les couplets bien connus :

    Je m’baladais sur l’avenue le cœur ouvert à l’inconnu,

    Commentaires

    ZurilHoros

    12/06/2020 20:52

    Un chapitre qui pose des questions sur le coming out, l’acceptation de soi. 
     La panique qui saisit Jérém fait peine à voir et l’attitude de Nico est décevante. Ce n’est pas que ce qu’il dit soit dénué de sens, mais il reste centré sur ses envies sans comprendre se qui se passe dans la tête de son copain.  
    Après la nuit qu’ils viennent de connaitre, j’avais pourtant l’impression que Jérémie lui avait déjà offert plus que la perspective de vivre à deux dans un pavillon avec jardin. 
    La soirée qui suit est très bien décrite. Entre un Jérém perdu dans ses pensées, de plus en plus maussade quand il est harcelé par les blagues des convives, et un Nico qui panique de retrouver le Jérémie de la rue Colombette. Ambiance! 
    Parfois la vie offre la chance de côtoyer les bonnes personnes et Charlène n’a pas l’intention de laisser son poulain se perdre sans réagir. Elle prend les choses en mains et elle a le tact d’intégrer Nico dans sa démarche. Ses mots choisis, entre explication couillue et affection maternelle ont vite fait de dédramatiser la situation. C’était facile, Jérémie a juste peur du jugement et du rejet. Des lors que cette femme qu’il respecte, lui remet les idées en place, il n’y a pas de résistance de sa part. Le fait qu’il puisse dire « les PD ont leur crache dessus », montre qu’il a bien conscience d’en être un, mais il ne le vit pas comme une chance au contraire. 
    Il s’est construit avec une idée de ce que doit être un mec et pour qu’il puisse s’accepter, il faudra du temps. 
    C’est dommage que Nico ne l’intègre pas, pourtant il est intelligent. 
    Le reste de la soirée est nettement plus cool, sauf pour Nico qui se trouve une autre raison de se prendre la tête. On regarde son bomec.

    Commentaires

    baraban66

    02/08/2019 13:10

    super épisode que l’on attendait avec impatience …on maintenant il ne reste plus qu’à voir comment il va ,on l’espère, petit à petit s’accepter et accepter le regard des autres ..peut -être un coming-out « officiel » avant la fin de la soirée??   Vivement la suite …

    Yann

    02/08/2019 10:34

    Quel bonheur de voir comment Charlène a pris la situation en mains. J’en avait les larmes aux yeux. Moi aussi je craignait de retrouver le Jerem d’avant mais je me disais aussi que ça ne pouvait pas arriver. Le Jerem d’avant n’avait pas ouvert son cœur à  Nico comme il l’a fait ces deux derniers jours. En lui disant combien il tient à lui il s’est quelque part engagé vis à vis de Nico mais aussi de lui même. Reste le regard des autres qu’il appréhende, là il a du chemin à faire mais ce premier pas est encourageant pour la suite. Merci pour cet épisode qui m’a beaucoup ému. 

    gebl

    01/08/2019 23:33

    le bonheur  , l’Amour des gens . merci pour ces instants de vie simple et merveilleuse

    Virginie-aux-accents

    01/08/2019 08:26

    Quel soulagement de voir que Charlène a su désamorcer la situation! J’ai cru au retour du Jérémie, version « p’tit con, p’tit branleur » qui n’en a rien à faire de Nico.
    Cette belle soirée donne envie. Merci Fabien.
       Virginie