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LT0110 Le livre de Thibault – Des questionnements et des doutes.

Avertissement.

Faute de temps pour réécrire les passages, cet épisode de l’histoire de Thibault est racontée du point de vue de Nico (extraits des épisodes originaux de Jérém&Nico).

Seuls certains passages entre parenthèses carrées donnent les sentiments de Thibault.

Dimanche 23 décembre 2001.

Aujourd’hui, j’ai envie de revoir un pote. Je lui envoie un message le matin.

« Salut, ça va ? Tu as un moment pour prendre un verre ? ».

Bien sûr, j’ai toujours en tête les mots de sa copine Nathalie me demandant de couper le « laisser tranquille » pour ne pas raviver sa « bisexualité ». Mais Thibault est un pote, et j’ai envie d’avoir de ses nouvelles. J’ai envie de savoir comment il va, comment il récupère après ses blessures suite à la catastrophe d’AZF.

L’adorable pompier me rappelle aussitôt.

« Hey, Nico, tu es sur Toulouse ? ».

Le simple fait d’entendre sa voix me fait du bien. J’ai l’impression que l’ancien mécano est en bonne forme et ça me fait vraiment plaisir.

« Oui, depuis vendredi ».

« Bien sûr que j’ai un moment pour prendre un verre, tu peux même venir manger à la maison ce soir. On se fait une soirée pizza si tu veux ».

« Je ne veux pas m’incruster, je connais à peine ta copine ».

« Elle ne sera pas là, elle travaille à 20 heures ».

Voilà des mots capables de provoquer un grand soulagement en moi.

« D’accord, j’apporte les pizzas alors ».

A 20h30 je sonne à la porte de l’appart aux Minimes. Le battant s’ouvre aussitôt. Sourire solaire, regard bienveillant, charmant et touchant, Thibault apparaît dans l’embrasure de la porte. Il est toujours aussi beau. Il est habillé d’un pantalon en tissu molletonné, ainsi que d’un t-shirt gris. Un t-shirt qui me permet de constater que son corps a encore pris du muscle.

« Hey, Nico, ça me fait plaisir de te voir » fait le beau stadiste, tout en me prenant dans ses bras, et en me claquant la bise, l’air vraiment content de me voir. Le contact avec sa barbe de quelques jours est enivrant.

« Moi aussi je suis content de te voir ».

Ça me fait drôlement plaisir de le voir debout, bien portant, si loin du Thibault abattu sur son canapé, le genou bandé, lors de ma précédente visite, juste après la catastrophe d’AZF. J’en suis presque ému.

« Tu vas bien, Nico ? ».

« Je vais bien, merci » je réponds machinalement « Et toi ? ».

« Ça va beaucoup mieux, merci ».

« Je suis content de te voir en forme ».

« Merci, tu es gentil. Alors, raconte, comment se passent tes études à Bordeaux ? Tu t’es fait des potes là-bas ? ».

« Les études ça va, je vais bientôt avoir mes premiers partiels. Oui j’ai quelques amis, surtout des camarades de cours. J’ai aussi sympathisé avec mes voisins et propriétaires, un couple d’hommes âgés qui sont vraiment adorables avec moi ».

« C’est cool que tu trouves tes marques ».

« C’est vrai ».

« Alors, dis-moi » j’enchaîne « Tu as recommencé à jouer ? ».

« Pour l’instant, j’ai repris la musculation. Ça fait trois semaines. Et si tout va bien, je devrais reprendre les entraînements mi-janvier. Il me tarde ! ».

« Ça me soulage d’entendre ça. Finalement tu restes au rugby, alors ».

« Pour l’instant, oui. Je vais faire la saison, après j’aviserai ».

« Et les pompiers ? ».

« Je reste aussi, je ne peux pas renoncer à ça, bien que j’aurai moins de disponibilités pour les astreintes ».

« C’est tout à ton honneur. Définitivement, tu es un bon gars ».

« Au fait, tu as des nouvelles de Jé ? » il change de sujet.

« Vous n’avez pas repris contact ? » je le questionne à mon tour.

« Non, pas vraiment. J’imagine qu’il doit être très occupé, je n’ose pas trop le déranger ».

« Je n’ai pas de ses nouvelles depuis quelques semaines » je réponds enfin à sa question.

« Ah bon ? Vous ne vous voyez pas, vous ne vous appelez pas régulièrement ? ».

« Pas vraiment. Enfin… plus vraiment ».

« Ah… et qu’est-ce qui s’est passé ? ».

« Depuis qu’il est à Paris, Jérém a peur que son entourage découvre notre relation. Alors il ne veut pas que j’aille le voir. Il a même recommencé à coucher avec des nanas pour faire semblant ».

« Tu crois ? ».

« Je le sais parce que l’une d’entre elles s’est pointée à l’appart à Paris lui faire un sketch pendant que j’y étais en novembre ».

« Ah… ».

Il m’a dit qu’il tenait à moi, mais qu’il ne pouvait pas pour l’instant me proposer mieux que de faire chacun notre vie de notre côté et de se retrouver pendant les vacances ».

« Sur le coup, j’ai vu rouge. Mais j’ai fini par comprendre ses raisons, et que ça lui coûtait de me proposer ça. J’étais prêt à accepter ce mode de fonctionnement, mais à condition de le voir plus souvent. Je lui ai dit au téléphone. Et il m’a répondu qu’il avait besoin de temps. J’ai insisté et il a fini par me balancer qu’il voulait prendre une pause. C’était il y a presque trois semaines. Depuis, je n’ai pas de nouvelles ».

« Ah, mince ! Toujours le même mon pote Jé. Quand il se sent dos au mur, il envoie tout balader ».

« Après, je comprends ce qu’il doit ressentir » il continue « si son homosexualité s’ébruite, il court le risque de se faire marginaliser. Dans le monde du rugby, nous les joueurs nous sommes très populaires auprès de nos supporters. Nous partageons avec eux la même ville, les mêmes bars, les mêmes boîtes. Les rumeurs peuvent aller vite et détruire une carrière.

Jérém doit vivre tous les jours dans la peur d’être découvert et que tout s’effondre autour de lui, que son travail et son investissement dans le rugby lui filent entre les mains.

Il sait que s’il se fait rejeter personne ne viendra à son secours. Même pas son club. Si un gars se fait rejeter, si sa carrière est foutue à cause de ça, c’est pas un problème, ils en recruteront un autre. Les bureaux des dirigeants des clubs sont remplis de CV de joueurs avec du potentiel ».

« Sinon, comment ça se passe son intégration dans l’équipe ? » il me questionne.

« Il a eu quelques difficultés, mais depuis quelques semaines ça semble bien démarrer ».

« Je peux me tromper, mais je ne pense pas que le rugby soit la seule raison de son comportement à ton égard ».

« Tu penses à quoi ? ».

« Jé a du mal à gérer ses sentiments. La dernière fois tu m’as parlé de vos retrouvailles à Campan, du fait qu’il était différent, que votre complicité avait pris une nouvelle dimension. Peut-être que sans le vouloir, tu lui as mis la pression, ou qu’il s’est mis la pression tout seul, et que ça lui a fait peur.

Je pense qu’il doit avoir aussi peur de te perdre que toi de le perdre. Jé a été marqué par la souffrance de l’abandon et il s’est construit autour de ça ».

« Tu parles de sa mère ? ».

« Oui, il ne s’est jamais remis du fait qu’elle ait refait sa vie loin de lui et de Maxime. Mais il y aussi souffert de la distance de son père qui a toujours été très dur avec lui, et qui a toujours pensé savoir de quel bonheur avait besoin son fils sans jamais lui avoir posé la question.

Mais il y a aussi autre chose. Jé ne s’attendait pas qu’un gars comme toi viendrait lui révéler sa vraie nature et bouleverse sa vie. Il n’était pas préparé à ça. Et ça ne fait que quelques mois que tu es vraiment rentré dans sa vie. Mais l’espoir d’une évolution est permis, comme le prouvent les pas de géant qu’il a déjà faits vers toi ».

« Il y a des moments où je me dis que cette pause est définitive, et que c’est fini entre nous ».

« Non, je ne le pense pas. Tôt ou tard tu vas lui manquer et il va revenir à la raison. Après, je comprends qu’une pause imposée avec de la détermination peut ressembler à une rupture. Mais tu commences à connaître l’oiseau, d’abord il envoie tout valser, après il réfléchit. Il fonctionne comme ça depuis toujours ».

« Sinon, ça se passe toujours bien avec Nathalie ? » je le questionne pendant que nous mangeons les pizzas.

« Je crois, oui ».

« Et pour votre bébé, tout avance bien ? ».

« Très bien, Nath a passé une écho la semaine dernière, tout est normal ».

« Dans trois mois mon enfant va arriver » il ajoute après quelques instants de silence « et plus ça approche, plus je me demande si je suis prêt à l’assumer ».

« Pourquoi tu dis ça ? ».

Thibault se tait, comme gêné de s’être trop avancé.

« Allez raconte, tu peux tout me dire, tu sais ? » je tente de le mettre à l’aise « De la même façon que moi je sais que je peux tout te dire ».

« Parfois… je pense à des trucs… ».

« Des trucs ? ».

« A des gars… des gars qui me font de l’effet. Et… je culpabilise… tu comprends, Nico ? Je vais avoir un gosse et je n’arrête pas de penser à ça… ».

« Oui, je comprends. Mais tu as déjà… ».

« Non, non ».

« Mais tu en as envie… ».

« Je ne sais pas. De toute façon, je ne veux pas faire des bêtises, je ne veux pas que cet enfant grandisse avec des parents séparés ».

« Tu l’aimes Nath ? ».

« Grande question ».

« Si tu ne réponds pas par un « oui » franc à cette question, c’est peut-être que tu ne l’aimes peut-être pas ».

Il est facile d’être clairvoyant lorsqu’il s’agit des histoires des autres.

« Et tu préfères que cet enfant grandisse avec des parents qui ne s’aiment pas plutôt qu’avec des parents séparés mais heureux parce qu’ils ont refait leur vie ? ».

« Je ne vois pas comment je pourrais refaire ma vie et être heureux ».

« Tu es attiré par les mecs, Thibault, tu ne peux pas te voiler la face ».

« Je ne me voile pas la face. Enfin, plus maintenant. Le fait d’avoir frôlé la mort il y a trois mois m’a obligé à me poser les bonnes questions. Je n’ai eu que ça à faire pendant des semaines.

Mais je suis dans la même situation que Jé. Si je veux mener une carrière dans le rugby, je ne peux pas me permettre d’être moi-même ».

« Tu crois que tu vas tenir le coup ? ».

« Je n’ai pas le choix. J’ai trop à perdre. De toute façon, tout ça est encore trop nouveau pour moi. Et puis, je vais être franc avec toi, je n’ai toujours pas arrêté de penser à Jé. Je sais qu’il n’y aura plus jamais rien entre nous, parce qu’il est amoureux de toi et que tu es amoureux de lui, et je respecte ça. Mais c’est dur à assumer. C’est pour ça que je n’arrive pas à l’appeler. J’ai besoin de prendre de la distance pour tourner la page. Jé doit le sentir, j’imagine que c’est pour ça qu’il respecte mon silence ».

« Mais assez parlé de moi » il coupe court pendant que nous nous déplaçons sur le clic clac devant la télé. « Comment tu comptes t’y prendre pour mettre fin à cette pause avec Jé ? ».

« Je ne sais pas trop. Et je ne sais même pas si je devrais essayer quoi que ce soit ».

« Qu’est ce qui se passe, Nico ? Je t’ai connu plus combattif que ça ».

« Je suis fatigué », je me dérobe, alors que j’ai de plus en plus de mal pas à contrôler les larmes qui se pressent à mes yeux. Je suis à deux doigts de lui parler de l’« accident ». Mais je prends sur moi. je me dis que Thibault a bien assez de soucis de son côté pour que je l’accable avec les miens.

Le jeune rugbyman m’attire contre lui. Je me retrouve demi allongé sur l’assise du clic-clac, installé entre ses cuisses, le dos collé contre son torse chaud, enlacé par ses bras.

« N’aie pas peur de revenir vers Jé, il comprendra, j’en suis sûr, car il tient trop à toi ».

Thibault sait trouver les mots pour me réconforter. Mais plus encore que ses mots, c’est sa présence, sa proximité, son amitié qui me font du bien.

Dans le silence, dans la pénombre, je n’entends que sa respiration, calme, apaisante. Je sens son souffle dans mon cou, les battements lents de son cœur. Nous restons ainsi, enlacés, pendant un long moment.  Et ça me fait un bien fou.

Il est presque minuit lorsque je décide de rentrer. Devant la porte d’entrée, nous nous regardons en silence pendant de longs instants, sans arriver à trouver la façon de nous quitter. Il y a tant de choses dans cet échange silencieux, peut-être plus que dans mille mots. Il y a de l’amitié, il y a de la tendresse, il y a de la complicité. Il y a, de ma part, une immense considération, une profonde estime, une affection infinie pour ce garçon si adorable.

Mais il y a également autre chose. Je crois que nos corps se souviennent du plaisir qu’ils se sont donnés pendant une nuit déjà lointaine.

Je sens que Thibault sait que, malgré mon amour pour Jérém, il me fait de l’effet. Et à cet instant précis, j’ai désormais la certitude que, comme je l’avais imaginé, ce gars dont Thibault m’avait parlé la dernière fois, et qui lui aussi lui fait de l’effet, c’est bien moi.

Ça fait du bien de se sentir désiré par un beau gars comme Thibault. Mais en même temps, ça me rend triste. Car je sais que je ne pourrai pas lui apporter l’amour qu’il mérite. Je suis toujours amoureux de Jérém, et je ne sais pas si je cesserai un jour de l’aimer.

 « Appelle-moi si ça ne va pas » finit par lâcher l’adorable stadiste.

« Toi aussi tu peux m’appeler, si tu as besoin de quoi que ce soit ».

« Merci d’être passé Nico. Tu es le seul à qui je peux parler ».

« Alors n’hésite pas ».

« Je tiens beaucoup à notre amitié » il ajoute.

« Moi aussi je tiens beaucoup à notre amitié. Tu es un gars génial ».

« Bon courage, Nico ».

« Bon courage à toi, Thibault. Et Joyeux Noël ».

« Joyeux Noël à toi aussi » fait l’ancien mécano en me serrant une dernière fois dans ses bras pleins d’affection. Une accolade et une affection que je lui rends avec émotion, car ce petit gars me touche vraiment beaucoup.

Je passe la porte et je repars seul avec mon fardeau, tout en laissant Thibault seul avec les siens. Dans cette vie, chacun a ses propres fardeaux à porter. Et en fin de compte, nous les portons toujours seuls.

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